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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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1. La protection par la sanction des atteintes portées aux droits fondamentaux

La capacité du Parlement à sanctionner les atteintes portées aux droits fondamentaux, rendue possible par ses prérogatives de contrôle de l'action gouvernementale et sa participation à la procédure législative, s'exerce aussi bien vis-à-vis du pouvoir exécutif (A) que du pouvoir législatif (B). Dans ces deux hypothèses, le rôle de l'opposition politique s'avère généralement décisif car cette dernière, soucieuse d'accéder au pouvoir, n'hésite pas à dénoncer tout agissement du gouvernement et de sa majorité parlementaire potentiellement attentatoires aux droits des individus. L'activité particulière de l'opposition politique dans la protection des droits fondamentaux en général et de la liberté de manifestation en particulier se justifie par le fait que la liberté de manifestation constitue, pour l'opposition politique congolaise en l'occurrence, le moyen privilégié d'expression de leur revendication470(*).

A. La protection par la sanction des politiques gouvernementales liberticides

Dès le XIXe siècle, John Stuart Mill soulignait : « Le véritable office d'une Assemblée représentative n'est pas de gouverner, elle y est radicalement impropre ; mais bien de surveiller et de contrôler le gouvernement, de mettre en lumière tous ses actes, d'en exiger l'exposé et la justification [...] »471(*). Or, cette fonction de contrôle de l'action gouvernementale, expressément prévue par les Constitutions congolaise, française, espagnole et béninoise472(*), peut avoir une influence décisive dans la sauvegarde des droits et libertés, notamment de la liberté de manifestation. Elle permet au Parlement d'évaluer les politiques publiques entreprises par le pouvoir exécutif afin de s'assurer que le gouvernement et son administration font une correcte application des lois de développement des droits fondamentaux et, surtout, n'y portent pas atteinte. En somme, « une analyse scientifique visant à [...] contrôler la bonne application des lois, la rapidité de mise en oeuvre du gouvernement, ainsi que les effets réels de la nouvelle législation»473(*).

En République Démocratique du Congo, comme en France et en Espagne, le gouvernement peut demander au parlement l'adoption d'une déclaration de politique générale.474(*) Celle-ci est un exposé de grandes orientations du programme de gouvernement, les principales réformes et mesures qu'il veut mettre en place. Le parlement a la faculté de rejeter la déclaration de politique générale (le programme du gouvernement) lorsqu'il comporte des aspects liberticides et infliger ainsi la sanction suprême au gouvernement.

Par ailleurs, dans l'hypothèse où une atteinte aux droits fondamentaux est constatée, le Parlement détient plusieurs moyens pour y mettre un terme. Le moyen le plus direct est la mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement par l'adoption d'une motion de censure. Toutefois, outre que ce mécanisme classique des régimes parlementaires est quasiment tombé en désuétude,475(*) sous l'influence notamment du phénomène majoritaire, le Parlement dispose de mécanismes incitatifs plus efficaces et plus redoutables.

Le relais médiatique des débats parlementaires, la publicité des auditions effectuées par les commissions d'enquête ou, encore, la publication des rapports remis par ces dernières, sont autant de moyens de pression conduisant généralement le gouvernement à mettre un terme à l'atteinte constatée. De surcroît, les techniques parlementaires d'information et d'investigation participent d'une dynamique de prévention des atteintes aux droits fondamentaux. Les organes exécutifs, se sachant surveillés par les parlementaires, cherchent effectivement à accomplir leurs responsabilités avec la plus grande diligence476(*). Le contrôle opéré par le Parlement s'inscrit ici en complémentarité de la garantie juridictionnelle dont les spécificités rendent la prévention des atteintes aux droits fondamentaux beaucoup plus délicate. Cette complémentarité se double d'une collaboration en matière de sanction des atteintes aux droits fondamentaux commises par le législateur.

B. La mise en échec des lois liberticides

Principalement deux moyens s'offrent au Parlement pour sanctionner une disposition législative portant atteinte aux droits fondamentaux. Tout d'abord, un moyen direct consistant à faire obstacle, au cours de la procédure législative, à un projet ou une proposition de loi considérée comme liberticide. Le Parlement, de sa propre initiative, rejette ou modifie en intégralité ou partiellement un texte contraire aux droits fondamentaux. En somme, ce procès fait au projet ou à la proposition de loi n'attend [...] pas la saisine du juge constitutionnel. En droit français, ce rejet peut intervenir à la suite d'une exception d'irrecevabilité soulevée avant la discussion des articles. Cette motion a pour « objet [...] de faire reconnaître que le texte est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles »477(*). Son adoption conduit au rejet pur et simple du texte, à charge pour le gouvernement de proposer un nouveau texte ou de l'abandonner478(*). Or, le recours à ce mécanisme a régulièrement pour finalité de dénoncer une atteinte aux droits fondamentaux.

Ensuite, un moyen indirect conduisant à saisir la Cour constitutionnelle d'une loi adoptée par le Parlement malgré l'existence de doutes quant à sa conformité à la Constitution. Le Parlement joue alors un rôle d'activation de l'organe de contrôle de la constitutionnalité des lois, expression d'une collaboration entre les institutions parlementaire et juridictionnelle dans le domaine des droits fondamentaux.

En Espagne, la saisine du Tribunal constitutionnel d'un recours a posteriori est ouverte à cinquante députés ou cinquante sénateurs,479(*) soit un septième de la chambre basse et un cinquième environ de la chambre haute. En France, depuis la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974, soixante députés ou soixante sénateurs480(*) sont habilités à saisir le Conseil constitutionnel dans le cadre de son contrôle abstrait a priori de la loi. En RDC, aux mêmes fins d'examen de la constitutionnalité, les lois peuvent être déférées à la Cour constitutionnelle, avant leur promulgation, par (...) le dixième des députés ou des sénateurs481(*). Plus souple et plus libéral, le système béninois reconnait à tout député le droit de saisir la Cour constitutionnelle en inconstitutionnalité des lois avant leur promulgation482(*). Or, ainsi ouverte à une minorité qualifiée de parlementaires ou à tout parlementaire, c'est-à-dire à l'opposition politique, la saisine de la juridiction constitutionnelle permet au Parlement de participer activement à la protection des droits fondamentaux contre l'action du législateur. Elle présente comme un ultime moyen pour les membres de l'opposition de mettre en échec une loi oppressive.483(*)

* 470 En janvier 2015, l'opposition politique parlementaire a essayé sans succès de barrer la route à la révision de la loi électorale dans l'hémicycle, avant d'appeler la rue à sa rescousse et finalement d'obtenir - avec l'aide de cette rue - l'extirpation de la disposition contestée.

* 471 STUART MILL (J.), Le gouvernement représentatif, trad. M. Dupont-White, 3ème éd, Paris, Guillaumin, 1877, p. 135.

* 472 Cette fonction est prévue par l'article 100 de la constitution congolaise, article 24 de la Constitution française, l'article 66-2 de Constitution espagnole et l'article 79 de la Constitution béninoise.

* 473 XAVIER (J.), Le renforcement du Parlement. Du Comité Balladur au projet Sarkozy, Mémoire de Master 2 droit public fondamental, Pau, 2008, p. 100.

* 474 Ce mécanisme est prévu aux articles 117 de la Constitution congolaise, 49 de la Constitution française et 112 de la constitution espagnole.

* 475 ARAGÓN REYES (M.), « Información parlamentaria y función de control, in Instrumentos de información de las cámaras Parlamentarias », Centro de estudios constitucionales, Cuadernos y Debates, n° 52, Madrid, 1994, p. 24.

* 476 SANTAOLALLA LÓPEZ (F.), Derecho constitucional, Madrid, Dykinson, S.L., 2004, p. 337.

* 477 LÖHRER (D.), Op. cit, p. 119.

* 478 Exception faite de l'hypothèse où l'exception d'irrecevabilité est adoptée par le Sénat. Dans ce cas de figure, le Gouvernement a effectivement la possibilité de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale en vertu de l'article 45 de la Constitution.

* 479 Art. 162 a) de la Constitution espagnole, Op. cit.

* 480 Art. 61 de la Constitution française, Op. cit.

* 481Article 160, alinéa 3 de la constitution du 18 février 2006, Op. cit.

* 482 Article 121, alinéa 1er de la constitution béninoise, Op. cit.

* 483 LÖHRER (D.), Op. cit, p. 121.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille