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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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Introduction

La consécration ou la production d'un droit fondamental est une chose, sa protection en est une autre. Nous avons recouru plus haut au droit international des droits de l'homme pour explorer le contenu de la notion de « protection d'un droit garanti »461(*).

La protection d'un droit fondamental consiste à la mise en place des mécanismes normatifs et institutionnels pour mettre ledit droit fondamental à l'abri des atteintes de tous acteurs, publics ou privés, internes comme externes. La protection prend ainsi pour cible tous faits et actes susceptibles d'entraver la pleine jouissance d'un droit fondamental. Le cauchemar de la liberté de manifestation, c'est de devoir être protégée par ceux-là mêmes contre qui cette liberté s'exerce le plus souvent.

La démocratie est un régime qui a pour substantialité l'exercice de certaines libertés dont la liberté de manifestation offre l'exemple le plus concret. Pourtant, si le droit de manifester connait aujourd'hui une très forte actualité, et ce dans le monde entier, elle doit subir de très fortes limitations aussi bien dans les pays en transition démocratique que dans les pays occidentaux longtemps considérés comme exemple de la démocratie. Cette triste réalité a ainsi donné lieu à ce qu'on a qualifié de démocratie d'acquiescement, marquée par l'exclusion de citoyens de la gestion de la chose publique, une gestion censée lui revenir.

Si l'éclipse des droits fondamentaux en général et du droit de manifester en particulier peut être déclarée au regard des pratiques étatiques actuelles, il n'apparaît pas juste de généraliser une telle affirmation. Aurélie Duffy suppose qu'il n'apparaît pas justifié d'affirmer que la liberté de manifestation subit actuellement une éclipse en droit français462(*). D'une part, si les textes définissent un régime d'exercice relativement strict, celui-ci ne connait pas un durcissement au cours de la période contemporaine. Bien au contraire, précise-t-elle, la pratique sur le long terme se caractérise par un certain libéralisme, ainsi qu'en témoigne le nombre des manifestations se déroulant sans avoir été déclarées463(*). D'autre part, alors que cette liberté ne bénéficiait auparavant d'aucune protection juridictionnelle effective, la réforme des référés a permis de soumettre les restrictions dont elle peut faire l'objet à un contrôle rapide et efficace du juge administratif. Au regard de cette évolution, il est possible d'affirmer que l'histoire récente de la liberté de manifestation est marquée par le progrès et non la régression.464(*)

La situation française se rapproche-t-elle de la réalité congolaise sur la liberté de manifestation ? La réponse à cette question ne peut dériver que de l'analyse des mécanismes de protection de la liberté de manifestation prévus par le droit positif congolais (Chapitre IV) pour évaluer le degré de protection de cette liberté et, éventuellement le niveau d'écart que pourrait enregistrer la RDC avec les pays cibles de notre étude.

L'utilité d'un bon diagnostic se révèle lorsqu'on est en mesure de proposer une thérapie appropriée, susceptible d'obvier à ces tares qui ne cessent de barbouiller une démocratie chancelante en République Démocratique du Congo. De ce point de vue, il faut noter que la liberté de manifestation souffre cruellement des incohérences du système juridique l'organisant en RDC (Chapitre V). Les perspectives d'une jouissance effective de la liberté de manifestation vont ainsi boucler cette seconde partie et, partant, cette étude (chapitre IV).

CHAPITRE QUATRIEME :

UNE ARCHITECTURE VIRTUELLE DE PROTECTION DU DROIT DE MANIFESTER APPAREMMENT COHÉRENTE

La seule existence d'un catalogue de droits et libertés, aussi complet soit-il, ne saurait suffire à assurer l'exercice des droits reconnus à la personne humaine465(*). Il faut reconnaitre avec Dimitri Lohrer que ce n'est qu'à partir du moment où les droits et libertés se trouvent assortis de mécanismes de protection de nature à garantir leur effectivité qu'ils peuvent se réaliser.466(*) Dans le même sens, le professeur Pierre Bon estime que la simple proclamation de droits et libertés « les laisse à l'état virtuel 467(*)», c'est-à-dire sans aucune garantie d'effectivité et donc à l'état platonique représentant de simples voeux ou chapelets de bonnes intentions sans aucune volonté de les réaliser. « Pour qu'il s'agisse de droits réels et effectifs et non pas de droits formels et virtuels, il faut que la Constitution définisse un certain nombre de règles juridiques et mette sur pied un certain nombre de mécanismes destinés à en garantir le respect ».468(*) De ce constat découle la conclusion selon laquelle « les libertés ne valent en pratique que ce que valent leurs garanties ».469(*)

La protection de la liberté de manifestation est confiée à plusieurs institutions de la République. Elle bénéficie de la protection la plus énergique et la plus redoutée, celle du juge (section 1), mais elle comporte une dimension non-juridictionnelle ; le pouvoir législatif, appelé à légiférer et à contrôler l'action de l'exécutif, le pouvoir exécutif lui-même ainsi que d'autres structures publiques et/ou privées sont généralement mise à contribution dans cette oeuvre de protection (section 2). Toutefois l'on ne peut ignorer que la mise en jeu de la responsabilité des acteurs contribue efficacement à la protection du droit de manifester (section 3). Ainsi, il nous paraît impérieux d'analyser leur effectivité au regard de la liberté de manifestation.

Section 1. Les mécanismes non-juridictionnels de protection de la liberté de manifester

Si le juge se présente comme le gardien privilégié des droits fondamentaux, la RDC, le Bénin, la France et l'Espagne, à l'image de la plupart des systèmes démocratiques, disposent également de mécanismes traditionnels de garantie intervenant hors de l'organisation juridictionnelle. C'est par exemple le cas de la protection politico-parlementaire (§1). Commune à la France, le Bénin et l'Espagne notamment, cette protection, de nature politique, est susceptible de contribuer activement à la sauvegarde des droits fondamentaux. Elle s'inscrit en complémentarité de l'action du juge et, de ce fait, favorise un système institutionnel de garantie relativement complet de nature à alimenter les interrogations, s'agissant de la nécessité contemporaine d'un ombudsman spécialisé. La RDC n'est pas en marge de cette évolution. D'autres organismes interviennent intensément dans cette entreprise de protection. C'est le cas des organes du pouvoir exécutif de l'État ; il en est de même de l'ombudsman espagnole ou du Médiateur de la République français et béninois ou encore de la Commission Nationale des droits de l'homme congolaise créée par la loi organique n° 13/011 du 21 mars 2013 portant institution, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Droits de l'Homme (§2).

En face de cet arsenal de mécanismes non juridictionnels de protection de la liberté de manifestation, il convient d'examiner la part des institutions de sécurité dans la protection de cette liberté (§3).

§1. La protection politico-parlementaire de la liberté de manifestation

Outre que le principe constitutionnel de la réserve de loi érige le législateur en pièce maîtresse du processus de concrétisation des droits fondamentaux, le Parlement, non seulement participe activement à la sanction des atteintes portées aux droits et libertés de valeur supra législative (1), mais permet de surcroît, un règlement extrajudiciaire des litiges relatifs aux droits fondamentaux par l'intermédiaire du droit de pétition (2). Dans les deux hypothèses, l'intervention du Parlement, de nature essentiellement politique, s'effectue selon des modalités sensiblement différentes de celle du juge et, ce faisant, se présente comme une source de complémentarité potentielle de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux. A ce sujet, la création par l'Assemblée Nationale de la RDC d'une Commission Permanente en charge de la protection des droits fondamentaux participe de cette nécessité.

* 461Voire supra, p. 253.

* 462 Article, Op. cit., p. 42.

* 463Idem.

* 464Ibidem.

* 465 Sur cette affirmation, v. entre autres : OMEONGA TO NGOMO (B), Manuel de droit des libertés fondamentales, Op. cit, p. 143 ; BURDEAU (G.), Les libertés publiques, Paris, L.G.D.J., 1972, p. 35; DRAN (M.), Le contrôle juridictionnel et la garantie des libertés publiques, Paris, L.G.D.J., Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, tome 32, Paris, 1968, pp. 3, 6 et 8 ; LEVINET (M.), Théorie générale des droits et libertés, 2e éd., Paris, Bruylant, 2008, p. 410 ; FERNÁNDEZ-WEBER (A.), Lesmécanismes de contrôle non contentieux du respect des droits de l'homme, Strasbourg, thèse dactylographiée, Université Robert Schuman, 2006, p. 17.

* 466LOHRER (D.), Op. cit. p. 57.

* 467Cité par LOHRER (D.), Op. cit. p. 57.

* 468Idem.

* 469Ibidem.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984