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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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D. Les pesanteurs fonctionnelles

L'opinion espérait qu'une composition collégiale allait garantir la bonne gestion de la commission Nationale des Droits de l'Homme. À l'inverse, les autorités collégiales présentent davantage des garanties d'équilibre, les membres étant nommés par de cette méthode n'empêche cependant pas des nominations plus ou moins politiquement marquées. Ceci est autant plus plausible lorsque doit intervenir l'Assemblée Nationale avant l'ordonnance du Président de la République. Dans la pratique, les personnes désignées doivent avoir le parrainage de l'un des dignitaires du régime.

La CNDH exerce uniquement un pouvoir d'influence, une magistrature morale au service d'un « contrôle-évaluation », ce qui a parfois conduit à contester leur capacité d'accorder ou de favoriser aux citoyens une jouissance effective des droits et libertés fondamentaux. Cette capacité d'influence dépend très largement de la personnalité assumant les fonctions (expérience, rapports avec le pouvoir étatique...). Bien que disposant de pouvoirs d'investigation, son action prend la forme de recommandations non exécutoires, de rapports qui, si la CNDH est crédible sont généralement pris en considération par l'administration. Il faudrait s'appuyer sur l'opinion publique tant nationale qu'internationale pour pouvoir consolider son action.

Outre les conditions de nomination des membres et les garanties statutaires variables dont ils bénéficient, deux éléments sont fréquemment soulignés afin de contester l'indépendance de la CNDH. Premièrement, ces actes sont susceptibles d'être contrôlés par un juge. Cet argument doit pourtant être relativisé puisque le juge est lui-même indépendant et qu'il garantit au contraire la légalité des actes examinés. Deuxièmement, il est souvent regretté que budgétairement la CNDH soit dotée d'un budget insuffisant dépendant totalement de la bonne foi du Gouvernement, avec le risque de réduire les ressources d'une autorité trop entreprenante. Cette éventualité ne doit en effet pas être négligée, même si cette pratique serait sans doute politiquement dangereuse pour le gouvernement ou le Ministre qui s'y essaierait.

Au regard de la difficulté d'imposer les sanctions de violations des droits fondamentaux aux pouvoirs publics ou aux animateurs des institutions de l'État, plusieurs États ont envisagé de recourir aux mécanismes non juridictionnels poursuivant à juste titre la recherche de la persuasion, comme pour appuyer ce point de vue de Pierre-Gilles de Gennes, Prix Nobel de physique 1991, qui disait que « la persuasion est beaucoup plus efficace que n'importe quelle procédure autoritaire ».522(*)

A l'évidence, l'affirmation du Prix Nobel ne manque pas de surprendre. Contrairement à un acte d'autorité dont le propre est d'imposer, par voie de commandement, une volonté à autrui, l'acte de persuasion, parce qu'il consiste à obtenir quelque chose du persuadé sans recours à la contrainte, laisse, en effet, celui-ci libre de suivre la conduite préconisée et, par conséquent, encourt le risque permanent de demeurer sans effet. Surprenante, l'affirmation l'est d'autant plus dans le cadre d'une étude juridique, a fortiori lorsque celle-ci a trait aux droits fondamentaux.

Ainsi que le rappelle le professeur Bénédicte Delaunay, les droits fondamentaux, selon la doctrine allemande, « doivent être protégés par un système de recours à procédure contentieuse susceptibles d'aboutir à des sanctions ».523(*) Aussi leur effectivité est-elle généralement associée à la protection offerte par les organes juridictionnels, dont la spécificité est de prononcer des décisions revêtues de l'autorité de la chose jugée s'imposant à leurs destinataires.

L'engouement contemporain pour les voies non juridictionnelles de garantie, notamment dans le domaine des droits fondamentaux, impose pourtant de nuancer sensiblement le propos. Privilégiant le recours à des mécanismes incitatifs de direction des conduites pour remplir leur office, les instances de garantie non juridictionnelle se proposent effectivement de garantir l'effectivité des droits et libertés par la voie du dialogue et de la persuasion, c'est-à-dire en dehors de tout pouvoir coercitif. A ce titre, leur développement attesterait d'une insuffisance de la protection juridictionnelle dont le caractère juridiquement contraignant ne saurait être aussi efficace qu'une première approche peut le laisser penser. En ce sens que la protection offerte par le juge, aussi indispensable soit-elle, ne permettrait pas toujours, compte tenu, notamment, de son manque de souplesse, de garantir une protection optimale des droits fondamentaux et, par conséquent, justifierait l'instauration d'organe de garantie destinés à défendre les droits et libertés par le biais de moyens incitatifs.

En somme, le développement constant de la garantie juridictionnelle en RDC et dans d'autres pays confirme l'aptitude du juge à protéger les droits fondamentaux et, de ce fait, la place centrale occupée par ce dernier en la matière. Fort de ce constat, il est légitime d'exprimer certains doutes quant au besoin contemporain de recourir à l'institution de l'ombudsman.

Mais, de tels organes, étant en mesure de combler certaines carences affectant les traditionnelles voies de recours, favoriseraient, en somme, l'émergence d'un système institutionnel de garantie des droits et libertés complet et, partant, attesteraient du caractère incontournable de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux au sein de nos systèmes juridiques contemporains, même si les institutions de sécurité n'ont pas toujours un bon regard des droits fondamentaux en général et de la liberté de manifestation en particulier.

§3. Les institutions de sécurité et l'exercice de la liberté de manifestation

Les services de sécurité jouent dans un État de droit un rôle non négligeable dans la protection du droit de manifester. Il suffit pour s'en rendre compte, de lire les instruments juridiques portant organisation et fonctionnement de la Police nationale Congolaise, des Forces armées de la RDC et de l'Agence nationale de renseignements. L'avant-dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution de la RDC fait obligation à l'État « d'intégrer les droits de la personne humaine dans tous les programmes de formation des forces armées, de la police et des services de sécurité ».

C'est ainsi que chacun des instruments juridiques régissant ces services exprime la volonté d'instaurer un état de droit en République Démocratique du Congo en faisant référence aux droits et libertés fondamentaux parmi lesquels le droit de manifester occupe une place de choix.

* 522 DE GENNES (P.G.), La persuasion vaut mieux que toutes les procédures, L'Expansion management review, Groupe expansion, Paris, décembre 1996, p.102.

* 523 DELAUNY (B.), « Les protections non juridictionnelles des droits publics subjectifs des administrés », in Les droits publics subjectifs des administrés. Actes du colloque organisé les 10 et 11 juin 2010 par l'Association française pour la recherche de droit administratif au Pôle universitaire de gestion de l'Université de Bordeaux, 2011; Litec, Paris, p. 211.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand