WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1. Les infractions visant les manifestants

En droit français, la répression concerne la participation délictueuse à un attroupement ou manifestation, les entraves à l'exercice des libertés d'expression, du travail, d'association, de réunion ou de manifestation. L'entrave à ces libertés constitue une infraction plurale régie par l'article 431-1 à 2 du Code pénal. La sanction infligée est d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende593(*). Lorsque le fait est aggravé par le recours à des « coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations », l'auteur subira le triple des peines d'emprisonnement et d'amende594(*).

Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues par l'article 431-1 parmi lesquelles l'entrave à la liberté de manifestation encourent également les peines complémentaires suivantes :

1) L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26595(*) ;

2) L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27596(*), d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

3) L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation597(*).

En ce qui concerne la participation délictueuse, après avoir défini l'attroupement comme « tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public », le législateur français punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende, « le fait, pour celui qui n'est pas porteur d'une arme, de continuer volontairement à participer à un attroupement après les sommations »598(*).

Deux constats se dégagent de cette disposition. En premier lieu, cette définition légale de l'attroupement est critiquable. Tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public ne peut pas être considéré comme un attroupement. Toute manifestation est de nature à « troubler » dans une certaine mesure l'ordre public. L'itinéraire emprunté par les manifestants demeurera certainement impropre à la circulation, obligeant ainsi les citoyens à choisir de voies de communication alternatives ; en cas de rassemblements sédentaires, les lieux occupés seront salis, etc. Ces « troubles » de l'ordre public ne transforment pourtant pas ce rassemblement en un attroupement. De cette définition légale de l'attroupement se pose la question de savoir si une manifestation, dès lors qu'elle est interdite, ou qu'elle se déroule sans autorisation préalable, ne devient pas ipso facto un attroupement. Les juridictions répondent par la négative, en considérant, par exemple, qu'un rassemblement calme et pacifique, même s'il est susceptible de gêner la circulation, ne peut être qualifié d'attroupement. L'attroupement devrait se définir par sa spontanéité.

En second lieu, la simple participation à un attroupement n'est pas constitutive d'infraction, encore faudrait-il que cette participation soit délictueuse. Le caractère délictueux de la participation consiste pour celui qui n'est pas porteur d'arme dans le fait de demeurer sourd à deux sommations de se disperser restées sans effet adressées dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure599(*).

C'est lorsque la provocation directe a des attroupements est suivie d'effets que la peine peut être réévaluée au paiement d'une somme s'élevant à 100.000 euros.

Quant à la responsabilité pénale, elle repose, pour l'essentiel, sur six infractions prévues et punies par la loi de la manière suivante :

En droit français, issu de la loi du 10 vendémiaire en IV, modifiée par la loi municipale du 05 avril 1884, puis par celle du 16 avril 1914 ; ce régime, énoncé aux articles 133-1 à 133-8 du Code des communes, rendait ces dernières « civilement responsables des dégâts et dommages résultant de crimes et délits commis à force ouverte ou par violence. Ces crimes sont donc perpétrés sur leur territoire, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit envers des personnes, soit contre des propriétés publiques et privées », la demande d'indemnité relevant de la compétence judiciaire. Soulignons cependant que les rassemblements de jeunes, pour la plupart issus desdites cités, sont particulièrement la cible de l'activisme législatif pénal de ces toutes dernières années avec la création d'infractions telles que le délit d'embuscade (art. 222-15-1 CP, loi du 5 mars 2007) ou d'une variante de l'association de malfaiteurs aux contours encore plus imprécis puisque une « participation temporaire » suffit (art. 222-14-2 CP, loi du 2 mars 2010). Curieuse association, baptisée groupement et tenant autant de la réunion que de l'attroupement, érigée en un délit inséré dans le livre II du code pénal relatif aux infractions contre les personnes600(*).

Un grand nombre de législations spéciales ont été modifiées ou enrichies de nouvelles interdictions administratives pénalement sanctionnées ces dernières années : code rural (traque de chiens présumés dangereux) ou loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage dont certaines dispositions ont reçu les honneurs du code pénal (art. 322-4-1 CP). Mais aussi réglementation serrée relative aux activités commerciales sur la voie publique, dont les ventes dites « à la sauvette » ; la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a érigé en délit, passible d'une amende de 3750 € d'amende, le non-respect d'un arrêté de fermeture administrative visant ces petits points de ventes mobiles de restauration rapide où sont assemblés et préparés sur place des aliments pour remise immédiate au consommateur (art. L. 2215-6 et L. 2512-14-1 du code général des collectivités territoriales). Constitue une contravention de 4e classe, « le fait, sans autorisation ou déclaration régulière, d'offrir, de mettre en vente ou d'exposer en vue de la vente des marchandises ou d'exercer toute autre profession dans les lieux publics en violation des dispositions règlementaires sur la police de ces lieux ». Seule échappe aux foudres administratives et pénales la vente du fragile muguet pendant la journée du 1er mai.

L'attroupement armé fait l'objet d'une répression plus sévère, puisque la provocation directe à ce type d'attroupement est incriminée en tant que telle (art. 431-6 al.1 CP) ; suivie d'effet elle fait encourir une peine d'emprisonnement de 7 ans et une amende de 100 000 €. De plus, outre les traditionnelles peines complémentaires touchant aux armes, sont encourues les interdictions des droits civiques, civils et de famille, de séjour, et d'interdiction du territoire français même à titre définitif.

L'exercice de ces grandes libertés publiques est un intérêt protégé pénalement. Comme relevé ci-haut, le fait d'entraver cet exercice, de manière concertée et en usant de menaces, est un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (art. 431-1CP). Les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende en cas de violences contre les personnes ou de destructions et dégradations de biens. Ensuite, des incriminations spécifiques correspondent à l'absence de respect des formalités administratives (manifestation illicite), à un exercice s'accompagnant d'actes délictueux (participation délictueuse à une manifestation ou à une réunion publique ou à un attroupement) ou encore venant troubler la tranquillité publique et empêchant l'exercice d'autres droits ou libertés (entrave à la circulation). Ces incriminations se trouvent aussi bien dans le code pénal que dans des lois annexes et leur inventaire n'est pas toujours aisé. En outre, elles se doublent d'interdictions administratives, souvent préfectorales, dont la violation est pénalement sanctionnée601(*).

L'organisateur commet un délit s'il ne déclare pas la manifestation qu'il organise, ou s'il fait une fausse déclaration (par exemple sur la date ou l'itinéraire) ou s'il poursuit la préparation d'une manifestation interdite. Par contre, il n'y a, pour celui-ci qui n'a pas organisé la manifestation, aucun délit à participer à une manifestation quand bien même celle-ci n'aurait pas été déclarée, voire aurait été interdite (la jurisprudence est constante), et tout du moins tant que la force publique n'enjoint pas à se disperser602(*).

La manifestation illicite (art. 431-9 du Code Pénal français), punie de 6 mois d'emprisonnement et de 7500 € d'amende, concerne les organisateurs de la manifestation. Soit ces derniers auront omis de faire une déclaration préalable ; soit ils auront passé outre une interdiction de la manifestation ; soit ils auront fait une déclaration incomplète ou inexacte de nature à tromper sur l'objet ou les conditions de la manifestation. Participer à une manifestation autorisée, ou se trouver aux abords de cette manifestation, peut, depuis le décret du 19 juin 2009, constituer une contravention de 5e classe ; il suffit pour cela d'avoir dissimulé volontairement son visage afin de ne pas être identifié dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public (art. R. 645-14 CP). A bas les « capuches » et autres foulards, devenus des signes distinctifs des présumés « casseurs » ! Bon exemple de prévention répressive603(*).

En droit congolais, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales consacrés dans la Constitution s'impose aux pouvoirs publics et à toute personne604(*). Appliquée à la liberté de manifestation, cette disposition doit être comprise comme imposant double abstention, verticale et horizontale : les interdictions, les restrictions et la dispersion des manifestations régulières par les agents de l'ordre ne doivent se faire que selon les limites strictes et conformément à la règle de mesure ; les contre-manifestations ou d'autres comportements orchestrés dans l'intention d'entraver la bonne tenue des manifestations doivent être interdites et réprimées pénalement, par les organes étatiques qui ont la charge de protéger les droits fondamentaux de ses citoyens.

* 593 Information disponible sur http://codes.droit.org/CodV3/penal.pdf, consulté le 12 juillet 2019 à 11 heures 56'.

* 594Ibidem.

* 595Cette disposition énumère des droits variés susceptibles de faire l'objet de d'interdiction, comme le droit de vote, l'éligibilité, le droit d'exercer une fonction juridictionnelle ou d'être expert devant une juridiction, etc.

* 596 Cette disposition fixe un régime particulier de certaines interdictions.

* 597 Information disponible sur http://codes.droit.org/CodV3/penal.pdf, consulté le 12 juillet 2019 à 12 heures 11'.

* 598Voire article 431-3 et 4, disponible sur http://codes.droit.org/CodV3/penal.pdf, consulté le 12 juillet 2019 à 12 heures 50'.

* 599Le Code de sécurité intérieure français.

* 600 PONCELA (P.), « La pénalisation des comportements dans l'espace public », Archives de politique criminelle, 2010/1 numéro 32.

* 601 PONCELA (P.), Op. cit.p 32.

* 602 FABRE (P), Op. cit., p. 289.

* 603 PONCELA (P.), Op. cit p. 33.

* 604Article 60 de la Constitution du 18 février 2006 en RDC, Op. cit.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault