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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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2. La liberté de manifestation en droit international des droits de l'homme

Longtemps négligée par la doctrine707(*) et tardivement reconnue par les gouvernants708(*), la liberté de manifestation est revenue sur le devant de la scène essentiellement du fait de ses manifestations empiriques. Les mouvements sociaux et politiques induits par les printemps arabes comme la circulation massive des images et des idées par le biais des réseaux sociaux ont permis de révéler à la fois la puissance et les enjeux de l'exercice d'une telle liberté publique. Dans le même temps, ils ont mis au jour les difficultés de conceptualisation et de mise en oeuvre de ce droit, sa singularité par rapport aux autres droits et libertés et son enracinement profond dans les fondements mêmes des sociétés modernes.

L'appréhension del'encadrement des libertés publiques à l'échelle du droit international concerne principalement le droit international des droits de l'Homme.La liberté de manifestation fait l'objet d'une reconnaissance ferme et généralisée en droit international des droits de l'Homme, principalement à travers la liberté de réunion qui l'englobe. Cette affirmation se manifeste sans équivoque dans les grands instruments internationaux qui la consacrent, qu'il s'agisse de conventions générales ou spéciales. Mais la liberté de manifestation fait encore l'objet d'une attention particulière de la part de certains organes, qui s'attachent à en détailler les modalités de mise en oeuvre et d'articulation avec les autres droits protégés. Partant, pour mesurer l'ampleur de la consécration de la liberté de manifestation en droit international seront successivement envisagées ses proclamations conventionnelles (A), son affirmation juridictionnelle ou quasi-juridictionnelle (B).

§2. La protection conventionnelle de la liberté de manifestation

La liberté de manifester est principalement protégée au niveau international à partir de la liberté de réunion. Elle fait à ce titre l'objet d'une consécration particulièrement généralisée qui démontre son universalité parmi les libertés publiques. Ce droit figure au sein de la totalité des instruments internationaux de protection des droits de l'Homme, qu'il s'agisse des conventions « générales », au sens des grands textes protecteurs des droits civils et politiques, ou des conventions « spécialisées », axées autour de la protection d'une catégorie de personne ou de garanties. L'établissement d'un état des lieux de ces consécrations conventionnelles s'impose par conséquent pour confirmer l'étendue de la protection internationale de la liberté de manifestation.

Au chapitre des conventions générales tout d'abord, la Déclaration universelle des droits de l'Homme (DUDH) protège elle-même en son article 20 le droit de toute personne « à la liberté de réunion et d'association pacifiques709(*) ». Ce texte, adopté le 10 décembre 1948 par l'Assemblée Générale des Nations Unies n'a pas per se de valeur contraignante, mais il est à l'origine de bon nombre de conventions ultérieures et a inspiré le développement du droit international des droits de l'homme. Dans la lignée de cette première proclamation internationale, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques710(*), adopté en 1966 sous l'égide, là encore, des Nations Unies, fait figure de première consécration contraignante à l'échelle universelle des droits de l'homme dits de première génération711(*). Parmi les droits et libertés classiques, il énonce en son article 21 que :

Le droit de réunion pacifique est reconnu. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d'autrui.

La consécration de la liberté de manifestation, à travers la liberté de réunion, se retrouve quasiment à l'identique dans les conventions régionales. La convention américaine relative aux droits de l'homme712(*) énonce dans son article 15 que :

Le droit de réunion pacifique et sans armes est reconnu. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions qui, prévues par la loi, sont nécessaires dans une société démocratique dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté et de l'ordre publics ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits ou les libertés d'autrui.

L'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales la protège en des termes légèrement différents. Il proclame en effet le droit de toute personne à la liberté de réunion et d'association, mais y adjoint le droit de fonder et de s'affilier à des syndicats. C'est toutefois au stade des restrictions de ladite liberté que le texte européen se distingue davantage des autres instruments de protection puisqu'il prévoit que :

L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'État.

Le continent européen bénéficie même d'une double proclamation puisque la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre également en son article 12.1 le droit de toute personne à la liberté de réunion pacifique et aÌ la liberté d'association « aÌ tous les niveaux, notamment dans les domaines politique, syndical et civique, ce qui implique le droit de toute personne de fonder avec d'autres des syndicats et de s'y affilier pour la défense de ses intérêts713(*) ».

La Charte africaine des droits de l'Homme714(*) et des peuples n'est pas en reste et protège en son article 11 le droit de toute personne à « se réunir librement avec d'autres », tout en rappelant que « [c]e droit s'exerce sous la seule réserve des restrictions nécessaires édictées par les lois et règlements, notamment dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté d'autrui, de la santeì, de la morale ou des droits et libertés des personnes ».

Certaines conventions spécialisées assurent également la protection de la liberté de manifestation à partir de la proclamation de la liberté de réunion. C'est le cas notamment de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, en son article 5, qui prohibe la discrimination dans l'exercice de la liberté de réunion et d'association pacifique715(*). C'est encore le cas de l'article 15 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant716(*), qui reconnaît à ce sujet spécifique la jouissance des libertés d'association et de réunion pacifique. On peut encore citer, au titre des conventions spécialisées, l'exemple de la Déclaration sur le droit et la responsabilitéì des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus717(*). Son article 5 énonce en effet qu'« [a]fin de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres, aux niveaux national et international [...] de se réunir et de se rassembler pacifiquement ».

La reconnaissance de la liberté de manifestation en droit international, dans la mesure où elle découle de la liberté de réunion pacifique, ne fait par conséquent aucun doute. Elle figure au sein du catalogue des droits civils et politiques garantis depuis la fin de la seconde guerre mondiale, tant dans des instruments à vocation générale (régionaux comme universels) que dans des textes dédiés à une problématique spécifique. En ce sens, l'ancrage de la liberté de manifestation dans le droit international des droits de l'Homme est profond et ancien, confirmant, du moins d'un point de vue théorique, la reconnaissance de son caractère fondamental pour l'établissement d'une démocratie véritable. Cette affirmation est par ailleurs renforcée par la pratique des organes de contrôle juridictionnels et quasi juridictionnels chargés de l'application de certaines de ces conventions, dont les activités ont participé à asseoir cette consécration unanime.

Dès son accession à l'indépendance, la RDC s'est ouvert aux préoccupations internationales relatives à la protection des Droits de l'Homme, elle a adhéré sans réserve à la Déclaration universelle des droits de l'Homme et de la même manière ratifiée le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que le Protocole facultatif s'y rapportant718(*). De même aussi, elle est membre de l'Union Africaine et partie à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples.

CHAPITRE SIXIEME :
PROSPECTIVES POUR UNE PROTECTION PLUS EFFICACE ET PLUS EFFECTIVE DU DROIT DE MANIFESTER EN RDC

Le silence du législateur congolais sur la liberté de manifestation n'a pas rendu service à la démocratie. Les élans autoritaires des pouvoirs publics congolais n'ont été que confortés par cet imbroglio favorisant le recours à un régime contraire à la Constitution du 18 février 2006 durant plus d'une décennie. Jusqu'à ce jour où la loi Sesanga devrait être considérée comme déjà promulguée, le recours continu aux procédés du décret-loi de 1999 est déploré à longueur des journées. Certes, l'adoption de la loi Sesanga a fait franchir à la République un grand pas en la matière, mais l'impérieuse nécessité de réformer le système congolais de la liberté de manifestation demeure une actualité (section I). En outre, parce que la légitimité d'une norme en est une caractéristique essentielle qui lui permet d'assurer sa fonction de direction (section II), le processus de naissance de la norme comporte un impact réel sur son effectivité.

C'est l'absence de contradiction entre les normes qui permet d'assurer leur effectivité. Suivant cette vision, l'ordre juridique n'est pas un système de normes composite, c'est-à-dire un système où les normes seraient toutes placées au même rang719(*).Il importe cependant de relever que tant la structure du système juridique que l'ensemble des droits qu'il protège sont garantis pas le juge qui en constitue une digue de protection. Ainsi, la protection de la liberté de manifestation ne peut prospérer en RDC qu'en présence d'un service public de la justice de qualité (section III) capable de subjuguer l'Administration et de mettre en mouvement tous les recours garantis aux citoyens par la Constitution et les lois de la République.

Il sied aussi que les débiteurs des devoirs constitutionnels soient interpellés si le non accomplissement de ces devoirs obstrue à la jouissance de la liberté de manifestation par ses titulaires (section IV).

* 707 PETERS (A.) et LEY (I.), (dir.), The Freedom of Peaceful Assembly in Europe, Baden-Baden/Oxford, Nomos/Hart Publishing, 2016, p. 9.

* 708 ANDRIANTSIMBAZOVINA (J.) et alii, Dictionnaire des Droits de l'Homme, Paris, PUF, 2008, p. 633.

* 709 Déclaration universelle des droits de l'Homme, Paris, 10 décembre 1948, Résolution de l'Assemblée Générale de l'ONU 217A (III), U.N. Doc A/810 à 71 (1948).

* 710 Pacte international relatif aux droits civils et politiques », RTNU, New York, 16 décembre 1966, vol. 999, p. 187.

* 711 Voir notamment, sur la question de la classification des Droits de l'Homme, BIRBOSIA (E.) et HENNEBEL (L.), (dir.), Classer les droits de l'Homme, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 398, cité par FERRERO (J.), Op. cit.

* 712Convention américaine relative aux droits de l'homme, RTAI, San José, 22 novembre 1969, vol. 1144, p. 123.

* 713Charte des Droits Fondamentaux de l'Union européenne », Journal officiel des Communautés européennes, 30 mars 2010, C 83/239.

* 714Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples », RTNU, Nairobi, 26 juin 1981, vol. 1520, p. 217.

* 715 Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, RTNU, New York, 4 janvier 1969, vol. 660, p. 195.

* 716 Convention relative aux droits de l'enfant, RTNU, New York, 20 novembre 1989, vol. 1577, p. 3.

* 717 Déclaration sur le droit et la responsabilitéì des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales universellement reconnus, 8 mars 1999, A/RES/53/144.

* 718 KALONGO MBIKAYI, « Délits de presse et régimes de responsabilité », Revue de droit congolais, juillet-août septembre, Kinshasa, CRDJ, 1999, p. 39.

* 719 ODIMULA LOFUNGUSO (L.), La justice constitutionnelle et la juridicisation de la vie politique en droit positif congolais, Op. cit., p. 74.

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