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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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Section 3. La liberté de manifestation : la nécessité de la cohérence du système juridique de protection

Nous référant à l'article 221 de la constitution comme principe et au fonctionnement du système juridique, nous en déduirons l'application en droit congolais du principe selon lequel la règle inferieure dépend de la conformité à la norme supérieure qui lui confère légitimité, le système tout entier reposant sur la constitution. Celle-ci comporte, elle aussi, des valeurs universelles auxquelles aucune nation ne devrait déroger, lesquelles valeurs conditionnent la validité de toute constitution.

§1. La conformité des normes à la Constitution et aux conventions internationales des droits de l'homme : principal indice de la cohérence du système juridique

La suprématie de la Constitution dans l'ordre juridique interne est devenue aujourd'hui un truisme si bien qu'on ne peut se donner la peine de le démontrer ; celle-ci véhicule les valeurs fondamentales, lesquelles se sont universalisées. La Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789 l'affirme avec vigueur lorsqu'en son article 16 il est déclaré que « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution » ; la légitimité de la constitution, produit du pacte social, est subordonnée à la garantie des droits. La garantie englobe deux actions, celle de reconnaître et celle de protéger703(*). Mais la constitution n'a pas le monopole de garantie des droits fondamentaux. Ceux-ci sont aussi consacrés par les traités internationaux.

1. Les traités internationaux dans l'ordre juridique de la RDC

En droit international des droits de l'homme, la ratification par un État du Pacte international relatif aux droits de l'homme fait naître, à charge dudit État, une triple obligation : de respecter, de protéger et de mettre en oeuvre les droits contenus dans le Pacte ; par obligation de respecter, l'État partie s'engage à ne pas troubler, par son fait, la pleine jouissance des droits garantis ; l'obligation de protéger s'analyse en termes d'un engagement de l'État partie à empêcher que les faits de tous autres acteurs ne puissent entraver la pleine jouissance des droits consacrés dans le Pacte ; enfin, l'obligation de mettre en oeuvre impose à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la pleine jouissance desdits droits.

Il y a lieu de se poser la question sur la place du traité dans l'ordonnancement juridique congolais, notamment en rapport avec la Constitution. Cette question a soulevé des débats passionnants entre les camps des publicistes qui tirent chacun la couverture de son côté.

Le système juridique congolais de la 3e République est qualifié de moniste, au sens où les traités sont intégrés à l'ordre juridique existant. Dans un système dualiste au contraire, on distingue le droit interne du droit international, les traités et accords internationaux ne concernent alors que les rapports entre les personnes de droit international (État ou organisation) et ne pénètrent dans la sphère du droit interne que moyennant l'adoption d'une loi704(*).

La Constitution du 18 février 2006 prévoit en son article 215 que « les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l'autre partie ». Elle prévoit, en outre, en son article 216 que « si la Cour constitutionnelle (...) déclare qu'un traité ou accord international comporte une clause contraire à la Constitution, la ratification ou l'approbation ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution ».

Le rang des normes internationales au sein de la hiérarchie est donc clairement défini par la Constitution du 18 février 2006 : elles sont subordonnées à la Constitution, puisqu'elles ne peuvent produire d'effet juridique si elles lui sont contraires, mais elles ont une valeur supérieure à la loi, dès lors qu'elles ont été ratifiées ou approuvées par l'exécutif et qu'elles sont appliquées par les autres États signataires (clause de réciprocité).

Certes, le droit international interdit à un État de se prévaloir de sa Constitution pour échapper aux obligations qu'il aurait contractées suite à un traité ou à un accord. Mais dans l'ordre juridique interne du droit congolais, la Constitution reste supérieure aux traités. En France, La jurisprudence confirme cette caractéristique :

- CE, 1998, Sarran et Levacher et C. Cass., 2000, Pauline Fraisse constatent en termes identiques la primauté de la Constitution sur les traités dans l'ordre interne ;

- CC, 2004, Traité établissant une Constitution pour l'Europe : dans cette décision relative au traité établissant une Constitution pour l'Europe, le Conseil constitutionnel place la Constitution « au sommet de l'ordre juridique interne ».

Les partisans du droit international public tirent de la possibilité de ratifier la constitution pour intégrer un traité l'argument de la supériorité du traité sur la constitution. Selon cette thèse, c'est la règle inférieure qui est tenue de se conformer à la règle supérieure et, en l'espèce, la Constitution au traité. Les faiblesses de cet argument ne sont pas difficiles à percevoir : d'abord on ne saurait comparer la vigueur de la constitution à un traité non encore ratifié et donc ne faisant pas encore partie de l'ordonnancement juridique, la comparaison pèche par sa prématurité ; aussi faudrait-il ici souligner que l'article 43 de la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle soumet un traité ratifié au contrôle de constitutionnalité par la Cour constitutionnelle. Etant soumis au contrôle de la constitutionnalité, le traité est indubitablement inférieur à la constitution, il se place en dessous d'elle dans la hiérarchie des normes. En second lieu, il faut retenir que le droit international résulte, non d'un transfert intégral de la souveraineté, mais d'un abandon partiel705(*) de celle-ci. La majestueuse constitution, expression de la souveraineté nationale intégrale, ne peut aucunement courber l'échine devant un traité international, quel qu'il soit.

D'ailleurs, dans sa décision du 22 août 2019, la Cour constitutionnelle béninoise venait opérer une grande révolution, affirmant la supériorité conditionnée du règlement communautaire sur la loi nationale. Elle considère ainsi que le droit communautaire dérivé doit plier devant la loi nationale lorsque celle-ci crée des droits acquis au bénéfice des citoyens706(*). Reste à présent à examiner la place de la liberté de manifestation en droit des droits de l'homme.

* 703 WACHSMANN (P.), Op. cit, p. 98.

* 704Il est loisible de signaler en passant que la frontière entre le monisme et le dualisme s'avère quelque peu poreuse et la cloison n'est pas étanche : en effet, de plus en plus les systèmes dualistes connaissent l'applicabilité directe d'une certaines catégories des normes conventionnelles alors qu'à l'opposé certains traités internationaux et organisations internationales prévoient que les États partie - pourtant appliquant le monisme - intègrent les actes qu'ils édictent dans leur ordonnancement juridique moyennant l'adoption des lois de mise en oeuvre.

* 705Article 217 de la Constitution du 18 février 2006 de la RDC, Op. cit., Soutient que « La République Démocratique du Congo peut conclure des traités ou des accords d'association ou de communauté comportant un abandon partiel de souveraineté en vue de promouvoir l'unité africaine ».

* 706 Disponible sur https://leportail.info/2019/08/22/decision-dcc-19-27-la-cour-constitutionnelle-rehabilite-le-magistrat-gbenameto/, consulté le 20 septembre 2018 à 11 heures 25.

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