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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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B. Les recours constitutionnels spécialisés dans la protection des droits fondamentaux

L'existence d'une procédure spécialement aménagée pour assurer la protection des droits fondamentaux n'est pas une caractéristique commune à l'ensemble des cours constitutionnelles. Formellement, le Tribunal constitutionnel portugais est dépourvu de toute attribution en la matière774(*). En revanche, une telle voie de droit existe en Espagne et en France. En Espagne, elle prend le nom de recours constitutionnel d'amparo. En France, elle s'intitule question prioritaire de constitutionnalité. Avec pour fonction permanente et principale la protection des droits et libertés constitutionnellement protégés, ces garanties spécifiques contribuent, à leur tour, à un renforcement sensible de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux.

B.1. Le recours constitutionnel d'amparo espagnol

A l'origine d'une littérature on ne peut plus abondante775(*), le recours d'amparo ne saurait faire ici l'objet d'une étude détaillée. Néanmoins, une présentation sommaire de cette voie de droit se révèle indispensable dans la mesure où sa mise en place par le constituant espagnol de 1978 traduit, une fois de plus, la place privilégiée du juge dans la protection des droits fondamentaux.

Puisant ses sources dans le droit foral du Royaume d'Aragon776(*), l'amparo constitutionnel, prévu par l'article 53-2 de la Constitution espagnole3(*)88, peut être défini comme un recours subsidiaire spécialement aménagé pour permettre aux individus de saisir directement le Tribunal constitutionnel en vue d'obtenir la protection de leurs droits fondamentaux. Sa finalité essentielle, pour ne pas dire exclusive777(*), étant, selon les termes même du Tribunal constitutionnel espagnol, « la protection, à l'échelle constitutionnelle, des droits et des libertés [...] lorsque les voies ordinaires de protection se sont avérées insuffisantes »778(*).

La recevabilité du recours, dont l'examen incombe au Tribunal constitutionnel, repose sur la réunion de quatre conditions traditionnelles, auxquelles s'ajoute une cinquième condition depuis la révision de la loi organique portant sur le Tribunal constitutionnel (L.O.T.C.), en date du 24 mai 2007779(*).

En premier lieu, l'article 53-2 de la norme suprême précise que la protection offerte par le recours d'amparo est limitée aux droits et libertés reconnus par l'article 14 et la section 1 du chapitre II de la Constitution, ainsi qu'à l'objection de conscience780(*).

En d'autres termes, il ne peut y avoir de recours d'amparo qu'au cas de violation des droits et libertés prévus par les articles 14 à 30 de la Constitution781(*). C'est-à-dire, pour l'essentiel, les droits-libertés individuels et collectifs, à l'exception notable du droit de propriété consacré par l'article 33 de la Constitution.

En deuxième lieu, seuls les actes des assemblées législatives ou de leurs organes propres dépourvus de valeur de loi782(*), les actes des organes administratifs783(*)et les actes judiciaires784(*)sont susceptibles d'être mis en cause dans le cadre d'un recours d'amparo.

Ce faisant, sont non seulement exclus du champ d'application de cette voie de droit les comportements des particuliers attentatoires aux droits et libertés785(*), mais également les actes de valeur législative786(*).

En outre, l'admission du recours est conditionnée, en vertu de l'article 162-1, b de la Constitution, par l'existence d'un intérêt à agir. Le recours est ainsi ouvert à toute personne physique, nationale ou étrangère787(*), et juridique, de droit privé ou de droit public, en mesure de faire valoir un intérêt né, actuel et personnel788(*).

En plus, le caractère subsidiaire du recours d'amparo conduit le Tribunal constitutionnel à vérifier que le requérant a épuisé l'ensemble des voies de recours devant le juge ordinaire789(*), gardien « naturel » des droits et libertés790(*).

Enfin, la demande d'amparo, depuis la révision de la L.O.T.C. de 2007, n'est recevable qu'à la condition que « le contenu du recours justifie une décision sur le fond de la part du Tribunal constitutionnel en raison de son importance constitutionnelle spéciale »791(*).

Cette nouvelle condition, qui ne va pas sans « objectiver » le recours d'amparo792(*), est directement liée à la nécessité de faire face à l'afflux croissant de recours, source d'encombrement particulièrement alarmant du prétoire du Tribunal constitutionnel.

Lorsque l'ensemble de ces conditions sont remplies, le Tribunal statue sur le fond par la voied'une sentence qui peut soit accorder la protection, soit au contraire la refuser793(*). Si la protection est accordée, l'acte ayant porté atteinte aux droits fondamentaux est annulé. Reste que la seule annulation peut ne pas suffire pour rétablir le requérant dans ses droits. C'est pourquoi l'article 55-1, c, de la L.O.T.C. prévoit la possibilité pour le juge d'adopter des mesures propres à maintenir le rétablissement du droit ou de la liberté violée. En somme, « le Tribunal constitutionnel, par sa sentence, doit mettre tout en oeuvre pour faire cesser l'atteinte qu'il constate [...] »794(*).

B.2. La question prioritaire de constitutionnalité française

Véritable serpent de mer du droit constitutionnel français795(*), le débat quant à la nécessité de mettre en place ce qui est « faussement appelé ''exception d'inconstitutionnalité'' »796(*)a pris fin le 23 juillet 2008797(*), date de la dernière révision constitutionnelle intervenue sous la Ve République et de l'introduction du mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité au sein de notre système juridique. Faisant suite au Rapport officiellement remis le 29 octobre 2007 au chef de l'État, par le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, cette vingt-quatrième révision constitutionnelle consacre effectivement un article 61-1 nouveau. Aux termes desquels : « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé [...]». Il en résulte que, désormais, tout justiciable peut contester la constitutionnalité d'une disposition législative devant le juge administratif ou le juge judiciaire au motif que cette dernière porte atteinte à l'un de ses droits ou libertés constitutionnellement garanti, à charge pour le juge ordinaire de déterminer si la question doit être transmise au Conseil constitutionnel afin qu'elle soit examinée au fond.

L'avancée du point de vue de l'État de droit est indéniable. S'inscrivant en réaction aux lacunes traditionnelles du système français de justice constitutionnelle, en particulier à l'absence de contrôle de constitutionnalité a posteriori des lois, la mise en place de cette nouvelle voie de droit permet non seulement aux justiciables de faire valoir les libertés qu'ils tirent de la Constitution, mais également de purger l'ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles798(*). Certes, n'ouvrant droit qu'à un accès indirect au prétoire du Conseil constitutionnel, puisque conditionné par le filtre préalable des juridictions ordinaires, la question prioritaire peut apparaître, notamment pour l'observateur étranger, largement en deçà des mécanismes allemand et espagnol de recours constitutionnel direct.

Pour autant, sa consécration met un terme à une « éternelle exception française »799(*)dans le concert européen de la justice constitutionnelle. En conséquence de quoi la question prioritaire de constitutionnalité, en même temps qu'elle offre un nouveau droit au justiciable, se veut une illustration particulièrement éclatante du perfectionnement constant des mécanismes juridictionnels de garantie des droits et libertés.

Précisée quant à ses modalités d'application par la loi organique du 10 décembre 2009800(*), promulguée après examen préalable du Conseil constitutionnel801(*), la question essentielle entre toutes de constitutionnalité se distingue par son caractère prioritaire802(*).

A savoir que le juge ordinaire doit, lorsqu'il est saisi d'une question de constitutionnalité et d'une question de conventionalité portant sur la même disposition, privilégier la première à la seconde. L'objectif étant d'assurer une revalorisation de la norme constitutionnelle par rapport à la place croissante occupée par le droit européen au sein de l'ordonnancement juridique interne803(*). Si le Conseil constitutionnel est saisi c'est lui qui se prononce dans un délai de trois mois, à la suite d'un débat contradictoire, sur la constitutionnalité de la disposition contestée. Dans l'hypothèse où cette dernière est déclarée inconstitutionnelle, elle « est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision »804(*).

Sur le plan pratique, il est évidemment un peu tôt pour dresser un bilan critique sur cette nouvelle voie de droit. Toutefois, les premiers enseignements s'avèrent globalement positifs805(*).

En dépit d'une certaine résistance de la Cour de cassation806(*), les juridictions ordinaires, notamment administratives807(*), jouent leur rôle de filtre et de transmission des questions sans faire part d'une rétention excessive. Et, auprès du justiciable, la question prioritaire se trouve à l'origine d'un succès, certes mesuré en comparaison du mécanisme de recours direct offert par l'amparo espagnol, mais évident808(*). Ce faisant, l'attribution de cette nouvelle compétence au Conseil constitutionnel contribue, sans nul doute, au renforcement de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux et confirme, par là-même, le statut privilégié du juge au sein du système institutionnel de garantie des droits de la personne humaine.

* 774 Formellement car, comme le soulignent bon nombre d'auteurs, le système de contrôle concret de la constitutionnalité des lois mis en place au Portugal permet d'atteindre une protection semblable à celle obtenue dans le cadre du recours d'amparo, dans la mesure où les individus peuvent former un recours devant le Tribunal constitutionnel contre les décisions juridictionnelles appliquant une loi inconstitutionnelle (v. par. ex. : CARDOSO DA COSTA (M.), « La Cour constitutionnelle portugaise face à une Constitution en changement », in Mélanges en l'honneur de Louis Favoreu, Renouveau du droit constitutionnel, op. cit., p. 79 ; J. Casalta Nabais, Les droits fondamentaux dans la jurisprudence du Tribunal constitutionnel, in BON (P.) et alii, La justice constitutionnelle au Portugal, Op. cit., p. 215.

* 775 Sans prétendre à aucune exhaustivité, le lecteur pourra utilement se référer à : ALEGRE ÁVILA (J.M.), El amparo constitucional : un asunto de nunca acabar ?, in REBOLLO (L.-M.) (Dir.), Derechos fundamentales y otros estudios en homenaje al Prof. Dr. Lorenzo Martín-Retordillo, vol. II, op. cit., p. 343 ; ARAULO (J.-O.), El recurso de amparo en el ultimo proceso constituyente espanol, R.C.G., 1998, p. 165 ; BON (P.), Amparo (recours d'), in ANDRIANTSIMBAZOVINA (J.) (Dir.) et alii, Dictionnaire des droits de l'homme, P.U.F., 2008, p. 31.

* 776 Catherine-Amélie Chassin précise à cet égard que « les fueros de l'Aragon, c'est-à-dire, en quelque sorte, le régime juridique qui était applicable dans ce pays, instituaient un recours que l'on peut rapprocher de l'amparo constitutionnel de l'Espagne contemporaine ». Pour une étude détaillée, v. FAIRÉN GUILLÉN (V), Antecedentes aragones de los juicios de amparo, Mexico, 1971. Il importe toutefois de préciser avec le professeur Pierre Bon que « c'est avant tout dans les pays ibéro-américains que l'institution va se développer, du moins dans les textes : c'est ainsi que le recours d'amparo apparaît au Mexique dès la Constitution fédérale de 1857 et est ensuite introduit en Argentine, en Bolivie, au Chili, au Costa Rica, au Panama et au Venezuela [...]. La Constitution espagnole de 1978 permet de boucler la boucle en ce sens qu'elle réintroduit en Espagne une institution qui y était née mais qui s'était surtout développée outre Atlantique ».

* 388« Tout citoyen pourra invoquer la protection des libertés et droits reconnus par l'article 14 et la section 1 du chapitre deuxième [...] à travers le recours d'amparo devant le Tribunal constitutionnel. Ce dernier recours sera applicable à l'objection de conscience ». Sachant que le recours d'amparo est précisé quant à ses modalités d'exercice, d'une part, par les articles 161-1, b et 162-1, b de la norme suprême, d'autre part, par les articles 41 à 58 de la loi organique portant sur le Tribunal constitutionnel.

* 777 L'article 41-3 de la L.O.T.C. précise en effet que « dans le cadre de l'amparo constitutionnel, on ne peut faire valoir d'autres prétentions que celles qui visent à rétablir ou à préserver les droits et les libertés pour lesquels ce recours a été intenté ».

* 778 STC 1/1981 du 26 janvier 1981, B.O.E. du 24 février 1981.

* 779 Loi organique n° 6/2007 du 24 mai 2007, B.O.E. du 25 mai 2007, p. 22541, Op. cit.

* 780 L'objection de conscience est prévue par l'article 30 de la Constitution espagnole, Op. cit.

* 781 Sachant que le Tribunal constitutionnel est régulièrement amené à déterminer si le droit dont la violation est alléguée constitue bien un droit fondamental au sens de l'article 53-2 de la Constitution (sur ce point, v. C.-A. Chassin, « La protection juridictionnelle des droits fondamentaux à travers le recours d'amparo constitutionnel en Espagne », op. cit., pp. 41-42). Par ailleurs, il est intéressant de noter que les deux principaux droits fondamentaux dont la méconnaissance est la plus souvent évoquée sont, d'une part, le principe d'égalité (16,11 %) des recours d'amparo pour l'année 2009, d'autre part, et surtout, le droit à un recours juridictionnel effectif (87,90 % des recours d'amparo introduits en 2009).

* 782 Art. 42 de la L.O.T.C, cité par ALCARAZ (H.) et LECUCQ (O.), La liberté de manifestation dans l'espace public en Espagne, in PERROUD (Th.) et alii, La liberté de manifester et ses limites: perspective de droit comparé, France, 11, 2017, La Revue des Droits de l'Homme, https://revdh.revues.org/2956. ,p. 67.

* 783 Art. 43-1 de la L.O.T.C.

* 784 Art. 44-1 de la L.O.T.C.

* 785 L'exclusion des actes des personnes privées du champ d'application de l'amparo constitutionnel résulte de l'article 41-2 de la L.O.T.C., lequel prévoit que le recours d'amparo protège les droits et libertés contre les violations « [...] provenant de dispositions, actes juridiques, omissions ou simple voie de fait des pouvoirs publics, des Communautés Autonomes et des autres entités publiques de caractère territorial, corporatif ou institutionnel, ainsi que de leurs fonctionnaires ou agents ».

* 786 Il importe toutefois de préciser qu'il existe une nuance de taille pour chacune de ces deux hypothèses. Tout d'abord, il est possible de garantir les effets horizontaux des droits fondamentaux « par le biais de recours d'amparo contre les décisions de justice ne protégeant pas les droits fondamentaux des particuliers contre les menaces émanant d'autres particuliers » (BON (P.),Présentation du Tribunal constitutionnel espagnol, Cahiers du Conseil constitutionnel, 1996, n° 2, p. 49. Pour étayer ses propos, Pierre Bon propose l'exemple d'un employé licencié par le chef d'entreprise à raison de ses activités syndicales : « Si l'employé estime qu'il a été porté atteinte à son droit syndical, il saisira le juge ordinaire ; si ce dernier lui donne raison, il n'y a aucun problème ; si, à l'inverse, il le déboute, son jugement porte, à son tour, atteinte au droit syndical de l'employé ; on a alors affaire à un acte de la puissance publique qui lèse un droit fondamental et contre lequel il est possible d'intenter un recours d'amparo devant le juge constitutionnel ; si le juge constitutionnel considère qu'il y a eu effectivement violation du droit syndical, il annulera à la fois le jugement rendu par le juge ordinaire et ne donnant pas satisfaction au requérant et la mesure de licenciement prise à son encontre par l'employeur »). Ensuite, « si l'acte déféré par les citoyens à la juridiction constitutionnelle paraît à cette dernière inconstitutionnel parce que pris en application d'une loi inconstitutionnelle, il est possible à la juridiction constitutionnelle de se saisir elle-même de la loi aux fins d'un examen de sa constitutionnalité » (BON (P.), in BON (P.) et alii, La justice constitutionnelle au Portugal, Op. cit., p. 83). On se trouve alors en présence de ce que la doctrine a désormais coutume d'appeler une « auto-question d'inconstitutionnalité » (v. par. ex. : BON (P.), « Le Tribunal constitutionnel. Etude d'ensemble », op. cit., pp. 92 et 125.

* 787 Si l'article 41.2 de la L.O.T.C. semble exclure du champ d'application du recours les étrangers (« le recours d'amparo protège tous les citoyens »), la jurisprudence du Tribunal constitutionnel admet la recevabilité des recours déposés par les non-nationaux (STC 141/1998 du 29 juin 1998, B.O.E. du 30 juillet 1998, FJ 1).

* 788 CHASSIN (C.-A.), La protection juridictionnelle des droits fondamentaux à travers le recours d'amparo constitutionnel en Espagne, Op. cit., p. 39.

* 789L'article 43-1 de la L.O.T.C. prévoit en ce sens que les violations des droits fondamentaux ne peuvent donner lieu à un recours d'amparo qu' « une fois la voie judiciaire pertinente épuisée ». C'est pourquoi le Tribunal constitutionnel a logiquement jugé que l'exercice préalable des voies ordinaire « n'est pas une simple formalité, mais constitue un élément essentiel du système d'articulation des juridictions constitutionnelles et ordinaires » (STC 239/2001 du 18 décembre 2001, B.O.E. du 16 janvier 2002, FJ 2), dont le non-respect implique l'irrecevabilité du recours en raison de son caractère prématuré (v. en ce sens : STC 54/1999 du 12 avril 1999, B.O.E. du 18 mai 1999, FJ 2). Surtout, le Tribunal constitutionnel a précisé que l'amparo ne saurait être déclaré recevable s'il existe, au moment de la saisine du Tribunal constitutionnel, un recours pendant devant une juridiction ordinaire (STC 225/2000 du 2 octobre 2000, B.O.E. du 7 novembre 2000, FJ 3).

* 790 A ce titre, le professeur Isidre Molas précise que « le système juridique espagnol prévoit que la protection des droits fondamentaux relève de la juridiction ordinaire. L'activité spécifique des juges et des tribunaux consiste précisément à les favoriser. C'est la voie commune, la procédure ordinaire de leur garantie. Mais la préoccupation du constituant pour renforcer cette garantie l'a conduit à créer une voie particulière : le recours d'amparo » (MOLAS (I), Derecho constitucional, Tecnos, madrid, 1998, p. 348).

* 791 Art. 50-1, b, de la L.O.T.C.

* 792 V. en ce sens. P. Bon, « Tribunal constitutionnel espagnol. Importantes modifications de sa loi organique en 2007 », in Mélanges en l'honneur du Président Bruno Genevois, Le dialogue des juges, op. cit., p. 70.

* 793 Art. 53 de la L.O.T.C.

* 794 CHASSIN (C-A.), Op. cit., p. 44.

* 795Le professeur Thierry-Serge Renoux relève en ce sens que : « Dès le 8 juillet 1958, l'idée d'une saisine du Conseil constitutionnel par le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation avait été avancée par M. Aurillac lors d'une réunion du groupe de travail chargé d'élaborer un avant-projet de Constitution puis finalement abandonnée » (RENOUX (T.-S.), « Si le grain ne meurt... (à propos des droits et libertés) », R.F.D.C., 1993, n° 14, p. 285).

* 796 FAVOREU (L.), La question préjudicielle de constitutionnalité. Retour sur un débat récurrent, in M. Borgetto (Coord.), Mélanges Philippe Ardant, Droit et politique à la croisée des cultures, L.G.D.J., Paris, 1999, p. 265. L'appellation se révèle impropre en ce sens que, dès l'origine, l'objectif est de mettre en place un système de question préjudicielle. C'est-à-dire un mécanisme obligeant le juge ordinaire, en présence d'une loi susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux du justiciable, à surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel, saisi de la question, se prononce au fond. En aucune façon il s'est agi d'une procédure permettant au juge ordinaire de contrôler lui-même la constitutionnalité d'une loi à l'occasion d'un litige se présentant devant lui, comme c'est le cas en matière d'exception d'inconstitutionnalité.

* 797 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet de modernisation des institutions de la Ve République.

* 798 Car, comme le relève le Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, « les lois antérieures à 1958 et certains des textes adoptés depuis lors qui, pour des raisons diverses, accidentelles ou parfois plus politiques, n'ont pas fait l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel sont valides, sans qu'il soit loisible aux juges judiciaires ou administratifs qui ont à en faire application de les déclarer contraires à la Constitution. Sans doute cette anomalie ne vaut-elle que pour un nombre relativement limité de textes de forme législative. Il n'en reste pas moins qu'elle introduit dans notre système juridique un élément de trouble, et qu'elle peut priver les citoyens de la faculté de faire valoir la plénitude de leurs droits». A ceci s'ajoute l'existence de lois qui, bien qu'ayant été soumises à l'examen du Conseil constitutionnel dans le cadre de son contrôle a priori, ont révélé leur inconstitutionnalité une fois entrées en vigueur. Car, il n'est pas inconnu que le contrôle a priori, par définition abstrait, oblige le Conseil constitutionnel à apprécier la constitutionnalité des lois de manière empirique, en essayant d'imaginer leur logique. Or, il arrive parfois que le Conseil n'anticipe pas convenablement les conséquences pratiques de l'application d'une loi. A première vue constitutionnelle, ladite loi se révèle à l'usage, en réalité, contraire à la Constitution. En somme, c'est lors de son application concrète qu'il est véritablement possible de dire si une loi est ou non contraire à la Constitution. En outre, et comme le souligne le professeur Yves Poirmeur, dans la mesure où « le droit constitutionnel, en devenant jurisprudentiel, est devenu évolutif, et par conséquent assez imprévisible, il est possible que la consécration constitutionnelle de droits nouveaux ou la redéfinition de la portée de droits anciens rendent incertaine la constitutionnalité de lois en vigueur » ( « Le Conseil constitutionnel protège-t-il véritablement les droits de l'homme ? », in DRAGO (G.), FRANÇOIS (B.), MOLFESSIS (N.) (Dir.), La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, coll. Etudes Juridiques, Paris, Economica, 1999, p. 335).

* 799 BERNAUD (V.) et FATIN-ROUGE STÉFANINI (M.), La réforme du contrôle de constitutionnalité une nouvelle fois en question ? Réflexions autour des articles 61-1 et 62 de la Constitution proposés par le comité Balladur, Op. cit., p. 169.

* 800 Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, J.O. du 11 décembre 2009, p. 21379. Pour un commentaire approfondi, v. entre autres. : BAGHESTANI (L.), « A propos de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution », Petites affiches, 2010, n° 32, p. 4 ; P. Bon, « La question prioritaire de constitutionnalité après la loi organique du 10 décembre 2009 », Op. cit., p. 1107 ; FERRAIUOLO (P.), La question prioritaire de constitutionnalité après la loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : le point de vue du praticien, Petites affiches, 2010, n° 43, p. 3 ; B. Mathieu, La question prioritaire de constitutionnalité : une nouvelle voie de droit. A propos de la loi organique du 10 décembre 2009 et de la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-595 DC, Op. cit.

* 801 Cons. const., décision 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, Rec. p. 206, J.O. du 11 décembre 2009, p. 21381 (Sur cette décision, v. en part. : B. Genevois, « Le contrôle a priori de constitutionnalité au service du contrôle a posteriori. À propos de la décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 », R.F.D.A., 2010, p.1 ; P. Jan, « La question prioritaire de constitutionnalité », Petites affiches, 2009, n° 252, p. 6 ; D. Rousseau, La question prioritaire de constitutionnalité validée. La décision du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2009, Gaz. Pal., 2009, n° 344, p. 4 ; J. Roux, « La question prioritaire de constitutionnalité à la lumière de la décision du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2009 », R.D.P., 2010, p. 233).

* 802 Pour une approche approfondie : P. Cassia, « Question sur le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité », A.J.D.A., 2009, n° 40, p. 2193.

* 803 Compte tenu de l'absence originelle de contrôle de constitutionnalité a posteriori des lois en France, le contrôle de conventionalité a effectivement conduit les justiciables à accorder plus d'intérêt aux conventions internationales qu'à la norme constitutionnelle. D'où la volonté de revaloriser la norme constitutionnelle par l'affirmation du caractère prioritaire de la question de constitutionnalité. Il n'est toutefois pas certain que la question prioritaire soit suffisante pour assurer la prééminence de la Constitution au sein de l'ordre juridique interne. En effet, la question de constitutionnalité n'étant pas d'ordre public, elle ne peut être soulevée d'office par le juge ordinaire (article 23-1 de la loi organique relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution). En d'autres termes, il faut impérativement que le justiciable invoque l'inconstitutionnalité de la loi dont on veut lui faire application. Or, il se peut très bien que ce dernier continue de privilégier la voie du contrôle de conventionalité plutôt que celle du contrôle de constitutionnalité. Car, comme le met en avant le professeur Denys de Béchillon, « [...] si les justiciables ont le choix entre la mise en jeu de la conventionalité internationale de la loi devant un juge apte à vider lui-même la querelle, et la mise en cause de sa constitutionnalité devant un juge qui, lui, ne tranchera pas et lancera - peut-être - un processus filtré, complexe, long et possiblement très aléatoire de saisine du Conseil constitutionnel, ils n'hésiteront pas : ils iront, dans

* 804 Art. 62 de la Constitution.

* 805 BON (P.), Premières questions, premières précisions, Op. cit.98.

* 806421 A travers son arrêt du 16 avril 2010, la Cour de cassation n'a pas hésité à saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la conformité du caractère prioritaire de la question de constitutionnalité au droit de l'Union européenne. La cour suprême estimant que « les juridictions du fond se voient privées, par l'effet de la loi organique du 10 décembre 2009, de la possibilité de poser une question préjudicielle à la CJUE avant de transmettre la question de constitutionnalité; que si le Conseil constitutionnel juge la disposition attaquée conforme au droit de l'Union européenne, elles ne pourront plus, postérieurement à cette décision, saisir la CJUE d'une question préjudicielle [...]. De même, [...] la Cour de cassation ne pourrait pas non plus, en pareille hypothèse, procéder à une telle saisine malgré les dispositions impératives de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni se prononcer sur la conformité du texte au droit de l'Union ». (Cass. civ. 1ère, 16 avril 2010, n° 10-40002). C'est à quoi la Cour de justice a répondu, à l'occasion de son arrêt A. Melki et S. Abdeli, en date du 22 juin 2010, que le caractère prioritaire d'une « procédure incidente de contrôle de constitutionalité » n'est contraire au droit de l'Union européenne que s'il empêche les juges nationaux « d'exercer leur faculté ou de satisfaire à leur obligation de saisir la Cour de questions préjudicielles » (§ 57).

* 807 LEVADE (A), QPC 1, 2 et 3 : le Conseil d'Etat joue le jeu du renvoi !, D., 2010, n° 17, p. 1061.

* 808 Au 28 février 2011, soit un an après l'entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel souligne qu'environ 2000 questions ont été posées devant les juges de première instance et d'appel. Sur ces 2000 questions, le Conseil constitutionnel a enregistré 527 décisions - 124 décisions de renvoi (59 du Conseil d'État et 65 de la Cour de cassation) et 403 décisions de non-renvoi (163 du Conseil d'État et 240 de la Cour de cassation) - et rendu 83 décisions portant sur 102 de ces 124 affaires. Parmi les 83 décisions rendues, 56% sont de conformité, 34% de non-conformité totale (14 décisions), partielle (7 décisions) ou avec réserve (9 décisions), 10% de non-lieux, [en ligne]. Disponible sur [www.conseil-constitutionnel.fr].

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe