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Le renouvellement du journalisme environnemental au prisme de la décroissance


par Guillaume Lemonnier
Sciences Po Lyon  - Master 1 AlterEurope, Études européennes et internationales 2020
  

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2. Le combat « anti-pub », un référent symbolique et légitimant dans le milieu écologique

Cette critique radicale du journalisme mainstreamque l'on vient d'évoquer n'est pas vaine. Elle vise à instaurer une autre légitimité, mais également un autre modèle. Un modèle alternatif où ces journalistes veulent montrer qu'on peut être à la fois journaliste et militant et que cela n'est pas dépréciatif mais au contraire « un gage d'excellence ». C'est notamment ce qu'a étudié le sociologue Benjamin Ferron, à travers une recherche sur les différentes stratégies médiatiques de mouvements altermondialistes lors du sommet de Cancun de l'OMC en 2003, un sommet unique où toute une contre-société altermondialiste s'était faite autour de l'événement, avec leurs propres médias et journalistes. A travers l'étude de cet événement et de ce qu'il a suscité, Benjamin Ferron s'est notamment posé la question suivante : « Comment cherchent-ils [les journalistes militants] à faire de leur engagement un gage de leur excellence, rompant en cela avec les définitions socialement dominantes de la profession journalistique, tout en maintenant un rapport distinctif avec les discours et pratiques des (autres) militants ? »63(*).Selon lui, les journalistes militants sont capables de combiner rigueur journalistique et engagement, et ils savent très bien jouer de ces deux aspects. Son étude amontré que ces journalistes construisent une légitimité alternative, un gage d'excellence via une « double stratégie médiatique »64(*). Une stratégie à la fois de « parasitage des médias de masse » et à la fois d'une « constitution d'un réseau médiatique propre ».

Si nous faisons le parallèle avec mon terrain d'étude, le journal La Décroissancea constitué son réseau médiatique propre et s'est pérennisé financièrement avec un audimat stable et fidèle. Ce journal est particulièrement apprécié pour la présence d'articles de fond rédigés via la participation occasionnelle d'intellectuels (décroissants ou non) connuscomme Serge Latouche ou Paul Ariès dans les premières années du journal. On y retrouve également des chroniqueurs réguliers qui sont des personnalités connus comme François Brune, les sociologues Alain Accardo et Alain Gras ou encore le militant anti-nucléaire Stéphane Lhomme. Par ailleurs, avant le lancement du journal en 2004, les deux fondateurs disposaient déjà d'un capital culturel et social important de par leurs expériences professionnelles (Vincent Cheynet est un ancien publicitaire de chez Publicis Lyon) et de par leur association Casseurs de pub, qui avait déjà permis d'ameuter un audimat, une certaine sphère militante via leurs actions comme la « journée sans achat » (manifestations dans toute la France).Comme l'a montré la chercheuse Justine Simon au sein d'une étude consacrée à l'analyse « sémio-discursive » de Casseurs de pub65(*),Vincent Cheynet a su réutiliser les codes de son ancien métier et son capital relationnelpour promouvoir le combat « anti-pub »66(*). Lorsque la transition s'opère entre son premier combat « anti-pub » et son nouveau combat pour la décroissance via la transformation de la revue Casseurs de pub en journal La Décroissanceen 2004, il parvient à préserver le petit lectorat et le capital militant qu'il avait constitués en créant une rubrique dénommée « Casseurs de pub » au sein du journalet dirigée par l'écrivain et dessinateur Jean-Luc Coudray67(*). Il transforme également son ancienne revue en dossier annuel joint au journal La Décroissance.

En outre, lors de son apparition, le journal acontribué à parasiter la scène médiatique, en premier lieu grâce à son titre qui fait office de « mot obus »68(*), sa couverture polémique mensuelle69(*), la présence d'illustrateurs connus comme Pierre Druilhe ou Andy Singermais aussi grâce à certaines de ses rubriques. On peut citer ici des rubriques comme « la saloperie que nous n'achèterons pas »70(*) qui est un objet ou une chose physique qu'il faut boycotter ou encore l'« écotartufe du mois »71(*) qui met à l'honneur ironiquement (et de manière très critique) certaines personnalités comme Nicolas Hulot ou Daniel Cohn Bendit. La construction d'une légitimité alternative passe donc par la (pré)disposition d'un certain capital relationnel et la construction de cette rhétorique radicale et bien ficelée. Une rhétorique qui rappelle à bien des égardsles discours de La Gueule Ouverte, notamment sur la critique et le refus de la publicité comme source de financement.

* 63 FERRON Benjamin, « Le journalisme alternatif entre engagement et distanciation » in LEVEQUE Sandrine (dir.), RUELLAN Denis (dir.), Journaliste engagés, Presses universitaires de Rennes, « Res Publica », 2010, p. 110

* 64 FERRON Benjamin, ibid., p. 111

* 65 SIMON Justine, « Les Casseurs de pub contre la société de consommation ! Stratégies de détournement pour convaincre », Mots. Les langages du politique [en ligne], n°98, 2012. [Consulté le 16 juin 2020], disponible sur : http://journals.openedition.org/mots/20602

* 66 Voir annexe 7

* 67 Voir annexe 8

* 68 ARIES Paul, Décroissance ou barbarie, éd. Golias, 2005, 163 p.

* 69 Voir annexe 9

* 70 Voir annexe 10

* 71 Voir annexe 11

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus