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La protection financière du patrimoine public

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par Jennifer Marchand
Université des sciences sociales Toulouse 1 - Master 2 Droit public des affaires 2006
  

Disponible en mode multipage

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Université des sciences sociales Toulouse 1

Année universitaire 2005/2006

La protection financière du patrimoine public

ou

Le mythe du Phoenix et le droit des biens

Mémoire présenté pour l'obtention du Master 2 Droit public des affaires

par Melle Jennifer MARCHAND

Sous l'aimable direction de M. le professeur Lucien RAPP

Remerciements

q Je tiens à remercier, tout spécialement, M. RAPP, Professeur à l'Université des Sciences Sociales de Toulouse, pour la direction enthousiaste qu'il a su donner à ce travail, et son soutien dans l'encadrement de cette recherche.

Liste des abréviations

AJDA : Actualité juridique de droit administratif.

Art. : Article.

C.G.C.T : Code général des collectivités territoriales.

C.G.P.P.P : Code général de la propriété des personnes publiques.

CA : Cour d'appel.

CAA : Cour administrative d'appel.

Cass. : Cour de cassation.

CC. : Conseil constitutionnel.

CE : Conseil d'Etat.

CEDH : Cour européenne des droits de l'homme.

Chr. : Chronique.

CJCE : Cour de justice des Communautés européennes.

CJEG : Cahiers juridiques de l'électricité et du gaz.

Concl. : Conclusions.

D : Dalloz.

DA : Droit administratif.

Ed. : Edition.

EDCE : Etudes et documents du Conseil d'Etat.

GAJA : Grands arrêts de la jurisprudence administrative.

Ibid : Ibidem (même référence).

JCA : Jurisclasseur administratif.

JCP : Jurisclasseur périodique ( la semaine juridique).

JO : Journal officiel.

LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence.

LPA : Les petites affiches.

Mél. : Mélanges.

Obs. : Observations.

Op. cit. : Opere citato (ouvrage cité).

p. : Page.

pp. : Pages.

PUF : Presse universitaire de France.

RA : Revue administrative.

Rec. : Recueil.

RDI : Revue de droit immobilier.

RDP : Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger.

RFDA : Revue française de droit administratif.

RFDC : Revue française de droit constitutionnel.

S : Recueil Sirey.

t. : Tome.

TA : Tribunal administrative.

TC : Tribunal des conflits.

Th. : Thèse.

Sommaire

INTRODUCTION GENERALE

PARTIE 1 : ORIGINE & SIGNIFICATION DE LA PROTECTION FINANCIERE DU PATRIMOINE PUBLIC

SECTION 1 : FONDEMENTS DE LA PATRIMONIALISATION DU DOMAINE PUBLIC

§1. La permanence historique de la valorisation financière du patrimoine public

§2. L'inhérence de la logique de valorisation à la notion de propriété publique

SECTION 2 : PORTEE ACTUELLE DE LA PROTECTION FINANCIERE DU PATRIMOINE PUBLIC

§1. La consécration législative de l'impératif de valorisation des propriétés publiques

§2. La limite d'une démarche purement économique

PARTIE 2 : POLITIQUES ET OUTILS DE LA PROTECTION FINANCIERE DU PATRIMOINE PUBLIC OU L'ESSOR D'UNE NOUVELLE GOUVERNANCE PATRIMONIALE

SECTION 1  LA MODERNISATION DE L'EXPLOITATION ECONOMIQUE DU PATRIMOINE PUBLIC

§1. Une gestion patrimoniale renouvelée

§2. La performance financière et économique du patrimoine public

SECTION 2 : LE DEVELOPPEMENT DU MANAGEMENT EN MATIERE PATRIMONIALE

§1. Les nouveaux outils d'une gestion patrimoniale dynamique

§2. L'intégration de références entrepreneuriales dans l'action patrimoniale des personnes publiques

Introduction générale

« Le droit administratif des biens a un pouvoir de séduction et une facilité de renouvellement presque inépuisables1(*) »

Quelle que soit la tendance générale de la politique économique actuelle et à venir en France, le droit des biens constituera toujours une matière vivante car il est, plus que toute autre branche du droit public, aux prises avec les réalités de la vie économique. Le patrimoine public doit répondre à la permanence de certains dogmes originels : le souci de se prémunir de toute dilapidation et le respect de l'intégrité des propriétés et de leur affectation aux utilités communes. En revanche, « ce qui est relativement2(*) nouveau, c'est la conscience de la valeur économique de ce patrimoine et la volonté d'en rationaliser et d'en rentabiliser la gestion, du même coup affirmée comme une exploitation3(*) ».Pour répondre à l'exigence de protection de la valeur financière du patrimoine public, le droit des biens a été évalué et récemment réformé.

L'ensemble des biens appartenant aux personnes publiques se subdivise en deux masses de dépendances, celles du domaine public et celles du domaine privé. Ces biens, mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels sont l'objet d'un droit de propriété publique, au même titre et dans les mêmes conditions que les biens des personnes privées. C'est pourquoi, l'intitulé du présent mémoire vise le « patrimoine public ». Le patrimoine est un concept issu du droit privé. Dès la Grèce antique, le patrimoine relie symboliquement les biens à la personne. Dans la théorie civiliste, le patrimoine se rattache à un ensemble de biens détenus par une même personne4(*). Certains éléments de cette définition permettent de comprendre la transposition de ce terme en droit public :

- Le patrimoine s'inscrit dans une logique de transmission. Les devoirs qui s'imposent au titulaire et le respect du patrimoine font de celui-ci un cadre conforme à la nécessaire préservation des possessions publiques.

- Néanmoins, cette logique de transmission se double d'une nécessaire gestion « en bon père de famille ». L'intangibilité du patrimoine ne conduit en aucune façon à figer ses éléments constitutifs. Ceux-ci peuvent et doivent même être exploités, consommés ou vendus. La notion de patrimoine a donc été transposée en droit public afin de répondre aux exigences de gestion des biens publics.

Toutefois, le patrimoine des personnes publiques a longtemps fait l'objet d'une gestion conservatrice afin d'empêcher toute dilapidation. En effet, en réaction contre les conceptions domaniales de l'Ancien Régime, la doctrine avec Proudhon considérait que le domaine public n'était pour personne. Une des conséquences était que le domaine public, hors commerce, était improductif. En outre, il existait des réticences traditionnelles à employer le terme de valorisation, l'expression « protection de la valeur financière du patrimoine » renvoyant au champ disciplinaire économique.

Désormais, le patrimoine public est le support d'opérations qui constituent parfois un aspect essentiel des interventions publiques5(*). Il s'agit d'en tirer des ressources et de faire fructifier la richesse qu'il représente. Il s'agit de soutenir l'activité économique en mettant à contribution la richesse collective. C'est pourquoi, entre protection et valorisation, le balancier penche inexorablement vers cette dernière préoccupation.

A l'heure actuelle, protéger la valeur financière du patrimoine, est un thème qui se retrouve dans de nombreux discours ou rapports6(*), certaines thèses ou travaux ont d'ailleurs été consacrés à ce sujet7(*). Dans ce contexte, pour répondre à l'exigence de protection de la valeur financière du patrimoine public, le droit des biens a été réformé.

La citation de M. de LAUBADERE a conservé toute sa pertinence au regard du sujet qui nous est donné d'étudier. Souvent analysées, les insuffisances ou carences de la domanialité publique ont fait l'objet d'interventions jurisprudentielles, législatives et doctrinales. Alors que les implantations économiques souffraient d'un carcan juridique inadapté aux pratiques industrielles, le droit domanial et ses principes fondateurs ont fait l'objet d'assouplissements. Les lois du 5 janvier 1988 et du 25 juillet 19948(*) en sont la preuve. Elles ont tenté de rassurer les investisseurs potentiels en reconnaissant à l'occupant des droits réels sur les constructions réalisées dans le cadre de montages contractuels reposant sur des baux emphytéotiques administratifs (BEA) ou sur des autorisations d'occupation temporaire (AOT). Toutefois, cet appareil de référence classique s'est rapidement avéré insuffisant, malhabile et confus pour accueillir et sécuriser les investissements domaniaux que requiert la valorisation des propriétés publiques. Suite à de nombreux rapports qui avaient tiré la sonnette d'alarme9(*), ces dernières années ont été le théâtre de changements capitaux, ces derniers ayant d'ailleurs connu une accélération sans précédent. Après l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, de l'ordonnance relative aux contrats de partenariat public/privé de juin 2004, le Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP)10(*) procède à une réforme globale de la matière et fournit désormais les outils d'une exploitation tournée vers la performance. « La codification du droit des propriétés publiques offre donc un moment privilégié pour la réflexion. Elle marque à la fois l'achèvement d'un cycle et l'exorde du suivant : la réforme administrative est une histoire sans fin11(*) ».

Cela permet de comprendre la référence au Phoenix. Le phénix ou phoenix (du grec öï?íéî / Phoinix) est un oiseau fabuleux, doué de longévité et caractérisé par son pouvoir de renaître après s'être consumé sous l'effet de sa propre chaleur. Son plumage rouge est à l'origine de son nom : « phénicée ». Il symbolise les cycles de mort et de résurrection. Selon Plutarque et Hérodote, il serait d'origine éthiopienne. Le phoenix égyptien est appelé bénou. Le mythe le plus répandu fait du bénou un oiseau mystérieux, qui n'apparaît aux hommes que tous les 500 ans à Héliopolis à l'occasion de sa mort et de sa résurrection. Il est associé au cycle annuel des crues du Nil. L'oiseau mythique évoque également le feu créateur et destructeur. Comme le Soleil, le Feu symbolise l'action fécondante. En consumant, il purifie et permet la régénérescence. Le Phoenix est lié à la symbolique de la résurgence cyclique. Transposée aux interrogations soulevées par la valorisation du patrimoine public, la symbolique du Phoenix renvoie, au renouveau constant de la matière qui renaît de ses cendres. Les préoccupations de pure protection des patrimoines publics ont parfois été opposées à des opérations de valorisation excessives, le droit a donc été tout naturellement au coeur de cette évolution conflictuelle ; et l'on n'a jamais réformé le droit des propriétés publiques comme il a été entrepris de le faire aujourd'hui avec l'adoption du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) entré en vigueur le 1er juillet 2006. L'intérêt principal du sujet qui sera traité réside dans le fait qu'il s'inscrit dans une actualité féconde de réformes et de perspectives intéressantes en terme de valorisation.

L'importance considérable des patrimoines publics et la nécessité d'appréhender ceux-ci dans une perspective de valorisation est un aspect essentiel et un des plus concrets de la réforme de l'Etat. Au-delà des slogans politiques, la réforme de l'Etat impliquait une réforme de l'Etat propriétaire tendant à une meilleure satisfaction de l'intérêt général. La valorisation d'un équipement public est sans doute la réalisation et l'entretien de celui-ci au moindre coût, son aliénation au meilleur prix mais aussi l'adéquation constante de cet équipement à l'intérêt général. C'est au nom de ce dernier que les politiques publiques ont décidé de promouvoir une gestion patrimoniale plus efficiente et orientée vers le dogme de la performance. L'intégration d'une logique managériale dans la gestion patrimoniale laisse pressentir le renouveau de la politique de valorisation. La symbolique du Phoenix surgit encore. En effet, on retrouve la thématique de la réforme, du changement. Rien n'est immuable, les règles juridiques sont contingentes, elles ne se comprennent qu'au regard du contexte dans lequel elles s'insèrent. En un mot, la réforme fait partie de l'ordre des choses. Notre ordre juridique interne se devait de répondre aux exigences d'une société moderne dans laquelle l'Administration compte sur ses partenaires privés et sur des outils innovant pour assurer la valorisation de ses possessions.

Alors que le Code général de la propriété des personnes publiques est récemment entré en vigueur, il apparaît opportun de s'interroger sur les évolutions ayant affecté le droit domanial et de manière plus globale, le droit de la valorisation patrimoniale. Si cet objectif a toujours caractérisé les politiques publiques, on ne peut que constater l'hybridation de la matière avec la combinaison de préceptes issus du secteur privé afin de promouvoir une politique patrimoniale optimisée. Prise en compte des intérêts de l'occupant, partenariat public/privé, application de la loi organique relative aux lois de finances... depuis ces dernières années la valorisation du patrimoine passe incontestablement par la prise en compte de considérations nouvelles sans cependant que soient perdus les principes de protection, d'affectation au service public et les garanties constitutionnelles qui y sont attachées. Comment alors concilier modernisation de la gestion domaniale et respect de ses garanties fondatrices ? En d'autre terme, comment ouvrir la voie à une gestion plus cohérente du patrimoine, en gardant les acquis de la période actuelle et en prenant acte du changement de mentalités ? Dans ce contexte, le présent mémoire vise à élargir la réflexion en se demandant quels sont les fondements théoriques de la protection financière du patrimoine public et quelles sont les applications pratiques de sa valorisation.

L'attrait structurel du domaine public pour les investisseurs privés, la pénurie foncière, l'interventionnisme croissant des collectivités publiques tous ces facteurs expliquent l'extension de l'utilisation économique des biens affectés à l'intérêt collectif. Cet impératif s'avère être une préoccupation récurrente des politiques publiques et les récentes réformes qui sont intervenues sont venues lui donner un cadre d'expression élargi. Il convient alors d'exposer les origines et la signification actuelle de la protection de la valeur financière du patrimoine public (PARTIE 1). Les instruments juridiques de la valorisation (aliénations assurant de justes revenus, investissements et gestion patrimoniale assurant de justes revenus) bénéficient d'un cadre renouvelé reposant sur l'intégration de la rationalité managériale. La recherche accrue de la rentabilité et de la performance du patrimoine public s'est faite au prix d'une banalisation du régime juridique des biens appartenant au domaine public. La protection financière du patrimoine public repose aujourd'hui sur de nouveaux outils qui fondent l'émergence d'une nouvelle gouvernance patrimoniale (PARTIE 2).

Partie 1 :

Origine & signification actuelle de la protection financière du patrimoine public

A

près la Révolution, les premières théories sur la domanialité publiques mirent l'accent sur la nature particulière des biens composant le domaine : ceux-ci ne pouvaient pas faire l'objet d'un droit de propriété et leur utilisation ne pouvait être que gratuite. On considère aujourd'hui que le domaine public constitue une source de richesses, qu'il présente un intérêt économique et qu'il doit être bien géré. Les utilisations privatives chaque fois qu'elles sont compatibles avec l'utilisation principale, sont normales et doivent même être encouragées, dans la mesure où elles sont non seulement sources de revenus pour la collectivité propriétaire, mais aussi participent au développement économique général12(*).D'une manière un peu paradoxale peut-être, on ressuscite actuellement la conception ancienne du domaine. Longtemps, sous l'Ancien Régime, le domaine de la couronne fut la source principale des revenus de l'Etat. Il convient alors de revenir sur les fondements de la patrimonialisation du domaine public (SECTION 1).

Le nouvel équilibre entre protection et valorisation est difficile. Tandis que les agents économiques souhaitent un régime domanial plus favorable à l'occupant, le maître du domaine souhaite promouvoir une véritable gestion patrimoniale lui procurant des revenus. La valorisation a donné lieu à de nombreuses réformes et la dernière en date démontre que la propriété fournit l'explication la plus satisfaisante pour rendre compte de la valorisation du domaine public. La portée actuelle de la protection financière du patrimoine public repose tout à la fois sur un réexamen de la portée des contraintes exorbitantes de droit commun et sur la permanence des exigences de protection (SECTION 2).

SECTION 1

LES FONDEMENTS DE LA PATRIMONIALISATION DU DOMAINE PUBLIC

« En toutes choses il est bon de remonter aux anciennes traditions, parce qu'un droit n'est jamais mieux connu que lorsqu'on l'aperçoit dès son origine »13(*).

Nous commencerons par enterrer un paradoxe, celui d'une contradiction, voire initialement d'une incompatibilité entre l'activité commerciale, sous-tendue par une volonté publique de valorisation des biens, et le domaine public. Aujourd'hui, le législateur, la doctrine et la jurisprudence attestent de l'abandon de l'idée selon laquelle le domaine ne serait que le siège d'activités de police. Il s'agit désormais d'assurer la « meilleure gestion possible ». La tendance est telle, qu'en 1991, au cours d'un colloque le professeur J-J ISRAËL se demandait « oserons-nous le terme de rentabilité, en parlant de rentabilité d'une richesse collective ?14(*) ». Nous pouvons affirmer, au regard des récentes mutations qui ont marqué la gestion domaniale, que le pas a été franchi. Si les transformations du droit administratif des biens se sont multipliées, elles ont eu tendance à éluder, le fait que la recherche de valorisation soit inscrite depuis longtemps dans la pratique administrative. Cela justifie, une mise en perspective de l'impératif de valorisation, afin de mettre en lumière le passé et alimenter le présent.

La persistance de l'objectif de protection de la valeur financière du patrimoine public est remarquable. Cette volonté s'inscrit profondément dans l'histoire domaniale ( §1) et il ressort que « la propriété n'a rempli qu'une seule fonction : réconcilier l'action administrative et les préoccupations économiques et financières15(*) » (§2).

§ 1. La permanence historique de la valorisation du patrimoine public

«  On n'étudie pas le passé en soi, on n'entreprend pas de pareilles recherches rien que pour elles-mêmes, il y a toujours une arrière pensée. »16(*)

La récente réforme qui a abouti à l'adoption de la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques17(*) (CGPPP) démontre l'infléchissement de la théorie domaniale vers une valorisation accrue du patrimoine public. Il s'agit, non seulement de répondre à l'intérêt général, dans la mesure où le domaine est une richesse collective18(*) dont il incombe aux collectivités d'assurer la gestion la plus rationnelle et performante possible, mais également de tenir compte des exigences économiques qui nécessitent un régime propice au développement des investissements privés.

Un rapide aperçu historique démontre que dès l'empire romain, des contrats avaient pour objectif d'assurer la mise en valeur et l'exploitation du domaine public (A). En outre, la recherche d'une rentabilité accrue de l'exploitation domaniale existait déjà sous l'Ancien régime (B). L'histoire nous permet de comprendre que la protection résultant de la domanialité publique n'a jamais été un obstacle à la valorisation du patrimoine public.

A. La mise en valeur et l'exploitation du domaine public au fil des siècles.

Dès qu'une volonté de développer le domaine éminent20(*) apparaît, le contrat public occupe une place essentielle. Par exemple, les contrats de paréages au XIIIème siècle ont abouti à une vaste mise en valeur du domaine public, précédemment mal exploité et à la création d'environ 300 villes dans le Sud-Est de la France. Plus tard, les rois ont cherché, toujours par deux voies contractuelles ( fief et bail accensé), à faire mettre en valeur les marais, les mines, les colonies, les espaces agricoles et les quartiers. Ceci requiert des investissements, des droits étalés dans le temps et de véritables contrats publics-privés.

Rome nous a laissé de splendides constructions. Le Digeste, oeuvre juridique d'ensemble réalisée entre 528 et 530 par l'empereur Justinien, traitait en de nombreuses parties du droit administratif21(*). L'empire romain était détenteur d'immenses possessions domaniales et le fisc impérial utilisait deux sortes de concessions pour les exploiter : l'emphytéose perpétuelle et un bail temporaire d'une durée de cinq ans. La royauté et l'Eglise en France copièrent ces baux pour la gestion de leurs propres domaines.

En France, des contrats portant sur la mise en valeur du domaine public sont passés par les rois sous forme de fiefs22(*). Peu avant la fin de l'Ancien Régime, la perpétuité du contrat et la cession domaniale ont disparu. C'est le roi qui accorde discrétionnairement l'autorisation de faire l'ouvrage et d'exploiter en monopole une part du domaine public en fonction d'un tarif fixé par lui.

Au début du XVIIème siècle apparaissent des baux de longue durée spécifiquement dédiés au domaine public, associant à un travail public des services de longue durée. Si ce type de contrat trouve ses origines du temps de Henri IV, il connaîtra une considérable extension par l'action de Colbert qui les généralise pour les ponts et chaussées. Ces baux ne comportent pas de transfert domanial, si ce n'est la prise de responsabilité de l'édification et de l'entretien du domaine public. Les contractants de l'Administration s'obligent à tenir en bon état le patrimoine voire même à l'accroître et à l'améliorer. Les contrats sont rarement de plus de dix ans. Colbert, par une circulaire aux intendants, du 10 décembre 1669 imposa que les marchés des ouvrages soient accompagnés d'une phase d'entretien de huit à dix ans23(*). Ce contrat domina le XVIIIème siècle.

La Révolution n'arrête pas le processus des concessions. Elle ne supprime pas non plus les baux décennaux qui sont maintenus. Cette période clarifie les concepts en posant des principes qui sont en grande partie en vigueur aujourd'hui notamment celui de la loi des 2-17 mars 1791 établissant la liberté du commerce et de l'industrie. La Révolution et l'Empire influent directement sur les contrats domaniaux, il en résulte un nouveau régime pour le bail emphytéotique et les baux domaniaux. Pendant cette période, on abolit l'emphytéose perpétuelle. L'article 1 du décret des 18 et 29 décembre 1790 conserve néanmoins les baux de moins de 99 ans. La loi du 11 Brumaire an VII (1/11/1798) précise par la suite qu'est susceptible d'hypothèque l'usufruit ainsi que la jouissance à titre d'emphytéote des biens pendant le temps de leur durée. Cette rédaction montre que les légistes se sont rattachés à la tradition romaine pour laquelle l'emphytéose était un simple droit réel de jouissance de la chose d'autrui.

Le concept de contrat domanial de longue durée est conservé. Pourtant, l'emphytéose semble avoir été ignoré par le Code civil. Le droit réel semble avoir été supprimé faute d'être cité par le Code. Toutefois, de nombreuses décisions de jurisprudence confirment le droit réel de l'occupant et la doctrine pencha majoritairement pour cette solution : l'emphytéose consistait en un droit réel immobilier. L'article 1er de la loi du 26 juin 1902, trancha définitivement la question en déclarant que : « le bail emphytéotique des biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d'hypothèque, ce droit ne peut être saisi et cédé dans les formes prescrites pour la saisie immobilière ».

Suite à cette rétrospective, comment ne pas être frappé de la persistance du but de valorisation du domaine public ? Les lois des 5 janvier 1988 et 25 juillet 1994 n'ont fait que consacrer le rôle des baux emphytéotiques dans la protection de la valeur économique et financière du patrimoine public. Il existe depuis de nombreuses années une réelle volonté de valorisation du domaine public tant par l'État que par les collectivités territoriales24(*). Ce mouvement a longtemps été limité par les règles classiques de la domanialité qui ont pu décourager des investissements privés significatifs qui ne trouvaient pas un environnement juridique assez sûr à leur goût. C'est dans cette optique que la loi, en 1988 pour les collectivités territoriales, et en 1994 pour l'État, a permis la constitution de droits réels sur le domaine public. Cette tendance est aujourd'hui perpétuée par le CGPPP.

En plus de la valorisation, un aperçu historique montre que la recherche de la rentabilité constitue bien un objectif pour l'ensemble du domaine au-delà d'une conception simpliste de la summa divisio domaine public/ domaine privé qui pourrait laisser penser que la rentabilité est un objectif naturel pour le second et illicite pour le premier.

B. La recherche de la rentabilité du patrimoine public, un objectif persistant

L'admission de la recherche de la rentabilité du domaine public comme objectif valable de la gestion dudit domaine se retrouve dès l'Ancien régime à une époque où le domaine royal constituait une source de revenus particulièrement importante. Le constat d'une apparente contradiction entre le régime protecteur du domaine public et la volonté de tirer le maximum de recettes n'est pas propre à l'époque contemporaine. A ce propos, le professeur YOLKA a ainsi écrit : « La monarchie s'est débattue dans une des contradictions dont souffre encore le droit domanial. L'inaliénabilité impliquait la précarité des occupations privatives. Mais une telle instabilité dissuadait les possesseurs d'investir de sorte que le domaine restait peu frugifère et fort mal entretenu25(*) ». C'est ce constat qui à notre époque a abouti à l'adoption des lois de 1988 et 1994 dont le régime juridique a été renforcé dans le sens d'une admission accrue de l'impératif de valorisation par l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques 26(*).

Pour l'essentiel, les grands traits de régime domanial, qui s'établissent au XVIIIème et au XIVème siècles, sont stables et s'appliquent à tous les biens de la Couronne. Cette propriété, parce qu'elle est publique, est soumise à un régime protecteur dérogatoire au droit commun. Mais parce qu'il s'agit d'une propriété, elle fait l'objet d'une exploitation économique. L'inaliénabilité acquiert une portée générale au XVème siècle et le mouvement s'accentue au siècle suivant ; plusieurs édits établis sous François Ier indiquent que l'inaliénabilité est en train de s'imposer comme une loi fondamentale27(*). Cette évolution est consacrée par l'Edit de Moulins en février 1566 sous le règne de Charles IX. En réalité, l'inaliénabilité ne s'est développée que parce que la monarchie y trouvait son compte. En effet, c'est surtout pour protéger les revenus dont il est la source que le domaine devient inaliénable.

« Le domaine - écrivait Bodin - est le plus seur moyen de faire fonds ». Sous l'Ancien régime, l'exploitation financière du domaine royal revêt une grande importance dans la mesure où les ressources domaniales ont longtemps constitué la principale source de revenus royaux. Si, à partir du règne de Louis XI, les ressources tirées de l'impôt ont pu dépasser celles provenant des biens domaniaux, ces dernières ont, tout au long de l'Ancien régime, constitué une source habituelle et importante de revenus.

Tout d'abord, le pouvoir royal a utilisé sa faculté d'aliéner de « petits domaines » (il s'agit de biens de faible importance tels que les moulins, les marins et étangs), entendus de manière très extensive. Sous le règne de Louis XIV l'aliénabilité des petits domaines a connu une progression remarquable. Les édits de la fin du règne du roi Soleil en allongèrent la liste et ordonnèrent des aliénations multiples. La souplesse de cette notion permit d'aliéner des terres qui n'en relevaient pas.

Un second moyen de percevoir des recettes à partir des biens domaniaux consistait à engager des biens de la Couronne. L'engagement était défini comme la remise en gage d'un bien domanial pour garantir le remboursement d'une somme empruntée. Il ne transférait à l'engagiste que les droits utiles mais il était néanmoins transmissible. C'est pourquoi, les conditions strictes auxquelles il était subordonné, n'empêchèrent pas son développement, tant la formule constituait pour la monarchie une source de revenus importante. Outre ces deux principales modalités d'exploitation du domaine royal, d'autres modalités existaient depuis la perception directe de produits domaniaux jusqu'à la concession de biens à titre de bénéfices viagers en passant par des échanges qui pouvaient dissimuler des aliénations.

Les nécessités financières ont donc conduit la monarchie à privilégier l'exploitation au détriment de l'inaliénabilité. Cette politique domaniale est à l'origine d'un amenuisement constant des terres publiques et des ressources ordinaires. Le domaine ne représente plus à la fin de l'Ancien Régime qu'une fraction du territoire du royaume28(*). La monarchie a voulu enrayer ce processus par une politique de rachat des domaines engagés et de rationalisation de l'exploitation domaniale. En parallèle, elle tente d'améliorer le rendement du domaine, en rationalisant son exploitation, confiée à un nombre restreint d'adjudicataires à partir de 1666, avant que ne soit créée en 1680, la Ferme Générale. Cette compagnie assura la recette des droits et produits domaniaux pendant un siècle jusqu'à ce qu'un arrêt de règlement du 9 janvier 1780, pris à l'instigation de Necker, en confie le recouvrement à une « Administration générale des Domaines et des droits domaniaux ».

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Sans chercher à faire un résumé de l'histoire de la gestion domaniale, l'intérêt de ce rappel est de mettre en lumière l'ancienneté de la préoccupation de rentabilité et de valorisation. En réalité, l'histoire de l'exploitation domaniale est discontinue, le XIXème siècle se caractérisant par une atténuation des considérations financières au profit de considérations de police. En fait, les périodes pendant lesquelles la recherche de valorisation prédomine sont étroitement liées à la reconnaissance du droit de propriété des personnes publiques.29(*)

§ 2. L'inhérence de la logique de valorisation à la notion de propriété publique

« L'erreur, c'est d'admettre en principe l'assimilation de la domanialité à la propriété, quand ce sont, au contraire, deux choses en principe tout à fait différentes »30(*).

La propriété publique a pour finalité de réglementer les pouvoirs d'un propriétaire sur son bien et les relations qu'il entretient avec les tiers. L'objet de la propriété publique est beaucoup plus vaste que celui de la domanialité publique puisqu'il consiste à organiser juridiquement la gestion, au sens large du terme, d'un patrimoine public31(*).

La valorisation économique des patrimoines administratifs est un des problèmes dominants du droit des biens publics. Pour la faciliter, les pouvoirs publics entendent soumettre l'ensemble des biens publics à un régime de propriété. La concomitance d'une valorisation accrue du domaine public et du renforcement de l'idée de propriété n'est pas le fruit du hasard. Il convient de revenir succinctement sur la reconnaissance de la propriété publique (A) et sur le lien qui existe entre la propriété et la protection de la valeur financière du patrimoine public (B).

A La reconnaissance du droit de propriété des personnes publiques

Si la propriété reçoit un traitement particulier, c'est parce qu'elle est traditionnellement appréhendée comme un attribut des particuliers et, est une notion centrale des programmes de droit civil. Aujourd'hui, nul ne conteste que les personnes publiques disposent d'un droit de propriété sur leur biens. Il convient alors de revenir sur les bases de cette reconnaissance.

1. Les bases jurisprudentielles et législatives de la propriété publique

Les textes (l'article 538 du Code civil) et la doctrine du XIXème siècle niaient que le domaine public puisse être objet de propriété. Proudhon et Berthélémy faisaient valoir que les personnes publiques ne détenaient sur le domaine public ni l'usus (qui appartient au public), ni le fructus (les biens étant improductifs), ni l'abusus. Pour autant, la démonstration de Maurice Hauriou, selon laquelle il est difficile d'admettre que le droit de propriété, disparaît après l'affectation, et la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dès un arrêt du 16 février 1836, proclamait que l'Etat est « réputé propriétaire des chemins ou routes dont l'entretien est à sa charge » incitèrent le Conseil d'Etat à adopter une position identique. Dans le célèbre arrêt sur les mutations domaniales, il estime que « la Ville de Paris a conservé les droits de propriété qu'elle pouvait avoir sur ces parcelles32(*) ».

La reconnaissance d'un droit de propriété sur le domaine public, acquise dès le début du XXème siècle pour l'Etat, puis progressivement étendue à l'ensemble des personnes morales de droit public33(*) , ne s'est jamais démentie. La plupart des commissaires du gouvernement qui ont conclu en matière domaniale se sont ralliés à la thèse propriétariste34(*) et les travaux contemporains du Conseil d'Etat se font l'écho de cette conception35(*). Quant aux sources textuelles, elles sont très nombreuses. Nous pouvons citer entre autres la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 complétant l'article L. 142-1 du Code de l'urbanisme dont l'alinéa 3 précise que « les dispositions de l'article L. 130-3 sont applicables aux biens immobiliers acquis en application des précédents alinéas, qui sont incorporés au domaine public de la personne propriétaire ». Les lois intervenues en matière de décentralisation confirment également l'existence de ce droit de propriété. Les articles 19 et suivants de la loi du 7 janvier 1983 se réfèrent à la « collectivité propriétaire ». On trouve encore des allusions au droit de propriété dans les textes portant transfert de biens de l'Etat à certains établissements publics. Enfin, il résulte de la loi du 25 juillet 1994 que les installations privatives aménagées sur le domaine public, dont le maintien est accepté à l'issue du titre d'occupation, deviennent la propriété de l'Etat. Toutes ces références sont particulièrement significatives.

Enfin, la propriété publique dispose désormais d'un Code résultant de l'ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP)36(*). Il y lieu de relever que le plan du Code traduit l'abandon de l'approche traditionnelle fondée entre le domaine public et le domaine privé des personnes publiques. Cette approche fondée sur la domanialité rendait compte de manière impropre du régime des biens des personnes publiques. Le rapport de l'Institut de la gestion déléguée relatif à la réforme du droit des propriétés publiques37(*) l'avait mis en exergue. L'ensemble des biens appartenant à une personne publique constitue des biens publics au seul motif qu'une personne publique se les est appropriés. C'est donc une approche par la propriété que consacre le CGPPP en traitant dans les trois première partie de l'acquisition, de la gestion et de la cession des biens appartenant aux personnes publiques.

2. Les bases internationales et constitutionnelles de la propriété publique

Le droit international, parce qu'il admet l'expropriation et la nationalisation, reconnaît par-là même la propriété publique. L'article 17§2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose à cet égard que « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété ». Les principales conventions internationales comportent des formules de compromis en la matière, ménageant les conceptions opposées, des pays occidentaux et des anciens pays socialistes, de ce droit. Aussi, la propriété ne semble-t-elle pas être exclue de leur champ d'application.

Au niveau européen, le traité de Rome « ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres ». L'influence apparaît limitée sur les règles applicables dans la mesure où le droit communautaire ne connaît pas la distinction droit public et droit privé. Quant à la Convention européenne des droits de l'homme, l'article 1 du Protocole additionnel n° I reconnaît que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ». Si la Cour européenne des droits de l'homme a donné à cette disposition une interprétation extensive, le bénéfice n'en a pas été étendu à la propriété des personnes.

Au niveau interne, la Constitution de 1958 ne contient aucune référence à la propriété des biens publics. Seuls l'alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946 prévoit que « Tout bien, toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». La décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 1982 avait tranché la question du caractère constitutionnel du droit de propriété. Pour autant, se posait le problème de savoir s'il s'agissait d'une reconnaissance générale indépendamment de la qualité publique ou privée du titulaire. La précision est intervenue en 1986.

Contrairement au droit communautaire, le Conseil constitutionnel a franchi le pas. Le Conseil constitutionnel a considéré dans les décisions des 25 et 26 juin 1986, du 18 septembre 198638(*) et dans celle du 21 juillet 199439(*) « que les dispositions de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 relatives au droit de propriété et à la protection qui lui est due ne concernent pas seulement la propriété privée des particuliers, mais aussi, à titre égal, la propriété de l'Etat et des autres personnes publiques ».

B. Le lien entre propriété publique et exploitation de la valeur financière du patrimoine public

L'adoption du droit de propriété comme fondement du pouvoir de gestion domaniale remonte au début du XXème siècle. Cette position puise son origine dans l'Ancien droit, marqué par la revendication de ce droit de propriété par un pouvoir royal attaché à la capacité financière provenant de l'exploitation des biens domaniaux. Pourtant, le professeur YOLKA estime que « si la doctrine dominante fait de la propriété le fondement des pouvoirs de gestion domaniale, elle ne s'est guère attachée à montrer le caractère nécessaire de cette liaison »40(*). La domanialité publique n'a pas vocation à régir l'ensemble des rapports des collectivités publiques à leurs biens. André de Laubadère constatait ainsi qu'il y a «  des questions qu'elle ne permet pas de résoudre ; par exemple, qui a la charge de l'entretien d'un bien domanial ? A qui reviennent les revenus qu'il peut procurer ? »41(*). L'obligation d'entretien et la perception de redevance, qui sont deux manifestations majeures de la recherche de valorisation des patrimoines publics, sont intimement liées à la qualité de propriétaire de la personne publique. La possession d'un bien implique nécessairement la maîtrise des moyens nécessaires pour en tirer le meilleur parti.

D'abord, l'imputation de la charge de l'entretien des dépendances revient en principe au propriétaire. L'administration propriétaire a l'obligation d'entretenir les biens de son domaine public, afin de conserver à ces biens leur destination.
Cette obligation est, en principe, générale, qu'il s'agisse d'ouvrages incorporés au domaine public telles qu'une écluse située sur le domaine public fluvial (C.E. 28 avril 1965, Min. des Travaux publics c/ Sté des Chais d'Armagnac) ou de dépendances non aménagées telles les rivages de la mer (C.E. 3 mai 1963, Commune de Saint-Brévin-les-Pins). Dans cette dernière espèce, la domanialité tend toutefois à s'immiscer dans cette matière dans la mesure où ce régime s'impose aux collectivités affectataires qui sont tenues d'entretenir les dépendances domaniales de manière à ce qu'elles puissent être utilisées conformément à leur destination42(*). Nous pouvons alors en déduire que la charge de l'entretien relève largement mais non entièrement de la propriété.

Ensuite, la propriété des personnes publique permet de leur reconnaître deux choses qui vont dans le sens d'un lien entre propriété et valorisation.

D'une part, c'est la personne morale de droit public qui a dans son patrimoine la valeur en capital représentée par ce domaine. En cas de désaffectation et de mise en vente d'un bien domanial, elle percevra le prix.

D'autre part, les collectivités publiques perçoivent les revenus que peut procurer leur domaine public. La théorie propriétariste leur permet de retirer les utilités économiques de leurs biens. Les personnes publiques, envisagées comme propriétaires, peuvent rentabiliser leur patrimoine. Le lien entre les revenus domaniaux et l'exercice du droit de propriété par les personnes publiques est particulièrement probant. La détermination des loyers intègre des paramètres économiques ; le prix tient compte du chiffre d'affaire escompté par le preneur. Le mode de calcul confirme le lien avec la propriété. Il est généralement interprété comme l'une des manifestations des pouvoirs que la propriété publique confère à son titulaire.

Le juge a d'ailleurs souligné le lien entre la propriété publique et les pouvoirs de gestion domaniale. Le droit d'exploiter le domaine public est arrimé au droit de propriété. La formulation de certains arrêts paraît au demeurant assez limpide  « ... ne constitue qu'une conséquence normale de l'exercice par la Ville de Limoges de son droit de propriété reconnu par la juridiction judiciaire et n'est pas de nature à rendre irrégulière l'utilisation faite par la ville de son domaine public en délivrant la permission de voirie contestée »43(*). Cela sera confirmé plus récemment par le professeur Teitgen-Colly pour qui : « L'administration peut ainsi atteindre par la voie de son droit de propriété, ce qu'elle ne pouvait atteindre par la voie de son pouvoir fiscal. L'impôt ne permet d'atteindre que le fait matériel de l'occupation ; par delà ce fait matériel la propriété permet d'atteindre les profits économiques procurés par l'utilisation »44(*).

?

La notion de propriété publique donne la priorité à la conception du domaine en tant qu'ensemble de ressources, dont le régime s'adapte à la finalité assignée aux différents biens45(*). C'est pourquoi, l'adoption du Code général de la propriété des personnes publiques en avril 2006 « révèle un nouveau paradigme : le centre de gravité de la théorie domaniale se déplace d'une logique de protection (centrée sur l'affectation publique) vers une démarche de valorisation (fondée sur le droit de propriété) »46(*).

SECTION 2

PORTEE ACTUELLE DE LA PROTECTION FINANCIERE DU PATRIMOINE PUBLIC

« Le droit de la propriété publique était traditionnellement un droit de la conservation ; il est devenu aujourd'hui un droit de l'exploitation. C'est au fond l'évolution normale de tout le droit de propriété, mais les personnes publiques ont été plus longues à le comprendre.(..) Aujourd'hui l'administration découvre à son tour que les domaines publics peuvent être valorisés, rendus à leur valeur économique et accueillir des initiatives complémentaires de leur vocation traditionnelle »47(*)

La propriété est source de valeur, de richesses, elle permet la valorisation du bien par la disposition d'outils que l'on connaît bien : possibilité d'aliéner la propriété, possibilité de développer par une gestion active, la faculté de consentir des sûretés réelles, comme support de financement ou pour valoriser les utilisations de la propriété publique. Pourtant, l'inadaptation du droit des biens a été très tôt soulignée. La critique portait sur les complications artificielles du droit et de façon liée sur l'hypertrophie elle-même injustifiée du régime de domanialité publique. On constate d'ailleurs que toute une série de réformes ont été déterminées par la prise de conscience de cette imperfection du droit des propriétés publiques48(*) même si les réponses sont souvent restées partielles et désordonnées.

Depuis l'adoption du Code général de la propriété public des personnes publiques (CGPPP), la nécessité d'appréhender le patrimoine public dans une perspective de valorisation, a été consacrée par le législateur (§1). Souci de valorisation, prise en compte des intérêts de l'occupant, application de la loi organique relative aux lois de finances... font du patrimoine un outil d'optimisation et de rentabilité financière sans que soient perdus de vue les principes de protection financière et les garanties constitutionnelles qui y sont attachées (§2).

§1. La consécration législative de l'impératif de valorisation du patrimoine public

« Pour remettre d'aplomb notre droit administratif, il faudra, semble-t-il accepter de le percevoir comme une composante d'ensembles plus vastes, accepter d'y intégrer pleinement l'analyse économique et consentir à lui rechercher une assise dans les droits fondamentaux. »49(*)

Un tel jugement met en relief la réalité économique du domaine, le considérant comme une ressource à valoriser. Il prône les bienfaits d'une analyse économique en droit public.

Le contexte politique et administratif dans lequel s'inscrit le présent mémoire a été particulièrement favorable. D'une manière générale, le gouvernement a mis un point d'honneur a relancé, systématisé et amélioré l'objectif de réforme en matière patrimoniale. Nous avons bénéficié du mouvement initié par le projet de réforme de la domanialité publique inscrit à l'article 34 de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit. L'ambition de ce projet doit être soulignée. Le gouvernement a été autorisé à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires pour modifier et compléter « les dispositions relatives à la définition, à l'administration, à la protection et au contentieux du domaine public et du domaine privé, mobilier comme immobilier, de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics, à l'authentification des actes passés par les personnes publiques, aux régimes des redevances et produits domaniaux, au régime de réalisation et de contrôle des opérations immobilières, afin de les simplifier, de les préciser, de les harmoniser, d'améliorer la gestion domaniale et de les codifier ». En outre, ce mouvement s'est accompagné de la production de nombreux rapports résolument tournés vers la modernisation de la matière50(*).

De toute évidence, l'importance considérable des patrimoines publics nécessitait de les appréhender dans une perspective de valorisation. Alors que les règles de la domanialité publique n'étaient pas, jusqu'à très récemment, pleinement accordées ni à la meilleure valorisation des biens, ni au meilleur développement des activités économiques, le sujet a reçu un coup d'accélérateur. Tandis que les changements résultant des lois des 5 janvier 1988 et 24 juillet 1994, sont demeurés modestes51(*), on a compris que « si l'on veut vraiment réformer l'Etat, il faut considérer les finances publiques (la réforme est amorcée), le statut des personnels (tout reste à faire ou presque) et l'Etat propriétaire »52(*). Des premiers pas ont été faits dans certains domaines particuliers avec les mécanismes des baux emphytéotiques qu'ont institué respectivement la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et l'ordonnance du 4 septembre 2003 relative aux établissements hospitaliers.

Après, une ordonnance du 19 août 2004 qui a fait sortir du domaine public tous les immeubles de bureaux appartenant à l'Etat et à ses établissements publics, et a autorisé leur aliénation même en cas d'occupation par des services administratifs, la préoccupation de valorisation a trouvé un écho sans équivoque dans le Code des propriétés publiques (B). De plus, les préoccupations d'efficacité économique sont une entrée majeure dans le sujet. La valorisation des biens domaniaux répond à des raisons financières visant l'allègement des charges et la recherche de ressources nouvelles permettant de satisfaire aux obligations européennes de l'Etat (visées à l'article 50 de la LOLF du 1er août 2001). Toutefois au-delà du banal comblement du déficit budgétaire, l'approche économique invite à la mise en oeuvre d'une réforme de la conception même du patrimoine public. Il convient alors de revenir sur la nécessaire prise en compte du poids des enjeux économiques et financiers d'un questionnement orienté vers la valorisation (A).

A. La nécessaire prise en compte des enjeux économiques et financiers

Soumis aux tensions introduites par la prise en compte renforcée des intérêts des occupants, dans le cadre d'une valorisation de son exploitation, le patrimoine public se trouve être l'objet d'une remise en cause dans ses éléments constitutifs et dans son orientation, suite aux réformes de la loi organique relative aux lois de finances et au Code des propriétés publiques. La logique de performance qu'elles introduisent et leurs solutions managériales conduisent à mieux apprécier le coût engendré par les propriétés publiques et à les considérer globalement comme des ressources valorisables (2).

Il convient toutefois de revenir, au préalable, sur l'analyse économique de la valeur du patrimoine public afin de justifier et légitimer un questionnement financier à l'égard de biens publics. En effet, c'est parce que les patrimoines ont une valeur (notamment au regard du poids des dépenses d'entretien) qu'il est possible d'envisager leur valorisation (1).

1. Réflexions sur la légitimité de l'analyse économique en droit public : le cas du droit domanial

L'analyse économique en droit vise le plus souvent, à expliquer le bien-fondé des règles juridique à travers le prisme de l'efficacité. La dimension économique de l'efficacité est généralement considérée comme étant l'apanage des privatistes plutôt que celui des publicistes. Comme l'écrit Ejan Mackaay : « (...) l'analyse économique du droit rejoint la doctrine civiliste mais l'assoit sur des fondements plus solides. »53(*). Le droit privé ayant pour objet la réglementation des rapports entre particuliers, on conçoit que des raisonnements économiques puissent fonder ces règles. En revanche, on le sait, l'objet et la finalité du droit public sont différents : celui-ci a pour préoccupation majeure l'intérêt général. A priori, une analyse économique d'un tel droit paraît sans fondement. Or, il est possible de soutenir le contraire, notamment en ce qui concerne les biens publics.

Le patrimoine comporte un actif composé de biens corporels et incorporels et un passif constitué d'obligations. Les droits patrimoniaux sont les droits qui composent l'actif d'un patrimoine. Ce sont donc des biens. On les oppose aux droits extra patrimoniaux qui ne sont pas un élément de richesse. Ces derniers touchent, en fait, à la personne. Le droit civil a proposé un critère de distinction fondé sur l'aptitude à l'évaluation pécuniaire. Seuls les droits qui sont appréciables en argent sont réputés être des droits patrimoniaux. Les droits extrapatrimoniaux sont, en revanche, rebelles à toute conversion en argent : ils ne sont pas transmissibles moyennant finances.

Les biens des personnes publiques font partie des droits patrimoniaux, d'une part parce qu'ils sont des biens et d'autre part, parce qu'ils sont susceptibles d'évaluation.

Le Tableau général des propriétés de l'Etat (T.G.P.E) rassemble les estimations financières de l'ensemble des biens de l'Etat et des établissements publics nationaux à caractère administratif, domaine public et domaine privé confondus54(*). La soumission d'un bien au régime de la domanialité publique ne constitue pas en soi un obstacle à son évaluation pécuniaire : l'inaliénabilité ne fait qu'interdire la vente des biens du domaine public, non leur estimation. Ce n'est donc pas parce qu'un bien est affecté à une utilité publique déterminée que l'on ne peut plus estimer sa valeur. La valeur vénale d'un bien correspond simplement à la somme d'argent qu'il serait juste et nécessaire de verser pour en obtenir la propriété. La valeur vénale d'un bien n'augmente ni ne diminue sous l'influence de l'affectation et de son régime. La valeur est établie au regard de la nature physique et des caractères intrinsèques La valeur des biens publics n'a donc aucune raison d'être modifiée lors de leur incorporation dans le domaine public. Mme MAMONTOFF a, du reste, démontré55(*) que le domaine public sur lequel est installée une entreprise privée qui développe une activité marchande était soumis à la loi du marché.

Les biens publics font donc partie des biens patrimoniaux. Mais ils ne bénéficient pas tous du même degré de patrimonialité. Seuls les biens librement aliénables, c'est-à-dire ceux du domaine privé, jouissent d'un niveau de patrimonialité le plus élevé : ceux-ci sont évaluables financièrement et cessibles. Les biens du domaine public se situent à un degré inférieur de patrimonialité : ils ont une valeur économique tout en étant indisponibles.

2. La patrimonialité des biens publics : aspects comptables et budgétaires

«  Il n'est pas de fonction publique qui n'ait son côté économique ; pour s'en convaincre il suffit de jeter un coup d'oeil sur un budget ! »56(*)

. Le coût d'exploitation du patrimoine public

Notre patrimoine vieillissant et mal entretenu, se dégrade vite faute d'un entretien adéquat. L'entretien exige une grande vigilance. Au cours du XXème siècle, à la différence des siècles précédents, de nouveaux équipements ont été construits sans que l'on entretienne les actifs existants. Pourtant, la valorisation des ouvrages construits repose sur une formule mathématique simple. Il suffit de prendre la valeur d'usage, c'est-à-dire la valeur de remplacement diminuée d'un pourcentage de vétusté. On estime actuellement que les travaux d'entretien ou de réhabilitation représentent chaque année le tiers du montant des travaux publics réalisés en France. Les techniciens considèrent que l'entretien d'un bâtiment requiert un budget de l'ordre de 5% du coût de la construction. Ce taux peut paraître élevé, mais il correspond à la réalité. Les collectivités le savent bien : cet entretien grève lourdement le revenu des loyers. Cette observation a une conséquence : le coût global d'un bâtiment, sur sa période d'utilisation, est un multiple du coût de la construction. Si on applique ces ratios aux collectivités territoriales, qui comptent 3 m2 de bâtiment par habitant, c'est environ 150 euros que chaque habitant doit consacrer à l'entretien du patrimoine communal pour en sauvegarder la fonctionnalité et la valeur57(*). Il faut prendre conscience que, sur soixante ou quatre-vingts années, durées de vie somme toute minimale pour un bâtiment, le coût global d'un édifice sera égal à quatre ou cinq fois son coût de construction initial et que cette observation justifie le soin à apporter à l'amélioration de la productivité de l'entretien. La plupart des auteurs estiment que les personnes publiques n'ont pas réellement pris la mesure de cet impératif d'entretien et que les sommes consacrées sont largement insuffisantes. Le manque d'entretien provient de deux éléments : le régime d'exploitation des ouvrages et la pratique contentieuse.

Les dépenses d'entretien représentent une part non négligeable, compte tenu des surfaces à entretenir. Globalement, l'entretien est géré de trois manière :

- Gestion par l'occupant, lorsqu'un tiers est utilisateur ; il n'est pas rare que l'occupant assume les charges d'entretien et que le propriétaire les prenne à sa charge sans pour autant que cela fasse l'objet d'un contrat.

- Gestion de l'entretien en régie ; à titre d'exemple, le personnel municipal est chargé d'entretenir les locaux administratifs de la ville.

- Contrats d'entretien avec des prestataires

Dans les faits, il apparaît que certains ouvrages sont surveillés mais pas forcément entretenus. C'est ce qui se passe lorsque les constructions sont exploitées en régie et non en concession. En effet, ce dernier type d'exploitation exige de la part du concessionnaire l'entretien des ouvrages qu'il construit ou qui ont été mis à sa disposition. Néanmoins, l'optimisation des contrats est souvent possible. Son effectivité conduirait non seulement, à envisager des économies mais également, à rendre l'obligation d'entretien plus systématique. La poursuite de la valorisation des patrimoines passe donc en partie par une amélioration des dispositifs gouvernant l'entretien.

Aussi depuis l'année 2000, la programmation des crédits de maintenance immobilière a été effectuée sur la base des données résultant de l'utilisation de l'outil Gestion du patrimoine immobilier (GPI). Ce catalogue de données immobilières a été mis à la disposition des services sur le site intranet du ministère de l'équipement pour la première fois en février 2001. Il sera progressivement enrichi grâce à l'analyse de l'évolution pluriannuelle des données et constitue un véritable référentiel pour les services déconcentrés leur permettant d'élaborer localement leur propre politique immobilière dans le cadre de plan pluriannuel de gestion du patrimoine58(*).

Toutefois, Les crédits d'investissement sont, selon le ministère de l'Equipement59(*), insuffisants au regard des besoins exprimés par les services. En particulier, aucune opération lourde nouvelle n'a pu être engagée sur la période 1997- 2001 (par exemple en vue de la construction neuve d'un siège d'une DDE). Les moyens budgétaires mis à disposition des services n'ont pas permis d'engager des actions significatives au-delà des premières priorités et en particulier le maintien en état du patrimoine. Aucune véritable politique de maintenance préventive n'a pu être mise en oeuvre depuis plusieurs années.

Le manque d'entretien provient aussi de l'absence d'obligation pour une personne publique d'entretenir son domaine public. Autant la règle d'inaliénabilité est depuis longtemps consacrée, autant l'existence d'une obligation d'entretien a plus de difficulté à s'affirmer. Il est vrai qu'elle s'adresse exclusivement aux personnes publiques et qu'elle fait peser des charges financières. Cette contrainte n'a jamais été formalisée expressément par la jurisprudence. Lorsqu'une telle obligation d'entretien est mentionnée, elle est toujours rapportée non au domaine public mais à un ouvrage public60(*). Pourtant l'on peut considérer qu'indirectement mais nécessairement elle a été reconnue dans un arrêt de 1963 où le Conseil d'Etat affirme que l'administration doit « assurer la conservation de son domaine public »61(*). Si le terme conservation n'équivaut pas à celui d'entretien, parce qu'il est plus général, il l'englobe. Conserver le domaine public implique en effet de préserver à la fois son intégrité et sa destination y compris de fait, ce qui oblige la personne publique responsable à l'entretenir. L'exercice de la police de la conservation, qui contraint les contrevenants à remettre les lieux en l'état ou à financer les travaux nécessaires, a été considéré par la jurisprudence comme une compétence liée. C'est dire que le juge administratif lorsqu'il impose la conservation du domaine inclut dans cette obligation son entretien.

En outre, l'obligation de l'Etat de financer les travaux d'entretien ne fait pas toujours partie des dépenses obligatoires. En revanche, en ce qui concerne les collectivités territoriales, le CGCT inscrit notamment dans les dépenses obligatoires de la commune l'entretien de l'hôtel de ville, la clôture des cimetières, leur entretien, celui des stations d'épuration des eaux usées, des voies communales62(*). La procédure d'inscription d'office permet de contraindre les collectivités au respect de l'obligation. Si de semblables dispositions n'existent pas pour l'Etat, c'est parce que le système des dépenses obligatoires a peu de sens pour celui-ci sauf à le constitutionnaliser. Il reste que comme tout propriétaire qui n'entretient pas son bien et qui, de ce fait, cause un dommage, une personne publique engagera sa responsabilité pour faute.

. Le patrimoine public, comme ensemble de ressources valorisables

Avec les perspectives offertes par la réforme budgétaire, le souci se manifeste de mieux connaître l'étendue et la valeur des propriétés de l'Etat, spécialement dans le domaine immobilier, afin d'en optimiser la gestion. Il apparaît que les enjeux financiers jouent un rôle déterminant.

Selon une approche ancienne, l'article 3 de la loi organique de 2001 relative aux lois de finances intègre aux ressources budgétaires de l'Etat les revenus du domaine, des participations financières et des autres actifs et droits. Le montant de ces différentes catégories de ressources est d'ailleurs décrit dans l'annexe « Evaluation des voies et moyens » accompagnant le projet de lois de finances. Nous exposerons successivement la logique financière qui se retrouve dans le budget de l'Etat en ce qui concerne les revenus du domaine et la gestion tout à fait particulière des participations de l'Etat.

q Produits et revenus du domaine de l'Etat

Actuellement, l'attention se trouve attirée par le gisement de ressources potentielles que constituent les biens immobiliers disponibles, dont l'affectation est devenue sans objet véritable : terrains militaires, emprises de la SNCF et RFF...S'y ajoute, avec l'ordonnance du 19 août 2004, le déclassement des immeubles à usage de bureaux. La loi de finances pour 2006 prévoit des recettes non fiscales63(*) de 24,8 milliards d'euros en 2006.

 

LFI 2005

Evaluations révisées pour 2005

Evaluations proposées pour 2006

Exploitations industrielles et commerciales et établissements publics à caractère financier

3,5

3,8

5,6

Produits et revenus du domaine de l'Etat

1,3

0,7

0,3

Taxes, redevances et recettes assimilées

8,8

9,2

9,0

Intérêts des avances, des prêts et dotations en capital

0,7

1,0

0,3

Retenues et cotisations sociales au profit de l'Etat

9,9

9,9

0,5

Recettes provenant de l'extérieur

0,5

0,5

0,6

Opérations entre administrations et services publics

0,1

0,1

0,1

Divers

11,0

11,9

8,4

TOTAL

35,7

37,1

24,8

Source : site du Sénat (données en milliards d'euros)

Les produits et revenus du domaine de l'Etat sont moins dynamiques que prévu, avec un montant inférieur de 420 millions d'euros aux prévisions (750 millions d'euros au lieu de 1.269 millions d'euros).

Cette moins-value provient, pour 350 millions d'euros, de la révision à la baisse du produit de la cession d'éléments du patrimoine immobilier de l'Etat, de 850 millions d'euros selon la loi de finances initiale pour 2005, et désormais évalués à 500 millions d'euros. Après prise en compte d'une diminution spontanée de 100 millions d'euros, ce produit ne serait plus que de 60 millions d'euros en 2006 sur le budget général, selon la loi de finances.

Une telle baisse a amené le Sénat à exprimer une inquiétude lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 : « il convient de s'inquiéter de l'incapacité où semble se trouver l'Etat de s'engager dans une vraie politique d'arbitrage patrimonial. Tout se passe comme si les corporatismes ministériels s'avéraient beaucoup plus forts que la volonté de réforme de l'Etat ». Toutefois, selon le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, «le choix a été fait de poursuivre la démarche des programmes de cession dont l'élaboration est coordonnée depuis 2004 par la mission interministérielle de valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat [...] Le but est de donner à l'Etat les moyens d'une gestion immobilière performante à long terme, au-delà de l'impulsion donnée par les programmes de cessions et de lui permettre d'assurer sa fonction de propriétaire ».

q La gestion des participations de l'Etat

Pour 2003, La Cour des comptes avait relevé la forte diminution des produits versés par les entreprises financières (0.3 milliard d'euros contre 1.4 milliard en 2002) en raison de l'absence de versement du dividende de la Banque de France et surtout d'une forte réduction de celui de la Caisse des dépôts et consignations64(*).

Le compte 902-24 permet de suivre les produits réalisés au terme des opérations de privatisations. La logique du compte spécial du Trésor est tout à fait adaptée d'ailleurs à une approche patrimoniale et permet de faire apparaître davantage de transparence dans les mouvements financiers. Cependant, l'alimentation du compte reste tributaire de la politique de privatisation, responsable des fluctuations enregistrées, ce qui pose le problème d'une meilleure définition des obligations de l'Etat65(*)

Il a été pris acte de cet état de fait. Les remèdes apportés à la gouvernance des entreprises publiques66(*) ont permis de mettre en place un dispositif favorisant une gestion plus autonome à même de valoriser cette dimension du patrimoine de l'Etat. Les résultats affichés pour 2006 sont en nette progression. Le produit des participations de l'État devrait, après une stabilisation en 2005, progresser de moitié en 2006 pour atteindre 3.855 millions d'euros.

PRODUIT DES PARTICIPATIONS DE L'ETAT DANS DES ENTREPRISES FINANCIÈRES

(en millions d'euros)

 

2001

2002

2003

2004

2005

PLF 2006

LFI

révisé

I.- Banque de France

450,0

450,8

450,0

0,0

100,0

40,0

420,0

II.-  Caisse des dépôts et consignations

642,0

907,6

915,0

931,9

486,0

471,5

685,0

III. - Autres

49,7

61,2

28,2

16,2

18,3

34,5

44,5

Total Ligne 110

1.141,7

1.419,6

292,4

948,1

604,3

546,0

1.149,5

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le produit des participations de l'État dans les entreprises financières devrait doubler pour atteindre 1.149 millions d'euros en 2006, retrouvant son niveau moyen constaté au début des années 2000 en raison de la reprise, après deux années de fort tassement de son résultat net, du versement de dividendes par la Banque de France.

Qu'il s'agisse des nouvelles approches économiques à l'oeuvre dans le domaine public ou de la volonté de juguler les coûts entraîner par l'exploitation et la gestion des participations de l'Etat, l'objectif de valorisation met en relief l'unité profonde apportée par le concept de propriétés publiques ; ces dernières bénéficiant désormais d'un code résolument tourné vers l'impératif de protection de la valeur économique du patrimoine public.

B. L'apport du Code général des propriétés publiques en terme de valorisation

Souvent, les personnes publiques sont regardées comme de piètres gestionnaires, embarrassées par des règles juridiques vieillies. Pourtant, l'unilatéralisme des propos est contestable. L'Etat a voulu se donner les moyens juridiques d'une gestion renouvelée et des progrès ont été récemment accomplis. Sous l'autorité du Conseil d'Etat, un Code des propriétés publiques a été conçu67(*). Sans remettre en cause les principes du droit public et la préservation de l'intérêt général, il modernise le droit domanial pour lui donner la souplesse nécessaire sans renier les fondamentaux.

Les dispositions du Code sont entrées en vigueur le 1er juillet 2006 ( Ord., art 13), elles ont remplacé celles du Code du domaine de l'Etat. Il procède à un grand nombre d'innovations lesquelles seront analysées plus concrètement dans la section 2 de ce mémoire. Il s'agit, à ce stade de l'étude, de faire transparaître, de manière générale, la volonté du législateur de favoriser la valorisation du patrimoine public.

La codification du droit de la propriété des personnes publiques ne pouvait être effectuée à droit constant tant ce droit s'était, durant les dernières décennies, diversifié et complexifié au gré des modifications de l'environnement juridique et économique. Le droit domanial était devenu à maints égards trop rigide, eu égard aux opportunités liées à la valorisation économique du domaine public. Institué par le décret n° 57-1336 du 28 décembre 1957, le Code du domaine de l'Etat reflétait nécessairement ces insuffisances dans la mesure où il n'avait pas fait l'objet d'une révision d'ensemble depuis 1970.

En termes de définitions générales, celle du domaine public immobilier est fondée sur les critères jurisprudentiels de l'affectation d'un bien à l'usage direct du public ou au service public pourvu qu'en ce dernier cas, ce bien fasse l'objet d'un aménagement non plus seulement spécial mais indispensable68(*). Le Code propose une définition qui réduit le périmètre de la domanialité publique. La nouvelle codification contient des innovations importantes qui devraient améliorer la sécurité juridique des contrats et qui étaient réclamées par les praticiens du droit comme par les acteurs de la vie économique.

En termes de modernisation de la gestion patrimoniale et de valorisation économique du domaine public, deux orientations ont été principalement suivies :

- Fluidifier la gestion du patrimoine immobilier. L'ordonnance du 19 août 2004 avait classé les immeubles de bureaux appartenant à l'Etat et à ses établissements publics dans leur domaine privé (article L. 2211-1). Ces biens sont de ce fait aliénables sans contrainte de déclassement du domaine public. Dans le prolongement, de cette respiration du patrimoine public et au vu de l'expérience acquise, cet assouplissement a été étendu aux autres personnes publiques. Par là, tout conspire à une externalisation de l'immobilier administratif. De plus, les opérations de cession ou d'échange sont rendues possibles quand bien même ces immeubles continuent à être utilisés par un service public, ce qui peut permettre leur reprise en location auprès d'un investisseur (articles L. 3211-2 et L. 3211-3). En outre, les incertitudes juridiques qui pesaient sur les transferts de propriété entre personnes publiques ont été levées. Il devient loisible à une personne publique propriétaire, en cas de cession à l'amiable, de s'affranchir expressément de la contrainte du déclassement préalable (article L. 3112-1). La même simplification a été réalisée pour les échanges d'immeubles, ce qui est de nature à faciliter de nombreuses opérations foncières entre l'Etat et les collectivités territoriales (article L. 3112-2).

- Le projet, en outre, modernise le régime de l'occupation du domaine public. Il s'inspire notamment des réflexions contenues dans l'étude du Conseil d'Etat du 24 octobre 2002 relative aux redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine public. Ainsi le principe selon lequel toute occupation ou utilisation du domaine public, quel qu'en soit le propriétaire, donne lieu au paiement d'une redevance tenant compte des avantages de toute nature qui sont procurés à l'occupant, est-il consacré par la loi. De plus, si le régime des occupations privatives est repris à règles presque constantes pour l'Etat, le droit local évolue en revanche. Le Code ajoute dans la besace des collectivités territoriales un jeu d'autorisations d'occupation attributives de droits réels librement inspiré de celui applicable à l'Etat (article L. 2122-20). Au surplus, est en fin admise, la possibilité de grever les immeubles du domaine public de servitudes conventionnelles (article L. 2122-4).

?

La nouvelle appréhension du patrimoine public, à l'aune notamment du Code général de la propriété des personnes publiques d'une part, et d'une propension globale au développement des préceptes économiques et managériaux d'autre part, rencontre néanmoins une limite essentielle : les principes protecteurs de la domanialité publique qui interdisent de dilapider le patrimoine public et les garanties légales d'exigences constitutionnelles, comme le fonctionnement continu du service public et la protection de la propriété publique.

§ 2. La limite d'une démarche purement économique : le maintien d'une exigence de protection du patrimoine public.

« Il faut sans doute se garder d'une illusion : on peut atténuer les aspérités de la domanialité publique mais il est sans doute illusoire de penser que l'on peut avoir simultanément les avantages inhérents à des logiques sinon opposées du moins substantiellement différentes. On ne peut pas revendiquer à la fois l'idée d'une protection domaniale forte, au nom de la police, ou des libertés publiques ou de l'intérêt général, et revendiquer d'autre part, les avantages économiques d'une exploitation en quête de rentabilité, il y a là deux approches également légitimes et respectables, mais entre lesquelles il faut choisir et que l'on ne peut pas impunément confondre ou réunir »69(*)

En rapport avec la réforme de la loi organique sur les lois de finances, apparaît une nouvelle dimension liée à l'approche managériale de la gestion de l'Etat qui retentit directement sur la conception même du domaine. Si la tendance actuelle démontre un souci de limiter la domanialité publique à « un noyau dur »70(*), la solution extrême d'une cession se heurte aux limites des bases constitutionnelles du domaine (A).

Les deux objectifs de valorisation et de protection sont certes antinomiques mais les décisions jurisprudentielles, tant constitutionnelles qu'administratives, démontrent qu'il est possible de composer entre ces deux orientations. Depuis quelques années, le droit du domaine public doit prendre en compte de nouvelles considérations sans cependant que soient perdus de vue les principes de protection résultant de l'inaliénabilité et de l'incessibilité à vil prix des propriétés publiques. Toutefois, l'application concrète de ces deux principes fait l'objet d'une certaine relativité (B).

A La protection du domaine public, un impératif constitutionnellement reconnu ?

La jurisprudence, tant constitutionnelle qu'administrative, s'est depuis quelques années largement développée pour témoigner de l'existence d'une protection de nature constitutionnelle sur les propriétés publiques (1) même s'il est possible de dénoter une certaine confusion (2).

1. Les limites inhérentes à la protection constitutionnelle des biens publics

. Analyse de la jurisprudence constitutionnelle

La question qui se pose, est de savoir s'il existe des règles et principes constitutionnels que le législateur doit respecter lorsqu'il modifie le droit domanial. Il semble à cet égard que la première constatation qui s'impose est que, dans sa décision n° 94-346 DC du 21 juillet 1994, Loi relative à la constitution de droits réels sur le domaine public71(*), le Conseil constitutionnel a en quelque sorte constitutionnalisé l'existence d'un domaine public en considérant que le législateur ne peut modifier le droit de la domanialité publique qu'à la condition « de ne pas priver de garanties légales les exigences constitutionnelles qui résultent de la continuité des services publics auxquels le domaine public est affecté »72(*). Il s'agit d'une logique de protection de l'utilisation qui est faite du domaine. Il s'agit en outre, d'assurer la protection d'autres principes à valeur constitutionnelle : continuité du service public. L'approche s'avère donc pragmatique et ne vise en aucun à une quelconque « sanctuarisation du domaine public »

Une autre approche est également à l'oeuvre dans cette décision. Ce raisonnement s'appuie sur les dispositions de l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. La protection qui est due à la propriété privée concerne à titre égal, la propriété étatique. Le Conseil en tire comme conséquence que le domaine public ne peut être grevé de droits réels « sans contrepartie appropriée eu égard à la valeur réelle de ce patrimoine ». Ici est bien en oeuvre une logique patrimoniale qui interdit toute valorisation qui se ferait à un prix inférieur à la valeur réelle des biens publics

Il résulte clairement de ce considérant que le régime juridique des biens du domaine public doit nécessairement comprendre des règles susceptibles de faire en sorte que le respect des exigences constitutionnelles soit obligatoire. Cela ne signifie pas, semble-t-il, que ces éléments obligatoires, ont valeur constitutionnelle en eux-mêmes. Ils doivent seulement faire partie des principes que l'administration doit respecter dans la gestion de ceux de ses biens qui appartiennent au domaine public. Pour prendre l'exemple de l'inaliénabilité, ce ne serait pas parce que celui-ci constituerait un élément constitutionnellement obligatoire du régime de la domanialité publique qu'il aurait nécessairement valeur constitutionnelle. En d'autres termes, si, à la différence de l'administration, le législateur peut, comme il l'a fait pour France Télécom73(*), déclasser et transférer la propriété de biens affectés à un service public sans mettre au préalable fin à l'affectation, il ne peut malgré tout le faire que si, il ne porte pas atteinte au principe de continuité des services publics. Le Conseil d'Etat est également intervenu en la matière.

â. La jurisprudence administrative : la reconnaissance d'un « impératif d'ordre constitutionnel de protection du domaine public ».

C'est à l'occasion d'un recours en excès de pouvoir dirigé contre l'une des dispositions du décret n° 97-683 du 30 mai 1997 relatif aux droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes prévues par le Code des postes et télécommunications que le Conseil d'Etat, dans l'arrêt SIPPEREC du 21 mars 2003, a énoncé le principe suivant : « Qu'en vertu de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, auquel se réfère le Préambule de la Constitution, la protection du domaine public est un impératif d'ordre constitutionnel »74(*). L'expression retenue n'est pas sans rappeler celle « d'objectif à valeur constitutionnelle » utilisée par le Conseil constitutionnel au regard de l'objet de l'impératif : la limitation des droits fondamentaux (la liberté du commerce) et la promotion de valeurs collectives (l'affectation à l'usage du public). Il fallait se méfier d'une lecture de l'espèce trop hâtive conduisant à interpréter la consécration de l'impératif d'ordre constitutionnel comme une réaction au phénomène de patrimonialisation du domaine public. Face au développement de l'exploitation économique du domaine public, le Conseil d'Etat réaffirme que ce dernier n'est pas comme les autres et qu'il doit donc recevoir une protection spéciale.

Comment comprendre l'impératif de protection posé par le Conseil d'Etat ? L'emprise de la logique subjective et patrimoniale sur la propriété publique s'est accentuée à la faveur de plusieurs évènements. Tout d'abord, à la faculté traditionnelle d'invoquer des motifs de gestion pour délivrer les autorisations d'occupation privatives du domaine public, s'est ajoutée une liberté réelle du gestionnaire quant au choix de ces motifs. Les lois du 5 janvier 1988 et du 25 juillet 1994 ont ensuite remis en cause partiellement le principe de l'inaliénabilité en autorisant la constitution de droits réels. Par ailleurs, par une importante décision d'Assemblée du 23 octobre 199875(*), le Conseil d'Etat a refusé par opportunité d'appliquer la domanialité publique aux biens d'Electricité de France (EDF) de manière à assurer à cette entreprise une liberté dans la gestion de son patrimoine. En définitive, on assiste à une banalisation de la gestion du domaine public lequel se rapprocherait davantage d'un espace marchand à l'instar du domaine privé. Toutefois, c'est à cette idée que le Conseil d'Etat s'oppose dans la décision SIPPEREC. Le domaine public n'est pas un espace comme les autres, un espace sur lequel tout type d'activités, à commencer, par celles économiques, pourrait librement s'exercer.

L'arrêt EDF précité pourrait conduire comme le suggère C. LAVIALLE, à la disparition du critère de l'affectation à un service public, étant donné que l'exercice d'une mission de service public, est de plus en plus jugé incompatible avec le maintien des contraintes liées à la domanialité publique. La protection ne devrait pouvoir concerner que le domaine affecté à l'usage du public, déjà appelé le « noyau dur » du domaine public, de manière à ne pas entraver la valorisation de certains biens non affectés à cet usage.

2. Les doutes quant à la portée réelle de la protection

La jurisprudence ci-dessus examinée démontre l'existence d'une double protection : protection du droit de propriété des personnes publiques et protection de l'affectation des biens du domaine public. Propriété et domanialité ne sont pas dans une logique de concurrence, leurs liens se juxtaposent et sont connexes. Toutefois, un examen plus approfondi permet de mettre en exergue certaines confusions.

La première source de confusion réside dans le mélange des deux impératifs de protection. Cette tendance n'est pas nouvelle puisque déjà l'arrêt B.R.G.M du 21décembre 1987 est révélatrice de cette confusion76(*). La Cour y écrit que les biens des personnes publiques bénéficient de l'insaisissabilité, cette situation témoignant de l'existence d'un principe général du droit. Pour arrêter cette solution, la Cour indique que ces biens relèvent de procédés de gestion dérogatoires du droit commun. On peut se demander si une logique de protection n'est pas inscrite en filigrane. Logique patrimoniale et logique de protection de l'affectation sembleraient alors se confondre, accréditant au surplus l'idée selon laquelle le domaine public constituerait la forme de propriété privilégiée des personnes publiques.

La deuxième de source de confusion provient de glissements sémantiques progressifs. L'arrêt SIPPEREC paraît conduire à des effets surdimensionnés. En particulier, la formule aurait gagné à être définie de manière plus restrictive. Sous le couvert de l'expression « protection » que vise-t-on exactement ? L'interprétation est en effet susceptible de donner lieu à de nombreuses interrogations de la part des gestionnaires du domaine public77(*).

En réalité, il ne s'agit pas d'être alarmiste. Ces deux séries de protection peuvent se cumuler ; elles ne doivent ni être confondues, ni être entendues de manière trop large. Il convient de soutenir toutes les solutions techniques qui, tout en préservant ces impératifs, permettent de donner aux gestionnaires des moyens souples et faciles pour gérer les propriétés publiques. En outre, la décision SIPPEREC du 21 mars 2003 a été rendue en matière de circulation. Cela permet de comprendre, qu'en aucun cas, la valorisation du patrimoine public connaît un coup d'arrêt. La protection ne concerne que le domaine affecté à l'usage du public.

Les juridictions administrative et constitutionnelle veillent, non sans confusion dans la formulation, à ce que l'exploitation économique du domaine public se fasse dans le respect d'un principe de protection de celui-ci. La valorisation doit donc composer avec l'application des principes d'inaliénabilité et d'incessibilité à vil prix des propriétés publiques.

B La portée effective des principes protecteurs du patrimoine public : une application relative face aux exigences de valorisation.

Le droit des biens repose sur des principes visant à conserver l'intégrité et la valeur patrimoniale des dépendances publiques. Si l'inaliénabilité (qui s'applique au domaine public) (1) et l'incessibilité à vil prix (qui concerne la propriété) (2) peuvent servir de rempart à une valorisation extrême fondée sur la cession des propriétés, leur application est bien souvent relative. Le domaine public est une richesse et le développement de son exploitation économique l'emporte souvent.

1 . Le principe de l'inaliénabilité

L'étude du droit des biens78(*) comprend classiquement une partie relative à la protection des dépendances domaniales dans laquelle le principe de l'inaliénabilité est incontournable. Consacrée par l'article L. 52 du Code du domaine de l'Etat qui dispose que : « Les biens du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles » et par l'article 13 de la loi du 5 janvier 1988 pour les biens des collectivités territoriales, l'inaliénabilité a des origines fort anciennes. Elle a été solennellement consacrée « loi fondamentale du Royaume » par l'Edit de Moulins de 156679(*). Mais quelle est sa portée ? Dans quelle mesure ce principe peut-il entraver la valorisation du patrimoine public ?

La raison d'être de l'inaliénabilité est l'affectation donnée au bien domanial. Son champ d'application est large et sa mise oeuvre entraîne des effets puissants : nullité des aliénations et impossibilité d'exproprier les biens. Cependant, une simple désaffectation suffit à en neutraliser l'effectivité. Aussi faut-il parler d'inaliénabilité ou d'aliénabilité conditionnelle ? Cette question posée par Marcel Waline dans sa thèse sur « Les mutations domaniales » met l'accent sur le caractère discrétionnaire de l'acte de déclassement. Une grande liberté est laissée aux personnes publiques pour disposer de leurs biens domaniaux et le contrôle du juge sur les déclassements, qu'il estimera a priori liés à une politique raisonnable de gestion domaniale, est réduit au minimum.

L'inaliénabilité n'est donc que relative et potestative puisque l'administration reste libre de supprimer l'affectation et de disposer ensuite des biens comme elle l'entend. Suite à la décision du Conseil d'Etat SIPPEREC en est-il toujours ainsi ?

Selon M. SOULIE, dans sa note sous l'arrêt SIPPEREC80(*), il est fort peu probable que la Haute juridiction ait pris le soin de créer un impératif d'ordre constitutionnel pour ne rappeler que des principes classiques en matière de protection du domaine public. La portée de l'impératif pourrait être plus importante et concerner la valeur du principe d'inaliénabilité. La protection serait en conséquence plus importante, à partir du moment où tout projet législatif qui comporterait une aliénation d'une partie du domaine affecté à l'usage du public serait susceptible d'une censure par les gardiens de la Constitution. Toutefois, la reconnaissance d'une valeur constitutionnelle se heurte à certaines difficultés. D'une part, il faudrait revenir sur la liberté accordée aux personnes morales de droit public dans la gestion de leur patrimoine81(*) ; celles-ci ne pouvant plus désaffecter et déclasser une partie de leurs biens. D'autre part, prié de se prononcer, le Conseil constitutionnel fut conduit à apprécier l'autorité d'un tel principe : valeur législative ou constitutionnelle ? Il s'est toujours opposé à cette reconnaissance, sans pour autant utiliser une formulation explicite82(*). Dans l'attente d'un éventuel, mais improbable, revirement jurisprudentiel l'arrêt SIPPEREC permet de renforcer le contrôle sur les actes de désaffectation préalables à des aliénations et ainsi préserver la substance du domaine public, en fournissant un début de protection contre le risque de dilapidation des patrimoines publics dans un contexte de développement accru des phénomènes de cessions et d'externalisation. Une logique similaire se retrouve dans l'application du principe d'incessibilité des propriétés publiques à vil prix.

2. L'incessibilité à vil prix des propriétés publiques

On sait, depuis La Bruyère, que « la libéralité consiste moins à donner beaucoup qu'à donner à propos83(*) ». Au précepte du moraliste, le droit domanial fait écho, puisque la propriété publique ne peut faire l'objet de cessions à titre gratuit. En soi la règle selon laquelle les propriétaires publics ne peuvent céder, aliéner ou échanger leurs biens sans contrepartie effective n'a rien de surprenant. Elle n'est que l'expression, dans le droit des biens, du principe selon lequel les personnes et collectivités publiques ne peuvent pas consentir de libéralités, et cela tout simplement parce que les biens qu'elles possèdent, acquis par des deniers publics, sont directement ou indirectement le support de l'intérêt général dont elles ont la charge. L'interdiction d'aliéner à vil prix rejoint la prohibition plus générale des libéralités et, dans le domaine du contentieux, l'interdiction de condamner une personne publique à payer une somme qu'elle ne doit pas ( sur ce principe v. l'arrêt Mergui, C.E. 19 mars 1971 avec les conclusions Rougevin-Baville). On rattache généralement cette prohibition à l'obligation pour l'administration d'exiger une redevance de la part des occupants privatifs du domaine public84(*).

Ce principe, somme toute assez naturel, a été relayé par une jurisprudence du Conseil constitutionnel inaugurée par la décision des 25-26 juin 1986. A propos d'une loi d'habilitation permettant des privatisations d'entreprises, le Conseil constitutionnel affirme que la protection constitutionnelle du droit de propriété, telle que commandée par la Déclaration des droits de 1789, « ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers, mais aussi, à titre égal, la propriété de l'Etat et des autres personnes publiques » ; et il précise, en se fondant sur le principe d'égalité, que « la Constitution s'oppose à ce que des biens et des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d'intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur »85(*).

Le Conseil constitutionnel a considéré que les aliénations de biens publics à des prix inférieurs à leur valeur portaient atteinte aux intérêts patrimoniaux des propriétaires publics86(*). En effet, lorsqu'une personne publique décide de céder un terrain ou un bâtiment lui appartenant pour la somme d'un euro, elle ampute son patrimoine de la valeur vénale du bien ainsi aliéné. La réalisation de telles opérations risquerait d'obérer gravement les patrimoines et deniers publics, alors que l'intégrité et la non-dilapidation des patrimoines publics constituent une des garanties de la continuité des pouvoirs publics87(*). On voit l'influence de la jurisprudence constitutionnelle sur la jurisprudence administrative. L'incessibilité des biens publics à titre gratuit s'inscrit dans un ensemble - la protection constitutionnelle de la propriété publique - à la fois plus large et plus exigeant.

Toutefois, cette proposition est en elle-même limitée au cas où le cessionnaire serait « une personne poursuivant des fins d'intérêt privé ». Aucune protection constitutionnelle spécifique ni prohibition n'existent donc pour d'éventuelles cessions de biens, par une personne publique, à une autre personne publique ou encore à des personnes privées poursuivant des fins d'intérêt général. L'incessibilité des biens publics conçus par le Conseil constitutionnel est finalement définie par deux critères. Le premier est organique dans la mesure où seules les personnes privées sont assujetties à cette interdiction, les personnes publiques en sont dégagées. Le second est matériel puisqu'il implique un examen de l'activité des personnes privées. Celles poursuivant une activité d'intérêt général sont susceptibles d'acquérir des propriétés publiques à des prix dérisoires tandis que celles qui ont une activité purement privée doivent payer le prix correspondant à la valeur desdits biens.

De surcroît, le Conseil d'Etat au contentieux a retenu une interprétation peu contraignante - mais réaliste - de ces principes protecteurs du domaine public et s'opposant à ce qu'aucun élément du patrimoine public puisse être cédé à vil prix. Alors que le tribunal administratif de Besançon en avait tiré la conséquence qu'une commune ne pouvait pas céder une parcelle de son domaine privé à un prix inférieur à sa valeur, et notamment pour un franc symbolique. Le Conseil d'Etat a jugé au contraire que « la cession par une commune d'un terrain à une entreprise pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé, lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comprend des contreparties suffisantes »88(*). La cour administrative d'appel de Nantes a jugé dans le même sens qu'il n'y avait pas d'atteinte à la protection constitutionnelle de la propriété publique dans le fait pour une commune, de céder des lots de lotissements communaux à bas prix au regard des motifs d'intérêt général par ailleurs poursuivis89(*).

?

L'opposition traditionnelle entre protection et valorisation du patrimoine public avait cours lorsque ce dernier était essentiellement appréhendé comme un espace de police. Si la valorisation connaît des limites - nécessaires pour éviter toute dilapidation -, l'exploitation est désormais l'objectif premier des politiques publiques domaniales. Il convient néanmoins de rappeler que la valorisation n'est pas seulement la maximisation du profit qu'il est possible d'en retirer, elle inclut aussi la recherche d'une meilleure satisfaction d'un intérêt général. La valorisation doit s'entendre d'une exploitation économique au service de l'utilité publique et de la continuité du service public. Une telle conciliation d'objectifs apparemment antinomiques se retrouvait déjà dans l'avis du Conseil d'Etat du 31 janvier 199590(*). Dans sa décision, la Haute Juridiction admet la légalité d'un montage mettant en oeuvre un mécanisme de location avec option d'achat sur la base d'autorisation d'occupation du domaine public constitutive de droits réels. Aucun obstacle à valeur constitutionnelle n'était venu interdire une telle opération, consacrée depuis par le législateur et avalisée par les Neuf Sages91(*).

Il convient désormais d'étudier l'application pratique de la politique de protection de la valeur économique et financière du patrimoine public.

Partie 2 

Politiques et outils de la protection financière du patrimoine public

ou

l'essor d'une nouvelle gouvernance patrimoniale

D

epuis une quinzaine d'année, la domanialité publique est en débat. « Parce qu'il renvoie à une conception désuète de la propriété publique, inaliénable et imprescriptible, le régime juridique des biens publics, à force de dissuader l'initiative économique, oblige parfois à des attitudes ou des montages fragiles, toujours susceptibles de provoquer des procès. »92(*)

Il semble que le professeur J. CAILLOSSE ait été entendu. L'idée de réformer le droit domanial relève désormais du lieu commun. En effet, le droit des biens connaît actuellement une vague de réformes et de politiques qui tendent à faire de la valorisation un impératif à mettre en oeuvre. Il s'agit de prendre acte des carences du régime juridique. Ce dernier était devenu insuffisant voire inadapté aux exigences économiques93(*). Jusqu'à une période récente, il était admis que le coût de l'utilisation des propriétés publiques n'avait pas à être pris en compte dans le calcul du coût de fonctionnement des services publics. Pour des raisons que tous le monde connaît - état des finances publiques, ouverture à la concurrence des principaux services publics industriels et commerciaux, influence des nouveaux modes de gestion du patrimoine des entreprises, développements des techniques d'externalisation - cette conception n'a plus cours.

Il est désormais pleinement admis que les personnes publiques doivent avoir une « gestion patrimoniale optimale95(*) ». C'est pourquoi, les pouvoirs publics s'acheminent incontestablement vers le perfectionnement d'outils juridiques permettant de valoriser le domaine public. Tandis que, l'adoption du Code général de la propriété des personnes publiques atteste d'une modernisation de l'exploitation économique du patrimoine (SECTION 1), les politiques domaniales étatiques démontrent le développement, en la matière, d'un management public empreint des dogmes entrepreneuriaux (SECTION 2).

SECTION 1

LA MODERNISATION DE L'EXPLOITATION ECONOMIQUE DU PATRIMOINE PUBLIC

« Quand le droit ne convient pas, plutôt que de chercher à le tourner, il faut songer à le changer 96(*)»

La publication d'un nouveau code constitue toujours un événement. Conçu, comme un outil de référence de tel ou tel pan du droit, un code doit améliorer à la fois la lisibilité de la norme et l'accessibilité du droit. La publication au Journal officiel du 22 avril 2006 de l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) constitue donc un événement en soi.

Le contexte dans lequel est intervenue l'adoption de ce code était particulièrement propice. Une mise à jour du droit des propriétés publiques s'était avérée être une absolue nécessité. L'hypertrophie du régime de domanialité publique combinée à une interprétation inutilement exigeante de ce régime confisquait toutes les perspectives de valorisation par ailleurs encouragées. Le Code général de la propriété des personnes publiques a donc réformé assez considérablement l'exploitation domaniale. C'est parce qu'il consacre une approche par la propriété que le CGPPP procède à une modernisation du droit des biens.

Le code présente à raison, de son objet et des interventions législatives antérieures qu'il conforte, une singularité qui s'apprécie notamment au regard de son économie générale. On se limitera donc à l'analyse des innovations les plus marquantes. Les règles nouvelles du code commentées ci-après sont le reflet de deux préoccupations : renouveler la gestion patrimoniale des personnes publiques (§1) et assurer la performance financière de leur domaine public (§2).

§ 1. Une gestion patrimoniale renouvelée :

Le constat, effectué dès 1986 par le rapport du Conseil d'Etat sur l'avenir du droit des propriétés publiques, d'un domaine public hypertrophié dont la protection certes nécessaire avait toutefois des conséquences patrimoniales déraisonnables pour le gestionnaire compte tenu de la rigidité des règles, a conduit les auteurs du Code à définir par la loi, le domaine public immobilier afin d'en contenir l'étendue97(*) (A). Le code vient également conforter des interventions législatives ponctuelles antérieures98(*). Le renouvellement de la gestion est donc assuré par les règles relatives aux opérations de cession, d'échange ou de transfert de propriété. Toutes ces dispositions facilitent la respiration du domaine public (B).

A. La limitation de l'hypertrophie99(*) du domaine public : une nouvelle définition à l'effectivité incertaine 

« Il convient, au préalable, d'aborder une notion-clé, celle du domaine public.  Est-ce un héritage de l'ancienne monarchie ou du droit administratif républicain ? Si l'héritage est porteur de routine, il faut avoir la franchise de l'abolir. Si en revanche, on doit le considérer comme un outil, il faut l'améliorer. Aussi loin que l'on remonte, la notion de domaine public a été envisagée comme un outil irremplaçable pour permettre à l'Etat d'organiser la localisation de certaines activités économiques.100(*) ».

Il existe dans le discours doctrinal un relatif consensus pour dénoncer l'excessive rigidité de la domanialité publique. Mais les divergences apparaissent lorsqu'il s'agit d'exposer les voies et les moyens d'une possible évolution. Soit on songe à régler les problèmes liés à la division domaniale soit, au contraire, on suggère d'aménager le cadre de l'intervention : le domaine recevrait une définition restrictive grâce à l'intervention d'un critère pondérateur plus efficace que celui de l'aménagement spécial. Le CGPPP a décidé de privilégier la deuxième voie, en procédant à un recentrage de la domanialité publique (1). L'adoption de ce Code a également été l'occasion d'affaiblir la règle de l'accessoire. Cette dernière était devenue incompatible avec la volonté politique de réduire la consistance du domaine public (2). Toutefois, Ces deux innovations sont à relativiser, dans leur application concrète, au regard de la rédaction retenue par le législateur.

1. Le recentrage de la domanialité publique

Historiquement, l'Etat a étendu son domaine dans le même temps qu'il accroissait son territoire. Cette conception quantitative a montré ses limites. L'inventaire des biens composant le domaine public n'a cessé de s'enrichir. La raison peut en être trouvée dans la volonté des pouvoirs publics de donner à une grande partie de leurs biens des éléments de protection du fait de leur affectation à l'intérêt général. Le critère accueillant de la notion de service public a permis cet élargissement ainsi que l'effet peu réducteur de la condition d'aménagement spécial. Alors qu'une partie de la doctrine prône l'abandon du recours à un critère réducteur (á), le législateur en 2006 a maintenu son application (â)

á. Les tenants de l'abandon d'une définition du domaine public en application d'un critère réducteur

« Faut-il définir le domaine public et comment ? » tel est le titre d'un article du professeur H. HUBRECHT101(*) qui à l'immense intérêt de mettre en exergue la difficulté d'arrêter une définition du domaine public. Selon M. HUBRECHT, la logique dominante est désormais celle d'un régime législatif adapté à chaque type de biens appartenant à chaque catégorie de personnes publiques. On ne serait plus « dans la pure logique de la définition générique mais plutôt dans celle d'un ultime filet protecteur ». Cela incite à conserver une définition traditionnelle par l'affectation à l'usage du public ou du service public mais sans la référence à quelque critère réducteur que ce soit. En effet, le critère de l'aménagement spécial a été inventé dans la perspective sinon exclusive du moins principale de faire échapper aux rigueurs de la domanialité publique les immeubles de bureaux banalisés. L'objectif ayant été atteint, ce critère perdrait toute utilité. En outre, son maintien alimenterait des difficultés d'interprétations contentieuses non négligeables.

L'adoption du Code général de la propriété des personnes publiques va à l'encontre des préconisations de M. HUBRECHT. Le législateur a en effet pris le parti d'arrêter une définition générale reposant sur un critère plus réducteur que celui d'aménagement spécial. Une cure de minceur pourrait succéder à « l'hypertrophie pathologique du domaine public » (G. LIET-VEAUX).

â. Une nouvelle définition du domaine public propice aux exigences de valorisation

Selon l'article L. 2111-1 du CGPPP, « sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. »

Le législateur prend la main pour préciser par la loi les critères devant être mis en oeuvre pour définir le domaine public immobilier. La définition retenue par le législateur est centrée sur la notion d'affectation, étant observé que la condition d'appartenance du bien à une personne publique demeure. Il doit s'agir d'une propriété pleine et entière. La jurisprudence ( CE, Section, 11 février 1994, Cie d'assurances Préservatrices foncières, Rec. P. 65) exclut l'application du régime de la domanialité publique les immeubles en copropriété.

Le changement de terminologie n'est pas anodin :

- Pour les biens affectés à l'usage direct du public, toute référence explicite à l'aménagement disparaît (CE, 28 juin 1935, Marécar, Rec. P. 734). Cela présente un inconvénient majeur : celui de redonner une portée à la distinction entre les biens affectés à l'usage direct du public et les biens affectés à un service public. En effet, ainsi que de nombreux arrêts l'on montré102(*) La distinction n'est pas toujours aussi claire, selon Y. GAUDEMET, « l'affectation peut dans certains cas aussi bien être présentée comme faite à l'usage du public ou à un service public103(*) ». Désormais, la distinction entre les deux catégories de biens retrouve tout son intérêt puisque les conditions d'entrée d'un bien dans le domaine public diffèrent selon que l'on est en présence de l'une ou l'autre catégorie.

- Pour les biens affectés au service public, leur domanialité publique dépendra du caractère indispensable des aménagements pour l'exécution du service. La recherche d'un critère réducteur de la domanialité publique s'est imposé depuis longtemps comme une nécessité. Si tous les auteurs s'accordent pour affirmer que réduire le domaine public aux biens affectés à l'usage direct du public est une vue trop étroite et insoutenable à l'heure du développement des activités publiques, ils considèrent généralement qu'une extension de la domanialité publique est inopportune. C'est dans ce contexte qu'en 1956 le Conseil d'Etat a posé le critère de l'aménagement spécial (CE, 19 octobre 1956, Sté Le Béton, D. 1956, p. 681, concl. LONG).

C'est sur ce point qu'est intervenue une innovation importante. Comme ce qui était reproché à la notion d'aménagement spécial, telle que la jurisprudence l'avait interprétée104(*) c'était de ne pas constituer un critère suffisamment réducteur, il ne fait aucun doute que si le CGPPP a opéré cette modification, c'est parce que dans l'esprit des auteurs, la condition d'aménagement indispensable est plus exigeante.

La réduction ainsi opérée sera-t-elle suffisante ? On peut douter que l'objectif poursuivi soit atteint dans la mesure où il paraît logique de considérer qu'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de service public, peut ne pas constituer un aménagement spécial. Il aurait été préférable d'écrire tout simplement ce que le recours à la notion d'aménagement indispensable est censé permettre : limiter la domanialité publique aux biens nécessaires au bon fonctionnement des services auxquels ils sont affectés. En pratique, il est fort probable que le résultat poursuivi sera atteint. On peut penser que le juge saura voir dans la modification opérée par le Code une invitation à interpréter plus strictement ce critère.

Un autre apport du Code a été de mettre un terme à la théorie de domanialité publique virtuelle. Sur ce point, le rapport au président de la République était très clair puisqu'il affirmait que « c'est désormais la réalisation certaine et effective d'un aménagement indispensable qui déterminera l'application de la domanialité publique. » Dans quel but ? « [...] pour priver d'effet la théorie de la domanialité publique virtuelle ».

Avant le CGPPP, la théorie de la domanialité publique virtuelle était une théorie qui régissait la situation d'un bien appartenant à des personnes publiques entre le moment où la l'affectation publique avait été décidée et le moment où elle devenait effective suite à la réalisation des aménagements spéciaux. Désormais, il faut que le bien fasse l'objet et non plus ait fait l'objet d'un aménagement indispensable.

Toutefois, si on s'en tient à la lettre du texte législatif, si la condition de l'aménagement indispensable doit être considérée comme remplie dès que la réalisation de l'aménagement a commencé ; les biens entrent dans le domaine public avant même que leur affectation soit effective. On doit donc considérer que la théorie de la domanialité publique virtuelle n'est pas privée d'effet à l'égards des biens affectés à un service public, elle s'applique toutefois pendant une période beaucoup plus courte. Le doute est donc permis mais le professeur FATÔME souhaite « que le juge se réfère à la rédaction limpide du rapport remis au Président de la république pour abandonner cette théorie, source de rigidité et d'insécurité juridique105(*) ».

L'effort de limiter la consistance du domaine public pour soumettre à la domanialité publique, les seuls biens pour lesquels cette soumission apparaît réellement nécessaire transparaît également par une réduction de la portée de la règle de l'accessoire

2. L'affaiblissement de la règle de l'accessoire

Avant l'adoption du CGPPP, la règle de l'accessoire s'appliquait si un bien appartenait à une personne publique et, de manière alternative, s'il était lié physiquement à une dépendance publique ou s'il en constituait un élément indispensable ou utile. Si la première condition est maintenue, le CGPPP procède à un changement considérable en ce qui concerne la seconde condition.

Dans le but de réduire la domanialité publique, le législateur exige désormais qu'un bien ne puisse intégrer le domaine public par application de la règle de l'accessoire que si, tout à la fois, il concourt à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public et s'il constitue un accessoire indissociable de ce bien. Par conséquent, un lien soit fonctionnel, soit physique ne suffit plus, il faut que les deux existent cumulativement. La rédaction du Code soulève quelques interrogations : en ce qui concerne le lien fonctionnel, de quelle utilisation s'agit-il ? Vise-t-il des utilisations uniquement conformes ? Ou bien, les utilisations non conformes sont-elles aussi concernées ? De plus, quelle conception de l'indissociabilité faut-il retenir ? Dans tous les cas ces questions devront être résolues par le juge.

Enfin, quel sera l'avenir de cette règle ? Cette théorie a vocation à unifier le régime juridique d'un ensemble de biens compris sur une emprise foncière unique y compris ceux qui ne sont ou pas encore affectés au service public. Elle a donc pour effet d'accroître le champ de la domanialité publique. Dans la mesure où les règles d'incorporation sont désormais fixées par le CGPPP et que la règle de l'accessoire n'a pas été codifiée, on peut penser que cette dernière a vocation à disparaître. Cela va dans le sens d'un resserrement de la définition du domaine public et de son régime.

Au-delà d'une définition recentrée sur l'affectation par le jeu d'un critère réducteur et par la disparition programmée de théories qui participaient, par leur application, à l'hypertrophie domaniale ; le renouvellement de la gestion patrimoniale transparaît également au travers des possibilités qui sont reconnues aux personnes publiques de faire « respirer » leur domaine public.

B. La respiration du patrimoine public

Si l'objectif de limiter l'hypertrophie patrimoniale nécessite des précisions que le juge devra lever dans ses prochaines décisions, la respiration du domaine public laisse entrevoir des applications concrètes, effectives et plus immédiates. Ces nouvelles dispositions vont indéniablement dans le sens d'une protection accrue de la valeur financière du patrimoine public. Il s'agit de permettre aux personnes publiques d'accroître l'efficacité de leur gestion domaniale grâce à un assouplissement des règles traditionnelles gouvernant le régime des biens publics.

La nouvelle conception de ce que doit être la gestion des propriétés publiques, telle qu'elle ressort d'interventions législatives antérieures au CGPPP repose essentiellement sur deux orientations. Il s'agit tout d'abord d'atténuer les principes de base traditionnellement caractéristiques du droit des biens ( désaffectation, inaliénabilité) afin de favoriser la circulation des propriétés publiques (1). Ensuite, il convient de favoriser la possibilité pour les personnes publiques de céder certains biens appartenant au domaine public, dès lors que cela apparaît être une bonne solution d'un point de vue financier. Le domaine privé apparaît alors comme le nouvel eldorado d'une valorisation financière accrue (2). Toutefois, ces opérations de « privatisation » ne sont pas toujours efficaces et de nombreuses interrogations sont formulées par la doctrine.

1. La circulation des propriétés publiques

En la matière, le Code général de la propriété des personnes publiques assouplit la jurisprudence, mettant fin à des blocages venus du Conseil d'Etat. L'état du droit sort amendé sur trois points106(*).

La circulation dans les patrimoines administratifs est étendue. Les transferts de gestion sont désormais possibles pour l'ensemble des personnes publiques ( article L. 2123-3 CGPPP). Ils ne sont plus réservés comme auparavant à l'Etat.

La circulation vers les patrimoines privés est favorisée. L'édulcoration du principe d'inaliénabilité ouvre à l'Etat comme à ses établissements publics la possibilité de déclasser et de vendre les immeubles du domaine public artificiel sous la condition résolutoire d'une désaffectation dans un délai maximum de trois ans suivant le déclassement. L'article L. 2141-2 du CGPPP permet de déroger au principe fondamental selon lequel une mesure de déclassement est illégale si elle ne sanctionne pas une désaffectation de fait, si l'affectation à l'utilité publique de l'immeuble n'a pas cessé. Cet article introduit un facteur de souplesse en autorisant le déclassement par anticipation d'immeubles encore affectés à un service public. Une cession ne pourra plus être empêchée au prétexte que la désaffectation matérielle n'a pas été réalisée, alors que cette dernière a été décidée. Cette mesure permet de ne pas retarder une opération lorsque la désaffectation se prolonge en cas de complexité de l'opération. Ce régime est néanmoins encadré. Le déclassement par anticipation doit répondre aux nécessités du service public. Il ne peut excéder trois ans.

Enfin, la circulation entre patrimoines administratifs évolue assez considérablement. La question qui se posait était de savoir si le principe d'inaliénabilité s'imposait avec la même rigueur entre personne publique. Cette question était relativement peu débattue en doctrine alors même que de la solution dépendait la faculté d'éviter d'importantes complications107(*). Alors que le Conseil d'Etat avait une position ambiguë108(*), le CGPPP semble avoir entendu les collectivités publiques qui souhaitaient un assouplissement du régime en vigueur. Le Code apporte une sérieuse dérogation au principe de l'inaliénabilité en autorisant les transferts de propriétés entre personnes publiques lorsque s'opère un changement de service public qui maintient le bien en question sous un régime de domanialité publique. Il devient loisible à la personne publique propriétaire de s'affranchir de la contrainte du déclassement préalable (article L. 3113-1). La même simplification est réalisée pour les échanges d'immeubles.

Ces dispositions sont de nature à faciliter de nombreuses opérations foncières entre l'Etat et les collectivités territoriales. La qualité de gestionnaire de ces dernières sort incontestablement renforcée. Avant l'intervention du Code, il existait des procédures d'aliénations domaniales sans désaffectation. Cependant, elles devaient être réalisées par voie législative comme en témoigne le récent déclassement des dépendances affectées au service public aéroportuaire géré par Aéroports de Paris pour accompagner son changement de statut (loi n° 2005-357 du 20 avril 2005, JO 21 avril 2005, p. 6969). L'intervention de l'Etat était donc nécessaire. Lui seul pouvait passer outre le problème posé par l'impossibilité de désaffecter109(*). Des solutions devaient être trouvées pour permettre un réel transfert de propriété sans désaffectation et sans intervention de l'Etat. C'est ce à quoi, il a été procédé avec le CGPPP. Les personnes publiques notamment les collectivités territoriales peuvent désormais en toute légalité procéder elles aussi à des mutations domaniales. Le droit a ainsi rattrapé le fait.

2. L'accroissement de la consistance du domaine privé

La valorisation du patrimoine public passe-t-elle par une extension du domaine privé afin de profiter de ses règles de gestion ? Il est vrai que l'on peut se poser la question tant les réformes qui sont intervenues ces dernières années en matière patrimoniale, ont eu tendance à favoriser le déclassement de biens publics afin d'en permettre la cession. Il conviendra d'exposer les raisons théoriques qui justifient l'intérêt porté à la domanialité privée, dans un contexte de poursuite de valorisation domaniale (á). Pour démontrer cette tendance, deux exemples législatifs concrets ainsi que les interrogations doctrinales qu'ils ont suscité seront exposées : le déclassement des immeubles à usages de bureaux par l'ordonnance du 19 août 2004 et l'incidence de la loi du 20 avril 2005 sur le régime des infrastructures aéroportuaires (â).

á. Les politiques de déclassement des dépendances domaniales publiques : le domaine privé, vecteur d'efficacité patrimoniale ?

Depuis plusieurs années, le thème de la valorisation110(*) et de la gestion des biens par les personnes publiques est récurrent et permet de rendre compte du réalisme économique qui irrigue la matière domaniale, par l'importation d'une certaine dose de droit privé. Un tel constat, est la conséquence logique de la volonté des pouvoirs publics d'adapter le domaine public aux besoins des acteurs publics et privés intervenant en matière domaniale.

Cette volonté s'appuie sur des justifications d'ordres économique et financier : importance économique du domaine public et raréfaction des ressources publiques. Une grande partie du domaine public, composée des infrastructures portuaires, aéroportuaires, routières, ferroviaires, est devenue vitale au développement économique. La volonté d'adapter le régime juridique de ce domaine répond au souci d'y permettre la réalisation d'investissements lourds et l'accueil du plus grand nombre d'activités économiques, notamment assurées par les acteurs privés. La raréfaction des ressources publiques a conduit les pouvoirs publics à vouloir réformer le régime domanial afin de faciliter de nouveaux investissements, notamment par des financements privés.

Dans cette perspective, une partie de la doctrine prône l'abandon de la domanialité publique111(*). Madame LATOURNERIE légitime d'ailleurs cette solution : cette « seconde piste qui a priori peut paraître plus radicale, mais il n'est pas sûr qu'elle le soit, [...] serait d'avoir comme objectif de faire carrément sauter la notion de domaine privé », son régime étant étendu à l'ensemble des biens publics112(*). L'extension de la domanialité privée serait alors envisageable voire même souhaitable. Elle présenterait d'autant plus d'intérêts que la domanialité publique remplirait mal sa fonction première en raison de l'évolution des besoins des acteurs juridiques. Ainsi que le déplore M. BEYSSON, « les principes qui ont été établis pour assurer la protection des intérêts de la puissance publique se retournent en réalité contre les objectifs poursuivis par ses représentants »113(*) Le régime du domaine privé semble en effet être à même d'assurer l'adaptation aux exigences économiques des dépendances domaniales tout en assurant la prise en compte des intérêts collectifs dont les biens publics sont le support.

La liberté des collectivités publiques d'exploiter les biens composant leur domaine privé est assez large. Selon M. MOYSAN, l'extension de la domanialité privée apporterait les réponses aux différents types de difficultés rencontrés parce qu'elle permettrait à la collectivité de prendre tous les actes que la propriété autorise. L'extension du régime du domaine privé permettrait aux collectivités publiques d'aliéner librement toutes leurs dépendances, de réaliser leurs investissements grâce aux techniques classiques de financement.

La poursuite de l'efficacité de gestion a naturellement conduit le législateur à déclasser les immeubles à usage de bureaux et les infrastructures aéroportuaires. Ces deux interventions attestent des vertus dont le domaine privé serait porteur. Pour autant, la domanialité publique, telle qu'elle a été réformée à la suite de l'adoption du CGPPP, n'est en rien antinomique avec la protection de la valeur financière du patrimoine. Ceci d'autant plus, qu'une « privatisation » systématique des dépendances prive de l'application de montages contractuels publics qui assurent tout autant la valorisation du patrimoine. C'est pourquoi, ces réformes ont suscité quelques réserves doctrinales. De plus, de nombreux biens privés demeurent soumis à un régime exorbitant. Si leur aliénabilité constitue leur caractéristique fondamentale, les biens privés affectés à un service public peuvent être inaliénables afin de maintenir la continuité du service public. Cela démontre qu'il faut se garder d'avoir une vision trop manichéenne des classifications domaniales.

â. Les exemples concrets d'un accroissement de la domanialité privée : le développement de « biens privés affectés au service public »

« le droit public de l'économie n'en finit pas d'être un animal juridique singulier114(*) »

Concomitamment à l'adoption du Code général de la propriété des personnes publiques, le législateur a fondé la réforme du droit domanial sur le déclassement de certaines dépendances afin de pouvoir les soumettre au régime de la domanialité privée. Ces interventions législatives contribuent à créer des biens privés soumis à un régime hybride qui peut paralyser le souci initial de valorisation. En effet, l'arbitrage entre les forces du marché et les exigences de service public ne sont jamais univoques. En dépit de la domanialité privée, l'application du droit public se maintient. Cette « schizophrénie » peut être un obstacle à la protection financière du patrimoine public initialement recherchée. Cela s'est avéré être le cas pour les aéroports et moins pour les immeubles à usage de bureaux.

q Le déclassement des immeubles à usage de bureaux

Un recours à des procédures de cessions d'immeubles administratifs banalisés et occupés, en vue de leur reprise en location par l'Etat auprès de l'acquéreur impliquait de s'affranchir de la domanialité publique. Le déclassement des immeubles à usage de bureaux a été envisagé dans le rapport présenté en 1999 par M. QUERRIEN qui a constitué le socle du CGPPP et dont les dispositions ont été reprises dans une ordonnance en 2004.

Afin de permettre à l'Etat de valoriser son patrimoine immobilier, l'ordonnance du 19 août 2004 a posé le principe que les immeubles de bureaux lui appartenant relèvent du domaine privé. Elle est venue parachever une longue liste d'interventions législatives ponctuelles qui avaient assoupli le régime juridique du domaine115(*). L'article 1er de l'ordonnance a ajouté au second alinéa de l'article L. 2 du Code du Domaine de l'Etat : « Notamment les biens immobiliers à usage de bureaux, propriété de l'Etat ou de ses établissements publics, à l'exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public, font partie du domaine privé de ces personnes publiques ». L'inclusion de ces immeubles dans le domaine privé était subordonnée à la réunion de trois éléments. Les biens immobiliers devaient être à usage de bureaux. Pour cela, il devait accueillir des activités « de direction, de service, de conseil, d'étude » au sens du Code de l'urbanisme116(*), c'est-à-dire, plus globalement des activités de bureaux. De plus, à l'incompatibilité de principe entre domanialité publique et copropriété117(*), l'immeuble devait appartenir à l'Etat. Sur ce dernier point, le déclassement des immeubles à usage de bureaux a été étendu aux collectivités territoriales par l'article L. 2211-1 du CGPPP.

Ces biens bénéficient alors de la domanialité privée. Cette dernière est notamment « débarrassée » du principe d'inaliénabilité qui était vécu comme le principal obstacle au développement économique du patrimoine public. Toutefois, ces biens, quoique intégrés au domaine privé, peuvent être soumis à un régime exorbitant. S'agissant des immeubles à usage de bureaux non affectés à un service public, leur soumission au droit commun trouve sa limite dans le fait qu « à l'égal du domaine public, le domaine privé est une propriété publique118(*) ». En ce qui concernent les biens affectés à un service publics, une limite supplémentaire surgit : la continuité du service public.

Si ces immeubles demeurent utilisés par les administrations et ont par la même une affectation publique, la marge de manoeuvre offerte aux gestionnaires publics est encadrée par le nécessaire respect des principes d'insaisissabilité et d'incessibilité à vil prix. Quant à l'acte de cession, il doit contribuer à préserver la continuité du service public. Toutefois, ce régime hybride n'a pas constitué un obstacle. Ces dispositions ont servi de fondement à une vague importante de cessions d'immeubles. Longtemps attendue par les praticiens, cette réforme met en exergue le potentiel de valorisation offert par le domaine privé.

La gestion immobilière est un chantier emblématique de la réforme plus globale de l'Etat. En matière immobilière, cela implique d'évoluer vers un parc moins coûteux, plus adapté, mieux entretenu. Il est désormais admis que les personnes publiques doivent avoir une « gestion patrimoniale optimale ». Cela implique qu'elles aient la possibilité de ne pas être systématiquement propriétaire des biens nécessaires au fonctionnement des services publics dont elles sont responsables. On reconnaît désormais aux personnes publiques la possibilité d'externaliser l'immobilier, c'est-à-dire, de le vendre tout en continuant de l'utiliser. En outre, la gestion patrimoniale passe également par la possibilité, sous réserve de ne pas compromettre le fonctionnement des services publics, de valoriser toutes les utilités de leurs biens affectés qui ne sont pas accaparés par leur affectation. Ils deviennent alors source de revenus.

Le déclassement des infrastructures aéroportuaires en 2005 a également participé à l'émergence d' « un quasi-domaine public119(*) ».

q Le déclassement des aéroports

La loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports change le statut juridique des infrastructures aéroportuaires. L'établissement public Aéroport de Paris (ADP) est transformé en société anonyme contrôlée par l'Etat. Les concessions des grands aéroports régionaux d'intérêt national ou international pourront dorénavant être attribuées à des sociétés de droit privé au capital desquelles participeront les chambres de commerce et d'industrie et les collectivités territoriales intéressées. Au-delà de ces transformations institutionnelles, la loi montre que la privatisation des structures juridiques n'implique pas le délitement systématique des techniques de droit public et contribue à l'émergence d'une propriété privée affectée à l'utilité publique.

Le déclassement des dépendances du domaine public est habituellement requis pour transférer des biens qui ne sont plus affectés à l'utilité publique dans le domaine privé et pour les restituer au commerce. On retrouve cette exigence pour les biens du domaine d'ADP120(*).

Cela dit, ce n'est pas parce que les biens de la société ADP sont désormais des propriétés privées qu'ils sont exclusivement régis par le droit civil et le droit commercial. Au contraire, des règles exorbitantes du droit commun s'appliquent, rappelant par-là, que lorsqu'un bien est affecté à l'utilité publique, qu'il soit public ou privé, un régime spécifique protecteur de son affectation doit être institué. L'aliénation de ces biens n'est donc pas libre. L'article L. 251-3, alinéa 1er du Code de l'aviation civile, modifié par la loi du 20 avril 2005, prévoit que les biens d'ADP ne peuvent être cédés lorsqu'ils sont « nécessaires à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ». L'Etat est chargé de s'opposer à de telles cessions. Cette disposition n'ouvre pas, pour l'Etat, une faculté mais une obligation. C'est pourquoi, les cessions réalisées sans que l'Etat ait été mis en mesure de s'y opposer ou en violation de son opposition sont nulles de plein droit (article L. 251-3, al. 3 du code de l'aviation civile). Cette atteinte au principe de libre disposition des biens privés permet de préserver l'exécution des missions de service public d'ADP, cette dernière est en outre assurée par l'insaisissabilité de ces biens121(*).

Les dispositions précitées instituent ni plus ni moins un mécanisme d'autorisation préalable qui ne va pas dans le sens d'une valorisation des dépendances domaniales. En effet, les exigences du service public en exigeait-elle autant ? On peut se demander si le législateur n'a pas pris le risque de dissuader les investisseurs privés de participer au capital de la société voire de conclure des partenariats publics-privés122(*) dès lors que les possibilités de développement dépendront toujours in fine de la décision de l'Etat. Au demeurant, certains procédés de droit privé sont explicitement interdits : ainsi de la conclusion de baux commerciaux par ADP et de l'exercice des voies d'exécution du droit commercial.

Cet exemple législatif démontre clairement que la protection ne passe pas par un déclassement systématique des dépendances. En effet, ce serait oublier que la domanialité publique, qui a certes été longtemps un obstacle à la valorisation des biens, a été réformée pour répondre à de telles préoccupations. L'application de la loi du 20 avril 2005 écarte toute possibilité d'avoir recours à des montages contractuels complexes biens connus de type BEA ou AOT jumelés avec une LOA ou plus récemment de PPP et qui auraient permis de satisfaire les attentes de tous les acteurs potentiels : les partenaires privés qui se seraient vus reconnaître des garanties suffisantes et les personnes publiques qui auraient été assurées de voir les dépendances valorisées grâce à l'occupation privative. Dans cette optique, la protection de la valeur du patrimoine était assurée.

En définitive, l'ordonnance de 2004 et la loi d'avril 2005 démontrent que les politiques domaniales qui cherchent à promouvoir la protection financière du patrimoine public passent largement par une soumission des biens aux techniques du droit privé. Les contrats emportant occupation du domaine aéroportuaire ne seront plus ainsi des conventions d'occupation du domaine public et échapperont de ce fait à la juridiction administrative. Cette tendance se manifeste dans la constitution de droits réels sur le domaine public, au financement privé des équipements publics ou à la vente des immeubles à usage de bureaux. Toutefois, on ne peut manquer de remarquer la permanence des procédés de droit public123(*). Une telle combinaison de régime peut s'avérer néfaste pour une valorisation efficace. En ce qui concerne les infrastructures aéroportuaires, la liberté de gestion d'ADP ne sera jamais totale. Au final, selon B. GARIDOU « si les pouvoirs publics s'acheminent incontestablement vers le perfectionnement d'outils juridiques permettant de valoriser le domaine public, ce n'est pas parce qu'ils souhaitent qu'il devienne le domaine privé mais justement parce qu'il est le domaine public !124(*) ». Il ne s'agit pas de privilégier frénétiquement la domanialité privée et occulter les bénéfices, en terme de valorisation, que peuvent retirer certaines dépendances de la domanialité publique.

?

Néanmoins, la nouvelle gouvernance patrimoniale qui tend à se mettre en place avec ces différents textes laisse apparaître une constante : la recherche de la performance financière du patrimoine public.

§ 2. La performance financière du patrimoine public

Les pressions de la valorisation concernent les gestionnaires des dépendances du domaine public qui doivent prendre en compte les impératifs de la rentabilité domaniale et favoriser au maximum les développements harmonieux des investissements privés dans le cadre d'une stratégie globale de protection de la valeur des dépendances publiques. Dans ce contexte, il est parfaitement légal que l'Administration se préoccupe du but financier.  Les idées de gestion économique marquent dorénavant de leur empreinte l'activité administrative.

La valorisation passe alors par le développement des occupations sur les dépendances domaniales. En effet, ces utilisations permettent à la personne publique, à la fois de retirer un gain non négligeable par la perception de redevances, et de profiter des aménagements réalisés par l'occupant. La performance financière du patrimoine publique est donc assurée par la rentabilisation de l'occupation (A) et la productivité apportée à la propriété domaniale par les opérateurs privés (B).

A La rentabilisation des occupations domaniales

Aujourd'hui, la reconnaissance d'un droit de propriété aux collectivités publiques sur le domaine public leur confère la possibilité d'exploiter leur titre de propriétaire. L'utilisation du domaine public se caractérise aujourd'hui par son onérosité. La valorisation économique du domaine public est recherchée que son utilisation soit collective ou privative (1). Cette valorisation du domaine est également confirmée par le caractère économique de la redevance pour occupation de celui-ci (2).

1. L'exploitation financière du patrimoine public ou le déclin de la gratuité face aux exigences de valorisation

«  La gratuité ne peut être considérée comme une règle juridique contraignante pour l'administration que là où la loi l'a spécifiquement prévue. Pour le reste elle n'est qu'une modalité d'organisation administrative, qui coexiste avec d'autres formes d'organisation. C'est en ce sens que l'on peut dire qu'il n'existe pas de principe général de gratuité125(*) »

La conception qui se développe depuis un demi-siècle selon laquelle le domaine public constitue une richesse économique que les collectivités publiques doivent exploiter se manifeste non seulement dans le pouvoir qui leur a été reconnu par le juge de réglementer l'usage de ce domaine en tenant compte de motivations diverses (notamment financières) mais encore dans celui de percevoir des droits à l'occasion de l'usage de ce domaine par les particuliers. Le recul du principe de la gratuité qui en résulte mérite de retenir l'attention. Non pas pour son importance sur le plan des ressources des collectivités publiques car en fait il n'y a guère de changements de ce point de vue : les ressources domaniales sont dérisoires lorsqu'elles sont rapportées à l'ensemble des recettes perçues126(*). Mais pour sa signification sur le plan de la liberté d'utilisation du domaine public. Elle atteste de la poursuite de la valorisation économique du domaine public au profit de l'autorité gestionnaire, tant en ce qui concerne les utilisations collectives (á) que les utilisations privatives (â).

á. Une remise en cause de la gratuité du domaine public par le développement du caractère financier des utilisations collectives.

Que l'usage commun du domaine public puisse être source de profits pour l'administration, voilà qui doit étonner. Généralement se sont les occupations privatives qui sont étudiées pour démontrer la poursuite croissante d'une politique de valorisation. En effet, les utilisations privatives sont l'occasion pour les personnes publiques de contracter avec un partenaire privé qui en contrepartie de son occupation verse une redevance. Au-delà du strict intérêt financier que les propriétaires publics retirent d'un tel partenariat, ils profitent des aménagements matériels de l'occupation. Là encore, les propos doivent être nuancés.

Les utilisations communes des dépendances domaniales publiques, sont liées normalement au principe de gratuité. Ce principe est le corollaire des autres règles régissant les utilisations collectives du domaine public : la liberté et l'égalité, même si ces deux derniers principes ont une valeur constitutionnelle que n'a pas le principe de gratuité. Néanmoins, la gratuité des utilisations communes connaît depuis plusieurs années de multiples dérogations127(*). L'administration en effet n'entend plus faire des occupations privatives la seule source de ses revenus domaniaux. Déjà il est vrai, au début du siècle, un régime répressif rigoureux du point de vue des réparations sanctionnait les dégradations dont le domaine pouvait être l'objet. Mais il ne s'agissait que d'un régime répressif qui tout en assurant la protection matérielle des dépendances ne portait pas atteinte à la gratuité. Il en est tout autrement avec la mise en place de péages sur les voies publiques et l'instauration du stationnement payant128(*). La gratuité de l'usage commun qui constitue une des conquêtes de la Révolution fut donc de brève durée.

â. L'autorisation d'occupation privative, instrument de gestion du domaine public

La conception traditionnelle du domaine public cède le pas à une conception plus dynamique de la domanialité que formulait G. JEZE en 1922 à propos des permissions de voirie : « ne prendre en considération que l'élément de police, c'est perdre de vue la nature essentielle, économique et juridique de la permission de voirie ». Dans cette perspective, l'autorisation d'occupation privative du domaine public constitue un instrument d'exploitation du domaine et elle doit désormais avoir un prix. Les autorisations d'occupations privatives sont des actes de gestion qui tendent vers une fin d'ordre économique : la rentabilité financière du patrimoine public.

L'utilisation privative du domaine est une source de revenus pour l'administration car cette occupation, qu'elle résulte d'une autorisation unilatérale ou d'un contrat, est soumise au paiement obligatoire d'une redevance. Cette obligation résulte de l'incapacité des personnes publiques à consentir des libéralités : « outre que le domaine public peut être considéré comme un bien productif du meilleur revenu possible, les communes ne sont pas habilitées à consentir des libéralités aux particuliers et à établir des discriminations aboutissant à créer des catégories privilégiées d'usagers129(*) ». Il n'y a aucune raison en effet de priver la collectivité de la jouissance d'une partie du domaine public, ni de faire bénéficier un particulier d'un tel avantage sans qu'aucune contrepartie ne soit exigée. Cela a été réaffirmé récemment d'abord par la jurisprudence puis par le Code général de la propriété des personnes publiques.

En 2004, la Cour administrative d'appel de Marseille130(*) a consacré l'existence d'un « principe général du droit de non-gratuité » de l'occupation privative du domaine public en se fondant sur « l'avantage particulier procuré à leurs bénéficiaires par les occupations privatives du domaine public 131(*)». En 2006, le CGPPP modernise le régime financier de l'occupation du domaine public. Il s'est pour cela inspiré des réflexions contenues dans l'étude du Conseil d'Etat relative aux redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine public. Ainsi, le principe selon lequel toute occupation quel qu'en soit le propriétaire, donne lieu au paiement d'une redevance tenant compte des avantages procurés à l'occupant, est-il consacré par la loi (art. L. 2125-1). Pour autant la démarche n'est pas sans nuance. La reconnaissance de la non-gratuité des occupations privative s'accompagne d'exceptions. L'exigence de principe d'une redevance afin d'assurer l'égalité devant les charges publiques peut être écartée pour un motif d'intérêt général. Dans le même sens, le CGPPP a clarifié les situations où un intérêt public justifie la gratuité (articles L. 2125-1 et L. 2125-3). Celle-ci se conçoit dans deux cas : lorsque l'occupation est la condition naturelle et forcée de l'exécution de travaux intéressant un service public bénéficiant gratuitement à tous ou lorsque l'occupation contribue à assurer la conservation du domaine public ou la sécurité des usagers132(*).

Ces deux reconnaissances s'inscrivent plus largement dans la logique bien connue selon laquelle le domaine public n'est plus simplement le siège d'un pouvoir de police. Elle découle également de la protection constitutionnelle des propriétés publiques et de l'incessibiblité des biens publics à vil prix. Tout ceci a conduit le Conseil d'Etat a refusé de reconnaître l'existence d'un principe général de gratuité des occupations privatives du domaine public133(*).

Dans cette optique, la Cour des Comptes a ordonné aux gestionnaires de ne pas négliger les revenus domaniaux, soulignant même l'insuffisance des redevances d'occupation du domaine public en affirmant que « d'une manière générale, il serait souhaitable que les redevances de cette nature tiennent un plus juste compte de la valeur des terrains et des installations concédées134(*). » Pour C. Teitgen-Colly, ce décalage s'explique par la volonté délibérée de l'Etat de faciliter la création par des personnes privées de certaines infrastructures trop lourdes pour son budget. « A son intérêt financier à court terme réalisé par la perception d'une redevance, l'Etat préfèrerait son intérêt financier à long terme qui est de récupérer en fin de concession le maximum d'ouvrages construits à moindre frais135(*) ». En effet, la recherche d'un loyer maximal devient plus difficile pour l'administration dans le cas où elle met à disposition le domaine public pour l'aménagement d'équipement public favorisant la valorisation du patrimoine public.

2. Le caractère économique de la redevance pour occupation du domaine public

Lorsque le domaine public n'était qu'un objet de police administrative, la redevance pour occupation ne pouvait qu'être relative à la surface du domaine occupé. Avec les notions de gestion et de valorisation du patrimoine public, la redevance a un second fondement : faire bénéficier la collectivité aux bénéfices dont l'occupation privative peut être la source (á). Le caractère économique de la redevance exacerbé à propos des licences UMTS136(*) (â).

á. La redevance, source de bénéfices pour la personne publique propriétaire

L'administration traque tout exploitant susceptible de s'enrichir d'une façon quelconque sur le domaine. Toute occupation du domaine public nécessite une autorisation. Chaque emplacement occupé privativement devant rapporter, il n'est pas rare que les collectivités affectent un fonctionnaire à la recherche de toute occupation qui ne ferait pas l'objet de la délivrance d'un titre et en conséquence du paiement de la redevance137(*)

Le souci d'une meilleure gestion du domaine public a entraîné une évolution importante de la redevance. Son caractère économique est de plus en plus marqué. Le Conseil d'Etat n'a pas manqué de rappeler que les redevances ont avant tout un motif purement financier et qu'elles sont accordées par « l'autorité gestionnaire du domaine public138(*) ». Le souci d'une meilleure gestion du domaine public est à l'origine de la modification du mode de calcul des redevances. Celles-ci comprennent deux éléments : l'un fixe, l'autre variable.

Le premier élément est constitué d'une somme fixe et proportionnelle à la surface occupée, dans un premier temps, l'occupant ne payait que cet élément fixe.

Par la suite, différentes décisions vont admettre la possibilité d'introduire un élément variable. En 1923, le Conseil d'Etat admet que le niveau de la redevance puisse tenir compte de l'usage fait de la dépendance domaniale et de la nature des commerces exercés139(*). Dix ans plus tard la formulation devient plus explicite. Le Conseil d'Etat va reconnaître la légalité de redevances fixées « sur une base autre que la superficie des emplacements utilisés140(*) » et visant à tenir compte des bénéfices de l'occupant. Cette jurisprudence a été codifiée d'abord par un décret du 9 juillet 1934, puis l'article 22 de la loi du 6 janvier 1948 aux termes duquel les redevances domaniales « doivent correspondre à la valeur locative de l'emplacement ou du droit concédé ». La référence à la valeur locative, difficile à appréhender s'agissant de la propriété des personnes publiques, a été abandonnée à l'occasion de l'édiction du Code du domaine de l'Etat. L'article R.56 de ce code a rendu obligatoire de prendre en compte les avantages de toute nature procurés au concessionnaire. Ces dispositions ont été reprises intégralement par l'article L. 2125.3 du CGPPP. Dans la pratique, le chiffre d'affaire est souvent utilisé comme base de calcul de la redevance. Peuvent également entrer en ligne de compte les conditions d'exploitation et de rentabilité de la concession d'occupation141(*). De même, et le cas échéant, il peut être tenu compte du seul fait d'être autorisé à jouir de façon privative d'une partie du domaine142(*). Une jurisprudence récente a confirmé cette tendance. Le Conseil d'Etat a rappelé que les communes doivent recouvrer au titre des occupations privatives de leur domaine public des redevances calculées en fonction des avantages procurés au concessionnaire ou permissionnaire de voirie. Par contre, elle n'a pas nécessairement à les calculer en fonction de la valeur locative d'une propriété privée comparable à la dépendance du domaine public occupée143(*).

Toujours dans cette perspective financière, la jurisprudence reconnaît que l'administration peut retirer l'autorisation d'occupation ou ne pas renouveler pour non-acceptation de l'augmentation de la redevance. Cela donne à l'administration des pouvoirs très importants à l'encontre de l'occupant lui permettant de rentabiliser au maximum le domaine144(*).

â. Un exemple concret démontrant le caractère économique des redevances : les licences UMTS

Selon J-.F Calmette, « la nouvelle conception économique qui se traduit par une volonté de la part de l'Administration de valoriser la rareté de son domaine a atteint son paroxysme avec la gestion domaniale des fréquences hertziennes145(*) ». Le progrès technique entraînant une explosion des applications susceptibles d'utiliser le spectre hertzien, les fréquences sont devenues un enjeu économique pour les pouvoirs publics.

L'attribution des licences de télécommunication mobile de troisième génération, dites « UMTS », a donné lieu à de vifs débats qui ont porté tant sur les modalités que la détermination des redevances. La solution forfaitaire finalement retenue en France a marqué une rupture avec les principes habituellement suivis en matière de communications électroniques. La situation était exceptionnelle. Les pouvoirs publics peu habitués à évaluer de telles autorisations d'occupation ont décidé de faire payer la redevance domaniale au prix fort146(*).

Dans sa décision du 28 décembre 2000, le Conseil constitutionnel a confirmé que la redevance des fréquences était un revenu du domaine, se bornant à constater que la redevance en cause était liée à l'occupation privative du domaine public de l'Etat147(*). En retenant que la redevance est liée à l'occupation du domaine public et qu'elle est un revenu du domaine, le Conseil constitutionnel laisse à la discrétion des pouvoirs publics les modalités d'exploitation de sa ressource. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire dans la fixation du montant des redevances s'est heurté à la logique du marché. Les préoccupations financières ont supplanté le débat juridique et expliquent en partie le retard pris par la France dans le maillage du territoire par les réseaux de communications dans la mesure où les partenaires avaient dû contracter de lourds emprunts.

Cet exemple démontre que la recherche de profits peut aller à l'encontre de l'impératif de valorisation. Les collectivités publiques doivent privilégier une approche sur le long terme. Il ne s'agit pas de s'assurer un profit immédiat, il convient de tenir compte du contexte économique dans lequel s'insère l'exploitation du patrimoine. On retrouve une logique identique dans les réformes récentes qui ont permis d'améliorer la situation matérielle et financière de l'occupant afin que soit assurer la productivité de la propriété domaniale.

A. La productivité de la propriété domaniale

Les évolutions que subit le droit du domaine public depuis une trentaine d'années sont édifiantes. « Elles révèlent une nouvelle sensibilité économique d'un droit dont la teneur est fondamentalement politique et qui se traduit par la teneur économique de la notion d'intérêt général 148(*)». Cette tendance conduit aujourd'hui à une prise en compte plus forte des préoccupations des acteurs privés.

L'opérateur privé est incontournable sur le domaine public. C'est-à-dire qu'en réalité il est soumis à la précarité149(*), à la révocabilité et qu'il n'a aucun droit au renouvellement des autorisations150(*), mais que son action est indispensable. P. GODFRIN est un des rares auteurs qui note dans ce sens que « le concours des occupants du domaine est nécessaire pour une bonne exploitation du domaine. Tout en se livrant à son activité professionnelle, il participe à la mise en valeur du domaine, et, par voie de conséquence, à l'enrichissement de la collectivité publique elle-même151(*) ». . Cette évolution est en cours depuis le début des années 1990 sous l'influence croissante du droit communautaire152(*) et de concepts issus du droit de la concurrence. Intérêt général et intérêt économique se confrontent.

Le domaine public est désormais un lieu de collaboration entre l'Administration et les personnes privées et ce pour plusieurs raisons. L'opérateur s'est imposé par la puissance de ses capitaux, par son savoir-faire dans la gestion (gestion plus économe impliquant moins de dépenses inutiles), par sa rapidité de décision et d'adaptation à la société.

La productivité de la propriété domaniale est donc consubstantielle à l'action de l'occupant privé. L'Administration ne peut avoir de gains que si l'opérateur s'implante sur son domaine ; à l'inverse s'il ne s'implante pas, elle aura une incidence économique directe puisqu'elle ne percevra plus de redevances. Cela devient alors un manque à gagner important pour la personne publique. De plus, la mise en valeur des dépendances domaniales est profitable pour l'opérateur privé, mais elle l'est aussi pour la collectivité. Cette nécessité de promouvoir le domaine public comme un instrument du développement économique plaidait donc en faveur d'un assouplissement des règles de la domanialité publique. C'est pourquoi le législateur a renforcé les droits des occupants (1) tout en modernisant les outils contractuels afin de favoriser leur partenariat (2)

1. Le renforcement des droits des occupants privés du patrimoine public

Le régime de la domanialité a subi de profondes évolutions afin de prendre en compte la nécessité d'une plus grande protection de la valeur financière des propriétés publiques. Pour ce faire, le législateur a accru la sécurité juridique de l'occupant privé en reconnaissant la valeur patrimoniale de ses droits (á) et en atténuant sa précarité (â).

á. La valeur patrimoniale des droits des occupants privatifs

Afin de ne pas compromettre l'accroissement du partenariat entre les collectivités publiques et le secteur privé, la jurisprudence et la loi sont venues renforcer les droits des occupants du domaine public.

La jurisprudence administrative ne reconnaît pas clairement au permissionnaire un véritable droit patrimonial. Toutefois, le Conseil constitutionnel à propos de la loi de finances pour 2001 affirme qu'en matière d'occupation privative du domaine public hertzien : « la délivrance de l'autorisation ouvre pour une période de quinze ans le droit d'occupation des fréquences ; qu'elle confère ainsi à son bénéficiaire un avantage valorisable ». La Cour de cassation, quant à elle, estime que les concessions d'occupation du domaine public ont une « valeur patrimoniale153(*) ». De plus, certaines autorisations bien qu'ayant un caractère personnel peuvent être transmises. Les occupants d'emplacements sur un Marché d'Intérêt National (M.I.N) bénéficient de ce droit de cession conformément aux dispositions de l'ordonnance du 22 septembre 1967 qui concilient les impératifs de la domanialité avec ceux du commerce.

â. L'atténuation de la précarité du partenaire privé

L'importance du patrimoine public en fait un objet de convoitise, son potentiel de valorisation conduit à rechercher des partenaires économiques qui beaucoup plus que les simples occupants l'enrichiront tout en s'enrichissant eux-mêmes. Encore faut-il les attirer en protégeant leurs droits et l'on en vient à admettre que la mise en valeur du domaine passe aussi par la protection de ses occupants. « La sécurité économique du domaine requiert la sécurité juridique de ses utilisateurs154(*) ».

Le législateur est donc intervenu pour atténuer les effets du principe d'inaliénabilité sur les droits de l'occupant. En effet, cette règle rend difficile la valorisation du domaine public pour son occupant car elle interdit la constitution d'hypothèques sur les dépendances domaniales. Le législateur a donc renforcé les garanties accordées aux occupants en instituant un bail emphytéotique sur le domaine public des collectivités territoriales155(*), puis en reconnaissant en 1994 l'existence de droits réels au profit des occupants du domaine public de l'Etat156(*). Désormais, l'avantage procuré à l'administration peut se combiner avec l'intérêt financier et privé retiré par l'entreprise utilisatrice du domaine157(*). Le texte de 1994 avait pour objectif majeur de mette en valeur économiquement le domaine public et d'en permettre une utilisation en accord avec les nécessités de l'époque.

En 2006, le Code général de la propriété des personnes publiques est venu clarifier la question des droits réels. Il maintient le principe de précarité des occupations privatives (article L. 2122-3)158(*) mais renforce la sécurité juridique. Ce nouveau droit devrait permettre, dans l'intérêt des collectivités publiques propriétaires, une meilleure valorisation du patrimoine public. Le code procède à une clarification bienvenue. Il emploie expressément le terme de propriétaire pour caractériser les droits de l'occupant sur les installations qu'il réalise. L'occupant n'a pas de droit sur le fond lui-même, il n'a qu'un droit superficiel mais ce droit, conféré par le titre, a une valeur économique pendant la durée d'occupation. Il constitue une garantie à offrir.

En outre, on constate un élargissement significatif des possibilités offertes aux collectivités locales. Si le régime des occupations constitutives de droits réels sur le domaine public est repris à règles presque constantes pour l'Etat, le droit local évolue en revanche. Outre un léger élargissement du bail emphytéotique administratif aux édifices du culte et la mention expresse du crédit-bail pour financer les ouvrages construits (article L. 1311-2 al. 1er et L. 1311-3-5° du CGCT), l'ordonnance du 21 avril 2006 crée un jeu d'autorisations d'occupation attributives de droits réels librement inspiré de celui applicable à l'Etat ( article l. 2122-20 du CGPPP). De plus la solution retenue pour l'Etat dans l'article 2122-6 du CGPPP selon laquelle le titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public a un droit réel sur les ouvrages qu'il réalise est étendue aux collectivités territoriales par l'article L. 1311-1 du CGCT modifié.

La reconnaissance à l'occupant domanial des attributs du propriétaire est source pour lui de valeur, de richesse. Elle permet la valorisation du bien par la disposition d'outils que l'on connaît : la possibilité de céder certains éléments du bien, la possibilité de développer une gestion patrimoniale active, la faculté de consentir des sûretés réelles comme support de financement, la possibilité de recourir au crédit-bail. Cette tendance a été accrue suit à la création d'un nouveau contrat : le partenariat public-privé qui intéresse à bien des égards la protection de la valeur financière du patrimoine public.

2. Les contrats de partenariat et la valorisation patrimoniale

Le financement privé se heurte traditionnellement aux règles de la domanialité publique, de la maîtrise d'ouvrage publique et à celles du Code des marchés publics. Pour contourner cette difficulté, de nombreux montages contractuels complexes se sont développés en se fondant sur les dispositions des lois de 1988 et de 1994. Ces deux lois reconnaissent en effet aux titulaires des autorisations d'occupation temporaire (AOT) et des baux emphytéotiques administratifs (BEA), des droits de superficie leur permettant de construire les équipements tout en en conservant la propriété pendant la durée du titre. Toutefois, récemment, le paysage contractuel a été modifié avec la création du contrat du partenariat public-privé (PPP) à la suite de l'ordonnance du 17 juin 2004.

Si le choix entre les conventions classique de type BEA ou AOT et les PPP est laissé à la discrétion des collectivités publiques, certains atouts des PPP pourraient laisser augurer de nombreuses applications à ce nouveau contrat dans un contexte visant à développer la valorisation des dépendances publiques (â) tout en tendant de répondre aux objections formulées par les praticiens vis-à-vis des contrats classiques (á). Les collectivités pourraient se voir assurer le concours des acteurs privés.

á. Les limites des techniques contractuelles classiques en matière de valorisation du patrimoine public

Les lois de 1988 et 1994 ont apporté une première réponse à la rentabilisation de l'exploitation domaniale mais très rapidement les gestionnaires publics et les acteurs privés ont souhaité qu'elles soient approfondies afin de donner une plus grande sécurité juridique aux opérations domaniales et un meilleur ajustement des règles de droit à la demande économique.

Les règles de la domanialité ne sont pas propices aux engagements financiers. En effet, faute pour les investisseurs d'avoir la maîtrise foncière, ils ne parviennent pas à obtenir les garanties nécessaires au financement des opérations. L'autorisation d'occupation ne suffit donc pas, du fait de sa précarité. Pour les banquiers le problème essentiel réside dans des engagements qui risquent de ne pas pouvoir être remboursés si l'autorisation d'occuper le domaine est trop courte ou interrompue trop tôt.

â. Le partenariat, contrat potentiellement vecteur d'une valorisation financière du patrimoine public accrue

Jusqu'à l'adoption des contrats de partenariat, la construction, le financement et l'exploitation par des investisseurs privés exigeaient l'adoption d'un montage complexe par lequel le constructeur louait à l'Administration les ouvrages construits. Le contrat de partenariat public/privé (PPP) permet d'abandonner cet artifice159(*) en emportant à la fois occupation du domaine, construction, financement exploitation ou maintenance. Cela est conforme à la logique économique du projet.

Tout comme les contrats institués en 1988 et 1994, les PPP sont attributifs de droits réels. Ils renouent avec l'idée, par ailleurs consacrée par le CGPPP, que l'occupant dispose d'un droit réel sur les ouvrages qu'il construit160(*). Ce régime permet de justifier le recours au crédit-bail. Bénéficiant d'un contexte favorable161(*) au développement des techniques de financement issues du droit privé, l'ordonnance du 17 juin 2004 contribue à banaliser encore davantage le recours au crédit-bail. Néanmoins, les partenariats doivent respecter certaines règles de droit public. On retrouve certaines objections formulées dans le présent mémoire en ce qu concerne le régime des biens d'ADP et des immeubles à usage de bureaux. La volonté de sauvegarder les intérêts du service public avait conduit à l'administrativisation des droits consentis par les lois de 1988 et 1994162(*). On retrouve une logique similaire avec les contrats de partenariat. L'investisseur privé n'a pas la libre disposition des droits de superficie et il doit toujours assurer la continuité du service public164(*). Néanmoins, « ils (les contrats de partenariat) offrent une vision domaniale cohérente qui pourrait préfigurer le statut de l'ensemble des équipements et ouvrages construits sur le domaine public par des investisseurs privés165(*) », ils contribuent sans conteste à accroître la valeur financière du patrimoine grâce à l'association du secteur privé.

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Si le régime des ouvrages et équipements réalisés sous le régime des PPP atteste de la résurgence de l « 'échelle de la domanialité166(*) », il n'en demeure pas moins que ces contrats peuvent s'avérer être un outil efficace au service des collectivités publiques dans le cadre de leur politique de valorisation. Il s'agit d'une technique contractuelle qui permet sur le long terme la construction, le financement et l'exploitation d'ouvrages par des capitaux privés. La rémunération du partenaire privé est assurée par un prix payé par l'Administration sur la base de standards de performance. Deux principes sont à la base des PPP : l'optimisation des coûts et la répartition des risques. La recherche de la « best value » permet de comparer les offres du secteur privé entre elles et entre celles du privé et du secteur public. C'est donc un outil intéressant qui va permettre d'accroître l'aménagement du domaine public et par la même d'assurer sa valorisation et ceci en application de nouveaux préceptes : analyse prévisionnelle des coûts et comparaison des performances. La nouvelle gouvernance patrimoniale laisse donc entrevoir le développement du management en matière domaniale.

Section 2 :

Le développement du management en matière domaniale ou l'optimisation de la valeur financière du patrimoine public

« L'orientation de notre droit public et de notre droit privé suppose que des regards permanents, assidus, soient échangés par-dessus la ligne théorique de partage entre les deux branches du droit167(*) »

« Mot d'ordre parfois reçu avec perplexité, l'impératif catégorique de gestion rentable et efficace stimule et défie l'administration. [...] Dans un « Etat modeste, Etat moderne », les fonctionnaires doivent réagir en chefs d'entreprise168(*) »

Après avoir envahi la sphère du droit privé, le droit des affaires se rue dans celle du droit public et justifie l'émergence de nouveaux juristes169(*) formés à ces nouvelles questions.

Cette tendance permet de comprendre le développement du management public en matière domaniale. Dans l'introduction de son manuel de management public, le professeur AUBY souligne la spécificité du management public. Il reconnait que « le développement du management public s'est accompagné de l'introduction dans les techniques de gestion publique, de techniques et de méthodes développées dans les entreprises privées ». Il réfute néanmoins toute idée d'une assimilation entre le management public et le management privée, considérant que le premier constitue une discipline autonome170(*).Le management public est défini comme « un ensemble de méthodes de gestion rationnelles et modernes placées au service des décideurs publics »171(*).

La valorisation du patrimoine public s'inscrit dans un ensemble plus vaste : la réforme de l'Etat. Cette dernière implique des évolutions plus ou moins importantes de la structure étatique et notamment de l'administration. En effet, modernisation étatique et modernisation administrative sont irrémédiablement liées172(*). Il n'est donc pas étonnant de constater que les critiques adressées à l'Etat, en général, ont été déclinées sous les traits de multiples dénonciations de l'inefficacité administrative. L'administration se doit aujourd'hui de s'adapter aux évolutions rapides de notre environnement économique ou technologique.

Les pouvoirs publics ont alors apporté une réponse en imaginant une politique de modernisation qui présente deux caractéristiques. D'une part, cette modernisation ne se veut pas ponctuelle mais s'inscrit dans une démarche globale. D'autre part, il convient de noter l'importance de la volonté politique qui prend la forme d'un engagement gouvernemental résolu. Cela s'est concrètement traduit par une gestion patrimoniale s'appuyant sur de nouveaux outils (§1) et par l'intégration du modèle entrepreneurial dans l'action domaniale des personnes publiques (§2)

§ 1. Les nouveaux outils d'une gestion patrimoniale dynamique

La politique de modernisation administrative a pris la forme d'une véritable révolution managériale dont on a pu penser, un instant, qu'il s'agissait d'une inquiétante remise en cause de notre droit, et notamment du droit public. C'était aller un peu vite en besogne et proclamer trop tôt la mort du droit administratif. Car non seulement rationalité juridique et rationalité managériale sont interactives173(*), mais leur confrontation a permis un renouvellement du droit administratif174(*). Soucieuses de rendre la politique patrimoniale plus efficace, les personnes publiques ont alors procédé à une évaluation des actifs publics (A) et à la création d'organes (B), ceci dans la perspective de répondre davantage à des valeurs d'efficacité, d'optimum.

A. L'évaluation des actifs publics175(*)

« Il faudrait l'imagination d'un Prévert pour donner idée de la diversité des propriétés publiques, qui représentent un dixième de la superficie du territoire national176(*) ». L'obstacle majeur à une valorisation optimale du patrimoine public a longtemps été l'absence d'une connaissance exhaustive des propriétés publiques. C'est pourquoi, l'Etat a lancé une réforme d'ampleur tendant à évaluer les actifs corporels (1) et incorporels (2).

1. L'évaluation des actifs corporels177(*) publics, fondement d'une vaste politique de cessions

Une valorisation optimale des biens publics passe nécessairement par une connaissance exhaustive de ces dernières. Il a donc été procédé à une mise à jour du Tableau général des propriétés de l'Etat178(*) (á). Cela a permis à l'Etat de se défaire des biens notamment immobiliers dont il n'avait plus l'utilité, ceci dans le souci de ne faire application de la domanialité publique qu'à un « noyau dur »  de biens (â).

á. La mise à jour du Tableau général des propriétés de l'Etat (TGPE)

Depuis 1791, l'établissement d'un inventaire complet des propriétés de l'Etat a toujours formé l'une des préoccupations de l'administration des domaines (devenue depuis le 1er janvier 2006 France Domaine). Afin de permettre une actualisation permanente de ce document, une circulaire du Premier ministre, en date du 7 mai 1974, prescrivait le recours à l'informatique. Cette réforme visait à « permettre de faire le point sur le patrimoine immobilier de l'Etat et, à l'avenir, d'en suivre l'évolution d'une manière plus précise179(*) ». Six ans après cette informatisation, la Cour des comptes a procédé à un contrôle révélateur de lacunes et d'incertitudes. Il n'a pas été le point de passage de toutes les procédures : si les administrations étaient tenues d'informer le service des procédures de bail emphytéotique, elles ne l'étaient pas, en revanche, pour la construction de nouveaux immeubles ! C'est l'Assemblée nationale elle-même, par la voix de sa commission des finances, qui reconnaissait en 1997 que l'Etat ne serait pas en mesure de connaître précisément ni le montant réel de sa dette, ni la liste et la valeur de ses actifs180(*). Ce diagnostic a été corroboré par un récent rapport du Sénat au titre évocateur : En finir avec le mensonge budgétaire : enquête sur la transparence très relative des comptes de l'Etat181(*).

Il a été pris acte de cette situation et le gouvernement actuel, par l'intermédiaire de son ministre attaché à la réforme de l'Etat, M. COPE, a décidé d'actualiser l'évaluation des actifs. Le patrimoine a été évalué comme suit182(*) :

- Les biens immobiliers au sens large comprennent des terrains, bâtiments mais aussi des infrastructures routières, des voies navigables. Le coût de renouvellement des infrastructures et des terrains atteint près de 230 milliards tandis que la valeur vénale de l'immobilier avoisinerait les 33 milliards d'euros d'après le Rapport de la mission de valorisation du parc immobilier public confié à O. DEBAINS. Suite à la systématisation de l'évaluation et à la mise à jour des outils de recensement, la valeur de ce patrimoine, essentiellement composé d'immeubles à usage de bureaux ou de logements de fonction, s'élèverait au 1er janvier 2006 s'élève à 38 milliards d'euros sans compter les 30.000 immeubles des établissements publics.

- Les biens meubles recouvrent des réalités diverses. Y figurent entre autres, le mobilier national, les 300 000 oeuvres du Louvre ou encore les 12 millions d'ouvrages de la Bibliothèque nationale. Les oeuvres d'art appartenant à l'Etat atteindrait le montant de 150 milliards d'euros. On peut ajouter à cela, les stocks militaires, si bien que selon M. PICHET l'évaluation totale atteindrait 200 milliards d'euros.

Fort d'une évaluation plus précise et réaliste de son patrimoine, le gouvernement a décidé de se séparer des biens devenus inutiles à ses services (toujours dans une logique de valorisation et d'optimum des patrimoines). Une politique de cession immobilière a donc été lancée.

â. La politique de cession immobilière de l'Etat

Comme cela a déjà été dit, l'Etat n'était pas doté d'outils convenables de connaissance de son propre patrimoine immobilier : le "tableau général des propriétés de l'Etat" (le TGPE) était largement lacunaire et ses mises à jour insuffisantes. Les logiciels de gestion immobilière des divers ministères étaient disparates dans leur conception et leurs performances. Enfin, les services occupant des immeubles administratifs propriété de l'Etat étaient insensibles au coût réel de ces locaux, notamment parce qu'aucun loyer n'était facturé aux administrations.

Heureusement, la situation a évolué. Sur le plan juridique, les multiples freins qui existaient ont été levés : le Code des marchés publics a été rénové et assoupli, de même que celui de la construction et de l'habitation, l'ordonnance du 17 juin 2004, a rendu possible le recours aux contrats de partenariat public/privé inspirés du PFI britannique.
Mais l'innovation sans doute la plus importante est passée presque inaperçue : c'est celle réalisée par l'ordonnance du 19 août 2004 qui a transféré les immeubles à usage de bureaux du domaine public de l'Etat et de ses établissements publics à leur domaine privé, rendant ainsi possible leur aliénation, même lorsque ces immeubles continuent à être occupés par des services publics.

Ce contexte juridique rénové a permis d'étayer la volonté politique de renforcer et d'améliorer la réforme de l'Etat. A partir de 2003, dans le cadre de la maîtrise des déficits budgétaires, le Gouvernement a décidé de fixer des objectifs annuels de produits de cessions immobilières et de programmer les opérations nécessaires, pour réduire la dépense immobilière de l'Etat. Cette démarche a permis de faire respirer le parc, et d'engager la modernisation du dispositif183(*). Ces derniers mois ont marqué par un approfondissement de ces réformes. L'Etat a pour la première fois atteint l'objectif fixé à 600 millions d'euros de produits en 2005 et l'a dépassé avec un total de 630 millions d'euros. On remarque que l'Etat s'est professionnalisé et a conduit des cessions majeures aux standards du marché184(*). En outre, la modernisation du parc est engagée. Les cessions de l'Etat portent sur des immeubles libérés par les administrations, et elles permettent de réduire la dépense immobilière. En 2006, la politique de cessions a été poursuivie. Le Parlement a fixé un objectif de 480 millions d'euros pour l'Etat185(*) " Un effort maintenu, car les opérations exceptionnelles, comme le transfert du siège des Douanes du centre de Paris, rue du Bac, à Montreuil, seront moins nombreuses cette année ", a précisé Jean-François COPE lors de l'installation du Conseil immobilier de l'État.

Les cessions ont connu jusqu'à présent un franc succès. Le stock de logements et de bureaux à vendre est quasiment épuisé. De nouveaux biens seront mis en vente en septembre, notamment dans la capitale. L'offre se tarit, inexorablement. " Vendu ", " délai expiré "... la consultation des offres immobilières proposées par l'État, disponibles directement sur le site Internet de Bercy (http://www.minefi.gouv.fr/cessions/), est de plus en plus rapide. Sur Paris, deux biens seulement sur la dizaine initialement proposée sont encore disponibles.

Il convient toutefois de ne pas être aveuglés par cette manne financière et ses bénéfices immédiats. Sur le long terme, le risque est grand de voir l'Etat, mais plus généralement, les personnes publiques propriétaires de déclasser et céder leur patrimoine. Cela pourrait être interprété comme une dilapidation des biens publics. Cette politique de reconversion n'est pas neuve ( les cessions d'emprises publiques se sont multipliées ces dernières années) mais elle traduit un changement de logique important. L'Etat vend des biens utiles à ses services, pour les reprendre ensuite à bail avec maintien de leur affectation publique. Cette « externalisation » consistant à déléguer l'intendance au secteur privé rompt avec une tradition d'appropriation publique. Certains auteurs s'inquiètent. P. YOLKA souhaite qu'un encadrement juridique de ces cessions soit efficacement appliqué : « des garanties de fond restent à inventer, pour éviter la cession de quelques joyaux de la République » d'autant plus que « cette perte de maîtrise domaniale aura un coût financier : céder pour relouer, c'est sacrifier le long terme au court terme 186(*)». Quant à Mme MORAND-DEVILLER, « la protection contre la tentation actuelle de déclassement trouvera son meilleur allié dans une politique d'encouragement aux investisseurs productifs avec appel aux initiatives privées187(*) ».

En matière d'actifs corporels et notamment immobiliers, l'inventaire s'est avéré être un préalable indispensable à la rentabilisation. Longtemps ignorante de la réelle étendue de son patrimoine, la puissance publique s'est donc attelée à son évaluation avant de procéder à certaines cessions. Elle a retenu la même approche pour ses actifs incorporels.

2. L'évaluation des actifs immatériels, un patrimoine valorisable largement inexploré mais en voie d'appréhension.

Le poids de l'immatériel dans le processus de production n'est plus à prouver. Le repérage et l'évaluation des actifs incorporels constituent une question importante dès lors que l'on souhaite rendre compte de façon pertinente des performances des organisations contemporaines. Après avoir reconnu le potentiel de la propriété intellectuelle (á), L'Etat a décidé de lancer une évaluation globale des actifs immatériels détenus par la France (â).

á. La reconnaissance du potentiel financier économique de la propriété intellectuelle : un contexte favorable à l'évaluation des actifs immatériels

La Propriété intellectuelle a été longtemps perçue sous un angle essentiellement défensif : on parle de « protéger l'innovation », de lutte contre la contrefaçon, de constitution d'un monopole, dans une logique de repli sur soi.
Cette vision est réductrice et évolue vers une logique de « valorisation », au sens premier de ce terme : conférer de la valeur.

Depuis vingt ans, l'économie réelle se détache peu à peu du "compromis fordiste", pour reprendre l'expression de Michel Aglietta, dont les paramètres faisaient l'objet d'un large consensus social  : productivité des facteurs industriels, répartition de la valeur ajoutée sous la forme du salariat, puissants investissements publics dans les infrastructures. Désormais, sous les effets conjugués de la financiarisation de l'économie et de la globalisation, ce sont bien l'innovation, la différenciation, la valeur ajoutée intellectuelle, et non plus la productivité purement industrielle, qui sont les principaux relais de croissance. La Propriété intellectuelle devient de plus en plus une source de revenu autonome  et l'actualité récente à mis en évidence la valeur des actifs de propriété industrielle188(*). Plusieurs réalités sont visées :

La propriété industrielle est ainsi une composante essentielle de la valeur de l'entreprise. 75 à 90% de la capitalisation boursière des entreprises cotées est constituée par des actifs immatériels188(*).
La valeur des marques est plus reconnue et plus visible car chaque année des sociétés de conseil publient des classements sur la base d'évaluations relativement convergentes :
- les marques Coca-Cola et Microsoft se situent aux alentours de 60 milliards de dollars.
- Parmi les marques françaises évaluées à 5 milliards de dollars ou plus, on trouve Louis Vuitton, L'Oréal, BNP Paribas, Chanel, Cartier, Danone, Auchan ou Renault.
Pour les portefeuilles de brevets, l'évaluation financière est généralement plus difficile, parce que plus complexe et nécessitant d'avoir accès à des données internes. Pendant longtemps cette valorisation n'a été effectuée que dans le cadre d'opérations de fusion-acquisition. Aujourd'hui, il en est tout autrement, ainsi :
- Les entreprises se préoccupent de plus en plus de connaître la valeur de leurs droits de propriété intellectuelle afin de les gérer comme d'autres actifs économiques.
- Les institutions financières ont encore des difficultés à appréhender la propriété industrielle, mais elles sont de plus en plus sensibles à son importance. Quand elles examinent la situation d'une entreprise dans laquelle elles envisagent d'investir, elles cherchent à voir si l'entreprise détient des actifs incorporels.

L'innovation a tout à y gagner : plus ces techniques seront développées, plus les PME innovantes arriveront à trouver des financements, plus l'innovation sera stimulée.

â. L'évaluation récente des actifs immatériels de l'Etat

Dans le secteur privé, les dirigeants d'entreprise reconnaissent majoritairement l'utilité d'une mesure du capital immatériel pour les actionnaires, les analystes financiers et les banquiers. Ils estiment que la communication sur les actifs immatériels des entreprises permet d'accroître la valeur de ces dernières. Quant aux analystes, ils considèrent que la mise en place d'indicateurs fiables et stables de valorisation des actifs immatériels permettrait une valorisation par le marché de la face cachée des entreprises. L'évaluation puis l'établissement d'une cartographie de ce capital sont susceptible de donner au marché une visibilité sur les sources spécifiques de création de valeur, et de valoriser la vision stratégique qui permet de développer et de pérenniser l'entreprise.

Le Gouvernement a pleinement conscience des enjeux de l'économie de l'immatériel. Ces actifs incorporels que sont le savoir, l'intelligence, l'information, la renommée, la qualité des produits, l'innovation financière ou la communication, prennent en effet aujourd'hui le pas sur les actifs physiques traditionnels.
Des études montrent qu'aux États-Unis, les actifs immatériels dépassent désormais les actifs corporels qui sont ceux retracés avec précision dans les bilans des entreprises.
Cette transformation majeure méritait d'être analysée de manière à la fois approfondie et avec une vision stratégique, notamment pour ce qui concerne la propriété industrielle. C'est pourquoi T. BRETON a demandé au Conseil Supérieur de la Propriété Industrielle, de réfléchir à la question de la valorisation des actifs immatériels.
Le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a en outre récemment confié à Maurice Lévy, président du groupe Publicis, la réalisation d'un rapport sur les actifs immatériels qui vise à mettre en évidence les valeurs latentes dont dispose la France.

La mission Lévy, avec le concours de l'Inspection Générale des Finances, réfléchit à la façon dont la France pourrait mieux créer de la valeur et mieux valoriser ses actifs immatériels. Son rapport est attendu pour l'automne.
L'enjeu est important : nos structures économiques, nos règles juridiques, nos systèmes de prélèvements et de redistribution, notre organisation publique ont été conçus à un moment où ces actifs immatériels n'étaient que peu ou pas valorisés. A une époque où ils n'étaient pas intégrés à ce point au sein d'une économie globalisée fondée sur des transactions financières et des échanges commerciaux beaucoup plus fluides.

Cette réflexion concernera naturellement la propriété intellectuelle qui participe du soutien à l'innovation pour laquelle le Gouvernement a engagé une politique ambitieuse. Le brevet permet de compenser le coût de l'innovation et parallèlement de stimuler la création.
Le droit d'auteur, qui protège la forme originale d'une oeuvre de l'esprit, vise à assurer l'indépendance matérielle du créateur, en interdisant aux tiers toute reproduction.
Seront également envisagées envisager les modalités de régulation les plus pertinentes de la propriété intellectuelle afin d'optimiser la croissance induite par la création, quelles qu'en soient les formes. La mission Lévy traitera cette question en ayant en permanence à l'esprit l'objectif de compétitivité et les éléments de comparaison avec nos partenaires.

La réforme de l'Etat et la recherche d'une politique optimale et efficace a amené l'Etat a accompagné l'évaluation de ses actifs de la création d'organes afin de mieux structurer et identifier les fonctions de propriétaire et d'actionnaire.

B. La création d'organes ou l'institutionnalisation de l'efficacité patrimoniale

L'Etat est un propriétaire (1) et un actionnaire (2) puissant. La politique de valorisation des patrimoines immobiliers et financiers a conduit tout naturellement à la création d'organes capables d'assurer ces deux fonctions essentielles de l'Etat.

1. La structuration de la fonction de propriétaire public

En matière de gestion immobilière, l'État était resté à l'écart du mouvement de modernisation qu'ont connu depuis quinze ans les entreprises, publiques ou privées, ou les administrations étrangères, comme en Allemagne189(*). La Mission d'évaluation et de contrôle (MEC), dans le rapport d'information (n° 2457) du 6 juillet 2005 sur la gestion et la cession du patrimoine immobilier de l'État et des établissements publics, intitulé « Immobilier de l'État : sortir de l'immobilisme », avait dressé un constat particulièrement sévère.

La MEC avait adopté, à l'unanimité des groupes politiques, des conclusions par lesquelles elle entendait réaffirmer le rôle de l'État propriétaire. Cela a abouti à la création du conseil de surveillance de l'immobilier (â) et à la rénovation du service des Domaines (á)

á. Le service France Domaine

L'administration des Domaines a exercé les fonctions de régulation et d'arbitrage du patrimoine public jusqu'au début des années 50, mais son rôle a perdu de l'importance pour n'être plus qu'un rôle de gestion des procédures (évaluation, enregistrement, vente et législation). Conformément aux conclusions du rapport de la MEC, l'administration des Domaines, réformée en profondeur pour sortir d'une fonction de notaire, est devenue depuis le 1er février 2006 le « service France Domaine », sous la direction de M. Daniel Dubost, Inspecteur général des finances. Son rattachement à la Direction générale de la comptabilité publique est prévu pour le 1er janvier 2007.

Désormais toutes les expertises de surface sont réalisées par des géomètres experts, les diagnostics techniques sont confiés à des auditeurs spécialisés, le recours aux notaires est autorisé de manière générale, l'assistance d'avocats spécialisés sera utilisée en tant que de besoin et des opérations complexes pourront être réalisées grâce à des compétences externes.

Les fonctions du service France Domaine sont de définir la stratégie immobilière de l'État, de s'occuper du programme de cessions, de gérer le compte d'affectation spéciale, de mettre en oeuvre les loyers budgétaires et de superviser la gestion immobilière des ministères. Il exercera ses missions en dialogue avec les administrations occupantes, en s'appuyant sur les directeurs immobiliers de chaque ministère. Une séparation devrait être effectuée entre ses fonctions de pilotage proprement dites, d'une part, et les autres tâches traditionnelles des Domaines comme l'évaluation, la vente de biens mobiliers ou la gestion d'immeubles tombés en déshérence, d'autre part.

La réforme du service France Domaine est la pierre angulaire de tout le dispositif ; sans un pilote efficace, tout le système mis en place ne servirait à rien.

â. Le Conseil de surveillance de l'immobilier de l'Etat

Un Conseil de surveillance de l'immobilier de l'État a été crée. Il est composé de parlementaires, de représentants de l'administration, du responsable du parc immobilier d'une administration étrangère et de professionnels de l'immobilier. Il devra s'assurer de la mise en oeuvre effective des réformes par l'examen régulier de l'état d'avancement de la modernisation de la gestion des immeubles de l'État et débattre des nouvelles orientations.

Les conclusions du Comité d'orientation de la politique immobilière de l'État, qui est composé des représentants des ministères, seront présentées régulièrement au Conseil de surveillance.

2. La professionnalisation de l'Etat actionnaire

La quarantaine d'entités dans lesquelles l'Etat détient des participations (c'est-à-dire plus de 10 % du capital)190(*) emploie directement plus de 1.300.000 personnes et représente 9 % de la production des sociétés non financières. L'Etat se trouve donc en situation de peser sur l'économie de façon au moins aussi prononcée qu'il ne peut le faire au travers de sa politique macro-économique. Ceci semble d'autant plus vrai qu'il s'agit souvent d'entreprises en charge d'activités structurantes pour l'ensemble du développement économique191(*).

Eu égard à ces enjeux, le rôle d'actionnaire de l'Etat méritait donc d'être assumé de façon pleinement responsable et transparente. C'est à cette fin que la gestion des participations publiques a été profondément réformée depuis deux ans. Les difficultés pour l'Etat d'assumer son rôle (á) ont conduit à la création de l'Agence des participations de l'Etat (APE) sous l'influence des théories du gouvernement d'entreprises (â)

á. L'Etat, un actionnaire longtemps apparu comme impuissant

Pendant longtemps, les difficultés des entreprises publiques à équilibrer leurs comptes provenaient des lacunes qui affectaient leur mode de gouvernance.

q Des modalités d'action contraignantes

Les entreprises publiques sont soumises à un contrôle de l'Etat qui s'exerce à travers un système complexe de tutelle, retracé par le tableau ci-après :

La multiplicité de ces organes de décision, de suivi et de contrôle rendaient l'organisation de l'Etat actionnaire hétérogène et favorisait la dilution des responsabilités192(*). Par ailleurs, la gestion patrimoniale de l'Etat a longtemps été soumise à des règles contraignantes. Ainsi, les procédures de cessions de participations étaient définies par un cadre législatif et réglementaire très précis, indispensable à la protection des intérêts publics, mais qui rendait l'Etat peu manoeuvrant lorsque les entreprises publiques souhaitent participer à l'évolution de leur environnement concurrentiel. La présence de l'Etat entraînait ainsi des incertitudes et des réticences pour des partenaires éventuels.

q Une carence de stratégie

L'approche stratégique s'appuie sur deux éléments : la définition d'un objectif et la programmation des moyens nécessaires pour l'atteindre. Dans ce processus, le poids des actionnaires dominant est décisif. Or, l'Etat peinait à jouer ce rôle de stratège dans la mesure où il ne peut faire abstraction du fait qu'il est la puissance publique. L'Etat poursuit d'autres objectifs que la seule gestion de son patrimoine, comme l'aménagement du territoire, la recherche scientifique, l'indépendance nationale, l'emploi... Ces préoccupations sont des facteurs déterminants dans le processus de décision des entreprises publiques et peuvent expliquer la poursuite d'activités déficitaires, l'entretien de sureffectifs structurels (SNCF). Le mode de fonctionnement interne des entreprises publiques a donc été l'objet de critiques récurrentes, notamment renforcées par les progrès réalisés au sein des entreprises privées.

â. La création d'APE : l'influence des théories du gouvernement d'entreprises

Les théories du Gouvernement d'entreprise se sont développées en Angleterre et aux Etats-Unis en réaction à une série de scandales (les "saving & loans" aux Etats-Unis et les affaires Maxwell, Poly Peck en Angleterre. Ces théories aboutissent à préconiser un renouveau du contre-pouvoir actionnarial, reposant tant sur un rôle plus actif des administrateurs que sur une surveillance renforcée des actionnaires193(*). Ces théories ont eu un impact non négligeable en France194(*), conçues pour être appliquées au sein des sociétés privées, les règles de gouvernement d'entreprise se sont progressivement étendues au secteur public.

Dans le secteur public, les règles de fonctionnement des entreprises étaient issues de la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. A l'exception d'une disposition limitant à quatre le nombre maximal de mandats pouvant être exercés par un administrateur, aucune des préoccupations spécifiques des théories du gouvernement d'entreprise n'était alors réellement promue par ce texte.
Toutefois, des évolutions ont eu lieu dans la pratique. Ainsi, la création de comités spécialisés s'est généralisée à partir de la fin des années 1990. Il s'agit principalement de comités d'audit (Air France, SNCF, EDF, GDF, RATP, ADP en sont désormais dotées), de comités de stratégie (Air France, SNECMA, EDF), ou de comités de rémunérations
Parallèlement, la formation des représentants de l'Etat a été améliorée.

Malgré ces initiatives, le mode de fonctionnement interne des entreprises publiques a été l'objet de critiques récurrentes, renforcées notamment par les progrès réalisés au sein des entreprises privées. Très récemment, le rapport de la Commission parlementaire Douste Blazy et un rapport relatif à L'Etat actionnaire et le gouvernement d'entreprise dans les entreprises publiques (2004) ont mis en avant les lacunes de la gouvernance d'entreprise au sein des entreprises publiques. Le contenu de ces deux rapports peut être synthétisé :

C'est dans ce contexte qu'a été décidée la création d'APE

Cette agence, opérationnelle depuis le mois de septembre 2004 (décret du 10 septembre 2004) et présidée par Denis Samuel-Lajeunesse, est un service à compétence nationale rattaché au Directeur du Trésor et disposant de moyens individualisés (60 personnes environ). Son rôle est de renforcer la gouvernance des entreprises195(*) au sein desquelles l'Etat détient une participation, en s'inspirant des recommandations des groupes de travail ayant consacré des travaux à ce sujet, des meilleures pratiques en vigueur et en respectant les contraintes spécifiques liées à l'organisation de l'Etat. Elle exerce son activité sous quatre formes principales (ces règles de gouvernances ont été formalisées dans une charte) :

- Elle constitue la force de référence, d'analyse et de proposition au Ministre de l'Economie s'agissant de l'Etat actionnaire

- Elle participe aux organes sociaux des entreprises

- Propose l'utilisation des moyens financiers de l'actionnaire

- Dispose de moyens ce contrôle des entreprises

?

L'ensemble de ces réformes démontre l'intégration par les personnes publiques de préoccupations qui étaient jusqu'alors propres au secteur privé. Désormais, la politique de valorisation patrimoniale est innervée des dogmes entrepreneuriaux.

§ 2. L'intégration du modèle entrepreunerial dans l'action domaniale des personnes publiques 

« De même que les notions juridiques sont imprégnées, toutes poisseuses d'idéologie, l'idéologie a besoin de la forme juridique. Le droit ne saurait être considéré comme un élément isolé, séparé du reste de la société ; c'est au contraire le produit de l'évolution sociale ; les concepts qu'il utilise ne sont pas neutres, autonomes, intemporels mais intimement liés aux valeurs sociales dominantes... cette co-incidence entre droit et idéologie est particulièrement forte en droit administratif français196(*) »

L'air du temps impose le modèle entrepreneurial. Certains dogmes libéraux qui caractérisent le secteur privé comme le profit, l'efficacité, la performance, la productivité font partie des valeurs sociales et le droit public n'est pas resté insensible à cette pression. On doit alors constater leur intégration dans la gestion patrimoniale publique. L'intériorisation de ces logiques a des effets importants sur la façon d'envisager le patrimoine public. Ainsi se pose la question de savoir si les principes, à partir desquelles sont décidées les grandes orientations d'une entreprise privée peuvent inspirer la gestion d'une collectivité publique ? Cette question sous-tend un débat classique qui oppose le public au privé. D'un côté, l'Administration défendrait l'intérêt général, de l'autre l'entreprise serait parée des vertus de profit et d'efficacité. Cette opposition ne pouvait plus rester à ce stade primaire. Dans les années quatre-vingt, les impératifs de l'économie libérale, la valorisation par la classe politique des valeurs de l'entreprise ont projeté l'intégration du modèle entrepreneurial dans l'action administrative. L'adaptation directe des logiques de gestions issues du secteur privé et du management d'entreprise suscite l'ouverture d'un nouveau champ d'étude : le « management patrimonial public »197(*).

Ici et là émergent des initiatives tendant à moderniser la gestion domaniale : la recherche de l'efficacité conduit à s'inspirer des méthodes de gestion du secteur privé afin d'atteindre l'optimum juridique (A) et la rationalisation (B) dans la politique patrimoniale afin que soit conservée voire augmenter la valeur financière des propriétés publiques.

A. La recherche de l'optimum juridique en matière de gestion patrimoniale

Les réformes qui ont récemment marqué la matière domaniale démontrent la volonté d'adapter l'environnement juridique afin d'accroître et de systématiser la protection de la valeur financière du patrimoine public. Ainsi, l'immobilier offre de vastes perspectives et d'incontestables opportunités pour une gestion publique plus efficace, moins coûteuse et plus professionnelle. L'immobilier constitue en définitive un pan essentiel de la réforme de l'Etat. Afin que soit promue plus largement la valorisation des dépendances publiques, il convient d'envisager les expériences réalisées en matière d'externalisation (1) et d'expérimentation (2) immobilières

1. L'externalisation de l'immobilier public

L'externalisation (outsourcing) est un outil de gestion qui permet à une organisation de déléguer certaines fonctions non stratégiques, précédemment exercées par elle, à des prestataires de service extérieurs198(*). Dans le contexte actuel de maîtrise de la dépense publique, les administrations s'interrogent sur l'intérêt d'y avoir recours pour l'exploitation de leurs fonctions non régaliennes. Ce concept traduit une nouvelle ligne de partage entre le faire et le faire faire depuis longtemps pratiquée dans les pays anglo-saxons (á) et qui se développe fortement en France (sachant que certaines expériences ont d'ores et déjà été menées199(*) : â).

á. Les expériences d'externalisation anglo-saxonnes

L'externalisation atteint un stade très avancé dans les pays anglo-saxons. Aux Etats-Unis, la réforme de l'Etat a clairement favorisé l'extension du recours à la sous-traitance. Dès 1966, la directive A-76 de l'Office de gestion et du budget (OMB) placé auprès du Président des Etats-Unis a organisé une méthodologie de comparaison des coûts entre le secteur public et le secteur privé, dans le but de confier à des sociétés privées les fonctions qui y seraient réalisées de manière moins onéreuse. Depuis 1998, l'adoption du Fair act, qui oblige les administrations fédérales à publier la liste des fonctions susceptibles d'être externalisées, constitue une nouvelle étape dans cette direction200(*).

Traditionnellement attaché au rôle de la libre entreprise, le Royaume-Uni est un des pays, avec les Etats-Unis, qui externalise le plus de fonctions dévolues jusqu'à présent aux forces armées. Ce pays a mis en oeuvre en ce domaine, en juillet 2000, une réforme ambitieuse, parfois menée de manière brutale vis-à-vis du personnel. Allant au-delà de la simple externalisation, les Britanniques recherchent désormais le plus souvent possible le financement intégral par le secteur privé d'équipements publics. 

â. L'externalisation en France : les perspectives en matière patrimoniale

q Définition de l'externalisation

L'externalisation participe des techniques de modernisation de l'administration au même titre que d'autres méthodes appliquées par les entreprises privées et transposées dans le secteur public (démarche qualité, certification ISO...). Dans un contexte budgétaire contraint, l'externalisation permet à l'Administration de se concentrer sur son coeur de métier201(*). Une telle situation permet d'expliquer que c'est déjà un mode de gestion connu et apprécié. La professionnalisation des armées et d'importantes contraintes budgétaires ont incité la Défense nationale à y avoir recours. Mais l'externalisation pourrait trouver application dans de nombreux domaines.

La gestion et la valorisation de l'immobilier seront vraisemblablement un terrain d'éclosion de l'externalisation202(*). La dissociation entre la propriété immobilière et l'occupation, entre le property management, le facility management et l'asset management, est une des tendances lourdes en matière immobilière. Elle a d'évidentes vertus de clarification et d'optimisation et la méthode la plus novatrice et la plus élaborée consisterait en une externalisation de la propriété même des bureaux. Elle pourrait revêtir deux formes : une externalisation interne qui reposerait sur le transfert de la propriété des immeubles à des structures ad hoc ou une externalisation externe qui ferait appel à des structures privées. Cette deuxième solution permettrait à l'Etat de percevoir le prix des immeubles cédés. Dans tous les cas, des baux à long terme devraient être établis entre les partenaires afin de favoriser la professionnalisation de la gestion. En outre, le deuxième scénario reposerait sur des opérations financières de type titrisation.

q Les moyens dont disposent les personnes publiques pour asseoir l'externalisation

Les personnes publiques ont déjà à leur disposition des outils qui tendent à favoriser l'externalisation. Il s'agit du crédit-bail ou du lease-back et des contrats de partenariats publics-privés (PPP). Ils traduisent tous la volonté de l'Administration de bénéficier du cadre juridique privé parce qu'elle y trouve un intérêt : en ce qui nous concerne, assurer la valorisation de leur patrimoine.

Il n'existe pas de mode contractuel de principe de l'externalisation. Le recours aux marchés publics se heurte à de fortes rigidités et à l'obligation de financer l'opération par des deniers publics. Le mécanisme de la délégation de service public paraît plus adapté en ce qu'il autorise le financement privé mais la question est de savoir si l'activité dont l'externalisation est envisagée présente ou non le caractère de service public. Ces différents blocages juridiques sont neutralisés par le recours aux contrats de partenariat. C'est un contrat qui repose sur le financement par le secteur privé d'équipements publics, ce qui permet un lissage des dépenses publiques en transférant à un opérateur privé le poids des variations liées aux investissements et les risques qui y sont associés. Allégé de ces contraintes, le budget public peut être mieux maîtrisé. L'entreprise qui finance l'équipement public loue ensuite son utilisation à la puissance publique. En matière immobilière, le contrat devra assurer à la personne publique l'externalisation des risques de réalisations et d'exploitation et la déconsolidation de la dette de l'Administration (le PPP n'emporte pas qu'un transfert de maîtrise d'ouvrage, il permet de faire réaliser aujourd'hui ce que l'on ne paiera que demain). La combinaison à laquelle procède ces contrats entre les vertus du public et du privé ouvre un nouveau champ de recherche pour le management public203(*).

Le financement privé d'équipements publics est devenu un moyen incontournable et avantageux de valorisation du domaine public. Cette externalisation se fonde sur le crédit-bail et le lease-back. Concernant le premier mode de financement, le CGPPP s'est limité à une reprise du droit constant. Dans le mécanisme issu de la loi de 1994, le recours au crédit-bail est possible dans le cadre des AOT constitutives de droits réels sauf si les ouvrages sont affectés à un service public ou à l'usage du public ou s'il s'agit de travaux exécutés pour une personne publique dans un but d'intérêt général. Cette exception a depuis fait l'objet de nombreuses exceptions pour répondre au besoin de la justice, de la gendarmerie ou des armées204(*). L'ensemble a donc perdu toute cohérence, c'est pourquoi C. MAUGÜE et G. BACHELIER205(*) souhaiteraient la possibilité d'avoir recours à un financement totalement externalisé pour l'ensemble des installations notamment immobilières dans le cadre d'une autorisation d'occupation constitutive de droits réels206(*). Valorisation et externalisation seraient alors jumelées.

Quant au lease-back207(*), il s'agit d'une technique de refinancement d'équipements publics. La structure est la suivante : un organisme français donne en location un équipement à un trust américain pour une durée assez longue. Ce même organisme public reprend l'équipement en sous-location, ce qui lui permet d'en conserver la jouissance et de décider de son affectation. Le trust acquiert la « propriété économique » par le biais du contrat de location. Ce dernier peut par la suite amortir son bien dans ses comptes et bénéficier d'un crédit d'impôts tandis que l'organisme public recevra une rémunération équivalente à 7% de l'actif. En résumé, l'organisme public n'a pas dépensé un centime. Les principaux obstacles au lease voient leurs fondements remis en cause. L'inaliénabilité qui n'est que potestative n'est pas un obstacle à la valorisation économique du patrimoine public. Le lease-back devrait alors permettre une externalisation accrue du financement de l'immobilier public. La protection de la valeur financière de l'immobilier a également conduit à expérimenter le paiement par les ministères de loyers budgétaires.

2. L'expérimentation de loyers budgétaires

Longtemps les ministères étaient insensibles aux charges afférentes aux immeubles de bureaux qu'ils utilisaient : en l'absence de loyers, les charges d'occupation n'étaient pas connues, quant aux charges d'exploitation elles é(aient souvent difficiles à identifier. En résumé, le coût complet du poste de travail d'un agent public n'était pas calculé. Afin d'optimiser les coûts de fonctionnement des administrations, il était devenu essentiel d'être en mesure de les calculer et de donner les moyens aux administrations de les maîtriser. Le gouvernement, sous l'égide de son ministre attaché à lé réforme de l'Etat, a décidé de révéler ces coûts et de faire payer un loyer aux utilisateurs.

D'une part, il ressort du rapport n° 2926 suivi de la Mission d'évaluation et de contrôle sur la gestion et la cession du patrimoine immobilier de l'État présenté par M. TRON que le ministère des Finances a demandé à tous les services centraux des ministères de lui présenter, avant le 31 mai dernier, un « schéma pluriannuel de stratégie immobilière » (SPSI). Ces documents doivent comporter un diagnostic à partir d'une base intégrant toutes les données nécessaires à la gestion (ratios d'occupation ou de coût), et des orientations stratégiques quantifiées sur 5 ans déclinant la démarche du Gouvernement. Pour remplir leur rôle, ces documents devront être axés sur l'objectif de réduire la dépense immobilière. Le service France Domaine fixe précisément le cadre général de ces SPSI et validera chacun d'entre eux, afin qu'ils soient en ligne avec les orientations générales données à la politique immobilière de l'État209(*).

D'autre part, l'influence grandissante des préceptes issus du secteur privé en matière de valorisation patrimoniale et notamment immobilière transparaîtra dans le paiement par les ministères de loyers budgétaires. En application de la décision du Président de la République210(*), le service France Domaine conclura avec chaque ministère une convention retraçant les droits et les obligations tant de lui-même que des ministères occupants. Ces conventions seraient conclues pour une durée limitée et donc renégociées périodiquement. Pour ne pas laisser les droits acquis s'instaurer, il serait bon que le terme de ces « baux » soit de 3 ou 6 ans, plutôt que 9. Cela permettra de garantir la bonne occupation du parc, en assurant une respiration permanente et en mettant sur le marché, au fur et à mesure, les biens qui deviennent inutiles et inadaptés. Les loyers budgétaires feront partie intégrante de ces conventions.

Les loyers budgétaires211(*) qui sont en cours d'expérimentation en 2006 sur 178 immeubles occupés par trois ministères (Affaires étrangères, Économie, finances et industrie et Justice) seront étendus à toutes les administrations centrales en 2007. Au vu des résultats de cette application, ils seront ensuite étendus aux services déconcentrés. Les gestionnaires recevront une facture au titre des immeubles qu'ils occupent et devront la payer sur une dotation reçue en début d'année ; les économies qu'ils réaliseront leur resteront acquises un certain temps, les dépenses supplémentaires étant bien sûr à leur charge. Ce dispositif permettra au service France Domaine de jouer effectivement son rôle d'État propriétaire, alors que la situation qui prévalait auparavant laissait les ministères se comporter en quasi-propriétaires sans contrôle ni obligation212(*).

B. La rationalisation de la gestion patrimoniale : transposition des normes de performance issues du secteur privé

« En tant qu'organisation productrice de réalisations, une administration publique relève autant de la logique de gestion qu'une entreprise213(*) »

La performance est une des qualités souvent prêtées au secteur privé. Désormais, c'est un objectif que les politiques publiques doivent atteindre. La performance a donc été naturellement consacrée par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)214(*). L'article 51 alinéa 5 de cette loi organique indique que les annexes explicatives accompagnant le projet de loi de finances doivent être complétées par un projet annuel de performances précisant « la présentation des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus... ». Ce système de gestion de la performance s'inspire directement de la culture dite de management. Cette dernière, grâce à ce nouveau contexte, s'est proposée d'améliorer l'efficacité dans la gestion domaniale par l'intégration de certaines logiques propres aux entreprises privées. Un tel constat résulte des implications qu'ont eu les réformes initiées en matières de comptabilité publique (1) et de participations financières (2) en terme de valorisation des propriétés publiques. En effet, la valorisation patrimoniale se trouve modifiée dans ses éléments originels du fait de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances et de la logique de performance qu'elle introduit.

1. L'intégration de la performance dans la gestion des propriétés publiques : l'application d'une comptabilité patrimoniale

L'intégration des conceptions à dominantes économiques en matière de droit public se traduit par la recherche de l'efficacité dans nos finances publiques. L'obligation de performance est directement traduite dans la lettre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001. La réforme budgétaire instaure de nouvelles normes en matière de comptabilité publique, avec pour objectifs la contribution à la valorisation du patrimoine de l'État, une meilleure appréhension de la réalité de l'activité annuelle en termes de recettes et de dépenses et une meilleure communication financière. L'ordonnance organique de 1959 imposait une comptabilité budgétaire dite de caisse retraçant l'exécution des dépenses budgétaires, au moment où elles sont payées et l'exécution des recettes, au moment où elles sont encaissées. La nouvelle constitution financière permet de conjuguer comptabilité budgétaire, comptabilité générale et comptabilité d'analyse du coût des actions et des programmes215(*).

Cette loi possède un périmètre assez large car elle peut potentiellement modifier notre droit public. Elle est liée à l'objectif plus global de réforme de l'Etat. Elle concerne non seulement le droit budgétaire et le droit de la comptabilité publique mais également d'autres branches du droit216(*). La mise en oeuvre de la LOLF a eu indéniablement des répercussions majeures en matière de droit des biens. L'occasion nous déjà été donnée de démontrer la préoccupation comptable du gouvernement en matière d'immobilier. Un recensement a été entrepris afin de mieux identifier le contenu du patrimoine de l'Etat. L'importance accordée à l'aspect comptable découle de l'insertion des dispositions particulières des articles 27 à 31217(*) de la LOLF. Ces dispositions permettent de mieux comprendre l'importance revêtue par le patrimoine et un traitement financier qui rapproche la collectivité propriétaire de la situation de l'entreprise privée218(*), sous réserve de la permanence de règles exorbitantes. La réforme comptable permet une prise en compte renforcée de la dimension patrimoniale : il s'agit de mieux connaître, puis d'évaluer et enfin d'inscrire tant les actifs que le passif. L'analyse ainsi conduite permettra de faire apparaître les contraintes de gestion qui découlent de l'approche économique du domaine public. Le mouvement d'assimilation par le droit des biens des dogmes du secteur privé est donc manifeste. Désormais les règles de la comptabilité patrimoniale s'appliquent pleinement aux propriétés publiques.

En ce qui concerne la comptabilité, le droit applicable à l'Etat rejoint sur ce point celui applicable aux collectivités territoriales depuis 1994 ( date d'application de l'instruction M14). Les personnes publiques doivent dresser un inventaire de leurs biens et les amortir comptablement comme les immobilisations dans un bilan avec l'introduction d'une charge nouvelle : l'annuité d'amortissement219(*). On ne peut alors que constater : « un lent processus de transformation des patrimoines publics en universalité de droit. Il passe par la création d'une dotation aux amortissements et demain peut-être par la transposition, actuellement à l'étude, de certaines normes comptables internationales d'origine anglo-saxonne (International Accounting Standard 36) à la comptabilité publique220(*) ». La présentation actuelle concernant la valorisation des biens domaniaux répond à des raisons financières mais plus profondément, au-delà du seul comblement du déficit budgétaire, la LOLF a servi de base à une réforme de la conception même des patrimoines publics221(*).

Les modes de gestion caractéristiques du secteur privé ont également été transposés afin d'optimiser la valorisation des participations financières que l'Etat détient en tant qu'actionnaire dans une quarantaine d'entreprises publiques. On retrouve là encore le rôle de la LOLF qui avait prévu la création d'un compte dit de privatisation222(*).

2. La création du compte d'affectation spéciale : «  participations financières de l'Etat »

Le projet de loi de finances pour 2006 présente deux missions liées aux activités patrimoniales de l'Etat, l'une consacrée à la gestion de son patrimoine immobilier et l'autre dédiée à la valorisation de son patrimoine financier. Cette dernière, dénommée « mission des participations financières de l'Etat »223(*), retrace les opérations de gestion des parts que l'Etat détient dans le capital des entreprises publiques et privées. La bonne valorisation des participations de l'Etat est l'objectif prioritaire affiché par le budget224(*). Cette priorité vaut pour toutes les entreprises concernées, que l'Etat y soit actionnaire majoritaire ou minoritaire et qu'elles aient vocation ou non à être privatisées, complètement ou partiellement. Il est d'ailleurs important de noter que les cessions de parts de l'Etat participent elles aussi directement de cette exigence de bonne gestion du patrimoine financier de l'Etat225(*). En effet, les ventes de participations de l'Etat dont le produit est affecté au désendettement ne constituent pas une diminution de son patrimoine mais un transfert au sein de ce même patrimoine, de son actif (les participations qu'il détient) vers son passif (sa dette).

Comme tout actionnaire avisé, l'État doit d'abord veiller à ce que les entreprises dont il détient tout ou partie du capital créent de la valeur - afin de pouvoir les céder, le cas échéant, dans les meilleures conditions possibles. Au-delà de la seule mise en place de l'APE, la gestion des participations financières a incontestablement progressé en termes de transparence, au travers du rapport annuel au Parlement sur l'Etat actionnaire détaillant la situation des principales entités et présentant depuis 2003 une forme de comptes consolidés des entreprises à participation d'Etat. L'objectif de valorisation des possessions financières de l'Etat repose sur quatre indicateurs226(*), traditionnellement utilisés par les investisseurs privés, afin de mesurer la performance des participations financières de l'État :

- Le premier mesure la rentabilité opérationnelle des capitaux employés. A cette fin, il rapproche le résultat net des entités rentrant dans les combinés des participations de l'Etat des capitaux employés. Cet indicateur permet de mesurer la capacité des entreprises concernées à créer de la valeur par rapport aux moyens qu'elles engagent

- Le second indicateur, plus large, mesure la rentabilité financière des participations en rapportant le résultat net (qui agrége le résultat d'exploitation, le résultat financier et le résultat exceptionnel) aux capitaux propres. C'est l'indicateur le plus traditionnel, mais aussi le plus robuste, car il met en évidence la réelle création de richesse des entreprises en prenant en compte l'ensemble des éléments de leurs gestions.

- Le troisième indicateur est la traditionnelle marge opérationnelle (résultat d'exploitation sur chiffre d'affaires)

- Enfin, le quatrième indicateur est la soutenabilité de l'endettement, mesurée par le rapport entre la trésorerie dégagée par l'exploitation (l'EBITDA) et les dettes nettes des entités. Il permet de mesurer la capacité des entreprises à honorer leurs dettes, voire à se désendetter.

?

La loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) a consacré une exigence de performance de la gestion publique qui s'applique à la façon dont l'Etat gère son patrimoine. La performance de ce dernier, vecteur de valorisation, passe incontestablement par l'intégration des règles de gestion du secteur privé. L'enjeu économique est essentiel car les privatisations ou recapitalisations ne sont que la traduction budgétaire visible d'une politique plus large : celle de la valorisation du patrimoine de l'État, qu'il s'agisse de ses actifs comme de son passif. La valorisation des participations de l'État est une exigence pour les entreprises ayant vocation à être privatisées mais aussi pour les autres.

Conclusion

Le présent mémoire appelle davantage une série d'observations qu'une conclusion, laquelle aurait pour effet de figer une matière dont nous savons qu'elle est intimement liée au mythe du Phoenix et à la symbolique du renouveau cyclique.

Pendant longtemps, le domaine public était perçu comme un bien improductif, c'est-à-dire insusceptible de procurer des revenus à l'Etat. La mission de l'administration se résumait en une mission de garde et de surintendance: il s'agissait d'assurer la conservation du domaine. Aujourd'hui, on note qu'il y a eu une évolution fondamentale : le domaine public est devenu un enjeu important, une source de richesse nationale. La mission de l'administration a changé et s'est muée d'un rôle classique de gardien en un rôle de gestionnaire du domaine. On sait que l'avènement des thèses propriétaristes est lié à l'exploitation du domaine public ; c'est cette dernière évolution, qui participe sur le long terme d'une tendance plus générale à la patrimonialisation des choses hors du commerce227(*). Désormais, l'administration gère le domaine public avec le souci d'en tirer le meilleur profit possible, étant dès lors amenée à concilier son obligation de protection avec les intérêts économiques et financiers des tiers qui vont le faire fructifier. Or, les règles de la domanialité publique se sont très vite révélées contraignantes, voire inadaptées en ce qu'elles ne permettaient pas d'offrir de garanties aux opérateurs privés, le principe d'inaliénabilité interdisant la constitution de droits réels. Ainsi, dans le but d'éviter que ces règles protectrices ne se retournent économiquement contre les personnes publiques, le législateur est intervenu, à plusieurs reprises, pour « assouplir » le régime de la domanialité publique.

Dès les années 80, le Conseil d'Etat appelait de ses voeux une réforme globale du droit des propriétés publiques afin de réduire le décalage entre de vieux principes et les exigences actuelles d'une exploitation économique, vecteur de valorisation, des dépendances domaniales. Les interventions législatives ponctuelles ont tenté de résoudre cette inadaptation. En vain. Le Code général de la propriété des personnes publique procède alors à une réforme importante en réalisant une codification à droit non constant. La modification ainsi réalisée a doté les personnes publiques d'un ensemble cohérent et actualisé de règles.

Au regard de l'importance des patrimoines publics et de la manne financière qu'ils ont toujours représenté, la protection financière des possessions publiques a toujours été une préoccupation centrale des politiques publiques. Prolongeant les pratiques de l'Ancien régime, le droit des biens permet d'élever la valorisation au rang d'impératif premier d'une politique domaniale rénovée. La réforme immobilière, fondement de la réforme globale de l'Etat, connaît de substantielles évolutions marquées notamment par une politique ambitieuse de cessions. Tandis que les participations financières de l'Etat connaissent une nette progression en raison de la structuration de la fonction d'actionnaire, le gouvernement a lancé une vaste politique d'évaluation des actifs incorporels afin d'optimiser la « marque France ». Réforme en profondeur des règles juridiques, transformations des structures administratives, évolution de la politique immobilière : les personnes publiques disposent désormais d'outils rénovés de gestion patrimoniale.

Le présent mémoire nous a permis de souligner l'adaptation constante du droit des biens. Tel le Phoenix, il renaît de ses principes fondateurs pour répondre aux exigences de la sphère économique. La protection financière s'avère être un aspect essentiel de la réforme de l'Etat. Celle-ci passe par l'intégration assumée de certains préceptes issus du secteur privé. La rentabilité du domaine, l'optimisation des occupations privatives s'appuient sur la performance soulignant ainsi que le droit des biens « fut toujours un hybride mêlant, dans des proportions que l'histoire fait varier, règles de droit privé et public228(*) ». La symbolique de la résurgence attachée à l'oiseau paré de pourpre laisse entendre que malgré l'apport essentiel du Code général de la propriété publique en terme de patrimonialisation du domaine et de valorisation de ce dernier, la matière n'a nullement atteint un degré ultime de réforme. L'application du droit commercial aux dépendances publiques se posera de façon inexorable. Si l'objectif de réduire la domanialité publique paraît salutaire, le droit administratif est porteur d'effets économiquement néfastes en excluant la conclusion de baux commerciaux. En outre, même si les actifs immatériels font l'objet d'une évaluation, la propriété publique incorporelle n'a pas été traitée par le nouveau code. Il s'agit indéniablement d'une carence malheureuse, compte tenu d'une nette tendance à la dématérialisation des propriétés.

En définitive, en songeant au droit du patrimoine public, on ne peut s'empêcher de penser à l'histoire du bateau de Thésée. Plutarque, dans ses Vies des hommes illustres, rapporte que les Athéniens gardèrent longtemps le navire, « en ôtant toujours les vieilles pièces de bois, à mesure qu'elles pourrissaient, et en y remettant des neuves en leurs places ». S'agissait-il toujours du même bateau ? « Les uns maintenaient que c'était un même vaisseau, les autres, au contraire, soutenaient que non229(*) ». Le droit des biens a incontestablement évolué. L'exploitation des dépendances patrimoniales intègre désormais des logiques financières et managériales mais un impératif demeure :la valorisation des biens publics s'entend toujours d'une valorisation au service de l'utilité publique.

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q UBAUD-BERGERON (M.), «  Les contradictions du régime du financement privé des ouvrages publics sur le domaine public de l'Etat » AJDA 23 juillet 2003

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IV. Conclusions et notes de jurisprudence

q S. AUSTRY (S.), « Les redevances d'occupation du domaine public routier exigées des opérateurs de télécommunication sont-elles légales ? » conclusions sur CE, 21 mars 2003, SIPPEREC, BJCL, n°6/03

q BACHELIER (G.), conclusions sur CE, 11 février 1998, Ville de Paris/ Association pour la défense des droits des artistes peintres sur la place du Tertre, AJDA 20 juin 1998

q BAZEX (M.), note sous CE, 2 février 1987, MM. Joxe et Bollon, AJDA 20 mai 1987

q CAPITANT (R.), note sous CE 17 février 1932, Commune de Barran, Dalloz 1933 III 49

q CHENOT (C.), conclusions sur CE, 5 mai 1944, Compagnie maritime de l'Afrique orientale, D. 1944, III, p.15

q DELIANCOURT (S.), « Vers un principe général du droit de non-gratuité de l'occupation privative du domaine public », note sous CAA Marseille, 6 décembre 2004, Commune de Nice, AJDA 18 avril 2005

q ECKERT (G.), « Principe général de non-gratuité de l'occupation privative du domaine public » note sous CAA Marseille, 6 décembre 2004, Commune de Nice, DA juin 2005

q FOUQUET (O.), « Le contentieux des redevances domaniales », conclusions sur CE, Sect., 22 décembre 1989, CCI du Var, RFDA 1990 p. 649

q GONDOUIN (G.), note sous CC, 21 juillet 1994, décision n° 94-346 DC, AJDA 1994, p. 786

q GULDNER (E.), conclusions sur CE, 20 décembre 1957, Société Nationale d'Editions Cinématographiques, Sirey 1958

q B. LAMORLETTE, note sous CE, 6 mai 1995, Préfet de la Haute Saône : Commune de Fougerolles, AJDA 20 octobre 1995

q de LAUBADERE (A.), note sous CE, 2 mai 1969, Affichage Giraudy

q LAVIALLE (C.), Intérêt financier et intérêt général, note sous CAA Lyon, 10 octobre 1990, Roger Autard et autres, JCP 1991, II, n° 21761

q MASSOT (J.), conclusions sur CE, 2 février 1987, Joxe et Bollon, RFDA 1987, p.176

q OLLEON (A.), conclusions sur CE, 11 octobre 2004, Prouvoyeur, BJCL, n° 1/05

q RICHER (L.), note sous CE, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, AJDA du 20 décembre 1997

q SOULIE (J.), « Le domaine public, une catégorie juridique protégée ? », note sous CE, 21 mars 2003, SIPPEREC, RFDA sept-oct 2003

q SUBRA de BIEUSSES (P.), « L'incertitude du juge des référés sur le montant des redevances d'occupation du domaine fluvial » note sous TA Lyon, ord., 24 février 2005, Compagnie Nationale du Rhône

q TAILLEFAIT (A.), « Les biens d'EDF n'appartiennent pas au domaine public », note sous CE, 23/10/1998, EDF

q VERPEAUX (M.), Commentaire sur la loi relative à l'entreprise nationale France Télécom, LPA 11 juin 1997 n°70, p. 19

V. PRINCIPAUX SITES INTERNET

q http://www.achatpublic.com

q http://www.assemblee-nationale.fr

q http://www.carrefourlocal.org

q http://www. ccomptes.fr

q http://www.fondation-igd.org

q http://www.ladocumentationfrancaise.fr

q http://www.legifrance.gouv.fr

q http://www.minefi.gouv.fr

q http://www.performance-publique.gouv.fr

q http://www.senat.fr

q http://www.vie-publique.fr

INDEX

A E

Accessoire : 58 Entretien : 23, 24, 31-33

Actionnaire : 93,96-99, 110 Evaluation : 23,29, 44, 45, 48

Administration des domaines : 19, 86, 113 52,86, 87 92

Affectation : 45, 55, 56, 60, 66 Expérimentation : 101,105

Aménagement spécial/indispensable : 54-56, 58 106

APE : 96, 98, 99 Externalisation : 38, 46, 51,

Autorisation d'occupation temporaire (AOT) : 16 66, 89, 101-105

17, 21, 28, 41, 42, 68, 79, 80-83, 88, 104

B F

Bail emphytéotique administratif : 14, 15, 68, 79-81 Financement privé : 62-63

Biens corporels : 29, 86, 87 France Domaine : 94,106

Biens incorporels : 29, 90-92

C

CGPPP : 13, 17, 21, 25, 26, 37, 52, 55, 57-61, G

63-65, 72, 75, 80, 82, 104, 114 Gestion domaniale : 50,

Comptabilité patrimoniale : 107-109 52, 53, 65, 66, 72, 73,

Crédit-bail : 80, 82, 103, 104 85, 100, 110

Gouvernement d'entreprise 

  96-99

Gratuité : 70-73

D

Déclassement : 39, 60, 61, 64-66 H

Domaine privé : 59, 62-67 Hypertrophie : 26, 52-53,

Domaine public : 14, 16 55-56, 58-59

Droits réels : 16, 79

Droit privé : 29, 59, 62-67, 84, 107-109

I Propriété intellectuelle : 90-93

Inaliénabilité : 18, 30, 32, 40, 44-45, 51,59 Propriété publique : 12, 17, 19-24

60, 65, 79 25, 26, 37, 52, 55, 57-61, 63-65, 72

Incessibilité à vil prix : 40, 44-48, 65, 73 75, 80, 82, 104, 114

Investissements privés : 14, 16, 69, 89-90 Protection du domaine public : 17,

26, 39, 40-44, 47-48, 73

L

Lease-back : 88, 103-105 R

Licence UMTS: 76 Redevances domaniales: 34-35, 39

Loi du 8 janvier 1988: 16, 17, 28, 42, 79-81 69, 72-76, 78

Loi du 25 juillet 1994 : 16, 17, 28, 41, 42, 79 Réforme de l'Etat : 28, 84-85, 108

80-81, 104 Rentabilité financière : 17, 19, 26,

LOLF : 28, 34, 107-108, 111 69, 72, 75, 90

Loi du 29 août 2002 : 28

Loi du 20 avril 2005 : 64-68 T

TGPE : 30, 86, 88

M

Management public: 84, 85, 103, 107, 115 V

Valeur des patrimoines : 29-31,

O 47-48, 73, 78-79, 83, 90

Occupation collective : 70-71

Occupation privative : 72-78, 80, 114

Ordonnance du 17 juin 2004 : 28, 61, 64-65, 67-68

80, 81, 88

Ordonnance du 19 août 2004 : 34, 38, 68

P

Partenariat public/privé (PPP) : 28, 67-68, 78, 80-83,

88, 103

Participations financières de l'Etat : 36-37, 110, 113

Performance financière : 28, 52, 69, 83, 107

Politique immobilière de l'Etat : 32, 35, 87-88, 93,

113-114

Précarité : 78-79

Table des matières

INTRODUCTION.......................................................................................6

PARTIE 1

ORIGINE ET SIGNIFICATION ACTUELLE DE LA PROTECTION FINANCIERE DU PATRIMOINE PUBLIC..............................................................................11

SECTION 1 : LES FONDEMENTS DE LA PATRIMONIALISATION DU DOMAINE PUBLIC..................................................................................................13

§1. La permanence historique de la valorisation du patrimoine public.........................14

A. La mise en valeur et l'exploitation du patrimoine public au fil des siècles................15

B. La recherche de la rentabilité financière du patrimoine public, un objectif persistant....18

§2. L'inhérence de la logique de valorisation à la notion de propriété publique..............20

A. La reconnaissance du droit de propriété des personnes publiques...........................21

1. Les bases jurisprudentielles et législatives de la propriété publique.........................21

2. Les bases internationales et constitutionnelles de la propriété publique.....................21

B. Le lien entre propriété publique et exploitation de la valeur financière du patrimoine public....................................................................................................24

SECTION 2 : PORTEE ACTUELLE DE LA PROTECTION FINANCIERE DU PATRIMOINE PUBLIC..............................................................................27

§1. La consécration législative de l'impératif de valorisation du patrimoine public.........28

A. La nécessaire prise en compte des enjeux économiques et financiers......................29

1. Réflexions sur la légitimité de l'analyse économique en droit: le cas du droit domanial.30

2. La patrimonialité des biens publics : aspects comptables et budgétaires....................31

á. Le coût d'exploitation du patrimoine public....................................................31

â. Le patrimoine public, ensemble de ressources valorisables...................................35

q Produits et revenus du domaine public de l'Etat..............................................35

q La gestion des participations de l'Etat.........................................................37

B. L'apport du CGPPP en terme de valorisation..................................................38

§2. La limite d'une démarche purement économique : le maintien d'une exigence de protection du patrimoine public......................................................................41

A La protection du domaine public, un impératif constitutionnellement reconnu ?..........41

1. Les limites inhérentes à la protection constitutionnelle des biens publics..................42

á. Analyse de la jurisprudence constitutionnelle..................................................42

â. La jurisprudence administrative : la reconnaissance d'un impératif d'ordre constitutionnel de protection du domaine public..................................................43

2. Les doutes quant à la portée réelle de la protection............................................44

B. La portée effective des principes protecteurs du patrimoine public : une application relative face aux exigences de valorisation.........................................................45

1. Le principe d'inaliénabilité........................................................................46

2. L'incessibilité à vil prix des propriétés publiques..............................................47

PARTIE 2

POLITIQUES ET OUTILS DE LA PROTECTION FINANCIERE DU PATRIMOINE PUBLIC OU L'ESSOR D'UNE NOUVELLE GOUVERNANCE PATRIMONIALE.....51

SECTION 1 : LA MODERNISATION DE L'EXPLOITATION ECONOMIQUE DU PATRIMOINE PUBLIC..............................................................................53

§1. Une gestion patrimoniale renouvelée...........................................................54

A. La limitation de l'hypertrophie du domaine public : une nouvelle définition du domaine public à l'effectivité incertaine.......................................................................54

1. Le recentrage de la domanialité publique.......................................................55

á. Les tenants de l'abandon d'une définition du domaine public subordonnée à l'application d'un critère réducteur.................................................................................55

â. Une nouvelle définition du domaine public propice aux exigences de valorisation.......56

2. L'affaiblissement de la règle de l'accessoire...................................................59

B. La respiration du patrimoine public..............................................................60

1. La circulation des propriétés publiques..........................................................60

2. L'accroissement de la consistance du domaine privé..........................................62

á. Les politiques de déclassement des dépendances publiques : le domaine privé, vecteur d'efficacité patrimoniale ?............................................................................63

â. Les exemples concrets d'un accroissement de la domanialité privée : le développement de biens privés affectés au service public..........................................................65

q Le déclassement des immeubles à usage de bureaux.........................................65

q Le déclassement des aéroports..................................................................67

§2. La performance financière du patrimoine public.............................................70

A. La rentabilisation des occupations domaniales................................................70

1. L'exploitation financière du patrimoine public ou le déclin de la gratuité face aux exigences de valorisation.............................................................................71

á. Une remise en cause de la gratuité du domaine public par le développement du caractère financier des utilisations collectives.................................................................71

â. L'autorisation d'occupation privative, instrument de gestion du domaine public..........72

2. Le caractère économique de la redevance pour occupation domaniale.....................74

á. La redevance, source de bénéfices pour la personne publique propriétaire.................75

â. Un exemple concret démontrant le caractère économique de la redevance : les licences UMTS...................................................................................................77

B. La productivité de la propriété domaniale......................................................78

1. Le renforcement des droits des occupants privatifs du patrimoine public..................79

á. La valeur patrimoniale des droits des occupants privatifs....................................79

â. L'atténuation de la précarité du partenaire privé...............................................80

2. Les contrats de partenariat et la valorisation patrimoniale....................................82

á. Les limites des techniques contractuelles classiques en matière de valorisation du patrimoine public.......................................................................................82

â. Le partenariat, contrat potentiellement vecteur d'une valorisation financière du patrimoine public.......................................................................................83

SECTION 2 : LE DEVELOPPEMENT DU MANAGEMENT EN MATIERE DOMANIALE OU L'OPTIMISATION DE LA VALEUR FINANCIERE DU PATRIMOINE PUBLIC..............................................................................85

§1. Les nouveaux outils d'une gestion domaniale dynamique...................................86

A L'évaluation des actifs publics....................................................................87

1. L'évaluation des actifs corporels, fondements d'une vaste politique de cessions.........87

á. La mise à jour du TGPE...........................................................................87

â. La politique de cession immobilière de l'Etat...................................................89

2. L'évaluation des actifs immatériels, un patrimoine valorisable largement méconnu mais en voie d'appréhension................................................................................91

á. La méconnaissance du potentiel financier de la propriété intellectuelle : un contexte favorable à l'évaluation des actifs immatériels....................................................91

â. L'évaluation récente des actifs immatériels de l'Etat..........................................93

B. La création d'organes ou l'institutionnalisation de l'efficacité patrimoniale...............94

1. La structuration de la fonction de propriétaire public..........................................94

á. Le service France Domaine........................................................................95

â. Le conseil de surveillance de l'immobilier de l'Etat...........................................96

2. La professionnalisation de l'Etat actionnaire...................................................97

á. L'Etat, un actionnaire longtemps apparu comme impuissant.................................97

q Des modalités d'action contraignantes.........................................................97

q Une carence de stratégie......................................................................... 98

â. La création d'APE : l'influence des théories du gouvernement d'entreprises..............99

§2. L'intégration du modèle entrepreunerial dans l'action domaniale des personnes publiques..............................................................................................101

A. La recherche de l'optimum juridique en matière de gestion patrimoniale................102

1. L'externalisation de l'immobilier public.......................................................102

á. Les expériences anglo-saxonnes d'extrernalisation..........................................103

â. L'externalisation en France : les perspectives en matière patrimoniale....................103

q Définition de l'externalisation..................................................................103

q Les moyens dont disposent les personnes publiques pour asseoir l'externalisation....104

2. L'expérimentation de loyers budgétaires......................................................106

B. La rationalisation de la gestion patrimoniale : transposition des normes de performances issues du secteur privé...............................................................................108

1. L'intégration de la performance dans la gestion des propriétés publiques : l'application de la comptabilité patrimoniale.....................................................................108

2. La création du compte d'affectation spéciale « participations financières de l'Etat »...110

CONCLUSION.......................................................................................113

BIBLIOGRAPHIE GENERALE..................................................................116

INDEX................................................................................................123

TABLES DES MATIERES........................................................................125

* 1 André de Laubadère, « Domanialité publique, propriété administrative, affectation », RDP, 1950

* 2 Les premiers développements de ce mémoire permettent de démontrer la permanence historique des exigences de valorisation des possessions publiques. Voir infra p. 11

* 3 Y. GAUDEMET, « L'avenir des propriétés publiques », in Mélanges Fr. Terré, Dalloz, PUF, Editions du Juris-Classeur, 1999, p. 569

* 4 Selon F. OST, l'ensemble des biens, c'est-à-dire des valeurs pécuniaires, ayant pour sujet une même personne est le patrimoine de celle-ci.

* 5 Domaine public et activités économiques ( Actes de colloques organisés les 20 et 21 sept. 1990 par la Faculté de droit de Paris Saint-Maur et les Cahiers juridiques de l'électricité et du gaz, n° hors série des CJEG, oct. 1991)

* 6 « La gestion patrimoniale du domaine public », Paris, Institut de la Gestion Déléguée, avril 2001 ; « La réforme du droit des propriétés publiques », LPA 23 juillet 2004, n° 147

* 7 S. BERNARD, « La recherche de la rentabilité des activités publiques et le droit administratif », LGDJ, 2001 ; J.P BROUANT, « Le domaine public à l'épreuve de la valorisation économique », Thèse Paris I, 1995 ; J.-Fr. DENOYER, « L'exploitation du domaine public », LGDJ, 1969 ; A. TAILLEFAIT, « L'évolution du droit de la gestion des biens des collectivités locales », Thèse Paris II, 1996 ; J. MORAND-DEVILLER, « La valorisation du patrimoine public » in Mélanges en l'honneur de Roland Drago, Economica, 1996

* 8 Loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation et loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 relative à la constitution de droits réels sur le domaine public de l'Etat

* 9 Réflexions sur l'orientation du droit des propriétés publiques, EDCE, n°38, 1987 ; La réforme du droit des propriétés publiques, LPA 23 juillet 2004, n° 147

* 10 Ordonnance du 21 avril 2006 sur le fondement de la loi n°2005-842 du 26 juillet 2005. Mouvement initié par le projet de réforme de la domanialité publique inscrit à l'article 34 de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit

* 11 P. YOLKA, « Naissance d'un code : la réforme du droit des propriétés publiques » JCP A 29 mai 2006, n°22

* 12 Sur ce thème, voir les actes du colloque «Domaine public et activités économiques », CJEG, Hors série 1991

* 13 J-B PROUDHON, Traité du domaine public

* 14 J-J ISRAËL, Intervention au colloque, « Domaine public et activités économiques » organisé par la faculté de droit de Paris Saint-Maur les 20 et 21 sept. 1990, n° Hors série des CJEG, oct. 1991

* 15 E. PICARD, « La notion de police administrative », LGDJ, 1984, p. 840

* 16 G. JELLINEK, « Introduction à la doctrine de l'Etat », Heidelberg, 1903, p. 21

* 17 l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques

* 18 Etant depuis longtemps admis que le domaine public n'est pas seulement un objet de police administrative mais une richesse collective que l'Administration a le devoir de gérer le plus efficacement possible avec pourquoi pas une finalité de rentabilité, nous ne retracerons pas les différentes étapes qui ont abouti à un dépassement progressif des pouvoirs de police comme l'avait souligné P. Laroque : « A la conception du domaine public hors du commerce, ne pouvant faire l'objet d'aucune appropriation ni d'aucun droit véritable, soumis uniquement à la garde et à la police de l'administration, se substitue la conception du domaine public, richesse collective et objet d'exploitation : police et gestion n'apparaissent plus comme des notions antinomiques, mais comme des qualifications différentes d'une même activité ». Cette idée devait être reprise par B. Chénot dans ses conclusions sur CE 5/05/1944, Cie maritime de l'Afrique orientale : « Le domaine public n'est plus simplement un objet de police administrative, c'est l'assiette d'un nombre toujours croissant de services d'intérêt général et c'est un bien dont l'administration doit assurer dans l'intérêt collectif la meilleure exploitation (...). Lorsque l'administration délivre une autorisation de voirie, elle n'a pas seulement le devoir d'en contrôler l'usage selon l'intérêt du domaine, elle a le droit d'orienter l'action du permissionnaire vers la satisfaction des intérêts généraux et de régler son activité de telle sorte que l'utilisation du domaine public par un particulier corresponde à l'exécution d'un service utile à la collectivité tout entière » (RDP 1944, p. 236). Ce n'est qu'en 1957, que le Conseil d'Etat, dans l'arrêt du 20 décembre 1957, Sté nationale d'éditions cinématographiques, qui pose en principe « qu'il appartient à l'autorité chargée de la gestion du domaine public de fixer, tant dans l'intérêt dudit domaine et de son affectation que dans l'intérêt général, les conditions auxquelles elle entend subordonner les permissions d'occupation ; que ni le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ni celui de la liberté de la presse .... Ne sauraient faire obstacle à l'exercice de ces pouvoirs de gestion »19. Cette motivation sera par la suite confirmée à de nombreuses reprises. ( cf. notamment CE 3 mai 1963, Ministre des Travaux publics c/ Commune Saint-Brévin-Les-Pins, Lebon p. 259 ; AJDA 1963, II, p. 356, RDP 1963, p. 1174, note Waline : « dans l'exercice de ses pouvoirs de gestion du domaine public, il appartient à l'administration d'accorder à titre temporaire des autorisations d'occupation privative dudit domaine » - CE 12 juin 1963, Rimoux, AJDA 1963, II, p. 708, note J.-M. A propos d'une interdiction de circulation dans autobus et des autocars dans le bois de Boulogne et de Vincennes, le Conseil d'Etat fait observer que la dérogation consentie à la RATP « a été édictée dans l'exercice des pouvoirs de gestion du domaine de la ville de Paris » - CE 29 avril 1966, Sté Affichage Giraudy, JCP 1966, II, 14746, note Klein : l'un des considérants de l'arrêt comporte une rédaction identique à celle utilisée par le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 20 décembre 1957 - CE 19 janvier 1966, Club aérien « Les Gerfauts », Lebon p. 150)

* 20 On oppose le domaine éminent d'exploitation par investissement au domaine utile d'exploitation directe.

* 21 Par exemple, le titre IX indique la possibilité de contracter avec la puissance publique pour la jouissance d'un lieu public et de la protection de l'occupant du domaine public : « Le préteur s'exprime ainsi : je défends qu'on empêche par violence celui à qui un lieu public, aura été donné à bail ». Il est clair que cet interdit a pour but l'utilité publique puisqu'il soutient la cause des revenus publics

* 22 On distingue notamment le fief en terre, qui était attribué à un inventeur ou un financier qui obtenait la cession d'une portion du domaine utile afin d'y établir un ouvrage dans un délai et pour un péage déterminé et le fief en fonction

* 23 « Monsieur, étant important pour la commodité publique et la finalité du commerce, que les ponts et chaussées soient toujours en bon état, je vous prie de passer promptement des marchés pour l'entretennement des ouvrages nouvellement faits, et d'observer avec soin à l'avenir de ne faire aucun marché pour le rétablissement des ouvrages que nous n'obligiez en même temps les entrepreneurs à se charger de les entretenir »

* 24 Si l'on prend l'exemple de l'Etat, le parallèle entre la loi de 1902 et celle de 1994 est particulièrement explicite puisque la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 a donné la faculté à l'État et à ses établissements publics de consentir des titres d'occupation du domaine public constitutifs de droits réels sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier que le titulaire réalise pour l'exercice d'une activité autorisée. Ce droit réel confère à son titulaire, pour la durée de l'autorisation et dans les conditions et limites précisées par la législation domaniale, les prérogatives et obligations du propriétaire. La nature immobilière du droit réel constitué par le titre a été confirmée par le décret n° 95-595 du 5 juin 1995, qui a modifié l'article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.

* 25 P. YOLKA, « La propriété publique. Eléments pour une théorie », Paris, LGDJ, 1997, p. 91

* 26 Prise sur le fondement de l'art. 48 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie ayant habilité le gouvernement à prendre par cette voie les mesures législatives nécessaires pour modifier et compléter les dispositions relatives : à la définition, aux modes d'acquisition, à l'administration, à la protection et au contentieux du domaine public et du domaine privé, mobilier comme immobilier, de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes publiques dotées de la personnalité morale, à l'authentification des actes détenus en jouissance par ces personnes publiques, au régime des redevances et des produits domaniaux, tant en ce qui concerne leur institution que leur recouvrement, à la réalisation et au contrôle des opérations de prises en location, d'acquisition et d'aliénation poursuivies par ces personnes publiques,

* 27« Davantage sommes-nous par constitution, garder et observer à notre pouvoir les terres de notre domaine » (édit de 1521, cité par Baillère, Du Domaine public de l'Etat) ; « Savoir faisons que nous considérons notre dit domaine et patrimoine de France être inaliénable par quelque espèce ou manière que ce soit, directement ou indirectement, attendu que ledit domaine et patrimoine de notre couronne est réputé sacré et ne peut tomber au commerce des hommes... » (édit du 30 juin 1539, cité par Récy, Traité, T. 1)

* 28 S'il conserve encore une importance dans les recettes de l'Etat, c'est grâce au domaine incorporel. Un arrêt du Conseil du 14 janvier 1781 le reconnaît en ces termes : « Sa Majesté a dû arrêter ses regards sur l'aliénation de ses domaines et elle n'a pu voir sans peine que cet ancien patrimoine de la Couronne était tellement diminué (...) qu'il ne restait maintenant entre ses mains que le plus modique revenu de cette nature de biens... »

* 29 Ce lien nous permet de comprendre le choix qui a été fait pour intituler le Code qui a été adopté à la suite de l'ordonnance du 21 avril 2006 et qui recèle de nombreuses dispositions qui vont dans le sens d'une plus grande valorisation domaniale plus à l'écoute des exigences économiques et financières.

* 30 Léon DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, 1930, p. 349

* 31 P. YOLKA a montré que ces deux régimes sont autonomes : « propriété publique et domanialité publique ne sont pas synonyme mais complémentaires. Leurs relations s'organisent selon un principe d'indépendance relative », op cit.

* 32 CE, 16 juin 1909, Ville de Paris

* 33 Jusqu'à une époque récente, il était exclu que les établissements publics puissent être propriétaires de dépendances du domaine public. Ils pouvaient en être affectataires mais elles faisaient partie de leur domaine privé. Le Conseil d'Etat et le Tribunal des Conflits reconnaissent donc aux seules collectivités territoriales un droit de propriété (cf ; CE, 19/03/1965, Sté Lyonnaise des Eaux). La Cour de cassation, quant à elle, ne faisait aucune difficulté pour admettre la domanialité publique des biens appartenant à un établissement public : Cass . 1re civ., 2/04/1963, Montagne. Le revirement fut la suite d'une longue gestation de la jurisprudence administrative. Suite aux conclusions du commissaire D. LABETOULLE sur l'arrêt CE, 3/03/1978, Lecoq, de faire évoluer la jurisprudence, la Haute Juridiction admet que la domanialité publique peut s'appliquer aux biens des établissements publics (CE, 6/02/1981, Epp. La reconnaissance et la consécration du droit de propriété aux profits des établissements publics sur leurs dépendances interviennent à la suite de l'arrêt Mansuy du 21 mars 1984.

* 34 Conclusions Teissier sur CE, 16/07/1909, Ville de Paris ; conclusions Corneille sur CE, 17/01/1923, Piccioli (RDP 1923, p. 572) ; conclusions Latournerie sur CE, 28/06/1935, Marécar (RDP 1935, p. 590) ; conclusions Guldner sur CE, 20/12/1957, SNEC ( S 1958, p. 58)

* 35 « Réflexions sur l'orientation du droit des propriétés publiques », EDCE 1987, p. 13

* 36 prise en vertu de l'habilitation prévue par l'article 48 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie

* 37 « La réforme du droit des propriétés publiques », LPA 23 juillet 2004, n° 147

* 38 Décision des 25 et 26/06/1986 « Loi autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social » n° 86-207 DC, JO 27/06/1986, p. 7978 ; AJDA 1986, p. 575, note Rivera ; Décision du 18/09/1986 « Loi relative à la liberté de la communication » n° 86-217 DC, AJDA 1987, p. 102, note Wachsmann

* 39 Décision du 21 juillet 1994 relative à la constitution de droits réels sur le domaine public n° 94-346 DC AJDA 1994, p. 786, note G. GONDOUIN ; RFDA 1994, p. 1106, note C. LAVIALLE

* 40 P YOLKA, « La propriété publique. Eléments pour une théorie », Paris, LGDJ 1997, p. 278

* 41 A. de LAUBADERE, Traité de droit administratif, LGDJ 1980 p. 146

* 42 Des textes particuliers peuvent intervenir pour organiser la mise en oeuvre de l'obligation générale d'entretenir le domaine public. Ainsi la loi n°75-602 du 10 juillet 1975 a créé un établissement public administratif de l'Etat, le « Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres », ayant pour mission de mener, dans les cantons côtiers et dans les communes riveraines des lacs et plans d'eau d'une superficie au moins égale à 1000 hectares, une politique foncière de sauvegarde de l'espace littoral, de respect des sites naturels.

* 43 CE, 10/11/1972, Dame Dubois, dame veuve Goursaud et Ville de Limoges, DA 1972, n° 401

* 44 C. TEITGEN-COLLY, « La légalité de l'intérêt financier dans l'activité administrative », Economica, 1981

* 45« Propriété publique et domaine public ne sont pas synonymes, mais complémentaires : le premier explique la partie fixe du régime des biens publics,, le second la plupart des éléments qui varient en fonction de l'activité » P. YOLKA in La propriété publique. Eléments pour une théorie. Paris, LGDJ 1997, p. 609

* 46 P. YOLKA, « Naissance d'un code : la réforme du droit des propriétés publique », JCP A 29 mai 2006, n° 22, p. 688

* 47 Y. GAUDEMET, Préface de la thèse de P. YOLKA, « La propriété publique. Eléments pour une théorie », Paris, LGDJ, 1997, p..XI

* 48 C'est parce que le droit du domaine public était réputé inaccessible à certains investissements de financement privé que les lois du 5 janvier 1988 et du 24 juillet 1994 ont ouvert la possibilité de conclure des baux emphytéotiques administratifs ( pour les collectivités territoriales) et des autorisations d'occupation temporaire ( pour l'Etat) ; c'est encore la même préoccupation de valorisation qui est sous-jacente aux lois du 29 août et 9 septembre 2002 au profit de la sécurité intérieure et de la justice. Enfin, c'est pour faire reculer le régime de la domanialité publique que les lois du 26 juillet 1996 pour France Télécom et du 11 décembre 2001 pour La Poste ont mis en place un régime de domanialité privée avec contrôle préalable au nom de la nécessaire continuité du service public

* 49 J-B AUBY, « La bataille de San Romano », AJDA, 20 novembre 2001, p. 921

* 50 Nous pensons notamment au rapport d'enquête établi par l'Inspection générale des finances sur la gestion immobilière de l'Etat, aux propositions formulées, à la demande du Premier ministre, par Olivier DEBAINS sur l'optimisation des moyens de gérer l'immobilier de l'Etat, aux rapports du Conseil d'Etat sur les redevances domaniales, à la mission d'évaluation des actifs immatériels de l'Etat confiée à M. Lévy, Président de Publicis, dont les conclusions seront rendues publiques à l'automne 2006.

* 51 Cela a été brillamment démontré dans le rapport de l'Institut de la gestion déléguée en 2001 sur « La gestion patrimoniale du domaine public »

* 52 Colloque « La réforme du droit des propriétés publiques », LPA, 23 juillet 2004, p.11

* 53 Colloque CREDES, Nancy II, 2000. Les références relatives à l'analyse économique sont tirées principalement de l'article de J-F CALMETTE, « Réflexions sur la valeur de l'analyse économique du droit : le cas du droit public », R.R.J, 2004

* 54 Voir infra, la mise à jour du TGPE à laquelle il a été procédé dans le cadre du champ plus global de la réforme de l'Etat et de sa gestion immobilière

* 55 « Domaine public et entreprises privées. La domanialité publique mise en péril par le marché », L'Harmattan, collection Logiques juridiques, 2003

* 56 G. JELLINEK, Introduction à la doctrine de l'Etat, Heidelberg, 1903, p. 194

* 57 Voir « La gestion du patrimoine des collectivités territoriales » de M. ESSEVAZ-ROULET, Dossier d'expert, Techni-Cités, 2004

* 58 Compte tenu de la structure et des caractéristiques du patrimoine immobilier des services déconcentrés, les objectifs principaux d'évolution du parc immobilier ne portent pas sur une augmentation des surfaces bâties mais sur l'adaptation fonctionnelle des locaux et sur la remise en état des bâtiments qui se sont dégradés au fil des années. Ces objectifs visent notamment :

- la mise en sécurité des locaux : près de 20 % des bâtiments sont confrontés à des problèmes de conformité aux normes de sécurité réglementaires (électricité, évacuation, ascenseurs,...) dont la moitié de non-conformités graves;

- la remise en état du patrimoine : 20 % des bâtiments nécessitent des interventions importantes sur la structure (gros oeuvre, étanchéité), dont une forte proportion d'interventions qualifiées de lourdes

* 59 Consulter le site www.vie-publique.fr, Rubrique découverte des institutions, ressources et dépenses de l'Etat

* 60 Voir en particulier CE, 5 avril 1962, Ministre des Travaux publics c/ Société des chaix d'Armagnac, AJDA 1962, II, p. 592, conclusion Braibant

* 61 CE, 3 mai 1963, Ministre des Travaux publics c/ Commune de Saint Brévin Les Pins, RDP, 1963, p. 1174, note M. WALINE ; CJEG 1984, p.186, note J. VIROLE ; également CE, 19 janvier 1968, Club aérien « Les Gerfauts », Recueil, p. 50 ; CE, 23 juin 1995, Ministère de la Culture et de la Francophonie, RFDA, janvier 1996, n°3, note C. LAVIALLE

* 62 Voir la liste non exhaustive (du fait de la présence de l'adverbe notamment) des dépenses obligatoires à l'article L. 2321-2 du CGCT pour les communes. Des articles similaires mais moins développées existent pour les départements et les régions.

* 63 Les recettes non fiscales courantes comprennent tous les encaissements non remboursables des administrations ayant une contrepartie - à l'exception de ceux qui proviennent des ventes de biens en capital, toutes les amendes et pénalités à l'exception de celles relatives aux infractions fiscales, et tous les encaissements courants des administrations publiques représentant des versements volontaires, non remboursables et sans contrepartie.

* 64 L'exécution des lois de finances pour 2003, Rapport sur les résultats de la gestion budgétaire, Journal officiel, 2004, p. 23

* 65 Rapport P. LORIDAN, comptes spéciaux du Trésor, loi de finances pour 2003, doc. Sénat

* 66 J-Y CHEROT, « L'avenir des entreprises publiques nationales dans le contexte des réformes sur le gouvernement d'entreprise », DA avril 2006, p. 5 ; Lignes directrices du gouvernement d'entreprise des entreprises publiques publiées par l'OCDE en 2005

* 67 Ce code a été fixé par une ordonnance du 21 avril 2006 sur le fondement de la loi n°2005-842 du 26 juillet 2005.

* 68 L'aménagement spécial avait été posé comme un critère réducteur mais son utilisation a en pratique abouti à un résultat opposé. Dès lors que le juge décelait le moindre aménagement, il a eu tendance à en déduire de façon quasi mécanique l'application du régime de la domanialité publique. En témoigne une jurisprudence abondante, à propos d'abord des dépendances affectées aux services publics (CE, ASS., 19 octobre 1956, Sté Le Béton, Lebon, p. 375, CE, Ass., 11 mai 1959, Dauphin, Lebon, p. 24) mais également des biens affectés à l'usage du public (CE, Ass., 22 avril 1960, Berthier, CE, 14 juin 1972, Eidel, AJDA 1976, p. 495).

* 69 Daniel LABETOULLE, Intervention au Colloque « Domaine public et activités économiques », n° Hors série des CJEG, oct. 1991

* 70 Expression utilisée par le Conseil d'Etat dans son rapport de 1986, Réflexions sur l'orientation du droit des propriétés publiques, EDCE, n°38, 1987

* 71 AJDA 1994, p. 786, note G. GONDOUIN, RFDC 1994, p. 814, note P. BON

* 72 Voir l'article de E. FATÔME, « A propos des bases constitutionnelles du droit du domaine public », AJDA 2003, p. 1192

* 73 Décision 96-380 DC du 23 juillet 1996, Loi relative à l'entreprise nationale France Télécom, commantaire de M. VERPEAUX, LPA, 11 juin 1997, n°70, p. 19

* 74 CE, 21 mars 2003, Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux (SIPPEREC), JCP éd. A 2003, n° 1484, note J. MOREAU, note de J. SOULIE, « Le domaine public : une catégorie juridique protégée ? » , RFDA 2003, p. 905

* 75 Sur cette décision, C. LAVIALLE, Le domaine public : une catégorie juridique menacée ?, RFDA 1999, p. 578.

* 76 Grands arrêts de la jurisprudence administrative, 14ème édition, Dalloz, p. 678

* 77 Le Conseil constitutionnel a ajouté à la confusion dans sa décision du 26 juin 2003 relative aux contrats de partenariat public-privé. L'apparition de la notion « droit commun de la domanialité publique » peut interpeller le lecteur tant les contours de cette notion sont loin d'être d'une netteté absolue

* 78 J.B AUBY, Droit administratif des biens, Dalloz, 4éme édition, 2003, R. CHAPUS, Droit administratif général, Tome 2, Domat Droit public, Montchrestien, 15ème édition, 2001 ; J. DUFAU, Le Domaine public, Le Moniteur, 5éme édition ; Y. GAUDEMET, Droit administratif des biens, Tome 2, LGDJ, 2002 ; Ph. GODFRIN, Droit administratif des biens, Armand colin, 2005 ;  C. LAVIALLE , Droit administratif des biens, PUF, Droit fondamental, 1996 ; J. MORAND-DEVILLER, Cours de droit administratif, Montchrestien, 3ème édition, 2003

* 79 M. MONTEIL, cité par Y. GAUDEMET in Droit administratif des biens, LGDJ, 2002, p. 125, estime au contraire que «  c'est par une erreur historique, qu'on fait remonter à l'ordonnance de Moulins l'inaliénabilité du domaine public »

* 80 Le domaine public : «  une catégorie juridique protégée ? » , RFDA 2003, p. 905

* 81 Cette liberté leur a été reconnue par le Conseil constitutionnel : cons. Const., n° 96-378 DC, 23 juillet 1996

* 82 La lecture des considérants de principes des décisions intervenues en la matière permet d'attester d'une rédaction nuancée : décision du 18 septembre 1986 : « Sans qu'il soit besoin de recherche si le principe d'inaliénabilité du domaine public a valeur constitutionnelle ...Ce principe s'oppose seulement à ce que des biens soient aliénés sans qu'ils aient été au préalable déclassés » ; Décision du 21 juillet 1994 : « Il importe au législateur, lorsqu'il modifie les dispositions relatives au domaine public, de ne pas priver de garanties légales les exigences constitutionnelles qui résultent de l'existence et de la continuité des services publics ». Les neufs Sages se refusent à la promotion constitutionnelle de l'inaliénabilité. Ils confirment son caractère relatif (du fait de la possibilité de déclassement)

* 83 La Bruyère, Les Caractères, Chap. IV, Du coeur.

* 84 Thèse de Teitgen-Colly, p. 416

* 85 La solution a été reprise, dans les mêmes termes par la suite (c.const. 18 sept. 1986 - 21 juillet 1994, A.J.D.A 1994 p. 786, note G. Gondouin - 23 juillet 1996). Elle était déjà sous-jacente dans la doctrine administrative (v. not. CE. Avis 27 avril 1961, Grands avis du CE, p. 87, comm. Y Gaudemet).

* 86 S'agissant des privatisations, la valeur des entreprises cédées doit être appréciée dans des conditions qui en garantissent l'exactitude, et dont le juge administratif peut vérifier le respect (CE, 2 février 1987, Joxe et Bollon, AJDA 1987, p. 350, note BAZEX

* 87 C'est en partie pour cette raison que les juristes de l'Ancien régime ont proclamé l'existence du principe d'inaliénabilité, en réaction à la munificence des souverains.

* 88 C.E. 3 nov. 1997, Commune de Fougerolles, A.J.D.A. 1997, p. 1010, observ. Critiques L. Richer

* 89 C.A.A Nantes, 30 juin 2000, Préfet de la Vendée, A.J.D.A. 2000, p. 951

* 90 Grands avis du Conseil d'Etat, p. 343, commentaire des professeurs FATÔME et TERNEYRE

* 91 Cf. loi du 29 août 2002 d'orientation pour la sécurité intérieure (cons. Const., 22/08/2002 n° 2002-460) et loi du 9 septembre 2002 orientation et de programmation pour la justice ( décision n°2002-461)

* 92 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre la performance publique ? », AJDA 1999, p. 195

* 93 Sur ce point, on doit comprendre avec Maurice HAURIOU « que l'Etat moderne a pris de la maturité, il est passé de l'idéalisme politique au réalisme économique, c'est à dire au régime administratif94 ».

* 95 Rapport de l'Institut de la gestion déléguée consacrée à la valorisation des propriétés publiques, p. 19

* 96 J.J ISRAÊl, Intervention au colloque organisé par la Faculté de droit de Saint-Maur en 1991 sur l'exploitation économique du domaine public, n° Hors série des CJEG, oct. 1991.

* 97 Alors que la doctrine administrativiste a toujours débattu sur la définition du domaine public, il en existe une, juste et précise, depuis 1947 : en réalité, c'est la Commission de réforme du Code civil dans sa séance du 6 novembre 1947 qui a donné la définition de la domanialité publique la plus juste : « appartient au domaine public l'ensemble des biens des collectivités publiques et des établissements publics qui sont soit mis à la disposition directe du public usager, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas, ils soient, par nature ou par des aménagements particuliers, adaptés exclusivement ou essentiellement au but particulier de ces services ».

* 98 Dispositions de l'ordonnance n° 2004-825 du 19 août 2004 relative au statut des immeubles à usage de bureaux des personnes publiques et de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports

* 99 L'expression hypertrophie se trouve déjà en 1925 dans la thèse de Marcel WALINE, « Les mutations domaniales. Etude des rapports des administrations publiques à l'occasion de leurs domaines publics respectifs », Jouve, 1925, p. 29

* 100 QUERRIEN (M), « La nouvelle gestion du domaine public immobilier de l'Etat », RFAP 1995, p. 675

* 101 HUBRECHT (H), « Faut-il définir le domaine public et comment ? », AJDA, 2005, p. 598

* 102 CE, 11 mai 1959, Dauphin, Lebon p. 314 ; CE, 13 juillet 1961, Ville de Toulouse, AJDA 1961, p. 467 ; CE, 22 avril 1977, Michaud, Lebon p. 185

* 103 GAUDEMET (Y), Droit administratif des biens, LGDJ, 12e édition, 2002, p. 84

* 104 La notion était devenue si floue et contingente que son contenu était difficile à appréhender. Le laconisme de la jurisprudence est sur ce point révélateur. L'aménagement spécial est souvent considéré comme étant réalisé de façon abrupte (CE, 23 octobre 1968, Consorts Brun ; CE, 17 mars 1967, Ranchon). Dans le célèbre arrêt « Dauphin » du 11 mai 1959, le commissaire du gouvernement avait déclaré que l'importance matérielle des aménagements « importe peu ». L'insaisissabilité de la notion est encore plus marquée lorsque ne sont retenues que les opérations d'entretien (CE, 30 mai 1978, Dame Gozzoli). Sans doute peut-on insister sur le rôle secondaire joué par la notion d'aménagement spécial, qui s'effacerait devant le rôle capital tenu par l'affectation, et estimer que « lorsqu'un immeuble est le siège d'un service public, cette affectation présume l'aménagement spécial, présume la domanialité publique » (concl. D. LABETOULLE sur CE, 3 mars 1978, Lecoq)

* 105 FATÔME (E), « La consistance du domaine public immobilier : évolution et questions? » , AJDA, 2006, p. 1087

* 106 Nous reprenons les trois points étudiés par le professeur YOLKA dans son article, « Naissance d'un Code : la réforme du droit des propriétés publiques », JCP A, n°22, mai 2006, p. 687

* 107 Sur ce point C. CHAMARD a pu parler de « controverse discrète au sein de la doctrine publiciste ». Controverse puisque certains auteurs sont partisans de l'aliénabilité entre personnes publiques quand d'autres s'y opposent. Discrète puisque, finalement la plupart des auteurs ne se prononcent pas directement sur la question.

* 108 Dans une étude réalisée par la Section du rapport et des études du Conseil d'Etat en 1989, il est possible de lire : « Telle qu'elle est rappelée par l'article 52 du Code du domaine de l'Etat, l'inaliénabilité doit être comprise comme s'opposant au transfert d'un bien d'une personne publique à une personne privée, mais non à la circulation des biens entre personnes publiques » (Conseil d'Etat, Les établissements publics : transformation et suppression, EDCE 1989) En 1992, dans un avis rendu par la Section des travaux publics, il affirme sans ambages que « le principe d'inaliénabilité fait obstacle à ce que des dépendances domaniales fassent l'objet d'une procédure d'expropriation qui conduirait à opérer un transfert de propriété d'une collectivité publique à une autre collectivité publique ». Ces deux positions pouvaient laisser transparaître un désaccord interne.

* 109 Grâce la bienveillance du Conseil constitutionnel, le législateur pouvait déclasser sans désaffectation. Selon DUROY, Le Conseil constitutionnel se place « dans une logique domaniale originale par rapport au juge administratif puisqu'il dissocie déclassement et désaffectation ». Cette affirmation avancée en 1997 est toujours vraie depuis la décision du 14 avril 2005 à propos des aéroports. (décision n° 2005-513 DC)

* 110 J.-F. DENOYER, « L'exploitation du domaine public », L.G.D.J, 1969; J. -P BROUANT, « Le régime domanial à l'épreuve de la valorisation économique », Thèse Paris I, 1995, Actes du colloque « domaine public et activités économiques », C.J.E.G, n° Hors série, oct. 1991

* 111 Thèse MOYSAN, « Le droit de propriété des personnes publiques », LGDJ, 2001

* 112 LATOURNERIE ( M.-A), «  Les critères de la domanialité publique », CJEG 1991, n° HS, p. 20

* 113 « Domaine public et activités économiques », Actes du Colloque de Saint-Maur, CJEG 1991, n° HS, p. 128

* 114 B. du MARAIS, Droit public de la régulation économique, p. 12

* 115 Art. 13 de la loi du 5 janvier 1988 sur le BEA qui autorise la constitution de droits réels sur le domaine public des collectivités territoriales, le pendant de cette dernière mais appliquée à l'Etat est la loi du 26 juillet 1994. Ont été exclus du champ d'application de la domanialité publique les biens affectés à des services publics déterminés : les biens de France Télécom par la loi du 26 juillet 1996, ceux de la Poste par la loi du 11 décembre 2001, ainsi que certains biens dans le cadre des nouveaux «  contrats de PPP ». Ces interventions ont par la suite été avalisées par le Conseil d'Etat (CE, avis, 31 janvier 1995 ; CE, 3 octobre 1998 qui décide que les biens d'EDF n'appartiennent pas au domaine public ; CE, 11 juin 2004, Commune de Mantes La Jolie et CE, avis, 10 juin 2004, qui exclut respectivement du domaine public les ateliers relais et l'immeuble abritant le siège de l'Agence France Presse

* 116 circulaire n°96-138 du 14 juin 1996 relative à la réforme de la procédure d'agrément de locaux d'activités économiques

* 117 CE, 11 février 1994, Cie d'assurances La préservatrice foncière, AJDA 1994, p. 548, note J. DUFAU

* 118 CHAPUS (R) , Droit administratif général, Montchrestien, tome 2, 15e édition, 2001, p. 538

* 119 BRISSON (J-.F), « L'incidence de la loi du 20 avril 2005 sur le régime des infrastructures aéroportuaires », AJDA 3 octobre 2005 p. 1835

* 120 Toutefois, deux catégories de biens sont exclues du déclassement. Tout d'abord, ceux « qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leur mission de service public concourrant à l'activité aéroportuaire » (article 2). Par ailleurs, ceux qui sont nécessaires à l'exercice des contrôles policiers et douaniers.

* 121 L'atteinte à la libre disposition de biens privés a été validée par le Conseil constitutionnel qui confirme sa jurisprudence (voir dans le même sens, L. n° 96-660, 26 juillet 1996, relative à France Télécom). L'insaisissabilité, fondement de la continuité du service public, avait déjà été posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 juillet 1994 ( n° 94-346 DC, Droits réels ; voir également, cons. Const., 26 juin 2003, n° 2003-473 DC, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit)

* 122 RAPP (L), « Vérité en deçà de la Manche, erreur au-delà », AJDA 2005, p. 1201 : « Quel partenaire financier aura ne serait-ce que l'envie d'investir dans l'aménagement d'une plate-forme aéroportuaire, lorsqu'il prendra connaissance de telles dispositions ? Aux lenteurs imputables au fonctionnement des administrations, aux aléas liés à toute procédure d'autorisation préalable, aux risques inhérents à tout contentieux s'ajoutera la morgue des décideurs en dernier ressort, qui ne manqueront pas de rappeler à l'impatient les termes de l'article L. 251-3 : l'Etat s'oppose ! »

* 123 Ce régime d'indisponibilité partielle des biens affectés en dépit de leur appropriation privée a tendance à s'inscrire dans un mouvement plus global de privatisation du statut des biens affectés à l'exécution d'une mission de service public. Ainsi tant les réformes de France Télécom (loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 et cons. Const., 23 juillet 1996, n° 96-380 DC, AJDA 1996, p. 696, note O. SCHRAMECK) que la Poste (loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001) ont accompagné les déclassements des biens par le maintien d'obligations spécifiques en reconnaissant à l'Etat le pouvoir de s'opposer à leur aliénation.

* 124 GARIDOU ( B), « Recherche sur la théorie de la propriété publique en droit administratif français », Thèse Toulouse 1, 2003, préface J.-A MAZERES, p. 31

* 125 Y GAUDEMET, - « La gratuité du domaine public » in Mélanges en l'honneur de P.-M. Gaudemet, Economica, 1984, p. 1023

* 126 Dans la première partie de ce mémoire consacrée à la valeur économique des dépendances domaniales, nous avons été amenés à évoquer le montant des recettes domaniales de l'Etat. Celles-ci ont atteint 1.3 milliards d'euros pour 2005 alors que les recettes de l'Etat étaient évaluées à 243 milliards d'euros Un auteur dans les années cinquante affirmait même « qu'il suffit d'ouvrir un traité de législation fiscale pour y trouver l'affirmation sans nuance du déclin de l'importance du Domaine comme source de revenus. C'est peut-être ce déclin relatif qui explique que l'Etat a toujours négligé d'organiser le contrôle systématique de la gestion de son domaine » (P. G, Le domaine de l'Etat, Revue du Trésor, n°6, juin 1951, p. 258)

* 127 C. LAVIALLE distingue trois exceptions à la gratuité : les péages, le stationnement payant et les taxes liées à l'usage anormal des voies publiques.

* 128 Le Conseil d'Etat a reconnu le fondement d'un régime payant de stationnement en se fondant sur l'article 131.5 du Code des communes repris par le CGCT, donnant pouvoir au maire le pouvoir de délivrer des permis de stationnement. Même si le recours à cet article est discutable, puisqu'il n'y a pas vraiment de délivrance d'acte administratif, personne ne conteste aujourd'hui que le paiement du stationnement est logique et contribue à réglementer la rareté des places.

* 129 Circulaire du 13 septembre 1966. III. B

* 130 CAA Marseille, 6 décembre 2004, Commune de Nice, Contrats et marchés publics, juin 2005, p. 35 note G. ECKERT ; AJDA, 18 avril 2005, p. 832 note S. DELIANCOURT

* 131 Article L. 2213-6 du CGCT

* 132 Dans le premier cas on peut penser à un poste de secours sur une plage. Dans la seconde hypothèse, il peut s'agir d'une canalisation d'égout sous la chaussée des voies de communication.

* 133 CE, 11 février 1998, Ville de Paris c/ Assoc. Pour la défense des droits des artistes peintres sur la place du Tertre, AJDA 1998, p. 523, concl. G. BACHELIER ; RFDA 1998, p. 458

* 134 Rapport de la Cour des comptes de 1976, JO 1976 pp 866-867. Souligné par G. MELLERAY in « Domaine public et fiscalité », AJDA, 20juin 1980, p. 323

* 135 TEITGEN-COLLY (C), « La légalité de l'intérêt financier dans l'action administrative », Paris, Economica, 1981, p. 428

* 136 Dispositions largement inspirées de l'étude du Conseil d'Etat parue en 2002 et de la thèse de J-.F Calmette, La rareté en droit public, L'Harmattan, 2003

* 137 C. MAMONTOFF dans sa thèse, » la domanialité publique mise en péril par le marché », L'Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2003, p. 185 précise que les éléments comme les marquises, les stores et parasols, les emplacements pour arbustes et pots de fleurs sont soumis à des tarifs établis avec beaucoup de minutie. De plus, elle précise que les communes établissent des documents prenant en compte tout type d'occupation : commerces sédentaires, manèges permanents et occasionnels, stationnement des autobus, occupations des foires, terrasses et cafés...

* 138 CE, 2 mai 1969, Société d'affichage Giraudy, AJDA 1970, note A. de Laubadère

* 139 CE, 12 décembre 1923, Peysson, Lebon, p. 826

* 140 CE, 3 février 1933, Syndicat des patrons et marins pêcheurs du Tréport, Lebon, p. 153

* 141 CE, 7 mai 1980, Les Marines de Cogolin, D. 1980, I.R p. 562

* 142 CE, 10 février 1978, Ministre de l'Economie et des finances C/ Scudier, REC., p. 66

* 143 CE, 11 octobre 2004, Prouvoyeur, BJCL n° 1/05, p. 29, concl. L. Olléon

* 144 CE, 8 janvier 1960, Lafon, Rec., p. 15 ; CE, 23 juin 1986, Thomas, RFDA 1987, p. 194. Dans cette dernière espèce, il semble que des pouvoirs économiques supplémentaires soient conférés à l'administration puisque le juge fait état d'un droit de résiliation en vue de provoquer la négociation. On peut comprendre que l'administration peut résilier l'acte puis discuter ensuite de l'augmentation de la redevance. Cela donne aux personnes publiques des pouvoirs très importants dans le cadre de la recherche de profits

* 145 J-.F Calmette, La rareté en droit public, Thèse Toulouse I, 2002, p. 277

* 146 Le prix de chaque licence a été fixé à 4.95 milliards d'euros. Une somme exorbitante pour une redevance domaniale. Les pouvoirs publics français ont très certainement été fascinés par les montants atteints par les enchères organisées en Angleterre puis en Allemagne.

* 147 Cons. Const., 28 décembre 2000, n° 2000-442 DC, Loi de finances pour 2001, JO 31 décembre 2000, p. 21119. Il ressort de cette décision que les redevances dues pour l'utilisation des fréquences hertziennes ne sauraient avoir ni une nature fiscale ni avoir le caractère d'une redevance pour service rendu. On retrouve ici la polysémie de la notion de redevance et le débat qu'elle a engendré. La redevance pour service rendu se distingue de la redevance pour occupation du domaine public. La redevance pour service rendu voit son produit affecté à un service public déterminé et atteste d'une proportionnalité entre le service rendu et le montant de la redevance

* 148 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre la performance publique », AJDA 1999, p. 195

* 149 CE, 19 décembre 1930, R. MONTAGNE, p. 1087

* 150 CE, 13 mai 1964, Dame veuve Haupais, RDP 1964, p. 852 ; CE, 6 janvier 1967, Epoux Berthot, AJDA, 1967, II, p. 417 ; CE, 14 octobre 1991, Hélie, R, p. 927. Références citées par M. Calmette dans La rareté en droit public, p. 258

* 151 Droit administratif des biens, Armand colin, 2005

* 152 CJCE, 14 juillet 1971, Port de Mertet, aff. 10/71, Rec. P. 723 ; CJCE, 18 juin 1998, Corsica Ferries France

* 153 Cass. 1ère civ. 26 janvier 1970, Dame P., Bull. cass, n° 62

* 154 J. MORAND-DEVILLER, « La valorisation économique du patrimoine public », in Mélanges en l'honneur de Roland Drago, Economica, 1996

* 155 Article 13 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988. C. LAVIALLE, « L'article 13 de la loi du 5 janvier 1988 et l'évolution de la domanialité publique », CJEG 1988, p. 166

* 156 Loi n° 94-631 du 25 juillet 1994

* 157 Aux termes de l'article L. 34-1 du code du domaine de l'Etat, le titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public artificiel bénéficie d'un droit réel et pourra pendant la durée de validité de son titre (qui ne peut excéder 70 ans) exercer les prérogatives d'un propriétaire sous certaines conditions.

* 158 Un exemple de cette précarité réside dans le refus du juge administratif d'admettre l'existence d'un fonds de commerce sur le domaine public. Les dispositions du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 sont claires. Ce texte écarte la conclusion d'un bail commercial sur le domaine public et les deux ordres juridictionnels confirment ce principe.

* 159 Ces conventions dites « aller-retour » permettait par l'intermédiaire du loyer versé d'écarter l'interdiction du paiement différé prescrite par le Code des marchés publics.

* 160 Il n'en demeure pas moins que ces contrats de partenariat ne sauraient priver de garanties légales les exigences constitutionnelles de la protection des propriétés publiques. En outre, les droits réels sont nécessairement temporaires. Ils cessent à l'expiration du contrat.

* 161 Le Conseil d'Etat avait déjà admis le recours à la location avec option d'achat (CE, avis, 31 janvier 1995, Les grands avis du Conseil d'Etat, Dalloz, 2e édition, p. 344, commentaire E. FATÔME et P TERNEYRE). En outre, de manière sectorielle, la LOA et le crédit bail avait été autorisés dans le cadre de la LOPSI. Toutefois, si le recours à ces techniques de financement ne se heurte à aucun impératif constitutionnel, sa généralisation doit être encadrée (cons. Const., 26 juin 2003, n° 2003-473 DC, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, AJDA 2003, p. 1391 et 1404

* 162 En outre, « l'administrativité résiduelle qui s'attache aux nouveaux droits réels consentis à l'occupant privatif conduit à parler d'évolution plutôt que de révolution » (P. YOLKA, La propriété publique, éléments pour une théorie, LGDJ 1997, p. 383). Selon le professeur CHAPUS, « Le droit public est à l'arrière-garde des opérations » (R. CHAPUS, Droit administratif général, Tome 2, Domat Droit public, Montchrestien, 15ème édition, 2001). Dans le cadre d'un bail emphytéotique administratif, la cession du droit réel nécessite l'accord préalable de la collectivité bailleresse. La constitution d'hypothèques est ensuite subordonnée à l'accord du maître du domaine, sachant qu'elle ne doit servir qu'à garantir des emprunts contractés pour financer des ouvrages situés sur la dépendance prise à bail. Selon Y. GAUDEMET, cette omniprésence du propriétaire public fait que le BEA n'est pas tant un outil d'exploitation des patrimoines administratifs que d'une technique de financement des équipements publics locaux163. Des contraintes similaires se retrouvent dans le dispositif de la loi du 25 juillet 1994. Là encore, les éventuelles hypothèques et cessions doivent recevoir l'agrément du maître du domaine

* 164 Interdisant la transposition intégrale des techniques venues du droit privé, l'affectation du bien au service public influence le régime des biens domaniaux (P. CUCHE, Domanialité publique, service public et partenariats public-privé, DA octobre 2003, p. 5)

* 165 J-. F BRISSON, « Les aspects domaniaux des contrats de partenariat », AJDA 2005, p. 591

* 166 F. MELLERAY, « L'échelle de la domanialité », in Mélanges F. MODERNE, Dalloz, 2004

* 167 R. GUILLIEN, « Droit public et droit privé », in Mélanges offerts à J. Brethe de la Gressaye, éd. Bière, 1967

* 168 MORAND-DEVILLER (J), « La valorisation économique du patrimoine public », in Mélanges en l'honneur de Roland Drago, Economica, 1996

* 169 LAVIGNE (P), Préface à la thèse de C. TEITGEN-COLLY, « La légalité de l'intérêt financier dans l'action administrative », Economica, 1984, p. VII : »Plus la pratique de la gestion se teintera de techniques managériales, plus les autorités publiques seront soucieuses du respect de la légalité. Mais plus les techniques managériales seront pratiquées par des gestionnaires publics plus les juristes seront sollicités. La nouvelle « Science de la gestion administrative publique » favorisera-t-elle l'apparition de nouveaux juristes ? » On peut répondre sans conteste par l'affirmative comme le démontre la création du Master 2 Droit public des affaires

* 170 AUBY ( J.-F), Management public, Paris, Sirey, 1996, p.9

* 171 HUSSENOT (P), La gestion publique par objectifs, Paris, Ed. d'Organisation, 1983, p. 24

* 172 Un tel constat ne fait pas débat. Ainsi, J. CAILLOSSE remarque -t-il que « le discours de la réforme, par delà la modernisation du service public, vise l'Etat » in La modernisation de l'Etat, AJDA, 20/11/1991, p. 755

* 173 CHEVALLIER ( J) et LOSCHAK ( D), « Rationalité juridique et rationalité managériale dans l'administration française » RFAP, n°24, oct-déc. 1982, pp. 53-94

* 174 CAILLOSSE (J.), « La réforme administrative et la question du droit », AJDA, 20/01/1989, p. 3 ; puis « Le droit administratif contre la performance publique ? », AJDA, 20/03/1999, p. 195

* 175 Nous pouvons d'ores et déjà objecter que l'évaluation des actifs publics a bénéficié d'un contexte juridique favorable. La LOLF de par son ampleur, renouvelle la problématique de l'évaluation en science administrative et même l'enrichit puisqu'elle systématise l'évaluation à l'ensemble des services de l'Etat

* 176 YOLKA (P), « La propriété publique, éléments pour une théorie », LGDJ 1997, p. 209

* 177 Cela recouvre les possessions immobilières et mobilières

* 178 L'Etat est le plus gros propriétaire foncier. Toutefois le parc immobilier des collectivités territoriales, pour être mal connu, n'en est pas moins considérable. Il n'existe pour l'heure aucun outil de recensement patrimonial. L'évaluation des biens locaux s'avère donc délicate même si depuis 1997, les collectivités territoriales disposent d'une comptabilité patrimoniale (instruction M14).

* 179 P.C et G.M, « Le tableau général des propriétés de l'Etat et l'informatique », RA, 1974, p. 365

* 180 Rapport du groupe de travail sur l'Efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire présidé par M. FABIUS, p. 133

* 181 Rapport de la Commission des finances du Sénat, Lambert MARINI, n° 485, septembre 2000

* 182 PICHET (E), « Le patrimoine de l'Etat : une évaluation au 1er janvier 2004 », Revue Politiques et Management public, Volume 23, n° 2, juin 2005

* 183 Deux éléments ont favorisé les cessions : d'une part, le déclassement des bureaux de l'Etat en 2004. Jusque là, les bureaux de l'Etat, en tant qu'éléments du domaine public, ne pouvaient être vendus sans avoir été au préalable libérés et déclassés, ce qui faisait obstacle à leur commercialisation d'autre part, la création de la mission interministérielles de valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat, chargée de piloter les cessions et professionnaliser la gestion des immeubles de l'Etat

* 184 France Domaine a ainsi vendu l'immeuble de la rue du bac pour 165 millions d'euros grâce à un appel à la concurrence le plus large possible.

* 185 Les choses se présentent différemment sur trois points : Diffusion du mouvement de modernisation : les recettes de 2005 étaient fortement concentrées sur quelques grosses cessions alors que le produit attendu pour 2006 est bien plus réparti sur tout le territoire ; mise en cohérence de la valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat et de la politique du logement ; effort portant sur les biens de Réseau Ferré de France.

* 186 YOLKA (P), «  Un Etat sans domaine ? » , AJDA 2003, p. 1017

* 187 MORAND-DEVILLER (J), « La valorisation économique du patrimoine public », in Mélanges en l'honneur de Roland Drago, Economica, 1996

* 182 Thomson a annoncé 448 M € de redevances de licences pour l'année 2005.
Aux Etats-Unis, RIM a accepté le 3 mars 2006 de verser 612,5 millions de dollars à NTP, petite société détentrice de brevets, pour mettre un terme à des poursuites judiciaires qui auraient pu conduire à une interruption du service du Black Berry (ordinateur-téléphone portable capable d'accéder à l'Internet).

L'action Sanofi-Aventis s'est appréciée en une séance boursière, le 22 mars 2006, de 8,4 % (soit une augmentation de 8,5 milliards € de la capitalisation boursière) à l'annonce d'un accord avec l'entreprise canadienne Apotex, qui s'engage à ne pas commercialiser de générique de l'anticoagulant Plavix

Le CEA vient de faire valoir auprès de plusieurs groupes asiatiques un brevet entré dans sa vingtième année qui porte sur une technologie mise en oeuvre dans les écrans à cristaux liquides (LCD) : l'enjeu est considérable et avoisine cent millions d'euros.

* 188 Il s'agit entre autre de brevets, licences. Cette importance des actifs immatériels concerne tout autant les sociétés non cotées, PME incluses

* 189 Sur ce point le droit comparé est très intéressant. L'Italie a redynamisé sa gestion immobilière en rénovant profondément l'Agenzia del Domanio, avec une politique active de cessions en bloc, en utilisant la technique de la location vente (3 milliards d'euros de cession annoncés le 31 décembre 2004) Le gouvernement allemand s'est fixé comme objectif de réduire la bureaucratie et le déficit de l'Etat. A cet effet, il mène une politique de privatisations, qui concerne également le secteur immobilier. Suivant ainsi l'exemple de l'économie privée, ainsi que d'une partie des länder et des communes qui ont déjà modernisé et centralisé la gestion de leurs biens immobiliers, le gouvernement a procédé à une réorganisation complète des structures de gestion de leurs biens immobiliers avec notamment la création d'une agence fédérale (BIMA) opérationnelle depuis le 1er janvier 2005, en application de la loi du 9 décembre 2004 qui l'a instituée. L'agence fédérale pour la gestion des biens immobiliers (Bundesantalt für Immobilienaufgaben, BIMA), centralise la gestion des biens immobiliers de l'Etat fédéral, dans le but de rendre la politique immobilière plus efficace et moins coûteuse. Ses tâches principales concernent l'administration et la cession des biens immobiliers de l'Etat, dont le nombre total s'élève à 37.000 immeubles dont 70.000 appartements, ayant une valeur totale de 10 milliards d'euros. Les auteurs de la réforme soulignent que le BIMA aura pour tâche de gérer sur la base des principes commerciaux - en particulier celui des rapports entre bailleur et locataire (Vermieter-Mieter Modell) - l'ensemble du patrimoine immobilier et forestier. La Suède expérimente un système où coexistent au niveau interministériel plusieurs agences de pilotage par type de bien : défense, châteaux et monuments historiques, enseignement, établissements pénitenciers, autres actifs non spécifiques. En Belgique, la Régie des bâtiments était, il y a quelques années encore, propriétaire des immeubles de l'État, mais se contentait d'une action purement conservatrice. Un ministre a récemment redynamisé cette administration, qui a alors réalisé un important programme de cessions et est maintenant engagé dans de nombreuses opérations de partenariats public/privé. Il n'existe pas au Royaume-Uni, d'agence interministérielle chargée de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat. Il revient à chaque ministère (Department) de s'acquitter de cette tâche. Au final, le patrimoine des ministères fait seulement l'objet d'une présentation centralisée, dans le cadre d'un document unique, et encore ne s'agit-il que d'une simple indication des m2 et de la valeur des bâtiments.

(Source/ Service des Affaires européennes de l'Assemblée nationale)

* 190 On peut citer entre autres : Alstom, ADP, Air France-KLM, Autoroutes du Sud de la France (ASF), Électricité de France (EDF), France Télécom, France Télévision, La Française des jeux, La Poste, Renault SA, Société du tunnel du Mont-blanc, Société nationale des chemins de fer français (SNCF), Thomson SA ; Voir la totalité de la liste à l'annexe III du rapport effectué par la Commission des Finances du Sénat pour Projet de loi de finances pour 2006 : Participations financières de l'État (mission indépendante)

* 191 De telles entreprises disposent aussi généralement d'un fort potentiel d'exportation qui ne se limite pas aux cas particuliers d'EADS et des entreprises d'armement mais qui concerne aussi les entreprises concessionnaires de service public. La France dispose en effet d'un véritable savoir-faire internationalement reconnu en matière de délégation des services d'intérêt général. Ceci vaut d'ailleurs aussi bien pour des entreprises publiques (transports urbains, énergie, gestion d'aéroports), que privées (eau, services urbains).

* 192 Le rapport Arthuis-Belot-Marini (1994) a exposé ces difficultés : "alors que les moyens mis en oeuvre pour exercer le contrôle au nom de l'Etat sont multiples, ils demeurent parcellaires... Dépourvu de coordination, le système n'apporte pas à l'Etat le niveau de sécurité correspondant à sa puissance et aux enjeux".

* 193 Elles traduisent une conception particulière de l'entreprise selon laquelle les détenteurs de celle-ci, c'est-à-dire les actionnaires (share holders), en confient la gestion aux dirigeants auxquels les unit une relation d'agence. Afin que les actionnaires puissent se protéger contre les aléas propres à ce type de relation, il importe que soient mises en place des règles visant à encadrer les droits et obligations des dirigeants.

* 194 En France, le rapport Viénot de juillet 1995 a contribué au développement des théories du gouvernement d'entreprise. Ses recommandations étaient les suivantes :

- Information des actionnaires quant aux dispositions prises par le Conseil

- Examen périodique par le Conseil de sa composition, de son organisation et de son fonctionnement

- Présence dans chaque conseil d'au moins deux administrateurs indépendants

- Création de comités spécialisés (comité des comptes, comité des rémunérations...)

- Formalisation des droits et obligations des administrateurs sous la forme d'un règlement intérieur

Par la suite, la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques (15 mai 2001) a repris certaines de ses propositions en même temps qu'elle a mis en place des mécanismes destinés à améliorer la transparence et le fonctionnement des sociétés. L'influence des théories du gouvernement d'entreprise a été réelle en France.

* 195 L'Agence à tout d'abord mis en oeuvre à une large échelle un programme de formation de ses représentants afin que tous disposent d'un référentiel juridique, financier et comptable commun pour exercer efficacement leurs responsabilités et s'impliquer dans l'objectif d'une meilleure gouvernance des entreprises dont ils assurent le suivi.

S'agissant plus spécifiquement des entreprises publiques, l'agence a élaboré et mis en oeuvre une charte qui décline, pour chacune d'entre elles, des obligations en matière de bon fonctionnement des organes sociaux, les relations de l'entreprise avec l'agence ainsi que les procédures applicables aux situations exceptionnelles.

Cette charte met en application plusieurs recommandations de la commission d'enquête constituée à l'Assemblée nationale afin de tirer les enseignements des défaillances de l'Etat actionnaire constatées dans certaines affaires retentissantes de ces dernières années (retracées dans le rapport de la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques afin d'améliorer le système de prise de décision déposé le 3 juillet 2003 par M. Philippe Douste-Blazy, président )

* 196 CHEVALLIER (J), « Les fondements idéologiques du droit administratif français », in Variations autour de l'idéologie de l'intérêt général, vol. 2, PUF, CURAPP, 1979, pp. 3à 57, p. 49

* 197 A. TAILLEFAIT, L'évolution du droit de la gestion des biens des collectivités locales, Thèse Paris II, 1996, p. 253

* 198 Cette définition peut paraître quelque peu elliptique mais les dictionnaires couramment utilisés ne sont guères plus loquaces. On lit en effet, dans le Petit Robert (édition 2000) que le mot « externaliser » est un verbe apparu dans la langue française en 1989 sur le modèle de l'anglais « to externalize ». Il nous fournit la définition suivante du mot externaliser : « confier à une entreprise extérieure (une tâche, une activité secondaire) ». Le Larousse illustré 2000 et le dictionnaire Hachette encyclopédique 2001 ne sont guère plus explicites : pour le premier, externaliser répond à la définition suivante : « pour une entreprise, confier une partie de sa production ou de ses activités (comptable, gardiennage, etc.) à des partenaires extérieurs ». Pour le second, il s'agit de « transférer à l'extérieur certaines activités de l'entreprise ». Inutile d'espérer le moindre éclaircissement du côté du dictionnaire informatique du logiciel Microsoft Word 2000, qui considère que les mots « externaliser » et « externalisation » sont étrangers à la langue française et qui les souligne de rouge à chaque utilisation. Notons encore que ni le dictionnaire Flammarion de la langue française (édition 1999), ni le dictionnaire de l'Académie française ne contiennent les mots « externaliser » ou « externalisation ».

* 199 TRICOT (H), « Que restera-t-il à gérer aux communes », Maires de France, supplément septembre 2002 ; LIGNERES (P) et BABIN (L), « L'externalisation : au coeur des préoccupations de l'Etat », DA, mai 2002, p. 37 ; DREYFUS (J-D), « L'externalisation, éléments de droit public », AJDA 18 novembre 2002, p. 1213

* 200 Ainsi, les administrations doivent désormais présenter chaque année, avant le 30 juin, une liste d'activités n'appartenant pas à la sphère « non délégable » et donc susceptibles d'être externalisées. Dès mars 2001, l'administration centrale a demandé aux ministères de mettre en concurrence les secteurs public et privé ou d'externaliser directement au moins 5 % des fonctions identifiées avant octobre 2002.

* 201 Dans son Livre Blanc sur la réforme administrative (1er mars 2000), la Commission européenne a exprimé sa vision d'une administration recentrée sur ses activités prioritaires

* 202 L'externalisation a déjà été expérimentée avec succès par de grandes entreprises publiques. Il convient également de citer le projet Torpedo (externalisation du parc de véhicules de La Poste)

* 203 Sur ce thème voir notamment DUMEZ (H) et JEUNE MAITRE (A), « Les partenariats public/privé nouveaux venus du management public », Revue Politiques et management public, Volume 21, n° 4, décembre 2003. Selon les auteurs les contrats de partenariats sont une nouvelle mode qui touche le management public. Ces contrats peuvent s'analyser comme une nouvelle forme « d'hybridation ». Les PPP seraient censés combiner les points forts de la puissance publique qui régule, du secteur public fort de ses valeurs de dévouement et du secteur privé caractérisé par sa capacité d'innovation et d'efficience gestionnaire. Toutefois, les auteurs ont démontré que la réalité était plus nuancée au regard des projets britanniques Airwave et de contrôle aérien.

* 204 Lois LOPSI et LOPJI de 2002 codifiées sur ce point aux articles L. 2122-15 et16 ; loi de programmation militaire du 27 janvier 2003, puis ordonnance sur les contrats de partenariat visée à l'article L. 2122-16

* 205 C. MAUGÜE et G. BACHELIER, « Le Code général de la propriété : le droit des biens enfin modernisé », Les cahiers de la fonction publique, mai 2006, n° 256

* 206 Le droit applicable à l'Etat rejoindrait alors ce qui est reconnu explicitement en faveur des collectivités territoriales qui peuvent recourir au crédit-bail dans le cadre de BEA et d'autorisations constitutives de droits réels inspirées du mécanisme appliqué à l'Etat et introduit à l'article L. 1311-5 IV du CGCT par l'article 3 VII de l'ordonnance

* 207 S. NICINSKI, « Lease américain, équipements publics et droit administratif », AJDA 2001, p.538 « L'enjeu serait d'admettre comme objet d'un lease, des équipements immobiliers, alors que jusqu'à présent la technique n'est employée que pour des équipements qui n'en font pas partie208 »

* 209 Pour cela, il faudra s'assurer que les SPSI permettent de constituer un audit de la situation immobilière de chaque ministère, audit aboutissant à la définition d'un plan stratégique. Ils devront indiquer les coûts des implantations ou des ratios tels que le coût par agent et par mètre carré. En particulier, il faudra établir dans chaque ministère des prescriptions générales relatives à la distinction entre le ou les immeubles de prestige, qui doivent rester implantés dans le centre de Paris (ministre, cabinet, directions stratégiques du ministère), et les autres immeubles, qui peuvent être délocalisés en région parisienne, voire en province (directions opérationnelles).

* 210 Voeux du Président de la République aux fonctionnaires à Metz le 6 janvier 2006

* 211 Dans la loi de finances pour 2006, les loyers budgétaires ont été calculés en multipliant la valeur inscrite au TGPE par le taux de 5,12 %. Ce taux correspond au taux moyen de remboursement de la dette de l'État. Il est inférieur au taux de rendement moyen du marché. Les professionnels de l'immobilier, consultés sur ce sujet, estiment qu'un immeuble moyen dans un quartier moyen de Paris est loué à environ 6,50 % de sa valeur vénale. La différence d'environ un point correspond à peu près aux frais d'entretien (travaux et grosses réparations). La conséquence d'une telle différence est que les ministères ne seront pas suffisamment incités à effectuer les arbitrages nécessaires. La mission confiée à l'Inspection générale des finances et au Conseil général des ponts et chaussées a également pour objet de se prononcer sur la valeur de ce taux et de cette base.

* 212 Le bilan du régime de « quasi-propriété » était pour le moins mitigé : celui-ci ne s'était pas traduit par une politique plus dynamique en matière d'arbitrage et en particulier de cessions d'immeubles publics. Il n'avait pas non plus entraîné d'amélioration significative de valorisation du parc immobilier public. La fonction de propriétaire a été souvent mal remplie par des ministères qui avaient toujours des besoins plus urgents à satisfaire que de se préoccuper de la maintenance des immeubles. Pour encourager les ministères à proposer des cessions d'immeubles dont ils sont affectataires, tout en concourant à la réduction du déficit, le gouvernement a modifié le dispositif d'intéressement antérieurement fixé par la circulaire du 21 février 1992 relative à la réforme de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat) (dite circulaire « Cresson »).Toutes les cessions de plus de 2 millions d'euros donneront lieu à une validation centralisée préalable des projets de « relogement » des services concernés. Seules les opérations dégageant un résultat net positif d'au moins 15 % des produits de cession seront désormais retenues, toutes dépenses et toutes recettes ou économies confondues.Les ministères bénéficieront de 85 % du produit de cession pour les opérations de relogement de leurs services. Si leurs dépenses réelles s'avèrent inférieures à ce montant, la différence pourra être utilisée pour d'autres dépenses (hors titre 2).Les cessions d'immeubles inutilisés et de terrains donneront lieu à un intéressement des ministères à hauteur de 50 %.Ainsi, sur 400 millions d'euros de cessions immobilières attendus en 2006, 60 millions d'euros devraient être reversés au budget général.

* 213 BOE (F), Gestion territoriale, Juris-classeur Collectivités territoriales, fasc. 2010

* 214 Loi organique du 1er août 2001 n° 2001-692, JORF, 2 août 2001, p. 12480

* 215 La comptabilité budgétaire retrace l'exécution des dépenses budgétaires, au moment où elles sont payées et l'exécution des recettes, au moment où elles sont encaissées. ; La comptabilité générale respectant les règles d'une comptabilité d'exercice vise à décrire la situation patrimoniale de l'État, c'est à dire l'ensemble de ce qu'il possède (terrains, immeubles, créances) et de ce qu'il doit (emprunts, dettes) ; La comptabilité d'analyse du coût des actions : elle ne doit pas être confondue avec une comptabilité analytique. Elle est plus spécialement destinée à compléter l'information du Parlement sur les moyens budgétaires affectés à la réalisation des actions prévues au sein des programmes. Elle permet également de mesurer la performance des administrations. Depuis le 1er janvier 2006, les comptes de l'Etat sont tenus selon ce nouveau référentiel qui constitue le point de départ de la démarche de certification des comptes publics.

* 216 LASCOMBE (M) et VANDENDRIESSCHE (X), Plaidoyer pour le succès de la réforme. Loi organique et la nécessaire refonte de la responsabilité des ordonnateurs et des comptables, RFDA 2004, p. 308. Selon les auteurs seront affectés par la mise en oeuvre de la LOLF tant le droit constitutionnel que le droit administratif

* 217 Article 30 de la LOLF : « les règles applicables à la comptabilité générale de l'Etat ne se distinguent de celles applicables aux entreprises privées qu'à raison des spécificités de son action. »

* 218 La comptabilité publique vise donc à assurer le respect des lois et des règlements, à veiller au respect des budgets, et à éviter les abus. Elle ignorait, en revanche, le prix de revient ou le rendement des services, comme si le fait qu'ils soient financés par l'impôt ou par l'emprunt apaisait tout scrupule. Malgré ces différences d'objectifs, s'opère cependant un rapprochement croissant des comptabilités publiques vers la comptabilité privée. La comptabilité publique doit désormais répondre aux mêmes exigences d'exhaustivité, et d'image fidèle de la situation financière de l'Etat. Elle doit en même temps offrir une aide à la gestion efficace de l'argent public, notamment en permettant une meilleure connaissance des coûts des différentes fonctions exercées au sein de l'administration. Il était devenu urgent que la comptabilité publique évolue dans le sens d'une modernisation de la gestion financière de l'Etat, afin de lui offrir une information plus complète lui permettant de prendre de meilleures décisions. Il s'agit désormais d'une comptabilité décisionnelle.

* 219 En 1997, l'instruction comptable M 14 a aligné la comptabilité des communes de plus de 3.500 habitants sur le plan comptable général de 1982. En particulier, l'instruction M 14 introduit les possibilités d'amortissement prévues par le plan comptable général, afin d'établir une image fidèle du patrimoine et du résultat des communes. Elle a écarté cependant les bâtiments et les infrastructures de l'obligation d'amortissement, compte tenu de l'importance du travail de recensement et d'évaluation que cela aurait impliqué, et des charges considérables qu'une telle mesure aurait créé pour les budgets communaux. La règle de prudence, exigeant des provisions, a également été introduite pour les garanties d'emprunts accordées par la commune à des tiers, et pour les dettes financières faisant l'objet d'un différé de remboursement. L'introduction de ces mesures souligne la tendance à l'assimilation par la comptabilité publique des concepts issus de la comptabilité privée

* 220 LAVIALLE (C), « Les propriétés publiques saisies par la comptabilité », AJDA, 5 décembre 2005, p. 2257

* 221 DUPRAT (J.P), « L'évolution des logiques de gestion du domaine de l'Etat », AJDA 21 mars 2005

* 222 Projet de loi de finances pour 2006 : participations financières de l'Etat (mission indépendante), avis présenté au nom de la Commission des Affaires économiques et du Plan par M. BECOT (sénateur)

* 223 Le programme annuel de performance des « participations financières de l'Etat » affiche trois objectifs :

- veiller à l'augmentation de la valeur des participations financières de l'Etat

- assurer le succès des opérations de cessions des participations financières

- contribuer au désendettement de l'Etat et des administrations publiques

* 224 Il s'agit soit de maximiser la valeur du portefeuille financier de l'État soit d'en tirer un maximum de recettes (par le succès des opérations de cessions), les ressources ainsi générées devant être utilisées d'une manière judicieuse (notamment par le désendettement de la sphère publique).

* 225 Le rapport de 2004 sur l'Etat actionnaire rapport insiste sur le fait que la gestion active des participations de l'Etat est une des clefs de la bonne santé financière des entreprises publiques. Ainsi, "trois opérations réalisées depuis le début de l'année 2004 ont contribué à l'enregistrement d'une recette brute de 5,4 milliards d'euros; il s'agit de la cession de la participation dans la SNI (société nationale immobilière), de l'ouverture du capital de la SNECMA et de l'opération de privatisation de France Télécom". Enfin, les entreprises publiques ont en outre réalisé d'importantes cessions. Toutefois, certains points noirs sont mentionnés dans le rapport. Il s'agit notamment du poids de la dette financière (192,7 milliards d'euros) et des engagements hors bilans ( 219 milliards d'euros dont la moitié au titre des retraites). Le rapport rendu en 2005 insiste pour l'année 2004 sur le changement de statut d'EDF et de Gaz de France, la privatisation de France Telecom et d'Air France, l'ouverture du capital de Snecma et des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) et l'entrée au capital d'Alstom. Cette tendance se poursuit en 2005 : changement de statut d'Aéroports de Paris (ADP), création de la banque postale, fusion de Snecma et Sagem qui a donné naissance au groupe Safran, évolutions capitalistiques avec notamment l'ouverture du capital de Sanef et le désengagement complet du capital de Bull.. Le chiffre global d'affaires des entreprises dont l'état est actionnaire a progressé de 4.8% par rapport à 2003 pro forma pour atteindre 195.4 milliards d'euros.

* 226 La commission estime que les indicateurs proposés pourraient être avantageusement complétés par un nouveau critère ; le nombre d'années de bénéfices de l'entreprise auxquelles correspond la valeur des actions vendues. L'intérêt patrimonial des opérations de privatisations, serait mieux mesuré, comme l'a montré le débat récent sur les privatisations d'autoroutes.

* 227 L'idée de gestion caractérise la conception moderne du domaine public, dans laquelle l'affectation domaniale ménage une place à l'exploitation. Parce que la possibilité de tirer parti d'un bien découle ordinairement du droit de propriété, l'idée de gestion confère une légitimité théorique à la valorisation du domaine public ; elle est une conséquence logique de la vision propriétariste.

* 228 CAILLOSSE (J), « L'administration française doit-elle s'évader du droit administratif pour relever le défi de l'efficience ? », Paris, L'Harmattan, 1996, p. 327

* 229 Plutarque : Les vies des hommes illustres (Paris, de Cussac, 1801, trad. Amyot-en vieux français-T.1 Thésée. P. 37) cité par P. YOLKA, « La propriété publique, Eléments pour une théorie », LGDJ 1997, p. 613






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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard