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Analyse hétérodoxe de la monnaie appliquée à  l'euro : l'originalité et le pari d'une monnaie pionnière en son genre, produit de la rationalité économique


par Grégory Ode
Université de Paris I Panthéon - Sorbonne - Master d'économie 2005
  

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La question de la pérennité de la monnaie à long terme : une problématique de la confiance

Jean Cartelier soulève la question de la reconnaissance sociale de la monnaie à travers son attachement à la souveraineté politique. On a vu, en effet, que souveraineté politique et monnaie sont nécessairement liées, d'une manière ou d'une autre. Toutefois, Jean Cartelier ne développe pas de réflexion de fond relative à la confiance ; il semble ainsi s'attacher uniquement au problème de la reconnaissance sociale de la monnaie sans prendre en considération le problème de la stabilité et du maintien de l'institution monétaire à long terme. La monnaie est, selon lui, une condition institutionnelle de départ de l'économie marchande qui doit revêtir un caractère officiel pour être reconnue. A ce titre, il admet qu'elle est toujours liée à une souveraineté politique tout en prenant en compte les évolutions récentes qui plaident en faveur d'une autonomisation de la monnaie vis-à-vis du politique61(*). Une fois soulevé ce constat, dans son ouvrage, La monnaie, il ne développe pas davantage la question cruciale de la confiance. De surcroît, il préfère parler de « faux problème » en mettant plutôt l'accent sur l'instabilité du support de monnayage lié au clivage capitalistes-salariés, les seconds étant dépendants des premiers pour l'accès à la monnaie :

« Le fait que le règlement des soldes soit constamment reporté dans le temps par le jeu des opérations financières maintient une permanence de l'unité de compte et pose de façon insistante la question de la stabilité du monnayage [...] L'évaluation du capital qui ouvre la période et sert de base au monnayage repose sur les anticipations faites sur les périodes futures à partir de la période présente. Elle n'a aucune raison d'être conforme à celle qui clôt la période précédente » ; « L'instabilité du support de monnayage, liée à son caractère conventionnel, met en question la viabilité des systèmes de paiement modernes. Cette question est cruciale. La réduire à une question de réserve de valeur de la monnaie ne semble pas être la démarche la plus propre à traiter. Il n'y a donc pas grand sens à aborder la monnaie par le biais de la question de la réserve de valeur. Il s'agit là plutôt d'un faux problème dont l'énoncé est dû à une problématique inadéquate »62(*).

Pourtant, le problème du maintien de l'unité de compte dans le temps paraît crucial. Dans cette optique, Michel Aglietta et André Orléan insistent davantage sur le rôle essentiel que joue la confiance :

« La confiance s'exprime dans l'acceptabilité inconditionnelle de la monnaie. Comme cette acceptabilité n'a pas de garantie naturelle, elle peut être perturbée, voire détruite, dans les crises monétaires. Le maintien de la confiance doit être pensé comme un problème de régulation de la plus haute importance »63(*).

Selon Michel Aglietta et André Orléan, la confiance est ce qui fonde la monnaie à long terme, ce sur quoi reposent les économies modernes. Pour eux, à la différence de Jean Cartelier, il n'y aurait pas d'institutionnalisation étatique de la monnaie préalable aux échanges. L'institutionnalisation de la monnaie, qui peut toujours être remise en cause, résulte d'un processus dynamique original. Selon Michel Aglietta et André Orléan, en l'absence d'une monnaie validée socialement, toute « chose » est susceptible de devenir monnaie. Dans un contexte de grande incertitude64(*), où règne une grande instabilité, les agents s'observent les uns les autres pour voir sur quel objet va se focaliser l'attention du groupe. Puis, à la suite d'une rivalité violente entre quelques monnaies potentielles, la convergence mimétique conduit à définir la nature de la richesse. Le modèle mimétique de Michel Aglietta et André Orléan fait de la monnaie un « actif » parfaitement liquide dans la mesure où les attentions et les désirs individuels se sont polarisés sur le même objet :

« La richesse est définie comme ce qui permet de se protéger de l'incertitude marchande [...] La richesse est ce qui est désirée par tous les membres du groupe. C'est là une définition autoréférentielle puisque est richesse ce que tous considèrent comme étant richesse [...] Puisque désirer la richesse, c'est désirer ce que les autres désirent, le mimétisme s'impose comme le comportement rationnel adapté à cette configuration » ; « A l'évidence, le choix de détenir de la monnaie est fortement conditionné par ce que pensent les autres : s'ils refusent d'accepter cette monnaie, alors celle-ci n'a plus aucune utilité. Elle cesse d'être liquide »65(*).

A la suite d'un processus violent, la forme socialement validée de la richesse devient monnaie. Ainsi, cette dernière émerge spontanément dans la société. Ce qui est à la base de la monnaie, c'est sa reconnaissance sociale unanime ; ce qu'elle acquiert naturellement suite à un processus d'élection-exclusion. La convergence mimétique légitime la forme élue de la monnaie :

« L'analyse du processus d'élection-exclusion dévoile cette propriété essentielle : ce qui fait qu'un objet est monnaie, c'est son acceptation par tous comme forme reconnue de la richesse ; ce ne sont en rien ses propriétés naturelles [...] On peut dire que la monnaie a une nature autoréférentielle : est monnaie, ce que tout le monde considère être une monnaie »66(*).

Certes, l'approche de Michel Aglietta et André Orléan paraît originale. Le rôle du politique dans l'institutionnalisation de la monnaie semble être complètement mis de côté au profit d'une logique spontanée mettant en exergue des comportements individuels qui paraissent pour le moins « primitifs ». Mais, aussi critiquable que puisse être leur analyse sur ce point, elle permet au moins de mettre l'accent sur un point crucial qui caractérise la monnaie moderne : son institutionnalisation jamais définitivement aboutie. En effet, en tant qu'artifice, l'existence et la pérennité de la monnaie reposent sur une logique de croyance et de confiance. Pour se maintenir dans la société, la monnaie doit donc continuellement faire preuve de sa souveraineté. Or, comme cette dernière repose sur la confiance que les individus accordent à la monnaie, elle est donc intrinsèquement instable :

« Même au sein des économies pleinement matures, la monnaie doit continuellement faire la preuve de sa légitimité en reconduisant la confiance qui la fonde et en luttant contre l'apparition incessante des monnaies embryonnaires qui viennent remettre en cause son monopole » ; « Dans notre construction théorique de la monnaie, l'inachèvement monétaire est une conséquence du caractère violent des relations marchandes et du fait que cette violence ne disparaît jamais. L'émergence d'une monnaie unanimement reconnue ne signifie pas l'éradication de la violence mais son extériorisation en un principe médiateur, la souveraineté. Or, dans l'optique girardienne qui est la nôtre, la souveraineté est fragile : elle peut être affaiblie ou détruite »67(*).

La monnaie doit donc toujours réaffirmer sa légitimité et son autorité en ce que sa souveraineté, même si elle est adossée au politique, n'est jamais acquise. En d'autres termes, la monnaie n'est jamais définitivement institutionnalisée ; c'est là la pierre angulaire de cette réflexion. En effet, la reconnaissance sociale qui la nourrie peut-être battue en brèche. Dès lors, si aucune monnaie n'est immuable, l'examen des sources de la confiance qui fonde la monnaie paraît judicieux dans l'optique qui est la nôtre : comprendre la nature profonde de la monnaie.

* 61 Jean Cartelier ne prend à aucun moment en compte le cas très particulier de l'euro. Son livre, La monnaie, publié en 1996 est certes légèrement dépassé par rapport à la date d'entrée en vigueur de l'euro (1er janvier 1999) même si, néanmoins, l'union économique et monétaire était en marche depuis la signature du traité de Maastricht en février 1992.

* 62 Idem, p. 83 ; 84, 85.

* 63 Michel Aglietta et André Orléan, La monnaie entre violence et confiance, Odile Jacob, Paris, 2002.

* 64 Selon Michel Aglietta et André Orléan, l'origine du « besoin » de monnaie provient de la capacité que détient l'argent à protéger les individus de l'incertitude marchande. En effet, à la différence des marchandises, la monnaie est liquide, c'est-à-dire qu'elle est unanimement reconnue et acceptée. En ce sens, elle ne répond pas à une utilité précise ; elle permet aux individus de se prémunir contre une multitude de besoins.

* 65 Idem, p. 38 ; 58, 59.

* 66 Ibid. p. 85.

* 67 Ibid. p. 28 ; 33.

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