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Analyse hétérodoxe de la monnaie appliquée à  l'euro : l'originalité et le pari d'une monnaie pionnière en son genre, produit de la rationalité économique


par Grégory Ode
Université de Paris I Panthéon - Sorbonne - Master d'économie 2005
  

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B. La confiance symbolique et la confiance éthique qui fondent la monnaie

Pour perdurer dans la société et assumer dans la continuité ses fonctions de moyen de paiement, d'unité de compte et de réserve de valeur, la monnaie doit susciter la confiance des individus. En effet, comme on l'a vu, la monnaie n'est jamais définitivement institutionnalisée. Elle repose sur un socle friable, en grande partie dépendant de la psychologie des agents économiques. Il est donc important de s'intéresser aux éléments qui contribuent à accréditer la monnaie. Ces derniers peuvent se subdiviser en deux principaux types de confiance : la confiance symbolique et la confiance éthique.

La confiance symbolique : la monnaie adossée à un ensemble de valeurs collectives

Dans leur analyse, Michel Aglietta et André Orléan identifient deux sources principales de la confiance : la source symbolique et la source éthique. Aussi, afin de mieux s'approprier ces éléments de définition, on préférera parler de confiance symbolique et de confiance éthique68(*). Ces deux types de confiance fondent l'institution monétaire en lui donnant une consistance sociale, politique et économique. La confiance éthique sera analysée prochainement dans la réflexion.

Pour ce qui est de la confiance symbolique, elle fait explicitement référence à la représentation collective, c'est-à-dire à l'appartenance à une même communauté. Ceci étant, si l'on veut bien approfondir ce point de la réflexion, il semble pertinent de faire un court détour dans le domaine de la science politique afin de délimiter suffisamment les notions de communauté et de valeurs collectives. Ainsi, dans les sociétés modernes où le pouvoir s'est institutionnalisé, c'est-à-dire où l'exercice du pouvoir est séparé de son propriétaire et est régi selon des règles formelles, la notion de communauté renvoie à celle d'Etat. Traditionnellement, en droit constitutionnel, l'Etat est considéré comme la réunion de trois éléments : un territoire, une population et une autorité publique. Au sein de la communauté, le pouvoir politique est un pouvoir souverain qui structure la société globale et la produit en partie. Mais, il n'en reste pas moins qu'il y est inséré et demeure, dans une certaine mesure, conditionné par elle. Dans la plupart des Etats modernes, le pouvoir politique est soumis au contrôle démocratique, ce qui fait que le pouvoir appartient en dernier ressort au peuple : c'est le principe de la souveraineté populaire69(*). Aussi, désormais, la nation est le fondement légitime de l'autorité étatique. Ainsi, cette dernière n'est acceptée que si elle incarne une nation. C'est pourquoi, on parle d'Etat-nation. Ce faisant, au sein des Etats-nation, se constitue avec le temps une variété de symboles et d'éléments marquant l'appartenance au groupe. Cela est d'autant plus vrai que la conception de nation même repose sur un ensemble de valeurs communes. Ainsi, selon une première école, d'inspiration essentiellement germanique, la nation reposerait sur des éléments objectifs telles que la langue, la religion, la culture, éléments qui traduisent l'appartenance à la communauté globale. Elle tend également à privilégier l'héritage génétique en se fondant sur des liens de sang. Cette vision a été poussée à son extrême lorsque le Reich nazi a prétendu fonder l'existence d'une nation sur des critères raciaux et sur la prétendue supériorité d'une race, la race aryenne. En outre, il ne faut pas méconnaître que de nombreuses nations modernes, tels que la France, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis se sont constituées par assimilation progressive de populations qui, à l'origine, ne possédaient ni langue, ni religion communes. Dès lors, selon une seconde conception de la nation, d'origine essentiellement française, la nation s'édifie sur la base d'une volonté de vivre ensemble, fondée sur un passé partagé. Le sentiment d'appartenance à une même communauté y est prédominant ; c'est une conception de la nation dite « intégrante ». Toutefois, que le sentiment d'un passé partagé soit un ferment puissant d'identité nationale ne signifie pas pour autant que les éléments objectifs ne jouent aucun rôle car, s'il n'existe pas de nation sans volonté de vivre ensemble, cette volonté repose bien souvent sur une langue ou une culture commune et, d'ailleurs, une histoire partagée est un élément de cette culture. Cette dernière vision de la nation justifie que l'Alsace-Lorraine, annexée par l'Allemagne en 1870, appartienne en raison de la volonté de ses habitants à la nation française bien qu'elle fasse partie de l'aire culturelle germanique. En somme, l'important est de retenir qu'au concept d'Etat-nation correspond une multitude de valeurs communes qui tendent à coaliser l'ensemble des éléments de la communauté.

Cela dit, on a dit précédemment que la monnaie était nécessairement attachée, d'une manière ou d'une autre, à la force publique, c'est-à-dire à l'Etat. En effet, son entérinement en tant que fait institutionnel passe par une validation de la part de l'autorité souveraine. Même dans le cas de banques centrales indépendantes, on a vu que zone monétaire et zone politique coïncident en principe, de telle manière que la croyance qui fonde la monnaie trouve en grande partie sa source dans son ancrage à l'Etat. Ainsi, Emmanuel Todd, se référant à l'histoire des unions monétaires, notait que l'unification monétaire suit toujours l'unification politique70(*). Dans cette optique, la monnaie procède forcément, d'une manière ou d'une autre, du pouvoir politique. Mais, pour ce qui nous intéresse à présent, la confiance symbolique qui fonde la monnaie à long terme, il convient de souligner que l'attachement de la monnaie à la puissance publique conduit à la lier de fait à la collectivité globale. De ce rattachement, elle en retire une force et une légitimité car, de par son ancrage à l'Etat-nation et aux valeurs collectives qui y sont attachées, elle cristallise en son sein la confiance des individus. La monnaie acquiert de ce fait une consistance sociale et politique. Dans cette optique, Jean Messiha considère que la monnaie est un symbole fort des sociétés :

« La monnaie est-elle considérée par les individus citoyens comme partie prenante des symboles qu'ils ont délégué à leurs représentants ou bien est-ce simplement un instrument de compte neutre et détaché de la relation publique ? En fait, la souveraineté est une notion aux contours incertains [...] Le contrat social, fondement de la souveraineté, revêt ainsi une multiplicité d'expressions dont le contrat « monétaire » est l'une des plus importantes. Ainsi, la monnaie, loin d'être simplement un « numéraire » statique ou une unité de compte comme nombre d'économistes ont eu tendance à le considérer, est en réalité un symbole fort des croyances et des représentations collectives liés à la valeur en tant que concept philosophique et anthropologique »71(*).

Dès lors, la monnaie apparaît comme indissociable des notions de souveraineté politique, nation et valeurs collectives qui lui confèrent une solidité symbolique. Dans cette perspective, Jean Messiha poursuit en disant :

« Outre la dimension horizontale que la science économique a tendance à privilégier (un lien marchand décentralisé), la confiance introduit donc une dimension verticale qui représente la hiérarchie des valeurs [...] C'est, en effet, de la nation que découle l'adhésion à des normes communes qui impliquent par la suite la confiance dans l'ordre politique et social dont l'ordre monétaire n'en est qu'une émanation » ; « L'acceptation d'une monnaie signe est synonyme de la reconnaissance d'un esprit collectif, et plus encore, d'un esprit national »72(*).

La monnaie se révèle alors être un « objet » conceptuel à la nature complexe et dont la compréhension implique, comme on l'a souvent dit au sein de cette réflexion, de dépasser l'économique. Effectivement, si la monnaie a indiscutablement une dimension économique prégnante, celle-ci ne doit pas pour autant opacifier les composantes extra économiques qui la fondent. La monnaie se doit d'être appréhendée comme une institution aux fondements à la fois économiques, sociaux et politiques :

« En somme, le peuple est un concept sociologique, la nation un concept politique, l'Etat un concept juridique. La monnaie est un élément qui capte ces trois dimensions : introduite et garantie par l'Etat, elle est utilisée par un peuple parce qu'elle fait partie de la nation »73(*).

Au final, étape par étape, on rejoint la notion de confiance symbolique issue de l'analyse de Michel Aglietta et André Orléan (source symbolique de la confiance selon les termes des auteurs). La confiance symbolique a, selon eux, une dimension profondément sociale ; elle renvoie à la fois à une identité nationale, à une histoire et à un passé communs, à une mémoire collective, à des routines de comportements, etc. Cependant, on pourrait presque reprocher à Michel Aglietta et André Orléan de rester trop évasifs à propos de la notion de « source symbolique de la confiance ». C'est pourquoi il apparaissait préférable de se réapproprier les termes en les définissant d'une manière plus exhaustive. Malgré cela, l'idée de fond reste essentielle. Elle situe en grande partie l'origine de la confiance en la monnaie dans l'appartenance à une même communauté. La confiance symbolique se matérialise par les effigies et autres symboles inscrits sur la monnaie. La nature de ces derniers sont en premier lieu d'ordre politique et rappellent ainsi la puissance et l'autorité de l'Etat. Mais, ils peuvent également faire référence à l'histoire et à la culture de la nation. D'ailleurs, la souveraineté de la banque centrale, si elle est indépendante, trouve elle-même sa légitimité dans sa liaison indirecte avec l'autorité étatique en ce sens qu'elle est instituée par le politique et reste soumise de manière variable selon les pays à un contrôle politique minimal. Au total, la source symbolique de la confiance constitue une assise prééminente de l'institution monétaire :

« Dans tous les cas, cette source symbolique, qui donne une solidité à la croyance commune, s'enracine dans le passé de la société. Elle rappelle les principes fondateurs et des figures emblématiques grâce auxquels chacun peut croire que les autres croient comme lui [...] L'institution responsable de la monnaie bénéficie de la puissance collective de la souveraineté. Plus la croyance commune est forte, moins l'action collective mise en oeuvre par cette institution est contestée [...] Dans les sociétés contemporaines cette institution est la banque centrale et son action collective est la politique monétaire »74(*).

Toutefois, si la confiance symbolique reste un point d'ancrage important de la monnaie, il n'en reste pas moins que celle-ci repose aussi sur des principes et une logique d'ordre économique : c'est la confiance éthique.

* 68 Durant toute la réflexion, on gardera cette classification bipartite.

* 69 Développée par Rousseau dans le Contrat social, la théorie de la souveraineté populaire stipule que la souveraineté réside dans le peuple qui est la réunion de ces parties de souveraineté. En concluant le contrat social, chaque homme accepte de mettre en commun, avec les autres membres de la société, la part de souveraineté qu'il détient. Il accepte d'obéir à l'Etat mais, puisqu'il constitue l'Etat, il n'obéit qu'à lui-même et préserve ainsi sa liberté. En pratique, la théorie de la souveraineté populaire a débouché sur des modes représentatifs d'exercice du pouvoir.

* 70 Emmanuel Todd, L'illusion économique, Gallimard, Paris, 1999.

* 71 Jean Messiha, Souveraineté et zone monétaire optimale : construit, coïncidence ou causalité ? (précédemment cité).

* 72 Idem, p. 4 ; 5.

* 73 Ibid. p. 8.

* 74 Michel Aglietta et André Orléan, La monnaie entre violence et confiance (précédemment cité) : p. 210.

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