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Un exemple unique de construction et d'exploitation d'un navire: Le Cargo solidaire

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par Elisabeth Druel
Université de Nantes - Master II Droit maritime et océanique 2006
  

Disponible en mode multipage

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Université de Nantes

Faculté de droit et de sciences politiques

Centre de droit maritime et océanique

« Un exemple unique de construction et d'exploitation d'un navire :

Le Cargo solidaire »

Mémoire de Master 2 recherche droit maritime et océanique

Soutenu par Elisabeth Druel

Sous la direction de Monsieur Yves Tassel

Année universitaire 2006/2007

Merci à tous les membres de l'association « Le Cargo solidaire » pour leur aide, leur accueil et surtout pour m'avoir permis, d'une certaine façon, de participer au projet.

Je tiens également à remercier tout particulièrement Monsieur Tassel, pour sa disponibilité et ses conseils, qui m'ont été précieux tout au long de la rédaction de ce mémoire.

SOMMAIRE

INTRODUCTION.................................................................................p 6

TITRE I : DE L'ORIGINE A LA CONSTRUCTION DU NAVIRE : UN PROJET BASE SUR LA PRATIQUE DES SOLIDARITES..........................................p 18

CHAPITRE I : LE FINANCEMENT DE LA CONSTRUCTION.......................p 19

Section 1 : Le choix d'un mode de financement.......................................................p 20

Section 2 : Les questions financières et fiscales liées à la construction du navire..........p 30

CHAPITRE II : LA CONSTRUCTION DU NAVIRE ...............................................p 36

Section 1 : Association et structure chantier : du choix de la forme au contrat de construction.....................................................................................................p 36

Section 2 : Les relations entre la structure chantier et les différents acteurs d'un chantier de construction navale basé sur la pratique des solidarités...........................................p 42

TITRE II : L'EXPLOITATION NON LUCRATIVE MAIS ECONOMIQUE D'UN NAVIRE .............................................................................................p 52

CHAPITRE I : LES CHOIX INTERNES RELATIFS A L'EXPLOITATION DU NAVIRE .............................................................................................p 53

Section 1 : Le choix de la structure exploitation.......................................................p 54

Section 2 : Les questions touchant le navire lui-même et son armement......................p 61

CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DE L'EXPLOITATION DU NAVIRE...p 67

Section 1 : Le transport de marchandises...............................................................p 68

Section 2 : L'organisation de voyages...................................................................p 73

Section 3 : Les questions liées à l'exploitation de la structure animation.....................p 76

CONCLUSION....................................................................................p 82

BIBLIOGRAPHIE................................................................................p 84

ANNEXES..........................................................................................p 86

TABLE DES MATIERES.......................................................................p 110

INTRODUCTION

C'est à Nantes qu'a vu le jour un projet ambitieux, original, unique, ayant pour but la construction et l'exploitation, fondées sur la pratique des solidarités, d'un cargo mixte à voiles, le Cargo solidaire.

- Historique du projet

A la genèse du projet, se trouve une association nantaise, l'association Histoire de la construction navale à Nantes (ou AHCNN). Cette association a été crée en 1986, au lendemain de la fermeture des chantiers de construction navale Dubigeon de Nantes, avec pour objectifs la préservation des archives et outils des chantiers et la mise à la disposition du public d'un lieu d'animation, d'exposition et de documentation sur la Navale.

Au milieu des années 90, l'association fut sollicitée pour participer à la construction de la péniche Cap Vert. Cette péniche (qui ne navigue donc que sur les voies d'eaux intérieures), est un bateau spécialement conçu pour permettre à des personnes handicapées ou âgées de naviguer, donc pour permettre à des personnes à mobilité réduite d'avoir accès aux joies de la navigation. L'AHCNN s'est trouvée impliquée dans la construction, apportant son aide et son savoir faire aux initiateurs du projet. La construction, afin de conserver intact l'esprit du projet, a été réalisée en partenariat avec un chantier de réinsertion et avec l'aide de nombreux bénévoles. Déjà, la première expérience en matière de construction de l'AHCNN était placée sous le signe de la pratique des solidarités.

Egalement, dans l'optique de préservation du patrimoine naval de la région, le chantier était situé sur le site de la Prairie au Duc, à Nantes. Le bateau quitta la cale n°3 en 2001.

En 2004, la péniche Cap Vert obtint l'homologation « bateau à passagers » et depuis ce temps, l'association qui la gère organise des croisières sur l'Erdre et le canal entre Nantes et Redon1(*).

Cependant, l'AHCNN n'avait pas attendu cette première expérience réussie pour lancer l'idée de la construction et de l'exploitation d'un navire qui pourrait parcourir les mers du globe en embarquant à son bord un certain nombre de personnes à mobilité réduite. L'idée même du Cargo solidaire remonte à 1991, et le projet va développer une véritable originalité, englobant plusieurs dimensions : innovation, solidarité, réinsertion, écologie... qui viendront s'ajouter à l'objectif de permettre à tous de naviguer.

L'idée était de construire un quatre mâts barque, le Loire. Ce fut le premier nom du projet, le Loire C174. Pour le construire, les membres de l'association décidèrent de s'appuyer sur les plans du voilier « Loire », construit à Nantes en 1896, tout en les adaptant aux normes et règlements actuels. C'est là mettre en oeuvre l'un des objectifs du projet, dont il sera reparlé plus tard, la préservation du patrimoine naval de la région, Nantes ayant été un haut lieu de la construction de tels voiliers.

Petit à petit, le projet prit forme et intégra de nouvelles dimensions qui conduisirent à changer son nom de Loire C174 en Cargo solidaire. Le 11 octobre 2006, une assemblée constitutive se réunit et créa l'association « Le Cargo solidaire ». Cette association réunit des membres de l'AHCNN et d'autres personnalités extérieures, particulièrement intéressées au projet. L'article 2 des statuts de l'association dispose que « cette association a pour objet la construction et l'exploitation, fondées sur la pratique des solidarités, d'un cargo mixte à voiles. ». Voilà pour l'objet même de l'association. Les objectifs du projet sont eux nombreux et variés et il convient de les présenter.

- Présentation des différents objectifs du projet

Le but même de l'association est la pratique des solidarités, et la construction et l'exploitation du Cargo solidaire sont deux façons originales de mettre en oeuvre ce but. Cette pratique des solidarités, qui chapeaute tout, recouvre plusieurs objectifs qu'il est nécessaire de présenter.

Le premier objectif du projet « Le Cargo solidaire » est la préservation du patrimoine naval de la région et au-delà. Il s'agit de préserver un savoir faire traditionnel dans la région, en utilisant comme base les plans du voilier « Loire » construit à Nantes en 1896. Ce voilier était un cap hornier (navire qui a franchi le Cap Horn dans un sens ou dans l'autre). A partir de 1897, afin d'enrayer les baisses constantes des frets, les armateurs français avaient fait construire et armer ces voiliers, qui étaient en acier et d'un port en lourd de 2500 à 4500 tonnes et qui, à chacun de leurs voyages de circumnavigation, doublaient le Cap Horn. Ces navires étaient construits par des armateurs de Dunkerque, Le Havre, Rouen, La Rochelle, Bordeaux, Marseille et surtout Nantes (jusqu'en 1903), qui armait à elle seule 147 grands voiliers, dont la plupart construits dans ses propres chantiers. Ces trois mâts et quatre mâts (il y eut aussi deux cinq mâts appelés France) aux mâtures hautes de 45 à 55 mètres et arborant des surfaces de voilure de 2500 à 5000 mètres carrés, partaient d'Europe avec des cargaisons à destination de tous les pays du monde. Il s'agit ici de faire revivre un savoir faire traditionnel, connu à Nantes mais aussi partout en France.

Mais également, la préservation passe par l'utilisation des outils et emplacements traditionnels d'une région marquée par son histoire maritime. C'est pourquoi le lieu de construction choisi est Nantes Saint-Nazaire et plus particulièrement l'île de Nantes, à la fois pour faire revivre cet endroit et pour conserver un savoir faire qui se perd en France, la construction maritime étant de plus en plus délocalisée vers des pays tiers.

Le deuxième objectif du projet est l'innovation. En effet, il a fallu adapter les plans du Loire aux contraintes actuelles. Le Cargo solidaire est un cargo mixte, fret et passagers, conçu pour faire des voyages au long cours. C'est un quatre mâts d'une longueur totale de 114, 2 mètres, doté d'une double propulsion, à la fois vélique et mécanique. Sa vitesse de service sous voile devrait être de dix noeuds, ce qui est relativement peu, mais la vitesse ne fait pas partie des objectifs du projet. L'innovation porte donc sur la combinaison de ces deux types de savoir faire, traditionnel et novateur, avec l'intégration sur un navire classique d'innovations écologiques et techniques. Notamment, il est prévu que le groupe électrogène fonctionne au diester (énergie verte). Or, aucun moteur marin, actuellement, n'accepte plus de 10% de ce que l'on appelle « le gasoil vert ». Les membres de l'association prévoient de faire travailler sur le sujet des entreprises qui permettront d'innover dans le secteur. Une autre alternative possible serait de faire fonctionner le groupe électrogène au GPL, énergie moins polluante que l'essence classique. Ces innovations seront extrêmement importantes, car appliquées sur un navire d'une grande taille, voyageant au long cours et pourront permettre une meilleure diffusion des connaissances en la matière et (pourquoi pas ?), la création ad hoc d'une nouvelle catégorie de navires, les Cargos solidaires...

L'aspect innovation se couple parfaitement avec les aspects écologie et développement durable qui sont pleinement intégrés dans le chantier. Le projet a pour objectif de pousser au maximum le respect de l'environnement, que ce soit dans la construction ou dans l'exploitation du navire. Pour cela, l'application de la démarche Haute Qualité Environnementale (ou HQE) est mise en avant, aussi bien sur le chantier que lors de la phase d'exploitation du Cargo solidaire. Il faut préciser ici qu'il n'y a pas réellement de normes HQE. Cela relève d'une démarche, d'un certain nombre de choix faits par les concepteurs du projet (par exemple, l'utilisation, lors de la construction, de bois cultivés en Europe dans des forêts entretenues dans une perspective de développement durable et non d'essences tropicales, rares ou menacées comme le teck). La propulsion à la voile, non polluante, sera utilisée en priorité. Les déchets à bord seront pleinement recyclés, les eaux usées traitées avant d'être rejetées à la mer (ce qui permettra peut être l'application de la marque CLEANSEA ou de la marque CLEANSEA SUPER au navire). Ainsi, des caisses sanitaires sont mises en place à bord du navire, qui récupèrent toutes les eaux usées et sont accompagnées d'une centrale de retraitement qui permettra de rejeter à la mer des eaux parfaitement pures.

Deux autres objectifs du projet vont également pouvoir se coupler parfaitement : le Cargo solidaire, cargo mixte, est conçu pour permettre à tous (y compris les personnes handicapées) de naviguer, et pour organiser le transport de marchandises estampillées commerce équitable à travers le monde, et ce, au profit d'organisations non gouvernementales (ONG). Ce caractère de mixité va poser inéluctablement la question de la catégorie du navire et du type de règlements à appliquer, notamment lors de la construction. Il semble cependant à première vue que la réglementation « navire de charge » s'appliquera à la partie fret du navire et celle « navire à passagers » à la partie passager.

Concernant l'objectif de permettre la navigation pour tous, il faut noter que, outre la péniche Cap Vert, une expérience similaire a eu lieu sur deux navires en Angleterre, le Lord Nelson et le Tenacious. L'objectif qui présidait à leur construction était de permettre à un équipage mixte, composé en partie de personnes handicapées, de naviguer autour du monde. Il n'y a pas de passager sur ces navires. Chacun participe aux manoeuvres et est considéré comme un membre d'équipage. Ces expériences réussies prouvent l'attente qui peut exister dans le domaine. En effet, le Lord Nelson, depuis son voyage inaugural en 1986, a embarqué 22 908 passagers dont 8 970 personnes souffrant d'un handicap, parmi lesquelles 3 509 se trouvaient en fauteuil. Le Tenacious, qui navigue depuis 2000, a embarqué 5 764 passagers, parmi lesquels 2 215 handicapés et 773 personnes se trouvant en fauteuil roulant2(*).

Le Cargo solidaire a largement intégré cette dimension. En effet, il peut accueillir 48 passagers, dont 16 personnes handicapées à son bord. Ces passagers seront accompagnés par un équipage de 34 personnes. Ils ne seront donc pas des membres de l'équipage, comme sur les deux navires anglais3(*), mais le but reste tout de même de les faire participer, dans une certaine mesure, aux manoeuvres du cargo, comme le prouvent les recherches actuellement menées sur l'automatisation ou la semi-automatisation de l'ensemble du gréement pour faciliter cette participation des personnes handicapées.

L'objectif de permettre la navigation à tous va imposer un certain nombre de contraintes aux concepteurs du projet. Ceux-ci ont intégré l'idée, et ont mis en place à bord un espace médicalisé, pour permettre l'accompagnement des personnes handicapées. Les normes de sécurité et la conception des cabines ont été pensées en conséquence.

Le Cargo solidaire peut accueillir à son bord 20 conteneurs, ce qui permettra d'assurer la réalisation d'un autre objectif, le transport de marchandises commerce équitable, en partenariat avec des ONG. Cette idée découle de l'histoire même de Nantes, port esclavagiste, et de la volonté d'inverser le commerce triangulaire, afin d'instaurer plus d'équité dans les relations Nord/Sud. Le Cargo solidaire sera donc affrété pour transporter des marchandises commerce équitable, qui lui seront confiées par des ONG, au prix du marché. Mais également, le Cargo solidaire pourra transporter, au profit d'ONG, des marchandises non estampillées commerce équitable, comme des médicaments ou des vêtements. Leur transport à bord du navire est une excellente vitrine pour ces associations.

Il convient de rappeler ici quelques règles afférentes au commerce équitable. Il est né dès la fin des années 40 avec les américains de Thousand Villages, puis dans les années 50 en Europe avec Oxfam, actuellement l'ONG la plus puissante dans le domaine. Cependant, la prise de conscience était beaucoup plus ancienne, et, dans l'édition originale de Max Havelaar ou les ventes de café de la compagnie commerciale des Pays Bas de 1860, on retrouve cette phrase : « Ils sont très rares, très rares, les Européens qui ne croient pas inutile de condescendre à observer les émotions de ces outils à produire le café ou le sucre que l'on nomme les indigènes. »4(*). Le principe connaîtra sa consécration au niveau international avec le célèbre slogan adopté lors de la deuxième conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement de 1968 : « Trade, not aid ». Une définition au niveau international a été donnée : « Le commerce équitable est un partenariat commercial fondé sur le dialogue et la transparence et le respect, dont l'objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la Planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s'engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l'opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce équitable. »5(*). Le principe premier du commerce équitable est la garantie donnée aux petits producteurs de commercialiser leurs produits à des prix plus rémunérateurs que les cours mondiaux. C'est également une garantie de relative stabilité des prix et la mise en place de conditions et de délais de paiement, voire des possibilités de préfinancement, qui évitent aux paysans et aux artisans de brader leurs produits ou d'avoir recours à des prêts usuriers6(*).

Cet objectif de solidarité, de pratique des solidarités, se retrouve aussi dans le dernier objectif du projet : la formation et la réinsertion pour tous. Le chantier de construction s'étalera sur sept ou huit ans, par tranches de deux ans avec des objectifs précis pour chacune de ces tranches. La rapidité n'est pas un critère déterminant ici. Le but est de permettre à une centaine de personnes par an de se réinsérer ou de se former sur le chantier. Il faut valoriser l'être humain par son travail.

Cet objectif sera atteint par des partenariats avec les écoles de la région et avec les organismes de réinsertion professionnelle. L'ouverture du chantier au public permettra de rendre compte de l'état d'avancement des travaux et aussi de présenter les différents métiers de la Navale, dans une optique de diffusion et de valorisation des savoirs.

Ainsi, après cette présentation des différents objectifs du projet, une idée force apparaît : le Cargo solidaire (justement qualifié d'utopie réaliste) est un outil permettant la pratique des solidarités, et même, au-delà, un projet fondé uniquement sur cette pratique des solidarités.

- Présentation de l'état actuel du projet

La particularité du projet est d'être mené par une association, « Le Cargo solidaire ». Cette association a été constituée le 11 octobre 2006 et, suite à la déclaration en préfecture, une insertion reprenant certains éléments de la déclaration afin de faire connaître la constitution de l'association aux tiers fut faite dans le Journal Officiel de la République Française le 25 novembre 2006. En juillet 2007, l'association continuait à oeuvrer, multipliant les démarches près des partenaires potentiels et recherchant des subventions. Le lancement de la construction est prévu en 2008.

Le choix de la forme associative s'accorde parfaitement avec les objectifs du projet, mais de ce choix, vont découler un certain nombre de spécificités. On ne se trouve pas, ici, dans un cadre classique de construction et d'exploitation d'un navire. Un rapide état des lieux est nécessaire avant de développer une problématique.

L'association qui va mettre en oeuvre ce projet est une association déclarée loi de 1901. En matière de droit français des associations, les grands textes fondateurs sont la loi du 1er juillet 1901 et son décret d'application du 16 août 19017(*). La loi de 1901 opère une distinction entre quatre types d'associations : les associations non déclarées, les associations déclarées, qui ont une capacité réduite et ne peuvent en principe recevoir des dons et legs, les associations reconnues d'utilité publique, et les associations agrées8(*). Il faut noter également qu'existe un projet d'association européenne, destiné aux associations dont le champ d'activité s'étend à plus d'un Etat membre de l'Union Européenne et aux associations qui veulent agir en commun au niveau européen. Si ce projet voit le jour, il sera peut être intéressant pour le Cargo solidaire d'y prendre part, afin de donner une dimension supplémentaire au projet.

La déclaration à la préfecture ou à la sous préfecture est nécessaire pour faire acquérir à l'association la personnalité morale. En effet, une association non déclarée n'aura pas la personnalité morale vis-à-vis des tiers. Dans le cadre de l'association « Le Cargo solidaire », la déclaration fut faite à la préfecture. Depuis, l'association « Le Cargo solidaire » jouit donc de la personnalité morale, a un nom, un domicile, une nationalité (ici, la nationalité française), et un patrimoine propre qui ne se confond pas avec celui des membres. De plus, l'association peut passer des contrats avec des tiers, agir en justice par l'intermédiaire de ses représentants, et être elle-même représentée devant les tribunaux. Cependant, il est coutumier de dire que l'association déclarée ne jouit que d'une demi-personnalité morale, en ce qu'il y existe un certain nombre d'actes qu'elle ne peut accomplir, notamment recevoir des libéralités. Ce point sera développé plus tard.

Les statuts de l'association, formalité indispensable pour sa constitution, sont dans l'ensemble classiques et conformes au droit en vigueur, c'est-à-dire à la loi de 1901 et à son décret d'application9(*). Le siège de l'association se trouve à Nantes, et l'article 3 des statuts confère le pouvoir de changer le siège au conseil d'administration, ce qui est le plus simple. En effet, en l'absence de dispositions expresses dans les statuts, le pouvoir d'effectuer toute modification statutaire revient à l'assemblée des membres (générale ou extraordinaire), ce qui constitue une procédure longue et lourde.

L'association « Le Cargo solidaire » est constituée pour une durée illimitée, sa dissolution peut être prononcée à n'importe quel moment. Pour devenir membre de cette association, aucune condition de fond n'est posée, il suffit simplement d'adhérer aux statuts et de s'acquitter de sa cotisation. Peuvent être membres des personnes physiques ou morales. L'article 7 des statuts énonce les quatre cas classiques de perte de la qualité de membre : le décès, la radiation, la démission ou le non paiement de la cotisation.

Il est à noter que l'article 12 des statuts prévoit la rédaction d'un règlement intérieur qui viendra compléter les dits statuts. Ce règlement n'a toujours pas été adopté. Il est recommandé à l'association de le faire, afin de garantir l'homogénéité et la sûreté des règles lorsque l'association prendra de l'ampleur (au moment du lancement de la construction). Il sera nécessaire à ce moment là de préciser de nombreux points, aussi divers que les contrats de travail, les assurances, la tenue d'une comptabilité, etc... Le règlement intérieur peut être modifié assez facilement (contrairement aux statuts qui exigent la tenue d'une assemblée générale) : il suffit d'une décision du conseil d'administration portée à la connaissance des membres (par exemple, par voie d'affichage dans les locaux de l'association).

Les ressources de l'association sont nombreuses : cotisations, ventes de produits ou de services fournis par l'association, subventions, dons manuels, et toutes autres ressources non contraires au droit en vigueur. Ces ressources ne posent pas problème, la loi de 1901 disposant que « toute association régulièrement déclarée peut, sans autorisation, recevoir des dons manuels ainsi que des dons des établissements d'utilité publique »10(*). Cependant, l'article 17 de cette même loi interdit formellement aux associations déclarées de recevoir des dons et legs, soit directement, soit par personnes interposées, soit indirectement et cet article déclare nuls tous actes entre vifs ou testamentaires.

L'un des problèmes majeurs du projet « Le Cargo solidaire » est de trouver le financement suffisant pour assurer la construction du navire. Cette disposition ne va-t-elle priver l'association de ressources financières appréciables ? Une catégorie spéciale d'association a le droit de recevoir des dons et legs : il s'agit des associations déclarées d'utilité publique. Ces associations doivent présenter un intérêt particulier pour la collectivité nationale : elles doivent être d'une importance certaine et poursuivre un but d'intérêt général. C'est le ministre de l'Intérieur qui, après avis du Conseil d'Etat, signera un décret de reconnaissance d'utilité publique. Cependant, la reconnaissance d'utilité publique, si elle octroie certains avantages, fait également peser sur l'association un grand nombre de contraintes, en matière de fonctionnement interne notamment11(*). Il faut se demander si réellement, elle sera de quelque utilité à l'association « Le Cargo solidaire ».

Il semble que non. L'objet même de l'association devrait lui permettre de bénéficier d'une exception. En effet, un certain nombre de textes ont admis que des associations simplement déclarées puissent recevoir des dons et legs, notamment les associations d'assistance et de bienfaisance, catégorie dans laquelle pourrait rentrer « Le Cargo solidaire »12(*). De plus, le législateur a largement encouragé la pratique des dons en espèces faits au profit d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général, de caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social ou familial, puisqu'il autorise à déduire du montant de leur bénéfice imposable ces versements, dans une certaine limite. Cela permettrait d'encourager les dons faits à l'association.

Le budget de construction est très élevé13(*), et les membres de l'association n'ont pas misé sur l'apport de libéralités pour parvenir à le constituer. Les apports consistent davantage en subventions, mécénat, ventes de produits dérivés et visites guidées du chantier. La forme de l'association, association déclarée, convient parfaitement au projet, puisqu'il n'est pas fait appel, pour le moment, à des libéralités.

Trois organes vont présider au fonctionnement de l'association, dont l'un est plus spécifique au Cargo solidaire. Tout d'abord, la classique assemblée générale ordinaire, composée de tous les membres de l'association, qui se réunit une fois par an au minimum, valide les comptes et adopte certaines lignes directrices. Le même organe sera dénommé assemblée générale extraordinaire lorsque, par exemple, une modification statutaire ou une nécessaire dissolution ne peuvent attendre la convocation à une date normale de l'assemblée générale ordinaire.

Ensuite, on trouve le conseil d'administration, dont la particularité est d'être composé de neuf co-présidents14(*). Ce conseil d'administration met en oeuvre les décisions de l'assemblée générale et se charge du fonctionnement au quotidien de l'association.

Enfin, un troisième organe, moins classique, existe. Il s'agit du comité d'éthique, crée par l'article 10 du statut, qui est « garant du respect de l'objet de l'association ». Ce comité est constitué par les membres fondateurs de l'association, excepté les co-présidents pendant la durée de leur mandat. Avec ce comité d'éthique et l'objet de l'association, on va toucher le coeur même du problème, la véritable particularité juridique du projet.

Quelle est la raison d'être de ce comité d'éthique ? De garantir le respect de l'objet de l'association. L'objet de l'association, défini dans l'article 2 des statuts, est « la construction et l'exploitation, fondée sur la pratique des solidarités, d'un cargo mixte à voiles ». Le risque de dérive ne se situe certainement pas du côté de la construction et de l'exploitation. Ces deux thèmes sont suffisamment larges pour englober une grande catégorie d'actes s'y rattachant, sans que l'on sorte de l'objet de l'association. Le risque pèse bien sur la formule « fondée sur la pratique des solidarités ».

En effet, c'est commercer que de construire et d'exploiter un navire, et ce type d'activités est plutôt réservé aux sociétés. L'association est un groupement civil par nature, tandis que la société est un groupement commercial. Une différence fondamentale existe entre eux. La société, suivant l'article 1832 du Code Civil, « est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager ce bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter ». Le but d'une association ne pourra jamais être de réaliser des bénéfices en vue de les partager entre ses membres. Si cela était, le juge requalifiera l'association en société crée de fait15(*).

Cependant, la ligne de démarcation entre société et association a tendance, au fil du temps, à devenir de plus en plus floue. Il est très fréquent que des associations aient une activité économique (activité qui consiste à produire ou distribuer des biens et des services). Il arrive donc qu'elles réalisent des bénéfices (cette hypothèse est envisagée dans le budget prévisionnel d'exploitation du Cargo solidaire).

La réalisation de tels bénéfices n'est pas interdite, c'est leur partage entre les membres de l'association qui l'est. Ces bénéfices devront être nécessairement réaffectés à la réalisation du but poursuivi par l'association ou mis en trésorerie.

Il arrive aussi que l'activité économique englobe également la réalisation d'actes de commerce. L'association, si elle ne veut pas se voir qualifiée de commerçante, devra accomplir ces actes de façon accessoire à son activité principale, et ces actes devront lui permettre de réaliser son objet statutaire. En effet, l'article 1er du Code de Commerce dispose que « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ». Les deux critères retenus ici (exercice habituel d'actes de commerce et exercice à titre professionnel) pourront trouver à s'appliquer à bien des associations, qui deviendront alors des associations commerçantes et se verront appliquer les règles du droit commercial : rien, dans la loi de 1901, n'interdit en effet à une association d'être commerçante.

On le voit, la frontière est souvent ténue entre l'association et la société. Différentes dans la théorie, elles se ressemblent plus qu'il n'y paraît au premier abord dans la pratique. En particulier, dans le cas du Cargo solidaire, le risque d'une dérive apparaît nettement. Il est aisé d'imaginer, à terme, une association fonctionnant comme n'importe quelle société, organisant des voyages et des affrètements en se servant d'une vague image « solidaire », et réalisant des bénéfices qu'elle partagerait entre ses différents membres. L'activité de l'association ne serait plus désintéressée et risquerait la requalification en société de fait.

Il faut garder intact l'esprit du projet voulu par les fondateurs : la construction et l'exploitation d'un navire dans un but désintéressé. Ce sont donc toute la particularité, toute la richesse, tout l'intérêt même du projet qui vont s'exprimer ici. On se trouve en présence de deux activités classiques du droit maritime : la construction et l'exploitation d'un navire, activités normalement tournées vers la réalisation de bénéfices. Ces deux activités vont être mises au service d'un objectif ambitieux : la pratique des solidarités, pratique garantie à la fois par le comité d'éthique et par l'article 2 des statuts de l'association.

Le problème qui se pose, qui sous tend alors toute cette réflexion est forcément axé sur cette originalité du projet. Toute la question, alors, est de savoir si la pratique des solidarités, véritable coeur du projet, conduit à envisager des solutions différentes de celles que l'on trouve classiquement. Quelles sont les spécificités dans la construction et l'exploitation du Cargo solidaire qui découleront de cette finalité première et nécessaire qu'est la pratique des solidarités ?

La réponse va être amenée en deux temps : tout d'abord (Titre I), en étudiant de l'origine à la construction un projet basé sur la pratique des solidarités. Comment, du financement à la fin du chantier, va-t-on réussir à combiner les règles classiques du droit maritime avec des règles innovantes qui reprendront les différents objectifs du projet ? Ensuite (Titre II), en concentrant la réflexion sur l'exploitation non lucrative mais économique d'un navire. Cette exploitation ne peut donc être tournée uniquement vers la réalisation de bénéfices. La garantie de l'esprit du projet exige même qu'elle se fasse dans un esprit strictement désintéressé. Mais elle sera aussi nécessairement économique, tout simplement parce qu'un budget équilibré sera nécessaire à l'association pour perdurer.

TITRE I 

DE L'ORIGINE A LA CONSTRUCTION DU NAVIRE :

UN PROJET BASE SUR LA PRATIQUE DES SOLIDARITES

Ce titre se subdivise aisément en deux chapitres. En effet, la première question qui va se poser à l'association « Le Cargo solidaire » est celle de savoir comment elle va pouvoir assurer le financement de la construction (chapitre I). Ensuite, il faut se demander comment mettre en oeuvre cette construction, tout en tenant compte des particularités que va induire la pratique des solidarités (chapitre II).

CHAPITRE I : LE FINANCEMENT DE LA CONSTRUCTION

Quel est le mode traditionnel de financement de la construction d'un navire ? Doit-il être utilisé dans le cas de la construction du Cargo solidaire ? Ou bien délaissé au profit d'un autre type de financement et pourquoi ?

La construction d'un navire coûte très cher, et il est rare que les entreprises disposent des fonds nécessaires. Ils vont les trouver près d'établissements financiers ou de crédit, souvent au moyen d'opérations de crédit bail ou leasing16(*). Ces derniers vont assurer leur remboursement en constituant une hypothèque sur le navire en construction, ou également en pratiquant l'affrètement coque-nue financier.

Il apparaît évident que ce type de financement ne peut pas être utilisé dans le cadre de la construction du Cargo solidaire, en raison, notamment, de la finalité même du projet (la pratique des solidarités). Le projet est mené par une association, qui n'a pas pour vocation de réaliser des bénéfices, contrairement à une société commerciale classique. Ses ressources ne sont pas celles des sociétés, celles du Cargo solidaire étant notamment constituées par des subventions et des cotisations. L'association ne peut pas encore compter sur la fourniture de prestations de services (excepté, durant la construction, sur l'argent rapporté par les visites du chantier, mais il faut pour cela que le chantier soit lancé). De plus, il est douteux que des établissements financiers ou de crédit acceptent de financer une telle construction, car les sommes en jeu sont énormes et une association n'offre évidemment pas les mêmes garanties de paiement qu'une société, dont le but est de faire du profit. Il va donc falloir dégager d'autres solutions, et ce sont elles précisément qui vont être étudiées dans la section I. Il faudra par ailleurs envisager les questions financières et fiscales particulières qui vont être liées à la gestion de ce financement dans une section II.

Section I : Le choix d'un mode de financement

Pour rester fidèle à l'esprit du projet, il va falloir avoir recours à des solutions différentes de celles proposées par le droit commun. Ces solutions devront permettre de garantir l'indépendance financière de l'association, être suffisantes pour que le projet soit mené à bien et permettre à tous d'y participer. Elles sont au nombre de trois : l'association mère avec éventuellement des structures filles (§1), le mécénat (§2), et la fondation (§3).

Ces structures permettront d'aller rechercher le financement nécessaire près d'organismes publics ou éventuellement privés. Le financement, suivant le budget prévisionnel établi par l'association, va être recherché près de la mairie de Nantes et de Nantes métropole (communauté d'agglomération), du Conseil Général, du Conseil Régional, de l'Etat, de l'Europe, et en organisant des conventions de mécénat17(*).

Le but, ici, va être de comparer les différentes solutions offertes par le droit afin de déterminer laquelle des trois solutions est la plus apte à permettre le meilleur financement possible du projet. Il faut également avoir conscience du fait que l'association, en sa forme actuelle, va probablement être amenée à évoluer.

§1 : L'association mère et ses structures filles

Le choix de la forme associative correspond parfaitement à l'esprit du projet, l'objectif n'étant ici pas de réaliser des bénéfices, mais de mettre en oeuvre la pratique des solidarités. Cependant, l'association simplement déclarée ne jouit que d'une demi-personnalité morale, qui l'empêche d'accomplir certains actes, peut-être nécessaires à la réalisation du projet, notamment recevoir des dons et libéralités entre vifs ou testamentaires.

Quelles vont être les ressources de l'association qui vont permettre la construction du navire ? D'une façon générale, quelles sont les ressources dont l'association va pouvoir disposer conformément à la loi tout au long de son existence ?

Ces ressources sont prévues dans l'article 11 des statuts, mais rien ne s'oppose à ce qu'une modification statutaire élargisse cette liste, en restant bien évidemment conforme à la loi.

On opère une distinction entre les ressources internes et les ressources externes à l'association. Dans les premières, on trouve tout d'abord les cotisations. Celles-ci ne posent pas de problème particulier, mais ne constituent cependant qu'une part négligeable du financement du projet.

Ensuite, l'expression « vente de produits, de services ou de prestations fournies par l'association » mentionnée par les statuts est recouverte par l'expression plus générale d'activités économiques. On distingue l'activité économique, qui consiste à produire ou à distribuer des biens ou services, de l'activité commerciale, qui est l'accomplissement à titre habituel, d'actes de commerce.

L'exercice d'activités économiques par les associations est parfaitement possible, à la condition que cette activité soit développée dans le cadre d'un objet licite excluant tout partage de bénéfices entre les sociétaires18(*). Il est nécessaire, de plus, que ces activités économiques soient prévues dans les statuts. Cela ne semble poser aucun problème dans le cadre du Cargo solidaire, les statuts parlant expressément de construction et d'exploitation, activités économiques par nature.

Pour les activités économiques, certaines règles du droit des affaires trouveront à s'appliquer à l'association, entre autres : l'article L. 612-4 du Code de Commerce relatif au règlement amiable et à la prévention des difficultés des entreprises qui s'impose aux personnes morales exerçant des activités économiques au-delà d'un seuil de 150 000 euros ; les dispositions du Code de Commerce sur le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises ; certaines règles en matière de concurrence (l'association peut notamment faire l'objet d'une action en concurrence déloyale)...

Lorsque l'activité de l'association n'est plus seulement économique, mais commerciale (réalisation à titre habituel d'actes de commerce), certaines règles du droit commercial vont trouver à s'appliquer, et l'on pourra se poser la question de savoir si l'association doit rechercher la qualification de commerçante. En effet, certaines associations réclament cette qualification, qu'elles jugent avantageuse, parce qu'elle leur permet, par exemple, de récupérer la TVA ou encore d'obtenir le renouvellement d'un bail commercial.

L'association « Le Cargo solidaire » se situe a minima dans le domaine de la para commercialité. Tout au long de son existence, l'association sera amenée à réaliser des actes de commerce classiques, comme les contrats de transport. Pourra-t-elle rechercher cette qualification ?

La Cour de Cassation admet traditionnellement qu'une association puisse effectuer des actes de commerce qui ne modifient en rien la nature civile du groupement à condition qu'ils ne soient qu'accessoires par rapport à l'objet statutaire de l'association et à condition que les bénéfices ne soient pas distribués aux membres. Lorsque les actes de commerce sont réalisés de façon habituelle, la question est plus épineuse. La Cour de Cassation renâcle à reconnaître la qualité de commerçant aux associations, et se contente, dans les espèces dont elle a eu connaissance, d'appliquer ou de refuser d'appliquer certaines règles du droit commercial (comme le statut des baux commerciaux, les règles de preuve en matière commerciale, la compétence des tribunaux de commerce...). De façon générale, pour qu'une association soit commerçante, il faut qu'elle exerce son activité commerciale à titre principal, que cette activité revête un caractère spéculatif répété et prime l'objet statutaire.

Il semble difficile ici de rechercher la qualification de commerçant, ne serait-ce que parce que l'activité commerciale ne prime pas l'objet statutaire, mais est bien mise au service de sa réalisation à travers la pratique des solidarités. L'activité économique de l'association est indiscutable, son activité commerciale aussi, mais rien ne prouve qu'être commerçant conférerait de plus grands avantages à l'association pour assurer le financement du projet. Au contraire, il semble même que cela l'écarterait de la possibilité d'obtenir un certain nombre d'aides. Il faut aussi souligner que l'association, qui ne jouit que d'une demi-personnalité morale, ne bénéficie pas de toutes les prérogatives d'une société en la matière. A ce titre, il apparaît judicieux de confier la réalisation des actes de commerce à une structure « fille » de l'association, qui pourrait être une société. Les fondateurs du projet ont écarté l'idée quant à la construction du navire, qui sera menée par l'association elle-même. Mais c'est la solution qui est envisagée pour l'exploitation du navire et qui sera, à ce titre, développée dans le Titre II.

Cette filialisation est également une solution qui permettrait de soustraire les activités non commerciales aux impôts commerciaux qui pourront être exigés. Même si l'association n'est pas reconnue juridiquement commerçante, elle pourra l'être fiscalement et ainsi être soumise aux impôts commerciaux. L'administration fiscale utilise en effet d'autres critères que la Cour de Cassation pour juger de la qualification de commerçant19(*).

Voilà pour les ressources internes à l'association mentionnées dans les statuts. D'autres ressources peuvent également être envisagées, des ressources externes, qui ici, vont jouer un grand rôle dans le financement de la construction du navire. Sont mentionnés dans les statuts les dons manuels, parfaitement licites dans le cas des associations simplement déclarées. Il faut noter ici que les dons des établissements d'utilité publique sont également possibles20(*). La question des libéralités pose plus de problèmes.

Une association simplement déclarée ne peut, en effet, recevoir de libéralités entre vifs ou testamentaires. Une exception existe cependant, qui permettrait au Cargo solidaire de compléter utilement ses moyens de financement, pour les associations déclarées qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale. Dans ce cas, une demande d'acceptation de donation ou de legs est adressée au préfet du département du siège social de l'association. Cette demande entraîne une enquête administrative et certaines modifications statutaires. La décision d'autorisation est prise par décret en Conseil d'Etat21(*).

L'association peut également bénéficier de subventions, qui jouent une grande part dans le budget prévisionnel de construction du Cargo solidaire. Elle peut recevoir des subventions de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics. Il faudra pour cela qu'elle dépose une demande de subvention auprès de la collectivité. La décision d'octroi ou non relève du pouvoir discrétionnaire de la collectivité. Il faut noter qu'une collectivité territoriale ne peut accorder une subvention à une association que si l'activité de celle-ci présente un intérêt pour la collectivité, c'est-à-dire que si l'activité de l'association entre dans le champ d'action de la collectivité considérée. Les subventions peuvent être accordées en espèces ou en nature, et doivent être utilisées conformément à l'affectation prévue ou à l'objet social de l'association sous peine de reversement à la personne morale. Une association n'a pas le droit de faire bénéficier une autre association de tout ou partie de la subvention qui lui a été versée : cette condition semble mettre un frein à une filialisation sous la forme association mère- association fille.

Les subventions sont très encadrées par les pouvoirs publics et un grand nombre de conditions est posé pour leur octroi et leur utilisation. Notamment, des règles fiscales et comptables particulières vont être appliquées, qui seront développées plus bas.

Enfin, l'article 11 des statuts rappelle que les finances de l'association peuvent être constituées « de toute autre ressource qui ne soit pas contraire aux règles en vigueur ». Un grand nombre de ressources financières peuvent entrer dans cette catégorie : les apports en espèces ou en nature faits à l'association par un sociétaire (membre) ou un tiers, l'excédent des ressources annuelles (économies faites sur le budget annuel), les amendes éventuelles prononcées à l'encontre d'un sociétaire, les emprunts sous certaines conditions etc...

L'association est donc un bon mode de financement du projet, mais mal adapté, sous certains aspects, aux pratiques commerciales qui seront nécessaires pour réaliser l'objet statutaire. Faudra-t-il envisager une filialisation sous forme de société ?

§2 : Le mécénat

Un autre outil pourra être utilisé afin de rassembler le financement nécessaire à la construction du Cargo solidaire, un outil qui ne nécessitera pas la transformation de l'association en un autre type de groupement : il s'agit du mécénat22(*). Le budget prévisionnel de construction du navire prévoit le recours au mécénat pour un montant total de 9 736 000 euros, ce qui est considérable.

Le mécénat s'apparente à la subvention, mais dans le domaine privé : il permet de faire appel à des fonds privés, plus nombreux et plus souples d'accès que les fonds publics. Un arrêté du 6 janvier 1989 relatif à la terminologie économique et financière définit le mécénat comme étant « le soutien matériel apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire à une oeuvre ou à une personne pour l'exercice d'activités présentant un intérêt général ». Le mécénat est donc une forme de générosité désintéressée, qui se différencie du parrainage ou sponsoring (auquel le Cargo solidaire pourra également avoir recours !). Le parrainage est le soutien matériel apporté à une manifestation, à une personne, à un produit ou à une organisation en vue d'en retirer un bénéfice direct.

Le mécène va faire un don (une libéralité) à une association qui se situe en France et présente un intérêt général ; il n'attend pas de contrepartie financière ou autre. Mais cela suppose que l'association « Le Cargo solidaire » puisse recevoir des dons. On différencie quatre formes de mécénat : le mécénat financier (cotisations, subventions, apports en numéraire), le mécénat en nature (remise d'un bien, de marchandises en stock, exécution de prestations de services), le mécénat technologique (qui mobilise le savoir faire, le métier de l'entreprise au bénéfice de partenaires culturels ou du monde de la solidarité), et le mécénat de compétences (des salariés sont mis à disposition, par l'entreprise, de l'association, et continuent d'être rémunérés par leur entreprise d'origine). Le Cargo solidaire compte utiliser le mécénat financier et le mécénat de compétences pour financer la construction.

Mais l'association est-elle éligible au mécénat ? En admettant qu'elle puisse recevoir des dons comme association ayant pour but exclusif l'assistance ou la bienfaisance23(*), deux conditions restent posées : se situer en France et présenter un intérêt général. La première condition ne crée pas de difficultés : le siège de l'association est à Nantes. Pour la deuxième, il faut apprécier la notion d'intérêt général. La notion d'intérêt général est très floue en droit français. Il va falloir ici l'envisager du point de vue du droit fiscal.

En droit fiscal, la notion d'intérêt général s'apprécie à travers la prise en compte d'un certain nombre de critères. Tout d'abord, l'association ne doit pas fonctionner au profit d'un nombre restreint de personnes. Ensuite, elle ne doit pas exercer d'activité lucrative (c'est sur ce critère que sera nécessaire une filialisation ou une sectorisation des activités lucratives). Ensuite, elle doit avoir une gestion désintéressée, c'est-à-dire qu'elle doit être administrée à titre bénévole par des personnes qui, directement ou par personnes interposées, n'ont aucun intérêt dans les résultats de l'exploitation ; elle ne doit procéder à aucune distribution de bénéfices ; ses membres et leurs ayant-droits n'ont aucun droit à l'attribution d'une part quelconque de son actif, sauf pour le droit de reprise des apports. Enfin, l'activité de l'association ne doit pas concurrencer le secteur commercial dans des conditions de gestion similaire. Pour apprécier la non lucrativité, on prend en compte deux éléments : la gestion désintéressée et l'utilité sociale. Cette dernière découle de quatre notions (c'est la règle des 4 P) : l'association doit satisfaire un besoin peu ou pas pris en compte par les sociétés (produit), les prix que l'association propose doivent se distinguer des prix proposés par le marché ou être modulables en fonction des personnes (prix), l'activité de l'association doit bénéficier à des personnes justifiant l'octroi d'avantages particuliers au regard de leur situation économique et sociale (public) et l'association doit choisir le support de sa publicité et son contenu en tenant compte du public visé (publicité)24(*).

La question de savoir si le Cargo solidaire remplit toutes ces conditions reste posée et est soumise à l'appréciation de l'administration fiscale25(*). Association opérant dans le domaine économique, le Cargo solidaire va être amenée, sur bien des points, à se rapprocher davantage des sociétés qu'à s'en démarquer. Mais les originalités de ce projet fondé sur la pratique des solidarités sont telles qu'il est loisible de penser que la notion d'intérêt général va l'emporter, et c'est sur cette hypothèse que l'on va continuer.

Ensuite, il faudra adresser une demande de financement auprès d'un éventuel mécène : il s'agira très souvent d'une fondation. Les entreprises, en particulier, créent des fondations qui participent uniquement à des activités de mécénat26(*). Il n'existe pas de documents types pour effectuer la demande, mais il est recommandé d'envoyer les coordonnées exactes de l'association, les statuts, des renseignements concernant le bureau de l'association et le personnel de l'association, indiquer la compagnie d'assurances de l'association, ses activités, son bailleur si elle est locataire, un résumé des différentes manifestations organisées l'année précédente, quels sont les nouveaux projets mis en oeuvre avec leur descriptif, le bilan de l'année écoulée et le budget prévisionnel des projets. Si la demande est acceptée, il faudra conclure un contrat. Ce n'est pas obligatoire, il n'existe pas de contrat type, mais il est tout de même fortement conseillé d'inclure dans cet écrit : la durée de validité du contrat, le délai de versement des fonds ou de livraison du matériel, le régime fiscal s'appliquant à ces fonds, l'exclusivité ou non du mécénat, et une clause de résiliation.

Concernant le mécénat de compétences souhaité par l'association « Le Cargo solidaire », il est évident que c'est l'entreprise mécène qui reste employeur et assume donc toutes les charges financières et fiscales liées à cela.

L'association devra ensuite informer régulièrement le mécène de l'état d'avancement du projet et organiser à l'avance le travail commun. En effet, dans une certaine mesure, le mécène va pouvoir être autorisé à tirer un certain avantage de sa générosité « désintéressée ». Le mécénat est avant tout un excellent moyen de communication pour l'entreprise qui a crée la fondation mécène. Par exemple, le nom du mécène pourra être associé à celui de l'association (sous forme d'une simple mention). L'instruction fiscale du 26 avril 2000 autorise clairement l'existence de contreparties, à condition toutefois qu'il existe une disproportion marquée entre les sommes données et la valorisation de la prestation rendue (inférieure à 25 %).

L'intérêt, pour le mécène, va également être de pouvoir bénéficier d'une réduction d'impôts sur ses impôts commerciaux. En effet, l'article 238 bis du Code Général des impôts modifié par la loi du 1er août 2003 dispose qu'ouvrent droit à une réduction d'impôt égale à 60% de leur montant les versements en numéraire ou en nature, pris dans la limite de 5 pour 1000 du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel. Sur la base de l'hypothèse formulée plus haut, l'association « Le Cargo solidaire » rentre parfaitement dans cette catégorie. Il suffira qu'elle remette un reçu de don aux oeuvres à l'entreprise mécène pour que celle-ci puisse bénéficier de la réduction mentionnée plus haut.

Le mécénat peut être une ressource très appréciable pour le Cargo solidaire, car les entreprises disposent de moyens conséquents en la matière, qu'elles utilisent pour redorer leur image.

§3 : La fondation

Pour élargir encore les possibilités de financement du projet, une troisième solution a été envisagée, qui est la transformation de l'association en fondation. Aux termes de la loi du 23 juillet 1987, la fondation « est l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident de l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à une oeuvre d'intérêt général et à but non lucratif »27(*).

Il existe trois types principaux de fondations. Tout d'abord la fondation d'entreprise, mais celle-ci ne peut être crée par une association. Ensuite, la fondation abritée ou sous égide, que l'on va retrouver au sein de l'Institut de France, de la Fondation de France, ou d'une autre fondation abritante. Il ne semble pas qu'il s'agisse de la meilleure solution pour mener à bien le projet «  Le Cargo solidaire ». En effet, la fondation sous égide ne jouit pas de la personnalité morale. C'est la fondation abritante qui l'héberge qui gère son budget.

Le troisième type de fondation est la fondation reconnue d'utilité publique. C'est celle-là qui pourra être envisagée pour financer le Cargo solidaire.

Il faut ici rappeler quelques règles fondamentales relatives aux fondations reconnues d'utilité publique. Elles se différencient des associations en ce qu'elles ne comportent jamais de membres (et ne bénéficient donc pas des subventions comme mode de financement). Elles doivent bénéficier, au moment de leur création, d'un patrimoine qu'elles vont affecter à la réalisation de leur but. Pour obtenir la reconnaissance d'utilité publique, la dotation initiale doit être supérieure à un million d'euros. La procédure de reconnaissance d'utilité publique est assez longue : elle prend de quelques mois à deux ans. Il va falloir déposer un dossier de demande, qui va faire ressortir, entre autres, les buts que poursuivent les fondateurs, l'originalité de la fondation, le caractère généreux et/ou d'intérêt général des objectifs, les moyens financiers de l'institution sous forme d'une dotation initiale, les revenus dont elle disposera. En outre, un bilan prévisionnel concernant les trois premières années d'activité de la fondation est exigé. La demande va être examinée par le ministre de l'Intérieur, qui rendra sa décision après avis du Conseil d'Etat.

Une fois la fondation crée, elle va perdurer pour une durée illimitée, du fait du caractère irrévocable de l'affectation des fonds au but poursuivi : les fonds sont définitivement acquis par la fondation. La survie de la fondation échappe donc à la volonté de ses fondateurs.

Contrairement aux associations, la fondation n'a pas d'assemblée générale. Son fonctionnement est assuré par un conseil d'administration statutaire (solution la plus fréquemment retenue) ou par un conseil de surveillance avec directoire (formule mal connue, car récente, mais qui est certainement à retenir dans le cadre d'une fondation qui gère beaucoup d'argent). C'est donc toujours un organe collégial qui assure son fonctionnement.

Sur la composition de cet organe, deux possibilités existent. Soit l'organe collégial comprend des membres de droit incluant des représentants de l'Etat qui vont prendre les décisions au même titre que les autres membres. Dans ce cas, l'organe est généralement composé suivant la règle des trois tiers : un tiers de membres nommés par le fondateur (l'association « Le Cargo solidaire »), un tiers de membres représentant l'Etat et un tiers de personnes qualifiées (pour garantir l'indépendance de la fondation vis-à-vis du fondateur). Soit aucun représentant de l'Etat n'est nommé, et dans ce cas, un commissaire du gouvernement va surveiller l'activité de la fondation.

Les fondations ont l'obligation d'établir des comptes annuels.

L'intérêt de la constitution d'une fondation reconnue d'utilité publique va être d'élargir les possibilités de financement. Une fondation peut recevoir des subventions publiques ou privées, des dons et legs, faire appel à la générosité publique, vendre des produits liés à son objet, être propriétaire d'immeubles de rapport, même si ces immeubles ne concernent pas directement l'objet de la fondation, et placer librement ses capitaux mobiliers disponibles. En outre, la reconnaissance d'utilité publique permet d'assurer la déductibilité des dons pour le donateur. L'article 238 bis du Code Général des impôts dispose en effet qu' « ouvrent droit à une réduction d'impôts égale à 60% de leur montant les versements, pris dans la limite de 5 pour 1000 du chiffre d'affaires, effectués par les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés au profit : [...]b) de fondations ou d'associations reconnues d'utilité publique [...] ». Pour les particuliers, l'article 200 du Code Général des impôts précise qu' « ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66% de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus et de produits, effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, au profit : a) de fondations ou d'associations reconnues d'utilité publique [...] ».

La fondation présente donc l'avantage certain de permettre une meilleure collecte des fonds destinés à financer le projet. Il faut noter que la plupart des groupements s'intéressant aux associations, fondations et mécénat recommandent à leurs donateurs de n'effectuer leurs dons qu'à des fondations ou à des associations reconnues d'utilité publique. Cela se comprend, car dans le cas de la fondation, le contrôle de l'Etat par le biais du commissaire du gouvernement permet d'assurer le respect de l'objet de la fondation. Ce système pourrait être un garde-fou utile dans le cadre de l'exploitation du Cargo solidaire.

La fondation offre en outre l'avantage d'une grande souplesse de fonctionnement, la possibilité de prendre des décisions rapidement sans avoir à passer par une assemblée générale, et jouit d'une excellente image près du public. C'est définitivement une possibilité d'évolution à envisager sérieusement pour l'association « Le Cargo solidaire ».

Section II : Les questions financières et fiscales liées à la construction du navire

Préalablement au lancement de la construction du navire, plusieurs questions d'ordre financier et comptable doivent nécessairement être soulevées. Quelle que soit la forme choisie pour assurer le financement du projet, des contraintes vont s'appliquer au groupement, contraintes qui diffèrent de celles applicables aux sociétés classiques. Il faudra s'interroger d'abord sur la tenue d'une comptabilité (§1), avant d'envisager la gestion financière et fiscale de la main d'oeuvre (§2) et de la fourniture de choses (§3).

§1 : La tenue d'une comptabilité

La tenue d'une comptabilité, même sommaire, est nécessaire dans toutes les associations. La loi n'impose aucune obligation de ce genre pour les associations simplement déclarées qui ne reçoivent pas de subventions et qui ne sont soumises par les textes à aucun contrôle particulier, mais il est évident qu'il faudra dans tous les cas justifier de l'affectation des fonds de l'association.

Dans le cas du Cargo solidaire, la tenue d'une comptabilité va être obligatoire, quelle que soit la situation dans laquelle on va se trouver. En effet, les associations qui se livrent à une activité économique doivent tenir une comptabilité susceptible de justifier de l'exactitude des résultats déclarés28(*). Lorsque certaines conditions sont remplies, ces associations vont être tenues d'établir des comptes annuels (un bilan, un compte de résultat et une annexe) et de désigner au moins un commissaire aux comptes et un suppléant. Ces conditions sont au nombre de trois, et il suffit que l'une d'entre elles soit remplie. Tout d'abord, il faut qu'au mois 50 salariés soient liés à l'association par un contrat de travail à durée indéterminée. Ou bien que le montant hors taxes (HT) du chiffre d'affaires ou des ressources soit supérieur ou égal à 3 100 000 euros. Ou encore que le total du bilan (somme des montants nets des éléments d'actif) soit supérieur ou égal à 1 550 000 euros. A première vue, il apparaît que la troisième condition sera remplie par l'association et nécessitera donc l'établissement de comptes annuels.

Ces comptes annuels seront établis selon les principes et méthodes comptables définis au Code de commerce, sous réserve des adaptations que rend nécessaires la forme juridique ou l'activité de l'association. Ces adaptations ont été visées par la création d'un plan comptable des associations et des fondations29(*), devenu obligatoire depuis le 1er janvier 2000. Ce plan comptable devra être utilisé par l'association « Le Cargo solidaire ».

Une autre catégorie d'association devra tenir une comptabilité comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe, et devra également désigner un commissaire aux comptes : il s'agit des associations ayant reçu de l'Etat, des collectivités locales ou établissements publics des subventions d'un montant égal ou supérieur à 150 000 euros. Il semble bien que l'association « Le Cargo solidaire » ne pourra en aucun cas échapper à cette obligation ni à la nomination d'un commissaire aux comptes.

Cela se comprend aisément. Il faut établir la position active ou passive de l'association, et montrer l'usage qui est fait des fonds qui lui sont versés, notamment vis-à-vis des tiers.

Dans le cas particulier de la fondation, ou encore si l'association, même non reconnue d'utilité publique, peut recevoir des libéralités, ou dans le cas où des dons sont versés par des personnes physiques ou morales et ouvrent droit, au bénéfice des donateurs à un avantage fiscal au titre de l'impôt sur le revenu30(*) ou de l'impôt sur les sociétés31(*), les obligations s'alourdissent. En effet, dans les trois cas, les dons ouvrent droit à un avantage fiscal : la réduction d'impôts. Le groupement devra donc assurer la publication et la certification de ses comptes annuels au dessus d'un montant de dons de 153 000 euros par an. L'association « Le Cargo solidaire » misant sur un mécénat à hauteur de 1 217 000 euros par an, elle sera tenue de s'acquitter de cette obligation, qui d'ailleurs se comprend très facilement. Elle a pour but de permettre aux donateurs de vérifier si les fonds par eux donnés sont correctement employés.

La publicité des comptes peut être faite par tout moyen, comprenant l'affichage, la publication, la diffusion sur Internet, etc... La Cour des Comptes, quant à elle, contrôlera la conformité entre les objectifs du groupement (association ou fondation) et les dépenses financées par ces dons32(*).

Au vu de ces obligations très lourdes, il n'est que trop recommandé à l'association de s'occuper le plus rapidement possible de l'établissement d'une comptabilité33(*).

§2 : La gestion financière et fiscale de la main d'oeuvre

On peut distinguer ici différentes catégories de main d'oeuvre qui vont concourir à la construction du Cargo solidaire : les salariés de l'association, les dirigeants, les personnes mises à la disposition de l'association par le biais du mécénat de compétence, les bénévoles, les personnes en réinsertion professionnelle ou en formation. Leur régime financier et fiscal diffère.

Pour pouvoir bénéficier de la mention « organisme d'intérêt général » et des avantages qui en découlent, l'association « Le Cargo solidaire » doit avoir une gestion désintéressée. A ce titre, la rémunération des dirigeants est possible, mais seulement si elle n'atteint pas les trois quart du SMIC.

Pour les bénévoles, la réponse est simple : ceux-ci exercent une activité désintéressée et ne sont pas rémunérés. Il n'y a donc pas de questions financières et fiscales particulières dans ce cas. C'est la même chose pour le mécénat de compétence : la personne mise à la disposition de l'association par le mécène reste employée de l'entreprise où il travaille.

La question est plus épineuse pour les salariés de l'association. Dès que cette dernière deviendra employeur (même d'une seule personne), elle devra effectuer un certain nombre de démarches près de l'URSSAF. Ces démarches ont été simplifiées grâce à la déclaration unique d'embauche (DUE), qui permet de faire la déclaration d'immatriculation de l'association employeur lors de la première embauche, la demande d'immatriculation du salarié au régime général de la sécurité sociale lorsque celui-ci occupe pour la première fois un emploi salarié, la déclaration permettant d'obtenir l'exonération des cotisations patronales pour l'embauche du premier salarié. L'association va alors être inscrite au répertoire national des entreprises et de leurs établissements « SIREN » et va se voir attribuer un numéro national d'indentification qui lui servira dans toutes ses relations avec les organismes sociaux.

Outre le salaire versé au salarié, l'association va devoir s'acquitter de toutes les cotisations sociales qui pèsent sur les employeurs. Ainsi, elle va devoir s'acquitter des cotisations de sécurité sociale qui sont perçues par les URSSAF. Dans ces dernières, on retrouve l'assurance maladie maternité, qui couvre les risques de maladie, maternité, invalidité ou décès. Elle est répartie entre l'employeur (12,8%) et le salarié (0,75%) et est prélevée sur la totalité du salaire. Ensuite, l'assurance vieillesse, également partagée entre le salarié et l'employeur, l'assurance accidents du travail, qui est à la charge exclusive de l'employeur et dont le montant sera fixé au cas par cas, et la cotisation d'allocations familiales, représentant 5,4% de la totalité du salaire, à la charge exclusive de l'employeur. D'autres prélèvements sont prévus : la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) sont à la charge exclusive du salarié34(*). Puis, il faudra cotiser aux ASSEDICS (taux global de 6,40%, 4% à la charge de l'employeur et 2,40 % à la charge du salarié). Il faut ajouter la cotisation logement (0,10% du salaire), la cotisation transport (applicable dans certains cas seulement), et la cotisation solidarité autonomie (0,30%), toutes les trois à la charge de l'employeur. Des cas d'exonération sont prévus par divers textes de lois35(*). L'affiliation à un régime de retraite complémentaire étant obligatoire, l'association employeur devra cotiser pour partie à ce régime pour le compte de son salarié. Enfin, d'autres taxes existent, que l'association devra payer : la participation à la formation professionnelle continue, la participation à l'effort de construction et la taxe sur les salaires36(*).

Il faut rappeler ici l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale : « pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées au travailleur en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire ».

On le voit, la gestion de la main d'oeuvre est particulièrement compliquée. La réglementation est très riche dans le domaine, et il faudrait que l'association embauche un comptable pour établir les fiches de paie. De plus, le législateur, afin de simplifier les emplois dans le milieu associatif, a mis en place le chèque emploi associatif (qui s'adresse aux petites associations sans but lucratif employant trois personnes au plus et pourrait donc être utilisé par le Cargo solidaire à ses débuts)37(*).

Pour les personnes mises à la disposition de l'association par des organismes de formation ou de réinsertion, la question est plus aisée. L'association « Le Cargo solidaire » met simplement à la disposition de ces organismes le chantier de construction et ne sera en aucun cas employeur. Elle établira des contrats de sous traitance et se chargera de payer 20% du salaire.

§3 : La gestion financière et fiscale de la fourniture de choses

Le terme « choses » recouvre une variété quasi infinie de possibles. C'est pourquoi, dans ce paragraphe, il va être difficile d'être exhaustif.

L'association va pouvoir acquérir des biens à titre onéreux. On divise cette catégorie en deux : les achats et les apports. L'association, même simplement déclarée, peut acheter toute espèce de biens : meubles, fonds de commerce, clientèle, droit au bail, valeurs mobilières, immeubles et terrains. Toutefois, en matière d'immeubles, les associations simplement déclarées ne peuvent être propriétaires que du local destiné à l'administration de l'association et à la réunion de ses membres ou des immeubles strictement nécessaires à l'accomplissement du but poursuivi. Toute acquisition ou vente d'immeuble devra être déclarée dans les trois mois à la préfecture ou à la sous préfecture qui a reçu la déclaration originaire de l'association. Ces restrictions s'appliqueront à l'association « Le Cargo solidaire », sauf si elle évolue en fondation ou obtient la reconnaissance d'utilité publique.

Des apports vont également pouvoir être faits à l'association. Ces apports peuvent être effectués par des sociétaires ou par des tiers au moment de la constitution de l'association ou en cours d'exercice. Les apports consistent dans la transmission par l'apporteur à l'association, de la propriété d'un bien indispensable à son fonctionnement, l'apporteur pouvant se réserver de le reprendre à la dissolution, soit lui-même, soit, s'il est décédé, ses héritiers. Aucun droit de mutation n'est perçu pour les apports mobiliers, à moins qu'il ne s'agisse d'un fonds de commerce, d'une clientèle, ou d'un droit au bail.

Pour les apports immobiliers, la question est plus complexe. Aucun apport immobilier n'a été fait lors de la constitution de l'association. Il convient alors de s'intéresser à la fiscalité des apports immobiliers ou de droits immobiliers effectués au cours de la vie sociale. Dans ce cas, s'ils sont consentis par une personne morale passible de l'impôt sur le revenu, ils sont soumis à un droit de mutation de 5% auquel s'ajoute un prélèvement de 2,50% pour frais d'assiette et de recouvrement.

Les apports à titre onéreux (moyennant une contrepartie financière) de biens mobiliers vont être soumis aux droits de mutation ordinaires selon leur nature.

Il faut également s'intéresser à la fiscalité des dons. Les dons manuels sont exonérés de droits de mutation ou d'enregistrement. Pour les organismes d'intérêt général mentionnés à l'article 200 du CGI (catégorie dans laquelle pourrait rentrer l'association « Le Cargo solidaire »), les dons manuels sont également exonérés de droit de donation, même lorsqu'ils sont déclarés par le donateur dans un acte soumis à enregistrement ; ils font l'objet d'une reconnaissance judiciaire ; ils sont révélés par le donateur à l'administration.

Enfin, les dons et legs consentis aux organismes qui poursuivent un but exclusif d'assistance et de bienfaisance ou consentis aux établissements d'utilité publique sont exonérés de droits de donation38(*).

Un certain contrôle va être exercé sur les associations par l'administration en matière fiscale. Les associations simplement déclarées vont devoir révéler à l'administration les acquisitions immobilières et les dons et legs qui ont pu leur être faits. Les associations subventionnées vont être soumises à un nombre plus important de contrôles concernant l'emploi de ces subventions. Notamment, outre la tenue d'une comptabilité et la communication du budget et des comptes à la personne morale qui a accordé la subvention, les associations subventionnées vont devoir faire vérifier l'utilisation des subventions par les comptables supérieurs du Trésor et de l'inspection générale de l'administration et seront soumises au contrôle de la Cour des Comptes39(*). De plus, les associations recevant des subventions vont également être soumises au contrôle de l'Inspection générale des finances40(*).

La question de savoir si l'association « Le Cargo solidaire » va être soumise aux impôts commerciaux (TVA, impôt sur les sociétés, taxe professionnelle) sera traitée dans le Titre II. Elle est directement en relation avec l'exploitation du navire et déterminera en partie le choix du groupement qui exploitera le navire.

CHAPITRE II : LA CONSTRUCTION DU NAVIRE

Deux problèmes bien distincts vont se poser ici : tout d'abord, le choix de la structure chantier et le contrat de construction navale (section I) ; ensuite, il faudra éclaircir la nature des relations juridiques entre la structure chantier et les différents acteurs que l'on va pouvoir retrouver sur un chantier de construction navale basé sur la pratique des solidarités (section II).

Section I : Association et structure chantier : du choix de la forme au contrat de construction

Il s'agit ici de savoir s'il faut prévoir une structure chantier différente de l'association « Le Cargo solidaire » (§1). Ensuite, il faudra préciser les modalités de construction, éventuellement dans un contrat (§2), avant d'examiner les spécificités que vont amener dans cette construction l'utilisation des normes HQE et l'organisation de voyages pour les personnes handicapées (§3).

§ 1 : Le choix de la structure chantier

La question est posée de savoir s'il est nécessaire de créer une structure chantier différente de l'association « Le Cargo solidaire » afin de mener à bien la construction du navire.

Le droit maritime français distingue deux modes de construction : la construction à l'économie, dans laquelle l'armateur est également la structure chantier, et la construction à l'entreprise ou au forfait, par laquelle l'armateur délègue la construction du navire à un chantier de construction navale. La deuxième solution, appliquée au cas du Cargo solidaire, conduirait à mettre sur pied une structure différente de l'association pour mener à bien la construction : une autre association, une société... Cela permettrait à l'association de ne pas être à la fois juge et partie et d'échapper, s'il y a lieu, aux impôts commerciaux.

Cependant, une association ne peut pas reverser tout ou partie de ses subventions à une autre association. Ce qui serait possible dans le cadre d'une fondation ne l'est pas ici (du moins tant que l'association « Le Cargo solidaire » n'est pas transformée en fondation). Cela poserait un frein trop important à la réalisation du projet pour permettre de mettre en place une structure « association mère- association fille ».

De plus, il est douteux que la construction du Cargo solidaire soit taxée au titre des impôts commerciaux. Et il faut ajouter que les fondateurs ont décidé que la construction serait effectuée par l'association elle-même !

§2 : Le contrat de construction et la question de la catégorie du navire

Il n'y aura donc pas de contrat de construction puisque la construction du navire se fait à l'économie. Cependant, il sera toujours nécessaire de déterminer les règles appliquées pour la construction. Il faut savoir qu'une fois sur deux la construction d'un navire se termine mal. Il faut donc établir soigneusement toutes les règles qui seront utilisées.

Pour cela, on peut se servir de ce qui est établi classiquement dans un contrat de construction au forfait et établir un parallèle. Le contrat de construction définit les règles appliquées pour la construction. Chaque morceau de la coque sera vérifié au fur et à mesure de la construction par le Bureau Veritas. Un cahier des charges est défini, que l'on appelle la spécification technique. Il détermine ce qui est du ressort du chantier et ce qui est du ressort de l'armateur. Ce ne sera donc pas nécessaire ici, mais il faudra tout de même établir ce qui sera du ressort de l'association et ce qui sera du ressort des travailleurs indépendants et des différents chantiers de formation et de réinsertion.

Les plans, quant à eux, doivent être approuvés par la société de classification (le Bureau Veritas) avant leur mise en oeuvre. Si l'on part de l'hypothèse que le navire sera exploité sous pavillon français, le règlement français s'appliquera. L'association devra ensuite payer le Bureau Veritas, à moins qu'il n'accepte d'accomplir cette tâche à titre bénévole.

Quelles vont être les différentes réglementations qui vont donc s'appliquer à la construction du Cargo solidaire ? Ce sont essentiellement des prescriptions en matière de sécurité qui vont s'appliquer. Tout d'abord, on retrouve la convention SOLAS (Safety Of Life At Sea) du 1er novembre 1974, transposée en droit français par la loi du 5 juillet 198341(*) et son décret d'application du 30 août 198442(*). Un arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité maritime vient compléter ce dispositif et met en place le règlement français. Ce règlement comporte plusieurs divisions qui contiennent des prescriptions différentes selon la catégorie du navire.

Le Cargo solidaire est susceptible d'entrer dans trois catégories : celle de navire de charge de plus de 500 tonneaux de jauge brute (sa jauge brute est de 2598), celle de navire à passagers en navigation internationale et celle de navire spécial. Pour les deux premières catégories, c'est la division 221 du règlement français43(*) intitulée « navires à passagers effectuant des voyages internationaux et navires de charge de jauge brute égale ou supérieure à 500 » qui est pertinente. La réglementation « navire à passagers » va s'appliquer ici, car c'est la réglementation la plus contraignante, plus contraignante même que celle de navire de charge.

Le Cargo solidaire peut également tenter de rentrer dans la catégorie « navire spécial », prévue par la division 234 du règlement français. Les navires spéciaux sont, entre autres, les navires affectés à la formation du personnel maritime, les navires affectés aux recherches, expéditions, levées (comme les navires de l'IFREMER), les navires usines qui ne se livrent pas à la pêche, les navires équipés pour le traitement d'autres ressources biologiques de la mer qui ne se livrent pas à la pêche, et les navires qui peuvent rentrer dans cette catégorie après avis de la commission de sécurité compétente. Dans ce cas, les passagers seront considérés comme des membres d'équipage bénévoles au sein d'une association caritative. De plus, il y aura moins de règles contraignantes en matière de construction. Les fondateurs envisagent sérieusement de faire entrer le navire dans cette catégorie.

D'autres textes vont également être obligatoires : la division 431 du règlement français sur la sécurité des conteneurs, la convention sur les lignes de charge du 5 avril 1966. Il faut noter également que la convention SOLAS est une convention a minima et que chaque état partie peut prévoir des règles plus contraignantes : c'est le cas de la Norvège, pour les règles relatives au sauvetage. Si les membres de l'association prévoient d'aller aux Etats-Unis, il faudra prendre en compte la législation américaine, plus lourde que la législation française, pour pouvoir accoster dans un port américain.

De plus, le Cargo solidaire étant un navire mixte transport de passagers et fret, il va falloir délimiter les deux zones relevant de chaque utilisation et ne pas les mélanger.

§3 : Les spécificités liées aux normes HQE et à l'organisation de voyages pour les personnes handicapées

Tous les navires à passagers effectuant une navigation internationale ou nationale de transports publics44(*) sont tous tenus d'être équipés pour permettre un accès à leur bord des personnes handicapées.

En l'espèce, le texte applicable va être le projet de division 190 du règlement maritime français. Ce projet, mis en circulation par la Commission Centrale de sécurité depuis le 8 mars 2007, est déjà utilisé par tous les bureaux d'études pour la conception des navires. C'est donc à celui-là qu'il faudra se référer.

Ce règlement prévoit que le navire est aménagé pour que les personnes à mobilité réduite puissent accéder à tous les espaces publics autorisés d'accès aux autres passagers. Le nombre de cabines accessibles aux personnes en fauteuil roulant devra être de deux minimum pour au maximum cinquante cabines passagers à bord. Le projet prévoit d'embarquer 48 passagers, dont 16 à mobilité réduite. Il faudra penser à aménager le nombre nécessaire de cabines (en réalité, les cabines étant prévues pour plusieurs personnes, elles devront presque toutes être accessibles aux handicapés).

Il faudra se référer soigneusement à la Division 190 pour toutes les phases de la construction du navire. Il existe, par exemple, des normes pour régler l'intensité de la lumière à bord ou pour savoir quelles couleurs peuvent être utilisées pour décorer le navire. Sera ensuite délivré un certificat d'accessibilité pour navire à passagers qui prouvera la conformité de la construction aux normes de la Division 190.

Passant de la conception à la construction du Cargo solidaire, il faut s'interroger sur l'utilisation des normes HQE sur le chantier de construction et le navire lui-même. Il n'existe pas de lois prévoyant le recours à la Haute Qualité Environnementale. La HQE est une norme, supposant une démarche, et permettant d'obtenir une certification. Avant toute autre chose, il s'agit d'une démarche de gestion de projet. Elle est principalement appliquée dans le domaine de l'urbanisme et de la construction.

La structure chantier va se trouver face à quatorze cibles de la qualité environnementale. Elle devra choisir, parmi ces cibles, les trois ou quatre qui lui semblent les plus importantes sur lesquelles elle concentrera un maximum d'efforts. Puis, elle choisira quatre ou cinq autres cibles qui bénéficieront d'un traitement approfondi. Enfin, les cibles restantes devront être traitées de façon correcte, au minimum conformes à la réglementation en vigueur ou aux bonnes pratiques. C'est donc une hiérarchisation des objectifs.

Voici les quatorze cibles HQE45(*) :

Les cibles d'écoconstruction :

Les cibles d'écogestion :

Cible n°1 « Relation harmonieuse des bâtiments avec leur environnement immédiat » :

- utilisation des opportunités offertes par le voisinage et le site ;
- gestion des avantages et désavantages de la parcelle ;
- organisation de la parcelle pour créer un cadre de vie agréable ;
- réduction des risques de nuisances entre le bâtiment, son voisinage et son site.

Cible n°4 « Gestion de l'énergie » :

- renforcement de la réduction de la demande et des besoins énergétiques ;
- renforcement du recours aux énergies environne mentalement satisfaisantes ;
- renforcement de l'efficacité des équipements énergétiques ;
- utilisation de générateurs propres lorsqu'on à recours à des générateurs à combustion.

Cible n°2 « Choix intégré des procédés et produits de construction » :

- adaptabilité et durabilité des bâtiments ;
- choix des procédés de construction ;
- choix des produits de construction.

Cible n°5 « Gestion de l'eau » :

- gestion de l'eau potable ;
- recours à des eaux non potables ;
- assurance de l'assainissement des eaux usées ;
- aide à la gestion des eaux pluviales.

Cible n°3 « Chantier à faibles nuisances » :

- gestion différenciée des déchets de chantier ;
- réduction du bruit de chantier ;
- réduction des pollutions de la parcelle et du voisinage ;
- maîtrise des autres nuisances de chantier.

Cible n°6 « Gestion des déchets d'activités » :

- conception des dépôts de déchets d'activités adaptée aux modes de collecte actuel et futur probable ;
- gestion différenciée des déchets d'activités, adaptée au mode de collecte actuel.

Cible n°7 « Entretien et maintenance » :

- optimisation des besoins de maintenance ;
- mise en place de procédés efficaces de gestion technique et de maintenance ;
- maîtrise des effets environnementaux des procédés de maintenance.

Les cibles de création d'un environnement intérieur satisfaisant

Les cibles de confort :

Les cibles de santé:

Cible n°8 « Confort hygrothermique » :

- permanence des conditions de confort hygrothermique ;
- homogénéité des ambiances hygrothermiques ;
- zonage hygrothermique.

Cible n°12 « Conditions sanitaires » :

- création de caractéristiques non aériennes des ambiances intérieures satisfaisantes ;
- création des conditions d'hygiène ;
- facilitation du nettoyage et de l'évacuation des déchets d'activités ;
- facilitation des soins de santé ;
- création de commodités pour les personnes à capacités réduites.

Cible n°9 « Confort acoustique » :

- correction acoustique ;
- isolation acoustique ;
- affaiblissement des bruits d'impacts et d'équipements ;
- zonage acoustique.

Cible n°13 « Qualité de l'air » :

- gestion des risques de pollution par les produits de construction ;
- gestion des risques de pollution par les équipements ;
- gestion des risques de pollution par l'entretien ou l'amélioration ;
- gestion des risques de pollution par le radon ;
- gestion des risques d'air neuf pollué ;
- ventilation pour la qualité de l'air.

Cible n°10 « Confort visuel » :

- relation visuelle satisfaisante avec l'extérieur ;
- éclairage naturel optimal en termes de confort et de dépenses énergétiques ;
- éclairage artificiel satisfaisant et en appoint de l'éclairage naturel.

Cible n°14 « Qualité de l'eau » :

- protection du réseau de distribution collective d'eau potable ;
- maintien de la qualité de l'eau potable dans les bâtiments ;
- amélioration éventuelle de la qualité de l'eau potable ;
- traitement éventuel des eaux non potables utilisées ;
- gestion des risques liés aux réseaux d'eaux non potables.

Cible n°11 « Confort olfactif » :

- réduction des sources d'odeurs désagréables ;
- ventilation permettant l'évacuation des odeurs désagréables.

Lorsque cette démarche aura été mise en place, il faudra s'adresser à AFNOR certification (Association Française de normalisation, qui certifie les normes), pour qu'elle puisse certifier HQE le chantier et le navire, ce qui garantira la réalisation de deux des objectifs du projet : la promotion de l'écologie et l'innovation, puisqu'aucun navire n'a jamais été certifié HQE.

Mais d'autres moyens sont possibles pour optimiser l'aspect écologique du projet. L'OMI (Organisation Maritime Internationale), en 2003, a adopté une résolution mettant en place un passeport vert46(*). Concerné par le problème du recyclage des navires, l'OMI a mis en place des mesures permettant de connaître l'existence d'éventuels matériaux dangereux dans la construction et d'éviter ainsi l'exposition des travailleurs à ce type de substances. Le passeport vert fournit des renseignements au sujet des matières et matériaux potentiellement dangereux et utilisés dans la construction du navire, de son armement ou de ses systèmes. Ce document devra être conservé et actualisé tout au long de la vie du navire, avant d'être remis à l'entreprise de recyclage. La même résolution préconise la réduction maximale de ce type de matériaux.

Enfin, pour optimiser au maximum l'objectif écologique, il est recommandé d'utiliser les marques CLEANSEA et CLEANSEA SUPER lors de la conception et de l'exploitation du Cargo solidaire. Ces marques sont ce qui se fait de mieux actuellement en matière de protection de l'environnement. Elles dépassent les normes de l'OMI en termes d'exigences, et mettent en place un système complexe d'épuration des eaux usées, visant à limiter au maximum les rejets en mer. Les déchets secs sont obligatoirement traités à terre. Ce sont les sociétés de certification qui apposent ces marques (ici, le Bureau Veritas). La marque CLEANSEA SUPER impose plus d'exigences que la marque CLEANSEA. Elle est très fréquemment utilisée en Norvège.

Section II : Les relations entre la structure chantier et les différents acteurs d'un chantier de construction navale basé sur la pratique des solidarités

La spécificité du projet (mettre en oeuvre la pratique des solidarités) va conduire à l'établissement de relations particulières entre l'association et les acteurs qui vont intervenir sur le chantier de construction. Les cas de figure vont être plus nombreux que sur un chantier classique. Outre les contrats d'embauche et de sous traitance (§2), on va voir intervenir des bénévoles (§3). Mais tout d'abord, il convient d'examiner les spécificités qui vont être induites par l'objectif de réinsertion par la formation professionnelle (§3).

§1 : L'objectif de réinsertion par la formation professionnelle

Comme il a déjà été précisé dans l'introduction, l'un des objectifs du projet « Le Cargo solidaire » est de permettre la formation et la réinsertion d'un certain nombre de personnes. C'est la valorisation de l'être humain par le travail qui est ici recherchée.

Les chantiers de construction et de restauration navale organisés par le monde associatif sont un outil souvent utilisé pour permettre la formation ou la réinsertion. On peut citer, par exemple, le cas de l'association Amerami qui, en Basse-Normandie, a récemment achevé la restauration du « Déhel », navire traditionnel classé monument historique. 1 500 heures de formation ont été financées sur ce chantier, pour permettre à 16 jeunes d'acquérir un savoir faire.

Le chantier du Cargo solidaire va être mis à la disposition de divers organismes afin de permettre la formation et la réinsertion. On va trouver tout d'abord des organismes d'insertion, comme l'association nantaise ATAO, qui a pour objet l'insertion sociale et professionnelle de personnes en situation de précarité et d'exclusion. Cette association s'occupera notamment du domaine de la métallerie. Dans le domaine du bois, on peut citer l'association OSER. Des organismes de formation vont également intervenir. Entre autres, l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), les lycées d'enseignement professionnel de la région, et les instituts universitaires de technologie (IUT).

Le budget prévisionnel de construction prévoit que 756 000 heures seront attribuées au personnel en formation et/ou en insertion. Ce personnel ne sera pas rémunéré par l'association, qui ne sera pas employeur. Des contrats de sous traitance vont être mis en place47(*), et une partie des rémunérations sera prise en charge par les institutions (à hauteur de 80%), tandis que l'association « Le Cargo solidaire » contribuera à hauteur de 20% et fournira les matériaux nécessaires à la réalisation de l'objet.

Il faut distinguer deux types de situations. Tout d'abord, lorsqu'on se trouve dans le cadre de la formation. Dans ce cas, si les personnes concernées restent sur leur site habituel d'enseignement, un accord de type « convention » ou portant sur la réalisation d'un objet sera passé. Si la formation a lieu sur le site même du Cargo solidaire et qu'un professeur est présent, on se retrouve dans la situation décrite précédemment. Par contre, si le professeur est absent, il faudra passer une convention de stage. Comme on se trouve dans le cadre de la formation, on va considérer qu'il s'agit de stages obligatoires. Ils vont faire l'objet d'une convention dite « de stage obligatoire » entre l'établissement de formation et l'employeur, qui n'a pas en principe à verser de rémunération, mais peut verser une gratification.

Si la gratification n'excède pas 30% du SMIC et que le stagiaire est couvert par l'établissement d'origine en matière d'accidents du travail, l'employeur n'a pas à verser de cotisations sociales. Il le fera si :

- la couverture « accidents du travail » n'est pas assurée par l'établissement d'enseignement48(*) ;

- les sommes versées et les avantages en nature dépassent 30% du SMIC49(*).

Dans le cadre de l'insertion, l'encadrement se fait par l'organe d'insertion présent et la personne se trouve sous sa responsabilité. L'association passe alors une convention avec l'organe d'insertion, comme elle met à disposition le chantier pour permettre la formation.

Ceci pose la question de la responsabilité de l'association et des assurances sur le chantier. Comme il y a contrat, ou convention, on va se trouver dans le domaine de la responsabilité civile contractuelle50(*). Dans ce domaine, les associations sont essentiellement débitrices d'une obligation de sécurité qui s'analyse de la façon suivante :

- Il s'agit d'une obligation de moyens chaque fois que la victime joue un rôle actif dans les activités associatives. Dans ce cas, cette dernière devra établir un manquement, une faute de l'association ;

- C'est une obligation de résultat lorsque la victime joue un rôle passif lors des activités associatives, et alors c'est sur l'association que pèsera la charge de la preuve d'une éventuelle exonération de responsabilité.

Il est donc nécessaire de prendre une assurance. Il existe, près des assureurs, des formules types « multirisques associations », qui couvrent tout bien et toute responsabilité hors automobile. Pour les activités économiques et commerciales, il faut contracter une assurance des entreprises. Enfin, notons que l'association a une obligation de contracter une assurance lorsqu'elle se prête à des activités de formation professionnelle alternée.

§2 : Les contrats plus classiques d'embauche et de sous traitance

Les contrats de travail et de sous traitance sont des contrats classiquement utilisés sur tous les chantiers de construction navale hors milieu associatif. Ils vont être nécessaires à la réalisation du projet.

- Le contrat de travail

Une association peut parfaitement être employeur. A ce titre, elle devra s'acquitter des charges fiscales qui pèsent sur les employeurs.

L'association déclarée qui est employeur (comme la fondation ou l'association reconnue d'utilité publique) est dans la même situation que les sociétés civiles ou commerciales. Les règles du droit du travail s'appliquent donc ici.

Cependant, deux types de contrats sont proposés spécifiquement aux associations et pourront être utiles dans le cas du Cargo solidaire. Il s'agit tout d'abord des contrats d'accompagnement dans l'emploi destinés aux personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles d'accès à l'emploi et des contrats d'avenir destinés à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des personnes bénéficiant du revenu minimum d'insertion, de l'allocation spécifique de solidarité ou de l'allocation de parent isolé51(*). Dans le cadre de l'objectif d'insertion par le travail, ces contrats peuvent être intéressants.

Sinon, le droit classique s'applique en l'espèce. Différents types de contrats de travail sont susceptibles d'être conclus : le contrat de travail à durée indéterminée (CDI), le contrat de travail à durée déterminée (CDD), le contrat à temps partiel, le contrat d'intérim, le contrat emploi-solidarité (CES)...

Quelle que soit la forme de l'association, il faudra, avant l'embauche, effectuer une déclaration préalable d'embauche à l'inspection du travail s'il s'agit d'un premier emploi de main d'oeuvre salariée ou d'une embauche de travailleurs à domicile52(*). Dès l'embauche, il faudra procéder à l'inscription sur le registre unique du personnel53(*), qui mentionne, dans l'ordre d'embauchage les noms et prénoms de tous les salariés et également ouvrir un registre unique pour l'évaluation des risques professionnels pour la santé et la sécurité des travailleurs. Enfin, il est possible qu'en cours de projet, l'association « Le Cargo solidaire » emploie plus de 50 personnes. Dans ce cas, dans les 8 premiers jours de chaque mois, un relevé mensuel des contrats conclus et résiliés au cours du mois précédent est à adresser au directeur départemental du travail et de l'emploi54(*). Il ne faudra pas, également, oublier de prendre contact avec un organisme de retraite complémentaire.

Tous les contrats devront être écrits et comporter les mentions exigées par la loi (fonction du salarié, nature et durée du contrat, horaires de travail, rémunération, durée de la période d'essai...). Toute modification du contrat de travail fera obligatoirement l'objet d'un avenant notifié par écrit au salarié. De plus, suivant l'article L. 143-3 du Code du travail, lors de chaque paie, l'employeur doit remettre au salarié, à titre de justificatif, un bulletin de paie. Ce bulletin doit être remis sur le lieu du travail et doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires55(*).

Le contrat de travail va pouvoir prendre fin de différentes façons. Tout d'abord, le salarié de l'association peut démissionner. Sa démission peut être verbale ou écrite, toutefois l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception est préférable. La démission ne se présume pas. Pour qu'il y ait démission, le salarié doit manifester une volonté sérieuse et non équivoque de rompre son contrat de travail. Ensuite, il existe un préavis dont la durée est fixée par les usages ou par le contrat de travail. S'il ne fait pas son préavis, le salarié peut se voir réclamer par l'employeur une indemnité compensatrice de préavis.

Dans le cadre d'un CDD, le contrat ne peut être rompu avant terme, sauf par un accord entre le salarié et l'association, ou en cas d'embauche du salarié en CDI, ou encore en cas de faute grave de l'association et du salarié, ou bien en cas de force majeure.

Pour le CDI, on peut avoir recours à un licenciement pour motif personnel. Ce licenciement sera toujours fondé sur une cause réelle (les faits doivent être objectifs) et sérieuse (la cause doit être suffisamment grave pour rendre inévitable le licenciement). Il existe deux cas de licenciement pour motif personnel. Tout d'abord, le licenciement pour faute : faute simple, grave ou lourde (commise avec l'intention de nuire à l'association). Ensuite, le licenciement non fautif, dans le cas par exemple d'une maladie, d'un refus d'une modification du contrat de travail ou d'une inaptitude physique. Une procédure est à respecter : il faut convoquer le salarié à un entretien préalable, lui faire passer cet entretien, ensuite notifier le licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception indiquant les faits précis reprochés et respecter le délai de préavis. La possibilité d'une indemnité de licenciement doit également être examinée.

Dans tous les cas, c'est le conseil de prud'hommes qui sera compétent s'il y a litige entre le salarié et l'association « Le Cargo solidaire ».

- Le contrat de sous traitance

Il s'agit là d'un contrat classique en matière de construction navale. Il sera passé entre l'association constructrice et le sous traitant. Dans le cadre des contrats de construction à l'entreprise ou au forfait (dans lesquels le chantier gère et est le seul interlocuteur de l'armateur), l'armateur exige du chantier qu'il ne passe les contrats qu'avec des sous traitants qualifiés et reconnus sur la place publique et qu'ils utilisent du matériel neuf et certifié à utilisation marine. L'association « Le Cargo solidaire », dirigeant elle-même le chantier de construction, ne se verra pas imposer de telles exigences, mais ne pourra que s'inspirer de leur bon sens. Les sous traitants classiques sont les bureaux d'études, les plaquistes, les isolateurs, les électriciens, les motoristes, les héliciers...

Mais les contrats passés par l'association « Le Cargo solidaire » avec ces tiers vont-ils pouvoir être qualifiés de contrats de sous traitance et se voir appliquer le régime en découlant ?

L'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous traitance définit celle-ci comme étant « l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ». Trois personnes sont donc nécessaires pour qu'il y ait sous-traitance : un maître de l'ouvrage qui passe un contrat avec l'entreprise principale, qui va passer un contrat de sous-traitance avec le sous-traitant.

Si l'association « Le Cargo solidaire » avait délégué la construction du navire à un groupement tiers, doté d'une personnalité morale distincte de la sienne, des contrats de sous-traitance auraient éventuellement pu être conclus. C'est le cas de figure que l'on retrouve sur les chantiers de construction navale classiques : un armateur, un chantier, des sous-traitants.

Mais l'association sera également structure chantier. Il n'y a donc pas de maître d'ouvrage, et le régime de la sous traitance ne s'appliquera pas. Les personnes qui auraient pu être sous-traitants seront des travailleurs indépendants, rémunérés pour exercer leur activité. Ils ont la possibilité, certes, de conclure un véritable contrat de travail avec l'association. Mais la formule la plus fréquemment retenue dans ce cas est celle du contrat d'entreprise. Ce dernier est « la convention par laquelle une personne s'oblige contre rémunération à exécuter un travail de façon indépendante et sans représenter son cocontractant »56(*). Ici, l'association ne sera pas employeur, à moins que la qualification du contrat liant les indépendants à l'association ne soit remise en cause.

En effet, il est fréquent de se demander si de tels travailleurs ne sont pas en réalité des salariés et si leurs cotisations sociales ne sont pas dues. Il faut alors regarder s'il n'existe pas entre l'association et le travailleur indépendant un lien de subordination caractéristique du contrat de travail. Pour la jurisprudence, le lien de subordination se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, d'en contrôler l'exécution, de sanctionner les manquements de son subordonné. Si tel était le cas, la requalification serait inévitable.

§ 3 : La question du bénévolat

Un dernier type d'acteur, particulier au monde associatif, va pouvoir intervenir sur le chantier de construction, et plus largement, de la conception jusqu'à la phase d'exploitation du navire : il s'agit du bénévole.

Le bénévole pratique le bénévolat, c'est-à-dire qu'il participe au fonctionnement de l'association sans percevoir, en contrepartie, aucune rémunération sous quelque forme que ce soit. Il n'existe aucune définition juridique précise du bénévole, et il faut se référer en la matière à une définition donnée par le Conseil économique et social, qui considère comme bénévole « celui qui s'engage librement pour mener une action non salariée en direction d'autrui, en dehors de son temps professionnel et familial. »57(*) .

Tout à fait concrètement, plusieurs questions vont pouvoir se poser aux membres de l'association « Le Cargo solidaire » concernant cette pratique du bénévolat : toutes les rémunérations sont-elles exclues pour un bénévole ? Quel régime de responsabilité de l'association si, par exemple, un bénévole se blesse sur le chantier ? Quelles assurances ?

- L'exclusion de toute rémunération

Le bénévolat se caractérise donc par l'absence de toute contre partie financière : les bénévoles qui ont participé, participent ou participeront à l'élaboration du projet « Le Cargo solidaire » ne peuvent toucher aucune rémunération, que ce soit en espèces ou sous la forme d'avantages en nature. Ainsi, vont être exclues les sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail comprenant les salaires et gains, bien évidemment, mais aussi les indemnités de toute nature, les primes, les gratifications et tous les avantages en argent. Les avantages en nature (« prestations fournies gratuitement par l'employeur au bénévole ou moyennant une participation très modique du bénévole, très inférieure à la valeur réelle des prestations ») sont eux aussi exclus. Ils comprennent notamment l'hébergement ou le logement du bénévole par l'association, les repas (les bénévoles travaillant sur le chantier devront emmener de quoi déjeuner, ou encore payer leur repas à l'association au prix réel), la mise à disposition d'un véhicule, et, de façon générale, la participation financière de l'association à toute dépense incombant normalement au bénévole.

Les seules exceptions à ce principe très strict concernent les petits cadeaux et les récompenses qui peuvent être éventuellement distribués, quand ils ne sont qu'occasionnels et ne présentent pas un caractère excessif.

Le risque, si des avantages en espèces ou en nature sont versés à des bénévoles par l'association, est la requalification de l'activité bénévole en activité salariée et donc de l'avantage en cause en salaire, à la condition toutefois que les bénévoles aient exercé leur activité dans le cadre d'un lien de subordination avec les responsables de l'association58(*). Si la requalification a lieu, le danger pour l'association est de voir s'appliquer la législation en matière de droit social classique, et notamment la législation sur les accidents du travail (si, par exemple, un accident survient sur le chantier de construction).

Cependant, les bénévoles de l'association « Le Cargo solidaire » pourront être défrayés de certaines dépenses engagées pour le compte et dans l'intérêt de l'association et percevoir ainsi des remboursements de frais. Ces remboursements de frais, pour ne pas être requalifiés d'avantages en espèces ou en nature, et ainsi subir le risque de voir l'activité bénévole requalifiée en activité salariée, obéissent à un régime strict.

Les remboursements de frais pourront également consister en versements d'allocations forfaitaires pour frais professionnels. Dans ce cas, il faudra faire particulièrement attention à ne pas franchir la frontière entre le strict dédommagement des dépenses engagées par le bénévole et le versement d'indemnités susceptibles d'être assimilées à un salaire déguisé.

En effet, pour ne pas faire disparaître la qualité de bénévole, les remboursements de frais doivent correspondre à des dépenses réelles et justifiées pour le bénévole dans le cadre de son activité associative59(*). Dans le cas des remboursements sous forme d'allocations forfaitaires, trois conditions doivent être remplies pour ne pas risquer la requalification en salaire : ces allocations doivent être utilisées conformément à leur objet, c'est-à-dire dans l'intérêt même de l'association ; elles ne doivent pas dépasser les dépenses réelles engagées par les bénévoles ; elles doivent présenter un caractère exceptionnel. Il faut également noter que les organismes sociaux et les juridictions ne sont pas liés par la qualification donnée par les parties aux sommes engagées. Des indemnités de déplacement ou des remboursements de frais seront requalifiés en salaire s'ils ne correspondent pas à des dépenses réellement engagées. Pour éviter cette situation, il est généralement conseillé de laisser à la charge du bénévole une partie des frais engagés par lui.

La question sera particulièrement importante dans le cadre d'un contrôle de l'URSSAF. Dans ce cas, l'association doit prouver que les remboursements de frais correspondent bien à des dépenses réelles et justifiées, c'est à dire apporter la preuve que les sommes versées aux bénévoles correspondent effectivement au remboursement des frais engagés par ceux-ci dans le cadre de leur activité. A cette fin, il n'est que trop conseillé à l'association « Le Cargo solidaire » de conserver les justificatifs des remboursements de frais pendant trois ans, plus ceux de l'année en cours60(*). Ces justificatifs comprennent entre autres les titres de transports, les factures d'essence, de restaurant, etc...

- Responsabilité et assurances

Ici, c'est le statut même du bénévole qui est mis en cause. Que va-t-il se passer si, par malheur, un accident survient sur le chantier de construction navale ? Le bénévole ne peut prétendre au régime des accidents du travail, il n'a droit à aucune protection particulière et continue de relever du régime de protection sociale acquis du fait de son statut principal. La reconnaissance d'un statut juridique du bénévole est en cours, depuis le décret du 5 mai 1995 créant la Fondation du bénévolat. A long terme, le bénévole pourra disposer d'une carte de bénévole lui permettant de bénéficier, en cas de sinistre, d'une garantie en matière de responsabilité civile et d'une assurance individuelle en cas d'incapacité permanente ou partielle ou de décès accidentel.

Mais ce statut n'est pas encore entré en vigueur. En cas d'accident survenu sur le chantier, lorsque le bénévole participe donc à une activité ou au fonctionnement de l'association, c'est la responsabilité civile de l'association qui va être engagée, à condition qu'une faute puisse lui être reprochée. Il faut noter que dans un souci de protection des victimes, les tribunaux admettent très facilement la faute de l'association. Les juges considèrent qu'existe une convention tacite d'assistance entre le bénévole et l'association, convention servant de fondement à une indemnisation61(*). Les fautes entraînant la responsabilité de l'association sont, par exemple, le défaut de surveillance ou encore une sécurité mal assurée.

Il est donc particulièrement recommandé à l'association « Le Cargo solidaire » de conclure un contrat d'assurance responsabilité civile pour couvrir les risques encourus par les bénévoles, dans la mesure où ils ne sont pas pris en charge au titre de l'assurance « accident du travail ». En cas d'absence d'assurance, le montant des dommages et intérêts à payer peut être extrêmement lourd, et il faut de plus noter que l'association peut se retourner contre ses dirigeants pour leur reprocher de ne pas avoir contracté une telle assurance. Lors de la conclusion du contrat d'assurance, il faudra lire très attentivement toutes les clauses du contrat, et notamment les clauses d'exclusion de garantie, pour vérifier que certaines fautes de l'association ne sont pas exclues de la garantie offerte par l'assureur. De plus, il est souhaitable de vérifier que les bénévoles ont souscrit des assurances particulières.

Il faut mentionner un cas particulier d'assurance, qui pourrait s'appliquer à l'association « Le Cargo solidaire ». Les organismes d'intérêt général définis par l'article 200 du Code Général des impôts62(*) ont la faculté, depuis la loi du 27 janvier 1993, de souscrire une assurance couvrant les risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles de leurs bénévoles. L'association « Le Cargo solidaire », en tant qu'organisme d'intérêt général ayant un caractère social, éducatif, scientifique, humanitaire, peut légitimement prétendre à cette faculté. L'association devra en plus démontrer que l'exploitation de son activité n'est pas lucrative (ce qui est le cas), et que sa gestion est totalement désintéressée, et ne procure aucun avantage direct ou indirect à ses membres.

Etant donné la durée de vie du chantier et la dangerosité potentielle de l'activité entreprise, il n'est que trop conseillé de souscrire une telle assurance.

TITRE II :

L'EXPLOITATION NON LUCRATIVE MAIS ECONOMIQUE D'UN NAVIRE

C'est tout au long de ce titre que va se cristalliser le problème de l'exercice d'une activité économique par un groupement (association ou fondation) qui n'a pas pour vocation première d'exercer une telle activité. Pour garantir le respect de l'objet même du projet, il faudra se poser les bonnes questions sur l'organisation interne du groupement (Chapitre I), et ensuite sur la mise en oeuvre de l'exploitation du navire (Chapitre II).

CHAPITRE I : LES CHOIX INTERNES RELATIFS A L'EXPLOITATION DU NAVIRE

Deux questions essentielles sous-tendent ce chapitre : tout d'abord, la question de la structure exploitation et de la forme qu'elle va devoir adopter pour faire face à l'impact de l'exploitation économique du Cargo solidaire (Section I), et ensuite, les questions touchant le navire lui-même et son armement (Section II). Ces dernières, malgré la spécificité du projet, demeurent néanmoins assez classiques.

Section I : Le choix de la structure exploitation

Le but recherché par les fondateurs du projet n'est pas de réaliser des profits, ni d'exercer une activité lucrative. Cependant, il faut envisager l'impact du caractère économique de l'exploitation du Cargo solidaire (§1). Cet impact est tel qu'il conduit naturellement à se demander si l'exploitation peut être menée au sein de l'association elle-même (§2), ou s'il va falloir créer une structure exploitation distincte du groupement initial (§3).

§1 : L'impact du caractère non lucratif mais économique de l'exploitation du Cargo solidaire

Il s'agit ici de la question la plus cruciale quant à la mise en place de cet ambitieux projet. Le Cargo solidaire a en effet pour vocation d'être exploité de façon économique, même si les objectifs poursuivis par les fondateurs sont différents de ceux poursuivis par les entrepreneurs classiques du monde commercial. Le budget prévisionnel d'exploitation prévoit une balance équilibrée entre recettes et dépenses, et ce, sans l'aide d'aucune subvention : l'affaire sera rentabilisée avec les croisières, le transport de marchandises et les visites du navire.

Où se situe, alors, la frontière entre l'association et une simple société commerciale ? Pour exister, une société commerciale suppose, de la part de ses membres, la volonté d'oeuvrer pour réaliser des bénéfices ou, à tout le moins, des économies. En cela, le projet ressemble à une entreprise purement commerciale, puisque reste ouverte la possibilité de faire des bénéfices.

L'impact probable de ce caractère économique est double : d'une part, il pose un problème d'image par rapport aux objectifs clairement affichés des fondateurs. N'y a-t-il pas une contradiction entre le fait de vouloir transporter des marchandises estampillées commerce équitable, et le fait de vouloir le faire aux prix du marché ? N'y aura-t-il pas un risque de dérive lorsque les fondateurs, premiers garants de l'esprit du projet, auront disparu ? S'il n'y a pas de garde-fous, ne peut-on pas imaginer une exploitation purement lucrative ?

D'autre part, va inéluctablement se poser la grave question de l'assujettissement de l'association aux impôts commerciaux : impôt sur les sociétés, taxe professionnelle et TVA. L'article 206-1° bis du CGI prévoit que les associations ne sont pas soumises en principe aux impôts frappant les personnes morales exerçant une activité commerciale. Cependant, l'exercice d'activités lucratives va les rendre passibles de ces impôts. Si l'association « Le Cargo solidaire » rentre dans les critères définis par l'administration fiscale, elle devra payer.

Trois textes viennent préciser ce régime : l'instruction fiscale du 15 septembre 199863(*), celle du 16 février 199964(*), toutes deux reprises et précisées dans une dernière instruction fiscale du 18 décembre 200665(*). Ces textes exonèrent par principe d'impôts commerciaux les groupements à but non lucratif, sauf dans le cas où ils exercent une activité lucrative. On entend par activité lucrative une activité agricole, commerciale, libérale, civile, de production ou de prestation de services, c'est-à-dire une activité économique qui consiste en la réalisation d'actes payants de la nature de ceux qui sont effectués par des professionnels, même si les éventuels bénéfices dégagés sont destinés à la réalisation d'une oeuvre désintéressée. Par conséquent, une association exerçant une activité économique rentre dans cette catégorie, et il est certain que le Cargo solidaire sera considéré comme un groupement exerçant une activité lucrative. Est-ce pour autant qu'il sera soumis aux impôts commerciaux ? Non, il convient d'examiner les critères retenus par l'administration fiscale, qui apprécie la notion de non lucrativité de façon tout à fait spéciale.

Une association va être redevable des trois impôts commerciaux si :

- sa gestion est intéressée ;

- ou bien, alors même que sa gestion est désintéressée, elle concurrence le secteur commercial ;

- si elle concurrence le secteur commercial, l'association exerce son activité selon des modalités de gestion similaire à celles d'une entreprise commerciale.

La gestion désintéressée est le critère qui prime. Trois conditions cumulatives sont nécessaires pour le remplir. Tout d'abord, l'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personnes interposées, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. Ensuite, l'organisme ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfices, sous quelque forme que ce soit. Enfin, les membres de l'organisme et leurs ayants droits ne doivent pas pouvoir être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports. Si la gestion est intéressée, si les trois critères ne sont pas remplis, l'association sera automatiquement soumise aux trois impôts commerciaux (la soumission à l'un des trois impôts emporte la soumission aux deux autres). Si la gestion est désintéressée, on passe au critère suivant (c'est probablement ce qui se passera dans le cas du Cargo solidaire).

Ce deuxième critère est plus délicat à satisfaire dans le cadre de l'association « Le Cargo solidaire ». Il faut en effet se demander si le caractère lucratif de l'association ne peut pas découler du fait qu'elle concurrence des entreprises du secteur lucratif, entreprises exerçant la même activité dans le même secteur. Il semble que oui, dans ce cas. En effet, la proximité du port de Nantes Saint-Nazaire conduit à penser que l'association, fatalement, concurrencera des entreprises effectuant du transport de conteneurs ou de fret par mer. Si, toutefois, l'administration fiscale décidait que l'association ne concurrence pas le secteur lucratif, celle-ci serait définitivement exonérée d'impôts commerciaux. Mais, le fait de concurrencer le secteur lucratif ne mène pas obligatoirement à l'assujettissement aux impôts commerciaux. Il faut passer dans ce cas au troisième critère, qui est celui des conditions de gestion similaires à celles du secteur lucratif.

Il s'agit ici de la règle des 4P. L'administration fiscale va considérer l'utilité sociale de l'activité, l'affectation des excédents dégagés par l'exploitation, les conditions dans lesquelles le service est accessible ainsi que les méthodes auxquelles l'association a recours pour exercer son activité, à travers quatre critères, qui vont être présentés par importance décroissante.

Le premier critère est celui du produit proposé. Ce dernier doit tendre à satisfaire un besoin peu ou pas du tout pris en compte par le marché (dans le cas de l'association, on pense notamment au fait de permettre à des personnes handicapées de pouvoir naviguer).

Le deuxième critère est celui du public visé. Les actes payants réalisés par l'association doivent l'être au profit de personnes justifiant l'octroi d'avantages particuliers au vu de leur situation économique et sociale (comme les chômeurs et les handicapés).

Le troisième critère à prendre en compte est celui du prix. Les prix pratiqués doivent être inférieurs à ceux du marché, doivent se distinguer de ceux des entreprises concurrentes. Ici, il y aura un très net problème.

Enfin, le quatrième critère est la publicité. L'association ne peut diffuser des publicités destinées à capter un public analogue à celui des entreprises du secteur commercial.

Si les quatre critères sont remplis, l'association échappe définitivement aux trois impôts commerciaux. Il est difficile, à première vue, de dire de quel côté penchera la balance. A priori, si elle se prémunit contre les risques de dérive au cours de l'exploitation (et n'a-t-elle pas commencé à le faire avec la mise en place du comité d'éthique ?), elle devrait pouvoir échapper aux impôts commerciaux. Il faudra utiliser la procédure du rescrit fiscal pour savoir ce qu'il en est, aucune réponse n'étant de toute façon certaine, et les choses pouvant évoluer au cours de la vie de l'association. 

L'association elle-même doit être amenée à évoluer, pour continuer à garantir son indépendance et pour permettre au projet d'avancer de la façon la plus saine possible. Une fois le navire construit, se pose en effet la question de savoir si l'association elle-même doit être la structure armateur, ou s'il faut créer une structure ad hoc pour l'exploitation.

§2 : Le Cargo solidaire devient structure armateur

La notion d'armateur est davantage une notion économique qu'une notion juridique. La loi du 3 janvier 1969 énonce que l'armateur est celui qui exploite un navire, qu'il en soit ou non propriétaire66(*). Le propriétaire du navire est présumé en être l'armateur67(*).

Ceci ne poserait guère de problème si l'association « Le Cargo solidaire » devient, après la phase de construction du navire, structure armateur. Il n'y aura pas de transfert de propriété, et la solution en elle-même paraît relativement simple.

Pourtant, à y regarder de plus près, on aperçoit les difficultés qu'elle va poser. Une association est-elle réellement armée pour pouvoir mettre en oeuvre l'exploitation d'un navire ? Ne va-t-on pas se retrouver dans des situations quelque peu kafkaïennes, dans lesquelles les membres de l'association vont se retrouver tiraillés entre la poursuite d'un but désintéressé, d'intérêt général, et la nécessité absolue d'équilibrer leur exploitation, puisqu'ils feront vivre le projet sans subventions à partir de la fin de la construction ? Une fois la construction du navire finie, on se retrouve face à une véritable entreprise commerciale, qui doit être viable. L'intérêt général n'est-il pas diminué dès que l'on entre dans la phase proprement dite d'exploitation ?

Dans ce cas, les sanctions peuvent tomber. Elles viendront de la part de l'administration notamment, et des juges également, qui pourront appliquer les règles du droit des affaires et du droit commercial, et même aller jusqu'à la requalification en commerçant de fait. L'administration, quant à elle, pourra éventuellement soumettre l'association aux impôts commerciaux, avec tous les problèmes que cela entraîne.

Il existe des solutions pour y échapper. Tout d'abord, la loi de finances pour 200068(*) exonère des impôts commerciaux les activités commerciales accessoires des associations dont la gestion est désintéressée quand les recettes procurées par ces activités commerciales n'excèdent pas annuellement 75 000 euros69(*). Mais, avant même de pouvoir examiner si l'exploitation du Cargo solidaire est une activité commerciale accessoire de l'association, on se heurte au problème du plafonnement de la mesure. Le budget prévisionnel d'exploitation prévoit en effet que le total des recettes annuelles tournera entre 3 700 000 et 4 030 000 euros. Total bien supérieur à 75 000 euros, et l'on se surprend à penser qu'il ne sera guère souhaitable pour la viabilité du projet qu'un jour la mesure en vienne à être applicable !

Une solution serait peut-être à rechercher avec la sectorisation. Cette opération consiste à séparer nettement les activités non lucratives et les activités lucratives de l'association, seules ces dernières étant soumises aux trois impôts commerciaux. Dans ce cas, les activités lucratives seront exercées dans le cadre d'un secteur d'activité distinct. Mais, ici aussi, on va se heurter au problème de l'évolution, et même du changement de nature de l'association après la période de construction du navire, lorsque seule demeurera l'exploitation du Cargo solidaire.

En effet, l'instruction fiscale du 16 février 1999 prévoit que le caractère non lucratif d'ensemble de l'association n'est pas contesté si les opérations lucratives sont dissociables par leur nature de l'activité principale non lucrative, c'est-à-dire correspondant à des prestations de nature différente70(*). Pour que la sectorisation opère, il faut que l'activité non lucrative demeure prépondérante : l'activité lucrative ne doit pas orienter l'ensemble de l'activité de l'association. L'administration fiscale utilise un critère spécial pour apprécier cette prépondérance : il s'agit du rapport des recettes commerciales sur l'ensemble des moyens de financement de l'association (recettes, dons, subventions...), calculé sur une moyenne pluriannuelle. Or, ainsi qu'il a déjà été dit, lors de la phase d'exploitation, les ressources de l'association consisteront uniquement en recettes commerciales, et la sectorisation paraît impossible.

De plus, l'activité non lucrative ne sera plus prépondérante. La grande particularité du projet, à ce moment là, sera l'exercice d'une activité lucrative dans un but d'intérêt général. Même si l'exploitation n'est qu'économique et non lucrative (non basée sur la recherche de profits ou d'économies, qui n'est même pas un but de l'association), l'activité, elle, est lucrative. Il est essentiel de distinguer les deux notions pour bien comprendre le problème. L'association se rapproche de la société par les activités qu'elle exerce, puisque les services proposés ne sont pas à titre gratuit ou à des prix inférieurs à ceux du marché, mais s'en distingue par le but recherché, qui n'est pas la recherche du profit, mais la mise en place d'un système d'échanges basé sur la pratique des solidarités. C'est trop dangereux. Contrairement à la construction, qui ne rapportera jamais d'argent à l'association, l'exploitation, lorsqu'elle demeure la seule activité du groupement, est susceptible d'entraîner des dérives et des problèmes trop importants pour qu'une autre solution ne soit pas envisagée.

§3 : La création d'une structure armateur différente de l'association initiale

Les membres fondateurs de l'association envisagent de confier la gestion de l'exploitation du Cargo solidaire à une structure différente de l'association initiatrice du projet. C'est la solution la plus sage. Il s'agit d'une opération de filialisation.

Quelle forme prendra la filiale de l'association « Le Cargo solidaire » ? Une autre association, une société, un GIE sont-ils envisageables ? Peut-on recourir à une autre société déjà existante ? Une chose est certaine : cette filiale récupérera toutes les activités lucratives de l'association, c'est-à-dire l'exploitation du navire en lui-même et deviendra ainsi la véritable structure armateur, celle qui conclura les contrats d'affrètements et d'organisation de voyages. Cela protégera l'association initiatrice du projet de toute dérive purement commerciale. Ainsi, sa filiale exercera les activités lucratives, et l'association mère sera garante du respect de l'esprit du projet : l'exploitation économique mais non lucrative du navire.

L'association mère conservera les activités non lucratives. Ces dernières risquent de se trouver bien réduites. Mais son rôle est néanmoins essentiel. Elle sera le garde-fou indispensable pour que le projet ne soit pas dénaturé.

La forme de la filiale est primordiale. La société, même si elle peut être envisagée, est probablement à écarter. En effet, la société engendre des profits qui sont reversés sous forme de dividendes, et si l'association mère est membre (actionnaire) de cette société, elle se verra reverser ces dividendes. C'est contraire au but même du projet. Ou alors, il faudrait envisager de réinjecter ces profits dans l'entretien du navire, l'organisation (pourquoi pas ?) de voyages gratuits en faveur des personnes défavorisées, la diffusion du projet... En aucun cas, il ne faudra partager ces dividendes entre les membres de l'association. Société ou association, quelle que soit la forme choisie, un apport partiel d'actif est nécessaire pour créer la filiale.

Ici, la solution est simple. Il s'agit du navire. Il faudra transférer sa propriété à la filiale qui va en assurer la gestion. Une autre solution pourrait également être de le donner en affrètement coque-nue. L'association mère serait alors le fréteur, la filiale l'affréteur. Le coût de l'affrètement devra être soigneusement pensé pour faire en sorte que l'association mère échappe toujours aux impôts commerciaux : suivant l'instruction fiscale du 30 octobre 200071(*), les associations vont échapper aux trois impôts commerciaux lorsque leurs activités commerciales n'excèdent pas 75 000 euros si leur gestion est désintéressée et si leurs activités non lucratives sont significativement prépondérantes72(*). C'est là un critère qu'il faudra prendre en considération.

Il faudra être très prudent sur la façon dont l'association va intervenir dans la gestion de sa filiale. Il n'y aura aucun problème s'il est établi que, de toute façon, l'association mère, même sans filialisation, n'aurait jamais été soumise aux impôts commerciaux. Dans le cas contraire, rien n'interdit à la filiale de faire l'objet d'une gestion purement patrimoniale : elle seule paiera les impôts commerciaux, si l'association mère ne joue qu'un rôle passif et n'intervient pas dans la gestion de la filiale. Si l'association mère intervient néanmoins dans tout ou partie de la gestion de sa filiale, elle sera considérée comme exerçant une activité de gestion de titre et s'appliqueront alors les règles de la sectorisation. Or, il a été démontré dans le paragraphe précédent que la sectorisation était impossible en l'espèce. Il faut donc que l'association ne soit pas passible des impôts commerciaux, auquel cas peu importe qu'elle intervienne fréquemment dans la gestion de sa filiale, ou, si elle est passible des impôts commerciaux, ne joue qu'un rôle passif dans la gestion, ce qui suppose la mise en place des garde-fous préalablement à la constitution de la filiale. Bien entendu, l'association passible des impôts commerciaux peut toujours jouer un rôle actif dans sa filiale, mais elle sera lors tenue elle aussi de payer l'impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle.

Des garde-fous seront à rechercher du côté des mécanismes classiques du droit des sociétés et du droit des associations, notamment par l'octroi de sièges au conseil d'administration. On peut d'ailleurs imaginer que ces sièges seront réservés à des membres du comité d'éthique. Il faudra veiller à ce que les contrats d'affrètement ou de transport de marchandises soient toujours conclus avec des ONG partenaires et que les contrats de transport de passagers ou l'organisation de croisières respectent toujours la mixité à bord.

La filiale payera l'impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle sur ses seules activités lucratives. L'association mère sera exonérée de ces impôts. Cependant, il faut noter que lorsqu'elle utilise la filialisation alors qu'elle est passible des impôts commerciaux, l'association mère sera toujours soumise à la TVA au titre de ses propres opérations lucratives.

On le voit, les mécanismes utilisés ici sont particulièrement complexes, et tous reposent sur l'idée de faire échapper l'association aux trois impôts commerciaux. Ce n'est pas le but premier des fondateurs de l'association « Le Cargo solidaire ». Ils veulent avant tout garantir une exploitation respectueuse du but initial du projet : la pratique des solidarités.

Donc, l'exploitation commerciale serait confiée à une structure fille de l'association mère, qui passerait tous les contrats nécessaires à la gestion du navire. Quelle que soit l'hypothèse retenue (la structure armateur demeure l'association initiale ou est une structure fille), on désignera toujours, par commodité, la structure choisie sous le nom « structure armateur ».

Section II : Les questions touchant le navire lui-même et son armement73(*)

Une fois le navire construit et son exploitation confiée à la structure armateur, il va falloir s'assurer que tout est prêt pour que le Cargo solidaire puisse effectivement prendre la mer et accomplir les opérations pour lesquelles il a été construit. Un grand nombre de questions se posent relativement à cela, mais il paraît difficile d'avoir la place suffisante pour répondre à toutes. Trois problèmes se détachent cependant particulièrement. Il s'agit de la problématique du pavillon et de l'immatriculation du navire (§1), des contrats passés avec l'équipage (§2), et des assurances du navire (§3).

§1 : Pavillon et immatriculation du navire

Le pavillon et l'immatriculation du navire sont deux formalités absolument nécessaires qu'il convient de préciser. Il sera obligatoire, de toute façon, d'attribuer un pavillon au Cargo solidaire et de l'immatriculer avant qu'il puisse prendre la mer.

Suivant la définition d'Alain Le Bayon74(*), « le pavillon est un drapeau constituant le signe extérieur de la nationalité d'un navire ». Par extension, le pavillon est devenu la marque de cette nationalité (on parle de pavillon français, de pavillon maltais, etc...). Le navire, même s'il est un meuble, va être obligatoirement doté d'une nationalité.

Il est convenu depuis longtemps par les membres fondateurs du projet qu'il s'agira du pavillon français. Cependant, la question s'est posée de savoir quel « pavillon français » exactement allait être utilisé. Il existe en effet trois possibilités de pavillon en France. Tout d'abord, il y a le pavillon français lui-même. Le recours à ce pavillon fait peser un grand nombre de contraintes, notamment économiques, sur l'armateur. Il faudra, en effet, rémunérer l'équipage au coût prévu par la loi française et le droit social français s'appliquera. Or, les dépenses d'équipage constituent un poste de dépenses non négligeables : souvent entre un tiers et deux tiers des charges fixes d'exploitation (qui sont constituées par les frais généraux, les assurances, l'entretien, la maintenance, et les charges d'équipage).

Pour diminuer ce coût et rendre son pavillon plus attractif, la France a eu l'idée de créer un pavillon bis ou pavillon économique. Cette expression sert à désigner le pavillon national qui est porté par un navire dans un territoire certes soumis à la souveraineté nationale, mais bénéficiant d'un statut local spécifique avec un allègement des charges sociales et fiscales. Il s'agit en France du pavillon bis des TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises).

Enfin, depuis 200575(*), existe une troisième possibilité : le registre international français ou RIF. En bénéficier permet d'alléger les charges de l'armement français. Sont particulièrement visés par ce registre les navires de commerce au long cours ou au cabotage international, catégories dans lesquelles rentre aisément le Cargo solidaire.

On peut, bien sûr, envisager sérieusement que le navire prenne l'un quelconque des deux derniers pavillons afin d'assurer une meilleure rentabilité économique de son exploitation. Mais, en termes d'image, cela serait désastreux, et il ne semble pas que ce soit la solution retenue. Comment justifier, en effet, qu'un projet basé sur la pratique des solidarités immatricule son navire sous un pavillon bis ou un pavillon économique aux seules fins de réaliser des économies sur les charges sociales lui incombant ? Sacrifier l'équipage pour assurer la rentabilité de l'affaire ? N'oublions pas que l'exploitation du Cargo solidaire est économique et non pas lucrative. Il faudra préférer le pavillon français.

Une fois le pavillon choisi, il faudra procéder à l'immatriculation du navire. Cette opération permet d'identifier le navire et de suivre sa nature juridique. Elle est obligatoire : tout navire va faire l'objet d'une immatriculation auprès du service des Affaires Maritimes dans le ressort duquel se trouve le port de rattachement (Nantes Saint-Nazaire, qui se mêle presque intrinsèquement à l'histoire du Cargo solidaire ?). On va alors attribuer au Cargo solidaire son numéro d'immatriculation, composé de six chiffres précédés des lettres caractéristiques du quartier d'immatriculation.

§2 : Les contrats passés avec l'équipage

Il faut rappeler ici que le navire étant immatriculé sous pavillon français (hypothèse retenue comme étant la plus probable), c'est le droit social français des gens de mer qui va trouver à s'appliquer ici.

Le projet prévoit un équipage composé de 8 officiers, de 32 membres d'équipage, y compris le personnel de service (pour les croisiéristes) et le personnel médical. Il existe en effet une obligation d'avoir un médecin à bord à partir d'un certain nombre de personnes, et, de plus, la présence de personnes souffrant de handicap physique à bord du Cargo solidaire nécessite la présence d'un personnel soignant pouvant prendre en compte leurs besoins. Relativement à l'équipage lui-même, il n'existe pas de règlement particulier sur leur nombre. Mais l'effectif doit être suffisant en nombre et qualité du point de vue de la sécurité76(*). Il faudra également prendre en compte le fait que le choix de la propulsion vélique entraîne de plus grandes contraintes en matière de nombre d'hommes qualifiés à bord. Les voiles sont plus difficiles à manoeuvrer qu'un simple moteur et nécessitent plus de marins. Mais le but n'est-il pas que le plus de personnes possible bénéficient du projet ?

Quelle va être la nationalité des marins embarqués à bord du Cargo solidaire ? Il apparaît clairement qu'ils pourront être français, mais également originaires des autres pays de l'Union Européenne. En effet, l'un des piliers de la construction communautaire est la liberté de circulation des travailleurs et l'égalité de traitement des ressortissants communautaires (article 39 du traité sur l'Union Européenne). Ce principe a été transposé en droit français par la loi du 26 février 199677(*), qui met fin à l'ancien privilège de nationalité sur les navires battant pavillon français (à l'exception du capitaine et de l'officier suppléant). Des marins européens pourront donc être embarqués à bord du Cargo solidaire. Théoriquement, ces marins européens se verront appliquer la loi du pavillon pour leur contrat de travail, c'est-à-dire la loi française. Ce sera rester fidèle à l'esprit du projet que de continuer à appliquer la loi française lorsqu'elle offre le niveau de protection le plus élevé pour le marin.

Qui va recruter l'équipage ? Il est le préposé de l'armateur et engage, par son activité, la responsabilité de ce dernier. C'est donc l'armateur qui recrute les marins. Que la structure armateur soit propriétaire du navire ou qu'il lui ait été donné en affrètement coque nue par l'association mère, c'est donc elle qui se chargera de l'engagement. Si la structure armateur conclut à son tour un contrat d'affrètement au voyage ou à temps, elle sera également la structure qui recrute (bien que dans l'affrètement à temps, l'équipage soit aux ordres de l'affréteur).

En matière de droit du travail maritime, c'est le Code du travail maritime de 1926 (maintes fois modifié depuis !), qui va être applicable. On va se trouver face à des contrats d'engagement maritime, conclus entre un armateur et un marin en vue d'accomplir un service à bord du Cargo solidaire. Il convient de rappeler ici quelques règles générales relatives à ce type de contrat.

Ce contrat sera obligatoirement écrit et indiquera le service pour lequel le marin s'engage, la fonction qu'il doit exercer, le montant des salaires et accessoires, la durée du contrat, le délai de préavis en cas de résiliation unilatérale78(*). Si le contrat n'est pas écrit, ou si certaines clauses sont non écrites, la nullité pourra être prononcée, nullité qui ne peut être invoquée que par le marin.

Toutes les clauses et stipulations du contrat vont être inscrites ou annexées au rôle d'équipage (titre de navigation délivré à tout navire pratiquant une navigation maritime et pourvu de marins professionnels affiliés à l'ENIM79(*)). Ce rôle est annuel.

Préalablement à cette inscription du contrat d'engagement maritime sur le rôle d'équipage, il faudra obtenir un visa de l'autorité maritime compétente (qui est l'administrateur des Affaires Maritimes si le Cargo solidaire a comme port d'attache Nantes Saint-Nazaire). Ce visa est obligatoire, même pour les marins étrangers, dont le contrat est soumis au Code du travail maritime français.

Le contrat d'engagement maritime sera conclu normalement pour une durée indéterminée. Le contrat à durée déterminée est l'exception, même si des contrats d'engagement au voyage peuvent toujours être conclus (C. trav. mar., art. 10-1).

Quelles vont être les causes de rupture du contrat à durée indéterminée ? On trouve tout d'abord le licenciement maritime, qui intervient en cas de résiliation par l'armateur du contrat d'un marin titularisé ou stabilisé dans son emploi, que ce marin soit embarqué ou non, ou lorsque le marin justifie d'une ancienneté de services continus d'au moins un an dont six mois d'embarquement effectif et continu, ou encore en cas d'absence de proposition d'embarquement pour un marin remplissant les conditions d'ancienneté et d'embarquement du cas précédent dans un délai de trente jours à partir de l'achèvement des temps de congés et de repos80(*).

On peut également recourir à la rupture unilatérale du contrat à durée indéterminée, susceptible de dommages et intérêts en cas de résiliation abusive. Le droit classique des licenciements économiques (tels que définis à l'article L. 321-1 du Code du travail) s'applique aussi aux contrats d'engagements maritimes. Les motifs peuvent en être les suivants : motif non inhérent à la personne du salarié, suppression ou transformation d'emploi, modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou des mutations technologiques.

Enfin, il faut noter qu'outre les causes de rupture du contrat, existent des causes de suspension. Ces dernières sont variées : les congés payés, prévus par une ordonnance du 25 mars 1982, les congés maternité et adoption, les accidents du travail et maladies professionnelles, la grève...

En résumé, s'applique ici le droit social commun des gens de mer, que la structure armateur ne devra pas négliger, et même devra optimiser au maximum pour répondre aux objectifs du projet.

Une question, cependant, demeure : quel type de contrat passer avec le personnel de service du Cargo solidaire, c'est-à-dire avec le personnel qui s'occupera des passagers embarqués ? Le contrat d'engagement maritime s'applique uniquement aux marins. Faut-il en conclure qu'un contrat de travail classique (terrestre) sera nécessaire ici ? Tout dépend en réalité de la notion de marin qui sera retenue. La jurisprudence est hésitante en la matière. Le Code du travail maritime, en son article 3, définit le marin comme quiconque s'engage envers l'armateur ou son représentant pour servir à bord d'un navire. Dans un arrêt de 1998, la Cour d'appel de Rennes avait jugé que le personnel hôtelier d'un ferry n'avait pas conclu de contrat d'engagement maritime avec l'armateur et n'était pas marin81(*). A contrario, en 2002, la Cour de cassation reconnaissait la qualité de marin à un éducateur spécialisé qui encadrait des enfants à bord d'un navire82(*).

Il semble qu'il faille pencher en faveur de la conception large de la notion de marin, qui est à la fois la solution la plus récente et la position adoptée par la Cour de cassation. Ce la conduirait à la conclusion de contrats d'engagement maritime avec le personnel de service du Cargo solidaire83(*).

§3 : Les assurances du navire

Avant que le Cargo solidaire ne prenne la mer, il faudra contracter des assurances maritimes. Ces assurances ont pour objet de garantir les risques relatifs à une opération maritime (C. assur., art. L. 171-1). Il en existe trois types : l'assurance corps, qui couvre les dommages subis par le navire ; l'assurance facultés qui garantit les dommages subis par les marchandises ; l'assurance de responsabilité qui couvre les dommages causés à des tiers par le navire84(*). Ces trois types d'assurance devront être contractés.

L'assurance corps est l'assurance du navire et de ses accessoires contre les dommages, pertes, recours des tiers, dépenses résultant de fortunes de mer et d'accidents qui peuvent lui arriver. Pour connaître les conditions dans lesquelles le contrat d'assurance va être conclu, les membres de l'association « Le Cargo solidaire » pourront se référer à une police-type d'assurance-corps. En France, il s'agit de la police d'assurance maritime sur corps de tous navires à l'exclusion des navires de pêche et de plaisance, des voiliers et des navires à moteur auxiliaire (Imprimé du 1er décembre 1983, modifié le 13 décembre 1984).

L'assurance de responsabilité n'est pas une assurance classique du droit des assurances maritimes, mais elle a tendance à se développer de plus en plus ces dernières années. Une telle assurance sera souscrite dans le but de garantir l'assuré contre les dommages subis par des tiers du fait du navire.

Enfin, la troisième catégorie est l'assurance facultés, ou assurance sur facultés. C'est l'assurance maritime des marchandises transportées ou prises en charge par des professionnels transporteurs ou auxiliaires de transport, conformément aux usages du commerce. On distingue entre deux types principaux de polices d'assurance facultés. Tout d'abord, la police « Garantie tous risques » (qui se retrouve dans l'imprimé du 30 juin 1983, modifié le 16 février 1990), qui garantit les dommages et pertes matériels ainsi que les pertes de poids ou de quantité subis par les facultés (marchandises) assurées, à l'exclusion de certains dommages et pertes limitativement prévus. Ensuite, la police « F.A.P. sauf événements majeurs », F.A.P. signifiant « Franc d'avaries particulières », qui se retrouve sur l'imprimé du 30 juin 1983, modifié le 16 février 1990. L'objet de cette police est de garantir les dommages et pertes matériels ainsi que les pertes de poids ou de quantité subis pas les marchandises, provenant exclusivement d'évènements prévus dans le contrat ou résultant d'un acte d'avaries communes. On va pouvoir conclure cette assurance facultés selon deux modalités. Soit on va conclure une assurance sur police particulière, qui va couvrir une marchandise déterminée pour un voyage particulier, soit on va conclure une assurance sur police flottante, dans laquelle l'assureur va s'engager à couvrir, sous certaines conditions, toutes les marchandises expédiées par l'assuré ou reçues par lui, à la condition que l'assuré lui fasse part de toutes les mises en risque dans un délai déterminé. La police flottante va pouvoir se présenter sous deux formes :

- La police d'abonnement par laquelle l'assureur couvre toutes les expéditions de l'assuré jusqu'à concurrence d'une somme déterminée, appelée le plein de l'assurance ;

- La police à alimenter, où le plein de l'assurance constitue la limite maximale de la garantie de l'assureur, de sorte que, à chaque application qui en est faite, le plein diminue, l'assurance demeurant en vigueur jusqu'à l'épuisement du plein.

L'assuré verra peser sur lui un certain nombre d'obligations : le paiement de la prime, la déclaration, avant tout sinistre, des éléments permettant à l'assureur de se faire une exacte opinion du risque et de prendre un certain nombre de mesures destinées à préserver les intérêts de l'assureur85(*).

Mais le plus aisé, en la matière, sera de se mettre en rapport avec un intermédiaire, courtier ou agent d'assurance, qui déterminera les risques à couvrir et les compagnies d'assurance susceptibles de le faire (étant donné la taille du navire, elles seront certainement plusieurs).

CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DE L'EXPLOITATION DU NAVIRE

Le navire va être exploité de trois façons différentes. Tout d'abord, il va pouvoir transporter des marchandises (Section I). Ensuite, il servira à l'organisation de voyages (Section II). Enfin, des visites seront organisées à son bord. La section III examinera cette question sous l'angle global de l'animation qui sera mise en place autour du navire, avec, entre autres, les visites du chantier de construction.

Section I : Le transport de marchandises

Il va s'agir de transporter des marchandises labellisées commerce équitable, en partenariat avec des ONG. Egalement, pourront être transportés du matériel médical ou d'autres marchandises usuellement envoyées par les ONG vers des pays du tiers monde. C'est répondre à l'un des objectifs du projet, qui est l'inversion des rapports Nord/Sud et la pratique des solidarités vis-à-vis des populations défavorisées. La promotion du commerce équitable est une solution intéressante, qui permet aux pays du tiers monde de se développer à travers une politique de développement par la valorisation du travail et non par l'assistanat.

Cependant, c'est également ici que l'on va toucher aux limites du projet. Les marchandises seront transportées par conteneurs au prix du marché (soit environ 3 000 euros par conteneur). Certes, le public visé est différent de celui visé habituellement par les entreprises du secteur, mais le prix du transport ne sera pas « équitable ». Qu'est ce qui engagera alors les ONG à faire transporter leurs marchandises par le Cargo solidaire ?

C'est l'image, la publicité, la logique d'une telle démarche qui sera appréciée par les ONG. On peut imaginer la mise en place de contrats de parrainage : l'ONG confie ses marchandises au Cargo solidaire, et en échange, son nom apparaît, par exemple sur les voiles ou sur la coque du navire. Cela suppose que le Cargo solidaire devra être irréprochable de sa construction à la fin de son exploitation, et tous les choix faits précédemment se trouvent ainsi justifiés : de l'insertion de personnes en difficulté au pavillon français (plus contraignant en matière de droit social) en passant par une optimisation maximale des normes écologiques disponibles en matière de droit maritime.

Ainsi, la structure armateur pourra passer deux types de contrats pour le transport de marchandises : des contrats de transport (§1) et des contrats d'affrètement (§2).

§1 : Les contrats de transport86(*)

Les contrats de transport maritime sont à soigneusement distinguer des contrats d'affrètement. Alors que l'affrètement relève d'une logique de mise à disposition d'un navire, le contrat de transport se caractérise par le fait qu'un chargeur va confier à un transporteur des marchandises pour leur déplacement. La loi du 18 juin 196687(*), dans son article 15, définit le contrat de transport maritime de marchandises comme un contrat par lequel un chargeur s'engage à payer un fret (prix du transport) déterminé à un transporteur qui s'engage à son tour à acheminer une marchandise déterminée d'un port à un autre.

Dans le cadre du projet « Le Cargo solidaire », le transporteur sera donc la structure armateur, quelle qu'en soit la forme, et le chargeur sera une ONG, qui voudra acheminer par conteneurs un certain nombre de marchandises. La solution du contrat de transport est certainement la plus raisonnable, en ce qu'elle permet à la structure armateur de conserver un grand pouvoir de gestion et de contrôle sur les contrats qui vont être passés. Elle pourra ainsi se prémunir contre des risques de dérive qui n'existeront que si le navire est donné en affrètement et échappe partiellement à son contrôle. Il est évident que, pour garantir au plus près le respect du projet, continuer d'avoir une exploitation économique et ne pas basculer dans l'exploitation purement lucrative, il faut éviter au maximum les intermédiaires entre la structure armateur et les ONG. D'ailleurs, la présence d'intermédiaires entraîne presque inévitablement (et logiquement !) une répercussion sur le montant du fret.

Il faut noter aussi que les membres fondateurs ont commencé à démarcher les ONG qui seraient susceptibles d'utiliser le Cargo solidaire pour expédier des marchandises. Cette démarche s'accorde parfaitement avec la logique d'un contrat de transport conclu de la façon la plus simple qui soit, entre un représentant de la structure armateur, et un représentant de l'ONG, afin de toujours savoir si le navire servira à transporter des marchandises utiles à l'accomplissement des objectifs du projet, à savoir la pratique des solidarités et l'inversion des rapports Nord/Sud.

Il va être intéressant ici d'étudier brièvement les obligations qui vont peser sur le transporteur dans le cadre du contrat de transport. Les obligations concernant le chargeur sont laissées de côté, elles ne concerneront a priori pas la structure armateur.

Tout d'abord, la structure armateur sera tenue de faire diligence pour mettre son navire en état de navigabilité nautique et commerciale avant le transport proprement dit. La notion de navigabilité sera entendue comme étant l'aptitude du Cargo solidaire à affronter les périls de la mer (navigabilité nautique) et à servir au transport de marchandises (navigabilité commerciale). Un certificat de navigabilité sera délivré et devra être conservé à bord.

Ensuite, la structure armateur (transporteur) sera tenue impérativement de procéder de façon soigneuse au chargement, à la manutention, à l'arrimage, au transport, à la garde et au déchargement de la marchandise. Une clause F.I.O. (Free In and Out) pourra être insérée dans le contrat de transport. Cette clause stipulera que les frais de chargement et de déchargement de la marchandise seront à la charge de l'ONG - du chargeur. En aucun cas, cette clause ne déchargera la structure armateur de l'obligation d'accomplir le chargement et le déchargement de la marchandise.

Durant le transport, la structure armateur devra à la marchandise les soins dits ordinaires, qui sont précisés dans le contrat conclu entre les parties, ou, s'ils ne le sont pas, sont conformes aux usages courants du port de chargement. Ces soins sont très variés, pouvant inclure la ventilation, l'aération, le maintien des conteneurs à une certaine température...

Si le voyage est interrompu en cours, la structure armateur devra faire diligence pour assurer le transbordement de la marchandise et son arrivée au port de destination prévu. Enfin, au terme du voyage, la marchandise devra être livrée au destinataire ou à son représentant contre la remise d'un connaissement. Le connaissement est un titre écrit représentatif de la marchandise, délivré par un armateur, qui atteste de la réception des marchandises à bord d'un navire, et qui, dans le cadre d'un contrat de transport de marchandises, est le titre faisant preuve de ce contrat. De toute façon, il existe aujourd'hui des imprimés types de ce genre de documents, imprimés standardisés, que la structure armateur pourra se procurer.

Il ne faut oublier, également, que la structure armateur engagera sa responsabilité en cas de dommages ou de pertes subis par la marchandise. L'article 27 de la loi précitée du 18 juin 1966 fait peser une présomption de responsabilité sur le transporteur pour les dommages et pertes survenus au cours du transport à la marchandise qui lui est confiée. Il existe des cas d'exonération de responsabilité assez nombreux. La loi du 18 juin 1966 ne trouvera cependant à s'appliquer que de façon très très résiduelle dans le cas du Cargo solidaire. Il semble plutôt qu'en matière d'exonération de responsabilité du transporteur il faille se tourner vers la Convention de Bruxelles du 25 août 192488(*), qui s'applique aux transports internationaux constatés par un connaissement lorsque le connaissement est émis dans un Etat contractant ou lorsque le transport a lieu au départ d'un port d'un Etat contractant, ou encore lorsque le connaissement prévoit l'application de la Convention ou d'une législation nationale appliquant cette Convention. Le Cargo solidaire, dans son optique de création de nouveaux rapports Nord/Sud, est amené à effectuer des transports internationaux et rentre tout à fait dans cette catégorie. La Convention de Bruxelles énumère dix-neuf cas d'exonération du transporteur. Ces dispositions furent d'ailleurs maintes fois critiquées, en ce qu'elles laissent trop d'opportunités au transporteur pour s'exonérer de sa responsabilité, il n'en reste pas moins qu'en l'absence de ratification par la France d'autres textes internationaux sur le sujet, elle est le texte actuellement en vigueur, et offre ainsi à la structure armateur de nombreuses portes de sortie en cas de pertes ou de dommages subis par la marchandise.

§2 : Les contrats d'affrètement89(*)

De prime abord, utiliser les affrètements pour exploiter le Cargo solidaire peut paraître une idée un peu étrange, s'inscrivant très difficilement dans la logique du projet. L'affrètement, rappelons-le, s'apparente à la mise à disposition d'un navire à une personne que l'on appellera affréteur, la personne mettant le navire à disposition étant, elle, désignée sous le nom de fréteur. Si la structure armateur donne le navire en affrètement, ne perd elle pas tout pouvoir de contrôle sur ce qu'il va advenir du Cargo solidaire ? N'est ce pas courir le risque que l'affréteur sous affrète ensuite le navire à un sous-affréteur dont les motivations n'auront rien de commun avec celles des initiateurs du projet ? On peut difficilement penser à un mécanisme de contrôle en l'espèce. Comment, en effet, la structure armateur initiale - le fréteur - pourra-t-elle enjoindre au sous affréteur de se conformer aux objectifs du projet et de ne transporter que de la marchandise commerce équitable ou à destination des populations défavorisées des pays du Sud ? Imaginer une clause dans le contrat liant le fréteur à l'affréteur et interdisant à ce dernier de sous affréter le Cargo solidaire à une entreprise dont les buts sont totalement contraires à l'esprit du projet serait totalement illusoire, et même la licéité d'une telle clause serait plus que discutable, suivant la règle selon laquelle les conventions ne tiennent lieu de loi qu'entre les parties.

L'affrètement coque-nue, qui a pour objet la mise à disposition d'un navire désigné, sans armement ni équipage ou alors avec un armement et un équipage incomplet contre paiement d'un loyer pour une durée déterminée par les parties, est impensable dans cette hypothèse. Il paraît quasiment inconcevable que la structure armateur puisse donner le Cargo solidaire en affrètement coque-nue, et puis, quel serait l'intérêt de l'opération ? L'affrètement coque-nue est envisageable à la fin de la phase de construction, lorsque l'association « Le Cargo solidaire » va rechercher quelle forme donner à la structure exploitation. Mettons qu'elle ne veuille pas d'une association, dont le mode de fonctionnement peut être mal adapté à la conclusion de telles opérations commerciales, et dont le personnel serait peut-être insuffisamment formé et qualifié pour exécuter les tâches qui l'attendent. Dans ce cas, elle pourra se tourner vers une société déjà existante, ou qu'elle créera de toutes pièces, et, ne voulant pas lui revendre le navire pour s'assurer encore un certain contrôle, elle le lui confiera en affrètement coque-nue, transférant ainsi à l'affréteur (la société), la gestion nautique et commerciale du Cargo solidaire.

Resteront à la disposition de la structure armateur deux types classiques d'affrètements. L'affrètement à temps est le premier de ceux-ci, contrat par lequel le fréteur s'engage à mettre un navire armé à la disposition de l'affréteur pour un temps défini. Ce contrat réalise un partage de la gestion du navire entre le fréteur et l'affréteur, le fréteur conservant la gestion nautique du navire et l'affréteur en assurant la gestion commerciale. Le deuxième type d'affrètement est l'affrètement au voyage, par lequel le fréteur met en tout ou partie le navire à la disposition de l'affréteur en vue d'accomplir un ou plusieurs voyages. Le fréteur conserve alors la gestion nautique et commerciale du navire. Mais, pour les raisons précédemment citées, aucune de ces deux solutions n'est réellement satisfaisante. Une ONG, par ailleurs, a-t-elle vraiment les moyens humains et financiers pour conclure un contrat d'affrètement plutôt qu'un simple contrat de transport de marchandises ? Il est permis d'en douter. Comment Oxfam, par exemple, ONG spécialisée dans le commerce équitable, pourrait-elle mettre en place la gestion commerciale d'un navire ? Car, dans l'affrètement à temps, la gestion commerciale échappe à la structure armateur. Or, c'est précisément la gestion commerciale qui importe le plus. Il ne faut pas la faire dériver vers la simple activité lucrative. Si l'on ne peut conclure de contrat d'affrètement directement avec une ONG, cela signifie la mise en place d'intermédiaires. A quoi bon ?

La solution est peut être à rechercher du côté des contrats d'affrètements « nouveaux » qui émergent ces dernières années. Le contrat de tonnage est une alternative qui mérite d'être prise en compte. Deux types de contrats de tonnage existent : tantôt l'armateur va s'engager à fournir, pour une période donnée et selon une cadence déterminée, des navires capables de transporter une quantité de marchandises fixée à l'avance ; tantôt il va s'engager à transporter la quantité de marchandises déterminée. Le deuxième type de contrat peut être une solution. Quant à la question de savoir si des contrats d'affrètement d'espaces peuvent être conclus par la structure armateur, elle demeure posée.

Au bout du compte, ce qui va importer réellement lors de l'exploitation du Cargo solidaire ne va pas être tant la forme juridique que va prendre le contrat qui servira au transport de marchandises que la personne avec qui la structure armateur va conclure ces contrats. Ce n'est pas le choix du contrat qui emportera le choix du cocontractant, mais l'inverse.

Section II : L'organisation de voyages

Le deuxième mode d'exploitation du Cargo solidaire va être l'organisation de voyages (ou croisières) à bord du navire. Des personnes handicapées vont pouvoir y prendre part.

Préalablement à l'organisation de ces croisières, la structure armateur, quelle qu'en soit la forme, va devoir remplir une condition de forme : l'obtention d'un agrément (§1). Ce n'est qu'après que pourront être conclus des contrats de transport de passagers (§2).

§1 : La condition préalable à l'organisation de voyages : l'agrément

C'est la loi du 13 juillet 1992, fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours90(*) qui prévoit cet agrément. Cette loi est applicable, suivant son article 1, « aux personnes physiques ou morales qui se livrent ou qui apportent leur concours, quelles que soient les modalités de leur rémunération, aux opérations consistant en l'organisation ou la vente : a) de voyages ou de séjours individuels ou collectifs [...] ».

La structure armateur, pour exercer son activité d'organisation de voyage, devra obtenir soit une licence, soit un agrément. L'agrément concerne les associations et organismes sans but lucratif. Il est obligatoire pour exercer l'activité d'organisation de voyages. Pour l'obtenir, l'activité devra remplir trois conditions : l'activité de tourisme, au sein du groupement, devra être dirigée par une personne justifiant d'une aptitude professionnelle ; l'association devra justifier d'une garantie financière suffisante ; enfin, elle devra justifier d'une assurance garantissant les risques pécuniaires de la responsabilité civile qu'elle encourt au titre de cette activité. Pour ce dernier point, il faut souligner qu'un contrat d'assurance spécifique à l'organisation de voyages sera obligatoirement souscrit. Cette obligation est prévue par le décret d'application de la loi du 13 juillet 1992, en date du 15 juin 199491(*). L'assurance responsabilité civile classique de l'association ne suffit pas à garantir le risque. Des contrats d'assurance spécifiques devront également être conclus pour l'accueil de personnes handicapées ou âgées à bord et pour l'utilisation de véhicules maritimes.

Mais l'organisation de voyages, suivant l'article 8 de la loi, ne sera possible que si l'association le fait au profit de ses membres. Les personnes voulant voyager à bord du Cargo solidaire devront devenir membres, ce qui pourra poser problème.

Si la structure armateur est une société, c'est une licence qu'il sera nécessaire d'obtenir. Les conditions d'octroi sont plus contraignantes. Il faut, notamment, disposer d'installations matérielles appropriées sur le territoire français ou sur le territoire de l'Union Européenne. De plus, il est écrit dans la loi que les titulaires d'une licence d'agent de voyages établis sur le territoire français doivent se consacrer exclusivement à cette activité. Pour cette raison, l'agrément est préférable. Tout, dans cette section, plaide en faveur d'une structure armateur de forme associative. Sinon, il faudra scinder la structure exploitation en deux : une partie pour le transport de marchandises, l'autre pour l'organisation de voyages, ce qui ne serait pas sans soulever de grandes difficultés.

La structure armateur sera responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat. La loi prévoit cependant que la structure armateur pourra s'exonérer de sa responsabilité « en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure » (article 23, loi prec.).

Un certain nombre d'obligations vont peser sur la structure armateur, notamment :

- L'information par écrit préalablement à la conclusion du contrat sur le contenu des prestations proposées. Cette information engage le vendeur.

- L'obligation d'insérer un certain nombre de mentions dans le contrat, telles que les nom et adresses de l'organisateur, de l'assureur, du vendeur et du garant, les modalités de paiement et de révision éventuelle des prix, d'annulation ou de cession du contrat... (pour la liste complète, se référer à l'article 17 de la loi précitée).

§ 2 : Les contrats de transport de passagers

Ils sont au nombre de deux. Soit la structure armateur organisera des croisières, soit elle conclura simplement des contrats de transport maritime de passagers.

La croisière maritime est le voyage au cours duquel sont fournis au passager des services à terre, tels que visites ou excursions. A peine de nullité, le contrat de croisière maritime s'établira par la remise au passager d'un titre de croisière qui comprend un billet de croisière, matérialisant le contrat de passage, et un carnet de croisière, contenant des coupons correspondant, pour chaque escale, aux services à fournir à terre. La structure armateur sera alors tenue de deux obligations. Tout d'abord, celle d'accomplir le programme prévu, en ce qui concerne tant le voyage maritime proprement dit que les services promis à terre lors des escales. Ensuite, la structure armateur devra garantir la sécurité des passagers et de leurs bagages. En effet, l'organisateur de la croisière est personnellement responsable des dommages survenus aux passagers ou à leurs bagages, en quelque lieu où ce dommage survient (à terre ou en mer)92(*).

Si aucun service n'est prévu à terre, on se trouve alors en présence d'un contrat de transport de passagers classique. On définit ce dernier comme le contrat par lequel un armateur s'oblige à transporter par mer, sur un trajet défini, un passager qui s'oblige à acquitter le prix du passage. Contrairement à la croisière, seul va être délivré un billet de passage, qui matérialise le contrat de transport. On y trouvera mentionné le nom des parties, le voyage à effectuer, le prix du transport, la classe et le numéro de la cabine.

En concluant un contrat de transport maritime de passagers, la structure armateur, devenue transporteur, est tenue de mettre et de conserver le navire en état de navigabilité, convenablement armé, équipé et approvisionné pour le voyage et de faire toutes diligences pour assurer la sécurité des passagers.

La responsabilité du transporteur est large. En cas de faute prouvée de sa part ou de la part de ses préposés, il est responsable des accidents corporels survenus en cours de voyage ou pendant les opérations d'embarquement ou de débarquement. La responsabilité du transporteur sera également engagée pour les accidents corporels causés par naufrage, abordage, échouement, explosion, incendie ou tout sinistre majeur, sauf s'il réussit à établir que l'accident n'est imputable ni à sa faute, ni à celle de ses préposés. Le transporteur sera également responsable en cas de retard, s'il est fautif. Il devra alors une réparation au passager.

Un régime de responsabilité existe aussi pour les bagages des passagers. On distingue trois catégories de bagages : les bagages enregistrés, ceux qui ne le sont pas, et les biens précieux confiés par les passagers entre les mains du capitaine ou du commissaire de bord. Pour ces derniers biens, le transporteur est responsable sans limites. Pour les bagages enregistrés, le transporteur va délivrer un récépissé attestant de leur présence à bord, et sera alors responsable comme en matière de transport maritime de marchandises (cf section précédente). Enfin, concernant les bagages non enregistrés et les effets personnels, en cas de perte ou d'avaries de tels bagages, le transporteur n'est responsable qu'en cas de faute prouvée de sa part ou de la part de ses préposés93(*).

Il est intéressant de noter que la structure exploitation va être amenée à réaliser un nombre relativement important d'actes de commerce. Les contrats de transport de passagers ont la qualité d'actes de commerce envers l'armateur, et il ne fait aucun doute que la conclusion de contrats de transport de marchandises relève aussi de ce domaine. D'ailleurs, ces actes de commerce vont constituer la grande majorité de l'activité de la structure exploitation. Sa qualité de commerçante ne fait donc presque aucun doute. En effet, l'article 1er du Code de commerce dispose que « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ». Sera-t-il nécessaire, si la structure exploitation est de forme associative, de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ? La réponse est difficile. Durant un temps, l'immatriculation des associations commerçantes à ce registre fut considérée comme possible, mais dernièrement, la jurisprudence a refusé cette pratique94(*). Il semble donc que l'on puisse s'en dispenser.

Section III : Les questions liées à l'exploitation de la structure animation

Le troisième mode d'exploitation du Cargo solidaire va être l'animation qui va s'organiser autour du navire. Ce mode d'exploitation entre pour partir dans le budget prévisionnel établi par l'association, et ce pour un montant de 370 000 euros par an. Ce montant comprend les visites du navire, et les ventes de produits dérivés, tels que livres et souvenirs.

Ce mode d'exploitation concernera le Cargo solidaire dès le lancement de sa construction, c'est pourquoi il convient de réfléchir à la forme particulière que pourra adopter la structure animation (§1), avant d'envisager les visites à bord du navire (§2), et les contrats de licence sur les produits dérivés (§3).

§1 : Le choix de la structure animation

Un pôle animation est donc nécessaire dès le lancement de la construction du navire. En effet, dès le lancement du chantier, des visites auront lieu, et on peut imaginer que la vente de produits s'organisera très tôt aussi. Comme la structure exploitation mentionnée précédemment ne sera pas encore mise en place, il paraît évident que c'est l'association mère elle-même qui se chargera de l'organisation de ces visites et de gérer l'argent ainsi récolté. Le postulat de base est que, lors de la phase de construction, l'association ne sera pas soumise aux impôts commerciaux. On considérera donc que les recettes ainsi accumulées ne seront pas susceptibles de TVA. Il faudra obligatoirement réinjecter les fonds récoltés dans la construction elle-même.

La question demeure lorsque le navire sera construit et enfin exploitable. En effet, l'argent amené par la structure animation est supposé équilibrer le budget d'exploitation de la structure exploitation. L'idée première des fondateurs du projet était de conserver le pôle animation au sein de l'association mère. Cependant, à deuxième vue, force est de constater qu'il sera peut-être difficile de faire circuler les recettes engendrées par les visites et les ventes entre l'association « Le Cargo solidaire » et la structure exploitation du navire.

Le problème est que, même si la structure exploitation est un groupement à but non lucratif, elle se doit de présenter un budget équilibré. C'est une garantie pour les clients du navire (chargeurs, passagers), et n'oublions pas que la structure exploitation devra présenter des garanties financières suffisantes pour obtenir l'agrément ou la licence nécessaires à l'organisation de voyages. Se priver d'une source de revenus serait sûrement dommageable.

Il faudrait alors soit trouver un moyen de faire circuler les fonds, soit transférer l'exploitation du pôle animation à la structure exploitation, au moins en partie. Cela réduirait d'autant le rôle de l'association mère, mais, comme il a déjà été dit, dès la fin de la construction du navire, son rôle sera davantage celui d'un comité de surveillance, d'un garde-fou.

Si la structure exploitation est une association, on peut envisager que l'association mère fasse des dons ou des subventions à ce groupement. S'il s'agit d'une société, constituée dans le cadre d'une filialisation, on peut envisager un apport partiel d'actif annuel, sous la forme du versement des recettes récoltées dans le pôle animation.

A terme, on pourra envisager (pourquoi pas) de rassembler les différentes structures au sein d'un Groupement d'Intérêt Economique (GIE). Le GIE a pour objet de faciliter ou de développer l'activité économique de ses membres, d'améliorer ou d'accroître les résultats de cette activité. Cependant, le GIE doit redistribuer entre ses membres les bénéfices que son activité engendre. Comme il sera constitué entre personnes morales, il faudra faire très attention à l'utilisation que les différentes structures membres vont faire de ces bénéfices. Elles ne devront pas les distribuer à leurs propres membres, personnes physiques, mais les réutiliser pour atteindre les objectifs du projet (par exemple, des travaux sur le navire tout au long de son existence, afin de garantir le respect des normes écologiques et continuer d'oeuvrer pour le bien-être des personnes à mobilité réduite à bord).

§2 : La question des assurances et la responsabilité vis-à-vis des visiteurs

Des visites vont donc être organisées à bord du navire. Elles auront lieu aussi sur le chantier de construction. Que va-t-il se passer en cas d'accident ? Si un visiteur est blessé, l'association sera-t-elle tenue responsable ? Quelle assurance souscrire ?

La première question à se poser est celle de la nature de la responsabilité de l'association envers les visiteurs du navire et du chantier : contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle ? A première vue, la balance pencherait plutôt en faveur de la responsabilité délictuelle et quasi délictuelle. Dans ce cas, les visiteurs seront considérés comme des tiers et pourront poursuivre l'association s'ils ont subi, par sa faute, un préjudice. Cependant, des affaires ont été jugées, dans lesquelles la Cour de Cassation a reconnu la responsabilité contractuelle d'une association à l'encontre de spectateurs payants d'une manifestation sportive95(*). Il semble que le fait de payer pour assister à la manifestation transforme le tiers en cocontractant de l'association.

Il faut malgré tout noter que, quelle que soit la nature de la responsabilité, l'association devra disposer de moyens suffisants pour assurer la sécurité des visiteurs, payants ou non. Quel est l'intérêt, alors, de la distinction ? La responsabilité contractuelle découle de l'inexécution ou de la mauvaise exécution d'un contrat ou de toute autre obligation attachée au contrat et peut être engagée même en l'absence de faute de la personne responsable, dès lors qu'est constatée la non réalisation du résultat escompté. La responsabilité délictuelle repose sur une intention de nuire, alors que la responsabilité quasi délictuelle vise le dommage commis par négligence ou imprudence, et donc sans intention de nuire. Ces deux responsabilités sont fondées sur une faute de la personne responsable, faute qu'il faudra prouver ou faute présumée par les textes. L'auteur de la faute délictuelle sera tenu à la réparation totale du préjudice, tandis que l'auteur d'une faute contractuelle (lorsque sa mauvaise foi n'est pas établie) ne répond que des dommages-intérêts prévus ou prévisibles lors du contrat. Le contrat définit les obligations et faits dont les parties doivent répondre. La responsabilité délictuelle repose sur des règles définies par les articles 1382 à 1385 du Code civil. Ainsi, la responsabilité de l'association sera engagée en qualité de commettant de ses préposés, qu'il s'agisse de salariés ou de bénévoles. Egalement, l'association est présumée responsable des choses et animaux dont elle a la garde, c'est-à-dire l'usage, le contrôle et la direction.

Il faut rappeler, en matière de responsabilité civile contractuelle, que les associations sont débitrices à l'égard de leurs adhérents et des contractants essentiellement d'une obligation de sécurité. Cette obligation est une obligation de moyens chaque fois que l'adhérent ou le contractant joue un rôle actif, et de résultat lorsque la victime joue un rôle passif lors des activités associatives (ce qui sera le cas des visiteurs, si la responsabilité de l'association est reconnue être de nature contractuelle).

Les membres, quant à eux, engagent leur responsabilité civile personnelle pour les dommages causés aux tiers par leurs agissements fautifs.

Il est donc recommandé de souscrire une police d'assurance bien précise, qui va couvrir les risques inhérents à l'activité de l'association et au but qu'elle poursuit. Il faudra fournir à l'assureur les renseignements les plus précis concernant les activités exercées ou envisagées, afin que le contrat couvre les risques potentiels, et notamment donner des informations sur le rôle des bénévoles, le nombre de salariés engagés et leurs fonctions. Il faudra également lire très attentivement les clauses d'exclusion de garantie contenues dans le contrat !

Normalement, la garantie de base proposée par les assureurs est la suivante : sont assurées les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l'association à la suite de dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs causés aux tiers du fait des activités déclarées aux conditions particulières. Vont être assurés la personne morale, le président et les dirigeants, les membres, les préposés, salariés ou non, les aides bénévoles.

En général, sont exclus de la garantie de base la faute intentionnelle et la faute inexcusable qui surviennent en cas d'accidents du travail et autres recours des préposés, la responsabilité civile encourue pour les besoins du service, les intoxications alimentaires, les vols commis par les préposés, la pollution accidentelle, les dommages causés aux objets confiés à l'association, et la protection juridique.

Il sera possible de souscrire des garanties relevant des assurances de personne pour les membres de l'association. Ces garanties concernent les seuls accidents (et non les maladies) survenus pendant les activités associatives.

Rappelons la nécessité de conclure une assurance spéciale pour l'organisation de voyages, plus les assurances maritimes qui seront conclues tout au long de l'exploitation du navire. Enfin, il faudra assurer les locaux de l'association, que celle-ci soit locataire, propriétaire ou occupante à titre gratuit.

§3 : Les contrats de licence sur les produits dérivés

Un produit dérivé est un produit issu d'une oeuvre et s'appuyant sur la notoriété de l'oeuvre pour se vendre. Dans le cadre du projet, le produit dérivé utilisera la marque « Le Cargo solidaire » pour assurer sa vente.

En droit de la propriété industrielle, il existe deux types de marques : la marque commerciale, et la marque déposée, qui bénéficie d'une reconnaissance légale et jouit d'une protection renforcée. L'association « Le Cargo solidaire » pourra déposer sa marque près de l'Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI), pour enregistrement.

Mais que déposer exactement ? Qu'est ce qu'une marque ? L'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale. Peuvent notamment constituer un tel signe : les dénominations sous toutes les formes telles que : mots, assemblages de mots, noms patronymiques et géographiques, pseudonymes, lettres, chiffres, sigles [...] ». C'est donc le nom même du projet, « Le Cargo solidaire », écrit d'une certaine façon, dans une certaine couleur, qui sera déposé près de l'INPI. Il faut aussi noter que, pour être valable, la marque doit être un signe autorisé par la loi et un signe distinctif. De plus, la marque doit être disponible, mais l'originalité du projet la garantit contre toute appropriation antérieure.

Lors du dépôt à l'INPI, il faudra fournir une liste des produits et services qui seront proposés sous cette marque. Ce point est crucial. En effet, cette liste, après son enregistrement, ne pourra plus être modifiée, sauf pour y procéder à des retraits. Il faudra donc bien réfléchir à la liste des produits que l'on voudra voir fabriqués sous la marque « Le Cargo solidaire ». L'enregistrement produit effet pour une période de dix ans, il faudra penser à le renouveler après. Au cours de cette période, il existe une obligation d'utiliser la marque, sous peine d'être déchu du droit de l'utiliser.

Des contrats de licence de marque pourront être concédés à des licenciés par l'association (concédant). La licence de marque est le contrat par lequel le titulaire de marque accorde à un tiers le droit de l'exploiter en tout ou en partie, moyennant une rémunération consistant souvent en des redevances proportionnelles à l'exploitation, appelées aussi royalties. On peut également conclure ce type de contrat à titre gratuit. Ces contrats sont d'usage courant. Il existe des formulaires types, que l'on peut se procurer facilement96(*).

CONCLUSION

Voici donc exposés succinctement les principaux tenants et aboutissants juridiques du projet « Le Cargo solidaire ». Exemple unique, ainsi que le titre de ce mémoire l'indique, de construction et d'exploitation d'un navire. Exemple novateur à bien des titres.

Finalement, que retirer de cette présentation ? Que le projet est mené par une association et que c'est là sa particularité ? C'est une vision bien trop réductrice. Tout ce qui a été dit précédemment démontre que la dimension du Cargo solidaire est autre. Certes, il est spécial, car, contrairement à ce que l'on voit le plus souvent dans le milieu maritime, sa construction et son exploitation ne résultent pas d'une quête initiale de profits, mais d'une volonté de s'en servir pour qu'il devienne un outil de pratique de la solidarité - des solidarités. Certes, ce type de projet va être mené à son terme par une association. Cela apparaît même normal aux yeux du public : une société se soucierait-elle, pour d'autres raisons que la publicité ou l'image, de poursuivre les buts mis en avant par les fondateurs du projet ? Certes, des règles propres au monde associatif vont s'appliquer ici et la non lucrativité de l'exploitation va primer.

Mais il y a plus dans ce projet. Ce n'est pas évident à première lecture, mais, au fur et à mesure que l'on avance dans la connaissance des problèmes juridiques que soulève « Le Cargo solidaire », on réalise que les liens avec le monde associatif ne sont peut-être pas les plus novateurs.

Non, ce sont ces liens avec le monde commercial qui sont les plus marquants. On parle souvent, à propos des associations, de para-commercialité. Ce n'est pas le cas ici. A observer comment se déroulera l'exploitation du navire, on comprend qu'on se situe dans une véritable commercialité, viable, équilibrée, capable de vivre par elle-même en dehors des ressources traditionnellement allouées aux associations.

Alors, Le Cargo solidaire deviendra autant un outil de pratique des solidarités qu'un outil économique, commercial. Il marquera l'avènement des associations (voire de la société civile) dans un monde où elles n'exercent que des activités de peu d'importance. Nul doute que cela aura un impact certain. La demande des populations est croissante envers une moralisation de la vie économique, envers la remise en question des buts prônés par les grandes sociétés commerciales : quête du profit, mépris de l'humain...

C'est tout cela que le Cargo solidaire réalise, en intervenant dans le domaine économique, en organisant son exploitation de façon à être à armes égales avec d'autres structures armatoriales classiques. Il faut souhaiter que le projet aille à son terme, pour prouver qu'il est possible, dans notre monde que d'aucuns jugent individualiste, de commercer de façon viable à travers un projet qui ne laisse personne sur le bord du chemin.

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages

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ALFANDARU (E.) (dir.), Associations, Paris, Dalloz action, 2000, 1410 p.

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L'équipe rédactionnelle de la Revue Fiduciaire et de RF comptable, Le guide des associations, Paris, Groupe Revue Fiduciaire, 2001, 800 p.

LEMEUNIER (F.), Associations, Paris, Delmas, 2005, 319 p.

Textes de droit

Règlement maritime français :

Projet de division 190, Accessibilité, 40 p.

Division 221, Navires à passagers effectuant des voyages internationaux et navires de charge de jauge brute supérieure ou égale à 500, 452 p.

Division 431, Sécurité des conteneurs, 13 p.

Division 234, Navires spéciaux, 13p.

Droit international :

Res. OMI du 5 décembre 2003, A.23/Res.962.

Sites Internet

Site du Cargo solidaire : www.lecargosolidaire.org/

Site du Lord Nelson et du Tenacious : www.jst.org.uk/

Site de la péniche Cap Vert : www.penichecapvert.com/

Commerce équitable :

www.artisansdumonde.org/

www.equiterre.com/

Normes HQE :

www.assohqe.org/

Associations:

www.associations.gouv.fr/

www.guidon.asso.fr/

Fondations et mécénat :

www.admical.org/

www.asocianet.com/

www.fdf.org/

Divers :

www.legifrance.gouv.fr/

www.mer.gouv.fr/

www.aquadesign.be/

www.imo.org/

ANNEXES

Document de présentation générale du projet..............................................p 87

Statuts de l'association « Le Cargo solidaire »97(*).............................................p 104

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION...................................................................................p 6

- Historique du projet...........................................................................................p 6

- Présentation des différents objectifs du projet.........................................................p 7

- Présentation de l'état actuel du projet...................................................................p 11

.

TITRE I : DE L'ORIGINE A LA CONSTRUCTION DU NAVIRE : UN PROJET BASE SUR LA PRATIQUE DES SOLIDARITES..........................................p 18

CHAPITRE I : LE FINANCEMENT DE LA CONSTRUCTION........................p 19

Section 1 : Le choix d'un mode de financement........................................................p 20

§1 : L'association mère et ses structures filles..........................................p 21

§2 : Le mécénat.............................................................................p 24

§3 : La fondation............................................................................p 27

Section 2 : Les questions financières et fiscales liées à la construction du navire...........p 30

§1 : La tenue d'une comptabilité.........................................................p 30

§2 : La gestion financière et fiscale de la main d'oeuvre..............................p 32

§3 : La gestion financière et fiscale de la fourniture de choses......................p 34

CHAPITRE II : LA CONSTRUCTION DU NAVIRE ..............................................p 36

Section 1 : Association et structure chantier : du choix de la forme au contrat de construction.....................................................................................................p 36

§1 : Le choix de la structure chantier....................................................p 36

§2 : Le contrat de construction et la catégorie du navire..............................p 37

§3 : Les spécificités liées aux normes HQE et à l'organisation de voyages pour les personnes handicapées.....................................................................p 39

Section 2 : Les relations entre la structure chantier et les différents acteurs d'un chantier de construction navale basé sur la pratique des solidarités...........................................p 42

§1 : L'objectif de réinsertion par la formation professionnelle......................p 42

§2 : Les contrats plus classiques d'embauche et de sous-traitance..................p 44

- Le contrat de travail....................................................................p 44

- Le contrat de sous-traitance..........................................................p 46

§3 : La question du bénévolat.............................................................p 47

- L'exclusion de toute rémunération.................................................p 48

- Responsabilité et assurances.........................................................p 50

TITRE II : L'EXPLOITATION NON LUCRATIVE MAIS ECONOMIQUE D'UN NAVIRE .............................................................................................p 52

CHAPITRE I : LES CHOIX INTERNES RELATIFS A L'EXPLOITATION DU NAVIRE .............................................................................................p 53

Section 1 : Le choix de la structure exploitation.......................................................p 54

§1 : L'impact du caractère non lucratif mais économique de l'exploitation du Cargo solidaire.......................................................................................p 54

§2 : Le Cargo solidaire devient structure armateur.....................................p 57

§3 : La création d'une structure armateur différente de la structure armateur initiale......................................................................................................................p 59

Section 2 : Les questions touchant le navire lui-même et son armement......................p 61

§1 : Pavillon et immatriculation du navire.............................................p 61

§2 : Les contrats passés avec l'équipage................................................p 63

§3 : Les assurances du navire............................................................p 66

CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DE L'EXPLOITATION DU NAVIRE...p 67

Section 1 : Le transport de marchandises...............................................................p 68

§1 : Les contrats de transport.............................................................p 69

§2 : Les contrats d'affrètement...........................................................p 71

Section 2 : L'organisation de voyages...................................................................p 73

§1 : La condition préalable à l'organisation de voyages : l'agrément...............p 73

§2 : Les contrats de transport de passagers.............................................p 75

Section 3 : Les questions liées à l'exploitation de la structure animation.....................p 76

§1 : Le choix de la structure animation.................................................p 77

§2 : La question des assurances et la responsabilité vis-à-vis des visiteurs........p 78

§3 : Les contrats de licence sur les produits dérivés...................................p 80

CONCLUSION....................................................................................p 82

BIBLIOGRAPHIE................................................................................p 84

ANNEXES..........................................................................................p 86

TABLE DES MATIERES.......................................................................p 110

* 1 www.penichecapvert.com/ .

* 2 www.jst.org.uk/: site du Lord Nelson et du Tenacious.

* 3 Encore que la question reste à discuter si le cargo solidaire rentre dans la catégorie des navires spéciaux (cf Titre I, Chapitre II, Section I, §2).

* 4 Source : www.equiterre.com

* 5 Définition élaborée par les acteurs du Nord et du Sud impliqués dans le commerce équitable et regroupés au sein de FINE, groupe de travail regroupant quatre structures internationales de commerce équitable (FLO-I, IFAT, NEWS et EFTA).

* 6 Pour toute information complémentaire relative à la législation sur le commerce équitable, voir http://www.artisansdumonde.org/legislation-commerce-equitable.htm

* 7 Autres textes applicables aux associations et pertinents dans le cas du Cargo solidaire : les articles du Code Civil relatifs aux contrats ; les articles L-612-1 et suivants du Code de Commerce dont les conditions d'application sont fixées par le décret du 1er mars 1985 en ce qui concerne les associations ayant une activité économique (comme « Le Cargo solidaire ») ; les articles L-610-1 et suivants du Code de Commerce relatifs au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ; la loi n° 85- 698 du 11 juillet 1985 autorisant l'émission de valeurs mobilières par certaines associations ; le décret n°86-469 du 15 mars 1986 et la loi n°87-518 du 10 juillet 1987 sur les associations d'assistance et de bienfaisance ; la loi n°92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages ou de séjours et son décret d'application n°94-490 du 15 juin 1994 ; et enfin, sur les conditions d'octroi d'aides publiques, la circulaire du Premier Ministre du 24 décembre 2002 relative aux subventions de l'Etat, JO du 27 décembre 2002, p. 21697.

* 8 Il faut noter que certaines activités sont uniquement réservées aux associations ayant obtenu un agrément, et notamment les activités d'organisation de voyages et de séjour. L'association « Le Cargo solidaire » aura-t-elle besoin de cet agrément ? Dans la partie II de ce mémoire, il sera retraité de ce point important.

* 9 L'article 1 des statuts prévoit l'application de la loi de 1901 et de son décret d'application.

* 10 Loi 1er juillet 1901, art. 6.

* 11 C'est, entre autres, l'obligation d'adopter des statuts types, ce qui poserait problème pour le maintien du comité d'éthique, organe non classiquement prévu en droit des associations.

* 12 C'est la loi du 14 janvier 1933 qui prévoit cela, à la condition que l'autorisation d'accepter les dons et legs ait été donnée par décret pris en Conseil d'Etat.

* 13 38 856 000 euros aux dernières estimations.

* 14 Pour les dénominations et fonctions des co-présidents, se reporter aux statuts insérés dans les annexes.

* 15 Pour un exemple de requalification, voir C. Cass. 2 mars 1982, BCI n°85.

* 16 Le leasing ou crédit bail est « une opération de location de biens mobiliers ou de biens immobiliers qui donne la faculté au locataire d'en acquérir totalement ou partiellement la propriété, moyennant une prime convenue à l'avance tenant compte, pour partie au moins, des versements effectués à titre de loyers ». http://www.aquadesign.be/news/article-3691.php .

* 17 Pour les chiffres prévisionnels, se reporter au budget prévisionnel de construction inséré en annexes.

* 18 Dans le cas contraire, l'association sera requalifiée en commerçant de fait, ce qui est un cas extrêmement rare.

* 19 Sur ces critères, voir la section 2 de ce chapitre, plus particulièrement centrée sur les questions financières et fiscales.

* 20 Loi du 1er juillet 1901, art.6 modifié par la loi du 23 juillet 1987, prec. La notion de don manuel n'est pas précisée par la loi.

* 21 Cf note de bas de page n°12.

* 22 Les textes applicables au mécénat sont la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, modifiée par la loi n° 90-559 du 4 juillet 1990 sur la création des fondations d'entreprise et son décret d'application du 30 septembre 1991, par l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000, par la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 art. 29, 5° alinéa ; et la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

* 23 Il faut noter que dans certains cas, par tolérance de l'administration, des dons modiques en espèces pourront être considérés comme des dons manuels, non soumis à autorisation. Ce ne sera certainement pas le cas ici. Dans le cas où le versement consiste en un immeuble, il est toujours soumis à autorisation.

* 24 Pour être parfaitement exact, l'administration fiscale apprécie la notion de non lucrativité au travers de la notion de gestion désintéressée et de deux critères compris dans l'utilité sociale : le produit et le public. A ce titre, il est possible de penser que l'association « Le Cargo solidaire » verra reconnaître le caractère non lucratif à ses activités économiques.

* 25 Pour savoir si l'association remplit ces critères, les membres pourront s'adresser directement à leur centre des impôts, au bureau des associations et groupements : c'est la procédure du rescrit fiscal.

* 26 Pour un aperçu des principales fondations d'entreprises en la matière : http://www.associanet.com/docs/mecenat.html .

* 27 Loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, modifiée par la loi n° 90- 559 du 4 juillet 1990, JO juillet 1987, art. 18.

* 28 Rep. min. JOAN Q 24 octobre 1983 p. 4624 ; Bull. Joly 1983, p. 928.

* 29 Règlement n° 99-01 du 16 février 1999, Comité de la réglementation comptable.

* 30 CGI, art. 200.

* 31 CGI, art. 238 bis.

* 32 C. juridictions financières, art. L. 111-8, dernier alinéa, dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux fondations et aux associations.

* 33 Il va être nécessaire, au vu des obligations comptables qui pèsent sur l'association, de s'adresser à un cabinet d'expertise comptable pour établir les comptes de l'association.

* 34 La CSG est prélevée sur la base de 97% du salaire, au taux de 7,5%. La CRDS est prélevée sur la base de 97% du salaire, au taux de 0,5%.

* 35 Pour plus d'informations : http://fiches.cyberjeune.org/ficheprat/fiche.php3?Id=40.

* 36 Voir également : http://fiches.cyberjeune.org/ficheprat/fiche.php3?Id=81.

* 37 Code du travail, art. L. 128-1, issu de la loi n° 2003-442, 19 mai 2003, JO n° 116, 20 mai 2003.

* 38 CGI, art. 794 et 795-2°.

* 39 Code des juridictions financières, art. L. 133-2 et 133-3.

* 40 Loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, JO n° 88, 13 avril 1996, art. 43.

* 41 Loi n° 83-581 du 5 juillet 1983 sur la sauvegarde de la vie en mer.

* 42 Décret n° 84-810 du 30 août 1984 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, l'habitabilité à bord des navires et la prévention de la pollution, JO 1er septembre 1984.

* 43 Division 221 disponible sur le site du ministère de la mer : http://www.mer.gouv.fr/securite/01_reglementation/03_textes_navires/fichier_pdf/divisions/volume_2/d221_(18-11-06).pdf

* 44 Transports publics est entendu dans le sens de tous les transports à but commercial de personnes, accompagnées ou non de marchandises.

* 45 Source : http://webeleves.emse.fr/~respire/Projet1A/Ecoconstruction/Norme%20HQE.doc.

* 46 Res. OMI du 5 décembre 2003, A.23/Res.962.

* 47 Pour les contrats de sous-traitance, se reporter au paragraphe suivant.

* 48 Si la gratification n'excède pas 30% du SMIC, l'employeur doit acquitter les cotisations patronales de sécurité sociale sur une assiette forfaitaire égale à 25% du SMIC, mais ne doit ni la CSG, ni la CRDS.

* 49 Dans ce cas, cette gratification sera soumise aux cotisations patronales et salariales de sécurité sociale, à la CSG et à la CRDS.

* 50 Pour la responsabilité civile délictuelle et quasi délictuelle (vis-à-vis des tiers), voir les questions liées à l'exploitation de la structure animation dans le Titre II.

* 51 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, JO n° 15, 19 janvier 2005.

* 52 C. trav. Art. L. 620-1 ; art. R. 620-1 ; art L. 721-7.

* 53 C. trav. Art. L. 620-3 ; art R. 620-3.

* 54 C. trav. Art. R. 320-1-1.

* 55 Nom et adresse de l'employeur, référence de l'organisme auquel l'employeur verse les cotisations de sécurité sociale, convention collective applicable, nom du salarié, dénomination de son emploi, période et nombre d'heures auxquelles se rapporte la rémunération, montant de la rémunération brute, montant de la somme nette versée au salarié et date du paiement, etc... Pour la liste complète, voir http://www.guidon.asso.fr/article.php3?Id_article=52.

* 56 GRAVEJAT (N.) ; LEVY (E.L.), Le guide pratique de la sous traitance, Paris, Dalloz, 2005, p. 10.

* 57 Conseil économique et social, avis du 24 février 1993 relatif au développement de la vie associative dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901.

* 58 Selon la jurisprudence, le lien de subordination est caractérisé principalement par trois éléments : la soumission à des directives et à des contrôles ; l'intégration dans un service organisé par l'association ; le profit retiré par l'association de l'activité de ses collaborateurs.

* 59 Ainsi, il a été jugé que des professeurs de faculté se livrant à des activités de recherche pour une association ont le statut de bénévoles lorsque, pour ces activités relevant de leurs connaissances et de leur expérience et ayant un caractère très ponctuel, les intéressés reçoivent des sommes destinées à couvrir uniquement leurs frais de déplacement, de documentation, d'achat ou de location de matériel (Cass. soc., 30 janvier 1985, BS Lefebvre 4/95).

A contrario, une rétribution variable en fonction de l'importance des interventions du collaborateur présente le caractère de salaire et non de remboursement de frais. C'est le cas d'étudiants en médecine employés comme auxiliaires médicaux et recevant des indemnités directement liées au nombre de leurs interventions (Cass. soc., 12 février 1985, Bull. civ. 1985-V, p.76, n°102).

* 60 Durée correspondant à la durée de prescription en matière de cotisations de sécurité sociale sur salaires et au délai de reprise de l'URSSAF et de l'administration fiscale (Code de la Sécurité Sociale, article 153).

* 61 Ainsi, l'organisateur d'une kermesse fut condamné à indemniser un bénévole qui tenait le stand de tir et avait été blessé par une balle. Les juges considéraient que l'association à laquelle le bénévole apportait son aide devait l'indemniser de son préjudice « en vertu d'une convention tacite d'assistance » (CA Chambéry, 25 octobre 1965, Les cahiers de l'assurance, C.D.I.A., août 1980, n°3).

* 62 Entrent dans le champ d'application de l'article 200 du Code Général des impôts « les oeuvres et organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ». On voit mal comment l'association « Le Cargo solidaire » pourrait ne pas entrer dans cette catégorie.

* 63 Instr. 4 H-1-98, 15 septembre 1998, BOI n°170, 15 septembre 1998.

* 64 Instr. 4 H-1-99, 16 février 1999, BOI n° 33, 19 février 1999.

* 65 Instr. 4 H-5-06, 18 décembre 2006, BOI n° 208, 18 décembre 2006.

* 66 Loi n° 69-8 du 3 janvier 1969, art. 1.

* 67 Loi prec., art. 2.

* 68 L n° 99-1172 du 30 décembre 1999, loi de finances pour 2000, JO n° 303 du 31 décembre 1999.

* 69 Montant fixé par l'instruction fiscale du 30 octobre 2000. Instr. 4 H-3-00, 30 octobre 2000, BOI n° 201 du 7 novembre 2000.

* 70 Instr. 4 H-1-99, 16 février 1999, prec.

* 71 Instr. 4 H-3-00, 30 octobre 2000, prec.

* 72 Ceci, évidemment, dans l'hypothèse où l'association serait redevable des impôts commerciaux. Sur cette question, se reporter au paragraphe 1 de cette section.

* 73 Dans cette section, on entendra le terme « armement » comme étant l'opération consistant à équiper un navire, c'est-à-dire à le fournir d'un équipage et de tout ce qui est nécessaire à la navigation.

* 74 LE BAYON (A.), Dictionnaire de droit maritime, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004, p. 187.

* 75 Loi n° 2005-412, 3 mai 2005, portant création du registre international français, JO n° 103, 4 mai 2005.

* 76 D. n° 84-810, 30 août 1984, relatif à la sauvegarde de la vie humaine en mer, à l'habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution, JO 1er septembre 1984.

* 77 Loi n° 96-151 du 26 février 1996, JO 16 mars 1996.

* 78 C. trav. mar., art. 10, 10-1, et 11.

* 79 ENIM : Etablissement National des Invalides de la Marine. Il s'agit de la caisse de sécurité sociale des marins, à laquelle va être affilié l'équipage embarqué sur le Cargo solidaire.

* 80 C. trav. mar., art. 102-1 et 102-2 et D. n°78-389, 17 mars 1978, art. 22.

* 81 CA. Rennes, 24 janv. 1998, DMF 1998, 1018, obs. M. Morin.

* 82 Cass. soc., 28 nov. 2002, n° 00-12.365, voilier Le Goazen, Bull. civ. V, n°360.

* 83 Pour une présentation plus détaillée du droit social des marins, voir BEURIER (J.P.) (Dir.), Droits maritimes, Paris, Dalloz action, 2006, p. 411 à 516, « Le droit social des gens de mer », par Patrick Chaumette.

* 84 Les textes relatifs aux assurances maritimes se trouvent dans le Code des assurances : art L. 171-1 à L.171-26 et R. 171-1 à R. 173-7. Les textes relatifs aux assurances-corps sont les articles L. 173-1 à L. 173-16 et R. 173-1 du Code des assurances. Pour les assurances de responsabilité : art. L. 173-23 à L. 173-26 du Code des assurances. Enfin, pour les assurances facultés : art. L. 173-17 à L. 173-22 et R. 173-2 à R. 173-7 du Code des assurances.

* 85 Source : BEURIER (J.P.) (Dir.), Droits maritimes, Paris, Dalloz action, 2006, p. 370.

* 86 En droit français, les textes applicables au contrat de transport de marchandises par mer sont les suivants : Conv. Bruxelles, 25 août 1924, conv. pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement dites Règles de La Haye - D. 25 mars 1937, JO 8 avril 1937 ; Protocole Bruxelles, 23 février 1968, dit Règles de Visby- D. 8 juillet 1977, JO 20 juillet 1977 ; Protocole Bruxelles, 21 décembre 1979, dit Protocole DTS - D. 3 avril 1987, JO 5 avril 1987 ; L. n° 66-420, 18 juin 1966, sur les contrats d'affrètement et de transports maritimes, JO 24 juin 1966 ; D. n° 66-1078, 31 décembre 1966, sur les contrats d'affrètement et de transports maritimes, JO 11 janvier 1967.

* 87 L. n° 66-420 du 18 juin 1966, prec.

* 88 Conv. Bruxelles, 25 août 1924, prec.

* 89 Les textes applicables aux affrètements sont principalement : la loi n° 66-420 du 18 juin 1966, sur les contrats d'affrètement et de transports maritimes, JO 24 juin 1966 et le décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966, sur les contrats d'affrètement et de transports maritimes, JO 11 janv. 1967.

* 90 L. n° 92-645 fixant les conditions des activités relatives à l'organisation ou à la vente de voyages ou de séjours, 13 juillet 1992, JO n° 162 du 14 juillet 1992.

* 91 Décret n° 94-490 du 15 juin 1994, JO n° 139 du 17 juin 1994.

* 92 Textes applicables aux croisières maritimes : Loi n° 66- 420 du 18 juin 1966, prec., articles 47 à 49 et Décret n° 66- 1078 du 31 décembre 1966, prec., articles 78 et 79.

* 93 Textes applicables au transport maritime de passagers : loi n° 66-420 du 18 juin 1966, prec., articles 33 à 46 et décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966, prec., articles 60 à 77.

* 94 Voir, par exemple, Cass. Com., 1er mars 1994, Bull. Joly 1994, p. 295, note M. Jeantin.

* 95 Voir par exemple : Cass. civ., 4 avr. 1978, D. 1979, IR 315.

* 96 Par exemple : GUTHMANN (C.), « Licences de marque, Formules, Conseils pratiques », Juris-Classeur Propriété littéraire et artistique, fascicule n° 7402, 1998.

* 97 Documents disponibles sur le site du Cargo solidaire : www.lecargosolidaire.org/ .






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