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Un exemple unique de construction et d'exploitation d'un navire: Le Cargo solidaire

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par Elisabeth Druel
Université de Nantes - Master II Droit maritime et océanique 2006
  

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§2 : Les contrats passés avec l'équipage

Il faut rappeler ici que le navire étant immatriculé sous pavillon français (hypothèse retenue comme étant la plus probable), c'est le droit social français des gens de mer qui va trouver à s'appliquer ici.

Le projet prévoit un équipage composé de 8 officiers, de 32 membres d'équipage, y compris le personnel de service (pour les croisiéristes) et le personnel médical. Il existe en effet une obligation d'avoir un médecin à bord à partir d'un certain nombre de personnes, et, de plus, la présence de personnes souffrant de handicap physique à bord du Cargo solidaire nécessite la présence d'un personnel soignant pouvant prendre en compte leurs besoins. Relativement à l'équipage lui-même, il n'existe pas de règlement particulier sur leur nombre. Mais l'effectif doit être suffisant en nombre et qualité du point de vue de la sécurité76(*). Il faudra également prendre en compte le fait que le choix de la propulsion vélique entraîne de plus grandes contraintes en matière de nombre d'hommes qualifiés à bord. Les voiles sont plus difficiles à manoeuvrer qu'un simple moteur et nécessitent plus de marins. Mais le but n'est-il pas que le plus de personnes possible bénéficient du projet ?

Quelle va être la nationalité des marins embarqués à bord du Cargo solidaire ? Il apparaît clairement qu'ils pourront être français, mais également originaires des autres pays de l'Union Européenne. En effet, l'un des piliers de la construction communautaire est la liberté de circulation des travailleurs et l'égalité de traitement des ressortissants communautaires (article 39 du traité sur l'Union Européenne). Ce principe a été transposé en droit français par la loi du 26 février 199677(*), qui met fin à l'ancien privilège de nationalité sur les navires battant pavillon français (à l'exception du capitaine et de l'officier suppléant). Des marins européens pourront donc être embarqués à bord du Cargo solidaire. Théoriquement, ces marins européens se verront appliquer la loi du pavillon pour leur contrat de travail, c'est-à-dire la loi française. Ce sera rester fidèle à l'esprit du projet que de continuer à appliquer la loi française lorsqu'elle offre le niveau de protection le plus élevé pour le marin.

Qui va recruter l'équipage ? Il est le préposé de l'armateur et engage, par son activité, la responsabilité de ce dernier. C'est donc l'armateur qui recrute les marins. Que la structure armateur soit propriétaire du navire ou qu'il lui ait été donné en affrètement coque nue par l'association mère, c'est donc elle qui se chargera de l'engagement. Si la structure armateur conclut à son tour un contrat d'affrètement au voyage ou à temps, elle sera également la structure qui recrute (bien que dans l'affrètement à temps, l'équipage soit aux ordres de l'affréteur).

En matière de droit du travail maritime, c'est le Code du travail maritime de 1926 (maintes fois modifié depuis !), qui va être applicable. On va se trouver face à des contrats d'engagement maritime, conclus entre un armateur et un marin en vue d'accomplir un service à bord du Cargo solidaire. Il convient de rappeler ici quelques règles générales relatives à ce type de contrat.

Ce contrat sera obligatoirement écrit et indiquera le service pour lequel le marin s'engage, la fonction qu'il doit exercer, le montant des salaires et accessoires, la durée du contrat, le délai de préavis en cas de résiliation unilatérale78(*). Si le contrat n'est pas écrit, ou si certaines clauses sont non écrites, la nullité pourra être prononcée, nullité qui ne peut être invoquée que par le marin.

Toutes les clauses et stipulations du contrat vont être inscrites ou annexées au rôle d'équipage (titre de navigation délivré à tout navire pratiquant une navigation maritime et pourvu de marins professionnels affiliés à l'ENIM79(*)). Ce rôle est annuel.

Préalablement à cette inscription du contrat d'engagement maritime sur le rôle d'équipage, il faudra obtenir un visa de l'autorité maritime compétente (qui est l'administrateur des Affaires Maritimes si le Cargo solidaire a comme port d'attache Nantes Saint-Nazaire). Ce visa est obligatoire, même pour les marins étrangers, dont le contrat est soumis au Code du travail maritime français.

Le contrat d'engagement maritime sera conclu normalement pour une durée indéterminée. Le contrat à durée déterminée est l'exception, même si des contrats d'engagement au voyage peuvent toujours être conclus (C. trav. mar., art. 10-1).

Quelles vont être les causes de rupture du contrat à durée indéterminée ? On trouve tout d'abord le licenciement maritime, qui intervient en cas de résiliation par l'armateur du contrat d'un marin titularisé ou stabilisé dans son emploi, que ce marin soit embarqué ou non, ou lorsque le marin justifie d'une ancienneté de services continus d'au moins un an dont six mois d'embarquement effectif et continu, ou encore en cas d'absence de proposition d'embarquement pour un marin remplissant les conditions d'ancienneté et d'embarquement du cas précédent dans un délai de trente jours à partir de l'achèvement des temps de congés et de repos80(*).

On peut également recourir à la rupture unilatérale du contrat à durée indéterminée, susceptible de dommages et intérêts en cas de résiliation abusive. Le droit classique des licenciements économiques (tels que définis à l'article L. 321-1 du Code du travail) s'applique aussi aux contrats d'engagements maritimes. Les motifs peuvent en être les suivants : motif non inhérent à la personne du salarié, suppression ou transformation d'emploi, modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou des mutations technologiques.

Enfin, il faut noter qu'outre les causes de rupture du contrat, existent des causes de suspension. Ces dernières sont variées : les congés payés, prévus par une ordonnance du 25 mars 1982, les congés maternité et adoption, les accidents du travail et maladies professionnelles, la grève...

En résumé, s'applique ici le droit social commun des gens de mer, que la structure armateur ne devra pas négliger, et même devra optimiser au maximum pour répondre aux objectifs du projet.

Une question, cependant, demeure : quel type de contrat passer avec le personnel de service du Cargo solidaire, c'est-à-dire avec le personnel qui s'occupera des passagers embarqués ? Le contrat d'engagement maritime s'applique uniquement aux marins. Faut-il en conclure qu'un contrat de travail classique (terrestre) sera nécessaire ici ? Tout dépend en réalité de la notion de marin qui sera retenue. La jurisprudence est hésitante en la matière. Le Code du travail maritime, en son article 3, définit le marin comme quiconque s'engage envers l'armateur ou son représentant pour servir à bord d'un navire. Dans un arrêt de 1998, la Cour d'appel de Rennes avait jugé que le personnel hôtelier d'un ferry n'avait pas conclu de contrat d'engagement maritime avec l'armateur et n'était pas marin81(*). A contrario, en 2002, la Cour de cassation reconnaissait la qualité de marin à un éducateur spécialisé qui encadrait des enfants à bord d'un navire82(*).

Il semble qu'il faille pencher en faveur de la conception large de la notion de marin, qui est à la fois la solution la plus récente et la position adoptée par la Cour de cassation. Ce la conduirait à la conclusion de contrats d'engagement maritime avec le personnel de service du Cargo solidaire83(*).

* 76 D. n° 84-810, 30 août 1984, relatif à la sauvegarde de la vie humaine en mer, à l'habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution, JO 1er septembre 1984.

* 77 Loi n° 96-151 du 26 février 1996, JO 16 mars 1996.

* 78 C. trav. mar., art. 10, 10-1, et 11.

* 79 ENIM : Etablissement National des Invalides de la Marine. Il s'agit de la caisse de sécurité sociale des marins, à laquelle va être affilié l'équipage embarqué sur le Cargo solidaire.

* 80 C. trav. mar., art. 102-1 et 102-2 et D. n°78-389, 17 mars 1978, art. 22.

* 81 CA. Rennes, 24 janv. 1998, DMF 1998, 1018, obs. M. Morin.

* 82 Cass. soc., 28 nov. 2002, n° 00-12.365, voilier Le Goazen, Bull. civ. V, n°360.

* 83 Pour une présentation plus détaillée du droit social des marins, voir BEURIER (J.P.) (Dir.), Droits maritimes, Paris, Dalloz action, 2006, p. 411 à 516, « Le droit social des gens de mer », par Patrick Chaumette.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote