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Un exemple unique de construction et d'exploitation d'un navire: Le Cargo solidaire

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par Elisabeth Druel
Université de Nantes - Master II Droit maritime et océanique 2006
  

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§1 : L'association mère et ses structures filles

Le choix de la forme associative correspond parfaitement à l'esprit du projet, l'objectif n'étant ici pas de réaliser des bénéfices, mais de mettre en oeuvre la pratique des solidarités. Cependant, l'association simplement déclarée ne jouit que d'une demi-personnalité morale, qui l'empêche d'accomplir certains actes, peut-être nécessaires à la réalisation du projet, notamment recevoir des dons et libéralités entre vifs ou testamentaires.

Quelles vont être les ressources de l'association qui vont permettre la construction du navire ? D'une façon générale, quelles sont les ressources dont l'association va pouvoir disposer conformément à la loi tout au long de son existence ?

Ces ressources sont prévues dans l'article 11 des statuts, mais rien ne s'oppose à ce qu'une modification statutaire élargisse cette liste, en restant bien évidemment conforme à la loi.

On opère une distinction entre les ressources internes et les ressources externes à l'association. Dans les premières, on trouve tout d'abord les cotisations. Celles-ci ne posent pas de problème particulier, mais ne constituent cependant qu'une part négligeable du financement du projet.

Ensuite, l'expression « vente de produits, de services ou de prestations fournies par l'association » mentionnée par les statuts est recouverte par l'expression plus générale d'activités économiques. On distingue l'activité économique, qui consiste à produire ou à distribuer des biens ou services, de l'activité commerciale, qui est l'accomplissement à titre habituel, d'actes de commerce.

L'exercice d'activités économiques par les associations est parfaitement possible, à la condition que cette activité soit développée dans le cadre d'un objet licite excluant tout partage de bénéfices entre les sociétaires18(*). Il est nécessaire, de plus, que ces activités économiques soient prévues dans les statuts. Cela ne semble poser aucun problème dans le cadre du Cargo solidaire, les statuts parlant expressément de construction et d'exploitation, activités économiques par nature.

Pour les activités économiques, certaines règles du droit des affaires trouveront à s'appliquer à l'association, entre autres : l'article L. 612-4 du Code de Commerce relatif au règlement amiable et à la prévention des difficultés des entreprises qui s'impose aux personnes morales exerçant des activités économiques au-delà d'un seuil de 150 000 euros ; les dispositions du Code de Commerce sur le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises ; certaines règles en matière de concurrence (l'association peut notamment faire l'objet d'une action en concurrence déloyale)...

Lorsque l'activité de l'association n'est plus seulement économique, mais commerciale (réalisation à titre habituel d'actes de commerce), certaines règles du droit commercial vont trouver à s'appliquer, et l'on pourra se poser la question de savoir si l'association doit rechercher la qualification de commerçante. En effet, certaines associations réclament cette qualification, qu'elles jugent avantageuse, parce qu'elle leur permet, par exemple, de récupérer la TVA ou encore d'obtenir le renouvellement d'un bail commercial.

L'association « Le Cargo solidaire » se situe a minima dans le domaine de la para commercialité. Tout au long de son existence, l'association sera amenée à réaliser des actes de commerce classiques, comme les contrats de transport. Pourra-t-elle rechercher cette qualification ?

La Cour de Cassation admet traditionnellement qu'une association puisse effectuer des actes de commerce qui ne modifient en rien la nature civile du groupement à condition qu'ils ne soient qu'accessoires par rapport à l'objet statutaire de l'association et à condition que les bénéfices ne soient pas distribués aux membres. Lorsque les actes de commerce sont réalisés de façon habituelle, la question est plus épineuse. La Cour de Cassation renâcle à reconnaître la qualité de commerçant aux associations, et se contente, dans les espèces dont elle a eu connaissance, d'appliquer ou de refuser d'appliquer certaines règles du droit commercial (comme le statut des baux commerciaux, les règles de preuve en matière commerciale, la compétence des tribunaux de commerce...). De façon générale, pour qu'une association soit commerçante, il faut qu'elle exerce son activité commerciale à titre principal, que cette activité revête un caractère spéculatif répété et prime l'objet statutaire.

Il semble difficile ici de rechercher la qualification de commerçant, ne serait-ce que parce que l'activité commerciale ne prime pas l'objet statutaire, mais est bien mise au service de sa réalisation à travers la pratique des solidarités. L'activité économique de l'association est indiscutable, son activité commerciale aussi, mais rien ne prouve qu'être commerçant conférerait de plus grands avantages à l'association pour assurer le financement du projet. Au contraire, il semble même que cela l'écarterait de la possibilité d'obtenir un certain nombre d'aides. Il faut aussi souligner que l'association, qui ne jouit que d'une demi-personnalité morale, ne bénéficie pas de toutes les prérogatives d'une société en la matière. A ce titre, il apparaît judicieux de confier la réalisation des actes de commerce à une structure « fille » de l'association, qui pourrait être une société. Les fondateurs du projet ont écarté l'idée quant à la construction du navire, qui sera menée par l'association elle-même. Mais c'est la solution qui est envisagée pour l'exploitation du navire et qui sera, à ce titre, développée dans le Titre II.

Cette filialisation est également une solution qui permettrait de soustraire les activités non commerciales aux impôts commerciaux qui pourront être exigés. Même si l'association n'est pas reconnue juridiquement commerçante, elle pourra l'être fiscalement et ainsi être soumise aux impôts commerciaux. L'administration fiscale utilise en effet d'autres critères que la Cour de Cassation pour juger de la qualification de commerçant19(*).

Voilà pour les ressources internes à l'association mentionnées dans les statuts. D'autres ressources peuvent également être envisagées, des ressources externes, qui ici, vont jouer un grand rôle dans le financement de la construction du navire. Sont mentionnés dans les statuts les dons manuels, parfaitement licites dans le cas des associations simplement déclarées. Il faut noter ici que les dons des établissements d'utilité publique sont également possibles20(*). La question des libéralités pose plus de problèmes.

Une association simplement déclarée ne peut, en effet, recevoir de libéralités entre vifs ou testamentaires. Une exception existe cependant, qui permettrait au Cargo solidaire de compléter utilement ses moyens de financement, pour les associations déclarées qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale. Dans ce cas, une demande d'acceptation de donation ou de legs est adressée au préfet du département du siège social de l'association. Cette demande entraîne une enquête administrative et certaines modifications statutaires. La décision d'autorisation est prise par décret en Conseil d'Etat21(*).

L'association peut également bénéficier de subventions, qui jouent une grande part dans le budget prévisionnel de construction du Cargo solidaire. Elle peut recevoir des subventions de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics. Il faudra pour cela qu'elle dépose une demande de subvention auprès de la collectivité. La décision d'octroi ou non relève du pouvoir discrétionnaire de la collectivité. Il faut noter qu'une collectivité territoriale ne peut accorder une subvention à une association que si l'activité de celle-ci présente un intérêt pour la collectivité, c'est-à-dire que si l'activité de l'association entre dans le champ d'action de la collectivité considérée. Les subventions peuvent être accordées en espèces ou en nature, et doivent être utilisées conformément à l'affectation prévue ou à l'objet social de l'association sous peine de reversement à la personne morale. Une association n'a pas le droit de faire bénéficier une autre association de tout ou partie de la subvention qui lui a été versée : cette condition semble mettre un frein à une filialisation sous la forme association mère- association fille.

Les subventions sont très encadrées par les pouvoirs publics et un grand nombre de conditions est posé pour leur octroi et leur utilisation. Notamment, des règles fiscales et comptables particulières vont être appliquées, qui seront développées plus bas.

Enfin, l'article 11 des statuts rappelle que les finances de l'association peuvent être constituées « de toute autre ressource qui ne soit pas contraire aux règles en vigueur ». Un grand nombre de ressources financières peuvent entrer dans cette catégorie : les apports en espèces ou en nature faits à l'association par un sociétaire (membre) ou un tiers, l'excédent des ressources annuelles (économies faites sur le budget annuel), les amendes éventuelles prononcées à l'encontre d'un sociétaire, les emprunts sous certaines conditions etc...

L'association est donc un bon mode de financement du projet, mais mal adapté, sous certains aspects, aux pratiques commerciales qui seront nécessaires pour réaliser l'objet statutaire. Faudra-t-il envisager une filialisation sous forme de société ?

* 18 Dans le cas contraire, l'association sera requalifiée en commerçant de fait, ce qui est un cas extrêmement rare.

* 19 Sur ces critères, voir la section 2 de ce chapitre, plus particulièrement centrée sur les questions financières et fiscales.

* 20 Loi du 1er juillet 1901, art.6 modifié par la loi du 23 juillet 1987, prec. La notion de don manuel n'est pas précisée par la loi.

* 21 Cf note de bas de page n°12.

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