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Les auditeurs de Skyrock face à l'intolérance - Fonctionnement, valeurs et portée du discours de l'émission "Radio libre" dans le traitement des problèmes d'intolérance vécus par ses auditeurs

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par Mathieu Sicard
Université Paris III Sorbonne Nouvelle - DEA - Master 2 recherche 2006
  

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Conclusion

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Bilan du parcours et de l'expérience de la recherche

Notre corpus, en s'affinant peu à peu, nous a conduit à retenir des sujets parmi les plus éprouvants pour ce que nous avons défini, en l'empruntant au vocabulaire de Radio libre, comme skysolidarité. Nous n'avons pas arrêté notre choix au seul traitement des sujets concernant le racisme, l'homophobie, ou la raideur traditionnelle-religieuse : le projet était d'interroger la skysolidarité ellemême, son fonctionnement à rude épreuve, non faire une étude de genre ou sur un thème de société ciblé. Face au racisme, à l'homophobie et aux intolérances qui touchent à l'identité des auditeurs comme jeunes adultes en construction ou à leurs choix de vie, comment s'organise l'entraide à la base du contrat de communication de l'émission, quelles valeurs gouvernent les conseils prodigués à l'antenne ?

Nous avons parcouru l'itinéraire de ces jeunes qui ont recours chaque soir à la solidarité proposée dans un espace radiophonique pour résoudre leurs problèmes. Comme une grande partie de la génération actuelle d'adolescents et de jeunes adultes, ces jeunes s'inscrivent dans différentes cultures, ont des origines sociales ou ethniques diverses, des religions différentes. En quête de liberté, ils subissent parfois les tensions issues de ce multiculturalisme, des communautarismes et celles que connaissent tous les adolescents avec leurs parents. La plupart du temps vivant sous leur toit, ils sont confrontés à leur regard et leur jugement alors qu'ils s'émancipent pour entrer dans l'âge adulte.

Pour y parvenir, ils ont besoin de repères, d'adultes à qui ils reconnaissent une véritable légitimité. Le rôle est devenu malaisé pour leurs parents qui parviennent difficilement à créer ce lien électif avec leur progéniture qui construit son identité propre, autonome, en obéissant à d'autres codes. En outre, dans les sujets que nous avons retenus, ce sont les parents eux même qui sont à l'origine du mal-être des auditeurs. C'est donc ailleurs, vers d'autres, qu'ils vont se tourner pour tenter de créer un lien social nécessaire à leur épanouissement. Naturellement vers de la famille, un frère, une soeur, ou des amis. Mais que se passe-t-il lorsque personne ne sait partager avec eux leurs identités qui peuvent paraître singulières ou leurs choix de vie qui ne correspond pas à l'idéal familial ?

Ils sont trois millions chaque soir à écouter Radio libre, à s'inscrire dans une communauté où l'on vient se confier pour essayer de trouver une solution à ses problèmes, dans un espace où s'est construite, en huit années, une légitimité propre à la confidence. Nous avons défini cette légitimité par la figure du grand frère, incarné par Difool. Un personnage reconnu comme un pair, qui parle le même langage, qui affiche partager des préoccupations communes.

Nous avons dessiné une architecture des grandes phases du processus de skysolidarité. Après l'exposé du problème, l'équipe de l'émission évalue la situation de l'auditeur. Le dialogue est-il encore possible, un proche peut-il l'aider, quelles alternatives peuvent, à ce moment, se proposer à lui ? Vient ensuite le temps du partage des expériences, au centre du dispositif de l'émission. Les animateurs -certains encore au lycée- expriment leurs points de vue sur la situation de l'auditeur et les réactions, les attitudes qu'ils ont eues s'ils l'ont connue. Les auditeurs aussi participent à cette construction : par SMS, par mails dont Difool lit une sélection, ou directement à l'antenne, par téléphone. On tente enf in une synthèse.

Cette grande structuration permet de faire apparaître une logique fonctionnelle mais l'analyse voulait que l'on s'intéresse aussi au contenu du discours, aux valeurs qui gouvernent la conversation qui s'établit dans l'émission. Si sur d'autres sujets, la position de l'équipe, suivie par l'ensemble de la communauté, peut être plus modérée, elle ne transige pas sur les questions d'intolérance. Le racisme et l'homophobie sont combattus, comme tout ce qui freinerait la liberté individuelle en portant atteinte à la construction de l'individu : son identité profonde, le choix de la personne qu'il aime.

S'il est une chose primordiale dans le processus de la skysolidarité, c'est la revendication d'un « total respect », promesse de l'émission érigée en slogan et définitivement installé en première ligne du contrat de communication. Il s'agit alors, pour les sujets que nous avons traités, de ne pas transiger sur le respect des identités de chacun ou de la liberté de ses choix amoureux.

Si la couleur de la peau du petit ami déplait aux parents, c'est à eux de changer, pas à l'auditeur. « En 2004 », l'homosexualité n'est plus depuis longtemps une marginalité ni un comportement déviant, même si cela peut encore « choquer » certains de ceux qui appartiennent à une autre génération, le dialogue est en premier lieu prôné pour résoudre tous les conflits. Le sérieux d'une relation peut donner raison à un argumentaire.

Mais en cas de frilosité aggravée des parents à certains sujets, rien n'oblige à partager avec eux certains points de sa vie privée s'il n'est pas possible d'espérer un équilibre nécessaire à l'épanouissement et la bonne pérennité du lien familial dont l'importance, si elle se place après les choix de l'individu, est sans cesse rappelée. Que ce soit en restant discret ou en prenant le large et en marquant une rupture pour s'émanciper seul ou en couple si la cellule familiale ne sait pas s'adapter au choix d'un enfant devenu jeune adulte, la distanciation est envisagée comme l'alternative à l'affrontement permanent et stérile, pour respecter un équilibre personnel. Il existe des moyens pour permettre de s'assumer en jeune majeur libre, pour lesquels certains auditeurs ont opté. Sans que le lien social familial ne soit jamais rompu de façon rédhibitoire.

On partage alors les expériences de chacun, et lorsque la situation est des plus précaire, comme ce fut le cas de cette jeune auditrice enceinte et à la rue par grand froid (dernier sujet du corpus, retranscriptions de la page 98 à la page 104), on étale des solutions très concrètes auxquelles les auditeurs seront partie prenante : un ambulancier à l'écoute de l'émission la conduira chez deux pétillantes colocataires qui l'hébergeront et l'assisteront dans ses démarches administratives pour lesquelles l'animatrice a élaboré un plan opérationnel.

Au-delà de l'entraide, le discours érige certaines valeurs : le dialogue, la condamnation de toute discrimination, la défense d'un lien social qui respecte la liberté de l'individu.

Le discours développé par la skysolidarité construit une norme dont le respect de chaque individualité est à la base. Nous avons défini comme apologie du

métissage culturel l'obstination à exalter la beauté de la cohabitation et du mélange des différences en opposition aux réactions de peur, voire d'hostilité.

Le moment radiophonique constitué par Radio libre peut se définir ainsi comme un espace social alternatif superposé à ceux de la vie « réelle » pour les suppléer un temps en tentant d'aider à renouer les liens qu'ils entretiennent avec un individu (jeune adulte auditeur) résolument placé au centre du schéma social et qui doit selon le discours de la skysolidarité commencer par s'assumer lui-même en ne laissant pas le racisme ou l'homophobie porter atteinte à sa liberté. L'animateur de l'émission jouit à cet effet de la légitimité de la reconnaissance d'un pair, d'un grand frère.

Skyrock est une radio commerciale qui a trouvé comme positionnement avantageux pour son émission Radio libre d'assumer une mission d'entraide et de solidarité autour des thèmes qui préoccupent la jeunesse ciblée. Ou la construction d'un vivre ensemble dans le respect des individualités pour ses auditeurs, entre eux, et avec le monde.

Comme j'avais pu penser que la recherche universitaire avec un pied en entreprise pouvait se conjuguer en apportant à l'une comme à l'autre, on peut, selon un certain regard, exprimer que Skyrock fait d'une mission de service public une réussite commerciale.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe