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Le bouddhisme theravada, la violence et l'état. Principes et réalités

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par Jacques Huynen
Université de Liège - DEA Histoire des religions 2007
  

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Le Bhikkhâparampara Jâtaka

Ce Jâtaka (496) traitant en fait surtout de questions de préséances entre rois et sages, pour confirmer celle des seconds sur les premiers, nous n'en traduisons qu'un court passage pertinent pour notre propos117(*).

Jadis à Bénarès, Brahmadatta ayant renoncé à toute méconduite, en toute sérénité gouvernait le royaume d'après les dix règles de conduite118(*) convenant à un roi. Aussi en cet état paisible, sa cour de justice était quasiment vide. Le roi après s'être mis lui-même en mal de rechercher une infraction à commencer par ses propres quartiers, son palais, les rues de la ville et les banlieues à la recherche d'une infraction, n'ayant rien trouvé, se dit: « je vais enquêter dans le pays .» Ayant confié le royaume à son ministre, accompagné de son chapelain, parcourant le royaume de Kasi, n'ayant ni vu ni entendu parler d'un délit, ayant atteint un village, il s'assit aux abords du kiosque public bâti hors les murs près de la porte [du village].

Le Mûgapakkha Jâtaka

Le Mûgapakkha Jâtaka (Ja, 538, 15-25) relate l'histoire du Prince Temiya qui un mois après sa naissance, alors qu'il venait d'être amené à son père, fut témoin de la scène où ce dernier infligea à quatre voleurs des peines très cruelles. Le Prince se rappela alors avoir, lui aussi, régné sur ce royaume une vingtaine d'années au cours d'une de ses vies antérieures et d'avoir payé de 80 000 ans de purgatoire la cruauté inhérente à la fonction royale. Décidé à échapper à une nouvelle période d'expiation, il décide sur les conseils d'une déesse qui avait été sa mère dans une autre des ses vies antérieures, de simuler bêtise, surdité et infirmité ce qui le rendrait inapte à régner.

En contraste avec l' Aggañña, le Cakkavatti et l'Adhammika Sutta, ainsi qu'avec les Jâtaka Sumangala et Bhikkhâparampara, c'est donc ici un pessimisme radical par rapport à l'exercice du pouvoir et de la fonction royale qui s'exprime. Peut-être peut on y chercher l'origine du fait que de nombreux souverains de pays theravada se firent moine pendant ou à la fin d'une vie marquée par l'intrigue et la violence comme nous le verrons dans la deuxième partie de ce mémoire.

Pour comprendre le mécanisme psychologique à la base de cette démarche il faut se rappeler que dans le theravada l'opinion est courante suivant laquelle seuls les moines peuvent atteindre au nibbâna. Quel meilleur moyen que se faire moine existe-t-il par conséquent de se laver d'un karma négatif, pour qui a beaucoup à se reprocher ?

Ci-après la traduction de l'épisode du jugement des voleurs (15?-25).

Mieux vaut paraître stupide et invalide

Quand il eut atteint l'âge d'un mois, comme c'était la coutume, on le conduisit auprès du roi qui l'ayant considéré, puis pris dans ses bras, l'installa sur sa hanche et s'assit pour jouer [avec lui]. À ce moment on amena quatre voleurs ; il ordonna que l'un d'entre eux soit frappé de mille coups d'un fouet garni d'épines, un autre soit envoyé, chargé de chaînes, dans la prison de la ville, que le corps d'un autre soit lacéré de coups de javelot et pour le dernier [il ordonna] l'empalement.

Le bodhisattva entendant ces ordres de son père en fut effrayé et pensa : « Hélas ! le roi, mon père, me crée par sa faute une destinée infernale. »

Mais le jour suivant, après l'avoir bien apprêté, on le coucha sur le lit royal sous une ombrelle blanche. S'étant un peu assoupi il s'éveilla et entrouvrant les yeux, considérant l'ombrelle blanche il vit toute cette grande pompe. Alors la peur qu'il avait d'abord ressentie revint en force. Réfléchissant [il s'interrogea] « d'où et comment suis-je arrivé en cette maison royale » [et] par l'intuition de celui qui est doté du pouvoir de se rappeler ses vies antérieures, après s'être rappelé être venu du monde des dieux, cherchant au delà il vit une période d'expiation dans un purgatoire, et plus loin [encore ] il reconnut avoir été roi dans cette même ville précisément. Il se dit alors : « Après avoir régné vingt ans j'ai dû ensuite rester quatre-vingt mille ans dans le purgatoire Ussada, et me voici maintenant à nouveau revenu dans ce repaire de bandits119(*) où mon père quand lui furent amenés hier ces quatre voleurs prononça de dures sentences conduisant à l'enfer [celui qui les prononce]. Si je règne à nouveau, après être rené en enfer, j'endurerai encore de grandes souffrances. » Méditant de la sorte, une grande frayeur l'envahit. et son corps doré prit la couleur de la poussière [semblable à celle produite] par un lotus fané écrasé dans la main. Il se coucha en pensant « Et si je m'enfuyais de ce repère de voleurs ? » Alors une divinité qui avait été sa mère [dans une vie antérieure] du parasol où elle résidait, le réconfortant, lui dit :

« N'aie pas peur mon petit Temiya ! Si tu veux te libérer, bien que tu sois vaillant120(*), fais semblant d'être infirme, bien que tu entendes parfaitement, fais semblant d'être sourd, bien que tu sois intelligent, fais semblant d'être stupide. Te concentrant sur ces trois points121(*) ne manifeste aucune intelligence ». Elle entonna alors la première strophe [suivante]:

« Ne manifeste aucune disposition pour les études

De tous êtres vivants sois le plus idiot

Et que tous s'en prennent à toi

Ainsi se réalisera ton objectif. »

Ayant trouvé du réconfort en ses paroles, [il enchaîna]:

« Je mettrai en pratique les paroles que tu m'as dites, Ô Déesse, dans ta bienveillance, Mère, ma bienfaitrice, Ô Déesse ».

Après avoir prononcé cette strophe, il s'appliqua aux trois points.

[La stratégie conseillée par la déesse au terme de multiples péripéties réussit si bien que le roi après avoir essayé de le convaincre, puis de l'obliger à lui succéder, puis de chercher à le tuer, est finalement obligé de reconnaître l'intelligence supérieure de son fils et de ses choix existentiels. Lui-même, la famille royale et les rois ennemis du voisinage se convertissent au Dhamma et adoptent la vie érémitique.]

* 117 PTS.: 496, 4 : 370.

* 118 dâna, aumône; sîla, moralité; pariccâga, générosité; ajjava, honnêteté; maddava, amabilité; tapo, contrôle de soi; akkodha, non-colère ; avihimsa, non-violence; kanthi, patience; avirodhana, non-contradiction.

* 119 Les rois, note St. COLLINS (op.cit, p. 25) sont souvent assimilés à des criminels dans la sagesse aphoristique de l'Asie du Sud et dans les Jâtaka (cf aussi COLLINS, Chap. VI) mais (p.28) ce n'est pas le cas pour un Cakkavatti qui n'est pas qu'un « maffieu promu roi, parce que doté d'un potager un peu plus grand, mais un empereur régulant sereinement la nature humaine. »

* 120 yeva: even> même vaillant fais semblant...

* 121 VRI : a?gani : « membre, tache ».

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