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Le bouddhisme theravada, la violence et l'état. Principes et réalités

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par Jacques Huynen
Université de Liège - DEA Histoire des religions 2007
  

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Moines en politique

Moines-rois et Rois-moines

Trevor LING (1979, p. 51) parle de la facilité avec laquelle les moines entraient et sortaient de la vie monastique.

En Birmanie le roi Dhammaceti (XVe) fut moine à Ava dans le Nord avant de devenir roi de Pegu en Basse Birmanie en épousant la fille de la reine, Shin Sawbu, sa « fille spirituelle » qu'il avait aidée à s'enfuir d'Ava où elle avait été mariée contre son gré au roi local (HAZRA, 1981, p. 108, en note).

Plus près de nous (Trevor LING, Idem, p. 68) Thibaw, après avoir été moine, fit massacrer tous les candidats au trône pour devenir le dernier roi de Birmanie. Il fut forcé d'abdiquer par les Britanniques en 1885. La manière dont il s'était emparé du pouvoir n'empêcha pas les milieux nationaliste et certains bouddhistes birmans d'en faire un de leurs martyrs.

En Thaïlande, Mahâsami petit-fils de Pha Müöng, qui avait aidé le père de Râma K'amhèng à fonder le royaume de Sukhodaya, quitta la robe royale pour adopter celle du moine de forêt vivant de racines et de fruits « comme un moine singhalais » (HAZRA, Idem, p. 151 et G. COEDÈS, pp. 398-399). Lü T'ai, fils du roi Lö T'ai de Sukhodaya se fit moine en 1361 après avoir perdu son indépendance sous les coups du premier roi de Ayutthaya, Râmâdhipati166(*). Le phénomène y devient particulièrement remarquable au XVIII e siècle. Après la chute de Ayutthaya devant les Birmans, des centres locaux de pouvoir émergèrent un peu partout dans le pays. Ainsi à Sawangbury, dans le Nord de la plaine centrale, près de Sukhodaya, un moine bouddhiste nommé Ruan prit le pouvoir et nomma certains de ses collègues généraux et officiers. Il considérait comme son devoir de veiller à la qualité du sangha tant du point de vue moral que de l'entraînement physique. Cependant, vers 1777 il commença à manifester des signes d'excentricité. Finalement son général Phraya Chakri s'empara du pouvoir et en 1782 déplaça la capitale vers l'autre rive du Ménam, à Bangkok, fondant ainsi la dynastie actuelle des Chakri (Trevor LING, Idem, p. 51) dont deux des souverains au moins, Mongkut et Chulalongkorn, furent assez longuement moines avant de monter sur le trône, et dont plusieurs princes exercèrent la fonction de Patriarche suprême de Thaïlande.

Thaïlande : le Sangha et les communistes

En octobre 1973 des étudiants thaïs initièrent un mouvement de protestation qui devait, après plusieurs dizaines de victimes, décider le roi et le chef d'état-major, le général Kris Sivara, à pousser vers la sortie le Premier Ministre Maréchal des logis Thanom Kittikachorn, l'encourageant à quitter le pays. La junte fut remplacée par un gouvernement civil provisoire chargé de rédiger une constitution qui fut proclamée en 1974. Des élections eurent lieu en 1975 et portèrent au pouvoir une coalition de centre droit. L'extrême droite n'acceptant pas sa défaite trouva un allié de poids dans le moine farouchement anticommuniste Kittivuddho167(*). Ce moine déclara en juin 1976 que «tuer des communistes n'était pas déméritoire [n'entraînait pas de mauvais karma] au contraire...car ce qui était visé était une idéologie et non des gens.» S'inspirant sans doute du mythe singhalais de Dutthagamani dans le Mahâvamsa, il ajouta que « ces ennemis de la nation et de la religion n'étaient d'ailleurs pas vraiment des gens mais des bêtes sauvages » et illustra ces propos de la parabole suivante : « lorsque l'on grille un poisson en faire une bouillabaise à offrir aux moines, le mérite acquis par ce dernier acte surpasse le démérite qu'entraîne le premier.» Cette pirouette casuistique évoque le dernier vers du Mahâvamsa, cité ailleurs, où il est dit du roi Mahasena que par la construction de réservoirs et d'un canal, entraînant la destruction de petits animaux, il s'était attiré beaucoup de démérite, mais aussi beaucoup de mérite car il avait ainsi contribué à fertiliser la terre. Bien que le Patriarche de Thaïlande eût peu de temps auparavant rappelé que le bouddhisme interdit tout meurtre quelle qu'en soit la raison, le Conseil des Ancients (sorte de sénat monastique) refusa néanmoins de se saisir du cas de Kittivuddho ainsi que le lui demandait le National Student Center et le Yuvan Song (moines de gauche).

À la nouvelle du retour possible du Maréchal Thanom Kittikachorn, réfugié à Singapour, où il avait été entretemps admis comme novice, afin de recevoir au Wat Bovornives à Bangkok, la grande ordination (upasampada) qui ferait de lui un moine à part entière, des troubles éclatèrent mais ne suffirent pas à empêcher les projets du maréchal qui rentra finalement et fut ordonné le 19 septembre. Les troubles reprirent qui firent des centaines de victimes et aboutirent au coup d'état d'octobre 1976 rendant le pouvoir à l'armée avec un programme en partie inspiré du Nawaphon, le mouvement de Kittivuddho. Aucun membre de ce mouvement ne figurait cependant dans le gouvernement car, fait remarquer Charles KEYES (op.cit, p. 160), il semble que le bouddhisme militant mette les Thai, même les plus nationalistes, un peu mal à l'aise. Sans doute le passage de l'idée de la violence comme un moindre mal--mais un mal quand même--à celle de son caractère obligatoire et méritoire n'était-il pas accepté. KEYES cite Heinz BECHERT168(*) pour qui «The Buddhist public [accepts] political activity of the Sangha as legitimate only in periods of crisis when the survival of Buddhism itself [is] considered to be at stake.»

* 166 G.COEDÈS, op. cit, p. 398-402.

* 167 Les communistes venaient de s'imposer définitivement au Laos, au Cambodge et au Vietnam. Cf. Charles KEYES « Political Crisis and Militant Buddhism » in B.L.SMITH, Religion and Legitimation of Power, p.150 et sq.

* 168 «Sangha, State, Society, Nation : Persistence of Tradition in `Post-Traditional' Budhist Societies», Daedalus, 102.1:90, 1973.

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