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La République tchèque : analyse de son "retour à l'Europe"

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par Audrey Arnoult
Université Lyon 2 - Master 2 en Sciences de l'Information et de la Communication 2007
  

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2. La tradition, une composante de l'identité nationale qui tend à disparaître

L'article intitulé « On dirait que vous avez peur de nous »172(*) nous permet de confirmer certaines remarques faites précédemment. La moitié du discours est consacré au mariage de deux Tchèques ce qui, au premier abord, peut sembler paradoxal au vu de l'article précédent. En réalité, l'analyse permet de comprendre la stratégie de Libération : certes le mariage est « un peu à contre courant des habitudes des Tchèques » mais le quotidien entend montrer que quand il y a mariage celui-ci n'a rien de traditionnel. En effet, plusieurs détails permettent de souligner l'absence de tradition : le mariage « n'avait rien de traditionnel », il était inspiré des films américains, il n'y a pas eu de passage à l'Eglise puisqu'« ils sont tous les deux athées comme l'immense majorité des Tchèques », enfin ils habitent ensemble depuis six ans, la liste de mariage est donc inutile. Pourtant les deux mariés ont du faire quelques concessions à la tradition que Libération énumère dans un second temps en une seule phrase : la robe de princesse, la promenade en voiture ancienne, la sérénade des musiciens traditionnels... Alors que la description du mariage comme cérémonie « non traditionnelle » est renforcée par les propos des jeunes mariés, l'énumération des concessions faîtes à la tradition ne fait l'objet que d'une seule phrase et n'est légitimée par aucun discours rapporté qui puisse les mettre en valeur ; c'est donc bien l'absence de tradition voire même le refus de la tradition qui est ici souligné. Ce reportage confirme donc la stratégie discursive de Libération mentionnée dans l'article précédent qui vise à présenter le mariage non comme une tradition et donc une composante de l'identité nationale mais comme un « fête » pour rependre les termes des deux mariés.

3. Une représentation confuse de l'identité nationale

« Portrait robot des dix nouveaux : République tchèque »173(*) est le dernier article dans lequel Libération nous donne quelques indications quant aux composantes de l'identité nationale tchèque. La première remarque que nous pouvons faire concerne le format de cet article : un « portrait robot » qui résume avec plus ou moins d'exactitude les différents éléments de la « check list identitaire ». L'histoire est la première composante mise en avant par le quotidien qui retient deux dates significatives pour la nation tchèque : 1968 et 1989. Nous retrouvons donc là encore les deux événements auxquels est associée la République tchèque dans l'imaginaire des Français. Ensuite, le personnage retenu comme symbole de la République tchèque est le brave soldat Chveïk qui constitue effectivement l'une des figures marquantes de la littérature et est encore aujourd'hui considéré comme le symbole de la nation tchèque. Ensuite, Libération retient comme « lieu » représentatif de la République tchèque, la ruelle des alchimistes, qui nous renvoie aux lieux de mémoire dans la typologie d'A-M. Thiesse. Cependant, le lieu cité par Libération n'est pas un lieu symbolique dans l'histoire tchèque comme l'est par exemple la place Venceslas. Le quotidien semble opérer une confusion peut-être volontaire entre un lieu porteur de signification pour les Tchèques et un lieu touristique susceptible d'avoir des résonances chez les lecteurs qui connaissent la ville de Prague. De même, il nous semble que le quotidien opère une autre confusion en citant Le Procès de Kafka comme une oeuvre emblématique de la République tchèque. Libération choisit une référence généralement connue des lecteurs mais qui n'est pas considérée comme représentative de l'identité tchèque. Vient ensuite le « bonus » : Libération souligne que les Tchèques sont les plus grands consommateurs de bières ce qui nous renvoie à la composante « gastronomie » dans la typologie d'A-M. Thiesse. Contrairement à La Croix, aucun détail supplémentaire n'est donné sur cette pratique qui n'est donc pas considérée comme une tradition mais plutôt présentée comme un stéréotype. Puis vient l'énumération de figures importantes : M. Kundera, V. Havel désigné comme « l'ambassadeur » et Vera Caslavska, une sportive. Il faut noter que ces personnes certes importantes, sont des Tchèques contemporains et non pas les « héros » qui constituent un élément de la « check list identitaire » pour A-M. Thiesse. Enfin, Libération termine par le « juron » qui renvoie au langage de la vie quotidienne et non pas à la langue comme facteur constitutif de l'identité nationale.

L'analyse de ce portrait robot nous invite à faire plusieurs remarques : finalement, peu d'éléments cités par Libération renvoient réellement à l'identité nationale tchèque : la plupart sont inexacts et ceux qui constituent bel et bien un élément de la check list identitaire sont évoqués rapidement sans analyse précise de la façon dont ils ont pesé dans la constitution de l'identité nationale tchèque. Ce portrait-robot ne nous livre finalement qu'une représentation largement stéréotypée de la République tchèque en évoquant des éléments qui pour la plupart sont connus des lecteurs.

Ce premier volet de notre analyse nous permet de répondre à nos questions de départ et de pointer des similitudes et des divergences entre les quotidiens. Tous les journaux fournissent une représentation de l'identité nationale tchèque peu précise voire presque inexistante pour L'Humanité, focalisée sur certains éléments de la « check list identitaire ». Cependant, nous pouvons tout de même souligner quelques divergences. Alors que les deux composantes fondamentales de l'identité nationale sont la langue et le territoire, celles-ci n'apparaissent pas ou très peu dans les journaux qui, comme Le Figaro et Libération, privilégient la gastronomie et la religion. Ces deux composantes de l'identité nationale ne sont pas évoquées dans une perspective identitaire mais dans l'objectif de donner aux lecteurs une certaine représentation de la République tchèque, celle d'un pays dont le mode de vie se rapproche de celui des pays d'Europe occidentale. Seul La Croix propose une lecture différente de la composante « gastronomie » : c'est une tradition encore importante en République tchèque. Les discours du Monde et de L'Humanité sont quant à eux presque muets sur les diverses composantes de l'identité nationale. Il est intéressant de rappeler que A-M. Thiesse considère les coutumes et la gastronomie comme des éléments secondaires de l'identité nationale d'un pays alors que ce sont les composantes privilégiées par les médias. La représentation de l'identité tchèque proposée par les quotidiens relève donc largement du stéréotype et confirme que les médias français méconnaissent l'histoire de la nation tchèque.

L'analyse de notre corpus est assez révélatrice en ce qui concerne la dichotomie entre nation civique et culturelle : aucun quotidien ne décrit la nation tchèque comme une nation culturelle et c'est à travers le prisme de la nation civique que les grands moments de l'histoire tchèque sont évoqués notamment dans les discours de La Croix et du Monde. Cette lecture politique de la nation tchèque révèle le poids des représentations qui structurent notre pensée et permet de comprendre pourquoi des événements pourtant majeurs tels que l'expulsion des Sudètes ou la question de la confusion entre l'identité tchèque et l'identité tchécoslovaque n'apparaissent pas dans notre corpus. Enfin, de façon cohérente, l'Allemagne n'est à aucun moment présentée comme le miroir identitaire de la nation tchèque excepté dans les propos d'un tchèque.

Nous avons remarqué que dans les titres de plusieurs quotidiens figure l'expression « révolution de velours »174(*) sans que cet événement ne constitue le sujet de l'article. Nous sommes ici en présence de ce que E. Véron nomme l'effet de reconnaissance qui « consiste à fonder le titre principal sur la reprise d'une expression existant dans le champ culturel du lecteur »175(*). L'emploi de cette expression confirme que dans l'imaginaire des lecteurs français, la République tchèque est associée à quelques grandes dates historiques telles que 1968, 1989 et 1993.

II. L'opinion publique et les partis politiques tchèques face à l'intégration

* 172 Libération, « République tchèque. On dirait que vous avez peur de nous », 27 avril 2004, p. 11

* 173 Libération, « Portrait-robot des dis nouveaux : République tchèque », 30 avril 2004, p. 11

* 174 La Croix, « La révolution économique tchèque n'est pas de velours. Les Tchèques craignent de ne pas profiter très vite de l'adhésion à l'UE», 26 avril 2004, p. 13 ; Le Figaro, « L'insoutenable légèreté des Tchèques ; amputée de la Slovaquie, le pays vit une révolution où tout n'est pas de velours », 22 juillet 2004, p. 29

* 175 VERON, Eliséo, Construire l'événement : les médias et l'accident de Three Mile Island, Paris, Editions de Minuit, 1981, p. 158

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille