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Evolution et mutation de l'inspection du travail

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par Anne Claire Michaut
Université Paul Cézanne - Aix Marseille III - Master Droit social 2008
  

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Section 2 : La modification de ses compétences en matière de travail illégal :

Le 26 mars 2008, les ministres de l'Intérieur, de l'Immigration, du Travail et de la Justice ont adressé une circulaire aux préfets et aux procureurs, traitant de la « Lutte contre le travail illégal intéressant des ressortissants étrangers » et de la « mise en oeuvre d'opérations conjointes en 2008 ». La circulaire se base sur des éléments chiffrés qui démontrent la croissante implication des services de l'Etat et de ses partenaires dans la « lutte contre le travail illégal intéressant des ressortissants étrangers ». Cette nouvelle tendance du gouvernement s'est accompagnée de mesures d'extension des missions de l'inspecteur du travail, notamment en matière de répression de l'aide à l'entrée et au séjour irrégulier (§1). Le nouveau plan national de lutte contre le travail et ces nouvelles dispositions rencontrent un accueil, ci ce n'est mitigé, plutôt froid de la part du corps de l'inspection du travail (§2).

§ 1 : Les nouvelles mesures de lutte contre le travail illégal :

L'expression de « travail illégal » a été consacrée par la loi de 2005170(*) en faveur des petites et moyennes entreprises (PME). Cette loi a créé un chapitre V de l'ancien code du travail intitulé « Répression du travail illégal ». En vertu des dispositions de cette loi, les inspecteurs du travail sont au nombre des agents compétents pour en effectuer le contrôle. Ils sont donc compétents pour constater toutes les infractions relatives au travail illégal, sauf celle relative à la traite des humains, laissées exclusivement aux services de police. Dans le plan national de lutte contre le travail illégal pour 2008-2009, le Ministre du travail, Xavier Bertrand a annoncé qu'une partie des missions de la DILTI allait être transféré à la DGT. La lettre de mission adressée par le Président de la République au Ministre du budget précise qu'elles seront réparties entre la DGT, le ministère des comptes publics et potentiellement le ministère de l'immigration. Il est surprenant que la DILTI, en ce qu'elle mène une action contre le travail illégal, puisse revenir au ministre de l'immigration, à moins de sous-entendre que ce ministère se verra confié toute la partie sur le travail illégal de clandestins. Pourtant, le travail clandestin n'est pas l'immigration irrégulière. Un tel amalgame est d'autant plus inquiétant que « les politiques semblent ramener la pluralité des problèmes sociaux sur une seule obsession : les étrangers irrégulièrement installés en France 171(*)». Même si la pratique montre que le gouvernement tend à apprécier la régularisation de ses salariés bien particuliers au cas par cas172(*). Dés lors on peut se demander quelle est la justification du transfert d'une partie des missions de la DILTI au ministère de l'immigration.

Le plan national de lutte contre le travail illégal pour 2008-2009 ne fait pas mention de la création d'un nouvel organisme : la Délégation Nationale de Lutte contre les Fraudes (DNLF)173(*). Elle a pour missions174(*), notamment, de contribuer à la mise en oeuvre d'une politique nationale de prévention et de communication, de piloter l'activité des COLTI. Elle reçoit également le concours, en particulier, de la DGT pour l'exercice de ses missions. Elle réalise également des actions en concertation avec l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIIEEST), ainsi qu'avec l'OCLTI, pour les questions relevant de leur compétence. La boucle est bouclée. L'inspecteur du travail ne restera donc plus libre de ne pas engager des poursuites en règle générale, et en particulier dans le domaine de travail illégal impliquant des sans-papiers. La crainte des syndicats des inspecteurs du travail était donc bien justifiée et le gouvernement a fait la sourde oreille à leur avis. Le décret va même plus loin, dans son article 5, puisque « Il est institué un Comité national de lutte contre la fraude chargé d'orienter la politique du Gouvernement en matière de lutte contre les fraudes portant atteinte aux finances publiques, qu'elles se rapportent aux prélèvements obligatoires et autres recettes des collectivités publiques ou aux prestations sociales ». Ainsi, l'on tend vers un système unique. L'inspecteur du travail sera de nouveau sous l'emprise d'un service qui n'est pas rattaché au ministère du travail175(*). Et du fait des conséquences économiques qu'entraine la non déclaration d'un salarié par l'employeur, celui-ci se verra contraint une nouvelle fois de céder ses prérogatives à un autre service, le tout en ayant des finalités différentes. Car sous couvert de procéder à la restitution des sommes dues par l'employeur au titre des charges salariales et patronales, la DLNF pourra informer l'OCRIIEEST. L'inspecteur du travail perd donc une partie de son pouvoir d'appréciation quant aux suites à donner aux constatations qu'il fait lors de ses visites.

L'article 7 appelle aussi quelques réflexions. « Lorsqu'il se réunit pour examiner les questions relatives à la lutte contre le travail illégal, le CNLF est dénommé Commission nationale de lutte contre le travail illégal (CNLTI) et est chargée de : 1° Déterminer les orientations de contrôle et de prévention relatives à la lutte contre le travail illégal et s'assurer de leur mise en oeuvre coordonnée ; 2° Définir les actions incombant prioritairement aux comités opérationnels de lutte contre le travail illégal mentionnés à l'article 8 ainsi qu'aux services de contrôle ; 3° Veiller à la mobilisation des administrations et organismes chargés de la lutte contre le travail illégal et s'assurer de leur coordination ». La pratique de ce texte revêtira une grande importance sur la liberté des inspecteurs du travail. En effet, si elle détermine les orientations de contrôle et s'assure de leur mise en oeuvre coordonnée, cela signifiera-t-il que l'inspecteur du travail devra impérativement travailler avec d'autres services ou lui sera-t-il permis de décliner la coordination souhaitée ? Rien n'est moins sur. Tant qu'il reste libre de la refuser, le principe d'indépendance de l'inspecteur du travail est maintenu, mais dans le cas contraire, il sera relégué au rang de reliquat, alors qu'il constitue tout de même un principe général du droit.

En s'appuyant sur de nouveaux fondements juridiques, tels que l'existence d'un délit « de travail dissimulé des étrangers » qui n'existe pourtant pas dans le code du travail, le gouvernement oriente sa politique de lutte contre le travail illégal vers une « chasse aux clandestins ». Comme nous l'avons déjà vu, les syndicats d'inspecteurs sont assez prompts à répondre aux assauts gouvernementaux touchant à leurs pouvoirs ou indépendance. Le même accueil fut réservé à cette nouvelle mesure.

* 170 L. 2005-882, 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises, Art. 86 : JO n°179, 3 août 2005, p.12639.

* 171 Article « Le travail dissimulé des étrangers : obsession du gouvernement », 9 mai 2008, de P. DAQUIN, publié sur www.mediapart.fr.

* 172 Article « Travailleurs sans-papiers : premières régularisations » paru dans l'Express, 1er mai 2008, www.lexpress.fr.

* 173 D. 2008-371 18 avril 2008, relatif à la coordination de la lutte contre les fraudes et créant une délégation nationale à la lute contre la fraude (DNLF).

* 174 Art 3 du D.2008-371, précité.

* 175 Art 2 du D.2008-371, précité : « La délégation nationale à la lutte contre la fraude, placée par délégation du Premier ministre auprès du ministre chargé du budget ».

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