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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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b) Des relations conflictuelles entre patiente et soignant

Un deuxième article évoque la question de la prise en charge d'une façon tout à fait différente et relativement succincte. La journaliste, qui résume le livre de G. Brisac, raconte que la protagoniste du livre est enfermée dans une clinique où « on lui fait violence, on veut la `dompter' ». Le mot « dompter » suggère que la jeune fille oppose une certaine résistance au traitement, ce qui est confirmé juste après : « elle résiste ». Le texte mentionne également la lutte « avec les médecins ». Nous pouvons penser qu'il s'agit d'une hospitalisation avec isolement comme le suggère le mot « enferme ». Le quotidien ne s'attarde pas sur les différentes modalités de prise en charge de l'anorexie et se contente de donner une image conflictuelle des rapports patient-soignant, ce qui n'est en rien représentatif de la réalité. « La lente remontée » révèle que la guérison est longue et nécessite des adjuvants qui sont ici les « amis », « l'amour » et le « grand-père ». La présence des adjuvants sous-entend qu'après une phase de résistance, la jeune fille a accepté de se faire soigner, l'actant sujet a changé de programme narratif.

c) La nécessité d'une prise en charge impliquant les parents

Un dernier article655(*) aborde la question de la prise en charge sous un angle encore différent. Le titre « Venir en aide aux jeunes anorexiques et à leur famille » nous suggère d'emblée que la prise en charge est double : elle concerne bien sûr l'anorexique mais aussi sa famille. Le Monde présente comme une évidence l'opposition de l'anorexique au traitement mais ne détaille pas les stratégies de résistance qu'elle peut mettre en oeuvre. Ainsi, il écrit : « bien sûr, il faudra parfois batailler ferme pour réussir à emmener l'intéressée chez le médecin ». En ce qui concerne la modalité de la prise en charge, le quotidien se contente de formuler des conseils. Il recommande d'aller voir « un spécialiste pédopsychiatre » ou de se rendre dans « un service hospitalier de médecine pour adolescents » car les généralistes sont parfois « insuffisamment avertis » et peuvent ne pas diagnostiquer la maladie. Le quotidien précise que « le traitement n'est pas simple et univoque ». Les possibilités sont donc ouvertes et le journal délègue la parole à un expert pour tenter d'avancer des solutions plus précises. Ainsi, c'est le professeur, P. Jeammet qui « préconise » le recours aux thérapies familiales, lesquelles « impliquent souvent l'ensemble de la fratrie ». Le verbe introducteur employé laisse penser que derrière les paroles du professeur, c'est de l'opinion du quotidien dont il s'agit. Nous pouvons noter qu'ici la prise en charge ne concerne pas uniquement les parents mais aussi les frères et soeurs. Le recours à la thérapie familiale est considéré comme un outil « précieux », afin de sortir les parents de leurs « difficultés » et de leur « isolement ». L'adjectif mélioratif « précieux » indique que le quotidien privilégie fortement ce type de prise en charge. Si les parents doivent bénéficier d'une aide, ils sont aussi considérés comme des alliés thérapeutiques de la guérison de leur fille. Le Monde estime que leur « collaboration au projet thérapeutique » est « bien sûr indispensable ». Le qualificatif « indispensable » souligne ici la nécessité d'une implication des parents dans la démarche thérapeutique, une nécessité que renforce la locution « bien sûr ». Le journal appelle donc les parents à s'investir dans la guérison de leur enfant, comme le préconise le corps médical aujourd'hui. La position du journal est identique à celle de La Croix cependant, des différences peuvent être notées. Les termes employés par Le Monde sont plus neutres. Par exemple, il parle de « difficultés » là où La Croix insiste sur la souffrance. Le récit est moins détaillé, ce qui nous permet de dire que le quotidien s'implique moins que La Croix qui soutient explicitement les parents.

La position du quotidien dans cet article peut sembler contradictoire avec la sanction qu'il faisait porter sur la mère de Séverine ; en effet, comment demander à des parents qui sont responsables de la maladie de leur fille, d'être aussi les alliés de son traitement ? En d'autres termes, comment demander au destinateur de devenir adjuvant ? La contradiction devient encore plus nette quand Le Monde aborde la question de l'isolement, qui rappelons-le interdit aux parents tout contact avec leur fille, leur signifiant ainsi qu'ils sont les destinateurs de la maladie. L'isolement est présenté comme une éventualité si « la gravité de [l'] amaigrissement et/ou de [la] dépression l'exige ». Le Monde semble ne pas prendre position puisqu'il renvoie la décision au médecin cependant, il nous livre le témoignage d'Anne qui « se souvient [de l'isolement] comme une période `de réflexion et d'introspection, un long mûrissementqui lui a permis grâce à une psychothérapie, de trouver son chemin ». Le recours au témoignage, malgré la neutralité du verbe introducteur, laisse penser que le journal cautionne l'isolement ou du moins montre par le biais d'un exemple authentique que dans certains cas il peut être bénéfique. Là aussi, nous pouvons noter une dissonance par rapport au discours que nous avons analysé dans lequel l'isolement se résumait au mot « violence ». Quoiqu'il en soit, le journal privilégie une thérapie nutritionnelle mais aussi psychologique puisqu'il précise que le médecin « doit assurer le suivi rigoureux et régulier de l'état physique et psychologique de la jeune fille » et parle plus loin de la nécessité d'« un accompagnement psychothérapeutique individuel » sans lequel le risque est de « s'enferrer dans une dépressivité chronique ». Au regard de ces citations, nous pouvons faire deux remarques : les mots « régulier » et « rigoureux » soulignent l'importance de la prise en charge qui doit reposer sur une relation solide entre la patiente et le médecin ; le journal insiste sur la nécessité d'un traitement à la fois au plan somatique et psychique. Le Monde ne fait que reprendre les conseils formulés par le corps médical aujourd'hui, une façon de ne pas trop s'impliquer. Le terme « guérison » ne figure dans aucun discours cependant, le journal nous donne une indication en précisant qu'Anne est « à l'aube d'une quarantaine épanouie » ce qui sous-entend qu'elle est entièrement guérie de son anorexie.

* 655 Le Monde, 2 avril 1998, p. 30.

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