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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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b) La prise en charge de l'anorexie, un parcours en plusieurs étapes

Les articles publiés dans Santé Magazine distinguent clairement les différentes étapes de la prise en charge qui doit être à la fois nutritionnelle et psychique. Le magazine souligne l'individualisation du traitement qui « varie en fonction de la gravité de la maladie »689(*). Elle peut se résorber en quelques jours dans le cas d'une anorexie passagère ou nécessiter plusieurs hospitalisations, « c'est donc individuellement que sera adapté le traitement »690(*). Les discours répètent à plusieurs reprises que la prise en charge doit se faire sur deux fronts. Quand le journaliste écrit qu'« il est préférable de proposer [...] une prise en charge psychologique en même temps qu'un suivi médical `classique' », il donne ensuite la parole à un médecin qui « insiste » sur le fait que « cette thérapie `bifocale' est très importante »691(*). La citation vient ici renforcer les propos du journal. D'un côté, le « médecin référent » contrôle le poids de la patiente et prend en charge l'aspect somatique de la maladie ; de l'autre, le psychothérapeute a « un rôle d'écoute » et s'occupe de l'aspect psychique de l'anorexie. Un autre article précise que « le suivi médical et la prise en charge psychologique sont indissociables »692(*).

Presque tous les articles présentent, de façon plus ou moins détaillé, la prise en charge comme un processus en plusieurs étapes. Santé Magazine préconise de « montrer à un généraliste »693(*) l'adolescente malade afin de diagnostiquer ou non une anorexie mentale cependant « il n'est pas rare qu'elle vienne consulter spontanément »694(*) car elle ne veut pas mourir. Une précision qui nous rappelle l'aspect paradoxal de cette maladie : l'anorexique risque sa vie mais n'a aucune intention suicidaire. Le contrat de poids constitue la seconde étape identifiée par le magazine : afin de renutrir la patiente, « le médecin établit avec elle un `contrat' auquel elle s'engage à se tenir »695(*). Contrairement à certains médecins qui considèrent le contrat comme quelque chose de rigide, imposé par le thérapeute, Santé Magazine met l'accent sur la collaboration de l'anorexique à cette démarche. Ainsi, nous trouvons les termes « avec elle » et «ensemble »696(*) qui illustrent cette coopération, une coopération qui « implique une relation de confiance entre médecin et patiente »697(*). L'hospitalisation n'est envisagée que dans un troisième temps, si le contrat de poids de donne pas de résultats probants. Santé Magazine ne semble pas être favorable à ce mode prise mais « il faut s'[y] résigner »698(*) si l'adolescente de reprend pas de poids et que le pronostic vital est en jeu. Dans les articles suivants la terminologie est plus neutre et c'est le champ lexical de la nécessité qui domine : l'hospitalisation est « nécessaire »699(*), « inévitable », « indispensable », « s'impose »700(*). Nous pouvons noter que les propos du magazine font écho aux préconisations médicales, ce qui illustre l'adéquation d'avec les discours scientifiques.

La prise en charge par étapes dont parle Santé Magazine est une constante sur toute la période cependant, nous avons décelé des évolutions notamment par rapport à la question de l'isolement. Les premiers articles décrivent l'hospitalisation avec isolement tel qu'il était pratiqué au XIXème siècle mais peu à peu le journal abandonne cette représentation. En 1991, le témoignage d'une ancienne anorexique sous-entend qu'elle a été isolée puisque le « médecin [lui] avait confisqué tous [ses] objets personnels et [lui] faisait du chantage »701(*). Cependant, le terme « isolement » ne figure pas dans l'article et le magazine ne décrit pas le déroulement de l'hospitalisation. Dans l'article suivant le discours est explicite : « la patiente [reste] isolée de son entourage familial pour instaurer une distance » et « chaque progrès de l'anorexique est récompensé »702(*). Aucun indice ne permet de dire que le magazine rejette ce mode prise en charge, les termes sont plutôt neutres et aucun expert n'est convoqué pour contredire cette thérapie. En 1997703(*), Santé Magazine signale que « l'isolement du jeune anorexique de son entourage familial [...] est toujours de mise ». Le magazine semble parler au nom des parents quand il se pose la question : « Pourquoi cette séparation ? ». A la différence de La Croix qui pose une question identique pour mieux critiquer ce mode de prise en charge, Santé Magazine laisse la parole à deux experts qui viennent argumenter cette pratique. P. Jeammet « explique » que la séparation du milieu familial permet à la malade de devenir plus autonome, et le docteur Bochereau « confirme » que dans un premier temps « la séparation avec la famille est catégorique ». Le droit aux visites est une récompense qui sanctionne la reprise de poids. En convoquant ces deux experts, le magazine nous donne son opinion, il légitime l'isolement. Cependant, l'isolement dont il est question dans cet article n'est pas l'isolement tel qu'il était pratiqué au XIXème siècle et jusque dans les années soixante-dix. La description qu'en fait le docteur Bochereau laisse plutôt penser à une séparation familiale au sens où la définit P. Jeammet (cf. supra partie 2, IV) A) 1)) car la malade n'est pas enfermée dans sa chambre mais participe à des activités de groupe. A partir de l'article suivant, une évolution est perceptible puisque l'isolement et plus largement l'hospitalisation ne sont pas mentionnés. Le basculement se produit en 2003704(*) quand Santé Magazine interviewe un expert qui qualifie l'isolement de « trop rigide » parce qu'« il crée une rupture, alors que l'objectif est que chacun retrouve sa place dans la famille ». L'enjeu est de « dénouer les conflits familiaux et [de] rétablir le dialogue » ce que ne permet pas l'isolement. Cette critique est celle d'une psychiatre spécialisée dans la psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent, ce qui renforce d'autant plus les propos. Il faut noter que l'argument principal qu'elle invoque est identique à celui que D. Rigaud oppose aux partisans de l'isolement. Le refus de cette thérapie est donc assez répandu dans la sphère médicale. Le dernier article semble confirmer le basculement de la position du magazine puisque le journaliste précise que l'hospitalisation est nécessaire quand l'état de santé générale est mauvais mais ne dit rien d'une éventuelle séparation familiale. Il faut ajouter qu'en plus d'une prise en charge nutritionnelle et psychologique, Santé Magazine évoque la « thérapie cognitive [qui] complète les stratégies comportementales » et qui permet d'identifier « les croyances erronées »705(*) qui ont conduit l'adolescente à la maladie. Ce détail révèle le souci de précision du magazine qui aborde la question de la prise en charge de façon rigoureuse, en informant le lecteur de toutes les possibilités existantes. Il précise également qu'en cas d'angoisses, des antidépresseurs peuvent être prescrits. Ces informations sont exactes d'un point de vue médical et rappellent que le rôle de ce type de magazine est d'informer ses lecteurs sur des problèmes médicaux.

Nous pouvons remarquer que dans l'un des articles706(*), l'isolement est attribué à C. Lasègue et aurait été repris par Charcot. D'après ce que nous avons pu lire, il semble que ces propos sont erronés et reflètent peut être un manque d'information de la part du magazine ou une confusion quant à l'origine de cette pratique.

* 689 Santé Magazine, février 1991, p. 54-55.

* 690 Santé Magazine, avril 1996, p. 70-72.

* 691 Santé Magazine, novembre 1997, p. 64-65.

* 692 Santé Magazine, décembre 2003, p. 92.

* 693 Santé Magazine, février 1991, p. 54-55.

* 694 Santé Magazine, novembre 1997, p. 64-65.

* 695 Santé Magazine, avril 1996, p. 70-72.

* 696 Santé Magazine, novembre 1997, p. 64-65.

* 697 Santé Magazine, avril 1996, p. 70-72.

* 698 Santé Magazine, février 1991, p. 54-55.

* 699 Santé Magazine, avril 1996, p. 70-72.

* 700 Santé Magazine, novembre 1997, p. 64-65.

* 701 Santé Magazine, février 1991, p. 54-55.

* 702 Santé Magazine, avril 1996, p. 70-72.

* 703 Santé Magazine, novembre 1997, p. 64-65.

* 704 Santé Magazine, décembre 2003, p. 92.

* 705 Santé Magazine, avril 1996, p. 70-72.

* 706 Santé Magazine, novembre 1997, p. 64-65.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery