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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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3. Avec S. Freud, de nouvelles hypothèses étiologiques

S. Freud s'est sans doute moins intéressé à l'anorexie que C. Lasègue ou J.-M. Charcot mais plusieurs de ces textes témoignent cependant de ses tentatives pour guérir des patientes hystériques anorexiques. Il n'a consacré aucune publication spécifique à cette pathologie cependant, il a marqué l'histoire de l'anorexie par le biais de ses recherches sur des notions telles que l'inconscient, et l' « invention » de la psychanalyse.

a) Une tentative de guérison par l'hypnose

En 1885, S. Freud entre comme élève à la Salpêtrière où il bénéfice de l'enseignement de J.-M. Charcot dont « les travaux [...], révolutionnaires à l'époque, consistaient pour l'essentiel en l'étude et le traitement de l'hystérie par l'hypnose. S. Freud en revint avec l'idée que toutes les manifestations corporelles liées aux problèmes de l'hystérie ne sont pas d'origine somatique, mais psychique ce qui contredisait la science de son temps »135(*). Avec S. Freud, l'hypothèse d'une origine psychique de l'anorexie réapparaît et c'est en grande partie suite aux apports théoriques de J.-M. Charcot que ce neurologue se tourne vers de nouvelles méthodes thérapeutiques.

En 1893, dans son ouvrage Un cas de guérison par l'hypnose, S. Freud décrit le cas d'une jeune femme qui devient anorexique à la naissance respective de ses deux enfants. Appelé par la famille pour pratiquer des séances d'hypnose, il réussit à la guérir mais le trouble réapparaît à la naissance du troisième enfant136(*). S. Freud diagnostique une hystérie occasionnelle et échoue donc dans le traitement de l'anorexie.

b) L'anorexie : un trouble dû à des problèmes inconscients

En 1895, S. Freud publie les Etudes sur l'hystérie. C'est le deuxième ouvrage qui témoigne de son intérêt pour l'anorexie, de sa volonté de comprendre cette maladie. Il décrit le cas d'Emmy von N, une femme de quarante ans. Hystérique, elle présente des symptômes très variés parmi lesquels une perte d'appétit. Elle ne mange pas ou peu. Sous hypnose, elle raconte des souvenirs d'enfance liés à la nourriture qui l'ont traumatisés et l'empêchent aujourd'hui de manger. S. Freud fait disparaître ce sentiment de dégoût et écrit que « l'effet thérapeutique de ce travail hypnotique fut immédiat et permanent. Elle ne jeûna pas huit jours durant, mais but et mangea le jour suivant sans que cela n'entraîna d'effets fâcheux »137(*). Ce livre est d'autant plus intéressant que S. Freud nous livre sa conception de l'anorexie :

« L'anorexie de notre malade offre l'exemple le plus frappant de ce genre d'aboulie (inhibition de la volonté ou incapacité d'agir due à la présence d'une liaison affective non résolue qui s'oppose à la mise en oeuvre d'autres associations). Elle ne mange aussi peu que parce que les aliments ne lui plaisent pas et, si elle ne les trouve pas à son goût, c'est parce que l'idée de manger se trouve liée depuis son enfance à des souvenirs écoeurants dont la charge affective n'a pas subi de diminution. L'atténuation du dégoût provoqué par les repas ne s'est pas produite, parce que la malade a, à chaque fois, été obligée de la réprimer au lieu de s'en débarrasser par réaction : étant enfant, elle se voyait contrainte, par peur d'une punition, de manger avec répugnance son repas froid et, plus tard, par égard pour ses frères, elle se gardait d'exprimer les sentiments qu'elle éprouvait au cours des repas pris en commun »138(*).

Il faut préciser que S. Freud distingue deux types d'aboulies : la première est la conséquence d'une phobie, la seconde « repose sur l'existence d'associations teintées d'affects et non supprimées, qui s'opposent à l'enchaînement à de nouvelles associations et en particulier de celles qui sont insupportables »139(*). L'anorexie appartient à la seconde catégorie d'aboulie. Nous pouvons souligner plusieurs nouveautés dans cette définition au regard des précédentes : l'origine de l'anorexie n'est plus somatique ou organique mais psychologique. La maladie relèverait d'un problème inconscient qui empêcherait la patiente de manger. D'autre part, les problèmes sous-jacents sont à rechercher dans la petite enfance, une idée qui sera reprise par les psychanalystes au XXème siècle (cf. infra partie 2, II. B)).

Il est admis dans la littérature scientifique que c'est avec cette patiente que S. Freud inventa la méthode psychanalytique. Cette malade avait imposé à S. Freud le silence afin de lui raconter ses problèmes et refusait qu'il la touche contrairement aux habitudes du médecin. « La psychanalyse est née lorsqu'un médecin a accepté de ne plus être celui qui prescrit l'ordonnance - qui « ordonne » - mais, celui qui accepte de se mettre en position de réceptivité et d'apprendre quelque chose sur l'autre et sur lui-même »140(*). Ce livre marque la fin de l'utilisation de la technique de l'hypnose qui ne donnait pas des résultats très probants et l'introduction d'une nouvelle thérapie : la méthode psychanalytique. Celle-ci consiste à faire exprimer au patient ses émotions refoulées, afin de faire disparaître les symptômes. Si les anorexiques n'ont pas constitué la majeure partie de la clientèle de S. Freud, la naissance de la psychanalyse représente un tournant majeur dans la guérison de l'anorexie. La thérapie psychanalytique comme mode prise en charge de la maladie ne se développera réellement qu'au XXème siècle, à partir des années soixante-dix (cf. infra partie 2, IV. A)).

* 135 CHARTIER, Jean-Pierre, Introduction à la pensée freudienne, Paris, Editions Payot et Rivages, Collection « Petite Bibliothèque Payot », 2001, p. 20.

* 136 RAIMBAULT, et ELIACHEFF, [1989], p. 33.

* 137 FREUD, Sigmund et BREUER, Joseph, Etudes sur l'hystérie, Paris, Editions Presses Universitaires de France, Bibliothèque de Psychanalyse dirigée par Jean Laplanche, 1956, p. 64.

* 138 FREUD cité par JANAS, [1994], p. 102.

* 139 FREUD et BREUER, [1956], p. 75.

* 140 CHARTIER, [2001], p. 32.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault