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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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3. Le Figaro : l'anorexie est une maladie grave mais peu abordée

a) Un traitement médiatique quasi inexistant

Les articles dont nous disposons pour notre étude ont été publiés entre 1997 et 2005. Au cours de cette période, le Figaro écrit treize articles « sur » l'anorexie. Par l'usage des guillemets, nous nous permettons de souligner qu'en réalité peu d'articles sont véritablement consacrés à l'anorexie comme l'illustre le rubricage adopté par le quotidien. En effet, cinq articles relèvent de la rubrique Télévision-Radio, ce qui correspond quasiment à la moitié du corpus ; trois figurent dans la rubrique Société, deux dans La vie scientifique, un dans La vie à Paris, un dans Paris et Ile de France, et un à la dernière page dédiée à la rubrique Expliquez-vous. Ce rubricage plutôt inapproprié nous fournit déjà une idée de la façon dont Le Figaro va aborder le sujet de l'anorexie. En effet, parler de cette maladie dans une rubrique sans aucun lien avec la médecine ou la science, laisse penser que le quotidien ne traite pas l'anorexie dans une perspective médicale. L'analyse de notre corpus nous permettra de confirmer cette hypothèse et de l'interroger.

b) L'anorexie, une maladie grave

Malgré ce rubricage inapproprié, Le Figaro parle de l' « anorexie mentale »233(*) comme d'une « maladie »234(*) et la qualifie même de « véritable maladie »235(*). Le terme « véritable » permet d'insister et de souligner que l'anorexie n'est pas une maladie bénigne. Elle appartient aux « troubles graves des conduites alimentaires »236(*) et est également qualifiée de « trouble du comportement »237(*), « mal-être psychologique »238(*), « trouble du comportement alimentaire » et de « mal »239(*). Nous pouvons noter que les termes utilisés par le quotidien sont moins variés que dans le Monde ou La Croix qui utilisent également les mots : pathologie, affection...

L'étude des articles du corpus nous permet de faire cinq remarques quant à la qualification de l'anorexie. Un expert souligne que la pathologie « existait déjà au début du siècle » et dans le même article Le Figaro écrit que « l'anorexie et la boulimie sont les deux revers d'une même médaille »240(*). Ces deux indications sont isolées et ne sont répétées dans aucun autre discours cependant, il est important de les mentionner car elles font parties de la représentation de l'anorexie que véhicule le journal.

A travers plusieurs termes le quotidien met en exergue la gravité de la maladie. S'il précise que « toutes les variantes de sévérité peuvent s'observer [et qu']il en est de même pour la gravité »241(*), plusieurs articles révèlent que c'est pourtant la gravité de la maladie qui retient l'attention du journal. Ainsi, nous trouvons à deux reprises le qualificatif « grave[s] »242(*), mais aussi celui d'« inquiétant »243(*). De plus, un article du Figaro annonce une émission télévisée dont le « sujet douloureux »244(*) est l'anorexie. Par le biais de ces qualificatifs, le quotidien met donc l'accent sur la gravité de la maladie et la souffrance qu'elle engendre. Notons cependant que pour Le Figaro, l'anorexie n'est pas aussi grave que pour La Croix puisque l'adjectif « grave » n'est employé que deux fois sur toute la période. De plus, le quotidien ne lui adjoint jamais la particule « très ». Nous pouvons tout de même souligner le décalage entre cette perception de l'anorexie et la façon dont le quotidien traite le sujet. En effet, il peut sembler surprenant d'insister sur la gravité d'une pathologie mais de le ne lui consacrer quasiment aucun article de fond (seuls deux discours parlent « réellement » de l'anorexie). Nous pouvons interpréter ce parti pris par le journal comme le symptôme de la difficulté d'écrire sur une maladie, certes courante mais encore difficile à expliquer.

Un article en particulier a retenu notre attention, il s'agit de Jacqueline Kelen : `L'anorexie n'est pas une maladie »245(*) dans lequel Le Figaro interviewe J. Kelen. Nous avons montré que de par les termes que le quotidien emploie, qu'il considère l'anorexie comme une maladie. Cet article fait donc figure de discordance puisque l'auteur propose une « approche spirituelle de l'anorexie » et se refuse à qualifier l'anorexie de « maladie ». Elle prétend que les anorexiques sont en « quête d'immortalité » et que leur restriction alimentaire est une façon de « remettre en question [notre] société profondément matérialiste ». Ce n'est pas tant la définition que cet auteur donne de l'anorexie qui retient notre attention, mais les procédés utilisés par le quotidien pour signifier son désaccord. Nous pouvons déjà mentionner la rubrique à laquelle figure cette interview : « Expliquez-vous » qui donne d'emblée l'impression que Le Figaro lance un défi à Jacqueline Kelen. Ensuite, dans la première question de l'interview, le journal précise « vous n'êtes ni médecin ni psychanalyste. Qu'apportez-vous de nouveau ? ». L'emploi de la double négation « ni... ni » contribue à disqualifier les propos cet auteur qui comme le souligne le journal n'appartient pas au corps médical et n'a donc a priori aucune compétence scientifique pour parler de l'anorexie. La question qui succède ne fait que renforcer ce discrédit : « A travers leur refus de se nourrir, qu'est-ce que les anorexiques essaient de nous dire selon vous ? ». L'expression « selon vous » marque la distanciation du journal. Enfin, la question qui clôt l'interview « Si vous croisiez une jeune fille anorexique ou ses parents, que leur diriez-vous ? » est quelque peu ironique et met en demeure l'auteur de trouver une réponse pertinente. En effet, quel conseil peut-elle donner à une jeune fille malade qui risque de mourir, si elle ne considère pas l'anorexie comme une pathologie ?

Enfin, il nous semble que Le Figaro opère une confusion entre anorexie et malnutrition. En effet, dans l'un des articles246(*) qui nous relate la mort de Malika, la plupart des termes utilisés pour décrire l'état de la jeune femme appartiennent au champ lexical de la malnutrition. Elle est « morte de faim » et « victime de sous-nutrition », elle avait un « corps squelettique » et était « décharnée ». Si ces deux derniers mots peuvent tout à fait correspondre à la description d'une anorexique, les deux premiers en revanche, renvoie à la malnutrition. Il faut attendre la fin de l'article pour savoir que « Malika souffrait d'anorexie depuis dix ans ». Or, comme nous l'avons expliqué, l'anorexie ne se réduit pas à la restriction alimentaire qui n'est que l'un des symptômes de la maladie. Ainsi, nous pouvons penser que le journal réduit l'anorexie à la restriction alimentaire parce qu'il méconnaît les véritables caractéristiques de la maladie. Cependant, dans un article précédent, l'anorexie est bien définie comme « un trouble » qui « consiste à ne presque plus se nourrir sans qu'il y ait une absence d'appétit » et qui entraîne « une importante perte de poids et des perturbations hormonales, s'exprimant par une aménorrhée »247(*). Dans cet article, le quotidien rapporte à plusieurs reprises les propos d'un spécialiste des troubles du comportement alimentaire, nous pouvons donc supposer que cette phrase reprend au discours indirect libre les dires de cet expert. Cela expliquerait la discordance que nous venons de souligner. De plus, le vocabulaire employé relève du champ médical alors que les termes médicaux sont peu fréquents dans le reste des discours.

* 233 Le Figaro, Congrès de la psychiatrie biologique à Nice ; boulimie et anorexie sous l'influence de la sérotonine, 25 juin 1997 ; Un colloque à Londres sur les désordres alimentaires ; les batailles de l'anorexie, 25 avril 1997.

* 234 Le Figaro, France 2 ; `Savoir plus santé', 1er juin 2000 ; Bernadette Chirac évoque la maladie de sa fille, 6 décembre 2004.

* 235 Le Figaro, 1er juin 2000.

* 236 Le Figaro, 25 juin 1997.

* 237 Le Figaro, 25 avril 1997.

* 238 Le Figaro, France 2 ; `Mourir de faim', 27 mai 2000.

* 239 Le Figaro, 1er juin 2000 ;

* 240 Le Figaro, 25 avril 1997.

* 241 Le Figaro, 25 avril 1997.

* 242 Le Figaro, 25 juin 1997 ; 6 décembre 2004.

* 243 Le Figaro, Face à la progression de l'anorexie, de l'obésité et de la dépression, Xavier Darcos lance aujourd'hui une série de mesures destinées à renforcer la médecine scolaire, 26 février 2003.

* 244 Le Figaro, 27 mai 2000.

* 245 Le Figaro, Jacqueline Kelen : `L'anorexie n'est pas une maladie', 1er novembre 2002.

* 246 Le Figaro, XIVème Arr - Enfermées dans la misère, l'isolement, le chagrin et la folie ; deux soeurs au bout de la faim, 21 novembre 1998.

* 247 Le Figaro, 25 avril 1997.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote