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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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b) Le facteur génétique de l'anorexie, une fausse piste

Si La Croix aborde cette question de façon rigoureuse sans écarter aucune des possibilités, l'étude des différents articles du corpus révèle une évolution de la position du journal. Dans le premier article, La Croix donne la parole à un médecin thérapeute au Groupe d'étude français sur l'anorexie et la boulimie, un expert qui considère que l'hypothèse des facteurs génétiques est une fausse piste. Il envisage une origine endocrinienne mais cette possibilité est tout de suite balayée par le « mais »390(*). Ces propos d'un expert, rapportés au discours direct, ne sont pas ceux du quotidien. Cependant, en donnant la parole à une autre personne, il met en exergue ces propos. L'absence d'indices linguistiques comme un verbe introducteur et la neutralité des questions nous permet de dire que les arguments de ce médecin sont aussi ceux du quotidien. Le facteur génétique est à nouveau mentionné dans deux articles mais toujours relativisé : M. Corcos391(*) explique que chez 90% des personnes souffrant de troubles alimentaires « les facteurs déclencheurs sont liés à l'environnement et à la famille » et que l'ancrage n'est que « partiellement génétique ». La structure même de la phrase rejette l'hypothèse d'un facteur génétique « non seulement [...] mais ceux-ci ne sont pas dominants et leur pénétrance est incomplète »392(*). Cependant, si l'hypothèse d'un facteur génétique semble minimisée, elle réapparaît à nouveau dans un article en 2005 dans lequel le quotidien parle de « prédisposition génétique » qui aurait été montrée par plusieurs études. L'absence de précision sur la nature de ces études laisse penser que le journal n'accorde que peu de crédit à cette hypothèse. Alors que La Croix recourt toujours à la parole d'un expert pour renforcer les hypothèses avancées, aucun discours rapporté ne vient soutenir l'hypothèse d'une prédisposition génétique. Nous pouvons donc en conclure que l'origine génétique ou organique de l'anorexie mentale est écartée.

c) Le rejet du facteur socioculturel

Le facteur socioculturel est la seconde hypothèse mentionnée par le quotidien. Dès le départ la thèse d'une influence socioculturelle est écartée. La Croix publie une interview du Dr Noëlle Chombart de Lauwe393(*) qui considère que « la norme de la minceur » peut jouer le « rôle d'un coup de pouce »394(*) mais que les facteurs prédominants sont d'ordre personnel. L'image du coup de pouce minimise le poids des normes culturelles qui reste une idée relativement répandue dans la littérature médicale. L'influence de normes corporelles est évoquée une seconde fois, et à nouveau mise à distance. Le quotidien parle de « `dictature de la minceur' »395(*) et montre par le biais de guillemets qu'il ne cautionne pas ce terme de dictature, une expression qui signifierait que les jeunes filles sont sous l'emprise d'une norme corporelle à laquelle elles ne peuvent déroger, il n'y aurait plus de place pour la liberté individuelle. En rejetant l'idée de dictature, La Croix montre implicitement qu'il penche pour une origine psychologique donc d'ordre individuel. En effet, refuser le terme de « dictature » c'est dire que l'individu reste libre de choisir ; même si les magazines féminins et la mode nous proposent des femmes au corps « idéal », les jeunes filles conservent leur libre arbitre. Cependant, La Croix fait état de l'incertitude médicale concernant cette éventuelle influence des facteurs socioculturels : « ce n'est pas la mode qui est la cause de l'anorexie mais, en même temps, cette maladie ne semble pas exister dans les pays où le corps est caché »396(*). Cette phrase, qui est celle d'un médecin397(*), révèle toute l'ambiguïté de la question. Le quotidien refuse de considérer la mode comme facteur de l'anorexie mais ne peut ignorer qu'il existe une corrélation entre anorexie et corps. La parole est alors donnée à un autre expert398(*) qui oppose au premier un argument historique : l'anorexie mentale existait avant le XXème siècle. Finalement il conclut à un environnement « fragilisant » pour des personnes à forte prédisposition aux troubles du comportement alimentaire. Nous pouvons remarquer que sur cette question d'une éventuelle origine socioculturelle de l'anorexie, La Croix délègue la parole à des experts dont elle ne fait que transposer les discours. Ils se répondent l'un à l'autre sans que le quotidien n'intervienne. Toutefois, nous pouvons souligner que la dernière phrase de l'article, rapportée au discours direct, est une façon pour le quotidien de nous donner son opinion. Le dernier article paru sur l'anorexie, le confirme : des parents témoignent et expliquent que leur fille n'a pas fait un régime « pour ressembler aux modèles des magazines »399(*). L'utilisation d'un témoignage est une stratégie discursive particulière qui permet ici non seulement de faire dire à un tiers ce que le journal pense mais également de donner du poids à cet argument. En effet, La Croix ne se contente pas d'affirmer à nouveau qu'il ne croit pas à une origine socioculturelle de l'anorexie mais prouve par le témoignage que cette thèse est plausible.

* 390 La Croix, 27 septembre 1997, p. 28.

* 391 Il est psychiatre de l'enfant et du jeune adulte à l'Institut mutualiste Montsouris à Paris

* 392 La Croix, 30 septembre 2003, p. 6.

* 393 Elle est médecin thérapeute au groupe d'études françaises sur l'anorexie et la boulimie (Gefab)

* 394 La Croix, 27 septembre 1997, p. 28.

* 395 La Croix, 18 janvier 2005, p. 14.

* 396 La Croix, 18 janvier 2005, p. 14.

* 397 Le Dr Renaud de Tournemire, pédiatre dans le service de médecine des adolescents de l'hôpital Bicêtre

* 398 Le Dr Patrick Alvin, responsable du service de médecine des adolescents de l'hôpital Bicêtre

* 399 La Croix, 18 janvier 2005, p. 15.

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