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Le traitement médiatique de l'anorexie mentale, entre presse d'information générale et presse magazine de santé

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par Audrey Arnoult
 - Institut d'Etudes Politiques de Lyon 2006
  

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d) Le facteur familial, un destinateur qui s'efface

C'est par rapport à l'hypothèse d'un facteur familial que l'évolution du discours de La Croix est la plus significative. Dans les premiers articles, le quotidien postule, par le biais d'un expert, que beaucoup d'anorexiques ont « un rapport difficile à leurs parents » lesquels sont « surprotecteurs »400(*). L'adjectif « surprotecteurs » renvoie à l'idée qu'il existerait une famille type d'anorexique dont la caractéristique principale serait des parents surprotecteurs. Cette conception était relativement courante dans la littérature médicale il y a quelques années et reste défendue par certains médecins aujourd'hui. La Croix se range du côté des hypothèses médicales. Cette convergence se poursuit dans d'autres articles : par exemple, un sous-titre dit « des facteurs déclencheurs liés en majorité à la famille »401(*). Il n'y a aucune précision ou de distinction entre le comportement de la mère ou du père, ni de mention de la relation mère-enfant au cours de la petite enfance comme le font les psychanalystes qui défendent cette idée. Un basculement s'opère en 2005 quand La Croix termine un article par cette phrase « non seulement les parents ne sont pas responsables de ce qui arrive à leur enfant, mais ce sont des alliés thérapeutiques précieux »402(*). Ces paroles sont celles d'un médecin403(*) ce qui renforce la crédibilité du propos. Ce basculement dans la représentation de la figure du destinateur est encore plus évident dans l'article suivant. La Croix titre « Une maladie mystérieuse. L'anorexie mentale est liée à des facteurs d'ordre génétique, social, familial, psychologique et environnemental »404(*). La structure de l'article reprend successivement les facteurs mentionnés dans le titre sauf le facteur familial. Il n'y a aucune phrase explicite ou même une allusion qui fasse référence à la famille comme destinateur de l'anorexie. Nous pouvons interpréter ce silence comme l'expression d'un dilemme auquel est confronté le quotidien. Ce n'est pas une simple indécision comme nous avons pu le relever avant mais un refus de se prononcer. Le quotidien est pris dans une contradiction : choisir entre le discours médical qui prétend que la famille peut être à l'origine de la maladie et les valeurs qu'il défend. En effet, la famille est considérée par La Croix comme une valeur fondamentale. Le silence du quotidien est une suite logique à l'article précédent (qui se terminait sur cette phrase « les parents ne sont pas responsables »). Cette phrase fait rupture entre une période où le journal a considéré que la famille était un facteur déclencheur dominant et une seconde période où il rejette cette hypothèse. A partir de cet article, il n'y a plus aucune mention ni même une allusion à la famille comme responsable de l'anorexie de leur fille. Cette évolution dans la conception de la figure du parent est se retrouve dans la façon dont le quotidien aborde le problème de la prise en charge. Il y avait une position non tenable entre refuser la séparation familial et prétendre que la famille pouvait être la cause de l'anorexie. Pour être cohérent, le journal devait choisir entre accepter l'idée de la séparation familiale et donc pouvoir désigner les parents comme responsables ou refuser la séparation comme mode de prise en charge et pouvoir justifier ce refus.

Finalement, La Croix privilégie l'hypothèse d'une origine psychologique de l'anorexie mentale. Au début, l'idée que cette maladie relèverait de quelque chose de l'ordre personnel n'est présente qu'en filigrane à travers des expressions telles que « les causes du mal-être » ou « les troubles internes du malade »405(*). Puis elle est affirmée de façon plus nette à travers les propos d'experts : « des personnes ayant une forte prédisposition individuelle aux troubles du comportement alimentaire »406(*). Le témoignage des parents d'une jeune anorexique viennent renforcer la crédibilité de cette hypothèse : « Rétroactivement, on s'est rendu compte que le passage du collège au lycée avait été très dur pour elle »407(*). C'est bien un événement personnel qui est survenu dans la vie de leur fille qui a déclenché la maladie.

La Croix mentionne l'incertitude du corps médical qui règne autour des causes de l'anorexie et présente les thèses existantes. Cependant, il n'est pas entièrement neutre et nous dévoile sa conception du destinateur à travers un témoignage et des paroles d'experts. Les hypothèses génétiques et organiques sont à écarter, le facteur socioculturel est peu pertinent d'un point de vue historique, la famille ne peut être la cause de la maladie de leur propre fille ; c'est donc vers une origine psychologique, de l'ordre de l'individu que penche la représentation du destinateur de l'anorexique pour La Croix.

* 400 La Croix, 27 septembre 1997, p. 28.

* 401 La Croix, 30 septembre 2003, p. 6.

* 402 La Croix, 18 janvier 2005, p. 13.

* 403 Le professeur Venisse

* 404 La Croix, 18 janvier 2005, p. 14.

* 405 La Croix, 18 janvier 2005, p. 14.

* 406 La Croix, 18 janvier 2005, p. 14.

* 407 La Croix, 18 janvier 2005, p. 15.

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