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Approche comparative de la conception des droits de l'homme dans la philosophe africaine et dans la philosophie politique contemporaine en occident

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par Julien Rajaoson
Sciences Po Grenoble - Master 2008
  

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1°) La philosophie Bantoue et les intellectuels occidentaux

Dans un environnement intellectuel et politique majoritairement convaincu des bienfaits de l'entreprise coloniale235(*), « Le plus surprenant c'est l'accueil sympathique que l'ouvrage rencontra chez nombre d'authentiques philosophes. Bachelard le trouve profond et susceptible de fonder, à côté de la métaphysique sur le mode occidental, une méta-dynamique. Lavelle approuve la thèse du missionnaire, Gabriel Marcel également. Jean Wahl y révèle des analogies avec le bergsonisme. Un ethnologue comme Marcel Griaule y voit la confirmation de ses propres conclusions. »236(*). Selon ces auteurs, la controverse suscitée par l'oeuvre de Tempels fut féconde dans le sens où elle a pu élargir la définition même de Philosophie en tant que conception de l'Homme et du Monde. « Le concept de philosophie tend à désigner très généralement toute image du monde et toute sagesse humaine...quels qu'en soient les éléments et les modalités. Le droit à la philosophie devient un droit de l'homme, en dehors de toute question de longitude, de latitude et de couleur de peau. »237(*). Par une argumentation orthodoxe assumée, Heidegger concevait la philosophie comme une activité proprement occidentale, car selon lui la création de concepts n'est possible qu'au moyen de l'étymologie grecque ou latine ; il faut admettre que c'est un paradoxe infiniment problématique quant à la définition de la philosophie. En effet, si l'universalité ne peut être atteinte que par une langue vernaculaire, nous sommes alors en droit de douter de la pertinence de cette idée d'universalité (nous y reviendrons).

Si l'apport de la Philosophie Bantoue est réel, la démonstration consistant à prouver l'existence d'une philosophie africaine est critiquée avec virulence par plusieurs auteurs africains dont F. Eboussi-Boulaga. Il n'a pas de mots assez durs pour dénoncer selon lui l'absurdité d'un tel projet : « Le désir de philosophie est l'un des efforts pour accéder à l'humanité du maître, un des ultimes efforts pour y parvenir ; »238(*). Il y a deux idées dites en creux par l'auteur, avec une pointe manifeste de ressentiment vis-à-vis de la philosophie occidentale : la première est une attaque en règle de l'ontologie aux accents pragmatistes239(*) « de ce que Heidegger nomme la métaphysique et Derrida le logocentrisme (...) »240(*), la seconde idée est d'ordre narcissique plus qu'intellectuel, c'est la rencontre de l'homme blanc détenteur de la Science Moderne241(*).

2°) Rationalité et sagesse : la rencontre de l'Occident

Le discours de l'homme blanc était totalisant, dans la mesure où il embrassait la réalité physique avec plus de profondeur encore que n'ont su le faire les sagesses ancestrales242(*). Loin de sous-estimer l'impact de cette rencontre, notamment sur l'ordre hiérarchique imposé par la tradition des noirs ; nous devons relever que la Révolution copernicienne, sans laquelle l'Occident n'aurait pu faire l'expérience de la Science Moderne, a eu une incidence toute aussi violente sur l'héritage intellectuel d'Aristote et de St Thomas qui fut dominant au XVIème siècle ainsi que sur l'organisation politique de la société civile basée sur les textes bibliques (D'ailleurs, le cardinal Bellarmin dût se résoudre à condamner Galilée afin qu'il abjure243(*)). Comme nous l'avons indiqué ce n'est pas la Science Moderne qui a eu raison du Muntu, entendu comme conception philosophique de la personne chez les Bantous, dans la mesure où elle ne s'évertuait à expliquer les phénomènes naturels en tant qu'Etant, mais bien la volonté dont faisait preuve les blancs pour atteindre l'Etre des choses. Toutefois, l'entreprise coloniale aurait gagné en efficacité en tenant compte de l'ontologie des « colonisés »244(*).

* 235 Le 6 mai 1931 a eu lieue l'exposition coloniale, inaugurée par Gaston Doumergue au bois de Vincennes qui a accueillit durant 6 mois plus de 6 millions de visiteurs ; s'inscrivant dans une longue tradition colonialiste datant de 1889 jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, plusieurs expositions avaient pour but de célébrer le colonialisme triomphant et ses vertus. Nous avons dit que l'environnement intellectuel et politique était majoritairement acquis à l'action coloniale car il nous faut apporter certaines nuances sur ce propos. En effet, un grand nombre d'organisations politiques ainsi que des mouvements littéraires se sont insurgés contre ce genre d'exposition, notamment les communistes fidèles à leur tradition Internationaliste, tout comme certains libéraux isolés par leur parti politique mais convaincus de la nécessité de reconnaître une liberté fondamentale aux primitifs, les tenants du courant surréaliste tels que Michel Leiris et André Schaffner ont également rejoins cette cause qui à l'époque était encore marginale dans la société civile, car le regard artistique qu'ils portaient sur l'Autre fut positif.

* 236 Marcien Towa, Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle, éd. CLE, Yaoundé, 1971, p. 10 au chapitre I intitulé Existe-t-il une philosophie africaine ?

* 237 Marcien Towa, ibid.

* 238 F. Eboussi-Boulaga, op. Cit. p. 16

* 239 Christian Godin, op. Cit. p. 1016 se reporter à la définition du Pragmatisme : « Philosophie fondée par les Américains Ch. S. Peirce (1839-1914) et William James (1842-1910) et proposant la valeur pratique comme critère de vérité. Les orientations générales du pragmatisme rejoignent celles de l'empirisme et de l'utilitarisme dont il dérive. Après avoir remarqué que nos croyances sont, en réalité, des règles pour l'action, Peirce soutient que pour développer le contenu d'une idée, il suffit de déterminer la conduite qu'elle est propre à susciter. En d'autres termes, le contenu d'un objet de pensée est la somme des effets que nous pouvons nous représenter de cet objet. Un concept donné sera analysé à travers les propositions dans lesquelles il est utilisé et l'analyse de ces propositions pourra être exprimée comme une conjonction des propositions qui expriment ses conséquences pratiques. Par conséquences pratiques, Peirce entend les propositions conditionnelles de la forme s'il y a P, alors Q, dans lesquelles ce qui précède établit qu'une certaine action volontaire est en train de se faire dans une situation donnée et la conséquence décrit certains phénomènes visibles résultant de cette action. ».

* 240 Richard Rorty, Science et solidarité. La vérité sans le pouvoir, traduit de l'américain par Jean-Pierre Cometti éd. L'éclat, France, octobre 1990, p. 10 de la Préface

* 241 Celle qui fut réalisé par de brillants savants tels que Copernic, Galilée ainsi que Newton qui avaient en commun une représentation métaphysique de leur activité scientifique (comme celle que l'on retrouve dans les recherches fondamentales). Leurs théories scientifiques respectives, nécessitaient qu'ils s'affranchissent de l'espace et du temps pour pouvoir mathématiser le réel et rendre lisible les conditions relatives à l'apparition des phénomènes naturels. Que ce soit l'hypothèse de l'héliocentrisme, celle du principe d'inertie ou encore celle de la chute des corps, il a bien fallut qu'ils mettent entre parenthèses leurs impressions sensibles et leurs connaissances antécédentes pour réussir à percer la réalité sans l'usage de dispositifs techniques élaborés.

* 242 R. Placide Tempels, op. Cit. p. 45 où Tempels décrit la rencontre en ces termes : « Le blanc, phénomène nouveau surgissant dans le monde bantou, ne pouvait être aperçu que suivant les catégories de la philosophie traditionnelle des Bantous. Le blanc fut donc incorporé dans l'univers des forces, à la place qui lui revenait suivant la logique du système ontologique bantou. L'habileté technique du blanc les frappait. Le blanc semblait être maître des grandes forces naturelles. Il fallait donc admettre que le blanc était un aîné, la force vitale du blanc est telle que contre lui les manga, ou l'application des forces agissantes naturelles dont disposent les noirs, paraissent dépourvues d'effet. »

* 243 Pour une fois c'est l'usage positif de la rationalité qui menace la foi.

* 244 Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, 1er édition en 1950, 5ème édition, Paris, Présence Africaine, 1970, p. 39 où Césaire met en scène un dialogue fictif entre le Père Tempels et un colon : « (...) Obtenez qu'en tête de la hiérarchie des forces vitales bantoues, prenne place le Blanc, et le Belge singulièrement, et plus singulièrement encore Albert et Léopold, et le tour est joué. On obtiendra cette merveille : le Dieu bantou sera garant de l'ordre colonialiste belge et sera sacrilège tout Bantou qui osera y porter la main ».

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld