Introduction:
L'hypothèse d'un dérèglement climatique
majeur dans les prochaines décennies, émise par les experts du
GIEC dès le début des années 1990 est maintenant
établie avec une grande certitude (90%) [1,2]. Ces changements
climatiques vont se traduire essentiellement par un réchauffement
général de la température moyenne de la planète de
1 à 6°C jusqu'en 2100 [3], ce qui entraînera notamment une
élévation du niveau de la mer, une augmentation de la
fréquence et de l'intensité des précipitations et des
évènements climatiques extrêmes telles que les vagues de
chaleur, mais également des modifications de l'environnement et des
écosystèmes.
L'une des relations les plus établies entre ces
changements climatiques et la santé figure celle qui lie la
mortalité aux périodes de canicule. On parle souvent du pic
estival de mortalité lié à la vulnérabilité
de certaines populations à risque à la chaleur qui, outre ses
conséquences physiopathologiques, favorise la circulation des virus,
responsables d'infections qui peuvent décompenser les morbidités
chroniques. Ces dernières années on a aussi beaucoup parlé
de l'effet de la canicule sur la mortalité avec ce qu'on a
enregistré lors de l'été 2003 en surmortalité,
notamment en Europe, phénomène exceptionnel qui a pu être
qualifié de « séisme thermique » tellement l'ampleur
des dégâts (surmortalité à court terme
estimée à 15000 décès), en France.
Un tel événement, très ressenti et
très médiatisé, a conduit, entre autres, à remettre
en question la capacité du système de santé publique
à anticiper ce type de situation et a permis ainsi à entreprendre
la mise en place de plans nationaux anti-Canicule.
La Tunisie a un climat subtropical à tendance chaude.
De ce fait, les épisodes de forte chaleur sont relativement
fréquents et ils risquent de s'accentuer avec les changements
climatiques. Notons que la position géographique de la Tunisie la met
aussi en contact avec la circulation atmosphérique des latitudes
tempérées et chaudes en été. Ceci l'expose
périodiquement à des invasions d'air chaud à l'origine
d'ambiances climatiques peu confortables, occasionnant chez les personnes
fragiles, en particulier, différents types d'indisposition. Le
résultat peut être une surmortalité liée au
climat.
Dans ce contexte de changement climatique majeur, la
connaissance de l'impact des températures sur les indicateurs de
santé, tels que la mortalité pendant les périodes les plus
chaudes de l'année
et dans un pays comme la Tunisie, devient un sujet qui
mérite d'être bien exploré. C'est ce que nous avons
décidé de réaliser dans ce travail afin de proposer de
solutions adéquates qui permettent de contrôler ce problème
d'épisodes de grande chaleur.
Le présent mémoire sera structuré en trois
parties :
- Une première partie consacrée à une
synthèse bibliographique ;
- Une deuxième partie qui explore la problématique
et les objectifs du PFE, et traite la méthodologie du travail ;
- Une troisième partie qui présente les principaux
résultats obtenus et une discussion de ces résultats ;
Enfin, nous clôturons par une conclusion et quelques
perspectives.
I. Aperçu général sur les
changements climatiques :
La vie humaine est tributaire de la dynamique du
système climatique. Les interactions entre l'atmosphère, les
océans, la biosphère terrestre et marine, la cryosphère et
les terres émergées déterminent le climat à la
surface de la terre [4].
Les sociétés humaines ont, au cours des
siècles, altéré l'écosystème local et
modifié le climat régional. Aujourd'hui, cette influence humaine
se fait sentir partout sur la planète du fait de l'accroissement
démographique, d'une augmentation de la consommation
énergétique, de l'utilisation intense des terres, du commerce,
des déplacements internationaux et d'autres activités humaines.
Les changements qui en découlent nous forcent à constater que la
santé des populations dépend à long terme du
fonctionnement stable et continu des systèmes écologique,
physique et socioéconomique de la biosphère.
De nos jours, les activités humaines influent sur le
climat partout dans le monde. Elles augmentent la concentration
atmosphérique de gaz capteurs d'énergie amplifiant ainsi l'effet
de serre naturel qui rend la Terre habitable.
Au cours du XXè siècle, la température
moyenne globale à la surface s'est accrue d'environ 0,6°C, et
environ deux tiers de cette augmentation s'est produite depuis 1975 [5]. Les
climatologues prévoient que le réchauffement, accompagné
d'une modification des précipitations et de la variabilité du
climat, va se poursuivre pendant ce siècle et au-delà. Ces
prévisions se fondent sur des modèles climatiques de plus en plus
pointus basés sur des scénarios plausibles d'émissions de
gaz à effet de serre qui tiennent compte de différentes
trajectoires démographiques, économiques et technologiques ainsi
que de schémas évolutifs de gouvernance. Dans son
troisième Rapport d'évaluation (2001), le GIEC constate «
qu'il existe des preuves nouvelles et encore plus solides que l'essentiel du
réchauffement observé ces 50 dernières années est
imputable à l'activité humaine. » [6]
Les extraordinaires prises de vue de la lune que nous a
transmises Apollo en 1969 nous ont montré notre planète suspendue
dans l'espace et ont transformé l'idée que nous nous faisions de
la biosphère et de ses limites. Grâce à une meilleure
compréhension des changements climatiques, nous percevons mieux les
limites et les déterminants de la santé humaine. Si notre
santé personnelle semble surtout être fonction d'un comportement
prudent, de l'hérédité, de l'activité
professionnelle, de l'exposition à l'environnement local et de
l'accès aux soins de santé, le maintien en bonne santé des
populations nécessite les « services » d'entretien de la
biosphère.
Toutes les espèces animales dépendent pour leur
survie d'eau et de nourriture, d'un environnement où les maladies
infectieuses ne prolifèrent pas trop, et de la sécurité et
du confort physique que confère la stabilité climatique. Le
système climatique mondial est donc d'une importance vitale.
Le changement climatique signifie qu'aujourd'hui nous
altérons les systèmes biophysique et écologique de la
Terre, et ceci à l'échelle planétaire comme en
témoignent la dégradation de la couche d'ozone
stratosphérique, la déperdition accélérée de
la diversité biologique, les perturbations du système de
production alimentaire terrestre et marine, l'épuisement des
réserves d'eau douce et la dissémination partout dans le monde de
polluants organiques persistants.
La modification du climat aura des incidences sur le
fonctionnement de grand nombre d'écosystèmes et de leurs
espèces membres. Elle aura également des répercussions sur
la santé humaine. Dans un communiqué de presse publié le
11 décembre 2003, l'Organisation mondiale de la Santé affirmait
ce qui suit : « Il apparaît de plus en plus nettement que les
changements climatiques auront de profondes conséquences sur la
santé et le bien-être des citoyens partout au monde »
Certaines de ces incidences seront bénéfiques.
Par exemple, des hivers plus doux contribueront à réduire la
mortalité hivernale dans les pays tempérés et, dans les
régions chaudes, une augmentation des températures pourrait
réduire la viabilité des populations de moustiques vecteurs de
maladie.
Toutefois, les scientifiques estiment que, dans l'ensemble, la
plupart des conséquences du changement climatiques seront
néfastes pour la santé.
Pour ce qui est de la santé humaine, les premiers
changements que l'on perçoit sont les altérations de
l'étendue géographique (latitude et altitude) et
saisonnière de certaines maladies infectieuses - y compris les
infections vectorielles comme le paludisme et la dengue et les infections
d'origine alimentaire (comme la salmonellose) qui sévissent
particulièrement pendant les mois les plus chauds. Une augmentation des
températures moyennes associée à une plus grande
variabilité climatique altérerait la fréquence des
expositions aux extrêmes thermiques et les effets sur la santé qui
s'ensuivent aussi bien en hiver qu'en été.
Les changements climatiques de ces dernières
décennies ont probablement déjà influé
sur certains effets sur la santé. En effet, d'après le Rapport
sur la santé dans le monde 2002 de l'Organisation Mondiale de la
Santé, « on estime qu'en l'an 2000, le changement climatique
était
déjà responsable de 2,4% environ des cas de
diarrhée dans le monde et de 6% des cas de paludisme dans certains pays
à revenu intermédiaire » [7].
Cependant, il est difficile de distinguer le signal
escompté du bruit de fond de la variabilité naturelle et d'autres
facteurs de causalité. Une fois repéré, l'attribution de
la cause est renforcée si l'on observe des phénomènes
similaires dans différentes populations.
Le système climatique mondial fait partie
intégrante de l'ensemble des processus nécessaires au maintien de
la vie. Le climat a toujours eu un impact puissant sur la santé et le
bien-être des humains. Toutefois, comme beaucoup d'autres grands
systèmes naturels, le climat subit le contrecoup des activités
humaines. Le changement climatique mondial représente donc un nouvel
enjeu pour ceux qui s'emploient à protéger la santé
humaine [8]
II. Canicule, vague de chaleur : définitions
générales : II.1. Canicule:
Au départ, il existe une grande
difficulté de définitions des canicules et des vagues de chaleur.
Dans la littérature, la définition de la canicule a
été abordé de différentes façons:
étymologiquement, le terme « Canicule » vient du latin
Canicula, qui signifie « petite chienne », l'autre
nom de l'étoile Sirius. Elle ne concerne donc à l'origine que la
période annuelle du 24 juillet au 24 août, où cette
étoile se couche et se lève en même temps que le Soleil, ce
qui avait laissé penser aux anciens qu'il y avait un lien entre
l'apparition de cette étoile et les grandes chaleurs.
En France, l'INVS considère la canicule comme
étant le maintien de « fortes » températures pendant
plus de 48 heures [8 ; 9 ; 10]. A ce niveau, un jour de canicule a
été défini comme étant un jour où la
température moyenne minimale (18,2 °C) et maximale (29,6 °C)
est dépassée, [11]. Une définition plus
élaborée de la canicule a été décrite dans
le DDRM comme suit « une période pendant laquelle la
température maximale est très élevée et la
température minimale ne s'abaisse assez suffisamment la nuit »
[12].
La température minimale nocturne élevée
semble être un facteur de risque important car ne permettant pas un repos
nocturne réparateur. Avant le 15 juin ou après le 15 août,
les journées chaudes ne méritent que très rarement le
qualificatif de « canicule » car les nuits sont alors suffisamment
longues pour que la température s'abaisse bien avant le retour de l'aube
[13]
II.2. Vague de chaleur :
Quand un temps chaud continue pendant une longue
période, ce s'appelle la vague de chaleur. Dans la vague de chaleur le
temps devient énormément chaud. C'est un phénomène
dangereux de temps. Avec la chaleur étouffante, le
niveau de l'humidité augmente également dans l'atmosphère.
Cependant, la nature de la vague de chaleur varie avec le changement du temps
et de l'endroit. Si vous vivez dans un endroit très froid, une
température normale peut également sembler la chaleur vous
saluent, alors que c'est très habituelle aux personnes locales de ce
secteur. [14]
Toute la complexité d'une définition plus
précise de vague de chaleur réside dans l'aspect multifactoriel
de la mesure de l'exposition à la chaleur et de la forte
dépendance entre l'impact de la chaleur sur la mortalité et la
population concernée. Les météorologistes français
définissent une vague de chaleur comme une période pendant
laquelle la température maximale dépasse le seuil de 30,0°C
[9, 11, 12]. Les américains tolèrent un peu plus de
température en fixant un seuil de 32,2°C qui doit être
dépassé pendant trois jours consécutifs [11, 15, 16].
Aux Etats-Unis, le NSM a proposé une autre
définition basée sur la notion d'indice de chaleur Hi. Selon ce
service, une vague de chaleur est définie alors comme la persistance
d'un indice de chaleur diurne supérieur ou égal à
40,6°C associé à un indice de chaleur nocturne
supérieur ou égal à 26,7°C pendant au moins 48 h
[14]. Ce seuil est revu à la hausse sur le territoire américain
en fonction de la fréquence de dépassement : pour les stations
où 1 % des observations dépassent les seuils diurne et nocturne,
le seuil est établi au 1er percentile des observations [8].
Une définition nettement différente de celles qui
précédent a été élaboré par les
britanniques qui définissent une vague de chaleur à partir d'une
augmentation de la température de 4°C au-dessus de la moyenne
trentenale du lieu et du mois [9, 12,11].
L'IRM des Pays-Bas définit une vague de chaleur comme
une période d'au moins cinq jours consécutifs pendant lesquels la
température atteint 25°C de minimale et 30°C de maximale
pendant au moins trois jours [9, 11,12].
L'OMM la définit comme « un réchauffement
important de l'air, ou une invasion d'air très chaud sur un vaste
territoire, généralement de quelques jours à quelques
semaines », sans pour autant y associer de seuil spécifique, en
raison de la grande diversité des climats locaux [9,11]
Au Canada, on utilise l'indice Humidex pour exprimer l'effet
combiné de la chaleur et de l'humidité. Un indice Humidex de 30
à 39 est associé à un degré variable d'inconfort,
alors qu'à
partir d'un indice de 40, presque toutes les personnes sont
inconfortables. Environnement Canada émet un avertissement de chaleur
lorsque la température ambiante atteint 30 °C et que l'indice
Humidex est de 40. Bien qu'il n'existe pas de véritable
définition d'une vague de chaleur, elle désigne
généralement une période d'au moins trois jours
consécutifs où la température de l'air est
supérieure à 32 °C [17].
En pratique, une vague de chaleur est souvent
identifiée a posteriori en regard de ses conséquences sanitaires.
Ce qui caractérise alors une vague de chaleur est l'influence d'un
climat particulièrement chaud pendant une période
prolongée sur la santé de la population concernée.
Schuman, cité par Rey (2007) [18] introduit comme condition à la
définition de vague de chaleur qu'elle ait une influence sur la
santé de la population et en particulier sur la mortalité.
Cette approche permet d'éviter la difficulté de
définition purement météorologique liée à
l'observation de différences, nettes selon les populations, les climats
habituels et les latitudes, des impacts sanitaires observés dans des
conditions météorologiques similaires [18]. Cependant, elle peut
être à l'origine d'une attribution excessive de la
surmortalité à la chaleur, et ne permet pas d'identifier une
vague de chaleur avant qu'on ait pu observer son impact sanitaire sur la
population.
L'approche opposée consiste à définir une
vague de chaleur à partir de considérations purement
physiologiques, sans tenir compte de l'impact observé sur les
populations. C'est notamment le cas de la définition de forte chaleur
donnée par le NSM des Etats-Unis, basée sur les
températures apparentes, combinaison de température et
d'humidité. Cette approche présente le défaut de ne pas
tenir compte de la variabilité de la réponse des populations face
à des conditions similaires. Entre autres, certaines populations
pourront subir des conséquences sanitaires fortes sans que les
critères du NSM ne soient dépassés.
La plus grande partie des études identifiant des vagues
de chaleur adaptent les critères du NSM selon le climat habituel et la
population étudiée. Ce faisant, ils adoptent une approche
similaire à celle préconisée par Robinson, cité par
Rey (2007) [18]. Selon lui, la définition de vague de chaleur est locale
et doit se baser à la fois sur des critères physiologiques et sur
un critère de rareté.
II.3. Description de quelques vagues de chaleur
:
Les grandes vagues de chaleur survenues dans les pays
occidentaux au cours des trente dernières années ainsi que leur
impact sanitaire ont été largement documentés dans la
littérature, notamment celles qui ont touché les Etats-Unis, le
continent nord américain ayant été plus fréquemment
concerné par ce phénomène climatique.
II.3.1. Impact sanitaire en terme de mortalité
totale :
Les principales vagues de chaleurs survenues en Europe et aux
Etats-Unis et leur impact sur la mortalité totale sont décrits
dans le tableau 1.
Tableau 1: Surmortalité en population
générale (tous âges) dues aux différentes vagues de
chaleur survenues en France, en Europe et aux Etats-Unis [19].
Évaluation de la surmortalité
totale
|
Vague de chaleur : lieu, période,
durée
(jours)
|
Période (nombre de jours)
|
Mortalité attendue, n
|
Surmortalité estimée, n
|
Surmortalité estimée, %
|
France
|
|
|
|
|
France, juin-juillet 1976, 14 j
|
(14)
|
~20 000
|
6 000
|
30
|
Marseille, juillet 1983, 10 j
|
(10)
|
273
|
300
|
110
|
Août, 2003
|
|
|
|
60
|
Août, 2006
|
|
|
|
97
|
Europe
|
|
|
|
|
Athènes, juillet 1987, 10 j
|
(10)
|
2 083
|
2 010
|
97
|
Belgique [20]:
fin juin-début août 1994, 42 j 12 à 18 juin,
Juillet 2006
|
(42) (7)
|
11 324
|
1 404
|
12
|
Royaume-Uni, 04 au 13 août 2003 [21]
|
(10)
|
|
2139
|
|
Pays-Bas, juillet 2006
|
|
|
1000
|
|
Angleterre et Pays de Galles, été 1995, 5 j
Juillet, 2005
|
(5)
|
6 982
|
768
|
11 16
|
Etats-Unis
Los Angeles, sept 1939, 9 j
|
(9)
|
504
|
546
|
108
|
Los Angeles, sept 1955, 9 j
|
(9)
|
778
|
946
|
122
|
New York, juillet 1972, 7 j
|
(7)
|
1 428
|
891
|
62
|
Saint-Louis, juillet 1980, 16 j
|
Juillet 1980 (31)
|
542
|
308
|
57
|
Kansas City, juillet 1980
|
17 j Juillet 1980 (31)
|
362
|
598
|
65
|
Chicago, juillet 1995, 7 j
|
14-20/07/95 (7)
|
504
|
739
|
147
|
Amérique du nord, les Etats unis, le Canada, 15/07 et
27/08/2006 [20]
|
|
|
Plusieurs centaines de morts
|
|
La comparaison de la surmortalité due aux
différentes vagues de chaleur survenues est difficile à faire
compte tenu des différences méthodologiques qui ont conduit
à ces estimations (définition d'une vague de chaleur -
différente selon les pays - choix de la période
d'évaluation de l'impact sanitaire, de la période de
référence, de la population d'étude).
En France, quatre vagues de chaleur sont documentées :
celle de 1976, qui a touché largement le territoire
métropolitain, celle de 1983, limitée aux Bouches-du-Rhône
(tableau 1), et celles de 2003 et 2006 qui ont causé une
surmortalité respectivement de 60 % et de 97 %.
En 1976, près de 6 000 morts en excès sur
l'ensemble du territoire français ont été estimés
durant la période caniculaire de 1976 par rapport à la moyenne
des décès observés pendant les trois années
précédentes sur la même période [22].
Le délai écoulé entre les premiers signes
cliniques et l'hospitalisation ou le décès par coup de chaleur
est court : lors de la vague de chaleur survenue aux Etats-Unis en juillet
1980, 74 % des sujets avaient présenté des symptômes peu
inquiétants (légères céphalées, vertiges,
malaises, éventuellement paresthésies des
extrémités et plus rarement frissons) dans la journée
précédente et 83 % dans les deux jours précédents
[23].
II.3.2. Mortalité indirecte liée à des
pathologies chroniques sous-jacentes :
Les maladies cardiovasculaires seraient à l'origine de
26 % des décès liés à la chaleur [24; 25]. Les
causes de décès les plus fréquentes sont alors l'infarctus
du myocarde et l'insuffisance cardiaque décompensée qui comptent
pour 13 à 72 % de la surmortalité lors des vagues de chaleur
[24]. Les accidents vasculaires cérébraux représenteraient
6 à 52 % de la surmortalité.
Deux vagues de chaleur se sont succédées dans le
comté de Milwaukee (Wisconsin) aux Etats- Unis en 1995 et 1999 [19, 26].
La première cause de décès notifiée lors de ces
deux épisodes était d'origine cardiovasculaire : 51 % des cas en
1995 et 64 % en 1999. Parmi les décédés, 16 à 18 %
des sujets étaient traités par psychotropes et, parmi ces
derniers, tous sauf un étaient âgés de moins de 65 ans
[27]. Enfin, parmi les personnes âgées de moins de 65 ans
décédées, 64 % présentaient une maladie mentale
[26].
Outre les pathologies citées
précédemment, la chaleur est susceptible de contribuer au
décès de sujets porteurs d'autres types de pathologies. Pendant
la vague de chaleur de l'été 1994 en Belgique dans les
régions wallonnes et flamandes, l'excès de mortalité
était dû aux cancers : ratio de mortalité de 1,15,
intervalle de confiance à 95 % : [1,07-1,24] en Wallonie et de 1,16
[1,10- 1,22] en Flandres, et aux maladies du système nerveux central :
ratio de mortalité de 1,52 [1,30 1,78] en Wallonie et de 1,40
[1,14-1,70] en Flandres [28].
II.3.3. Mortalité retardée :
L'impact d'une vague de chaleur a des effets immédiats
mais peut aussi entraîner des effets plus ou moins retardés.
En 1995, une vague de chaleur a fait de nombreuses victimes
à Chicago. Le pic du nombre de décès est survenu deux
jours après le jour pendant lequel la température a
été la plus élevée [29; 30; 31]. Le pic du nombre
de visites aux services d'urgence (3 300) est survenu 24 h après le jour
où la température apparente a été la plus
élevée [32]. La mortalité est revenue au niveau de base au
bout de quatre jours [31].
Une étude réalisée à Valence
(Espagne) a montré que l'effet le plus marqué d'une vague de
chaleur sur la mortalité était visible dans la semaine suivante ;
cependant, pour la mortalité liée aux maladies respiratoires,
l'effet est plus marqué dans un délai de 7 à 14 jours
après la vague de chaleur [33].
Certaines études décrivent une
sous-mortalité pendant plusieurs semaines suivant une vague de chaleur.
Cette compensation de la mortalité suggère que les
décès survenus pendant la vague de chaleur sont des
décès anticipés de personnes fragilisées [34].
Selon certaines estimations, une proportion de 20 à 40 % des
décès attribuables aux vagues de chaleur correspondrait à
un déplacement de la mortalité [35].
Les vagues de chaleur survenant au début de
l'été sont souvent plus meurtrières que les vagues de
chaleur plus tardives. Les personnes les plus sensibles sont touchées
lors de ces premières vagues de chaleur, les personnes plus
résistantes survivent [36; 37]. Par ailleurs, les personnes affaiblies
lors des premières vagues de chaleur s'adaptent à la chaleur ou
adoptent des comportements très prudents vis-à-vis des
élévations de température [38].
II.3.4. Etude de la relation
mortalité-température : II.3.4.1. Seuil de
température-influence de la latitude :
Les différentes études réalisées
sur le sujet mettent en évidence une relation en forme de V entre
mortalité et température (figure 1): il existe une
température optimale pour laquelle la mortalité est minimale. Les
études de séries chronologiques évoquent la notion de
seuil de température au- delà duquel la mortalité
augmente. La manière de déterminer ce seuil de température
varie d'un auteur à l'autre. On remarque cependant que ce seuil augmente
à mesure qu'on descend vers les faibles latitudes dans les
régions bénéficiant d'un climat plus chaud.
La figure 1 présente les résultats d'une
étude réalisée dans 11 grandes villes de l'Est des Etats-
Unis sur la période 1973-1994 [39]. La température à
partir de laquelle la mortalité augmente est plus élevée
pour les villes du Sud et la pente des courbes est plus forte pour les villes
du Nord après le point de rupture. Cette forme en V de la relation entre
la mortalité toutes causes et la température se retrouve pour la
mortalité cardiovasculaire et respiratoire, mais pas pour les autres
causes de mortalité.
Figure 1: Relation entre mortalité et
température pour 11 villes de l'Est des Etats-Unis [39].
Une étude de la mortalité en fonction de la
température réalisée à Londres entre 1976 et 1996
illustre également ce phénomène : l'augmentation des
décès liés à la chaleur a été
observée à partir de 19°C.
La relation température-mortalité était
linéaire ensuite sauf pour les périodes de très fortes
chaleurs pour lesquelles la mortalité augmentait plus fortement [40].
La mortalité associée à la chaleur est
similaire dans les pays européens présentant des hivers plus ou
moins froids [46]. Cependant, le seuil de température pour lequel une
surmortalité apparaît est plus élevé dans les pays
présentant des étés chauds (41°C à
Séville, 36,5°C à Madrid) [36; 37; 41].
Une étude réalisée dans diverses
régions européennes montre que la température pour
laquelle la mortalité associée est la plus faible est plus
élevée dans les pays plus chauds : la limite supérieure
de la bande de 3°C, zone pour laquelle la
mortalité est la plus faible, était de 17,3°C en Finlande du
Nord, de 22,3°C à Londres et de 25,7°C à Athènes
[42]. A Valence, la mortalité est la plus faible lorsque la
température se situe entre 22°C et 25°C [33].
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