II.3.4.2. Impact de l'élévation de la
température :
Plusieurs études ont été
réalisées sur de longues périodes pour documenter la
relation entre mortalité et température.
L'élévation de la température est associée de
manière significative à l'augmentation des décès.
Les méthodes de quantification de cette surmortalité sont
diverses. L'étude de la relation mortalité-température
réalisée dans 11 grandes villes de l'Est des Etats- Unis de 1973
à 1994, a mis en évidence, en été, une augmentation
de 40 % de la mortalité [39]. Lors d'une étude
réalisée sur la mortalité journalière dans sept
grandes villes des Etats-Unis entre 1988 et 1993 [48], la surmortalité
globale associée à une température apparente de 29°C
était de 5,0 % (3,1- 7,0). Une augmentation de 10,1 % (6,2-14,2) des
décès survenus en dehors de l'hôpital a été
observée alors que la mortalité hospitalière augmentait de
façon non significative de 1,3 %.
II.3.5. Co-morbidité :
La chaleur peut, dans certains cas, aggraver une maladie
déjà installée. Le système cardiovasculaire semble
être le plus touché ; viennent ensuite les voies respiratoires et
urinaires. La vague de chaleur survenue dans le Nord-Est des Etats-Unis entre
le 12 et le 20 juillet 1995 a entraîné à Chicago une
augmentation de 11 % des hospitalisations. Déshydratation (25 %), coup
de chaleur (22 %) et épuisement (15 %) étaient les principales
causes d'hospitalisation ; l'analyse a mis en évidence une augmentation
des admissions chez les personnes atteintes d'affections chroniques : maladies
cardiovasculaires (23 %), diabète (30 %), pathologies rénales (52
%), troubles du système nerveux central (20 %), emphysème et
épilepsie [44].
III. Evaluation de l'exposition à la chaleur et
effets sanitaires :
Pour étudier les effets des événements
météorologiques et de la variabilité du climat sur la
santé humaine, il faut préciser « l'exposition »
météorologique. L'étude de cette exposition permet de
dégager les effets sanitaires qu'elle peut provoquer.
III.1. Evaluation de l'exposition à la chaleur
:
Pour appréhender l'impact de la chaleur sur le corps
humain, les mesures météorologiques telles que la
température moyenne, minimale ou maximale, peuvent être
utilisées directement comme indicateur de l'exposition. Cependant,
d'autres paramètres météorologiques comme la vitesse du
vent ou le niveau de rayonnement ou non météorologiques tels que
le niveau d'activité physique, l'habillement ou l'adaptation
physiologique doivent être pris en compte pour mieux appréhender
cet impact [45]. Des indices biométéorologiques, construits en
combinant d'autres paramètres à la température, ou des
indices d'exposition fondés sur les masses d'air ont donc
également été utilisés comme indicateurs de
l'exposition à la chaleur.
III.1.1. Les mesures météorologiques
:
La température extérieure a été
utilisée comme indicateur de l'exposition à la chaleur dans les
études épidémiologiques alors que dans les pays
industrialisés, les personnes passent une grande partie de leur
journée en intérieur sur les lieux de travail ou à
domicile (retraités). La température enregistrée sur une
zone géographique spécifique n'est pas représentative de
la température à laquelle sont réellement exposées
les personnes présentes dans cette zone. Cependant, la mesure de la
température ambiante est le meilleur déterminant de la variation
de l'exposition des populations au cours du temps [38].
Si les températures maximales et minimales sont des
indicateurs intéressants pour caractériser la vague de chaleur
d'août 2003, la température moyenne sur 24 h est un bon indicateur
d'exposition à la chaleur car elle prend en compte la température
minimale indicatrice de repos nocturne [46]. Cette température moyenne
deviendrait critique lorsqu'elle s'élève de plus de 7°C
au-dessus de la normale [24,46].
L'impact de la chaleur sur la santé est lié
aussi au niveau d'humidité de l'air, des taux d'humidité
élevés pouvant influer sur la sensation de fortes
températures et accentuer la gêne ressentie. Par exemple, pour une
température enregistrée de 29°C, la température
ressentie sera de 26°C pour une hygrométrie nulle et de 40°C
pour un taux d'humidité dans l'air de 98 % [24].
III.1.2. Les indices biométéorologiques ou
« indices de confort » :
La température et l'humidité ne sont pas
toujours des indicateurs représentatifs des efforts imposés
à l'organisme et des risques d'accidents pathologiques en
résultant. D'autres éléments climatologiques sont à
prendre en compte, ce qui se traduit par la création d'indices
biométéorologiques (encore appelés « indices de
confort ») pour évaluer les risques sanitaires inhérents aux
vagues de chaleur. Parmi ces indices, on a considéré l'humidex et
la température apparente (AT), qui prennent en compte la
température du point de rosée et l'indice d'inconfort (DI), qui
prend en compte le taux d'humidité [46,47,48].
Aux Etats-Unis, les indices de chaleur (Hi) (version
modifiée de la température apparente) diurnes et nocturnes sont
utilisés, ce qui permet de prendre en compte la température
minimale en plus de l'humidité [45,47]. Le détail des formules de
calcul des différents indices biométéorologiques figure en
annexe.
Le niveau des indices biométéorologiques est
potentiellement associé aux effets sanitaires suivants (tableau 2).
Tableau 2: Effets sanitaires potentiels en
fonction des indices de chaleur Hi et Humidex [49].
Indice, en °C
|
Effets sanitaires potentiels
|
|
Hi
|
26,7-32,0
|
Fatigue possible après une exposition prolongée et
la pratique d'une activité physique
|
32,1 -40,6
|
Insolation, crampes et épuisement possibles
|
40,7-54,4
|
Insolation, crampes et épuisement probables et coup de
chaleur possible
|
>54,4
|
Coup de chaleur probable suite à une exposition
continue
|
|
Humidex
|
<30
|
Léger inconfort. Fatigue possible après exposition
prolongée et/ou activité physique
|
30-39
|
Inconfort. Insolation, crampes, épuisement et coup de
chaleur possibles après exposition prolongée et/ou
activité physique
|
40-54
|
Inconfort majeur. Insolation, crampes et épuisement
probables et coup de chaleur possible après exposition continue et/ou
activité physique
|
>54
|
Extrême danger, coup de chaleur imminent si exposition
maintenue
|
III.1.3. Les indicateurs fondés sur les masses
d'air :
Des techniques de classement des conditions
météorologiques en catégories ou masses d'air ont
été développées depuis 1995 [48, 50]. La
méthode CSS consiste à classer, chaque jour, les masses d'air
dans un des six types définis (polaire sec, modéré sec,
tropical sec, polaire humide, modéré humide et tropical humide).
Les types de masse d'air sont définis par des combinaisons de six
variables (température de l'air, du point de rosée, couverture
nuageuse totale, pression au niveau de la mer, vitesse et direction des vents).
Les masses d'air peuvent être prévues 48 h à l'avance
[34].
III.2. Effets sanitaires :
L'exposition d'un individu à une température
environnementale élevée est susceptible d'entraîner des
réactions bénignes ou graves, dues à des réponses
inadéquates ou insuffisantes des mécanismes de
thermorégulation. Les réponses physiologiques au stress thermique
comprennent la transpiration et la vasodilatation périphérique.
L'exposition continue à une chaleur élevée mène
généralement à l'acclimatation, caractérisée
par l'accroissement de la tolérance thermique du corps, qui
s'établit habituellement en quelques jours.
III.2.1. Définitions :
III.2.1.1. Coup de chaleur : aspects cliniques,
biologiques et pronostiques :
Cliniquement on distingue le coup de chaleur (heatstroke),
dû à une défaillance ou une
inadaptation des mécanismes de déperdition de
chaleur et l'épuisement par la chaleur (heat
exhaustion), conséquence d'une perte liquidienne
excessive, conduisant au choc hypovolémique :
a) Le coup de chaleur est caractérisé par un
début rapide, parfois précédé de
céphalées, vertiges et asthénie. La sudation est
généralement diminuée, la peau est chaude et sèche
; la température corporelle s'élève rapidement à 40
- 41°C ; un épisode de désorientation peut
précéder le coma et les convulsions. Les autres signes
comprennent tachycardie, hyperventilation, vomissements et hypotension
artérielle. Le coup de chaleur constitue une urgence médicale
majeure, rapidement mortelle en l'absence de traitement. Des lésions
cérébrales définitives ou une insuffisance rénale
peuvent survenir au décours de la phase aiguë. Biologiquement on
retrouve une élévation des enzymes hépatiques,
rénales et musculaires.
b) L'épuisement par la chaleur se manifeste par des
céphalées, des nausées, des vomissements, une sensation de
malaise, une faiblesse musculaire et des vertiges, accompagnés d'une
hypotension. La peau est froide et moite, la température corporelle est
inférieure à 40°C. L'évolution se fait vers un
collapsus. L'équilibre hydro-électrolytique est perturbé :
déshydratation, hyponatrémie, hypokaliémie.
L'épuisement par la chaleur est généralement transitoire
et répond bien à une réhydratation par voie orale ou par
voie intraveineuse ; le pronostic est favorable si la défaillance
circulatoire n'est pas prolongée.
III.2.1.2. Décès par coup de chaleur,
décès lié à la chaleur : définitions
épidémiologiques :
Si la définition clinique d'un « décès
par coup de chaleur » est assez consensuelle, ce n'est pas le cas pour la
définition épidémiologique d'un « décès
lié à la chaleur ».
a) Décès par coup de chaleur :
Aux Etats-Unis, la National Association of Medical Examiners
a proposé de noter «coup de chaleur » (heat stroke) ou «
hyperthermie » (hyperthermia) comme cause de décès d'un
sujet [51]:
- lorsque la température corporelle au moment du
décès est au moins égale à 40,6°C ;
- ou, si la température corporelle au moment du
décès est inférieure à 40,6°C, lorsque des
tentatives ont été entreprises pour faire baisser
la température ou lorsque le sujet avait
présenté une altération de l'état
mental et un taux sérique élevé d'enzymes
hépatiques et
musculaires.
Cette définition clinique du décès par
coup de chaleur est assez consensuelle aux Etats-Unis. Elle a été
utilisée dans les investigations épidémiologiques de
plusieurs vagues de chaleur [26,51]. Cependant elle apparaît très
spécifique - elle ne prend pas en compte tous les décès
liés à la chaleur - et sous-estime donc le nombre de
décès liés à la chaleur [38,51]. Par ailleurs, elle
est assez peu opérationnelle en épidémiologie.
b) Décès lié à la chaleur
:
Si la température du corps au moment du
décès n'est pas disponible, un diagnostic de «
décès lié à la chaleur » (heat related death)
peut être établi si la température ambiante est
élevée au moment du décès et doit être
noté comme cause principale ou associée du décès
[51]. Néanmoins, Basu et al. (2002) soulignent que, le plus
souvent, la chaleur n'apparaît pas comme une cause
(principale ou associée) du décès et que
seule la pathologie sous-jacente est notée comme cause du
décès, entraînant là encore une sous-estimation du
nombre de décès liés à la chaleur dans les
statistiques de décès [38].
De façon plus large, la National Association of Medical
Examiners définit un « décès lié à la
chaleur », un décès survenant quand l'exposition à
des températures élevées a causé le
décès ou a fortement contribué à ce
décès [51]. Cette définition très large peut
être sujette à des biais de classification et être à
l'origine d'une surestimation des décès liés à la
chaleur au moment d'une vague de chaleur [38].
Les décès liés directement à la
chaleur (coup de chaleur avec atteinte du système nerveux central ou
hyperthermie sans atteinte neurologique, code T67.0 de la
10ème révision de la classification internationale des
maladies) ou indirectement liés à la chaleur sont
sous-représentés dans les statistiques, en
général.
Au moment d'une vague de chaleur au contraire, ils peuvent
être surreprésentés. La mortalité totale est donc
l'indicateur sanitaire le plus souvent utilisé pour évaluer
l'impact d'une vague de chaleur [38].
IV. Etude des facteurs pouvant moduler l'impact de la
chaleur : IV.!. Facteurs individuels :
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