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Retraite et vie associative: Cas de l'association des retraités de Cocody(ARECO)

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par Noel Pacome BROU
Université Cocody-Abidjan - Maitrise 2007
  

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CHAPITRE II : MECANISMES DE RECONSTRUCTION

DES RETRAITES DANS L'ARECO

L'intérêt de cette partie, c'est d'étudier les mécanismes de reconstruction des retraités de l'ARECO à l'effet de voir comment ils participent à la construction des liens sociaux. L'étude de ces mécanismes montrera comment les habitus socioprofessionnels des retraités contribuent à structurer leurs identités sociales actuelles. Pour ce faire, nous allons orienter notre analyse dans la perspective de voir comment les retraités reproduisent les habitus socioprofessionnels dans l'association des retraités; puis, examiner la nature des gains procurés symboliques procurés par la participation à la vie associative et terminer ce chapitre par une étude de la construction du sens de la retraite par les acteurs de l'association.

II-1- UNE REPRODUCTION DES HABITUS SOCIOPROFESSIONNELS

DANS L'ESPACE ASSOCIATIF

L'enquête montre que les retraités de l'ARECO effectuent mensuellement ou exceptionnellement des cotisations. Pour eux, ces cotisations servent à financer en partie les activités de l'association (visites, médicales loisirs, etc.) d'une part et d'autre part, à assister les membres en cas d'évènements heureux ou malheureux (mariages, baptêmes, décès d'un membre, etc.)

Dans le cas d'un évènement heureux, le mariage d'une progéniture d'un membre, l'association verse une somme à la personne concernée si elle effectue régulièrement ses cotisations. Aussi, quand un membre décède ou perd une personne très proche, l'ARECO verse également une somme aux ayants droits en guise de soutien à la famille.

Ces pratiques sociales au sein de l'ARECO tirent leur sens dans la trajectoire socioprofessionnelle de ses acteurs. En effet, il existe dans presque toutes les entreprises ou services ivoiriens des fonds d'aide aux employés appelés généralement des « caisses de solidarité ». Ces caisses de solidarité sont en général des cotisations de l'ensemble du personnel qu'il gère ou cogère avec l'administration de l'entreprise. Elles sont devenues des institutions au sein de l'entreprise et sont exclusivement consacrées aux aides sociales. Comme tel, les caisses de solidarité remplissent plusieurs fonctions dans le cadre de la socialisation des acteurs de l'entreprise dont les plus essentielles sont l'aide directe aux employés qui vivent un évènement heureux (mariage, accouchement, etc.) ou sont touchés par un évènement malheureux (décès pour la plupart).

La rupture d'avec le milieu professionnel du fait de la retraite est aussi une déstructuration des liens de solidarité construits autour de ces caisses qui sont en réalité de véritables soutiens aux employés. Alors, les retraités dans l'association reproduisent en quelque sorte ces mêmes pratiques dans l'association qui sont pour eux des mécanismes qui leur permettent de se re-construire. Car, comme nous l'entendons dire souvent, l'homme est un être social et un être de besoins. Mais à la retraite, le besoin de sécurité est une nécessité pour l'équilibre psychologique des retraités. Ce besoin de sécurité intègre non seulement le sentiment d'appartenance à un groupe social ou à une communauté, mais également, ce que nous appelons ici, le besoin de protection sociale. Or, une des limites de l'action politique réside dans le fait qu'elle n'apporte pas toute l'assistance sociale aux retraités pour leur permettre de vivre une retraite paisible ; loin des soucis liés aux moyens économiques. C'est qui pousse les retraités à mettre en place des stratégies dans les associations pour combler les insuffisances de la politique de retraite.

Cette forme de sécurité sociale reproduite au plan microsocial donne l'impression de toujours bénéficier étant en retraite des avantages sociaux liés à la situation et au statut professionnel. Elle structure aussi les liens sociaux entre des personnes d'origines diverses qui ne partagent qu'un même statut social. En effet, l'assistance que l'ARECO apporte à ses membres n'est pas que financière. Elle également morale puisque hors mis le soutien financier, les membres de l'association témoignent de leur présence physique en cas d'évènements heureux ou malheureux.

En outre, les cotisations que les retraités effectuent prennent sens surtout en cas d'évènements malheureux. En effet, ces cotisations fonctionnent comme une forme d'assurance-maladie ou d'assurance-obsèques. C'est donc un investissement productif à court ou moyen terme pour les retraités. En effet, en Afrique précisément en Côte d'Ivoire, la vie en communauté est beaucoup plus valorisée et socialement valorisant. C'est aussi en cas de décès que les liens de solidarité se manifestent davantage au plan économique et social. Car les rites funéraires occasionnent pas mal de dépenses et c'est en cela que les retraités de l'ARECO estiment que les cotisations sont utiles pour eux et pour leur association. Pour M. G. : « Les cotisations sont comme une assurance que nous déposons. J'ai dit tout à l'heure que quand tu es malade ou tu meurs, il y a un montant qui est versé à votre épouse » Mme O. estime que les cotisations servent à : « financer nos activités, nos sorties, l'entraide quand il y a un décès ou un mariage. Ça nous arrange, quand tu perds quelqu'un on t'assiste financièrement et c'est quelque chose ».

Au regard de ce qui précède, disons que tous ces mécanismes mises en place au sein de l'ARECO fait fonctionner non seulement l'association mais permettent aux retraités de se reconstruire. Outre ces mécanismes d'ordre économique, l'association procure des ressources symboliques ou mentales aux retraités pour leurs permettre de se reconstruire. C'est donc la nature de ces ressources symboliques que nous allons examiner dans la partie suivante.

II-2- LA NATURE DES GAINS SYMBOLIQUES PROCURES

PAR L'ASSOCIATION

L'enquête révèle que l'ARECO a un programme d'activités. Les activités organisées sont des initiatives propres des membres en rapport avec les objectifs de l'association. Nous avons identifié entre autres les visites médicales une fois par an, les loisirs, les conférences-débats, etc. Les retraités estiment que les activités qu'ils pratiquent dans l'association leurs permettent de se recréer, de s'extérioriser afin de demeurer toujours actifs et diminuer les soucis quotidiens liés à la retraite.

La retraite n'est pas un phénomène nouveau en Côte d'Ivoire puisqu'elle existait même avant l'indépendance. Néanmoins, ce qu'il faut chercher à comprendre, c'est qu'il existe aujourd'hui une nouvelle catégorie de retraités qui sont plus actifs dans cette phase de vie en milieu urbain. Ce niveau élevé d'activités chez les retraités d'aujourd'hui tire son sens de deux constatations : D'un côté, il y a une révolution de conscience, un changement d'attitude face à la retraite et de comportement en retraite et de l'autre, la retraite ne rime plus avec le retour systématique au village.

En outre, les retraités de l'ARECO sont dotés d'un capital culturel élevé hérité de la vie active qu'ils traduisent en retraite. Ainsi, les loisirs ou les activités pratiquées dans l'association ont un lien avec le passé professionnel. Il y a donc une continuité dans l'activité, ce qui laisse entrevoir un processus de réaménagement de soi et une rupture avec l'ancienne conception de la retraite teintée d'idéologie à connotation négative réduisant la retraite à une mort sociale.

Les retraités de l'ARECO entretiennent l'idée du « refus de vieillir » ou de « bien vieillir » dans le cadre d'une retraite-loisirs et d'une retraite-revendications25(*). En effet, ces deux variantes de conduite en retraite s'illustrent bien dans les comportements des retraités de l'ARECO. Selon le premier modèle (la retraite-loisirs) identifiée par Anne-Marie Guillemard, il s'agit de valoriser le rôle de consommateur de produits culturels (voyages, sorties détentes, spectacles, etc.). Puis le second modèle (retraite-revendications) dont nous avions déjà parlé dans le chapitre précédent se traduit par une sorte d'engagement dans l'activité et une revendication d'une place d'acteur social mais aussi d'extension de champ social et spatial. C'est ce qui confirme les propos de Mme L. : « l'ARECO soutient les retraités dans les oeuvres sociales, par le biais de l'ARECO, on touche les organismes sociaux. Les activités que nous organisons servent à nous détendre, on sort des soucis familiaux pour se récréer. Ça fait du bien que de s'en fermer entre les quatre murs ». En abordant dans le même sens que Mme L., M Y. affirme que : « les loisirs, c'est pour regrouper les personnes d'une même tranche d'âge et de leur faire oublier les soucis et rompre avec la monotonie et épanouir le retraité ».

Les ressources nécessaires à l'adaptation de la vie en retraité sont diverses et les styles de vie sont également variables selon les individus. En tout état de cause, la pratique des loisirs ou toute autre pratique culturelle dans l'association s'inscrit dans une perspective de réussir sa vieillesse et le choix de ce modèle de comportement chez la plus grande partie des retraités répond à cette fin. Dans une telle perspective, il y a un enjeu qui est celui d'entretenir la « flamme de la jeunesse d'esprit » et de valoriser collectivement la retraite dans les associations.

Nous ne pouvons pas cependant occulter le fait que l'investissement dans les loisirs demande un capital économique qu'il faut mobiliser même dans le cadre de la vie associative (les cotisations pour financer les loisirs). Or, nous le savons tous que le problème de la retraite se réduit essentiellement au dépérissement des ressources économiques qui génèrent les soucis quotidiens chez les retraités. Ce qui revient à dire que les moins dotés en capitaux économiques évoluent allègrement vers une vieillesse-échec. Les loisirs en retraite sont perçus comme un substitut au travail ou à l'activité professionnelle dans le processus de reconstruction de soi. Cela dit, ces mécanismes culturels de reconstruction des retraités dans l'association reposent en partie sur un substrat économique. Celui-ci se présente comme le socle sur lequel repose le bien vieillir ou la vieillesse réussie.

II-3- L'ESPACE ASSOCIATIF ET LA CONSTRUCTION DU SENS

DE LA RETRAITE PAR LES RETRAITES

A travers bon nombre d'entretiens, les retraités pensent que se retrouver en association est significatif pour eux. En effet, c'est une occasion d'être ensemble avec des individus qui partagent le même statut faire de nouvelle connaissance et d'assistance mutuelle. Participer à la vie associative signifie pour eux l'union autour d'un idéal commun, et se sentir vraiment retraité. En effet, selon eux, cela est « bon » pour le moral du retraité. On relève dans les entretiens les formules telles que : « le problème, c'est de ne pas rester en retrait. C'est une occasion de se retrouver et d'échanger avec les autres. C'est positif. » Mme.O. « je discute avec des gens, je fais de nouvelles rencontres » M.E. ; « ce sont les retrouvailles. Cela m'a permis de retrouver des amis d'enfance et on a le sentiment d'être toujours jeune » Mme M.

Le milieu professionnel précisément l'entreprise ou le service est un espace social où les individus passent une grande partie de leur vie. C'est dire que le monde professionnel joue un rôle très important dans la socialisation des individus.26(*) En effet, l'insertion professionnelle assure une intégration sociale et une construction identitaire des individus. Comme tel, l'insertion par le travail leurs permet de tisser des liens sociaux très solides. Alors qu'avec le retrait de la vie professionnel, les individus se désocialisent des groupes dans lesquels ils étaient intégrés. Il y a donc une déconstruction des liens sociaux et l'identité des individus qui vont à la retraite. Pour éviter donc l'anomie et la désintégration chez ces « néo retraités » les retraités cherchent à intégrer les associations afin de se re-socialiser. C'est ce qui donne sens à la retraite à travers l'association de retraités. La socialisation est un processus continuel le temps que dure la vie d'un individu. Cela n'est donc pas lié à l'âge mais à l'évolution et au changement social. L'association se substitue donc aux groupes de référence du milieu professionnel car les pratiques propres à l'association et aux organisations internes aux entreprises présentent de grandes similitudes. Ce processus de reconstruction à l'intérieur de son nouveau groupe de référence s'opère par le biais des mécanismes de socialisation : apprentissage les normes, les règles et les valeurs du groupe de référence ; en un mot, intériorisation de « des codes sociaux du groupe ». Dans ce groupe, les retraités retissent d'autres liens sociaux et cherche à se restructurer une nouvelle identité sociale. L'association représente de ce fait pour les retraités un groupe de référence par excellence où ils peuvent socialement s'affirmer.

Au regard de ce qui précède, nous pouvons retenir que la trajectoire socioprofessionnelle des retraités détermine en partie leur comportement à la retraite. En intégrant ces groupes, les retraités entendent reconstruire une nouvelle identité sociale.

A travers ce chapitre, nous avions pu analyser les mécanismes par lesquels les retraités se reconstruisent et par la même occasion construisent le sens de la retraite. Cela nous nous a permis de constater qu'il y avait une reproduction des habitus socioprofessionnels dans cet espace. Aussi, avons-nous noté que l'association produisait des biens symboliques et matériels aux retraités c'est-à-dire les retombées de leur engagement dans l'association. Il est donc certain que le regroupement des retraités en association conditionne leur représentation de la retraite.

* 25 Ces 2variantes de la retraite que nous utilisons dans notre étude fait partie de la typologie des retraites identifiées par Anne-Marie Guillemard (1972), op. Cit. L'auteur a l'issue d'une étude quantitative et qualitative effectuée en 1968 dressé cinq (5) types de retraite à savoir la retraite-retrait, la retraite-participation ; la retraite-revendication, la retraite-loisirs et la retraite-famille et enfin la retraite-troisième âge.

* 26 Nous ne voulons pas dire que le milieu professionnel est le seul espace de socialisation des individus car en dehors de l'espace professionnel, il y a des instances telles que le système scolaire, la famille, etc....

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