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Retraite et vie associative: Cas de l'association des retraités de Cocody(ARECO)

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par Noel Pacome BROU
Université Cocody-Abidjan - Maitrise 2007
  

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CHAPITRE I : LOGIQUES DE PRODUCTION DES ASSOCIATIONS

DE RETRAITES

Ce chapitre sera consacré à l'analyse des logiques relatives à la production des associations des retraités. Il s'agit de la logique sociale, idéologique, économique et institutionnelle. Il faut cependant préciser que ces dimensions ne sont pas certainement exhaustives pour expliquer l'émergence des associations de retraités mais significatives pour notre étude.

I-1- L'ESPACE ASSOCIATIF COMME ESPACE FICTIF ET REEL DE LIENS

SOCIOPROFESSIONNELS POUR LES RETRAITES

A la question de savoir pourquoi vont-ils dans les associations, les retraités estiment que c'est pour échanger avec les autres, ne pas rester totalement en retrait, se frotter aux autres et surtout pour rechercher les contacts pour s'épanouir dans un milieu qui est le leur. Selon eux, c'est aussi à cause de la solidarité et l'ambiance qui règnent dans le groupe et éviter de rester constamment entre les quatre murs.

Il y a donc un besoin d'espace social qui se fait sentir chez les retraités ou sans doute qu'ils recherchent. En effet, si nous tenons compte du passé professionnel de ces anciens travailleurs où fonctionnaires (aujourd'hui retraités), cela indique qu'ils étaient impliqués dans les rapports sociaux de collaboration, de solidarité, de domination. Toutefois, en situation de retraite, les retraités sont « déconnectés » de ces rapports sociaux qui sont structurés par l'espace social qu'est l'entreprise. Or, le principe de la retraite est individuel c'est-à-dire que le départ à la retraite est un acte individuel et institutionnel. Dès lors, nous pouvons dire que les retraités sortent d'un type de rapports et se structurent dans un autre type de rapports sociaux où ils ne se reconnaissent pas. D'où l'émergence constatée du besoin social d'espace. Dès lors, le retraité entend reconstruire l'espace perdu du fait de la retraite dans les associations de retraités. A titre illustratif, rappelons les propos de Mme O. : « à la retraite, on est retiré de tout le monde et c'est à cause de la solidarité et l'entraide qui règnent dans l'association. Je faisais partie de l'association de mon service » ; Mme M. souligne également que : « moi, je suis allée à l'ARECO, j'ai intégré pour avoir le contact et c'est surtout pour le contact avec les autres ».

Comme on le constate, la vie professionnelle a structuré les retraités dans des pratiques sociales du champ professionnel. En effet, aujourd'hui en Côte d'Ivoire et certainement ailleurs en Afrique Noire, plusieurs entreprises ont permis d'établir en leur sein des organisations ou des groupements de travailleurs qui sont appelés communément « association de service » ayant pour but l'entraide mutuelle, l'assistance morale et matérielle en cas de nécessité. En un mot, il s'agit d'une solidarité associative ayant pour objectif immédiat l'épanouissement des travailleurs. Ces associations internes à ces entreprises permettent ainsi aux membres de se socialiser en intériorisant les pratiques et les valeurs propres à ces organisations. La sortie de la vie professionnelle isole en quelque sorte ou destructure ces liens de solidarité, d'affectivité et d'assistance mutuelle dans lesquelles ils étaient « plongés ». Il est aujourd'hui reconnu que les premiers moments de la retraite sont difficiles à vivre. Car en dehors de l'activité professionnelle qui atteste qu'un individu est en retraite, il y a également la désocialisation professionnelle. Cette désocialisation professionnelle conduit à d'autres formes de resocialisation comme la resocialisation associative. Dans un tel contexte, l'isolement et parfois le sentiment d'impuissance devant certaines réalités sociales s'installent chez les retraités. L'engagement associatif des seniors est perçu comme un moyen pour « noyer » par moments ces nuisances psychologiques. Aussi, faut-il ajouter que tous ces individus associés partagent un même statut social que la société les a assigné et leurs permet d'être socialement reconnu à travers les associations.

En outre, le rapport de proximité et l'entremise des relations sociales sont déterminants dans la mise en place de ces espaces de sociabilité chez les retraités. En effet, les structures sociales entendues comme des systèmes de relations abstraites liant ces individus orientent les retraités vers les espaces associatifs. C'est ce que nous avions constaté dans le discours des retraités interrogés : « j'ai entendu parlé par des amis et je suis venu » Mme H ; « c'était en 2006, j'ai appris à l'occasion des journées médicales par un retraité qu' une association organisait des soins médicaux en faveur des retraités de Cocody » M. R. ; « c'est de bouche à oreille, il n'y a pas de publicité et comme je fait partie de la commune ça m'a intéressé et comme c'est une bonne chose, je me suis rapproché d'eux au cours de leur réunion » ; M. G. ; et enfin, « c'est par le biais de mon mari qui était déjà membre. Je partais l'accompagner de temps en temps et quand je suis allé à la retraite, j'ai adhéré. » Mme O.

Par ailleurs, il n'y a aucune structure qui forme à la retraite. Il n'y a que des séminaires qui sont organisés parfois à l'attention des futurs retraités dans certaines structures publiques, parapubliques ou privées. Or, pour Raymond Boudon, l'explication d'un phénomène social passe par la reconstruction des motivations des individus dictés par des motivations. Par analogie, il n'y a que les intérêts individuels et les intentionnalités qui poussent les retraités dans les associations. Ainsi, c'est la logique des actions individuelles des retraités qui favorisent l'émergence des espaces associatifs chez les retraités d'aujourd'hui. Aussi, ces actions individuelles des retraités reposent-elles sur des calculs rationnels effectués en fonction des intérêts qu'ils espèrent tirés de leur engagement.

En tout état de cause, nous estimons que ces intérêts sont soit matériels ou immatériels. En effet, les retraités s'engagent en association en tant qu'un mouvement social dans l'intention de profiter des retombées matérielles de leur engagement (aides sociales publiques, visites médicales, etc...) mais également bénéficier des retombées immatérielles ou symboliques (comme l'épanouissement personnel du retraité, les loisirs, etc..). Les propos de ces adhérents sont édifiants : « quand tu es malade ou si tu meurs, il y a une cotisation qui est versée à tes ayants droits » M.G. ; « c'est pour l'échange culturel, j'aime le contact, m'épanouir, me distraire. Récemment, on a effectué une sortie avec l'ARECO » M.R. ; « c'est les retrouvailles entre retraités à cause des soucis auxquels sont soumis les retraités ; lutter contre les soucis relatifs à la vieillesse, demander des choses gratuites ».  Ici, comme on le voit, la conjugaison des rationalités individuelles entraîne le développement des associations. A côtés de ces motivations individuelles, soulignons en outre que certains retraités sont dotés d'un habitus associatif. En effet, selon Bourdieu, l'habitus est un système de dispositions durables et transposables. Comme tel, l'habitus associatif acquis de la trajectoire socioprofessionnelle est reproduit en situation de retraite et dans les associations. En clair, il y a des retraités qui se sont habitués aux associations. Cela est donc une ressource symbolique héritée de leur trajectoire sociale et professionnelle qu'ils actualisent pour s'adapter à la situation actuelle.

Enfin, la retraite est perçue comme une déconstruction de l'identité professionnelle. En effet, la retraite occasionne un retrait de certaines responsabilités sociales, certains privilèges liés aux statuts acquis durant la carrière professionnelle. Mais, nous pouvons constater que la hiérarchie des fonctions publiques et privées est traduite à la retraite et dans les associations des retraités. Ainsi, les statuts socioprofessionnels, même l'âge et le sexe structurent les positions dans l'association des retraités. Dans cet espace, il y a des retraités qui mobilisent leurs statuts ou leurs capitaux culturels antérieurement acquis pour accéder aux positions dominantes dans l'association. C'est ce qu'illustrent les propos de M.Y. « j'étais syndicaliste dans mon service, j'étais le président de l'amical du personnel pendant douze (12) ans. A l'ARECO, je suis membre fondateur et présentement je suis trésorier », et de M.R. «  j'étais dans le syndicat du personnel de la santé. Cela m'a permis de m'informer et de me former, cela m'a beaucoup fait du bien. J'étais le secrétaire à la communication. A l'ARECO, je suis dans le bureau ». Comme on le constate, il y a une continuité dans l'association des retraités. Toutefois, les positions occupées par des acteurs sociaux dans l'association sont fondées sur un consensus social et organisationnel propre à l'association. Cet équilibre social constaté dans cette association est fondé sur une idéologie sociale dominante dans l'association légitimant ainsi les différentes positions occupées par certains acteurs.

Pour nous résumer, disons que la logique sociale de production des associations des retraités est fondée sur divers éléments que nous avons pu relever au cours de cette analyse. Le besoin d'espace social en situation de retraite, la reconstruction de la solidarité perdue du fait de la retraite, les rationalités individuelles ainsi que le transfert des compétences sociales et individuelles dans l'association sont ici perçus comme des logiques sociales de production des associations de retraités. Dans ce sens, l'espace associatif se reconstruit comme un espace fictif mais aussi réel de liens socioprofessionnels chez les retraités. Néanmoins, en dehors de ces logiques sociales, il faut noter qu'il y a aussi des logiques idéologiques qui sont pensées comme des principes de fonctionnement des rapports associatifs à l'ARECO fondant le goût associatif chez ces retraités.

I-2- PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT DES RAPPORTS ASSOCIATIFS

A L'ARECO

Les enquêtes ont révélé que la retraite est une étape normale de cycle individuel de vie qu'il faut parvenir à assumer en la préparant consciemment si le travailleur ne décède pas avant de l'atteindre. Car selon les retraités, en situation de retraite « on ne s'occupe plus de vous » ; « les retraités sont délaissés ». A la question de l'utilité d'une association de retraités, les enquêtés estiment que l'association représente pour eux ce qu'elle peut leur apporter. Par exemple les visites médicales organisées avec le soutien de la municipalité. Ainsi, la santé est-elle primordiale et est perçue comme une nécessité à préserver par tous les moyens en situation de retraite. Enfin, les retraités pensent qu'une retraite inactive participe à l'accélération du processus du vieillissement. Aussi, l'association n'est-elle pas incontournable, mais nécessaire à la quête d'un mieux être social.

A la lumière de l'analyse, nous avons pu relever des faits communs chez tous les retraités interrogés sur lesquels nous allons mettre un accent particulier. En effet, nous pouvons soutenir que tous les retraités ont presque les mêmes problèmes qui se résument ici en cinq grands points :

· Le sentiment de rejet ou d'abandon par la société ;

· Le souci de longévité et de la préservation de la santé ;

· Le souci de la préservation des acquis du milieu professionnel ;

· L'inactivité qu'il faut quotidiennement combattre ;

· La quête ou l'aspiration à un mieux être social.

Si l'idéologie est perçue d'une manière générale comme une «  construction intellectuelle au service d'intérêts conscients ou inconscients et servant d'instrument de légitimation »23(*), ou même organiser un ordre de sentiment, alors nous pouvons dire que les associations de retraités sont productrices d'idéologie de la retraite. Ce sont ces idéologies (qui sont dans notre cas l'ensemble des cinq points ci-dessus) qu'elles proposent aux retraités comme solutions idoines aux situations qu'ils traversent. Ce sont donc toutes ces idéologies qui conduisent ces retraités vers les associations. En effet, étant officiellement exclus du circuit de production, les retraités sont confinés dans des rôles d'acteurs improductifs. De ce fait, la société ne leur apporte plus toute l'assistance nécessaire à leur subsistance et à leur épanouissement comme cela était le cas dans le milieu professionnel à travers les mutuelles, des associations d'aides et d'assistance. Aussi, faut-il souligner que dans la politique de protection sociale que les entreprises proposent à leurs employés, la question de la santé est centrale avec l'assurance-maladie. Or en retraite, la santé (se présente comme « une denrée rare » liée au processus de vieillissement) et l'inactivité sont sources de problèmes sociaux et psychologiques chez les retraités. Le sentiment de rejet ou d'exclusion sociale résulte donc du fait qu'ils ne bénéficient plus de l'assistance nécessaire de la société.

A la question de l'inactivité, l'association propose des « postes fictifs » aux retraités pour être toujours actifs afin de combler l'absence d'occupation au travail et de compenser en quelque sorte la perte de l'identité professionnelle. Or, le fait de mettre ses compétences qu'elles soient professionnelles ou sociales au service de l'association n'implique ici aucun rapport salarial contrairement le cas en entreprise. Mais, cela est légitimé par le fait que l'association est un bien communautaire des retraités. Ainsi, les rapports dynamiques dans le cadre associatif doivent être perçus dans cette même perspective et autorisés par les statuts de l'association. Les rapports sociaux de domination observables dans l'association ne sont pas reconnus en tant que tels par les acteurs eux-mêmes puisque l'idéologie de l'association reconnaît cela comme légitime de s'investir pour le compte de l'association et comme quelque chose tout à fait normal, au nom de « l'intérêt supérieur » des retraités adhérant de l'association.

Aussi, faut-il préciser que le souci de longévité est une préoccupation chez les retraités et chez toute personne d'ailleurs. Mais, nous percevons cela comme une construction idéologique qui a également une correspondance idéologique dans l'association des retraités à travers le « Refus  de Vieillir ». En effet, ce slogan est une construction idéologique qui motive les retraités à adhérer à l'ARECO quand bien même que l'on sache que le vieillissement est un processus naturel normal qui ne dépend pas des volontés individuelles et collectives et déterminé par le temps dont tous les retraités en ont pleinement conscience.

En tout état de cause, l'inactivité et le sentiment d'exclusion des rapports sociaux de production sont résolus par une re-structuration des retraités dans les rôles associatifs. En effet, la déconstruction de l'identité professionnelle se trouve reconstruite à travers l'espace associatif dans l'activité. Néanmoins, il s'agit ici d'une reconstruction furtive de l'identité professionnelle qui n'est pas sous-tendue par un rapport salarial. En ce sens, disons avec Claude Dubar (2001) qu'il s'agit ici d'un processus de reconstruction identitaire de type relationnel. Car selon lui, la construction biographique d'une identité professionnelle suppose que l'individu entre dan des relations de travail; participe à des actions collectives dans des organisations et intervient dans le jeu d'acteurs24(*). Par analogie, l'investissement des retraités dans l'association leur permet ainsi de tirer les éléments de leur identité individuelle et collective. Individuelle, puisqu'il entre dans une relation de production en mettant sa compétence au service des autres et de l'association. Collective, dans la mesure où il participe à des actions collectives pour le compte de leur association telles que les revendications, l'organisation des visites médicales avec le soutien matériel et financier de la Mairie. Comme nous l'a confié M.Y. pour qui une association : « ça sert à être utile à la société, au groupe dans lequel on évolue et comme on le dit, il faut se mettre en groupe pour être plus forts et mieux revendiquer et être mieux écoutés ». C'est la preuve que la dynamique associative des retraités s'inscrit aujourd'hui dans une dynamique de revendication dont a parlé Anne-Marie Guillemard. En effet selon cet auteur, la retraite-revendication se distingue par le refus de la place laissée aux retraités dans la société. Comme tel, ils multiplient les activités sociales avec les personnes de leur âge dans le but de changer leur condition de vie.

Le choix de s'entraider et d'étendre son réseau social n'exclut donc pas les actions collectives de revendication. Comme on le constate, la reconstruction des liens sociaux dans l'espace associative est aussi structurante de la construction des identités individuelles et collectives réelles des retraités dans l'association. D'où les principes de fonctionnement des rapports associatifs à l'ARECO.

Au regard de ce qui précède, nous notons qu'il y a effectivement des logiques idéologiques qui président au regroupement des retraités en association. En d'autres termes, ces logiques idéologiques constituent pour les retraités des principes de fonctionnement des rapports associatifs à l'ARECO contribuant ainsi même à assigner aux retraités une identité sociale réelle.

I-3- COTISER...POUR RECEVOIR « GRATUITEMENT »

En nous référant aux données recueillies auprès des enquêtés, nous nous sommes rendus compte qu'il y a des avantages économiques qui structurent l'émergence des associations des retraités.

Il ressort du discours des enquêtés que la survie de leur association dépend en partie des soutiens matériels et financiers de la municipalité. Il ressort également que hormis les cotisations mensuelles et les frais d'adhésion les retraités ont recourt aux soutiens des entreprises et de leurs différentes structures de tutelle (CNPS et CGRAE). Ces ressources économiques permettent aux retraités d'organiser leurs différentes activités. Puis, pour être membre, seul importe le statut de retraité et les cotisations que l'adhérent peut mensuellement effectuer.

En guise d'analyse, il est à noter que la logique de production des associations de retraités recouvre des enjeux économiques au plan collectif. Mais le collectif se construit à partir des logiques économiques individuelles qu'il faut nécessairement souligner. C'est donc la somme des rationalités économiques individuelles de chaque retraité qui donne naissance aux associations de retraités. Nous n'affirmons pas ici que la logique de production des associations de retraités repose forcément sur un substrat économique. Car cela varie selon les objectifs et les enjeux poursuivis par les différentes associations de retraités. Certaines peuvent avoir des intentions économiques avouées ou inavouées.

Les rapports sociaux établis entre les associations de retraités et la municipalité sont des rapports sociaux d'échange. Mais ici, on peut qualifier cet échange de type non marchand. Car, la Mairie accorde des subventions à l'association des retraités qui en retour lui apporte son expertise quand cela est nécessaire. Les retraités constituent de ce fait un appui technique de réserve pour la Mairie qui voit en ceux-ci un capital humain à moindre coût. C'est donc l'une des formes non marchandes de l'échange social.

Par ailleurs, nous pouvons dire que le statut même de retraité constitue pour l'association une ressource mobilisable à tout moment pour avoir accès à certaines ressources au bénéfice collectif des retraités. Car socialement, l'on définit le retraité comme étant économiquement inactif bénéficiant d'une pension. Cette pension est parfois égale au tiers de son salaire (quand il était encore travailleur) (cf. chapitre 1 et 2. Deuxième partie : le mode de calcul de la pension). Cette pension qui se calcule sur la base du statut professionnel est pour la majorité en dessous du salaire minimum garanti (SMIG). Or, l'élévation du niveau de vie ne tient pas compte du statut des individus et de leur pouvoir d'achat. Cela a donc un impact sur les conditions de vie des personnes retraitées. Le regroupement des retraités dans une association leur permet de solliciter collectivement l'aide publique ; de bénéficier des dons de la part des organisations non gouvernementales qui interviennent dans le domaine de la retraite. Car étant seul, il n'est pas évident qu'un retraité puisse bénéficier de subventions, des aides sociales publiques de toute nature. C'est donc dans une action collective que cela est possible. Toutefois, les retombées de l'action collective sous-tendent une participation individuelle qui se traduit par des cotisations mensuelles ou périodiques et des droits d'adhésion qui sont en général accessible économiquement pour les retraités. Ici, la logique économique est d'abord ce que le retraité gagne à travers les cotisations qu'il verse à l'association et ensuite ce que l'association lui permet de bénéficier en s'adressant à des partenaires extérieurs. C'est là que résident les logiques économiques de production des associations de retraités.

Il faut aussi souligner que les relations qui lient la mairie à l'association leur permettent de s'identifier collectivement en tant que des acteurs sociaux à part entière d'autant plus que cela permet de rehausser collectivement l'image du retraité ; une sorte de reconnaissance sociale. Cette revalorisation collective des retraités rejaillit d'une manière ou d'une autre sur les identités sociales individuelles.

En résumé, retenons que s'il est vrai que l'émergence des associations ne repose pas forcément sur un substrat économique, il faut néanmoins souligner qu'il y a un enjeu économique et social qui guide les rationalités individuelles et collectives des retraités. D'où les logiques économiques de production des associations des retraités puisque dans l'association, on cotise peu pour bénéficier plus.

I-4- UN DEPLOIEMENT INSTITUTIONNEL IMPORTANT POUR UNE

« RETRAITE DE MISERE »

Les résultats de l'enquête nous permettent d'affirmer que les associations de retraités établissent des relations avec leurs structures de tutelle c'est-à-dire la CNPS (pour les retraités issus du secteur privé) et la CGRAE (pour les fonctionnaires retraités). L'enquête montre également que les organismes sociaux ont conscience de l'existence des associations de retraités qu'ils voient en elles des collaborateurs. On note par contre que même si ces associations sont perçues dans une certaine mesure comme des collaborateurs indirects de ces organismes de sécurité sociale ; cela n'exclut pas les revendications pour une meilleure gestion du retraité ivoirien.

L'analyse de ces observations nous permet de dire que les retraités se regroupent en associations parce qu'il y a certainement des imperfections dans la politique de l'Etat en matière de retraite mais également pour la reconnaissance sociale. Nous ne voudrons pas faire ici une analyse complète et approfondie de la politique de retraite de l'Etat mais nous voulons nous appesantir sur les rapports qui lient directement les retraités aux organismes sociaux au point que cela conduise à la création d'associations oeuvrant dans le sens des intérêts individuels et collectifs des retraités. Car c'est l'écart institutionnel entre les retraités et leurs structures de tutelle qui conduit de façon logique à la création des associations se positionnant parfois comme des lieux de contre-pouvoir. Dès lors, il serait intéressant de nous interroger brièvement sur les compétences des organismes de sécurités sociales en Côte d'Ivoire. En effet la CNPS et la CGRAE sont des caisses de prévoyance et de sécurité sociale qui ont pour mission essentielle de payer les pensions des retraités. Elles doivent en quelque sorte oeuvrer au plein épanouissement économique et social des retraités qui aujourd'hui constituent une des couches sociales les plus fragiles de la population ivoirienne bien que minoritaire. En fait, ces organismes sociaux à travers les produits qu'ils proposent aux retraités ne prennent pas en compte fondamentalement la dimension loisir-épanouissement du retraité et du contexte social dans lequel ils s'évoluent. Ils sont trop attachés à l'aspect économique négligeant l'aspect social et sanitaire. Or, la retraite prend tout son sens dans les loisirs et le divertissement contribuant au bien-être physique et mental des retraités. D'où le recours aux associations pour combler non seulement ce besoin d'épanouissement et de reconnaissance sociale mais également pour faire fonctionner le droit de regard. C'est donc à cause de ces manques que certains retraités estiment que : « A la retraite on ne s'occupe plus de nous » M. G. Ce même avis est partagé par M. B. pour qui : « En Côte d'Ivoire quand tu es retraité, on s'en fout de toi parce que tu ne produis plus ». Aussi, Mme O. souligne t-elle que « Ces structures payent seulement la pension c'est tout ».

Nous pouvons retenir de ces propos que les retraités expriment un droit de regard sur leur situation d'économiquement « inactifs » dans lequel la déconstruction du statut professionnel les a structuré. Cette déconstruction du statut professionnel agit dans une certaine mesure sur le mieux-être social des retraités. En s'investissant dans l'association, c'est dans une intention de témoigner aussi de leur visibilité sociale face à l'autorité. Cette visibilité sociale collective participe à la construction sociale de leur identité collective dans l'association à travers laquelle la société devra les considérer et les prendre en compte comme des acteurs sociaux à part entière.

Aussi, devons-nous souligner que l'engagement des retraités en association fait fonctionner le droit d'assistance des retraités par les structures de sécurité sociale ; l'assistance collective à la fois économique et sociale lorsqu'ils les sollicitent. Pour M. O : « On s'est fait connaître par ces structures. Quand on a une activité, on demande leur appui financier ou matériel, surtout la CNPS » ; et M. E. : « On a des relations avec ces structures qui parrainent les associations de retraités, on les adresse un courrier pour les informer de nos activités afin de bénéficier de leur soutien et aides. » et enfin, M. Y. : « C'est logique, s'il y a des doléances, l'association les soumet à l'autorité ».

Par ailleurs, ajoutons que l'une des revendications en sourdine des retraités à travers les associations est liée à la suppression de l'impôt sur la pension. Reconnu comme étant économiquement inactifs avec une déconstruction de leur statut professionnel, il est logique de comprendre que les retraités devraient être exonérer d'impôt sur la pension afin de permettre certains d'entre eux de vivre décemment. Or, l'impôt sur la pension est une mesure institutionnelle qui s'impose aux retraités. En situation de retraite, le niveau économique de la grande majorité des individus s'amenuise. A cela s'ajoute la cherté de la vie à tout les niveaux alors que les pensions n'ont pas connu d'augmentation depuis plus de deux décennies tandis qu'en France les reformes institutionnelles sont entreprises visant à augmenter d'ici Septembre 2008 la pension de 0.8% afin de permettre aux retraités de ce pays de vivre une retraite paisible.

Pour finir, retenons que la logique institutionnelle de production des associations de retraités recouvre ici les enjeux et les intérêts individuels et collectifs des retraités. On peut aussi observer entre ces structures et les retraités, soit des rapports de force soit des rapports de collaboration ou de conflit (certains retraités expriment plus un besoin de reconnaissance sociale, un besoin d'assistance et de prise en compte de leurs intérêts par les autorités). Mais, nous pouvons observer surtout dans cette relation un rapport de domination de ces structures de prévoyance sociale sur les associations de retraités.

Dans ce chapitre nous avons traité de la manière dont les retraités construisent les espaces sociaux de sociabilité et de solidarité associative. Nous avions également vu comment l'émergence des associations repose sur des logiques sociales, idéologiques, économiques et institutionnelles.

Dans le chapitre suivant, nous allons porter notre analyse sur les mécanismes qui permettent aux retraités de se re-construire dans une association en nous appuyant sur le cas spécifique de l'ARECO.

* 23 Pierre Ansart, « Idéologie » in Dictionnaire de sociologie, Le robert Seuil ; Paris, 2000, p.268.

* 24 Claude Dubar, op. Cit. p.17.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus