1-2-2
Cadre théorique
1-2-2-1
théories de l'endettement
Plusieurs théories ont été
développées sur l'endettement d'un pays. Elles vont de la
perception même de l'emprunt public à la capacité
d'endettement d'un pays. L'endettement de l'État n'a jamais fait
l'unanimité chez les économistes. Sa perception varie selon les
écoles de pensée. C'est ainsi que certains économistes
pensent que la dette peut être nécessaire et même efficace
pour le développement d'un pays alors que d'autres rejettent
systématiquement l'emprunt public et pensent que tout emprunt public ne
peut qu'être nuisible pour les agents économiques.
Ø Rejet de la dette publique
(classiques)
Les classiques assimilent
l'endettement public à un report de l'impôt sur les
générations futures et imputent à l'État une
connotation négative. Selon RICARDO (1817), les citoyens voient dans
l'emprunt un impôt différé dans le temps et se comportent
comme s'ils sont contraints de payer un impôt ultérieurement pour
rembourser cet emprunt quel que soit le décalage
intergénérationnel. En d'autres termes, le comportement des
agents économiques est guidé par une anticipation à la
hausse des impôts. BARRO (1989) montre qu'une politique de déficit
budgétaire financée par l'emprunt reste sans effet sur
l'activité économique dans la mesure où les agents ne sont
pas victimes de l'illusion fiscale. Ils anticipent alors une hausse des
impôts destinés à rembourser l'emprunt en constituant une
épargne d'un montant équivalent à l'endettement public.
Pour SMITH (1759), la dette est pernicieuse et ne doit pas être
encouragée. Elle incite le souverain à des dépenses
inutiles et favorise l'irresponsabilité. J.B. SAY (1799) pense qu'il
faut limiter l'emprunt public parce qu'en plus d'alimenter la consommation
publique destructrice de richesse et de valeur, il fait intervenir le paiement
des intérêts. HAYEK (1989) dénonce l'endettement comme
étant une croissance artificielle, fondée sur un investissement
supérieur à l'effort d'épargne de la nation. Des
études empiriques dont celles de KRUGMAN (1988), SACHS (1989), FROOT
(1989) et de CALVO (1989) ont montré que l'accumulation de la dette et
de son service constituent une taxe sur la production future et
découragent l'investissement par l'effet d'éviction. Ainsi, pour
les classiques l'État doit tout simplement assurer sa mission
régalienne à partir des ressources générées
par l'activité économique. Toute intervention de l'État
dans l'économie est source de sous-optimalité et de nuisance.
Aucun déficit budgétaire n'est justifiable et par
conséquent, l'emprunt public n'est pas envisageable. Cependant, d'autres
écoles contestent cette pensée et pensent à
l'efficacité du financement par l'emprunt, d'un déficit
budgétaire justifié et maîtrisé.
Ø Nécessité de la dette publique
(Keynésien et HARROD-DOMAR)
Contrairement aux classiques, les
keynésiens pensent que l'endettement public en général
n'entraîne pas de coûts ni pour les générations
présentes, ni pour les générations futures du fait des
nouveaux investissements qu'il génère. Ils pensent que le
principe de l'équilibre budgétaire ne doit pas toujours
être respecté. Un déficit budgétaire justifié
et maîtrisé peut être un facteur de relance
économique, de lutte contre le chômage: stimulation de la demande
et/ou de la consommation globale (infrastructures), qui par le biais de l'effet
multiplicateur, sont capables de promouvoir une croissance durable. Dans cette
approche, l'endettement public favorise la relance de la demande qui par son
effet accélérateur, entraîne une augmentation plus que
proportionnelle de l'investissement qui provoque à son tour une hausse
de la production, permettant ainsi de créer les emplois et de lutter
contre la pauvreté.
Selon HARROD et DOMAR, il peut toujours y avoir
croissance. Un État, pour atteindre le taux de croissance garanti, peut
être amené à créer un déficit
budgétaire et le financer par un emprunt extérieur. En effet,
l'hypothèse de base du modèle de croissance de HARROD et de DOMAR
est qu'il n'y a pas de croissance si un pays n'investit pas et le taux de
croissance de la production est une fonction croissante du capital.
1-2-2-2 Les mobiles de
l'endettement extérieur
Un pays emprunte à l'étranger pour substituer ce
qui manque chez lui afin d'atteindre le stade du développement.
D'où, principalement, nous pouvons avoir trois motifs qui font qu'un
pays puisse emprunter à l'étranger :
ü Pour financer un haut niveau d'investissement;
ü Pour lisser les fluctuations de la consommation en cas
de la baisse du revenu;
ü Pour échapper à un ajustement face aux
déséquilibres intérieurs ou extérieurs.
Ø Le financement de
l'investissement
Les auteurs sont d'accord qu'un pays
renfermant un potentiel d'investissement productif ne fournisse pas
forcément pour autant un niveau très suffisant d'épargne
intérieure pour financer cet investissement. D'où
l'épargne extérieure peut bien remplacer et redynamiser
l'investissement intérieur en donnant lieu à une
accélération rapide de la croissance économique. Partons
de l'identité suivante :
S - I = X - M = - Sex
Dans laquelle
S désigne l'épargne
intérieure,
I l'investissement,
X - M le solde du compte courant de la
balance des paiements
Sex l'épargne extérieure.
Il est remarqué qu'à l'emprunt de
l'épargne extérieure (accumulation de la dette extérieure)
correspond un déficit de compte courant. Si le déficit courant
provient d'un niveau d'investissement élevé, emprunter à
l'étranger va permettre au pays d'augmenter sa croissance.
Cependant, la relation négative entre épargne
intérieure et extérieure pose moins de problèmes si on ne
limite pas le rôle des capitaux étrangers à accroître
l'investissement et prendre en considération leur intervention comme
instrument d'allocation efficiente inter temporelle de la consommation (Dette
& Developpement (2002)). Supposons qu'un accroissement de l'aide
étrangère au profit d'un pays bénéficiaire soit
investi, cela va augmenter le potentiel de la consommation future tout en
laissant la consommation présente au même niveau initial.
Toutefois, il reste le problème structurel du résultat à
long terme, c'est à dire voir comment l'appel régulier des
emprunts extérieurs finit par relâcher les efforts du pays
emprunteur et par le rendre dépendant de l'épargne
extérieure (DE VRIES (1988)).
Ø Le lissage des fluctuations de la
consommation
Théoriquement un déficit du compte courant peut
résulter des chocs exogènes négatifs à savoir:
ü Une dégradation des termes de
l'échange;
ü Une récession chez les principaux
partenaires;
ü Une catastrophe naturelle (calamité).
Évidemment, ces chocs donnent lieu à une baisse
du revenu. Ainsi, pour remédier à ces problèmes, un pays
peut soit réduire ses dépenses de sorte que la somme de la
consommation et de l'investissement (absorption) baisse proportionnellement
avec le revenu. Dans ce cas, il n'y a pas dégradation du compte courant,
soit contracter une dette extérieure pour maintenir le niveau
d'absorption. Du moins, du moment où cette baisse du revenu n'est que
temporaire, le pays sera convié à contracter une dette
extérieure. Cependant, s'il faut retourner à l'identité
ci-haut, nous constatons que le déficit du compte courant provient d'une
baisse temporaire de l'épargne que le pays peut résoudre d'une
manière provisoire en empruntant à l'étranger. Toutefois,
une diminution des réserves que l'on pense parfois temporaire peut
s'avérer durable que prévu.
Par exemple, nous imaginons une économie soumise
à une forte instabilité de ses recettes d'exportation, si elle ne
bénéficie pas d'aide étrangère, le problème
d'une baisse de ses exportations est résorbé par une
réduction des dépenses, et par conséquent de la
consommation domestique. Si par contre, cette économie tire avantage des
capitaux étrangers, ces fonds vont être utilisés pour
permettre une allocation efficiente de la consommation, en transférant
la consommation des années de surplus d'exportation vers celle des
années d'exportation inférieure au trend. D'où, dans ces
périodes d'insuffisance d'exportation, où l'épargne
intérieure baisse, l'apport à l'emprunt à
l'étranger augmente et voit suppléer la chute de la consommation
(GANIASSE, E (1994)).
Ø Pour éviter les
ajustements
En ce qui concerne les ajustements, nous
pouvons dire qu'un déficit du compte courant insoutenable doit faire
l'objet d'un ajustement par des changements des politiques économiques.
Du reste, après avoir analysé les mobiles de l'endettement
extérieur, la théorie suggère toutefois que les emprunts
extérieurs ont un impact positif sur les investissements et la
croissance à un certain seuil car au-delà, l'impact va devenir
négatif.
Donc, un niveau élevé de la dette
extérieure ou le surendettement extérieur provoque des effets
pervers sur la croissance économique et entrave les performances
économiques.
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