Université de Nîmes Année 2006
Faculté de droit
Mémoire
Pour l'obtention du Master 2 professionnel
de
Droit, économie et management des
Collectivités territoriales
Discipline : Droit public
Présenté et soutenu
par
Yann WELS
REFLEXIONS SUR L'INCLUSION SOCIALE
La double contrainte des collectivités
territoriales entre évaluation et prévention
DIRECTEUR DE MEMOIRE :
Monsieur Samuel DYENS
(DGSA Conseil Général du Gard)
«Quand je dis quelque chose, cette chose perd
immédiatement
et définitivement de son importance, quand je la
note, elle la
perd aussi, mais en gagne parfois une
autre.»
Kafka, 3 Juillet 1913
REFLEXIONS SUR L'INCLUSION SOCIALE
La double contrainte des collectivités
territoriales entre évaluation et prévention
Sommaire
INTRODUCTION 6
1ère PARTIE :
L'AFFERMISSEMENT DE LA LOGIQUE PREVENTIVE POUR
LES POLITQUES D'INCLUSION SOCIALE
TITRE 1er : LA PERENISATION DES DISPOSITIFS
PUBLIQUES SOCIAUX CURATIFS
Chapitre 1er : L'extension des contraintes
budgétaires 50
Chapitre 2nd : L'établissement d'une
sur responsabilisation 77
TITRE 2nd : LA FORMULATION DE POLITIQUE SOCIALE
OCCUPATIONNELLE
Chapitre 1er : La combinaison de l'inclusion et
de la réinsertion sociale 99
Chapitre 2nd : La promotion de l'inclusion
professionnelle par le marché 114
2ème PARTIE :
LA BANALISATION DE L'EVALUATION PAR
LES POLITIQUES D'INCLUSION SOCIALE
TITRE 1er : L'EMERGENCE D'UN CRITERE
QUALITATIF
Chapitre 1er : Le développement de
l'évaluation dans les politiques publiques partenariales137
Chapitre 2nd : L'extension de l'évaluation
aux politiques publiques locales 152
TITRE 2nd : L'ENRACINEMENT DE LA CULTURE
PERFORMATIVE
Chapitre 1er : La rationalisation de l'action
publique sociale locale 167
Chapitre 2nd : La circonscription de l'action
entre légitimation et dépolitisation 180
CONCLUSION GENERALE 194
BIBLIOGRAPHIE 196
TABLE DES MATIERES 202
Remerciements
Mes remerciements vont en premier lieu à Samuel Dyens,
pour sa disponibilité, ses conseils, l'intérêt constant
qu'il a porté sur cette recherche et la confiance qu'il m'a toujours
témoignée. Ils s'adressent aussi à M. le professeur
Emmanuel Roux qui a suivi de près cette recherche et son avancement.
Que Elisa trouve ici l'expression de mes remerciements
sincères pour le regard acéré et l'intelligence de lecture
qui m'ont permis d'élaborer le texte définitif.
Pour son soutien indéfectible, que ma mère, ma
grand-mère, Janick et Pauline trouve ici l'expression de ma profonde
gratitude.
Mes remerciements s'adressent aussi à Emmanuelle Douard
et Julien Nalis pour les échanges nombreux qui ont alimenté ce
travail ainsi qu'à Cederic et Magalie pour le soutien logistique.
Enfin que M. le Professeur Guylain Clamour, dont
l'enseignement et le parcours suscitèrent une émulation
déterminante trouve ici l'expression de ma respectueuse sympathie.
REFLEXIONS SUR L'INCLUSION SOCIALE
La double contrainte des collectivités
territoriales entre évaluation et prévention
Introduction
«C'est une crise de sens, une crise de repères,
une crise d'identité»1(*).
Jamais sans doute de tels propos n'ont été
autant justifiés que suite aux événements de violences
urbaines sans précédent survenus lors de la première
quinzaine du mois de novembre 2005, donnant ipso facto une coloration
singulière aux différents dispositifs et mécanismes
initiés dans le cadre de la politique de cohésion sociale , sous
la férule du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion
sociale : Jean Louis Borloo. De façon concomitante, l'inclusion
sociale, orientation stratégique prégnante depuis son
avènement à l'occasion du Conseil Européen de Lisbonne des
23 et 24 Mars 2000 - formulant une stratégie, une vaste série
d'objectifs et d'instruments politiques destinées à rendre
l'Union Européenne plus dynamique et compétitive - acquiert une
dimension dépassant la simple actualité des négociations
en cours concernant les perspectives financières de l'U.E pour la
période 2007-2013, introduisant deux caractères
supplémentaires à savoir :
- l'urgence, en termes de mise en oeuvre et d'exécution
rapide des politiques à vocation inclusive ;
- l'immédiateté ou l'instantanéité
de l'effectivité des dites politiques, au titre de la singularité
de la situation française illustrée par l'état social
d'émeutes civiles dans les quartiers défavorisés et qui
témoigne pour le coup d'une pleine et réelle «fracture
sociale».
On constate que la pluralité des registres conceptuels,
la prépondérance en terme d'analyse de la sociologie et la
critique consubstantielle - que l'on peut lui faire en ce qu'elle ne parvient
pas à se défaire de visions implicites éminemment
idéologiques - impose la nécessité d'un
syncrétisme des aspects économiques, politiques et bien entendu
juridiques, induisant un effort particulier en termes de sémantique,
compte tenu des notions usitées. C'est plus vrai encore concernant
l'inclusion sociale dont on perçoit, par-delà l'usage
parcimonieux qu'en font les politiques français et de façon
inversement proportionnelle l'utilisation quasi systématique qu'en font
les instances européennes, le caractère protéiforme et
multidimensionnelle.
Chacun comprend, à sa façon, ou tout au moins
possède une perception plus ou moins vague de ce que l'on dénomme
sous cette notion, ne serait-ce que par référence à la
distinction «in/out» (A. Touraine). Descriptivement, cela dit quelque
chose, mais reste dans un continuum d'opposition qui piège toute
tentative de définition. C'est donc logiquement qu'un effort particulier
doit être réservé au décodage de la notion (I) de
sorte à pouvoir en appréhender le prolégomènes de
sa mise en oeuvre (II).
I. L'inclusion sociale et son décodage
La composition de l'expression en deux termes impose de
s'intéresser d'abord à eux de façon séparée
de sorte à dégager une définition plus précise.
Notons d'ores et déjà que parler d'inclusion sociale
donne une importance considérable au signifiant sociale
qui l'accompagne, il donne le champ, l'étendue, l'envergure, la
profondeur, l'épaisseur : «sociale». «Elle
[l'inclusion] est redevable d'un pronom, non pas indéfini mais
défini»2(*), cette inclusion-là est : sociale.
Dans cette logique dichotomique, il convient donc d'envisager successivement
l'appréhension du phénomène d'inclusion (A), puis la
compréhension du phénomène d'inclusion sociale
(B).
A. L'appréhension du phénomène
d'inclusion
L'objet de cette partie est de retracer l'histoire du terme,
son apparition, son étymologie, sa diffusion, ses différents sens
et les métamorphoses de son usage. L'inclusion : inclure du latin
includere, qui signifie enfermer, agrège avec lui tout un
vocabulaire périphérique. A ce titre, le rapport
exclusion/inclusion, véritable dialectique et couple indissociable, va
se révéler très important pour saisir la nature profonde
du terme d'inclusion. C'est dans la sphère des mathématiques que
cette dialectique va apparaître et plus précisément dans le
cadre de l'élaboration de la théorie des ensembles (1) pour
ensuite être détournée et déclinée dans
d'autres disciplines : de la catégorisation à la Taxinomie (2) et
enfin trouver une place centrale dans la systémique (3).
1. L'inclusion dans la théorie des ensembles
«Toute pensée formalisée s'exprime de
nos jours dans le langage de la théorie des ensembles, qui a ainsi
envahi toutes les disciplines. Dès l'école primaire, l'enfant
apprend à classer les objets suivant leur forme, leur couleur, leur
taille, à établir entre eux des correspondances,
préambules à des manipulations plus abstraites»3(*).
L'idée développée par cette
théorie dès les origines préhelléniques, est
clairement de permettre une systématisation de la logique dans le cadre
de l'élaboration de toute démonstration rigoureuse, à
commencer bien entendu par les mathématiques. On retrouve cependant
ailleurs et dans d'autres disciplines une formalisation des opérations
logiques de la pensée, par exemple dans l'enseignement primaire
où elle est introduite par la manipulation de différents types de
matériels conçue pour mettre en évidence les
opérations qui correspondent aux mots «et» et «ou».
La théorie des ensembles est donc d'une importance considérable,
toutes disciplines confondues en ce sens qu'elle apparaît comme un
pré requis obligatoire dans la capacité même de l'individu
à s'exprimer et à mener une réflexion ou une
démonstration.
Pour revenir sur les origines maintenant de cette
théorie, il convient de retourner, à la fin du XIXème
siécle. G. Boole (1815-1864) cherche à systématiser la
logique4(*) en
s'inspirant des méthodes d'analyse et de l'algèbre. Les
mathématiciens ont pris l'habitude de manipuler des objets
mathématiques variés : les nombres (réels ou
imaginaires), les points du plan ou de l'espace, les fonctions, les fonctions
continues,... Il se dégage ainsi la notion de «collection
d'objets». Se développe alors des notations pratiques pour
traduire le fait qu'un certain objet est bien dans une collection, ou qu'une
collection fait parti d'un ensemble plus grand... C'est le langage de la
théorie des ensembles. Se pose alors la question de ce qu'est un
ensemble. Il s'agit d'une collection d'objets mathématiques, c'est un
paquet d'éléments, c'est un sac dans lequel on a rassemblé
des objets, de préférence des objets similaires, d'où
aussi la volonté de séparer les ensembles dissemblables... Donc
l'idée d'un ensemble est de regrouper certains objets5(*) ayant quelque chose en
commun, ce qui nécessite de préciser qu'un « ensemble
est une collection d'objets caractérisés de telle sorte que l'on
puisse répondre sans ambiguïté à la question de
savoir si un objet fait partie ou non de cette collection».
L'ensemble ainsi défini permet d'avancer et
d'être plus précis sur le contenu, ce contenu est l'ensemble des
éléments. Mais on parle rarement d'élément
isolément, la notion d'élément est relative à
l'ensemble que l'on considère. Une brique est ainsi un
élément de construction d'une maison, laquelle est à son
tour un élément d'un lotissement,... Le terme pertinent qui fait
le lien entre élément et ensemble, est le verbe
«appartenir». Le flou n'est donc pas permis, et deux moyens sont
alors à la disposition du mathématicien ou du logicien pour
caractériser un ensemble :
- donner la liste exhaustive des éléments
composants un ensemble,
ou,
- donner une propriété caractérisant les
objets de cet ensemble.
Donc si on a un ensemble A (les légumes) et une
propriété p (la couleur verte), on peut définir un
ensemble B (les petits pois) dont les éléments sont des
éléments de A ayant la propriété p. Cette
règle impose une définition. En effet, l'ensemble B,
défini ci-dessus, est tel que tous ses éléments sont des
éléments de l'ensemble A. On dit alors que B est sous-ensemble de
A, une partie de A, ou encore que B est «inclus» dans A ou
contenu dans A.
Voilà comment est apparu le terme d'inclusion, pour
décrire le phénomène d'appartenance d'un sous ensemble
dans un ensemble plus vaste, plus étendu, plus grand.
2. De la catégorisation à la taxinomie
Il est notable de constater que c'est dans la
nécessité pour un certain nombre de disciplines de parvenir
à élaborer une démonstration rigoureuse, que la
distinction exclusion/inclusion a trouvé toute sa place dans les
sciences dites dures ou exactes pour petit à petit se répandre
aux sciences dites molles. Ce passage, ce détournement linguistique du
phénomène d'inclusion, s'est donc retrouvé dans l'ensemble
des disciplines, qui au prix d'une scientificité objectivement
affirmée, a mené des classifications, des catégorisations,
bref développés une taxinomie. Cette taxinomie se retrouve dans
bon nombre de domaines scientifiques distincts avec bien sûr en
tête de proue, le monde mathématique et le développement de
la taxinomie dite numérique élaborée à la fin du
XIX siècle, et de façon plus lointaine dans le domaine de la
psychologie et de la linguistique. Le lien d'ailleurs avec l'inclusion
sociale, trouve en partie son origine dans ce glissement linguistique aux
origines d'abord bien ciblés dans le cadre des mathématiques, au
monde scientifique de la science sociale, discipline qui a dû dans le
cadre d'une démarche scientiste procéder par voie
méthodologique, donc user d'une terminologie propre à lui
permettre la description des éléments qu'elle entendait analyser
et étudier : la société.
La catégorisation a logiquement montré que dans
chacune de ces disciplines : des éléments pouvaient
s'entrecroiser et ainsi révéler un phénomène
d'inclusion ou de façon inverse d'exclusion. La linguistique, qui par
souci d'inventorier les classes d'items et celles plus complexes de
séquences d'items, a dû rompre avec une démarche purement
descriptive pour rentrer dans une analyse en termes de système ou de
structure appelant nécessairement l'usage du phénomène
d'inclusion, qui révèle toute la richesse, la singularité
et le raffinement du passage d'un ensemble à un autre sans pour autant
qu'une rupture nette n'existe entre les deux, ce qui rendrait ipso
facto l'opposition entre les deux ensembles, structures, systèmes
très appauvrissante, réductrice et inadéquate. De
même la psychologie, notamment dans sa branche sociale, a repris cette
idée. La singularité de l'observation, apparente dans cette
discipline, le chercheur, à l'entomologiste qui classe les faits et les
hommes. L'intelligence pousse alors à une catégorisation du
social : en nommant des aspects qui ne l'avaient pas été
jusqu'à ce jour, en rebaptisant des dénominations en subdivisant
les catégories des catégories, en créant des
espèces et des genres. «Cette manière d'éclairer
le social, donnant des dénominations à ses composantes, nous
transformerait non plus seulement en entomologiste mais en académicien
d'un langage savant, ne demandant qu'à se fermer sur lui-même.
L'ordre social serait ainsi sanctifié par la science : les
décideurs décident et les savants catégorisent les effets
des décisions»6(*).
La nécessité de rompre avec une démarche
d'opposition a appelé cette logique de système où
finalement l'ensemble appréhendé bien que considéré
comme interdépendant est «lié par des relations telles
que si l'un est modifié, les autres [ensembles] le sont aussi et que,
par conséquent tout l'ensemble est transformé», on est
typiquement dans une logique proche de celle de Condillac, qui dans cet esprit
évoque : «un ordre où les différentes
parties se soutiennent toutes mutuellement»7(*).
Dès lors, les phénomènes
d'exclusion/inclusion consubstantiels l'un à l'autre dans une analyse en
termes d'ensemble et de système ont pu définir dans les sciences
molles sus-citées de type linguistique, psychologie sociale,... à
des fins descriptives : le raffinement de l'objet étudié.
3. L'inclusion dans la systémique
La systémique est apparue comme la discipline par
excellence de la dialectique exclusion/inclusion en ce qu'elle lui a
donné une place centrale. A la veille de la seconde guerre mondiale,
Karl Ludwig von Bertalanffy, biologiste austro-canadien, cherchait à
lancer dans sa discipline une nouvelle approche propre à dépasser
les impasses et les controverses de sa matière, en s'appuyant sur la
théorie des systèmes ouverts et des états stables qui
était en extension en physique, chimie, cinétique et
thermodynamique, il entreprit une refonte de sa matière à travers
un ouvrage resté célèbre : General system
Theory8(*). Ce n'est
cependant qu'après la guerre que ses travaux trouvèrent
l'écho escompté dans un contexte plus favorable à la
construction de modèle et aux généralisations abstraites,
et ce d'autant plus facilement que des disciplines empruntaient des voies
similaires : théorie cybernétique, théorie de
l'information, théorie des jeux, théorie de la
décision,...
L'idée nouvelle de la théorie des
systèmes était que, pour véritablement comprendre un
ensemble il fallait impérativement privilégier la connaissance
des relations entre les composantes comme : l'interaction des processus
conscients ou non chez l'individu, les interactions des enzymes dans une
cellules,... Approche novatrice, la systémique comme grille d'analyse,
repose sur trois principes que sont l'interaction (on ne peut comprendre un
élément sans en connaître le contexte dans lequel il
interagit), la totalité («le tout est supérieur à
la somme des parties») et la rétroaction (forme de
causalité circulaire). Il s'agit donc de parvenir à penser la
totalité, des totalités, c'est aussi ce que l'on a
dénommé la pensée holistique. On retrouve ici une
démarche qui n'est pas sans rappeler la théorie des ensembles.
En mathématique, cela c'est traduit par le
développement d'une kyrielle de théories (théorie des
compartiments, théorie des graphes et théories de réseaux,
théorie de l'information, théorie des jeux d'O.
Morgenstern9(*)).
En physique, cela donna naissance au paradigme de l'entropie. Chez Bertalanffy,
cette idée de théorie générale des systèmes
procédait d'une volonté de repérer des aspects
généraux, des correspondances et des isomorphismes communs aux
systèmes. Avec la cybernétique10(*), science de l'information
et du contrôle, la systémique s'est trouvée enrichie d'un
certain nombre de notions dans des schémas cohérents :
énergie, information, processus de «Feed back», processus de
contrôle,... Au sein de ce vaste ensemble, le diptyque
exclusion/inclusion a permis l'appréhension globale d'un tout
cohérent. C'est cette démarche qui sera d'ailleurs à
l'origine de la systémique sociale américaine qui va
véritablement travailler non plus simplement sur l'inclusion, mais sur
l'inclusion sociale.
B. La compréhension du phénomène
d'inclusion sociale
«Les idéologies sont un ingrédient
naturel de la vie sociale ; que les idéologies surgissent non [pas
bien] que l'homme soit rationnel, mais [parce qu]'il est rationnel que les
idéologies soient un sous produit naturel et normal des sciences
sociales»11(*)
Cette compréhension de l'inclusion sociale se
fait dans une discipline déterminée, la sociologie, science
étudiant entre autre la structuration de la société, et
mettant donc en exergue dans ces études certains faits sociaux, et
notamment le phénomène d'exclusion, de pauvreté et de
marginalité. La littérature sur la thématique est
pléthorique ; par conséquent une présentation non pas
par auteur, mais de type chronologique, par mouvement intellectuel ayant
traité la thématique, permettra de mieux saisir la notion
d'inclusion sociale par les travaux menés sur son
antonyme : l'exclusion. La systémique sociale américaine
apparaît comme le mouvement intellectuel initiant les études sur
le diptyque exclusion/inclusion (1), thématique qui sera
encouragée par le structuralisme et le déconstructionnisme (2),
pour trouver un second souffle via la promotion de la French Theory
d'origine Outre Atlantiste en l'Europe (3).
1. La systémique sociale américaine :
précurseur des études sur l'exclusion/inclusion
sociale
La première réflexion sociologique sur
l'exclusion ne date pas des années 50 aux Etats-Unis, mais remonte
à un ouvrage de Georg Simmel intitulé Der Arme, de 1908,
dans lequel il explique que le «pauvre» ne saurait représenter
une catégorie sociale «en soi», dûment
spécifiée, et donc susceptible de faire valoir des attributs
univoques. Donc telle quelle une sociologie de la pauvreté ne
saurait exister ; par là l'objet d'investigation ne saurait
être la pauvreté en tant que telle, mais sa construction comme
représentation sociale et objet d'intervention sociale. L'école
de Chicago tenta à son tour dans les années 30 de renouveler ces
travaux12(*).
Mais c'est, durant les années 50/60, sous l'empire d'une tentative
visant à déconstruire cette démarche jugée
obsolète que se développe, à l'époque
précise de la traduction du texte de Simmel, sous l'intitulé
The Poor, un courant sociologique venant contredire et ré
évaluer l'intérêt de la thématique à l'aune
du mouvement systémique.
La préoccupation systémique provient dans la
sociologie de la saisie, par les auteurs du milieu du XXème
siècle, de la complexification des interdépendances entre les
éléments et les processus : économiques, culturels,
politiques, technologiques. Ces interdépendances conduisent à
développer l'idée que les causalités de type classique
sont trop simples et qu'il est par conséquent impératif
d'inventer une nouvelle lecture plus approfondie, mieux adaptée à
la saisie des interdépendances souvent instables. C'est dans ce contexte
que la réévaluation du phénomène de
pauvreté, d'exclusion et donc de sa potentielle réponse
d'inclusion sociale va se développer. Pour appréhender
la société dans sa globalité et tenter d'en
échafauder une théorie globale, Talcott Parsons (1902-1979),
sociologue américain, professeur à Harvard, «pape de la
sociologie américaine» des années 50 et 60 va s'appuyer sur
la systémique et développer : la systémique sociale
dite «structuro fonctionnaliste».
Pour Parsons, la notion d'action est au centre de l'analyse
des organisations sociales, celle-ci inclut les conduites
extériorisées manifestes, mais aussi les pensées, les
sentiments, les besoins,... C'est ainsi que l'action va se situer sur quatre
plans, considérés comme des sous-systèmes du
système général d'action (avec des liens
d'interdépendance et de complémentarité. Ces quatre plans
(biologique, psychique, social, culturel) ne constitue pas un ensemble clos,
ils restent ouverts tout en maintenant des liens étroits
d'interdépendance.
La société est perçue de la même
façon comme un système particulier de collectivités. A ce
titre comme le système d'action elle répond à une
sub-division en éléments structuraux (valeurs, normes,
collectivités, rôles) auxquels correspondent des ensembles
structuraux complets ou encore des sous-système (sous-système de
socialisation, sous-système d'organisation, sous-système
politique et sous-système économique). Chacun de ces
éléments structuraux assument un impératif
fonctionnel13(*),
nécessaire à la pérennisation du système social.
Cette notion de fonction apporte la dimension dynamique ; pour Parsons
cette fonction est un mode d'ajustement dans les rapports fluctuants entre les
modèles institutionnalisés de la structure du système
social et les variations provenant des systèmes extérieurs
(géographique, biologique, psychique, culturel,...). Ce modèle
théorique abstrait est le coeur de l'analyse de la
société, expliquant ses réussites, ses dérives, et
il offre une grille d'analyse renouvelée sur la thématique de
l'exclusion, proposant ainsi la mise en place de correctif inclusif via l'un
des sous-systèmes. L'inclusion sociale comme fait social est
donc ici consubstantielle comme pouvaient l'être l'inclusion et
l'exclusion (en mathématique), à l'exclusion sociale.
Dans une démarche identique mais contemporaine de
Parsons, un courant sociologique américain dit Interactionnisme
symbolique renouvelle l'approche de Parsons et la couple au travaux de
l'école de Chicago14(*) dans la perspective ainsi que le
développement de la criminologie américaine. Mettant en place un
nouveau cadre théorique en étudiant l'ensemble des relations
sociales qui concourent à la déviance : ils observent alors
deux systèmes d'actions qui s'affrontent dans la représentation
collective et en particulier dans les relations de face à face. Se
faisant, l'étude de la déviance par les interactionnistes pousse
ces derniers à s'interroger sur les outsiders15(*), qui dans cette optique
sont ceux qui transgressent les normes, devenant ainsi étrangers au
groupe, mais qui désignent aussi ceux qui sont étrangers au
groupe de déviants. Dans le cadre de cette analyse, les
interactionnistes listent dès lors les exclus, mais analysent aussi les
différentes formes d'exclusion en tentant de montrer leurs similitudes
et leurs différences, ainsi que la façon dont elles s'organisent
de l'intérieur. Ipso facto, les interactionnistes
symboliques abordent au travers de cette démarche l'exclusion et
donc forcément son contraire : l'inclusion.
Niklas Luhmann (1927-1998), sociologue allemand, va lui aussi
s'intéresser dans ses travaux à l'optique systémique et
intégrer, dans son analyse16(*), des systèmes sociaux comme instances
autopoïétiques (qui se génèrent eux-même par
auto-organisation), la dimension nécessairement inclusive devant
être apportée comme un correctif au phénomène de
paupérisation ou d'exclusion sociale qui apparaît comme une
donnée quasi intangible des sociétés modernes, post
modernes, contemporaines.
L'analyse systémique se poursuivra enfin en France,
avec Alain Touraine17(*), qui dans ses travaux, propose une conception
dynamique des systèmes sociaux, insistant sur la dimension historique de
ceux-ci et sur les conflits qui les traversent. «Les relations
sociales ne se réduisent pas aux stratégies des acteurs, mais
dépendent également des caractéristiques des
systèmes d'action dans lesquels les individus sont amenés
à interagir»18(*).
2. Le structuralisme et le déconstructionnisme :
promoteur de cette thématique
Le structuralisme est le pendant européen de la
systémique américaine ; véritable tendance de fond
qui traverse aussi bien la philosophie que les sciences humaines et sociales,
et que l'on désigne souvent en parlant de tournant linguistique, le
structuralisme se singularise par le fait de rompre avec les approches
centrées sur le sujet individuel en mettant l'accent sur le primat du
langage dans la structuration de la pensée et du sens. En
résumé, la systémique américaine trouve son origine
dans une littérature de type scientifique, au sens premier du terme,
là où son pendant européen va se développer autour
des littératures propres à l'élaboration d'une science
«molle» qu'est la linguistique. La vague structuraliste en France
correspond à l'extension des modèles d'analyse issus de la
linguistique moderne associée à Saussure, Hjemslev et Jakobson
à l'ensemble des sciences humaines. Ainsi va se développer une
anthropologie, une sémiologie et une narratologie structuraliste.
L'analyse s'appuie sur : «une théorie de la signification
mettant en jeu trois composantes fondamentales : le signifiant (le son, la
trace écrite ou l'élément visuel), le signifié
(l'idée véhiculée par le signifiant) et le
référant (la réalité extérieure au signe et
que celui-ci vise)»19(*). Ici l'exclusion n'est ainsi pas un
phénomène réel, quelque chose qui existerait en soi, hors
discours (de même pour l'inclusion), mais une certaine lecture du
réel qu'il s'agit d'interpréter. «Le point de vue
définit l'objet», dit Saussure, le regard inscrit le
réel dans un réseau de signifiant. Cette démarche qui
n'est pas sans rappeler la systémique américaine, va
progressivement gagner dans les années soixante l'ensemble de la
philosophie et des sciences humaines, donnant naissance à des formes de
plus en plus spéculatives d'application. C'est dans cette vague que vont
se développer en Grande Bretagne les premières
Cult'Studs'20(*),
que l'on pourrait définir pour paraphraser la formule
surréaliste comme : «la rencontre d'une récente
machine marxiste britannique et d'un parapluie théorique français
sur le terrain de la société [et de sa
compréhension]»21(*). Les Premières enquêtes de
politique identitaire, nées autour du Center for contempory Cultural
studies à Birmingham début des années 60, vont en
partie être à l'origine d'un renouveau des analyses sociologiques
sur les Outsiders, littéralement «les exclus»
notamment sous la plume de Norbert Elias : La logique de
l'Exclusion ( The Established and the Outsiders) parue en 1965,
et plus spécifiquement sur le phénomène d'exclusion comme
fait social (cette enquête s'appuie pour partie sur la
méthodologie du courant des interactionnistes symboliques mais
pas sur l'objet de leurs études, ainsi les «Outsiders» de
Elias ne se confondent pas avec ceux des interactionnistes). C'est
précisément dans ce courant d'analyse que l'inclusion
sociale va faire l'objet d'une analyse systématique, en ce qu'elle
doit répondre aux problèmes posés par l'exclusion. Il
n'est d'ailleurs pas inutile de noter que ce mouvement intellectuel, et les
études qu'il véhicule sur le caractère structuré de
la société, en relevant l'existence d'un phénomène
de pauvreté résiduelle (de marginalité, d'inadaptation, de
vulnérabilité, d'exclusion), trouve comme écho
l'avènement de courant politique visant une action publique à
vocation intégrative, inclusive (dans ce sens la politique de John
Fitzgerald Kennedy aux Etats-Unis, celle de Clement Atlee en Grande Bretagne,
ou encore celle de Adenauer puis Erhard en Allemagne, la situation
française se singularisant par une crise de politique extérieure
larvée avec une de ses anciennes colonies qu'est l'Algérie).
Cependant, le mouvement structuraliste va connaître une critique
importante de la part d'un certain nombre d'auteurs insatisfaits des postulats
du structuralisme ou de ses orientations scientistes. Parmi les remises en
question les plus notables on trouve l'abandon de l'idée de
«système», le décrochage entre le signifiant et le
signifié, qui vise à stabiliser la signification et à
maîtriser le sens, en bref l'avènement d'une contextualisation,
d'une historicisation de la démarche, qui débouche sur une
lecture critique des discours sociaux et des institutions qu'ils soutiennent,
et en particulier de la philosophie, des doctrines, des récits de
légitimation et des énoncées de savoirs et de
vérité occidentaux par trois grands noms qui sont : Derrida,
Foucault et Lyotard. Ainsi né le déconstuctionnisme dit aussi,
post-structuralisme ou French Theory.
3. Le renouveau en Europe de l'inclusion sociale via la
French Theory
L'histoire apporte son lot d'étrangeté et la
promotion de la French Theory en est une excellente illustration. Il est en
effet étonnant de songer que les promoteurs du renouveau
théorique, dogmatique et pratique de l'inclusion sociale, que
sont Derrida, Baudrillard, Lacan, Deleuze, Guattari, Lyotard,
Althusser... «dé-francisés», aient connu leurs
premières heures de gloire outre-Atlantique. En effet, les pères
du déconstructionnisme, du post structuralisme, bien que
français, sont américains.
La raison ? Une querelle universitaire qui a abouti
à opposer la France de Mai 68, qui inhumait ces dangereux
«échevelés de la pensée 68»22(*) au profit du nouvel
humanisme citoyen et de son universalisme abstrait, aux oeuvres
françaises de l'après structuralisme écrites aux
Etats-Unis dans le cadre d'un mouvement intellectuel fournissant un socle
théorique fondamental aux études multiculturelles, aux Gender
Studies, aux Cult'Studs, terres d'élection de la
description du phénomène d'exclusion sociale et de la mise en
exergue de la nécessité d'y apporter un correctif par la mise en
place de politiques à vocation inclusive. Le postmodernisme, sur la base
de la conception qu'il développe du savoir et de la pratique de la
recherche permet de déboucher sur une remise en cause des
découpages disciplinaires en vigueur. De sorte, il promeut de nouveaux
objets d'étude que la structuration du système universitaire
américain facilite par le développement de programmes
d'études plus ou moins autonomes, centrés sur des univers de
pratiques spécifiques ou des questions, nécessitant une
orientation pluridisciplinaire, croisant les humanités et sciences
sociales. L'affirmation, la manifestation, la revendication
identitaire en oeuvre, particulièrement aux Etats-Unis, offre
un terrain très favorable à l'analyse et aux concepts
associés au poststructuralisme. C'est dans ce contexte très
singulier, que les auteurs/docteurs/chercheurs français vont se montrer
prolifiques en renouvelant profondément la méthodologie,
l'orientation philosophique, épistémologique et théorique.
La sociologie postmoderne qui ressort de ce mouvement va durablement
réinscrire, au centre de ses réflexions, l'exclusion comme fait
social et donc concurremment l'inclusion comme réponse ;
l'actualité du sujet est par ailleurs entérinée par
l'éminent impact de la thématique sur la Politique
(Policy) elle-même.
«Comment se gouverner en exerçant des actions
où on est soi même l'objectif de ses actions, le domaine où
elles s'appliquent, l'instrument auquel elles ont recours et le sujet qui
agit» ? 23(*).
Il est clair qu'avec l'autonomisation du champ
économique, les nouveaux modèles d'organisation productif, le
développement concomitant du champ des compétences et des
aptitudes requises, le déploiement d'une crise économique
systémique que rien ne semble parvenir à enrayer,...
l'intérêt des mouvements universitaires doctrinaux est allé
grandissant pour expliquer l'exclusion mais aussi et pour surtout tenter de
formuler des propositions de type action de politique publique à
vocation intégrative, ré-insertive et inclusive. C'est bien dans
ce sens que doit être comprise l'interrogation de Foucault. Dans le
même ordre d'idée l'ouvrage de référence
français écrit par R. Lenoir en 1974, intitulé Les
Exclus renvoie bel et bien à la question fondamentale de
répondre au phénomène d'exclusion. La réponse
théorique de l'inclusion sociale et de sa promotion va
justement émerger de la French Theory et des controverses que
suscitera le mouvement à la fois outre Atlantique et en Europe. La joute
doctrinale va permettre le passage, le transfert, la réception, ici sur
le «vieux Continent» de l'inclusion sociale comme moyen de
parvenir à enrayer, du moins répondre au vaste
phénomène d'exclusion et de marginalité recensé
dans l'ensemble de la société européenne justement au
moment de l'avènement de cette superstructure
politico-économique, qui au terme du mécanisme de Spill
Over, a une vocation sociale prégnante.
II. Prolégomènes de la mise
en oeuvre des politiques d'inclusion sociale
La mise en oeuvre de ce type d'action publique suppose
nécessairement une politisation et particulièrement une
juridicisation de la lutte contre l'exclusion sociale, cadre de
référence du développement d'une politique publique
volontariste et pragmatique promouvant l'inclusion. Deux niveaux d'intervention
peuvent à ce titre être mis en exergue. Ainsi à la
prégnance du cadre européen dans les politiques d'inclusion
sociale (A), succède et s'articule le niveau
national, comme cadre opératoire des politiques inclusives (B).
A. La prégnance du cadre européen dans les
politiques d'inclusion sociale
«Pourquoi dès lors cette morosité.
Pourquoi le sentiment d'échec. On pourrait répondre : parce
que rien n'échoue comme le succès, parce que l'intervalle
subsiste entre le projet et la réalisation»24(*)
On peut finalement dire que l'inclusion, non pas en tant que
norme juridique de référence telle qu'elle s'est affirmée
à Lisbonne, mais en tant qu'idée directrice de l'action publique
européenne remonte ou date des premières politiques
initiées par l'Europe visant la lutte ou la résorption du
phénomène de pauvreté dés les années 60. A
partir de ce point de vue, il convient de comprendre qu'il y a là une
ambition ancienne de lutte contre l'exclusion (1), trouvant une affirmation
circonstancielle dans la période courant des poverty
program à Maastricht (2), pour connaître un affermissement
singulier du traité d'Amsterdam à la stratégie de Lisbonne
(3), se mutant au final dans un nouveau cadre de référence des
politiques sociales européennes ou l'inclusion sociale
devient orientation stratégique (4).
1. Une ambition ancienne : la lutte contre l'exclusion
Il est vrai que l'esprit des pères fondateurs de
l'Europe, qui prévoyaient sans doute la promotion des aspects sociaux
dans l'ensemble de la société européenne, s'est
durablement vu remplacé dans les faits par la prégnance, ou la
prédominance de la seule construction d'un marché unique, que le
traité de Rome de 1957 a fait naître. N'en demeure pas moins que
le traité de Rome, dans le fond, promeut via le mécanisme de
Spill Over, ou encore «l'Europe des petits pas», la
constitution d'une communauté à vocation éminemment
sociale, ne serait-ce que dans une perspective fonctionnaliste.
«L'Europe ne se fera pas d'un coup ni dans une construction
d'ensemble, elle se fera par des réalisations concrètes
créant d'abord une solidarité de fait. Si l'organisation
européenne continue à n'être qu'une idée, c'est une
idée qui va mourir. Il faut absolument sortir du domaine intellectuel,
où la contradiction n'est pas possible, pour aborder celui des
réalités ou toutes les difficultés
subsistent»25(*).
C'est du moins dans cet esprit que la CECA puis la CEE (moins
l'Euratom, pour des raisons tenant au caractère technique et
scientifique de sa constitution et surtout de son objet), ont vocation de
permettre l'élaboration d'une véritable Europe Sociale,
figure d'une intégration politique complète de l'ensemble des
Etats européens autour d'un but commun.
Le traité CECA, à finalité
économique, possède un volet social initialement
limité : il s'agit d'abord d'une mission très
générale visant le relèvement du niveau de vie dans les
Etats Membres, puis de compétences liées à la dynamique
économique du secteur. Néanmoins, le traité stipule que la
CECA assure une protection des revenus et une aide au reclassement des
salariés, victimes soit d'une réduction des besoins en main
d'oeuvre, à la suite de l'introduction, dans les entreprises, de
«...procédés techniques ou d'équipements
nouveaux» soit de changements profonds des conditions
d'écoulement des produits obligeant les entreprises à
«...cesser, réduire ou changer leur activité de
façon définitive». La CECA est donc amenée
à prendre en compte les répercussions sociales des
restructurations industrielles. Un volet social individuel se profile donc dans
ce traité. Le traité CECA introduit en outre deux types de
prêt, le prêt à la reconversion visant à pallier la
dégradation industrielle des bassins d'emploi CECA en crise, ainsi que
des prêts aux logements sociaux, répondant ainsi aux besoins
spécifiques et en particulier à l'état obsolète des
cités ouvrières (induit par la pénurie de logements
après les destructions de la Deuxième Guerre Mondiale).
Le traité CEE pour sa part bien que d'abord plus
généraliste, reste en demi teinte. Si les Etats membres
s'assignent dans le préambule «pour but essentiel
l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leur
peuple», les rédacteurs modèrent notablement cette
ambition dans les articles 117 à 128 consacrés à la
politique sociale, en la réduisant à «la
nécessité de promouvoir l'amélioration des conditions de
vie et de travail de la main d'oeuvre permettant leur égalisation dans
le progrès... Une telle évolution résultera tant du
fonctionnement du Marché commun, qui favorisera l'harmonisation des
systèmes sociaux que des procédures prévues par le
présent traité et du rapprochement des dispositions
législatives réglementaires et administratives». La
coopération dans cette optique, apparaît comme le mode le plus
adapté pour «parvenir à...». De ce point de
vue, les approches dynamiques du travail, de la libre circulation
instituée (art. 48 et 49), de la couverture sociale des travailleurs
migrants (art. 50), de la liberté d'établissement (art. 52
à 58), de la promotion d'une libre concurrence, de la création en
1958 du Fond Social Européen26(*) (FSE) inspirée directement des mesures
sociales déjà expérimentées dans le cadre de la
CECA (art. 123 à 128), et de la prise en compte de la
nécessité de respecter le principe d'égalité et de
proportionnalité trouvent, en tant que principes directeurs transversaux
de l'action communautaire, tout leur intérêt en vue de la lutte
contre l'exclusion. Dans ce sens, une réelle reconnaissance du
caractère multidimensionnel de la pauvreté doit être
«reconnue» à l'Europe. Cette notion de pauvreté n'est
ainsi plus perçue comme la résultante de la seule privation des
biens matériels et monétaires.
L'Europe très rapidement prend fait et cause de la
nécessité d'élaborer un socle commun de
référence visant la mise en oeuvre d'une action publique en
matière sociale. Plusieurs types de convention concernent ainsi l'aide
et l'action sociale liant de manière plus ou moins étroite les
autorités françaises. Il existe ainsi des conventions ayant pour
objet prioritaire, sinon forcément de reconnaître l'existence d'un
droit de l'individu à la protection sociale, du moins d'assigner aux
Etats contractant l'obligation de tout mettre en oeuvre pour sanctionner ce
droit. Tel est le cas de la Convention européenne d'assistance
sociale et médicale du 11 Décembre 1953, mettant à la
charge de l'Etat signataire l'assistance accordée au ressortissant d'un
autre Etat signataire résidant sur son sol. On rencontre d'autres textes
plus généraux. Ainsi trouve-t-on, dans le cadre du Conseil de
l'Europe, signée à Turin le 18 Octobre 1961, et entrée en
vigueur le 26 Février 1965 (la France ne ratifiant que le 9 Mars 1973),
la Charte sociale Européenne (CSE). Cette charte, synthèse des
règles posées par l'OIT, vise à assurer l'exercice de
trente et un droits principaux, dont le droit à la
sécurité sociale, à l'assistance sociale et
médicale, au bénéfice des services sociaux, à une
protection sociale et une protection contre la pauvreté et
l'exclusion sociale. Bien entendu, la valeur de la charte est
éminemment déclarative puisque dépourvue de sanction
juridique. En effet, aucun rattachement n'est prévu au système
européen de protection des droits de l'homme mis en place dans le cadre
du Conseil de l'Europe. Les droits ne sont donc pas justiciables. Il faudra
attendre la révision de Mai 1996 pour pouvoir invoquer la charte dans
une réclamation, mais ce uniquement devant le comité d'experts
indépendants. Malgré ce défaut majeur, le texte qu'est la
CSE témoigne et illustre la prise de conscience précoce des
institutions européennes en matière de lutte contre
l'exclusion ; demeurait parallèlement la problématique de
l'appréhension du phénomène. Dès lors, la
difficulté majeure était de clarifier le concept de l'exclusion,
pour à la fois permettre d'élaborer des comparaisons
crédibles entre systèmes culturels et nationaux, mais aussi pour
quantifier le phénomène de sorte à pouvoir élaborer
une action supranationale ayant les moyens de ses objectifs. C'est la raison
pour laquelle il a fallu du temps à l'Europe pour parvenir à
chiffrer l'exclusion, pour intégrer la notion de disqualification
sociale, et pour tenter d'apporter des réponses politiques, en grande
partie ambitieuses, justifiant dès lors le primat donné à
l'aspect social, dont on occulte assez souvent l'existence.
2. Une affirmation circonstancielle : des poverty
program à Maastricht
Les Poverty program datent du milieu des
années 70. Ils définissaient et conceptualisaient la
pauvreté en ces termes : «on peut considérer d'une
façon générale, que les individus ou des familles sont en
état de pauvreté lorsqu'ils disposent de ressources si faibles
qu'ils sont exclus des modes de vie, des habitudes et des activités
normales de l'Etat membre dans lequel ils vivent». Avant même
l'introduction dans les traités d'une référence aux droits
sociaux fondamentaux, la CEE avait donc mis sur pied des politiques
communautaires, des programmes de lutte contre la pauvreté visant
à renforcer les soutiens offerts à l'époque à des
projets novateurs de lutte contre l'exclusion.
La résolution du Conseil du 2 Janvier 1974, concernant
le programme d'action sociale imprima un second souffle sur ce volet comportant
une vingtaine de mesures devant servir trois grands objectifs :
- la réalisation du plein et du meilleur emploi dans la
communauté,
- l'amélioration des conditions de vie et de travail
dans une optique égalitaire,
- la participation croissante des partenaires sociaux aux
décisions économiques et sociales de la Communauté.
Le premier objectif engendre peu de réglementation mais
ouvre la voie à la création des premiers programmes, plans
d'actions et organismes communautaires à vocation sociale. Le premier
Poverty programm traita la période allant de décembre
1975 à Novembre 1981. Il fut suivi de deux autres programmes dits
«2» et «3» couvrant respectivement les périodes
1985/1988 et 1989/1994. En 1981 est mis en place le SEDOC (Système
Européen de Diffusion des Offres et des demandes d'emplois
enregistrées en Compensation internationale), qui favorise la rencontre
offre et demande d'emploi non satisfaites au niveau national. En 1982, c'est un
observatoire européen sur l'emploi qui voit le jour MISEP ; en 1984
se sont les Initiatives Locales d'Emploi (ILE) pour lutter contre le
chômage des femmes qui voient le jours,... L'amélioration et
l'égalisation dans le progrès des conditions de vie et de travail
donne lieu, en tant que second objectif, à une législation
pléthorique, et le troisième et dernier objectif donne enfin lieu
à l'élargissement du champ d'intervention du Comité
économique et social qui peut, à partir de 1974, émettre
de sa propre initiative des avis ainsi qu'à la création d'un
Comité permanent pour l'emploi. Si la période 70/80 est donc
marquée par la prégnance d'un volonté politique de
construire une «Europe sociale», les premières années
de la décennie suivante marque une stagnation de la construction
européenne suite aux difficultés économiques
persistantes ; le domaine social n'est pas épargné et le
thème de l'exclusion n'en sort que renforcé. C'est le projet
Spinelli, qui fait repartir la machine européenne en remobilisant les
acteurs, autour de la thématique de la nécessité de
renforcer «la cohésion sociale» seule à même de
renforcer la «cohésion économique».
L'Acte Unique de 1986 est peu loquace sur le terrain du social
hormis l'introduction des articles 130A à 130E relatifs à la
cohésion économique et sociale sur lesquels vont s'appuyer la
définition des objectifs couverts par les fonds structurels. En
revanche, il permet dès 1988 une réforme importante et salvatrice
des même fonds et trace une nouvelle orientation pour les interventions
(avec tout de même l'allocation d'une somme de crédit annuel de
7,2 milliards d'écus). Le FEDER se voit renforcer dans son rôle de
financement des projets d'infrastructure publique d'intérêt
économique mais aussi des services de conseil et d'appui aux
entreprises. Le FSE voit son champ étendu au-delà du simple
financement des actions de formation professionnelle, aux aides à
l'embauche et à la création d'activité. Quand au FEOGA, il
est pérennisé dans son rôle de financement des actions de
transformation et de commercialisation des produits dans le secteur
agroalimentaire et dans le secteur de la pêche. Cette politique
se caractérise par une mobilisation accrue des financements provenant
des fonds structurels mais aussi et surtout sur une méthode de gestion
renouvelée et originale basée sur l'implication des acteurs
nationaux, régionaux et locaux.
Suite à l'adoption de l'Acte Unique, un texte important
est adopté par les instances européennes, les 8 et 9
Décembre 1989, par onze des douze Etats de la CEE (la Grande Bretagne
n'étant pas signataire) La charte des droits sociaux
fondamentaux. Contrairement à celle de 1961, qui constitue une
véritable convention génératrice d'obligations pour les
Etats (malgré l'absence de valeur coercitive jusqu'en 1996), la charte
de 1989 n'est qu'une déclaration d'intention, car
élaborée pour essayer de compenser le silence quasi absolu de
l'Acte Unique sur les questions sociales et réaffirmant ainsi les droits
sociaux fondamentaux devant être protégés dans la CEE.
Néanmoins, le texte précisant que tout citoyen de la
Communauté, lorsqu'il est exclu du marché du travail et qu'il ne
dispose pas de moyens d'existence suffisants doit
bénéficier «d'un revenu minimum et d'une assistance
sociale appropriée», illustre le changement de perspective et
un certain volontarisme politique dans la lutte contre le
phénomène d'exclusion. L'efficience du texte demeure cependant
très circonscrite en ce sens que la charte laisse à la Commission
européenne le soin de préparer et de proposer les mesures
destinées à appliquer les droits qu'elle proclame et confiant aux
Etats membres la charge de garantir dans leur cadre de compétence ces
mêmes droits.
C'est véritablement avec Maastricht que
naît une politique sociale communautaire, et
cela se comprend d'autant mieux si l'on songe au contexte politique,
économique et social de l'Europe au jour de l'avènement de
l'Union. Une véritable crise économique et financière
traverse les pays membres de l'Europe, notamment mais pas seulement suite au
contre choc pétrolier de 1986, au Krach boursier de 1987 et au
bouleversement à l'Est avec la réunification allemande de 1990
(pour une analyse des répercussions sur la construction de l'Union, voir
J.-P. Fitoussi Le Débat interdit, ch.3 : La tyrannie
financière, p.50-80). Cette politique sociale est largement
articulée sur les fonds structurels, véritable manne
communautaire au service de la cohésion économique et sociale. La
Commission fait ainsi valoir au bénéfice des
fonds «la création de 500 000 emplois dans les
régions les moins prospères et l'accroissement de près de
3% du PNB de certains Etats Membres». C'est dans cette logique que
s'ensuit une augmentation conséquente des moyens financiers
prévoyant d'affecter aux Fonds 141 471 Millions d'écus, pour
la période 94/99, dont 97 000 millions pour les seuls régions
(dont le PIB par habitant est inférieur ou proche de 75% de la moyenne
communautaire) rentrant ainsi dans le cadre des finalités de l'objectif
1 visant la promotion du développement et l'ajustement structurel de
celles-ci. S'il faut retenir une chose c'est qu'avec Maastricht,
au-delà de l'augmentation du montant des financements communautaires
ayant vocation globalement à permettre la lutte contre la
pauvreté et l'exclusion, le tout dans un contexte d'élargissement
constant de l'Union, c'est que l'action des Fonds structurels et leur octroi se
voient rationalisés à l'extrême dans le cadre d'une
procédure de programmation contraignante en deux temps (Document Unique
de Programmation, suivi d'un Programme Opérationnel), avec le
bénéfice néanmoins notable de l'élargissement du
partenariat (équivalent du principe de subsidiarité selon lequel
l'action de la communauté doit être complémentaire à
celle des initiatives nationales, régionales et locales) aux partenaires
économiques et sociaux pertinents.
A ceci s'ajoute un protocole sur la politique sociale
annexé au traité de Maastricht en 1992. Conclu par les douze,
à l'exception du Royaume Uni et de l'Irlande (clause
d'Opting-Out), l'accord définit les objectifs sociaux de
l'Union, au nombre desquels figurent la promotion de l'emploi,
l'amélioration des conditions de vie et de travail, ainsi que la relance
du dialogue social. C'est à la même époque
qu'apparaît l'idée d'une «Europe à
géométrie variable» qui se traduit logiquement par une
conception fluctuante des politiques sociales. Cependant, ces objectifs ont
comme point commun fondamental : la lutte contre les exclusions.
3. Un affermissement singulier : du traité
d'Amsterdam à la stratégie de Lisbonne.
Le traité d'Amsterdam, entré en vigueur en 1999
relance lui aussi l'action sociale et l'affermit même en intégrant
dans le corps du traité CE le protocole sur la politique sociale et en
définissant les modalités d'intervention de la communauté
dans ce domaine (art. 136 à 145). L'entrée des droits sociaux
dans le droit originaire se marque notablement par l'inscription dans le
préambule du traité sur l'Union européenne d'un
considérant par lequel les Etats Membres y réitèrent
leur attachement : «confirmant leur attachement aux droits sociaux
fondamentaux tels qu'ils sont définis par la Charte sociale
européenne, signée à Turin le 18 Octobre 1961, et dans la
Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de
1989». L'inscription de ces deux textes dans le préambule du
TUE, traduit indubitablement un affermissement singulier de la reconnaissance
de toute l'importance de l'aspect social dans la construction européenne
et de sa vocation à lutter contre les exclusions. Plus anecdotique, elle
illustre aussi le changement de majorité intervenu au Royaume Uni ainsi
que la disparition du protocole et accord en matière sociale datant du
Traité de Maastricht. Dans le même ordre d'idée,
l'apparition du titre 8 consacré à «l'emploi», traduit
la volonté de rassurer les citoyens européens face à la
marche vers l'Union Monétaire et les contreparties sociales qu'elle
implique. Un souci se fait ainsi jour visant la promotion du social et son
affermissement. L'article 136 donne par ailleurs, pour objectif à
l'Union et aux Etats membres d'assurer une protection sociale adéquate,
cependant que le nouvel article 137 reprend l'article 1er de
l'accord sur la politique sociale en énonçant que la
communauté «soutient et complète l'action des Etats
Membres» pour réaliser les objectifs de l'article 136.
L'élargissement de la compétence communautaire dans le domaine
social ne se veut toutefois pas être synonyme d'une
«communautarisation» du social. Ainsi les traités
d'Amsterdam et celui de Nice ont pris soin de préciser que les objectifs
assignés à la Communauté doivent tenir compte des
diversités et spécificités des pratiques nationales et ne
pas contrarier la compétitivité de l'économie de la
Communauté (art. 136, § 2).
Les avatars d'Amsterdam se traduisent par la mise en place
rapide de la fameuse Méthode Ouverte de Coordination (MOC) et le fameux
Agenda social. La politique communautaire se veut ainsi intégrée
plus globalement et le Conseil européen de Vienne des 11 et 12
Décembre 1998 traduit cette volonté de mettre en synergie
l'emploi et donc le social avec les politiques économiques. Ainsi
naît une sorte de Pacte européen de l'emploi et de lutte contre
l'exclusion fondé sur :
- la coordination des politiques économiques et
sociales (processus de Cologne),
- la poursuite du développement et
l'amélioration de la mise en oeuvre des stratégies en la
matière,
- l'égalité des chances (processus de
Luxembourg).
Plus singulièrement le Conseil européen de
Cologne des 3 et 4 Juin 1999 marque un tournant décisif. En effet, les
chefs d'Etats et de gouvernement s'accordent sur l'idée, qu'au stade
actuel de la construction, il conviendrait de réunir les droits
fondamentaux en vigueur au niveau de l'Union dans une charte, le respect des
dits droits apparaissant comme une condition indispensable pour rehausser la
légitimité politique et la vocation sociale de l'Union.
L'idée dominante étant de rendre plus visible, plus clair et plus
transparent pour le citoyen de l'Union le fonctionnement des institutions,
leurs buts ou objets, et surtout les droits dont ils disposent. En
découle trois éléments difficiles à
concilier :
- accroître la lisibilité et moderniser les
droits en vigueur,
- ancrer l'importance exceptionnelle de ces droits induisant
de conférer un effet utile au texte,
- le choix opérer d'adopter une démarche
constituante entraînant deux questions de fond qui sont, le défaut
d'octroi d'un quelconque mandat constitutionnel, et la question de la nature du
texte.
L'importance de ces questions est ici fondamentale :
n'est en jeu rien de moins que la nature et le statut même de
l'intervention européenne en matière de lutte contre l'exclusion
et la promotion définitive en cas d'accord d'une véritable
«Europe Sociale». L'ouverture de la conférence (CIG) se fit en
marge du Conseil des affaires générales du 14 Février
2000, avec la forte implication de la commission. Et c'est une véritable
révolution en terme processuel qui a lieu avec l'inauguration de la
Méthode Ouverte de Coordination (MOC). Dans le cadre de cette
dernière, la commission qui prépare parallèlement les
travaux du sommet de Lisbonne fait passé dans le cadre de ceux-ci une
communication (2000-79) le 3 Mars 2000 qui pose les jalons de ce qui va
rapidement être dénommée : la stratégie de
Lisbonne. Ainsi la communication expose en ces termes les motivations de
l'Union : « cette initiative proposée par la Commission
exprime l'ambition et l'engagement de l'Union européenne à
promouvoir des économies et des sociétés favorisant
davantage l'inclusion, répondant ainsi aux grandes
attentes exprimées par le Parlement, les ONG, les partenaires sociaux,
les autorités locales et confirmées par les États membres
lors de la réunion informelle des ministres des affaires sociales tenue
récemment à Lisbonne les 11 et 12 février 2000. Cette
initiative mettrait en oeuvre les nouvelles dispositions du traité
convenues à Amsterdam pour promouvoir la coopération avec et
entre les États membres, mettre en place des mesures spécifiques
visant à appuyer leur action et compléter les politiques
communautaires actuelles qui contribuent (directement ou indirectement)
à la cohésion sociale. Elle encouragerait les partenariats entre
toutes les parties concernées en renforçant leur capacité
à progresser vers une Europe de l'inclusion».
Cette communication est fondamentale parce qu'elle assigne pour la
première fois à l'Europe, l'objectif de procéder à
la réalisation d'une Europe sociale de l'inclusion. Dans ce
vaste et ambitieux programme, la Commission dresse un état des lieux des
différents Etats Membres en mettant en exergue leurs réalisations
respectives. À la suite d'une conférence des Nations unies sur le
développement, tenue à Copenhague en 1995, l'Irlande a mis en
place la stratégie : «Sharing in progress: the national
antipoverty strategy (partager le progrès: la stratégie nationale
de lutte contre la pauvreté)». Au Portugal : «le
Programma Nacional de luta contra a pobreza" (programme national de lutte
contre la pauvreté) a été complété par le
programme INTEGRAR, suivi par la mise en place d'un système de revenu
minimum en 1997». Aux Pays-Bas et en Belgique, et plus
récemment au Royaume-Uni également, la pauvreté et
l'exclusion sociale sont devenues une priorité interministérielle
dont la mise en oeuvre s'effectue par des mécanismes de coordination
spécifiques. « D'autres États membres, tel la France,
cherchent à améliorer l'impact général des mesures
d'inclusion sociale grâce à une législation-cadre qui
définit l'exclusion en termes d'accès aux droits fondamentaux
dans les domaines de l'emploi, du logement, des soins de santé, de la
justice, de l'éducation, de la culture, de la famille et de la
protection des enfants. Avec cette législation, l'inclusion sociale
s'affirme comme une priorité spécifique des politiques publiques
et tous les organismes publics et autres parties concernées sont tenus
de participer à la mise en oeuvre des principes fixés dans la
loi». Pour lutter contre l'exclusion sociale et prévenir
l'émergence d'une société à deux vitesses,
plusieurs États membres tels que le Danemark et la Suède, ont mis
l'accent sur : «l'activation de leurs politiques de l'emploi et
de protection sociale pour améliorer la capacité d'insertion
professionnelle et l'inclusion sociale, afin de prévenir l'exclusion du
marché du travail et réduire la dépendance à
l'égard du système de protection sociale ainsi que les
pièges de la pauvreté». La commission notant que :
« Ce vaste éventail de mesures constitue une riche source
d'expériences et de bonnes pratiques et offre la possibilité de
développer l'action communautaire pour favoriser une coopération
et des échanges fructueux entre les responsables politiques et les
autres acteurs dans ce domaine.[...] L'objectif final de tous ces efforts est
d'améliorer l'incidence de toutes les politiques pertinentes sur
l'inclusion sociale par la promotion d'une approche intégrée et
d'une coopération qui tiennent compte de la dynamique de
l'exclusion«. Voilà de quelles façons s'élabore
la stratégie de Lisbonne.
L'inclusion sociale comme moyen de lutte contre
l'exclusion et les exclusions,
définie quelques semaines plus tard à Lisbonne les 23 et 24
Mars 2000, s'oriente ainsi autour des objectifs suivants :
- renforcer l'approche volontariste en matière
d'inclusion sociale, au niveau de l'Union européenne et des
États membres;
- convenir d'élaborer des indicateurs
communs d'exclusion et d'inclusion sociales, pour analyser et suivre
les tendances et les politiques;
- permettre à tous d'accéder à la
société de la connaissance en abordant les questions
telles que les compétences requises par la société de
l'information et la démocratie, la gestion électronique, en
particulier dans les services publics, les points d'accès publics
ouverts à tous, l'inclusion dans les communautés locales,
l'éducation et la formation, la diversité linguistique et
l'intégration culturelle, l'inclusion des zones
périphériques;
- promouvoir la croissance et profiter de la
croissance économique escomptée pour la prochaine
décennie, en d'autres termes restructurer les dépenses publiques
en vue de passer de transferts passifs à des investissements actifs et
à des mesures d'adaptation tournées vers l'avenir.
4. Un nouveau cadre de référence:
l'inclusion sociale comme orientation stratégique
Lors du Conseil européen réuni à Lisbonne
et à Feira, les Etats membres de l'Union européenne ont donc
franchi une étape majeure en faisant de la lutte contre l'exclusion
sociale et la pauvreté l'un des éléments centraux de la
modernisation du modèle social européen. Les chefs d'Etat et de
Gouvernement ont convenu de la nécessité de prendre des mesures
pour donner un élan décisif à l'élimination de la
pauvreté en fixant des objectifs appropriés devant être
approuvés par le Conseil d'ici la fin de l'année. Ils ont
également convenu que les politiques de lutte contre l'exclusion sociale
devaient reposer sur la MOC combinant des plans d'action nationaux à un
programme d'action présenté par la Commission pour encourager la
coopération dans ce domaine. L'application de la méthode ouverte
de coordination à la lutte contre l'exclusion sociale,
conformément aux principes définis dans les conclusions du
Conseil européen de Lisbonne, permet d'allier cohérence et
diversité nationale. Cette démarche s'inscrit dans le
prolongement de l'introduction par le traité d'Amsterdam, dans les
dispositions relatives à la politique sociale de l'Union, de la lutte
contre les exclusions (articles 136 et 137 du Traité).
Les articles 2 et 3 du traité, respectivement, donnent
pour mission à la Communauté de : «promouvoir
l'égalité entre les hommes et les femmes» et disposent
que : «dans toutes ses actions, la Communauté cherche
à éliminer les inégalités, et à promouvoir
l'égalité, entre les hommes et les femmes». Il importe
ainsi d'intégrer «l'égalité» dans toutes les
actions menées aux fins des objectifs indiqués, notamment en
évaluant, lors des différentes étapes de programmation, de
prise de décision et de suivi de ces actions, les conséquences
qui en résultent pour les hommes et les femmes. Se profile ainsi
une logique évaluative importante venant à la fois tester la
pertinence des actions menées mais venant aussi responsabiliser les
gestionnaires inscrivant dans l'action politique et administrative
européenne, nationale et surtout locale, une culture de la performance
et de la qualité.
La lutte contre l'exclusion sociale n'échappe pas
à cette logique et relève, il est vrai, de la
responsabilité des Etats membres et de leurs autorités
nationales, régionales et locales, en liaison avec l'ensemble des
acteurs concernés, notamment les partenaires sociaux et les
organisations non gouvernementales. Dans ce cadre, les Etats membres sont
invités à présenter un plan d'action national avant juin
2001. Le comité de la protection sociale est associé dans un
rôle central concernant le suivi de cette démarche. Il
coopère étroitement avec le comité de l'emploi dans ce
domaine. La mise en oeuvre des objectifs de lutte contre la pauvreté et
l'exclusion sociale peut en effet varier selon leur nature, leurs effets pour
les Etats membres et leurs destinataires. En outre, les différences
entre les Etats membres face aux problèmes traités se traduisent
par des solutions et des priorités adaptées à la situation
de chacun.
La mise en oeuvre, de cette démarche, fait
éminemment appel au principe de subsidiarité, mais petit
à petit se profile du moins au niveau local l'idée de la
substitution du principe de subsidiarité par un principe plus
général de «supplétivité»27(*). La raison de ce
basculement est à la fois à chercher dans les conséquences
de la décentralisation déjà opérée au niveau
national, mais aussi et surtout dans le fait que l'Union cherche
véritablement, et de façon plus évidente à partir
de 2000/2001, un partenaire plus pertinent que l'Etat Membre.
En écho aux Conseils de Lisbonne et de Santa Maria da
Feira, le Conseil a adopté, en octobre 2000, un ensemble "d'objectifs
appropriés" de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale,
qui ont été ratifiés par le Conseil européen de
Nice de décembre 2000. L'élaboration de la Charte des droits
fondamentaux donne l'occasion d'une réelle définition juridique
et européenne de l'inclusion sociale. Juridicisée,
l'inclusion sociale devient «un processus qui garantit que
les personnes en danger de pauvreté et d'exclusion sociale obtiennent
les possibilités et les ressources nécessaires pour participer
pleinement à la vie économique, sociale et culturelle, et
qu'elles jouissent d'un niveau de vie et de bien-être
considéré comme normal pour la société dans
laquelle ils vivent. L'inclusion sociale leur garantit une meilleure
participation aux processus de prise de décision qui affectent leur vie
et un meilleur accès à leurs droits fondamentaux». Les
objectifs de Nice ont constitué la base des premiers plans d'action
nationaux de deux ans, qui ont à leur tour servi de base au rapport
conjoint du Conseil et de la Commission sur l'inclusion sociale,
présenté au Conseil européen de Laeken de décembre
2001. Ainsi la France a-t-elle présenté les objectifs et mesures
suivantes dans le PNAI 2001-2003, correspondant à une nouvelle
étape de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, inscrite
dans un processus progressif et continu visant à faire reculer la
pauvreté sur le territoire. La stratégie définie en 2001 a
mis l'accent sur le retour à l'emploi des personnes qui en sont le plus
éloignées et l'accès effectif de tous aux droits
fondamentaux. Les politiques d'accompagnement vers l'emploi conduites par la
France se sont recentrées sur :
- le « programme d'action personnalisée pour un
nouveau départ » (PAP-ND) ;
- l'appui Social Individualisé (ASI), mesure
co-financée par le FSE ;
- le Contrat d'Initiative Emploi (CIE) dispositif d'insertion
directe dans l'emploi en entreprise ;
- 300 000 contrats aidés (CES et CEC) ;
- le dispositif d'aide à la création
d'entreprise pour les demandeurs d'emplois par le biais d'une aide
financière assortie d'un dispositif d'accompagnement - EDEN
- (encouragement au développement
d'entreprises nouvelles).
Les mesures en matière de logement, santé,
éducation quand à elles ce sont traduites par :
- la relance de la construction avec la création en
2001 de 56 000 logements et 55 000 en 2002 ;
- la mise en place de la CMU (Couverture
Maladie Universelle), des PRAPS (programmes régionaux d'accès à la
prévention et aux soins) et PASS (permanence
d'accès aux soins de santé) et l'expérimentation
d'Ateliers Santé Ville au niveau local. Soit 1,2 million de personnes
bénéficiaires de cette couverture d'assurance maladie. La
couverture complémentaire gratuite venant s'ajouter, au titre de la
solidarité nationale, à la prise en charge des soins par
l'assurance maladie ;
- un soutien accru a été
apporté aux établissements situés dans les zones
socialement défavorisées (au cours de l'année 2000/2001,
267 « classes relais » ont accueilli 3 650 élèves).
Bref, beaucoup d'exemples pour des mesures diverses qui
illustrent la pluralité des domaines concernés par la mise en
place d'une politique inclusive initiée au niveau
communautaire. Un second PNAI fit suite dans l'ensemble des pays de l'Union
pour la période 2003-2005.
Le rapport du Groupe de Haut Niveau sur l'avenir de la
politique sociale dans une Union européenne élargie dit
«Rapport KOK» de mai 2004 met en exergue la
nécessité d'actualiser la stratégie de Lisbonne, plus
précisément, en étant :
- adaptée à la nouvelle conjoncture
économique ;
- complétée par une initiative visant à
accroître la population active ;
- combinée avec le pacte de stabilité et de
croissance.
C'est sous l'empire de ces nécessités que le
Luxembourg prend la présidence de l'Union en Janvier 2005 avec la
difficile tâche de pérenniser la stratégie de
Lisbonne tout en l'adaptant. «Une Europe sociale dans
l'économie mondiale : des emplois et de nouvelles chances pour
tous», telle est la devise de la seconde phase de l'Agenda social
couvrant la période allant jusqu'en 2010. La Commission
précise de la sorte dans sa communication sur le réexamen
à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, la vision qui
unit l'Europe, confirmée par la Constitution, consistant
à assurer «le développement durable de l'Europe
fondé sur une croissance économique équilibrée et
sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché
hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès
social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration
de la qualité de l'environnement».
La Commission souscrit ainsi à la modernisation et au
développement du modèle social européen ainsi qu'à
la promotion de la cohésion sociale en tant que partie intégrante
à la fois de la stratégie de Lisbonne et de la stratégie
en faveur du développement durable. L'agenda fixe donc les
priorités qui devraient orienter l'action de l'Union européenne
dans ce domaine.
Son réexamen complète et appuie l'examen
à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, qui a mis l'accent sur
la croissance et l'emploi. Il y remplit une fonction essentielle dans la
promotion de la dimension sociale de la croissance économique. Cependant
comme le note le rapport de la présidence luxembourgeoise :
«the accompanying European Commission Press Release described the
Social Agenda as the social policy dimension of the refocused Lisbon growth and
jobs strategy. The Press Release goes on to stress that social policy has not
been downgraded in importance. We are more, not less, ambitious, about
ensuring high social standards, good healthcare and a proper social
net»28(*).
Dit en français l'inclusion sociale doit donc se
réorienter vers l'économique, dans une perspective plus
essentialiste de concurrence et de son respect. L'aspect social, et donc la
vocation «intégratrice» des dispositifs européens,
nationaux et locaux doivent désormais s'inscrire dans une logique visant
l'efficience économique dans le cadre d'un processus inclusif,
itératif.
Donc l'inclusion sociale est rapidement
érigée en «orientation stratégique»
dans l'ensemble des documents européens. La programmation étant
pluriannuelle, la Commission, le 5 juillet 2005 dans une communication
n°299, propose une série d'orientations visant à obtenir des
améliorations dans deux domaines principaux. En premier lieu, la
dimension stratégique de la politique de cohésion est
renforcée afin d'assurer une meilleure intégration des
priorités communautaires dans les programmes de développement
nationaux et régionaux. En second lieu, des efforts sont faits afin de
garantir une meilleure appropriation de la politique de cohésion sur le
terrain. Cela se traduit par un dialogue renforcé au sein des
partenariats formés par la Commission, les États membres et les
régions, ainsi que par un partage de responsabilités plus clair
et plus décentralisé dans des domaines tels que la gestion et le
contrôle financiers. Le tout sous la triple contrainte
d'élargissement, d'échecs dans certains Etats membres, dont la
France de la ratification du projet de constitution européenne et enfin,
de difficultés dans la négociation sur les perspectives
financières de l'Union pour la période 2007-2013.
B. Le niveau national : cadre opératoire des
politiques inclusives
«L'obsédante question de l'exclusion exprime
en creux la tyrannie de l'inclusion, des multiples inclusions auxquels chacun
est soumis»29(*).
Si le niveau national devient le réceptacle
des politiques européennes, la France n'a pas moins mené une
action publique autonome inclusive dès l'avènement de la
Vème République, assortie d'un cadre juridique précis mais
mouvant. Ainsi, à chaque figure de l'exclusion a pu correspondre non
seulement un vocabulaire spécifique dont il convient d'analyser
l'évolution, mais également des formes d'actions
spécifiques privées ou publiques ayant toutes en commun la
volonté de lutter, ou pour le moins de tenter de répondre au
phénomène de pauvreté ; qui s'est orienté
successivement et selon quatre temps en une lutte pour
l'intégration 1960/1970 promouvant l'Etat providence (1), devenant
une lutte en vue de l'insertion 1970/1980 marquée par la fin de la
logique assurantielle (2), puis venant à glisser vers une lutte contre
la précarisation et l'exclusion 1980/2000 voyant la substitution de
la logique assistantielle (3), pour finalement aujourd'hui rentrer dans le
carcan de la promotion de la cohésion sociale 2000/2013 ou
l'avènement de la Collectivité Providence (4).
1. Une lutte pour l'intégration 1960/1970 : la
promotion de l'Etat providence
Ce qu'il faut bien saisir c'est le contexte socio politique
dans lequel apparaît cette ambition politique. Deux mouvements viennent
se confronter, d'un côté une société d'opulence
véhiculant une consommation de masse, et d'autre part et non sans lien,
la manifestation d'une sorte de pauvreté résiduelle au sein
même des pays riches. Dès les années 1960-1970, l'objectif
des politiques sociales est d'intégrer les populations pauvres, et
marginales dans la société dite de croissance, et de
réduire les inégalités sociales et de revenus. Les minima
sociaux mis en place progressivement complètent le système
assurantiel, issu de l'après guerre, reposant sur les cotisations des
revenus du travail. Ces minima assurent alors la protection des personnes
âgées, des veufs, puis des personnes handicapées et des
parents isolés. Dans le même temps, l'action sociale est surtout
sectorielle et vise des populations ciblées en raison de handicaps ou de
déficiences. C'est également un domaine partagé entre les
associations, les communes de façon volontaire, les organismes de
sécurité sociale et l'Etat. La diversité et la
complémentarité des intervenants resteront une constante de
l'approche française de la lutte contre la précarité et
l'exclusion, au delà des évolutions organisationnelles. Dit
autrement la scène socio/économico/théorique voit
émerger la confrontation de l'opulence et de la
pauvreté.
C'est d'abord John Galbraith30(*) qui pronostique l'ère de l'opulence, dont on
devait rapidement découvrir, qu'elle devait attirer l'attention sur
l'inégal développement de la société d'abondance et
la persistance de ce que l'on allait appeler les «poches de
pauvreté». C'est le temps de la question des
inégalités au centre du débat social, c'est le temps de la
question de la répartition de ce que l'on a dénommé :
«les fruits de la croissance». La volonté politique manifeste
de répondre aux attentes de l'opinion sur le terrain de la
réduction des inégalités est entrée en
résonance avec un mouvement de modernisation de l'économie qui a
aboutit au partage pour le profit des classes dites moyennes, de biens et
services liés à la société de consommation.
Coïncidant avec la période de la fin de la guerre d'Algérie,
l'arrivée massive de français venus d'ailleurs ainsi que des
harkis, la logique intégrative trouve ici un écho tout
particulier. Pour la seule année 1962, 1 064 000 départs
d'Algérie furent enregistrés pour 412 000 retours, entre Mai et
Août, plus de 670 000 départs, et Marseille constitue le point
d'arrivée pour deux rapatriés sur trois31(*). Dès lors, la
pauvreté constatée est apparue dans un premier temps comme
résiduelle ou en tout cas concentrée sur certaines
catégories de population. Se faisant cette pauvreté
s'avérait résorbable par le moyen de politiques
spécifiques, sectorielles en direction du logement, de la famille et des
retraites. En outre le relèvement du SMIG laissait envisager la
potentialité d'une réduction de ces «poches de
pauvretés». Au final, celles-ci apparaissaient comme la
résultante d'une inadaptation chronique de catégories de
population marginales et donc comme le coût social de la croissance
économique. C'est aussi ce que retient Paul Marie de la Gorce, auteur
d'un ouvrage intitulé, La France Pauvre, paru en 1965, faisant
écho à Galbraith. De sorte, la dynamique d'exclusion s'analysait
comme un processus à étape ou au retrait du marché de
l'emploi, se succédait : pauvreté matérielle, puis
déstructuration familiale, entraînant perte de sociabilitée
articulé sur un accès, pour l'époque, limité au
soin, le tout sur une crise du logement qui entraînait donc logiquement
l'exclusion de l'individu. On est ici dans la description d'une
marginalisation économique et sociale classique mais réduite, et
ici est toute l'importance de l'analyse, à une part circonscrite de la
population. La «résidualité» du
phénomène trouvant à s'illustrer par ailleurs par un
transfert intergénérationnel, figeant, reproduisant et
inscrivant dans la durée cette pauvreté malgré les
politiques mises en place.
Mais comme rien n'est jamais figé et pour reprendre la
formule chère à Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se
crée, tout se transforme» ce schéma a
évolué pour atteindre des populations nouvelles : en
premières lignes les jeunes qui ne parviennent pas à
s'insérer et les chômeurs de longue durée. On parle alors
de «nouvelle pauvreté». Son traitement qui relevait
originellement de l'aide sociale, héritant ainsi de la vieille fonction
d'assistance dispensant des ressources subsidiaires, apparaît de plus en
plus comme insuffisant. En outre, le contexte internationale du premier choc
pétrolier balaie l'euphorie économique des «Trente
glorieuses» ou l'égide de l'Etat protecteur va céder le pas
à un autre paradigme dont on perçoit déjà la
nouvelle dimension locale (création des DDASS par les décrets des
14 Mars et 30 Juillet 196432(*))...On passe ainsi d'une lutte contre les
inégalités ou la protection sociale s'est
révélé défaillante à gérer :
«les conséquences sociales de la mutation et des modifications
organisationnelles radicales du système de production»33(*), à une lutte pour
l'insertion. Ainsi l'approche gagne-t-elle en profondeur et en ampleur, c'est
un changement de niveau d'analyse, un changement de perspective, un changement
d'échelle. Nouvelle configuration, changement d'échelle
territoriale se préfigure34(*). Et c'est prégnant si l'on
songe à ces propos : «Le réglage différent
de l'optique tout à la fois révèle de nouvelles
configurations, souligne l'inadéquation partielle, c'est-à-dire
le caractère réducteur des catégories conceptuelles
disponibles, suggère de nouveaux principes explicatifs : à
chaque niveaux de lecture, la trame du réel apparaît
différente.[...] Il faut briser l'opposition appauvrissante entre la
micro et la macro analyse pour approfondir la question plus essentielle des
formes d'adéquation acceptables entre les questionnements, les
méthodes d'études et l'échelle d'observation des
phénomènes»35(*).
2. Une lutte en vue de l'insertion 1970/1980 : la fin de
la logique assurantielle36(*)
L'apparition du terme «marginal» dans les
médias à partir du début des années 70 permet de
reconnaître un aspect multiforme du refus des valeurs dominantes, sorte
d'héritage de Mai 68. Rappelons que c'est à cette époque
qu'éclot une Sociologie de la pauvreté, et que de
façon concomitante apparaît la difficulté à
conceptualiser l'existence de ceux désignés comme pauvres, dans
une société française qui se percevait comme une
société d'opulence.
Conséquence : l'analyse tend à être
essentiellement quantitative, les politiques sociales sont conçues sur
un modus operandi visant le rattrapage... Cependant la question de
l'exclusion demeure par delà la nécessaire catégorisation
à la fois administrative, réglementaire, législative, et
forcement juridique. La question prégnante devient, bel et bien, celle
de savoir : Qui relève de l'exclusion ?
Rapidement le milieu universitaire se saisit du débat,
et les écrits de Foucault qui interrogent sur le phénomène
de normalisation incluant/excluant des sociétés modernes,
trouvent un écho tout particulier dans les approches alors
adoptées. Deux ouvrages vont illustrer ce changement d'optique
«Vaincre la pauvreté dans les pays riches»37(*) de Lionel Stoleru et
surtout «Les exclus»38(*) de René Lenoir, secrétaire d'Etat
à l'action sociale. C'est le premier signal fort du
phénomène de pauvreté sur la scène politique. En
effet «[leurs réflexions] ne s'attachent pas à
l'examen des causes économiques [...]. Cependant partant du constat
d'une forte relation entre inadaptation sociale et pauvreté, l'objectif
pour assurer l'insertion des inadaptés sociaux est de promouvoir une
action sociale coordonnée»39(*). On passe dès lors à un dispositif
de type gestionnaire. C'est la séparation du sanitaire et du social
initiée par la loi du 31 décembre 197040(*) relative à la
réforme hospitalière, la loi de 1971 créant l'ALS41(*), puis la loi du 30 Juin
197542(*) relatives aux
institutions sociales et médico-sociales, la loi de 197543(*) créant l'allocation aux
adultes handicapés, c'est aussi la loi de 197644(*) créant l'allocation de
parent isolé mais encore, le décret du 15 Juin 197645(*) étendant les
compétences des CHRS (Centre d'Hébergement et de
Réinsertion Sociale) jusqu'à la fameuse circulaire dite 44,
faisant évoluer ses missions vers l'insertion sociale et
professionnelle. Le terme d'insertion n'existe pas puisque en toute logique on
est dans un présupposé de plein emploi, mais des changements
terminologiques comme la transformation du SMIG en SMIC, auquel s'ajoute la
mensualisation des salaires et les tentatives de généralisation
de la sécurité sociale, sont autant d'indices d'un changement
radical de perspective dans l'appréhension même de l'action
publique dans le sens de l'insertion. Par ailleurs, le mérite de
l'oeuvre de Lenoir est d'élargir le champ de la réflexion avec
deux apports :
- le fait de ne plus faire de l'exclusion un
phénomène individuel mais social, dont les leviers sont à
rechercher dans les principes même de fonctionnement de la
société moderne, d'où la nécessité
d'élargir le champ d'action de politiques de lutte vers, le logement, le
social, l'éducation,...
- le fait de reconnaître à l'exclusion un
caractère généralisé et non marginal, qui ne
toucherait qu'une frange de la population.
On s'achemine ainsi en France vers une action politique non
plus sectorielle mais transversale ayant plus d'ampleur en termes de population
cible (Raymond Barre lance ainsi le «pacte pour l'emploi des jeunes»
en 1977) , plus généraliste dans ses champs d'intervention avec
une diversification notable de ces derniers, guidée par un souci
d'insertion véhiculant l'idée d'une sorte de suivi de l'action,
que ne détenait pas l'idée d'intégration, le tout dans
une démarche de coordination des politiques et de leurs
différents niveaux d'exécution, puisqu'il convient de rappeler
le développement au niveau européen de programme d'actions mais
aussi et surtout, que la France est à l'orée de
l'avènement de la première grande vague de
décentralisation, laquelle va placer «le local» ipso
facto au premier rang des rôles titres.
3. Une lutte contre la précarisation et l'exclusion
1980/2000 : la substitution de la logique assistantielle
Les problèmes économiques et la maîtrise
que l'Etat tente d'imprimer dessus sont véritablement les deux
éléments sous lesquels vont se développer le gros de
l'arsenal législatif et réglementaire visant la résorption
de l'exclusion et la lutte contre la précarisation. Pour bien saisir la
dynamique qui se met en place, il convient de rappeler quelques
éléments qui expliquent le caractère complexe et
protéiforme des politiques devant être mises en place. Les
problèmes économiques sont devenus prépondérants
dans un contexte de crise, tendant à subordonner voir absorber tous les
autres un peu à la façon de la croissance continue du cadavre de
Ionesco, symbole s'il peut en être, de la prégnance
exacerbée d'une idée fixe.
Ni la dimension nationale, ni la dimension européenne,
ni les rapports Est-Ouest, ni les rapports Nord-Sud, n'y échappent.
L'aspect international est dominant, c'est le second choc pétrolier, les
conflits larvés au Proche-Orient, une URSS qui de nouveau se radicalise,
des Etats-Unis qui tombe dans une reaganomanie46(*) dont on ignore tout. Sur le plan national, c'est une
situation contrastée avec la fin du septennat giscardien, singularisant
un libéralisme de plus en plus prégnant, aboutissant à des
revendications sociales de plus en plus fortes sur lesquelles va se bâtir
la victoire socialiste, à laquelle va succéder une politique
économico sociale à contre courant (nationalisation massive,
imposition des grandes fortunes, croissance des bas salaires,...)
répondant aux promesses électorales (les 110 propositions) et
paradoxalement se révélant inadaptée à la
situation, nécessitant un tournant d'austérité implacable
(dévaluations, diminution des dépenses du budget et de la
sécurité sociale,...).
C'est dans ce contexte très singulier de crise de
l'emploi et d'apparition du chômage de masse estimé à 2
millions d'individus en 1982, que va éclore un nouveau concept qui va
permettre de penser les nouveaux pauvres des débuts des années
quatre vingt : la précarité. C'est à un changement
radical auquel on assiste. «Les oubliés de la
croissance» des années 70 deviennent la «solution
délibérée». Dans un ouvrage intitulé La
connaissance ordinaire, Michel Maffesolie exprime le malaise des
années 80 et sa singularité47(*). Les Pauvres sont ainsi le prix de la
mondialisation, concept en éclosion aussi, dont à cette
époque, on ne saisit sans doute pas toute les implications.
L'Etat anciennement
«Providence»48(*) devient l'Etat «Assistantiel» et
voit déjà se profiler devant lui l'ombre de son devenir d'Etat
«Régulateur». Sur fond de concurrence internationale
et de restructuration économique, la France fait connaissance avec ces
nouveaux pauvres, qui touchent désormais même les plus
insérés. Désormais ce n'est plus l'exclu qui
intéresse mais le phénomène, le processus de mise à
l'écart de la vie économique et sociale : la
précarisation. Pour la combattre ou du moins la circonscrire, le
gouvernement Fabius met différents dispositifs, dont l'allocation de
solidarité spécifique pour les chômeurs ayant
épuisé leur droit à l'allocation unique dégressive,
mais c'est aussi la mise en place des travaux d'utilité publique, qui
deviennent vite d'utilité collective (TUC), l'intérêt du
dispositif résidant dans le fait de soustraire les jeunes souvent sans
qualification à l'inactivité, véritable sas vers
l'exclusion. Dans le même ordre d'idée, une loi du 5 Avril
198549(*) est votée
pour favoriser les congés de reconversion, l'idée étant de
relancer un cercle vertueux autour de l'idée d'un personnel plus
qualifié, d'où un investissement massif sur la formation, moyen
s'il en est de promouvoir l'inclusion.
La date de Février 1987, est marquante, puisque le
Conseil économique et social avalise par ailleurs un rapport
présenté par Joseph Wrésinski intitulé :
Grande pauvreté et précarité économique et
sociale. Ce rapport permet d'ancrer un nouveau vocabulaire, celui de la
précarité et de l'insécurité qui
véhiculerait la grande pauvreté. La marginalisation
grandissante d'une frange de plus en plus importante de la population est alors
mise en lumière par ce rapport qui insiste sur la
nécessité d'apporter : «au-delà des secours
d'urgence nécessaires mais ponctuels, de véritables solutions
cohérentes, globales et prospectives». La réponse
institutionnelle des années 80 est l'inauguration de politiques
publiques transversales, qui font notamment écho au
rapport OHEIX, sous le dernier gouvernement de Raymond Barre. C'est la
création de missions locales d'insertion des jeunes, d'opérations
de développement social des quartiers et des banlieues. C'est la loi
n°86-16 du 6 Janvier 1986 obligeant les départements à
organiser et faire fonctionner un service social départemental qui a
pour mission : «d'aider les personnes en difficulté
à retrouver ou à développer leur autonomie de
vie». C'est le passage de la délégation
interministérielle de la ville, au ministère de la ville. La
précarisation devient l'apanage de tous les cabinets
ministérielles, de toutes les politiques locales
décentralisées depuis 1982, de toutes les actions mises en
oeuvres : politique de la ville (développement social des zones
urbaines défavorisées DSQ/DSU/contrat de ville,...), politique de
l'emploi, mise en place du RMI loi du 31 décembre 1988, l'ouvrage de
Jean Michel Bélorgey (député socialiste)
intitulé : La gauche et les pauvres, 1988, autant
d'éléments qui témoignent, illustrent, participent de la
nouvelles tendance institutionnelle à l'oeuvre. Concernant le RMI, comme
l'écrira François Ewald dans une contribution à l'ouvrage
de Bernard Kouchner, Les nouvelles solidarités, 1989,
intitulé Solidarité et insertion : «se fait jour un
devoir d'initiative et de nouvelle solidarité. C'est ainsi
aux collectivités locales et aux services de l'Etat que revient
d'assurer cette nouvelle solidarité, d'abord de façon
expérimentale, puis de façon générale avec la mise
en oeuvre et la gestion du dispositif d'insertion du RMI. Ce qui est alors
totalement remarquable c'est la prééminence incontestée de
la dimension économique que la France et ses habitants découvrent
avec stupeur. Contre choc pétrolier de 86, Krach boursier de 87,
réunification allemande, le tout sur fond de première
cohabitation politique Gauche/droite, et au sein même de la gauche un
combat idéologique aux accents freudiens entre Mitterrand et Rocard. Sur
le plan de l'initiative privée nationale ou locale venant en soutient
des politiques publiques dans cette lutte contre la précarisation, c'est
la mise en place des «Restos du coeurs» en 1985 et le
déploiement des institutions venant aider les plus défavoriser
via les soupes populaires et autres mesures de veille mises en place en
périodes hivernales (Plan Départementale de l'Hébergement
et de l'Urgence,...)
Très rapidement la décennie de 1990 apporte ces
nouveaux problèmes : la concurrence à laquelle seule l'Union
peut faire face, c'est l'heure de Maastricht et le débat entre
souverainiste et fédéraliste. C'est aussi le temps d'un
chômage de masse qui prend des proportions inquiétantes voisinant
avec les 10% de population (9,4% très exactement de taux de
chômage au sens du BIT en 1989), une nouvelle plaie qu'est la
mondialisation, qui trouve sa traduction à travers l'Exclusion et
surtout la fracture Sociale. Les Premières années de la
décennie 90 sont marquées par la surmultiplication des
dispositifs de lutte contre l'exclusion : loi du 31 décembre
198950(*) dite Neiertz sur
le surendettement, loi 90-449 visant à la mise en oeuvre du droit au
logement, loi de finance de 1991 instituant la Contribution Sociale
Généralisée (CSG), loi 92-722 portant adaptation de la loi
de 1988 relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte
contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle, loi 92-936
créant un Fonds de solidarité vieillesse, décret 90-794
portant application en ce qui concerne les plans départementaux
d'actions pour le logement des personnes défavorisées, circulaire
du ministère de l'intérieur, de l'équipement, du logement,
des transports et de l'espace du 16 Mars 1992 relative au schéma
départemental (accueil des gens du voyage), circulaire CDE 92-19
relative à l'appui social individualisé des demandeurs d'emploi
de longue durée, circulaires DGS/AF1/DAS/RV3 n°33-93 relatives
à l'accès au soins des personnes les plus démunis,
dispositifs auxquels s'ajoutent pêle-mêle : l'aide à
l'accès au droit 199251(*), l'aide médicale
généralisée 1992, la création du Samu social
à Paris 1993,... Comme cela se constate la liste est pléthorique,
mais n'empêchera pas le débat sur la lutte contre l'exclusion de
rebondir notamment suite à : la forte augmentation du chômage
entre 93 et 94 qui atteint la barre psychologique des 13%, des 3,5 Million de
chômeurs et l'occasion de la campagne présidentielle de 1995 avec
l'avènement du thème de : la fracture sociale.
L'expression de fracture sociale a fait
florès au point d'entrer dans le langage courant, ainsi a-t-on
rapidement évoqué un nombre invraisemblable d'avatars du type,
fracture numérique, fracture politique, fracture morale,... La France
sociale de 1995 est donc «fracturée» et si l'expression
prête à sourire, l'image et la symbolique qu'elle véhicule
s'ancre durablement dans l'esprit des citoyens, relayés par les
médias... La France a donc quelque chose de cassé... Tout
commence en fait, par une note rédigée pour la fondation Saint
Simon. Sous cet intitulé aux origines du malaise politique
français, l'anthropologue Emmanuel Todd y démontre la permanence
de ce peuple dont est un peu vite proclamé la disparition...Evoquant les
différentes situations des candidats Balladur et Chirac, la note conclut
que : «si l'électorat naturel d'Edouard Balladur se trouve
dans les classes moyennes Jacques Chirac, lui, est virtuellement le candidat du
peuple, qui souffre de la fracture sociale...». Les conseillers en
communication du candidat Chirac se saisissent de cette manne que constitue le
renouvellement de la thématique sociale, pour élaborer toute leur
campagne : ainsi naît la fracture sociale. Sur un plan plus
pragmatique, la fracture sociale décrit cependant un
état d'esprit de la société qui ne sent plus entendu par
les Politiques (dans le sens anglo-saxon de Politics).
L'élection remportée par la Droite, sur le thème de la
fracture ne voit cependant pas, le social doté de la
priorité escomptée (exception faite de mesures fiscales
comme : la loi 96-50 créant la CRDS,...) et ce pour des raisons,
sans doute, d'opportunité politique. Ce n'est que suite à la
dissolution parlementaire de 97, ramenant la Gauche au pouvoir dans le cadre
d'une cohabitation, que le social, et la lutte contre l'exclusion,
délaissée pour un temps, reprend avec l'avènement d'un
traitement social du chômage, dont on constate cependant rapidement
l'échec, la logique étant : «le subventionnement
d'emploi à durée déterminée comme Quick
Fix»52(*) et surtout la fameuse : loi
n°98-657 du 29 Juillet 1998 d'orientation relative à la lutte
contre les exclusions.
Avec cette loi, il y a véritablement la
création d'un lien entre les droits fondamentaux et les exclusions, de
sorte le code de l'action social et de la famille (CASF) en son article
L.115-2, al. 1, dispose que la lutte contre les exclusions sociales
constitue un : «impératif national fondé sur le respect
de l'égale dignité de tous les êtres humains et une
priorité pour l'ensemble des politiques publique de la nation».
Cette politique doit ainsi garantir sur l'ensemble du territoire :
«l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les
domaines de l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la
justice, de l'éducation, de la formation et de la culture, de la
protection de la famille et de l'enfance». Le «s» mis
à la fin du terme «exclusion» est tout à fait
significatif de la prise de conscience par les autorités publiques de la
«protéiformité» de l'exclusion. L'action menée
doit donc être non seulement transversale, mais aussi conduite sur
plusieurs fronts en même temps. Dans cette démarche globale, on
retrouve aussi la volonté étatique de mettre en exergue quelques
nouveaux droits comme, celui de l'électricité pour les personnes
les plus démunis (loi 2000-108) précisé un an plus tard,
posant un véritable droit créance au bénéfice des
personnes en situation de précarité pour préserver leur
accès à l'électricité.
La France a donc, en 20 ans, révolutionné son
approche de la pauvreté, en ayant guidé successivement son action
sur la précarité, la réduction des éléments
d'hétérogénéité résultant de la
présence sur le territoire d'importantes communautés
allogènes, la lutte contre la fracture sociale et enfin la
lutte contre les exclusions, le tout au travers des politiques
inclusives volet principal et primordial de la réalisation d'une
Cohésion sociale. Tout au long des ces années, les
collectivités locales devenues territoriales ont véritablement
constitués le niveau opérationnel de ces actions avec le prima
connu, octroyé et assumé par les départements,
véritable échelon d'action pertinent.
4. Une promotion de la cohésion sociale
2000/2013 : l'avènement de la Collectivité Providence
Pour bien saisir l'idée de cohésion sociale et
les mesures politiques qu'elle implique, il convient de faire un très
rapide détour théorique. Les politiques mises en oeuvre au niveau
européen, national, régional, départemental et local ne
sont pas parvenues à recomposer un lien social de type organique, pas
plus qu'elles ne sont parvenues à remédier au niveau des
représentations collectives de la société, à la
crise post-moderne, induisant une nouvelle représentation de l'Etat et
donc de l'individu. Se faisant l'idée de la nécessité de
reformuler «un tout social», une formation, un ensemble est apparu
comme la première des nécessités. C'est ainsi que la
sociologie a pu parler de «recomposition de la morphologie
communautaire»53(*) devant se refonder autour des pratiques, des
sentiments, des valeurs communes, pour un temps, dans un espace donné.
Dans ce type d'espace, il importe de mettre en oeuvre une sorte de
solidarité qui unifierait la société atomisée en un
ensemble cohérant capable de lutter contre l'exclusion sociale en
étant doté de mécanisme inclusif interne. Le
problème pour les pouvoirs Publics, l'Etat et les Collectivités
locales est alors de mettre en oeuvre une action publique pour cette forme de
représentation collective polyculturelle. C'est là tout l'enjeu
de la cohésion sociale.
«L'inclusion sociale» et la
«cohésion sociale», pour faire écho à une
distinction classique posée par M. Waline54(*) en matière de
contentieux administratif entre contentieux objectif et contentieux
subjectif : «ne se recouvrent pas elles se recoupent, ou, plus
exactement», l'inclusion sociale coupe en deux la politique de
cohésion sociale en en devenant le volet principal, le second
étant la mise en place de cette solidarité qui de
mécanique devrait devenir organique55(*). Cette logique rapidement exposée est au coeur
de la politique mise en oeuvre depuis Février 2005 dans le plan dit de
cohésion sociale.
Parallèlement, l'accentuation de la
décentralisation, oscillant entre ferveur et désenchantement
place le concept de territoire au centre du débat en termes de
niveau pertinent d'action, marqué de plus en plus par une tendance
à la régionalisation qui s'entrechoque avec la mise en place de
la réforme financière, avec la transformation interne de nombreux
ministère en liaison avec les récents progrès de la
décentralisation. D'abord conçu comme un simple réceptacle
des activités humaines ou une circonscription administrative, il est
perçu aujourd'hui comme une construction des acteurs où
s'entrecroisent, dans un cadre géographiquement et historiquement
circonscrit, des relations à la fois économiques, sociales,
culturelles, politiques et symboliques. Or, dés lors que les actions
sectorielles et verticales (évoquées ci-dessus) ont montré
leurs limites pour aborder les problèmes rencontrés par les
populations, le local est apparu et continue d'apparaître comme
l'échelle d'action efficace car c'est à ce niveau qu'il est
possible de mettre en oeuvre les solutions globales, intersectorielles et
participatives56(*) qui sont
préconisées par les stratégies nationales et
européennes en raison de la complexité des
phénomènes d'exclusion et de pauvreté. Cette
évolution se traduit par l'adoption de principes de bonne gouvernance
dont l'objectif est d'améliorer le rapport entre gouvernants et
gouvernés, notamment en développant la participation des
citoyens, le partenariat des acteurs locaux (habitants, intervenants,
décideurs, experts) et l'évaluation des politiques mises en
place. Parallèlement, au plan social, le citoyen dans sa triple fonction
d'électeur, d'usager, d'administrer, réclame une plus grande
proximité, une qualité et une souplesse des services rendus,
ainsi que la garantie de la transparence et de la régularité des
procédures.
Dans le même temps que la centralisation de la politique
européenne se dessine, les pouvoirs locaux et les acteurs territoriaux
sont davantage chargés de la traduction concrète de cette
politique auprès du citoyen. Cela suppose de leur part une connaissance
préalable des composantes démographiques, économiques,
sociales, sanitaires, culturelles et urbanistiques des territoires dont ils ont
la charge, avec une attention plus particulière aux facteurs
déterminants de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Au plan
des institutions ; se pose la question de l'articulation des fonctions de
l'Etat avec la nouvelle compétence des collectivités
territoriales et avec le développement très important des
attributions des instances européennes. Dès lors, où doit
être placé le curseur de la décision politique ?
De plus, la mise en oeuvre des principes de bonne gouvernance
- la participation des citoyens, le partenariat des acteurs locaux et
l'évaluation des politiques mises en place - nécessite le recours
à des méthodes et des outils spécifiques.
Or, si des méthodes et des outils
adaptés sont bien disponibles pour les administrations nationales et
régionales, en revanche, les pouvoirs locaux et les acteurs territoriaux
disposent rarement d'outils simples et économiques pour identifier les
problèmes prioritaires, élaborer des projets, gérer les
actions, en évaluer l'impact et en suivre les effets dans le
temps. C'est pourquoi, la Collectivité territoriale tel qu'elle
tend à se présenter dorénavant devient le
réceptacle d'une nouvelle exigence, le débat sur la
décentralisation et sur la déconcentration a fait éclore
un nouveau terme de «déconcentralisation», de sorte que l'on
peut dorénavant s'interroger sur la nature même de la
collectivité . C'est plus vrai encore si l'on songe que la loi
de Cohésion sociale, précise que, sur 20 programmes d'action 14
concernent les collectivités territoriales, auxquels on peut rajouter 3
programmes destinés aux autorités déconcentrés et
que sur 107 mesures 45 connaissent une déclinaison
territoriale ; mis en corrélation avec le renforcement du
rôle du département en matière d'aide et d'actions
sociales, décentralisation des dispositifs RMI/RMA, pérennisation
des aides existantes à l'enfance, aux personnes âgées (avec
le poids considérable pris par l'APA) et aux personnes
handicapées, un nouveau paradigme de
«Collectivité Providence» semble s'ériger.
Problématisation de l'inclusion
sociale
A la suite de ce cadre historique et théorique
rapidement retracé, on peut désormais s'interroger sur le
rôle que l'inclusion sociale57(*) européenne joue dans la transformation des
collectivités territoriales en «Collectivités
Providence» ?
Pour répondre à cette interrogation faisant
l'objet de la réflexion du présent mémoire et compte tenu
de la spécificité du sujet, un traitement en deux étapes
mettant en exergue : l'affermissement de la logique préventive pour
les politiques d'inclusion sociale (Partie 1) et le mouvement concomitant de,
banalisation de l'évaluation par les politiques d'inclusion sociale
(Partie 2) à paru s'imposer. Deux raisons à cela, la
première liée à l'approche didactique que suggère
l'intitulé même du mémoire - Réflexion sur
l'inclusion sociale - La double contrainte des collectivités
territoriales entre évaluation et prévention. La seconde
raison tout aussi logique trouvant son fondement dans le fait, qu'il est apparu
plus pertinent de traiter la situation actuelle des collectivités
territoriales face au défis de l'inclusion sociale et des changements
qu'il induit avant d'adopter, une démarche plus prospective sur la
projection d'un nouveau paradigme vers lequel elles semblent tendre : la
collectivité providence.
1ère PARTIE
L'AFFERMISSEMENT DE LA LOGIQUE PREVENTIVE POUR LES
POLITQUES D'INCLUSION SOCIALE
Il convient, en particulier au vu de l'évolution
actuelle du contexte touchant les acteurs de l'action publique d'en saisir
certaines contradictions internes et de prendre acte de ceci : toute
adoption par la puissance publique d'une logique préventive,
légitime et préférable à toute autre, doit
intégrer en même temps la conscience de ses risques potentiels. La
prévention, par nature tendanciellement propensive, doit savoir
intégrer ses propres limites, être toujours contenue.
Cette démarche est sans doute plus vraie encore
s'agissant de l'action publique dans le secteur social, a fortiori
dans le climat actuel, marquée par l'acte de 2 de la
décentralisation, par la multiplication des intervenants et acteurs
appelés à agir pour permettre le développement harmonieux
d'une véritable inclusion sociale, mais aussi et surtout par le
débat ayant agité la fin d'année 2005 et le début
de l'année 2006 sur la mise en place des contrats CNE/CPE58(*).
Pour autant tout en prenant acte de cette situation
contextuel, l'affermissement de la logique préventive pour les
politiques d'inclusion sociale par les niveaux territoriaux compétents
sous-tend la nécessité de s'appuyer sur une double
démarche. En effet, l'action envisagée doit tenir compte de la
pérennisation des dispositifs sociaux curatifs anciennement mis en place
(Titre 1) et répondant à des impératifs, conditions
d'exercice et objectifs précis, ainsi qu'à la formulation de
politique sociale occupationnelle (Titre 2), formulation dont on pourra
apprécier le raffinement, les différents niveaux de
compétences mis en jeux et d'exercice qui l'accompagne. Ces
éléments induisent à la fin d'une bonne
compréhension une certaine diffraction59(*) du regard qui donne à penser.
TITRE 1er : LA PERENISATION DES DISPOSITIFS
PUBLIQUES SOCIAUX CURATIFS
«Les dernières données disponibles sur
la pauvreté monétaire sont de 2003. La tendance à la
baisse de la pauvreté monétaire observée en 2001 et 2002
s'interrompt en 2003. Le taux de pauvreté monétaire augmente, en
effet, en 2003, au seuil de 50 % du revenu médian et se stabilise au
seuil de 60 % de ce même revenu médian. La pauvreté est
différenciée selon l'âge, le sexe ou le type de
ménages. La situation est défavorable aux personnes seules et aux
familles monoparentales, parmi lesquelles les femmes sont largement
majoritaires en tant que chef de famille. On observe donc depuis 1999, de
manière stable, une plus grande proportion de femmes dans la population
pauvre. Les moins de 25 ans continuent, eux aussi, à être sur
représentés dans l'ensemble des personnes pauvres par rapport
à leur poids dans la population. Des interrogations émergent
cependant sur une possible remontée de la pauvreté des personnes
âgées, notamment lorsqu'elles sont seules. La comparaison des taux
de pauvreté monétaire des pays de l'Union européenne situe
la France dans une position légèrement plus favorable que la
moyenne de ses partenaires. Pour le chômage et les minima sociaux, on
dispose d'indicateurs plus récents. Le chômage s'est accru
jusqu'au milieu de l'année 2005, avant d'amorcer une diminution. Cette
dégradation de la conjoncture économique et du marché du
travail s'est traduite par une augmentation très importante, en 2003 et
2004, du nombre d'allocataires de minima sociaux d'âge actif,
renforçant encore l'importance, soulignée par l'Observatoire dans
son précédent rapport, du rôle des transferts sociaux dans
la réduction de la pauvreté»60(*).
Les relations entre pauvreté, chômage et emploi
sont étroites et complexes. Le constat ci-dessus montre que toute
situation de chômage n'est pas synonyme d'une situation de
pauvreté et que l'emploi ne protège pas à lui seul de la
pauvreté. La persistance d'un chômage61(*) massif et durable et le
développement de certaines formes d'emploi ont eu pour
conséquence une progression de la pauvreté des personnes
d'âge actif. Le caractère précaire d'un nombre croissant
d'emplois et la faiblesse de certaines rémunérations ont conduit
les personnes qui ont pourtant travaillé tout au long de l'année
à des situations de pauvreté. En France, comme dans plusieurs
pays de l'Union européenne, une catégorie de «travailleurs
pauvres» est apparue dès la fin des années quatre-vingt-dix.
De plus en plus de ces travailleurs sont salariés, qu'ils le soient
pendant l'année en emploi continu ou de façon intermittente.
En outre, la diminution62(*) des contrats aidés du secteur non marchand a
pesé sur les évolutions de l'emploi et du chômage. Ces
contrats avaient un impact important sur la sortie de la pauvreté,
notamment de certains allocataires du Rmi63(*). La loi de cohésion sociale du 18 janvier
2005, relance de manière significative ce type de contrats et renforce
la formation et l'accompagnement, la question se pose dès lors de savoir
si cela permettra ou pas d'atténuer les difficultés
constatées.
Concomitamment, les caractéristiques de la
pauvreté varient fortement sur l'ensemble du territoire. Entre la
pauvreté des zones industrielles en déclin, celle des zones
rurales enclavées, celle des centres-villes des villes moyennes, de la
périphérie des grandes métropoles ou celle des
départements d'outre-mer, il existe des différences
significatives. Au-delà des contraintes traditionnellement liées
aux marchés de l'emploi et du logement, les réponses de
proximité apportées pour lutter contre la pauvreté peuvent
varier considérablement d'un territoire à l'autre. Dans cette
perspective, la prise en compte des impératifs budgétaires locaux
apparaît comme une donnée particulièrement importante, car
même si les leviers fiscaux locaux tendent bien entendu à
s'articuler avec l'ensembls des dotations nationales et européennes, ils
demeurent une pierre angulaire de la lutte contre la pauvreté et du
maintien des dispositifs curatifs décidés et mis en place au
niveau nationale.
Ainsi annoncée, c'est dans une démarche
mêlant prise en compte de l'extension des contraintes budgétaires
(Chapitre 1), ainsi qu'au regard des dernières législations
produites mettant en exergue l'établissement d'une forme de sur
responsabilisation (Chapitre 2), que sera analysée la
«difficile» pérennisation des dispositifs sociaux curatifs.
Chapitre 1er : L'extension des contraintes
budgétaires
La dette publique fut le germe de la liberté. Elle
a détruit le roi et l'absolutisme. Prenons garde qu'en continuant
à vivre, elle ne détruise la nation et nous reprenne la
liberté qu'elle nous a donnée.
Mirabeau, 1789
Aucune organisation politique ne peut s'abstraire des
conditions de son époque. C'est encore plus vrai si l'on songe à
la part déterminante qu'y joue l'aspect budgétaire.
Véritable «nerf de la guerre» selon une expression populaire
répandue, les finances et de façon plus précise le budget
jouent un rôle considérable dans l'élaboration de toute
politique publique. Pour évident que le propos puisse paraître il
n'en demeure pas moins important de le rappeler et d'en exposer
brièvement l'évidence.
A l'heure d'une Europe à 25 élargie (27 membres
en 2007), à l'heure des grandes orientations politiques
déterminant le budget 2007-2013 au titre desquelles figure l'inclusion
sociale, à l'heure du «management par objectifs»64(*) au travers la désormais
fameuse LOLF65(*), au
moment des retombées simultanées des premières
évaluations nationales sur l'usage des deniers européens et des
conséquences et effets des politiques nationales, territoriales et/ou
locales66(*) des
politiques d'insertion ou tout le moins de lutte contre les exclusions, jamais
sans doute n'est apparue plus prégnante la nécessité de
s'interroger sur les contraintes budgétaires existantes et persistantes.
Au sein de cette problématique il convient de bien
saisir les niveaux le lecture qui s'entrecroisent, le niveau européen
puisqu'il apparaît selon toute vraisemblance comme le principal
pourvoyeur de fond des politiques sociales à venir, le niveau national
au double titre d'initiateur et de décideur public de principe, le
niveau local comme niveau opératoire de la dite politique,
affublé depuis l'acte 2 de la décentralisation du rôle de
«munitionnaire». C'est dans cette perspective que sera
traité la résorption des fonds sociaux européens (I), sur
laquelle s'articule la recomposition des dotations et subventions nationales
(II), rendant plus visible encore le phénomène de
dépérissement des leviers fiscaux locaux (III)
I. La résorption des fonds sociaux européens
«La part française des fonds européens
pour la programmation 2007-2013 baisse de 17,3 %. Les fonds revenant au
Nord-Pas de Calais régressent quant à eux de près du
double, alors que ceux du Hainaut belge ne reculent que de 10,4 % au titre de
l'Objectif 1 devenu "Convergence". Sur la base des critères qui
procurent au Hainaut belge 577 millions - fonds Convergence -, le Hainaut
français, qui en est exclu, devrait percevoir 360 millions : il lui
manque donc 50 % de son enveloppe»67(*).
Entre 2000 et 2006, les fonds structurels ont servi à
financer toutes sortes d'opérations : zones industrielles, villages de
vacances, équipements en téléphonie mobile, politique
d'insertion, de lutte contre les exclusions, de rénovation urbaine,....
Au total, pour la période, 16 milliards d'euros auront été
alloués à la France par l'Union européenne. Soit
l'équivalent du coût estimé pour le futur tunnel
Lyon-Turin. L'Europe aura ainsi dépensé presque les mêmes
sommes que celles que l'Etat a prévu d'investir dans les contrats de
plan sur la même durée (17 milliards d'euros). Du fait de
l'élargissement à 25, et dans un contexte budgétaire
européen rigoureux, sur la période 2007-2013, les sommes
allouées à la France se réduisent à la portion
congrue. Du coup, la bagarre est âpre entre les
régions/départements et le gouvernement sur un dossier
théoriquement géré en partenariat. D'autant que ce dernier
sera davantage maître du jeu. Alors que, jusqu'à présent,
Bruxelles avait défini sur le territoire de l'Hexagone des zones
géographiques pouvant bénéficier de fonds selon des
critères que la Commission avait arrêtés, ces
"zonages" vont disparaître en 200768(*). Demain, l'Etat pourra
décider de saupoudrer ou de concentrer les fonds en répartissant
lui-même les enveloppes par région. A ce titre le tableau suivant
est tout à fait significatif :
Répartition des enveloppes régionales
FEDER/FSE en métropole
En millions d'euros TOTAL 2000-2006 TOTAL
2007-2013
Alsace 242,58 177,93
Aquitaine 659,36 507,30
Auvergne 387,46 260,37
Basse Normandie 368,41 244,03
Bourgogne 356,05 250,29
Bretagne 618,44 430,35
Centre 345,29 297,12
Champagne-Ardenne 300,99 238,60
Corse 167,63 148,68
Franche-Comté 283,57 187,47
Haute Normandie 486,81 319,89
Ile-de-France 757,96 601,95
Languedoc-Roussillon 461,24 382,25
Limousin 188,25 153,73
Lorraine 528,33 403,45
Midi-Pyrénées 615,82
511,37
Nord-Pas-de-Calais 1 335,82 926,61
PACA 591,45 520,82
Pays-de-la-Loire 647,93 450,21
Picardie 416,38 291,91
Poitou-Charentes 416,56 281,09
Rhône-Alpes 835,47 615,58
TOTAL Régional 11 011,78 8 20169(*)
Enveloppes régionales FEDER/FSE Outre-mer
(à répartir)
2000-2006 2007-2013
Guadeloupe
Guyane 2,88 Mds€ 2,83Mds€
Martinique
Réunion
Source : Rapport de la DIACT 6 Mars 2006
Sous réserve de l'adoption définitive du budget
de l'Union par le Parlement européen, la politique de cohésion
économique et sociale disposera, pour la période 2007-2013, d'une
enveloppe de 307,7 milliards d'euros pour l'ensemble des pays de l'Union dont
:
- 251,3 milliards pour la « Convergence »,
- 48,9 milliards d'euros pour la «
Compétitivité régionale et l'emploi »,
- 7,5 milliards d'euros pour la « Coopération
territoriale ».
Sur cette enveloppe, la France s'est vue attribuer 12,688
milliards d'euros (contre environ 16 milliards d'euros pour la période
2000-2006) dont :
- 2,838 milliards d'euros pour la
«Convergence» ;
- 9,1 milliards d'euros pour la
«Compétitivité régionale et l'emploi»
- 0,749 milliard d'euros pour la «Coopération
territoriale».
Le volume de crédits destinés à soutenir
l'innovation, la formation et le développement des territoires reste
donc très significatif. Pourtant la priorité reconnue aux
nouveaux Etats membres de l'Union entraîne des modifications plus que
substantielles nécessitant que l'on s'interroge sur l'implication
budgétaire précise de l'élargissement (A) sur lequel
s'articule une accentuation du principe de spécialité (B)
manifesté par la surdétermination de l'autorisation donnée
par le parlement afin que chaque crédit ait une destination
indiquée par la loi de finances.
A. L'implication de l'élargissement
Pour introduire liminairement le propos, il convient de
rappeler certaines choses. Véritable Big Bang,
l'élargissement confronte l'union européenne à certaines
épreuves cruciales. La première est l'épreuve de l'espace.
Jusqu'en 1989, la division politique du monde donnait à l'Europe des
bornes et une géographie. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. L'Europe a
perdu ses repères géographiques, les frontières ont
éclaté, le périmètre européen s'étend
et personne ne sait où le mouvement s'arrêtera. La deuxième
épreuve est celle du nombre. Les institutions, prévues pour Six,
ont fonctionné à Quinze mais ne fonctionneront pas à Vingt
Cinq sans modifications majeures. Le changement de la composition de la
Commission est acquis, mais l'UE, en particulier le Conseil, ne peuvent
fonctionner avec leurs règles actuelles. Enjeu majeur du projet
constitutionnel en déliquescence, l'Union devra tôt ou tard se
pencher rapidement sur le problème. La troisième est
l'épreuve de la disparité. Jamais les écarts de richesse
entre Etats membres n'ont été aussi importants. Le niveau de vie
moyen des Dix nouveaux entrants est inférieur à la moitié
du niveau de vie des Quinze. L'écart maximum entre les deux
extrêmes (la Lettonie et le Luxembourg) est de 1 à 5. Le
rattrapage du niveau de vie communautaire sera nécessairement long,
beaucoup plus long que pour les précédents élargissements.
Ce qui pose forcement comme dernière épreuve, l'épreuve
budgétaire.
Le coût de l'élargissement n'a été
évalué que jusqu'en 2006. Ce coût est encore relativement
modeste : 59 milliards d'euros en sept ans, soit 13,8 milliards au titre
des aides de pré adhésion entre 2000 et 2003 et 45,3 milliards
les trois premières années de l'adhésion (entre 2004 et
2006). 45 milliards d'euros représentent un an de crédits de la
politique agricole commune dans l'actuel budget annuel de l'Union. Le
problème, c'est après.
Aucune administration, nationale ou communautaire, ne se
risque à chiffrer ce coût. Deux paramètres sont a peu
près connus. Les futures dépenses agricoles, fixées au
Conseil européen de Bruxelles en octobre 2002 jusqu'en 2013, se montent
à 25 milliards d'euros en sept ans. Les aides régionales n'ont
pas été définies, mais seront proches de la limite qui a
été fixée, soit 4 % du Produit intérieur brut des
nouveaux entrants, soit de 150 à 160 milliards d'euros. Ainsi, les seuls
éléments chiffrés permettent d'évaluer les
dépenses autour de 180 milliards d'euros en sept ans, trois fois plus
qu'aujourd'hui. D'autres dépenses ne sont pas encore
évaluées (recherche, environnement, développement
rural...). Toutes dépenses confondues, la dépense totale
engagée pour les nouveaux membres devrait donc atteindre de l'ordre de
200 milliards en sept ans (avant prise en compte du montant des contributions
versées au budget communautaire par les nouveaux membres, de l'ordre de
7 milliards par an). L'importance de la dépense et surtout, le partage
de son financement sont au centre des négociations budgétaires
sur le futur cadre financier européen.
Voici en l'état actuel ce qui est connu :
- le montant maximal total des dépenses pour l'UE
à 27 pour la période 2007-2013 est de 862 milliards dont 308
milliards consacrés à la nouvelle politique
régionale70(*).
Les crédits d'engagement sont répartis selon les
schémas ci-après. Les mêmes montants sont également
repris dans le tableau, qui indique en outre les prévisions concernant
les crédits pour paiements. Tous les montants sont établis sur la
base des prix constants de 2004. Des ajustements techniques automatiques auront
lieu annuellement pour tenir compte de l'inflation.
Dès lors apparaissent clairement les conséquences
de l'élargissement :
«Les nouveaux Etats Membres se situent à 53%
de la moyenne du PIB par habitant de l'Europe à 25, en parité de
pouvoir d'achat, et à 28% en termes nominaux»71(*).
Ce qu'il convient de bien comprendre c'est le fait que les
nouveaux entrants ne vont pas contribuer pour beaucoup au budget
communautaire, en revanche, ils absorberont une bonne part des crédits
de la PAC mais aussi et surtout des fonds finançant les politiques
régionales au titre des objectifs 1 & 2 prioritairement. L'ancienne
Europe quoi que l'on veuille bien en dire paye donc un coût dans
l'élargissement72(*), le prix du «choc
d'appauvrissement»73(*). Le tableau présentant la
répartition des enveloppes régionales FEDER/FSE en
métropole pour la période 2007-2013 en est une bonne
illustration.
APERÇU DES NOUVELLES PERSPECTIVES
FINANCIÈRES 2007-2013
(Tous les montants sont en millions d'€ aux prix de
2004)
Crédits d'engagement 2007 2008 2009 2010
2011 2012 2013 Total 07-13
1. Croissance durable 51 090
52 148 53 330 54 001 54 945 56 384
57 841 379 739
1a. La compétitivité au
service de la croissance
et de l'emploi 8 250 8 860 9 510
10 200 10 950 11 750 12 600 72 120
1b. La cohésion au
service de la croissance
et de l'emploi 42 840 43 288 43 820
43 801 43 995 44 634 45 241 307 619
2. Conservation et gestion
des ressources naturelles
54 972 54 308 53 652 52 021 52 386
51 761 51 145 371 244
dont: Agriculture - dépenses
de marché et paiements
directs 43 120 42 697
42 279 41 864 41 453 41 047 40 645 293
105
3. Citoyenneté, liberté,
sécurité et justice 1 120
1 210 1 310 1 430 1 570 1 720 1 910
10 270
3a. Liberté, sécurité et justice 600
690 790 910 1 050 1 200 1 390 6 630
3b. Citoyenneté 520 520 520 520
520 520 520 3 640
4. L'UE, acteur mondial 6 280
6 550 6 830 7 120 7 420 7 740 8 070
50 010
5. Administration 6 720 6 900
7 050 7 180 7 320 7 450 7 680 50 300
6. Compensations 419 191 190
800
Total crédits d'engagement 12 601
121 307 122 362 122 752 123 641 125 055
126 646 862 363
en % du RNB 1,10% 1,08% 1,06% 1,04%
1,03% 1,02% 1,00% 1,045%
Total crédits pour paiements
116 650 119 535 111 830 118 080 115 595
19 070 118 620 819 380
en % du RNB 1,06% 1,06% 0,97% 1,00%
0,96% 0,97% 0,94% 0,99%
Marge disponible 0,18% 0,18% 0,27% 0,24%
0,28% 0,27% 0,30% 0,25%
Plafond des ressources propres
en pourcentage du RNB 1,24%
1,24% 1,24% 1,24% 1,24% 1,24% 1,24% 1,24%
Source : Présidence du Conseil Européen,
Perspectives financières 2007-2013, Bruxelles, le 19 décembre
2005
On peut parler d'une certaine dégradation des positions
anciennement acquises par certains Etats et donc d'un amoindrissement du
montant des enveloppes perçues au travers le jeux de vases communiquants
par les régions.
L'élargissement apparaît dès lors comme un
élément déterminant du financement et donc du
délicat et difficile maintient des dispositifs sociaux inclusifs jusque
là co-financés par l'Union Européenne.
Conséquemment, c'est au travers l'accentuation
du principe de spécialité que l'U.E entend proroger ces anciens
financements. Mais se pose alors un second problème, celui du formalisme
inhérent à l'accentuation de la précision des programmes
nationaux pouvant se voir allouer les fonds dont on connaît d'ores et
déjà l'amoindrissement.
B. L'accentuation du principe de spécialité
Le budget général des Communautés
européennes est encadré par une série de principes
budgétaires au titre desquels figurent les principes d'unité et
de vérité budgétaire, d'annualité,
d'équilibre, d'unité de compte, d'universalité, de
spécialité, de bonne gestion financière et de
transparence.
A ce titre le principe de spécialité
prévoit que chaque crédit doit avoir une destination
déterminée et être affecté à un but
spécifique, afin d'éviter toute confusion entre les
différents crédits lors de l'autorisation et l'exécution.
Aucune recette ni aucune dépense ne peut être affectée
autrement que par imputation à un article du budget. Cela est
également valable pour les recettes qui doivent être
précisément identifiées. Tout virement important doit
recevoir l'autorisation de l'autorité budgétaire selon les
règles prévues par le règlement financier.
L'un des mérites que peut constituer le principe
concerne la question de l'efficacité du budget. Si l'on se fonde sur une
définition de la gestion, c'est-à-dire la mise en oeuvre des
ressources d'une organisation quelconque en vue d'atteindre des objectifs
précis, on ne peut réellement parler d'une gestion
financière que lorsqu'il est question d'orienter l'argent vers la
meilleure allocation des ressources compte tenu d'objectifs
déterminés. C'est précisément tout
l'intérêt du principe de spécialité qui se voit
accentuer dans le cadre des perspectives financières 2007-2013.
En effet, l'idée même de planification
stratégique illustre l'accentuation du principe de
spécialité comme gage d'une véritable démarche
performative. Mais c'est sans doute dans l'accentuation de la programmation
pluriannuel et plus précisément dans le renforcement de la
désignation des rubriques d'actions poursuivis que réside
l'avancée majeure.
Pour la période 2000-2006, les dépenses des
budgets annuels étaient encadrées par des perspectives
financières, principalement consacrées à huit rubriques.
La première rubrique concernait l'agriculture et le
développement rural. Les crédits sont accordés dans le
cadre du Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA).
La section « Garantie » du FEOGA finance les dépenses
agricoles, excepté celles liées au développement rural. La
section « Orientation » du FEOGA finance le développement
rural et les mesures d'accompagnement. La deuxième
rubrique concerne les actions structurelles qui visent à
améliorer la cohésion économique et sociale. Les actions
structurelles sont financées par :
· les Fonds structurels : FEOGA section «
Orientation », Fonds européen du développement
régional (FEDER), Fonds social européen (FSE) et l'Instrument
financier d'orientation de la pêche (
IFOP ) ;
· le
Fonds de
cohésion.
La troisième rubrique est
consacrée aux politiques internes de l'UE. Elles peuvent être
rattachées aux grands thèmes suivants :
· actions destinées à améliorer la
compétitivité de l'industrie communautaire à travers la
recherche et le développement technologique ;
· actions de complément des politiques
structurelles (politique commune dans le domaine des transports, par exemple) ;
· les actions concernant la formation professionnelle,
l'éducation et la jeunesse, la
culture et
l'audiovisuel,
l'information, la dimension sociale et l'emploi ;
· les actions destinées à la politique de
l'énergie, au
contrôle de la
sécurité
nucléaire et à
l'environnement ;
· les actions liées à l'approfondissement
du marché intérieur, par exemple la
protection des
consommateurs et
l'espace de
liberté, de sécurité et de justice.
La quatrième rubrique concerne les
actions extérieures au bénéfice des pays tiers. Elle
reprend notamment les actions de caractère horizontal et les actions de
coopération et d'aide définies par zone géographique. Les
dépenses du Fonds européen de développement (FED) ne sont
pas incluses dans le budget communautaire. Les dépenses liées aux
aides de
pré-adhésion sont inscrites dans la rubrique 7 du budget. La
cinquième rubrique est consacrée aux
dépenses administratives pour le fonctionnement des sept institutions
communautaires. La sixième rubrique concerne deux types
de réserve : la réserve pour l'aide d'urgence (y compris le
fonds de
solidarité ) et la réserve pour la garantie des prêts.
Les réserves permettent de laisser les marges nécessaires
disponibles pour faire face à des dépenses non prévisibles
lors de l'établissement du budget. La septième
rubrique est consacrée à la stratégie de
pré-adhésion dans le cadre de l'élargissement de l'UE. Il
s'agit des programmes en faveur des pays en voie d'adhésion (comme
PHARE par
exemple). La huitième rubrique concerne les compensations temporaires
prévues pour les dix nouveaux États membres pendant la
période 2004-2006. Ces montants ont été calculés
afin de s'assurer que leur trésorerie vis-à-vis du budget de l'UE
ne se détériore pas pendant les premières années
d'adhésion par rapport à l'année avant
l'adhésion.
La programmation pour la période 2007-2013,
prévoit une nouvelle classification de ses dépenses qui
correspondra mieux aux défis du futur et aux buts communs, participant
de la logique de rationalisation de la dépense publique et de recherche
d'efficacité74(*).
Ainsi la présentation des crédits par objectif, outre son
caractère stratégique, a un avantage certain en favorisant une
meilleure cohérence de l'action publique et en évitant un trop
grand fractionnement des politiques publiques dans l'espace et dans le temps.
Très logiquement l'usage de la notion de rubrique exprime donc
le passage d'une culture de moyens à une culture de résultat.
La rubrique qui équivaut alors à un programme
représente la clef de la réforme, il conduit les décideurs
publics, politiques ou gestionnaires, à cesser de raisonner strictement
en termes de moyens. Les programmes sont des unités de
spécialité. De fait le principe de
spécialité ne s'applique plus dans une nomenclature
chapitrée, mais à celle décomposée en rubrique et
sous rubrique rassemblant les différents programmes. Les crédits
sont alors spécialisés par programme, nouvelle unité de
spécialisation, dont au surplus le périmètre ne correspond
plus aux découpages administratifs classiques. Se faisant la
création d'un programme ne se réduit pas à un
problème de nomenclature, elle permet de satisfaire au préalable
à des exigences élevées de structuration de l'information
et de l'organisation administrative.
De la sorte, il est possible de constater les
conséquences à la fois de l'approfondissement du principe de
spécialité mais aussi de comparer finalement les perspectives
2000-2007 à 2007-2013 et d'en tirer d'ores et déjà
quelques enseignements.
Domaine
|
2000-2006
|
2007-2013
|
Impact attendu
|
Commentaires
|
Programmation
|
- Double structure parallèle
de programmation avec le
DOCUP et le complément de
programmation + Programme
pluri fonds
- Présentation et gestion de la
programmation au niveau de
la mesure
|
- Un seul outil de programmation et de
gestion, le programme opérationnel
financé par un seul fonds (Feder, FSE) et
dont le contenu se rapproche de celui d'un DOCUP actuel (analyse situation,
priorités stratégiques, axes retenues, plan de
financement, mise en oeuvre)
- Flexibilité sur la gestion financière qui se
fera uniquement au niveaux des axes prioritaires
|
- Simplification du processus
décisionnel et de programmation
au niveau de l'Etat membre par la
suppression du complément de
programmation
- Plus grande souplesse dans la
gestion des PO75(*), en particulier la
gestion financière de l'ensemble des
ressources
|
- Cette réelle simplification pour les
autorités de gestion pose la question
du degré d'information
nécessaire
à fournir dans les PO afin que les
futurs porteurs de projets puissent s'y
retrouver
- Cette simplification doit
s'accompagner d'une importante
communication auprès des porteurs
sur les possibilités de financement
ouvertes dans les PO.
|
Participation
financière
|
- Nécessité de mettre en cohérence
un plan financier annuel au
niveau des axes et un plan
global pluriannuel au niveau
des mesures (montants, taux)
- Règles communes d'éligibilité
des dépenses réglées au
niveau communautaire par
les règlements détaillés de la
Commission (Reg (CE)
n°1685/2000 pour les Fonds
structurels
- Choix de participation des
Fonds par rapport au coût
total du programme ou des
dépenses publiques, posant
ensuite des problèmes de
gestion (surtout pour la
Commission)
|
- Participation des Fonds (taux de cofinancement)
fixée au niveau de l'axe prioritaire + Disparition des taux par
mesures
et mise en oeuvre d'un seul
taux par axe
- Règles nationales pour
l'éligibilité sauf
exceptions prévues explicitement dans
les règlements par Fonds
- Participation de Fonds par rapport à l'ensemble
des dépenses publiques d'un programme
|
- Souplesse accrue dans la gestion
financière des PO et suivi facilité
des PO pour l'ensemble des
intervenants
- Simplification des règles
d'éligibilité ce qui facilitera la mise
en oeuvre des programmes et
évitera des conflits entre
règles
nationales et communautaires
|
- Cette évolution permet une plus grande
flexibilité au sein d'un axe, ce qui n'était pas possible avec
une
déclinaison par mesure.
- La définition nationale des règles
d'éligibilité n'est pas, s'agissant du
FSE, une avancée importante, dans la
mesure où, par exemple, les coûts
forfaitaires demeurent inégibles
(remboursement de dépenses réelles -
article 76 règlement général -) + de
nombreuses règles actuelles
d'éligibilité ne sont pas applicables
au FSE
- Le calcul de la participation des
fonds par rapport aux seules
contreparties publiques peut avoir des
effets pervers de démobilisation des
partenaires privés.
|
Gestion et contrôle
|
- La définition des fonctions et des
tâches des principales autorités est faite dans
deux
règlements (Reg (CE)
1260/1999 du Conseil et Reg
(CE) n° 438/2001de la
Commission pour les Fonds
structurels, Reg (CE) 1164/94
du Conseil et Reg (CE)
1386/2002 de la Commission
pour le Fonds de cohésion)
- Les mêmes règles
applicables aux systèmes de
gestion et de contrôle pour
tous les programmes quelque
soit le niveau de financement
communautaire
- Les procédures relatives aux
rapports et leur lien avec la
gestion financière sont peu
claires
|
- Les fonctions des trois principales autorités
et les responsabilités des Etats
membres et de la Commission sont clairement
définies dans le règlement général
(gestion, certification, audit).
- La conformité/fiabilité des systèmes de
gestion et de contrôle est attestée en début de
programmation par un
organisme de l'Etat membre indépendant selon les
règles établies dans le nouveau règlement Conseil +
Etablissement d'une
stratégie d'audit nationale permettant d'aboutir à
une assurance annuelle et
finale sur les systèmes en place
- Les règles applicables aux systèmes de gestion et
de contrôle sont proportionnées au montant
et à l'intensité de la participation
communautaire dans les programmes
- Procédure clarifiée pour les rapports annuels et
le rapport final
|
- Dès le début de la période de
programmation les obligations et
responsabilités incombant à chacun
des acteurs sont clarifiées.
- Mise en cohérence dès le début de
la période de programmation du
travail d'audit et de contrôle
permettant d'éviter des redondances
entre les travaux des Etats membres
et de la Commission et donnant une
garantie à la Commission sur les
systèmes dès le début de la
programmation (exigence de la
gestion partagée)
|
- La simplification n'est pas évidente dans la mesure
où un PO ne pourra pas être mis en oeuvre sans la
validation du système de gestion
par l'autorité d'audit (CICC). Cette
validation préalable peut être vécue
comme une contrainte supplémentaire.
- La procédure des rapports annuels
reste lourde et s'ajoutera à l'exercice
de rapports annuels ou triennals sur
le cadre stratégique national.
|
Source :
www.travail.gouv.fr/FSE/pdf/Comp%20Entre%20Periodes.pdf
Avec cette nouvelle unité de spécialité,
s'exprime indiscutablement un souci de cohérence et de simplification de
la nouvelle nomenclature budgétaire dont l'analyse ci dessus permet de
rendre compte.
II. La recomposition des dotations et subventions nationales
«Avec un déficit des administrations publiques
égal ou supérieur à 3 % du PIB pour la quatrième
année consécutive en 2005, notre pays - à l'instar des
autres principales économies de l'Union européenne - a beaucoup
de peine à respecter la norme du Pacte de stabilité et de
croissance. Conséquence de ces déficits mal
maîtrisés, la France a même, elle aussi, franchi depuis 2003
la barre des 60 % du PIB en matière d'endettement public, autre
engagement non tenu. Au-delà de la contrainte européenne, la part
des prélèvements obligatoires consacrée au service de
cette dette (14 % du budget général de l'Etat en 2005) est de
plus en plus élevée. Ainsi, si l'emprunt n'a en soi rien de
condamnable lorsqu'il s'agit de financer des investissements publics dont
bénéficieront aussi les générations futures sur
lesquelles pèsera la charge du remboursement, il ne peut constituer
durablement une source de financement des dépenses courantes pour la
protection sociale comme pour l'Etat. On peut donc aujourd'hui s'accorder sur
la nécessité d'un assainissement»76(*).
Personne ne souhaite payer plus qu'il n'est nécessaire.
S'agissant du financement des dépenses collectives - et donc des
prélèvements obligatoires (impôts, cotisations sociales) -
il est donc légitime, et même souhaitable, que soient
évaluées et éventuellement réorientées les
politiques publiques comme il est naturellement fondé que ceux qui
participent à leur financement, les particuliers comme les entreprises,
se montrent exigeants en matière de résultats. La plus grande
efficacité des dépenses publiques est ainsi essentielle et il est
justifié que soient recherchés, dans des termes convenables pour
les personnels et les publics concernés, les moyens de maîtriser
les coûts de gestion des prélèvements comme des services
rendus et des prestations servies. De même, les actions et les
prestations qui constituent cette dépense publique doivent être
constamment adaptées en fonction de leur efficacité et de
l'évolution des besoins. En effet, un haut niveau de
prélèvements ne garantit en rien qu'ils soient toujours
favorables à la croissance économique et à la justice
sociale. Abordé sous cet angle, chacun comprend que la véritable
problématique est bien de s'assurer de l'utilité et de
l'efficience des actions et des prestations qu'ils servent à financer :
contribution des investissements publics et du fonctionnement des services
publics (formation, infrastructures, recherche-développement...),
à la création d'un environnement favorable aux entreprises,
à l'activité économique en général et
à l'emploi en particulier ; efficacité du système de
protection sociale au sens large pour maintenir et développer la
cohésion sociale, qui est à la fois un but en elle-même
mais permet également de garantir une certaine stabilité et peut
constituer une source de retombées économiques positives ;
rôle, enfin, joué par les prélèvements fiscaux et
sociaux pour inciter les agents économiques à des comportements
favorables à ces objectifs d'efficacité économique et de
progrès social.
Les prélèvements obligatoires sont avant tout
l'expression de choix politiques fondamentaux sur le degré de
socialisation de la satisfaction des besoins, présents ou à
venir, et de mutualisation des risques. Encore faut-il que les citoyens
disposent des éléments d'information leur permettant de
comprendre l'élaboration de ces choix pour y contribuer en toute
connaissance de cause. Cependant et ainsi
évoquées ces questions ne peuvent être abordées sans
parler de la contrainte forte que représente la situation des finances
publiques assurément devenue une source majeure de préoccupation.
A fortiori si l'on songe à cette contradiction affirmer
vouloir, simultanément, diminuer le déficit public (donc,
à terme, l'endettement), maintenir globalement le niveau des
dépenses et réduire les ressources fiscales.
C'est en s'appuyant sur ces éléments liminaires
qui entrent en résonance avec la dimension européenne
précédemment évoquée, que doit être
constatée la réduction de la participation étatique
directe (A) et l'amoindrissement de l'implication étatique indirecte
(B), contraintes budgétaires supplémentaires sur la
pérennisation des dispositifs publiques sociaux curatifs.
A. La réduction de la participation étatique
directe
Parler en ces termes de la participation étatique dans
les budgets des collectivités territoriales c'est dire une
demi-vérité, en ce sens que la réduction de cette
participation «directe» n'est pas immédiatement identifiable
comme on va pouvoir le constater.
Ainsi introduit, il convient donc de faire un rapide tour
d'horizon de la participation de l'Etat dans les budgets des
collectivités territoriales.
Tableau d'ensemble des concours financiers de
l'État aux collectivités locales
(en millions d'euros)
2004 2005 2005/ 2006 2006/
(LFI77(*)) LFI 2004 LFI 2005
1 . Dotations et subventions de
fonctionnement
· Dotation globale de fonctionnement totale 36 826 37
095(5) +0,7% 38 250 +3,1%
- DGF hors majorations exceptionnelles 36 775 37 085
+0,8% 38 106
- ajustement DSU, DSR et DNP (1) 36 -11
- majoration exceptionnelle de la dotation
d'aménagement 15 10
- majoration de la DGF des départements
155(7)
· Dotation spéciale instituteurs 188 165
-12,4% 136 -17,5%
· Dotation élu local 47 49 +3,3%
61 +24,2%
· Subventions de divers ministères (8) 892 902
+1,1%
Compensation des pertes de bases et redevances des mines 138
138 +0,0% 164 +18,8%
Fonds d'aide pour le relogement d'urgence (FARU) 20
Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion
100
Total 38 091 38 348 +0,7%
38 730 +1,0%
2 . Dotations et subventions d'équipement
(autorisations de programme)
· Dotation globale d'équipement 904 932
+3,0% 770 -17,3%
· Dotation de développement rural 116 120
+3,0% 124 +4,0%
· Fonds de compensation de la TVA 3 710 3 791
+2,2% 4 030 +6,3%
· Prélèvement au titre des amendes
forfaitaires de la circulation 500 560 +12,0% 620
+10,7%
· Subventions de divers ministères (investissement +
fonctionnement) (8) 1 124 1 006 -10,5% 1 767 +75,6%
· Comptes spéciaux du Trésor 37 37
+0,0% 0 -100,0%
Total 6 392 6 445 +0,8%
7 311 +13,4%
3 . Financement des transferts de
compétences
· Dotation générale de décentralisation
(3) 797 858 +7,7% 1 032 +20,3%
· Dotation relative à la formation professionnelle
1 862 2 053 +10,3% 1 611 -21,5%
· Dotation régionale et départementale
d'équipement scolaire et des collèges 895 921 +3,0%
958 +4,0%
· Dotation générale de décentralisation
Corse 245 257 +4,9% 265 +3,1%
Total 3 799 4 089 +7,6%
3 867 -5,5%
( pour mémoire : fiscalité transférée
) 11 365 13 124 14 914
4 . Compensations d'exonérations et de
dégrèvements législatifs
· Dotation de compensation de la TP (hors REI et hors
ajustement Pantin) 1 370 1 224 -10,7% 1 116 -8,8%
· Réduction pour embauche et investissement 122
78 -35,9% 78 +0,1%
Majoration exceptionnelle au titre du règlement de Pantin
pour la fraction de 36 18 -50,0% -100,0%
· Contrepartie de l'exonération de la taxe sur le
foncier bâti et non bâti
· Compensation des exonérations relatives à la
fiscalité locale 2 207 2 485 +12,6% 2 699
+8,6%
· Contrepartie de divers dégrèvements
législatifs 8 028 8 625 +7,4% 10 717 +24,3%
· Compensation de la suppression d'impôts
locaux depuis 1999 (3)
suppression de la part salaires des bases de TP 109(4)
113(4) +3,7% 116(4) +2,7%
Total (hors suppressions d'impôts compensées
par la DGD) 11 871 12 543 +5,7% 14 726
+17,4%
Total général hors fiscalité
transférée 60 153 61 426 +2,1% 64
634 +5,2%
(1) Pour 2005 : -10,5M€ au profit de la
dotation élu local. (2) Après mouvements entre
prélèvements sur recettes et dotations budgétaires,
élargissement du périmètre de la DGF et
budgétisation du FNPTP/FNP introduits par la LFI pour 2004. (3)
L'essentiel étant basculé dans la DGF par la LFI 2004.
(4) Au profit des FDPTP (5) Avant
débasage de 880 M€ parallèlement à l'affectation de
la taxe sur les conventions d'assurance aux départements (6)
suppression du FNDS en PLF 2006 (7) compensations
liées à la suppression de la DGE des départements
(187,5M€) + abondement relatif à la part de l'Etat au titre de
l'allocation vétérance des sapeurs-pompiers volontaires
(10M€) - reprise liée à la recentralisation des
dépenses sanitaires (-42M€). (8) à compter
de 2006, la distinction fonctionnement/équipement n'est plus
opérée pour ces subventions.
Source : Direction générale des
collectivités locales/DESL. Mise en ligne : janvier 2006
Comme on peut le constater à l'analyse du
présent tableau, l'évolution sur la période 2005-2006
montre globalement un accroissement significatif des concours financiers de
l'Etat vers les collectivités locales.
Notons cependant d'ores et déjà que le
présent tableau présente indistinctement les collectivités
locales, ne permettant pas une réelle évaluation par types de
collectivités : régions, départements, EPCI,
communes, ...
Par ailleurs si la situation apparaît globalement comme
positive, l'élément attirant immédiatement l'oeil est la
baisse significative du financement des transferts de compétences. En
effet, on voit apparaître une baisse de -5,5% dans le
montant total correspondant au financement du transfert des charges de
compétences. Or, même si la variation reste
limitée, cette dernière doit être appréciée
à l'aune de deux série d'éléments :
- premièrement le fait que l'acte II de la
décentralisation n'ait pas encore atteint le point culminant de son
coût, la charge du transfert des routes, du personnel en
général et en particulier restant à
apprécier ;
- deuxièmement la hausse constante et continue du poids
de l'APA et surtout du RMI78(*) et le défaut de compensation afférant
à ses augmentations, interpellent depuis 2 ans et demi maintenant les
élus locaux, qui à ce jour sont toujours dans l'attente des
compensations promises.
Un tableau présentant l'évolution des
allocataires des minima sociaux entre 2003 et 2004, permet de mieux saisir
toute l'importance du propos et d'évaluer les conséquences d'un
amoindrissement ou d'une réduction de la participation de
étatique directe
|
Allocataires
2003
|
Allocataires
2004
|
Évolution
2004-2003 en %
|
Allocation d'insertion (Ai)
|
47 200
|
47 200
|
0,0
|
Allocation veuvage
|
12 200
|
11 300
|
-7,4
|
Allocation supplémentaire d'invalidité
|
111 200
|
111 500
|
0,3
|
Allocation de parent isolé (Api)*
|
170 044
|
175 648
|
3,3
|
Allocation aux adultes handicapés (Aah)
|
741 211
|
760 100
|
2,5
|
Allocation supplémentaire vieillesse (Fsv)
|
557 624
|
547 517
|
-1,8
|
Revenu minimum d'insertion (Rmi)
|
998 645
|
1 083 880
|
8,5
|
Allocation de solidarité spécifique (Ass)
|
349 200
|
344 100
|
-1,5
|
Allocation équivalent retraite - remplacement (Aer)
|
27 100
|
32 700
|
20,7
|
Ensemble des minima sociaux en
métropole
|
3014 424
|
3 113945
|
3,3
|
Dom (y compris revenu de solidarité, Rso)
|
309 521
|
321 662
|
3,9
|
France entière
|
3323 945
|
3 435607
|
3,4
|
Sources : Cnaf, Msa, Unedic (Fna), Cnamts, Cnav.
Se faisant et tenant compte de ces réalités, le
«-5.5%» correspondant au total du défaut de
financement de transfert de compétences a tendance
à apparaître comme largement sous évalué, rendant
dès lors prégnante la question de la pertinence des chiffres
avancés par Direction générale des collectivités
locales. En effet, si l'on regarde l'évolution des allocataires des
minima sociaux pour la période 2003-2004, on constate que l'explosion de
leur nombre est très préoccupante, de sorte que le défaut
enregistré prend une signification toute différente pour les
décideurs locaux et en tête desquels ceux des
départements.
A cela s'ajoute comme l'indique le rapport du Sénat
n°337 sur la réforme de la politique régionale
européenne du 4 Mai 2006 :
«- Une baisse de la dotation
française»
Par rapport à la précédente
programmation, la dotation française pour 2007-2013 diminue de 25%.
«- L'orientation nouvelle de la politique de
cohésion»
La réforme tend à conférer une
orientation nouvelle à la politique de cohésion, notamment en ce
qui concerne le nouvel objectif 2. En effet, si l'objectif « convergence
» vise très classiquement à favoriser le rattrapage
économique des territoires en retard de développement, l'objectif
2 «compétitivité régionale et emploi» semble, en
revanche, s'éloigner de la logique de cohésion territoriale qui
le caractérisait jusqu'à présent. Ce changement
d'orientation du nouvel objectif 2 transparaît à la fois :
«- dans la suppression du zonage»,
qui permettait un ciblage des aides au profit des espaces les moins
favorisés ;
«- dans la recommandation de fléchage des
crédits vers des interventions contribuant à la
réalisation de la stratégie de Lisbonne», dans des
domaines (tels que l'innovation et la recherche), pour lesquels les territoires
les moins développés comptent a priori peu d'atouts. Plus
généralement, l'intégration de la stratégie de
Lisbonne dans la politique régionale met en avant des
préoccupations générales de croissance, de
compétitivité et d'emploi qui semblent d'abord s'adresser aux
territoires les plus dynamiques.
«- Moins de crédits européens pour les
zones rurales»
Pour les zones rurales, la manne des fonds structurels risque
d'être à l'avenir moins importante. A la suppression du zonage et
à la baisse globale des financements disponibles, il convient, en effet,
d'ajouter le transfert, à compter du 1er janvier 2007, des mesures
financées jusqu'à présent par le FEOGA-O (notamment
à travers le programme Leader +) à un fonds, le FEADER, relevant
de la PAC et qui risque, comme tel, d'avoir une approche principalement
agricole.
En outre, la dotation du FEADER pour 2007-2013 est
insuffisante et un seul de ses quatre axes traitera de la diversification
économique en milieu rural. Apparaît ainsi bien une baisse de la
participation étatique directe
B. L'amoindrissement de l'implication étatique
indirecte
Cette amoindrissement se mesure à l'aune de l'analyse
du programme 177 du projet de loi de finance pour la période 2006
intitulé : politiques en faveur de l'inclusion sociale.
Pour bien comprendre le propos, il convient cependant de se replacer dans le
cadre de la LOLF. La nomenclature budgétaire en mode LOLF fait
clairement apparaître les politiques publiques, permet de suivre la
destination des crédits, et met en regard de ceux-ci un volet
performance inédit dans notre pays. Le budget général
comprend ainsi 34 missions79(*), 132 programmes80(*), sous la direction de 80 responsables de programme,
et 614 actions. À cela s'ajoutent 3 budgets annexes et 12 comptes
spéciaux soit 15 missions et 26 programmes hors budget
général.
Chaque programme dispose de 5 à 10 objectifs et
à chaque objectif correspond un ou deux indicateurs. Au total, le
budget 2006 comprend ainsi 630 objectifs et 1 300 indicateurs dont les quatre
cinquièmes sont chiffrés, alors que le Gouvernement
s'était engagé à en renseigner les deux tiers. La LOLF
vient enrichir l'information budgétaire. Cela se voit dans les annexes
au projet de loi de finances et notamment les nouveaux bleus
budgétaires, qui pour chaque programme d'une même mission,
présentent :
- le détail des crédits en action (nomenclature
expliquant la destination de la dépense) et par titre et
catégorie (nomenclature montrant la nature de la dépense) ;
- la présentation des dépenses fiscales
rattachées au programme ainsi que leur évaluation ; cette
ventilation des dépenses fiscales entre programmes permet de bien
identifier l'effort consacré par l'État à chaque politique
publique ;
- le projet annuel de performances qui présente : le
programme, ses actions et la stratégie du responsable de programme ; ses
objectifs et indicateurs ; la justification au premier euro des crédits
demandés qui permettra d'expliciter les crédits soumis au vote du
Parlement et d'apprécier la sincérité de la loi de
finances ; les principaux opérateurs de l'État dont l'action est
liée au programme, ainsi que leurs emplois ; les coûts des actions
associées à ce programme afin de montrer l'ensemble des
coûts de chaque action, y compris ceux pris en charge par d'autres
programmes, notamment pour les fonctions de soutien.
C'est à une véritable
révolution/modernisation budgétaire à laquelle on
assiste ; laquelle oblige dès lors à un effort d'analyse
renforcé pour mettre en lumière l'amoindrissement discret de la
participation financière de l'Etat dans les politiques publiques,
notamment en matière d'inclusion sociale.
Le programme 177 dans sa présentation
générale ne donne pas à voir une quelconque
réduction des fonds octroyés par l'Etat au titre de la lutte
contre l'exclusion. En effet, on observe ainsi:
Présentation par action et titre des
crédits demandés pour 2006
Autorisations d'engagement
Numéro et intitulé de l'action / sous-
action
|
Titre 3
Dépenses de
fonctionnement
|
Titre 6
Dépenses
d'intervention
|
Total
Pour
2006
|
Fonds
de concours
attendus en 2006
|
01 Prévention de l'exclusion
|
|
60.008.274
|
60.008.274
|
|
02 Actions en faveur des plus vulnérables
|
|
740.863.460
|
740.863.460
|
12.200.000
|
03 Conduite et animation de la politique de lutte contre
l'exclusion
|
1.660.963
|
30.387.303
|
32.048.266
|
|
04 Rapatriés
|
|
177.800.000
|
177.800.000
|
|
Totaux
|
1.660.963
|
1.009.059.037
|
1.010.720.000
|
12.200.000
|
Crédits de paiement
Numéro et intitulé de l'action / sous-action
|
Titre 3
Dépenses de
fonctionnement
|
Titre 6
Dépenses
d'intervention
|
Total
pour
2006
|
Fonds
de concours
attendus en 2006
|
01 Prévention de l'exclusion
|
|
60.008.274
|
60.008.274
|
|
02 Actions en faveur des plus vulnérables
|
|
741.115.245
|
741.115.245
|
12.200.000
|
03 Conduite et animation de la politique
de lutte contre l'exclusion
|
1.660.963
|
30.167.303
|
31.828.266
|
|
04 Rapatriés
|
|
177.800.000
|
177.800.000
|
|
Totaux
|
1.660.963
|
1.009.090.822
|
1.010.751.785
|
12.200.000
|
On constate qu'entre les autorisations et les crédits
de paiements une différence minime apparaît. Cependant, ce seul
élément ne permet évidemment pas d'attester l'existence
d'un amoindrissement de la participation indirecte au financement des
dispositifs sociaux curatifs déjà mis en place. Par contre, le
tableau suivant présentant les crédits par titre et
catégorie lui le permet :
Présentation des crédits par titre et
catégorie
|
Autorisations d'engagement
|
Crédits de paiement
|
Titre et catégorie
|
Consommées en
2004
|
Ouvertes en LFI
pour 2005
|
Demandées
pour 2006
|
Consommées en 2004
|
Ouvertes en LFI
pour 2005
|
Demandées
pour 2006
|
Titre 3. Dépenses de fonctionnement
|
|
1.660.963
|
1.660.963
|
|
1.660.963
|
1.660.963
|
Dépenses de fonctionnement autres que celles de
personnel
|
|
2.000
|
2.000
|
|
2.000
|
2.000
|
Subventions pour charges de service public
|
|
1.658.963
|
1.658.963
|
|
1.658.963
|
1.658.963
|
Titre 6. Dépenses d'intervention
|
|
865.213.122
|
1.009.090.822
|
|
867.691.122
|
1.009.059.037
|
Transferts aux ménages
|
|
92.265.710
|
208.965.710
|
|
92.265.710
|
208.965.695
|
Transferts aux entreprises
|
|
8.000.000
|
9.500.000
|
|
8.000.000
|
9.500.000
|
Transferts aux collectivités territoriales
|
|
5.376.154
|
6.043.934
|
|
7.882.382
|
6.050.103
|
Transferts aux autres collectivités
|
|
759.571.258
|
784.581.178
|
|
759.543.030
|
784.543.239
|
Totaux hors fonds de concours prévus
|
|
866.874.085
|
1.010.751.785
|
|
869.352.085
|
1.010.720.000
|
Fonds de concours
|
|
|
12.200.000
|
|
|
12.200.000
|
Totaux y compris fonds de concours
prévus
|
|
866.874.085
|
1.022.951.785
|
|
869.352.085
|
1.022.920.000
|
Ce qui intéressant dans ce tableau c'est bien entendu
de pouvoir constater la baisse que connaissent les transferts aux
collectivités territoriales au sein du PLF 2006, dans la programmation
relative à l'inclusion sociale témoignant pour le coup d'un
amoindrissement plus que sensible de la participation de l'Etat, celle-ci
passant de 7.882.382 euros à
6.050.103 soit une baisse de -30%. Il
apparaît donc bel et bien que l'Etat amoindrit indirectement sa
participation.
III. Le dépérissement des leviers fiscaux
locaux
«Trop d'impôts tue
l'impôt»81(*)
L'économiste américain Arthur Laffer, à
la fin des années 1970, avait émis cette idée et avait
tenté de théoriser ce qu'il nommait «l'allergie
fiscale», à l'aide de la courbe82(*) qui porte son nom et qui veut
montrer qu'à partir d'un certain montant, les prélèvements
obligatoires incitent les contribuables, soit à réduire leurs
activités, soit à frauder. Cette idée anciennement
développée par d'autres économistes libéraux comme
Adam Smith83(*) ou
encore Jean-Baptiste Say84(*) applicable à l'impôt sur le revenu peut
trouver une certaine «continuation» dans l'analyse qui peut
être faite de la pression fiscale locale.
Il arrive ainsi un moment où le taux d'imposition
arrive à un seuil au delà duquel il ne doit plus augmenter sous
peine d'inciter les individus à ne plus travailler car leurs revenus
supplémentaires servent à payer l'impôt. Transposé
aux impôts locaux, cela revient à dire, qu'il est seuil au
delà duquel les collectivités ne peuvent plus faire augmenter
l'impôt (taxe d'habitation, taxe foncière sur les
propriétés bâties, taxe foncière sur les
propriétés non bâties, taxe professionnelle) parce que la
pression fiscale serait alors contre productive en terme d'attractivité.
Ce qui revient à montrer la factualité de la logique lafferienne
(A), sur laquelle s'articule la résidualité des marges de
manoeuvres (B) juste prolongement des propos qui précédent.
A. La factualité de la logique lafferienne
Pour saisir le propos qui va suivre, il convient de
présenter quelques données chiffrées aptes à rendre
plus intelligible la démarche sous tendant la mise en exergue du
caractère factuel et opératoire de la logique lafferienne. Au
regard de ces données doit ainsi apparaître le fait
qu'aujourd'hui, le système fiscal local et les taux qui lui sont
associés ne peuvent plus être ré-haussée sous peine,
de devenir contre productifs.
Évolution des taux d'imposition par type de
collectivités en % (métropole)
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005
Taux 2005
Communes
taxe d'habitation + 4,2 + 1,0 + 0,7 + 0,2 - 0,5 + 0,5 +
1,7 + 1,4 +1,5 +1,4 13,66
foncier bâti + 4,1 + 1,0 + 0,7 + 0,2 - 0,4 + 0,4 + 1,7
+ 1,5 +1,5 +1,1 17,47
foncier non bâti + 0,9 - 0,2 + 0,1 + 0,0 + 0,1 +
1,0 + 1,3 + 1,0 +1,1 +0,4 38,7
taxe professionnelle + 3,3 + 1,0 + 0,6 + 0,1 - 0,4 + 0,5
+ 1,6 + 1,6 +1,0 +0,2 12,34
Communes et groupements
taxe d'habitation + 4,5 + 1,5 + 1,1 + 0,4 - 0,3 + 0,7 +
1,9 + 1,6 +1,2 +1,1 14,29
foncier bâti + 4,5 + 1,5 + 1,1 + 0,4 - 0,2 + 0,6 + 1,9
+ 1,7 +1,2 +1,1 18,22
foncier non bâti + 1,9 + 1,1 + 0,8 + 0,6 + 0,3 + 1,0
+ 1,9 + 1,4 +1,1 +1,0 43,61
taxe professionnelle + 3,4 + 1,6 + 0,9 + 0,5 + 0,0 + 0,7 +
1,4 + 1,4 +1,4 +1,1 15,44
Départements85(*)
taxe d'habitation + 3,6 + 1,4 + 0,8 + 0,5 - 0,4 - 0,9 +
3,2 + 3,5 +1,2 +3,9 6,60
foncier bâti + 3,5 + 1,3 + 0,7 + 0,7 - 0,2 - 0,2 + 3,7
+ 3,7 +1,1 +4,3 9,21
foncier non bâti - 10,2 + 0,9 + 0,7 + 0,5 + 0,3 - 0,3
+ 3,4 + 3,8 +0,8 +3,8 22,54
taxe professionnelle + 3,6 + 1,3 + 0,7 + 0,6 - 0,1 - 0,6 +
3,5 + 4,3 +1,3 +4,7 7,82
Régions
taxe d'habitation + 4,3 - 1,1 - 0,4 + 0,0 + 2,7 s.o. s.o.
s.o. s.o. s.o. s.o.
foncier bâti + 3,6 - 0,8 - 0,4 + 0,3 + 2,3 + 0,9 +
0,3 + 0,2 +0,3 +20,0 2,38
foncier non bâti + 1,6 - 1,8 - 0,4 + 1,3 + 4,9 + 1,5
+ 0,1 + 0,2 +0,3 +16,1 5,93
taxe professionnelle + 3,8 - 0,9 - 0,4 + 0,4 + 2,8 + 1,0 +
0,3 + 0,2 +0,5 +21,8 2,48
Source : Direction générale des
collectivités locales/DESL. Mise en ligne : janvier 2006
Evolution des taux d'imposition en 2005 (France
entière)
Taux moyen Evolution
en % en %
Départements ensemble des 4 taxes +
4,3
taxe d'habitation 6,61 + 3,8
foncier bâti 9,27 + 4,2
foncier non bâti 22,18 + 3,7
taxe professionnelle 7,81 + 4,6
Régions ensemble des 4 taxes +
21,0
taxe d'habitation s.o. -
foncier bâti 2,39 + 19,9
foncier non bâti 5,79 + 15,9
taxe professionnelle 2,48 + 21,7
Source : Direction générale des
collectivités locales/DESL. Mise en ligne : janvier 2006
En 2005, les départements et les régions ont
décidé d'augmenter leurs taux respectivement de + 4,3 % et de +
21,0 %. Notons qu'en l'absence de taxe d'habitation la fiscalité
régionale touche peu les ménages, les propriétaires et les
entreprises sont plus directement concernés.
«Les départements ont voté un produit
de 16,66 milliards d'euros soit une augmentation de 1,22 milliard d'euros et
les régions ont voté un produit total de fiscalité de 3,94
milliards d'euros soit une augmentation de 0,78 milliard d'euros. Cette
évolution est surtout sensible pour la taxe professionnelle qui
connaît une variation de taux de + 4,6 % pour les départements et
de + 21,7 % pour les régions. Ces évolutions
interviennent après des années de croissance
régulière et modérée des taux départementaux
et régionaux. Les départements et les régions ont eu
davantage recours à la «déliaison» des taux en 2005, ce
qui explique entre autre la concentration de la hausse de la fiscalité
sur la taxe professionnelle. En 2005, 71 départements et 22
régions ont augmenté leur taux de taxe professionnelle contre 38
départements et 3 régions l'année
précédente. Les évolutions enregistrées dans les
départements et les régions sont néanmoins à
apprécier en regard de la part que représentent les produits
fiscaux de ces collectivités dans le produit global de fiscalité
directe. Ainsi, l'évolution des taux régionaux implique en
moyenne pour le contribuable à la taxe sur le foncier bâti un
supplément d'impôt de 21€.»86(*).
Ces évolutions de la fiscalité interviennent
dans un contexte de mutations pour les départements et les
régions dont les budgets connaissent une forte croissance. Ces
collectivités augmentent leurs taux de fiscalité afin de se
préserver une marge de manoeuvre en perspective des nouvelles
compétences qu'elles s'apprêtent à exercer (loi du 13
août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales)
ou de la montée en charge des compétences anciennement
dévolues. Ce qui est tout à fait significatif à la lecture
de ces chiffres c'est :
- la montée quasi constante de ces taux (cf.
Évolution des taux d'imposition par type de collectivités en
%),
- le niveau atteint par les taux et tout
particulièrement celui de la taxe professionnel, dont on peut d'ores et
déjà dire sans empiéter sur les développement
ultérieurs qu'il semble atteindre un pallier au dessous duquel il serait
contre productif de se situer et d'aller.
A cela s'ajoute la remarque suivante qui constitue finalement
la conclusion de la démonstration, l'augmentation d'un point de
l'impôt représente à son terme qu'une levée de 2
millions d'euros relativisant ainsi de beaucoup l'impact supposé d'une
hausse significative des taux d'impositions.
B. La résidualité des marges de manoeuvres
La marge de manoeuvre fiscale des collectivités locales
peut se définire comme «la capacité des
collectivités d'influencer le montant de leurs recettes fiscales en
votant les taux de leurs impôts»87(*). Plus les impôts considérés
représentent une part importante des recettes des collectivités
locales, plus la marge de manoeuvre fiscale est grande. La part des recettes
fiscales correspondant à des impôts dont les collectivités
locales votent les taux, rapportée aux recettes totales hors emprunt des
collectivités locales françaises, est importante comparée
à celle des autres pays de l'Union européenne.
Ainsi en 1995, une étude réalisée par le
Crédit local de France faisait apparaître «qu'au sein de
l'Union européenne, seules les collectivités suédoises
avaient une marge de manoeuvre fiscale (60 %) supérieure à la
situation des collectivités françaises (54 %)».
En revanche, les modalités du vote des taux par les
collectivités locales françaises correspondent aux pratiques en
vigueur dans l'Union européenne. Il apparaît en effet que plus la
possibilité de voter les taux s'applique à une fraction
importante des recettes fiscales des collectivités locales, plus la
liberté de voter les taux est encadrée :
- la Belgique, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne accordent
une liberté totale en matière de vote des taux, mais les
impôts concernés représentent moins de la moitié des
recettes fiscales des collectivités ;
- à l'inverse, au Danemark et en Italie, les
collectivités votent les taux de la plupart des impôts qu'elles
perçoivent, mais leur liberté en matière de vote des taux
est encadrée par des mécanismes de plafonnement des
taux ;
- l'Allemagne a le régime le plus restrictif puisque
les collectivités locales supportent un encadrement des taux alors que
les impôts concernés ne représentent qu'une faible part de
leurs recettes fiscales. A l'inverse, en Espagne, les collectivités
votent librement les taux d'impôts qui représentent près de
60 % de leurs recettes fiscales totales.
La situation de la France s'apparente à celle du
Danemark et de l'Italie. Le produit des quatre taxes directes locales
représentait en 200488(*) environ 70 % du total des recettes
fiscales des collectivités, respectivement : 73.9 % pour les
communes et groupements, 75.3% pour les départements,
66.1% pour les régions. Cependant, la liberté des
collectivités locales de voter les taux de leurs impôts
connaît des limites89(*).
Se faisant, on se rend compte que les collectivités
locales n'utilisent pas toujours la possibilité de faire varier
librement les taux de leurs impôts directs qui leur a été
conférée90(*) et continuent souvent, comme auparavant, à
faire varier l'ensemble des taux dans les mêmes proportions.
Si les collectivités locales sont contraintes en
matière de fixation des taux, elles utilisent largement leur
capacité de prendre des délibérations pour accorder aux
contribuables locaux des exonérations. En matière de taxe
d'habitation, 6.894 communes ont décidé en 1999 un abattement
général à la base de 15 %, alors même que le code
général des impôts accorde déjà des
exonérations et des dégrèvements très larges pour
les contribuables modestes. Concernant la taxe professionnelle, 10.372
communes, 67 départements et 14 régions ont opté pour
l'exonération de taxe professionnelle en cas de création
d'entreprises industrielles dans les zonages d'aménagement du
territoire. A l'inverse, très peu de communes utilisent leur
possibilité de revenir sur des exonérations accordées par
la loi (seulement 18 ont supprimé l'exonération de taxe
professionnelle dans les zones de revitalisation rurales)91(*). Ces données
méritent d'être soulignées car elles témoignent du
fait que les collectivités utilisent les facultés qui leurs sont
accordées en matière de fiscalité, quand bien même
les exonérations qu'elles accordent ne font pas l'objet d'une
compensation financière de la part de l'Etat.
On observe donc bien le fait que la marge de manoeuvre fiscale
des collectivités locales françaises tend à se
réduire. Jusqu'à ces dernières années, il
était aisé d'identifier le produit des impôts directs
locaux, qui correspondait au produit perçu par les collectivités
locales, qu'il soit acquitté par les contribuables ou par l'Etat, qui
prend en charge les dégrèvements. Les compensations
étaient d'une nature différente, distincte des ressources
fiscales. Aujourd'hui, les compensations ne sont plus un
phénomène marginal. «Le caractère massif du
remplacement de recettes fiscales locales par des compensations se traduit par
un brouillage de la ligne de partage entre fiscalité et
compensations»92(*).
Au cours du temps, l'Etat a été amené
à décider d'un certain nombre d'allégements dont il a pris
à son compte l'essentiel de la charge, ses contributions ont ainsi pris
deux formes :
- les dégrèvements : l'État se substitue
à certains contribuables pour régler tout ou partie de leur
cotisation due aux collectivités et incluse dans le produit fiscal
qu'elles ont voté. Une partie de ce montant est néanmoins
financée par les contribuables aux quatre taxes au titre des frais de
dégrèvement, et n'est donc pas à la charge de
l'État.
- les allocations compensatrices, versées en
complément du produit des quatre taxes pour compenser les pertes de
produit fiscal entraînées par les exonérations. Les
collectivités n'ont pas la maîtrise de cette ressource.
Se faisant l'expression «fiscalité locale»
tend à devenir un terme générique qui englobe non
seulement le produit des impôts locaux mais également les
compensations, qui ne sont pourtant plus des recettes fiscales puisque leur
montant n'évolue ni en fonction des taux, ni des bases des impôts
locaux, rendant ipso facto évidente : la
résidualité des marges de manoeuvres fiscales des
collectivités locales.
Chapitre 2nd : L'établissement d'une
sur-responsabilisation
Voici, dans mes vieilles idées, le grand
problème en politique que je compare à celui de la quadrature du
cercle en géométrie et à celui des longitudes en
astronomie : trouver une forme de gouvernement qui mette la loi au-dessus
de l'homme
Rousseau, 1827
L'Union européenne - et les acteurs politiques et
sociaux qui influencent, conduisent ou mettent en oeuvre son action - a
aujourd'hui à sa disposition 4 grandes méthodes pour produire une
action en matière sociale à l'égard des Etats membres : le
droit européen classique (directives et règlements), le droit
européen conventionnel issu du Dialogue social (les accords
européens), les méthodes ouvertes de coordination (MOC) et les
instruments financiers (le Fonds social européen, FSE). Ces
méthodes sont de nature très différente, se distinguant
entre elles notamment par leur historicité - certains datent de
l'origine (droit classique et FSE), d'autres des années 90 (droit
conventionnel et MOC) -, par leur portée juridique - contraignante
(droit classique et droit conventionnel) ou incitative (MOC et FSE),
distributive (FSE) ou «régulatoire» (les trois autres) -, par
les configurations d'acteurs qui y sont associés, formellement et
factuellement (le rôle que remplissent les partenaires sociaux, dans
leurs formes organisationnelles nationales ou européennes, n'est par
exemple pas du tout le même selon les instruments pris en
considération).
Traitant de la question de l'européanisation de la
politique sociale française, et surtout de l'inclusion sociale et de son
impact sur la transformation de la collectivité territoriale en
«collectivité providence», il est apparu intéressant
d'adjoindre à la question classique du rapport entre système
politique national et système politique européen, la prise en
compte d'une variable peu/pas examinée dans la littérature
existante sur «l'Europe sociale»: la question de l'impact de
l'établissement d'une responsabilisation des acteurs publiques nationaux
et locaux différenciée, produite par l'Union Européenne.
La nature tout à fait novatrice de la méthode mise en oeuvre
à l'occasion de la stratégie de Lisbonne, sur la
thématique de l'inclusion sociale offre une occasion tout à fait
singulière de traiter cet aspect-ci d'une politique publique.
L'objectif central va donc être ici de repérer
s'il existe des différences significatives dans les modes et les
contenus de responsabilité publique qui sont produites au niveau
européen et "réceptionnés" au niveau national, en rapport
avec la thématique retenue de l'inclusion sociale, selon que cette
action passe par le canal du droit européen classique, du droit
européen conventionnel, de la MOC ou du FSE. Dans le traitement de la
question de l'européanisation de la politique sociale française
sur le volet «inclusion», il s'agira de mettre en évidence non
seulement les impacts sur la politique sociale nationale de l'action publique
en matière sociale issue du niveau européen mais aussi les
co-évolutions entre les initiatives politiques prises en matière
sociale au plan national et local. En effet, une attention portée
uniquement aux phénomènes d'européanisation risque de
surdéterminer l'influence de l'action issue de ce niveau de pouvoir aux
dépens des évolutions nationales «endogènes». De
même, il faut prendre garde à une analyse qui serait uniquement
sectorielle de la problématique, qui abstrairait la politique sociale
européenne, et son impact sur la politique sociale nationale et locale
des autres politiques menées.
Dans la poursuite de cet objectif, seront donc ainsi
traités, l'européanisation des politiques sociales
européennes (I), donnant lieu, à la production d'une
législation nationale coercitive (II), laquelle s'articule sur la
territorialisation des enjeux sociaux (III). Ces éléments
participants de la compréhension de la «difficile»
pérennisation des dispositifs sociaux curatifs.
I. L'Européanisation des politiques publiques
sociales
«En vertu du principe de subsidiarité, dans
les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive,
l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de
l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière
suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau
régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des
dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de
l'Union»93(*)
L'irruption récente de l'Europe comme variable
explicative des réformes survenues dans le domaine des politiques
sociales constitue un tournant significatif des recherches portant sur
l'évolution des États-providence. L'analyse de l'action publique
s'est en effet longtemps appuyée sur une double évidence excluant
toute influence communautaire dans les politiques sociales. D'une part, les
traités européens sont remarquablement clairs sur l'application
du principe de subsidiarité dans ce domaine. D'autre part, l'observation
des États-providence européens ne permet pas de conclure à
leur convergence vers un régime de protection sociale unique.
L'hétérogénéité structurelle et
institutionnelle dont rend compte la typologie de Gøsta
Esping-Andersen94(*)
persiste dans les préférences affichées par les
États-providence lors de leurs réformes successives, suivant un
schéma classique de path dependence95(*).
Au cours des années 1990, la libéralisation
concomitante des systèmes de santé européens a cependant
soulevé l'hypothèse d'un alignement dynamique des réformes
sur un référentiel de marché (Freeman et Moran, 2000,
Hassenteufel, 2003). Plus récemment, la notion
d'européanisation96(*) des politiques publiques a permis d'envisager
l'existence, au niveau européen, d'un processus «d'harmonisation
cognitive» (Mandin et Palier, 2004) des réformes nationales, rendu
possible par la mise en oeuvre d'un dispositif politique particulier : la
méthode ouverte de coordination, mise en place au Conseil
européen de Lisbonne en mars 2000 et appliquée dans les domaines
de la lutte contre l'exclusion et la protection sociale depuis les sommets de
Nice (décembre 2000) et Stockholm (mars 2001). C'est dans cette
démarche que sera donc envisagée l'analyse fonctionnelle de
l'inclusion sociale (A) s'articulant ensuite avec une analyse
séquentielle de l'inclusion sociale (B), propre à mettre en
exergue la lente diffusion d'une responsabilité des acteurs (nationaux
et locaux) au travers les différents dispositifs mis en place. Ces
éléments étant constitutifs d'autant de contrainte dans le
processus de pérennisation des actions et dispositifs sociaux
curatifs.
A. L'analyse fonctionnelle de l'inclusion sociale
La réduction de la pauvreté est restée,
pendant plusieurs dizaines d'années, un objectif diffus des politiques
européennes. L'ensemble des mesures communautaires allant dans ce sens
depuis la fin des années soixante-dix n'est pourtant pas
négligeable ; néanmoins, ce n'est qu'à partir du Conseil
européen de Lisbonne en 2000 qu'une véritable politique de lutte
prend forme et s'articule autour d'un agenda social formalisé, ouvrant
un nouveau cycle de politiques publiques.
Depuis 1957, on observe une évolution
considérable du contenu comme des instruments de la politique sociale
européenne. Quatre étapes peuvent être
identifiées:
-les règlements relatifs à la libre circulation
des travailleurs après 1957;
-les directives sur la santé et la
sécurité après l'Acte unique européen en 1986 :
dans ces domaines, la législation européenne a joué un
rôle majeur;
-les accords des partenaires sociaux européens
après le traité de Maastricht en 1993;
-la méthode ouverte de coordination visant à
mettre en oeuvre la stratégie européenne pour l'emploi
après le traité d'Amsterdam en 1997.
Le milieu des années 90 a été
caractérisé par l'arrivée de nouveaux États membres
dans l'Union : la Suède et la Finlande ont apporté avec elles le
modèle scandinave de complémentarité vertueuse entre les
politiques économiques, les politiques sociales et les politiques
d'emploi.
Marché intérieur Social
Approche intégrée
Economie Politique sociale Economie Emploi
1986-1994 1995-2004
Dès le milieu des années 90, l'UE et ses
États membres ont commencé à modifier leur approche de la
politique sociale: affirmation de l'emploi comme un objectif, et non plus
seulement comme un résultat de la politique économique; attention
accrue portée aux politiques sociales en tant qu'investissement (et non
seulement en tant que coût), et au rôle «productif» de la
politique sociale dans le cadre d'un cercle vertueux combinant
flexibilité et sécurité d'emploi, adaptabilité et
employabilité. Ceci a entraîné un renforcement significatif
de la politique de l'emploi et de la politique sociale européenne
à la fois en termes politiques et en dispositions institutionnelles,
tout d'abord à Amsterdam avec le titre «Emploi» et
l'incorporation du protocole de Maastricht dans le Traité, et ensuite
à Lisbonne avec l'affirmation des objectifs intégrés et le
lancement de la méthode ouverte de coordination comme nouvel instrument
permettant d'aborder les questions de politique sociale.
L'analyse de l'évolution de la politique sociale
européenne montre que, malgré les progrès
enregistrés, la politique sociale a toujours couru derrière la
politique économique. La stratégie de Lisbonne vise à
concilier politique économique, politique de l'emploi et politique
sociale en les centrant sur les objectifs définis en commun que sont
l'amélioration de la compétitivité, la recherche du
plein-emploi et la promotion de l'insertion sociale. Le principe sous-jacent
est que ces politiques ne sont pas astronomiques, mais qu'elles peuvent se
renforcer mutuellement. Compte tenu des incertitudes et des complexités
inhérentes à la définition de politiques dans l'Union
élargie, la mise en oeuvre adéquate et cohérente de la
stratégie de Lisbonne suppose l'incorporation de l'inclusion sociale
dans un ensemble plus vaste d'action publique. La nouveauté de cette
politique réside principalement dans trois de ses
caractéristiques liées. Premièrement, son cadre
intellectuel a changé et a intégré plusieurs
éléments issus de la pensée programmatique de la
«Troisième Voie» (Third Way), promue entre autres par
le courant du New Labour en Grande-Bretagne97(*). En simplifiant, l'exclusion
sociale y est abordée en termes de responsabilité individuelle,
d'où un renforcement des liens entre assistance sociale et contrepartie
obligatoire en travail, les politiques de Workfare tendant ainsi
à se substituer aux politiques traditionnelles d'assistance par le
Welfare-State (Merrien, 2000 : 117).
Le poverty trap ou job trap,
c'est-à-dire la «désincitation» à l'emploi
dû à un niveau trop élevé de prestations sociales et
l'installation durable dans l'assistance d'une partie de la population, est au
coeur des politiques d'inclusion sociale qui visent à ramener autant
d'individus que possible sur le marché du travail en renforçant
les politiques d'activation de l'emploi98(*). Deuxièmement, les politiques d'inclusion
sociale sont dotées d'une structure d'exécution inédite,
la méthode ouverte de coordination, dont on a posé quelques
jalons descriptifs en introduction. La méthode ouverte de coordination
avait déjà connu une application dans le cadre de la
Stratégie Européenne pour l'Emploi, élaborée au
Conseil européen d'Amsterdam en 1997. Toutefois, sa mise en oeuvre
était alors fortement associée à une autre politique,
l'Unification Européenne Monétaire, dont elle devait constituer
le volet social complémentaire. L'application de la méthode
ouverte de coordination à l'inclusion sociale inaugure de ce fait une
certaine forme d'autonomie pour le dispositif, bien que ce dernier demeure
expérimental et fragile à plusieurs égards99(*). Enfin, l'évaluation
systématique des efforts effectués par les États-membres
constitue la troisième caractéristique discriminante permettant
de distinguer l'ouverture d'un nouveau cycle dans le champ des politiques
publiques d'inclusion sociale.
Ces éléments sont autant de témoignage du
passage d'une responsabilité à minima des Etats membres à
une responsabilité renforcée de ces derniers dont l'analyse
fonctionnelle de l'inclusion sociale peut révéler les traces. Sur
ce terrain, les propos de l'Union sont très clairs «(...)
L'Europe doit renouveler les bases de sa compétitivité, augmenter
son potentiel de croissance ainsi que sa productivité et renforcer la
cohésion sociale, en misant principalement sur la connaissance,
l'innovation et la valorisation du capital humain. Pour atteindre ces
objectifs, l'Union doit davantage mobiliser tous les moyens nationaux et
communautaires appropriés- y compris la politique de cohésion -
dans les trois dimensions économique, sociale et environnementale de la
stratégie pour mieux en exploiter les synergies dans un contexte
général de développement durable»100(*). Comme le
précise la commission ses propositions visent à obtenir
des améliorations dans deux domaines principaux. En premier lieu, la
dimension stratégique de la politique de cohésion est
renforcée afin d'assurer une meilleure intégration des
priorités communautaires dans les programmes de développement
nationaux et régionaux. En second lieu, des efforts sont faits afin de
garantir une meilleure appropriation de la politique de cohésion sur le
terrain. Cela se traduit par «un dialogue renforcé au sein des
partenariats formés par la Commission, les États membres et les
régions, ainsi que par un partage de responsabilités plus
clair et plus décentralisé dans des domaines comme la
gestion et le contrôle financiers. Les propositions aboutiraient
également à une répartition plus transparente des
responsabilités entre la Commission, les États membres et le
Parlement»101(*). La référence à une
responsabilisation par les instances européennes est clairement
évoquée comme devant guider l'action publique inclusive.
L'amélioration des performances économiques,
l'obtention d'une meilleure insertion sociale, la création d'emplois
s'est avérée difficile, en dépit d'efforts politiques
considérables; les sources de la croissance économique ne sont
pas bien comprises; l'environnement extérieur n'est pas favorable. Mais,
il est toutefois possible et réaliste de penser que l'UE puisse faire
des progrès. Pour réaliser ce projet, il est essentiel que les
politiques économiques et sociales soient coordonnées. Dans le
passé, les politiques sociales ont trop souvent été
conçues sans prendre en compte leurs conséquences
économiques. Les régimes de prestations d'assurance-chômage
ont été introduits, ou étendus, sans qu'une
évaluation complète des éventuels effets dissuasifs sur
l'emploi ait été réalisée, et font maintenant
partie du problème. Les régimes de préretraite ont
été utilisés pour résoudre les problèmes
à court terme du marché du travail, sans tenir compte de leur
impact sur le ratio de dépendance. Inversement, la politique
macroéconomique a trop souvent été menée sans se
soucier des conséquences sociales. Le coût des politiques
déflationnistes n'a pas été partagé de façon
égale. Les appels en faveur de la flexibilité du marché du
travail n'ont pas tenu compte du besoin de sécurité de revenu.
Les politiques économiques et sociales devraient être conjointes
afin d'éviter que les problèmes dans un domaine soient
exacerbés par les solutions adoptées dans un autre. Une telle
approche intégrée pose à son tour une difficulté
quant aux structures du gouvernement. Dans les États membres, c'est le
ministère des finances, ou le Trésor, qui s'occupe en
règle générale d'améliorer les performances
économiques et c'est le ministère des affaires sociales ou de la
politique sociale qui est chargé de la justice sociale. De même,
au niveau de l'Union, on retrouve plusieurs DG. Une approche cohérente
est nécessaire au niveau des gouvernements nationaux aussi bien qu'au
niveau européen.
Par ailleurs, il convient de reconnaître que chaque
État membre rencontre des problèmes spécifiques qu'il faut
prendre en compte lors de l'examen de la position du pays. En particulier, les
coûts de la réunification ont eu un impact durable sur
l'économie allemande et ont nécessité la mise en place
d'importantes réformes. Le principe de subsidiarité permet aux
États membres de faire de tels ajustements sans qu'il soit
nécessaire que les autres États membres prennent des mesures dans
le domaine de la politique sociale. Le processus d'inclusion sociale est assez
flexible pour permettre aux pays de choisir des instruments différents
afin d'atteindre les objectifs arrêtés en commun. Lorsqu'il a
relancé la stratégie de Lisbonne, le Conseil européen a
approuvé un ensemble unique d'orientations rassemblant les grandes
orientations de politique économique et les lignes directrices de la
stratégie européenne pour l'emploi, intégrant ainsi les
diverses politiques - politique macroéconomique, politique
microéconomique et politique de l'emploi - menées pour promouvoir
la croissance et la création d'emploi. Conformément à la
proposition de règlement, les priorités des orientations
stratégiques communautaires en matière de cohésion dans
les domaines de l'emploi et des ressources humaines doivent être de la
stratégie européenne pour l'emploi.
En termes de développement du capital humain, les
lignes directrices pour l'emploi proposent trois priorités d'action pour
les politiques d'emploi des États membres:
- attirer et retenir un plus grand nombre de personnes sur le
marché du travail et moderniser les systèmes de protection
sociale;
- améliorer la capacité d'adaptation des
travailleurs et des entreprises et accroître la flexibilité des
marchés du travail;
- investir davantage dans le capital humain par
l'amélioration de l'éducation et des compétences.
L'analyse fonctionnelle de l'inclusion sociale révèle donc,
à la marge, l'émergence et la diffusion d'une responsabilisation
des différents acteurs et intervenants.
B. L'analyse séquentielle de l'inclusion sociale
L'action publique et celle plus singulière d'inclusion
sociale révèlent une série de mutations importantes dont
les analyses ne rendent compte que partiellement. Parmi ces mutations, la
multiplication des acteurs jugés aptes à participer n'est pas
sans poser problème tant aux praticiens qu'aux analystes puisque
révélant des niveaux divers et variées d'interactions et
de responsabilités.
Les théories de la gouvernance envisagent l'action
publique comme une action à plusieurs au sein de laquelle sont
amenés à interagir une multitude d'acteurs qui tous ont un
intérêt pour agir. S'intéressant tout
particulièrement aux phénomènes de privatisations et
d'intrication du public et du privé, ces théories envisagent la
responsabilisation au travers l'ingénierie et le design institutionnel.
La littérature sur les réseaux de politiques
publiques analyse les processus de responsabilisation et de
hiérarchisation entre les différents acteurs des politiques
publiques, les chaînes de relations qui s'établissent entre les
différents partenaires permettant une grande stabilité des
réseaux, mais c'est dans l'oeuvre d'un auteur américain de la fin
des années 1970, et dans une théorie fondant l'analyse
séquentielle que l'on trouve l'apport le plus pertinent sur la
responsabilisation.
Parler d'analyse séquentielle à ce stade-ci,
implique une référence très nette à la science
politique. C'est en effet à un auteur américain Charles
Jones102(*), que l'on
doit l'analyse séquentielle d'une politique publique.
L'intérêt de cette analyse est de révéler que dans
la décision publique et de façon plus globale dans une action
publique, des séquences d'action successives se succèdent.
Cette «séquentialité» permet de faire
émerger l'idée d'une responsabilisation, responsabilisation que
l'on peut définir comme la sensibilisation à l'exercice des
fonctions et aux risques inhérents aux missions
assurées103(*).
Ces séquences sont ainsi les suivantes :
1-la mise sur l'agenda ;
2- la formulation politique, stade de la production de
solutions ou d'alternatives ;
3-décision, qui est a priori le moment le plus visible
et le plus objectivable, qui est d'ailleurs celui de l'émergence de la
responsabilisation ;
4-la mise en oeuvre (implementation). Cela renvoi
à l'exécution pratique ou à la non-exécution, des
décisions élaborées aux stades antérieurs ;
5-l'évaluation, qui concerne les modalités de
vérification des effets pratiques de la décision (mais qu'on
traitera dans la seconde partie du mémoire) ;
6-la fin de l'action.
L'intérêt de cette méthode d'analyse, est
d'offrir un cadre assez simple et de mettre un peu d'ordre face à
ensemble de données complexe et hétérogène. Les
séquences de Jones sont en effet suffisamment larges pour s'appliquer
à toutes les politiques publiques. Ensuite, ce modèle d'analyse
se révèle à l'usage très utile parce qu'il rompt
avec une représentation de l'action publique très ancrée
qui consiste à appréhender les politiques publiques uniquement au
travers l'action des élites dirigeantes.
Jones sans doute parce qu'il est américain, a
élaboré un schéma d'analyse qui repose sur l'idée
selon laquelle la décision est un processus qui met en scène une
pluralité d'acteurs étatiques et non étatiques. Il permet
de prendre en compte le fait que la production des décisions est un
processus compétitif mettant aux prises des agents à
l'intérieur de la sphère politico-administrative et opposant
aussi des acteurs représentant l'Etat d'une part et la
société d'autre part. Enfin, cette analyse révèle
le lent processus «contractualiste» qui favorise la
responsabilisation ainsi entendue dans la mesure où «elle
permet de clarifier les missions et les objectifs assignées aux uns et
aux autres, de personnaliser les engagements des gestionnaires de faciliter le
contrôle de leur exécution»104(*). C'est là tout le défi d'une
politique comme l'inclusion sociale.
L'inclusion sociale en ce qu'elle vise à
«garantir que les personnes en danger de pauvreté et
d'exclusion sociale obtiennent les possibilités et les ressources
nécessaires pour participer pleinement à la vie
économique, sociale et culturelle, qu'elles jouissent d'un niveau de vie
et de bien-être considéré comme normal pour la
société dans laquelle ils vivent et leur garantit une meilleure
participation aux processus de prise de décision qui affectent leur vie
et un meilleur accès à leurs droits fondamentaux», ne
peut qu'enjoindre ses promoteurs et acteurs à une action responsable,
puisque la production de cette politique doit tenir compte de variables
communes. Cet élément est largement illustré par la
présentation même du budget inclusion sociale pour 2006 en France.
Face à des facteurs explicatifs souvent multiples et à des
mécanismes d'interaction complexes : «l'Etat a un
rôle essentiel à mener d'observation et d'analyse des
phénomènes de précarité et de pauvreté et
d'animation et de pilotage des politiques publiques»105(*). Dans cette
perspective, il s'agit non seulement de prévenir la pauvreté et
l'exclusion, de créer les conditions favorables à une sortie de
l'assistance, et de répondre à l'urgence, mais également
de soutenir la professionnalisation des intervenants, notamment du secteur
social et de renforcer le partenariat avec les acteurs chargés de l'aide
directe auprès des personnes. Le Plan de cohésion sociale,
présenté en juin 2004 et dont la partie législative a
été adoptée en janvier 2005, a été construit
en réponse à cette situation. Il a pour objectif de
systématiser les dispositifs favorisant la sortie de l'assistance au
profit d'un retour à l'activité ; de permettre une insertion
rapide aux jeunes rencontrant des difficultés particulières et de
rétablir l'égalité effective des chances entre les
populations, entre les territoires. «Le pilotage du programme et
l'animation interministérielle et interpartenariale des politiques de
lutte contre l'exclusion ont été confiés à la
direction générale de l'action sociale (DGAS). Elle les exerce,
notamment, à travers le secrétariat du comité
interministériel de lutte contre l'exclusion (CILE) et du conseil
national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion
sociale (CNLE). La DGAS est responsable du DPT inclusion
sociale»106(*).
Il se dégage indubitablement dans la formulation même des
propos une responsabilisation des intervenants, sous la houlette de l'Etat qui
lui-même répercute la politique européenne. Comme le
rappelle la commission «la réussite de la mobilisation en
faveur du plein-emploi et d'une productivité plus élevée
dépend d'une large gamme d'actions [...] Pour optimiser l'impact sur
l'emploi des investissements, les ressources humaines doivent aussi être
développées et renforcées. La politique de cohésion
doit principalement viser à relever les défis spécifiques
à chaque État membre mis en évidence dans la
stratégie européenne pour l'emploi, cela en soutenant des actions
s'inscrivant dans le cadre des objectifs de convergence et de
compétitivité régionale et d'emploi. L'éventail des
actions éligibles et des ressources financières est plus
important pour le premier de ces objectifs».
Bien que latente et bien qu'elle ne soit jamais clairement
évoquée, la responsabilité de chacun des intervenants, tel
qu'elle ressort de l'analyse séquentielle rapidement esquissée,
est la condition sine qua non de la réussite de l'action
publique européenne envisagée, et si cela paraît logique,
ça n'en est pas moins novateur en ce sens que peut se profiler à
l'horizon une véritable responsabilité juridique, dès lors
que des règlements ou des directives communautaires, établiront
une «obligatoriété» de types d'interventions publiques
spécifiques et ciblés.
II. La production d'une législation nationale
coercitive
«La crédibilité et l'efficience des
pouvoirs dépendent d'une architecture des responsabilités et des
agencements institutionnels relativement simple et lisible par les acteurs
sociaux et économiques»107(*)
L'Europe distille comme cela a pu être mis en exergue
une responsabilisation en direction des principaux acteurs nationaux et de
leurs démembrements locaux.
Le débat récurrent sur la responsabilité
des autorités publiques a vu des intervenants d'origines et d'horizons
très divers prendre part aux discussions, et pas seulement les experts
et les juristes, ce qui montre l'étendue et la visibilité du
problème. Philosophes, journalistes, spécialistes du nouveau
management public, politistes et artisans de la réforme de l'Etat et de
la décentralisation réfléchissent depuis plusieurs
années à la question, en lien avec les affaires, les accidents ou
les catastrophes qui l'ont rendue particulièrement sensible. La
responsabilité publique représente donc une notion à la
mode mais une mode dont l'Union semble avoir pris toute la mesure...Ainsi
posée, le débat sur la responsabilité administrative et
financière des autorités publiques (la responsabilité
pénale connexe ayant été mis de côté par
choix), place de coté
Se faisant, bien qu'acteur de principe, il réalise
néanmoins un surprenant basculement et transfert de
responsabilité en remaniant, sous couvert de décentralisation,
la promotion de la responsabilité administrative (A) et en
préservant la responsabilité financière des acteurs locaux
(B), illustrant ainsi le caractère coercitif de la production
législative nationale actuelle, ce dans la continuité de la
volonté communautaire dont il se fait le relais.
A. La promotion de la responsabilité administrative
Si l'Etat garde la charge des grandes politique de
santé, d'emploi, d'inclusion sociale et des grands principes
liés au logement social le tout dans l'optique de permettre l'exercice
correct du principe d'égalité, il ne c'est pas moins
réservé une porte de sortie tout à fait surprenante au
travers l'Acte 2 de la décentralisation. Contenues dans le titre III
(art. 49 à 74) de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative
aux libertés et responsabilités locales, les dispositions ayant
trait à la solidarité, à «l'inclusion» et
à la santé n'ont sans doute pas été les plus
discutées lors de l'élaboration de la loi, même si certains
débats de principe n'ont pu être évités.
L'Assemblée nationale a le plus souvent épousé les points
de vue du gouvernement en revenant au texte de base du projet de loi. Sur
certains points, le Sénat a été plus innovant, favorable
qu'il est à accroître la décentralisation et la libre
administration des collectivités territoriales et à donner
davantage de compétences aux élus. Cependant cette ivresse de
liberté se traduit bons grés mal grés par un
désengagement massif de l'Etat en tant qu'acteur historique et acteur de
principe de la politique publique inclusive en lieu et place du
département et de l'intercommunalité108(*). C'est ainsi que les centres
communaux d'action sociale dont le caractère obligatoire a
été menacé par un vote en première lecture du
Sénat ont été réhabilités par
l'Assemblée nationale. De même le transfert de compétence
du préfet au maire s'agissant du contingent de logements
réservés envisagé par le Sénat en première
lecture s'est transformé, après passage devant l'Assemblée
nationale, en une possibilité de délégation
conventionnelle.
Le titre III divisé en quatre chapitres, respectivement
consacrés à l'action sociale et médico-sociale, à
la mise en oeuvre de la protection judiciaire de la jeunesse, au logement
social et à la construction, à la santé, modifie quatre
codes : le code de l'action sociale et des familles, le code de la santé
publique, le code de la construction et de l'habitation et le code de
l'éducation. En ce qui concerne la solidarité et la
santé109(*),
l'acte II de la décentralisation traduit un renforcement du rôle
du département qui devient incontestablement chef de file de l'action
sociale. Outre cette fonction de chef de file, il se voit transférer
l'ensemble de l'action gérontologique, les instruments de lutte contre
la précarité et, à titre expérimental, la
protection judiciaire de la jeunesse. Face à ce pivot, les autres
collectivités publiques doivent se contenter de compétences assez
restreintes. La région, tente une incursion dans le secteur sanitaire et
social avec la formation professionnelle et l'aménagement du territoire.
Sur le volet inclusion et plus spécifiquement
s'agissant de la prévention de l'éxclusion les intervenants se
révèlent multiples et variés. La prévention de
l'exclusion mobilise de nombreux dispositifs sous la responsabilité non
seulement de l'État mais aussi des organismes de protection sociale et
de plus en plus des collectivités locales. Certains sont
gérés dans le cadre de conventions partenariales signées
entre l'État et les organismes de protection sociale. La DGAS participe
au comité de suivi et d'évaluation des conventions d'objectifs et
de gestion (COG) de la CNAF et de la CNAM ; elle exerce la tutelle de l'action
sociale de la CNAF, elle est par ailleurs «donneur d'ordre» pour les
minima sociaux gérés pour son compte par la CNAF. Les DRASS sont
chargées de l'évaluation au niveau local de la COG de la CNAF.
La DGAS a également été chargée
suite au CILE 2004 et au plan de cohésion sociale:
- de favoriser et conforter les démarches
qualité au sein des services publics fondés sur l'accès
aux droits des plus démunis, prenant en compte la participation et
l'expression directe des personnes, notamment par une adaptation de la charte
Marianne ;
- de créer, sur la base d'une collaboration entre
divers partenaires et par voie contractuelle, des pôles d'accueil en
réseau pour l'accès aux droits sociaux (PARADS) qui visent,
notamment, à faciliter l'accès aux services et aux droits
fondamentaux grâce à l'établissement de liaisons
fonctionnelles plus denses et plus efficaces entre institutions, associations
et organismes gestionnaires ;
- de développer (+ 300 en 3 ans) les points d'accueil
et d'écoute pour les jeunes (PAEJ), dispositif de prévention
destiné aux jeunes en situation de mal-être ou de risque (39.000
jeunes reçus en premier entretien en 2002).
Concernant l'action en faveur des plus vulnérables, les
services sociaux publics et les associations coopèrent. La DGAS est
compétente pour tout le dispositif d'accueil généraliste,
CHRS et places d'urgence, pour la veille sociale et le 115, ainsi que les
maisons-relais et les dispositifs d'accompagnement renforcé tels que
l'ASI. Dans ce dernier cas, les crédits nationaux affectés
à ces dispositifs sont complétés par des crédits du
Fonds social européen. Au sein de l'organisation mise en place à
l'occasion du Plan de cohésion sociale, la DGAS est plus
particulièrement chargée de la réalisation concernant les
questions d'hébergement des personnes en grande difficulté. La
mise en oeuvre de ces différents dispositifs est majoritairement
confiée à des opérateurs associatifs avec lesquels la DGAS
ou les services déconcentrés du ministère de l'emploi, du
travail et de la cohésion sociale passent des conventions.
Pour ce qui est de la conduite et de l'animation de la
politique de lutte contre l'exclusion, la DGAS s'appuie sur le conseil national
des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE)
et le comité interministériel de lutte contre l'exclusion (CILE),
la commission professionnelle consultative du travail social et de
l'intervention sociale (CPC) et le conseil supérieur du travail social
(CSTS).
Enfin s'agissant des rapatriés où l'action a
pour but de résoudre les difficultés subsistant pour un certain
nombre de rapatriés d'Afrique du Nord après 1962. L'action
concerne deux grands types de populations :
-Les rapatriés ayant exercé une activité
professionnelle non salariée qui réinstallés dans des
conditions souvent précaires sont toujours confrontés à un
endettement professionnel important lié aux conditions de leur
rapatriement. Le dispositif CODAIR mis en place en 1994 a été
prolongé par un nouveau dispositif issu du décret du 4 juin 1999
destiné à régler les derniers cas, en créant une
commission nationale d'aide au désendettement des rapatriés
réinstallés dans une profession non salariée (CNAIR).
- Les harkis, anciens supplétifs et leurs familles
victimes de représailles et de massacres après le 19 mars 1962,
ils ont été rapatriés en France dans des conditions
dramatiques. Ils ont connu, ainsi que leurs enfants, des difficultés
d'intégration dont les conséquences sont toujours visibles
aujourd'hui. Pour eux a été mis en place une allocation de
reconnaissance, revalorisée en 2004, et dont les dispositions ont
été améliorées par la loi du 23 février
2005, qui assure maintenant des revenus réguliers pour tous les anciens
supplétifs et leurs conjoints survivants et le maintien pendant 5 ans
des mesures d'aide au logement.
Se dessine ainsi une nouvelle architecture bâtit sur la
démultiplication des acteurs et intervenants publics, parapublics voir
privés offrant l'immense avantage de dispatché les
responsabilités notamment de l'Etat et offre concurremment
l'inconvénient majeur de multiplier en même temps sur un
même problème, les intervenants risquant ainsi de voir
éclore des questions de compétences entre niveaux administratifs
co-compétents et illisibilité de l'action pour l'usager.
B. La préservation de la responsabilité
financière
S'il était encore nécessaire d'insister, la
libre administration ne se résume pas à la liberté de
dépenser. La rédaction actuelle de la Constitution de 1958 ne
prévoit pas explicitement que les collectivités locales
bénéficient de ressources d'origine fiscale. Elle
n'établit a fortiori pas de lien entre l'existence d'une
fiscalité directe locale et le principe de libre administration. Dans la
plupart des pays de l'Union européenne, les collectivités locales
s'administrent librement sans pour autant maîtriser l'évolution de
toutes leurs ressources fiscales. En Allemagne, la Constitution prévoit
un partage du produit des impôts d'Etat entre l'Etat
fédéral et les collectivités locales. Les ressources de
celles-ci s'apparentent donc plus à des prélèvements sur
les recettes fiscales de l'Etat, dont le taux d'indexation serait fixé
par la Constitution, qu'à une fiscalité directe. En 1995, dans
tous les pays de l'Union européenne à l'exception de la
Suède, la part des ressources locales provenant d'impôts dont les
taux sont votés par les collectivités locales était
inférieure à la part de ces ressources dans les budgets locaux
français. Cette plus grande dépendance envers l'Etat ne semble
pourtant pas constituer un obstacle à l'exercice normal de
compétences étendues110(*).
Par ailleurs, la capacité réelle des
collectivités locales française à agir sur le montant de
leurs recettes fiscales est parfois mise en doute. Ainsi a-t-il était
considéré que : «l'autonomie fiscale des
collectivités locales était réelle en apparence, mais
théorique dans les faits»111(*). Ces éléments peuvent conduire
à considérer que le coeur de la libre administration des
collectivités ne réside pas dans leur mode financement mais dans
leur latitude à décider librement de leurs dépenses. Cette
conception a été relayée par la secrétaire d'Etat
chargée du budget à l'occasion du débat au Sénat
sur la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation :
«On peut soutenir que la libre administration s'entend
essentiellement de la liberté d'emploi des ressources, le
législateur devant veiller à ce qu'elles soient
suffisantes en quantité pour permettre aux collectivités
locales d'exercer les compétences qui leur sont
dévolues»112(*). Un tel raisonnement, constitue une
démonstration on ne peut plus limpide de la préservation d'une
pleine et entière responsabilisation financière des acteurs
locaux, dans la conduite des politique territorialisées telle que
l'inclusion sociale, dont on peut percevoir ici, une illustration. Plus
généralement, cette responsabilisation et son maintien ont
été clairement identifié par l'OCDE, dans les termes
suivants : «La responsabilisation des collectivités locales -
Dans un contexte décentralisé, les niveaux
d'administration locaux doivent financer leurs actions par des
ressources locales, et essentiellement fiscales. L'obligation de
maintenir ou d'augmenter la base fiscale est une forme d'incitation
à la mobilisation locale en faveur du développement
économique. Des attitudes malthusiennes des
collectivités locales face au développement
d'activités économiques, comme par exemple un faible
intérêt pour l'aménagement de zones
d'activités et une préférence pour une activité
résidentielle, cèdent le pas à de
véritables stratégies de croissance économique. Un
élu local dont les ressources se composent essentiellement de
subventions centrales se trouve placé dans la position d'un
quémandeur ; un élu local responsable des
rentrées fiscales devient un acteur du
développement»113(*).
III. La territorialisation des enjeux sociaux
«Un mouvement en sens contraire s'est cependant
produit à partir des années 1980 : tout se passe comme s'il
était devenu nécessaire d'administrer au plus près des
habitants et en prenant en compte le poids des particularisme locaux ; le
principe de proximité entraîne l'apparition d'un nouveau
modèle de relations entre l'Etat et le territoire, emblématique
de la post-modernité»114(*).
Même si elle doit faire toute sa place à
l'expression de la solidarité nationale et au rôle des acteurs
socio-économiques, l'approche territoriale paraît
la mieux adaptée. Sur le plan fonctionnel, les départements ont
su engager progressivement depuis 1990 la restructuration de leur action
sociale, en partant d'une approche globale et territorialisée. Ils ont
ainsi privilégié une logique de projet, conçue autour d'un
concept de mission, sur la logique de services. Cette démarche a tendu
à faire coïncider l'intervention des services départementaux
avec les territoires de vie, afin que la réponse sociale soit mieux
adaptée à l'environnement réel des personnes. Elle
s'accompagne d'expérimentations de formules diverses, notamment pour
l'accueil du public, le traitement des demandes ou l'accompagnement social.
Or cette même approche doit prévaloir dans les
prochaines années pour prendre en charge les différentes
évolutions socio-économiques, et la politique d'inclusion
sociale. Cette approche territorialisée révèle aussi la
responsabilisation des collectivités territoriales et leur prise de
conscience face au défi de l'inclusion. Il convient donc d'en voir deux
traits distinctifs que sont la reconnaissance de la localisation des besoins
(A) à laquelle succède celle de la polarisation des objectifs.
A. La localisation des besoins
Le vieillissement de la population et le financement des
situations de dépendance, qui ont un impact majeur sur les
dépenses d'action sociale, justifie une adaptation de l'action publique
à l'environnement réel des personnes âgées et
à la diversité des besoins suscités par les situations de
dépendance, par exemple le cas des personnes handicapées
vieillissantes qui implique l'établissement de «passerelles»
entre les travailleurs sociaux qui s'occupent des personnes handicapées
et ceux qui ont en charge les personnes âgées afin de trouver une
réponse adaptée à ce nouveau besoin. Injustement
critiquée, la prestation spécifique dépendance
instituée par la loi du 24 janvier 1997 - à la suite d'une
initiative sénatoriale - a permis d'améliorer la perception du
problème de la dépendance ainsi que la prise en charge des
personnes en bénéficiant. Elle a en outre mis fin aux
dérives de l'allocation compensatrice pour tierce personne. En ce qui
concerne l'aide sociale à l'enfance, la déstabilisation des
familles et l'aggravation de la fracture sociale soulèvent de nouveaux
problèmes qui conduisent à réfléchir sur une
intervention accrue des collectivités locales. L'apparition du
chômage de longue durée, la concentration des difficultés
économiques sur des territoires déterminés ont
fragilisé les familles et affaibli les solidarités de
proximité. Parallèlement le modèle familial s'est
transformé, avec notamment une multiplication des familles
monoparentales. Ces phénomènes ne sont pas sans
conséquence sur les dispositifs de protection de l'enfance. Or la
décentralisation se traduit dans ce domaine par une meilleure
évaluation des besoins et des réponses qui doivent leur
être apportées. Les évolutions démographiques et
socio-économiques dessinent également de nouveaux besoins en
matière d'éducation. Or comme l'a admis M. Michel Garnier,
directeur de la programmation et du développement au ministère de
l'Education nationale, en matière de programmation de l'offre
d'enseignement, «les critères démographiques globaux
sont insuffisants». Ils devraient, selon lui,
«s'accompagner, dans le cadre d'une contractualisation avec les
établissements, d'une nécessaire adaptation aux
réalités locales».
L'inclusion constitue un autre enjeu qui justifiera des
dispositifs plus décentralisés encore. L'intervention des
collectivités locales dans la gestion du volet «insertion» du
revenu minimum d'insertion (RMI) a ainsi été efficace.
Contrairement à certaines idées reçues, les écarts
entre les territoires que les politiques sociales conduites par l'Etat avaient
laissés se creuser, ont eu plutôt tendance à se
restreindre. Les évolutions en matière de politique de la
santé mettent également en évidence qu'une meilleure
efficacité du système de soins doit être recherchée
dans une approche territorialisée.
On constate donc une pleine et entière localisation des
besoins surtout au niveau départementale, invitant l'action publique
locale à se polariser sur certains objectifs bien
déterminés.
B. La polarisation des objectifs
La complémentarité des différents niveaux
passe tout d'abord par une identification claire de leurs missions respectives.
En s'appuyant sur les vocations dominantes de chaque niveau d'administration
locale la polarisation des objectifs devient tout à fait possible et
c'était d'ailleurs l'esprit qui avait primé dans les lois de
1983. Si, comme on l'a vu, la logique des blocs de compétences n'a pu
être mise en oeuvre avec toute la rigueur souhaitable, il n'en demeure
pas moins que chacun des niveaux a su identifier assez clairement ses missions
essentielles. Cette évolution n'a pu qu'être encouragée par
un contexte économique difficile qui s'est traduit par une progression
plus limitée des ressources locales, obligeant ces dernières
à des arbitrages entre leurs différentes actions.
Le département doit demeurer l'échelon des
solidarités sociales et territoriales. Institué sous la
période révolutionnaire, organisé en collectivité
territoriale par la loi du 10 août 1871, le département s'appuie
sur son expérience en mettant à profit les nouvelles
capacités d'action que lui a conférée la
décentralisation pour renforcer ses moyens et ses compétences
traditionnelles. L'évolution des budgets départementaux
témoigne de la place des départements dans le processus de
décentralisation. Par une mise en oeuvre efficace de ses
compétences, le département a répondu aux nouvelles
attentes de la population notamment dans le domaine social, qui
représente désormais près de 60% des dépenses de
fonctionnement dans les budgets départementaux. Il est par ailleurs un
espace de solidarité, non seulement par le biais de la
péréquation départementale de la taxe professionnelle mais
aussi par l'intermédiaire du budget départemental qui corrige
certaines inégalités entre communes, en permettant notamment
l'équipement des communes rurales. Ils jouent également un
rôle très efficace dans de nombreux autres domaines, par exemple
celui des transports.
Collectivité territoriale plus jeune, la région
a une vocation plus orientée vers l'impulsion et la coordination en
matière d'aménagement du territoire et de développement
économique. Les différents textes généraux
applicables aux régions ont confirmé cette vocation. Dès
la loi du 5 juillet 1972 qui, leur reconnaissant la personnalité morale,
les a érigées en établissements publics, les
compétences régionales ont été
spécialisées dans le domaine économique et social. Tout en
leur étendant la «clause générale» de
compétence (article L. 4111-1 du code général des
collectivités territoriales), les lois de décentralisation ont
néanmoins confirmé cette vocation particulière. L'article
L. 4211-1 du code général des collectivités
territoriales précise que la région «a pour mission,
dans le respect des attributions des départements et des
communes et, le cas échéant, en collaboration avec ces
collectivités et avec l'Etat, de contribuer au développement
économique, social et culturel de la région
(...)». On retrouve cette même vocation dans la loi du 29
juillet 1982 portant réforme de la planification, dans la loi du 30
décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ou encore
dans la loi d'orientation du 4 février 1995 qui a prévu
l'élaboration d'un schéma régional d'aménagement et
de développement du territoire ainsi que la création, dans chaque
région, d'une conférence régionale qui est un cadre pour
la concertation des différents partenaires. L'affirmation de cette
vocation spécifique peut passer par certaines précisions
concernant les compétences régionales. Telle a été
la démarche du législateur qui a confié aux régions
la responsabilité d'élaborer un schéma régional en
matière de tourisme (loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992),
ainsi que de nouvelles compétences en matière de formation
professionnelle (loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993) et, sur la
demande de la région intéressée, de traitement de
déchets industriels (loi n° 95-101 du 2 février 1995). En
outre, la loi d'orientation du 4 février 1995 (article 67) a permis une
expérimentation de la régionalisation des réseaux
ferroviaires d'intérêt local. Le projet de loi relatif à la
solidarité et au renouvellement urbains prévoit de
transférer à l'ensemble des régions, le 1er janvier 2002,
les compétences que l'Etat détient en qualité
d'autorité organisatrice des transports ferroviaires de voyageurs
d'intérêt régional.
L'impact de l'acte II de la décentralisation dans le
renforcement offert aux régions qui deviennent désormais
«chef de fil» témoigne du renouvellement des objectifs et
aussi de l'ancrage de ces derniers qui comme on peut le constater sont
polarisés autour des deux entités départementales et
régionales, avec un prima pour le premier.
TITRE 2nd : LA FORMULATION DE POLITIQUE SOCIALE
OCCUPATIONNELLE
L'expérience de formulation de politiques visant
spécifiquement à lutter contre l'exclusion sociale se concentre
en Europe occidentale, spécialement en France. Les interventions en
matière de marché du travail ont dominé la scène et
principalement les actions de lutte contre le chômage de longue
durée. Les programmes d'assistance et d'assurances sociales constituent
un autre domaine important d'intervention. Les liens entre ces mesures et les
politiques d'intégration sociale sont rares, mais en France, il y a eu
une tentative systématique d'établir ce lien avec le
"revenu minimum d'insertion" (un revenu minimum garanti,
à la condition que le bénéficiaire signe un contrat par
lequel il s'engage à poursuivre une activité d'insertion). Ce
sont là des mesures nationales de lutte contre
l'exclusion sociale. Une innovation importante dans la conception des
politiques contre l'exclusion a été l'adoption d'une approche
territoriale, avec des programmes d'action au niveau local ou communautaire
cherchant à élaborer des stratégies cohérentes pour
vaincre l'exclusion. L'idée est que les quartiers pauvres urbains, ou
les régions défavorisées, requièrent une action
d'envergure sur divers fronts (économique, social et d'infrastructure).
Ces politiques locales sont plus faciles à mettre en place sur une base
intersectorielle que les politiques nationales, et sont mieux à
même de stimuler les initiatives collectives. Elles supposent un
partenariat et une coopération entre le gouvernement central et les
administrations et associations locales, les syndicats, les entreprises et
divers autres organismes non gouvernementaux. Une importante leçon
à tirer de ces expériences est que l'analyse des politiques n'est
pas seulement la question de l'Etat intervenant dans l'intérêt
général, mais une question qui suppose la participation d'une
grande variété d'acteurs sociaux.
C'est donc en suivant ce raisonnement que l'on
s'intéressera à la combinaison des acteurs en matière
d'insertion (Chapitre 1), pour pouvoir apprécier dans un second temps la
promotion de l'inclusion professionnelle par le marché (Chapitre 2)
Chapitre 1er : La combinaison
des acteurs en matières d'insertion
Le Politique est toujours face à un territoire dans
lequel il exerce un pouvoir en droit défini comme responsabilité,
qu'il soit élu ou nommé.
Etchegoyen, 1993
Les contempteurs des rigidités françaises ne
peuvent qu'être surpris. Loin d'être condamnés à
l'immobilisme par l'emprise des conservatismes et des notabilités
locales, l'action publique territoriale semble être entrée dans
une phase de rénovation permanente. En moins de cinq ans
l'intercommunalité urbaine a connu un essor spectaculaire (par la
grâce des dispositions financières de la loi Chevénement),
les projets de territoire se sont multipliés suivant la logique promue
par les politiques d'aménagement du territoire (loi Voynet), la
planification spatiale s'est trouvée relancée (loi SRU) et une
nouvelle répartition des compétences entre Etat et
Collectivité territoriales est en train de se dessiner...Des trois loi
du gouvernement Jospin à l'acte II de la décentralisation, les
réformes des cadres de l'action publique locale se succèdent donc
à grande vitesse. Si les modalités de ces réformes ont
fait et continuent de faire débat, rares sont les voix qui
s'élèvent pour en contester la nécessité. Au
contraire, l'inadaptation de l'architecture institutionnelle territoriale
actuelle pour traiter des enjeux territoriaux qui se différencient de
manière croissante constitue une sorte d'évidence, tant dans les
discours politiques (transcendant largement les clivages partisans) que dans
les analyses et débats savants. Ainsi des réformes
institutionnelles tendraient donc désormais à s'imposer pour
mettre l'action publique à la hauteur d'enjeux d'autant plus complexes
à analyser et à traiter qu'ils ne peuvent plus l'être
à partir d'une approche nationale unifiée.
L'hétérogénéité des enjeux
territoriaux n'est pourtant pas un phénomène nouveau qui
viendrait déstabiliser une action publique marquée par
l'indifférenciation, mais il est vrai que s'agissant notamment du Social
et de la nouvelle politique d'inclusion sociale qui l'anime et tend à
constituer sa ligne de force, une révolution est en marche. Une
évolution finalement appelant des dynamiques de développement
social local mobilisant toutes les politiques de proximités, bien
au-delà du seul domaine social s'observe. Dès lors, la
décentralisation n'apparaît plus seulement comme une
réponse à la crise de l'Etat, mais aussi comme plus
fondamentalement, une réponse à la crise de la
société. Ainsi convient-il d'analyser la décentralisation
des compétences sociales (I), sur laquelle s'articule la
déconcentration des intervenants sociaux (II) induisant
l'émergence d'un phénomène de déconcentralisation
des politiques sociales inclusives (III).
I. La décentralisation des compétences
sociales
«La décentralisation, élément
politique majeur, a eu et a toujours des effets directs sur les services et
personnels de l'Etat, sur ceux des collectivités locales, et des effets
indirects sur les organismes d'action sociale oeuvrant dans le sillage de
l'Etat, Caisses d'allocations familiales et Associations»115(*).
L'action sociale de cette fin du XXème siècle
est le produit complexe et conjugué de la crise économique, de la
montée des exclusions et des rangements nouveaux issus de la
décentralisation. La décentralisation, éléments
politiques majeur a eu et a toujours des effets directs sur les services et les
personnels de l'Etat, sur ceux des collectivités sans compter les effets
indirects sur les organismes d'action sociale oeuvrant dans le sillage de
l'Etat, Caisse d'allocations familiales et Associations.
On peut ainsi lire la décentralisation comme devant
répondre à une double exigence : d'abord un objectif de
transfert vers les collectivités chargées de répondre
localement aux besoins sociaux et d'enrayer les risques de
désagrégation sociale. Ce transfert attribuant la charge des
missions traditionnelles d'aides sociales mais aussi la question d'insertion
dans le marché local du travail. Le second objectif plus
«prétentieux»116(*), serait de produire plus de démocratie, en
rompant avec les normes d'interventions édictées d'en haut de
façon à permettre l'adaptation aux situations locales, mais ce
«plus de démocratie» passerait aussi par un renforcement des
responsabilités politiques locales.
Conjugués ces deux éléments portent
à penser le changement de la question sociale dans sa nature profonde et
la réponse inclusive qui éclos aujourd'hui impose de s'interroger
sur la pertinence de la décentralisation des compétences sociales
dont il apparaît que le principe d'attribution exclusive originaire (A)
connaît une application qui se révèle extensive (B).
A. Une attribution par principe exclusive
Historiquement mis en place dans une optique de quadrillage
administratif et d'uniformisation du territoire national - selon le souci que
l'accès au chef-lieu ne nécessite pas plus d'une journée
de voyage quelle que soit la localisation dans le département -, les
départements connaissent une trajectoire rythmée de
dénonciations régulières. Ils ont pu,
parallèlement, être appréhendés comme des socles de
stabilisation et de fonctionnement d'un système politico-administratif
français réputé hiérarchisé et
centralisé. S'agissant des conséquences de la
décentralisation, reconnus comme une collectivité territoriale
à part entière, les départements ont
bénéficié à cette occasion de transferts de
compétences importants. Leur champ d'intervention revêt un
caractère très diversifié même s'il est possible d'y
repérer quelques compétences clés concernant : - le
secteur sanitaire et social qui représente, dans bien des cas, plus de
50 % du budget des conseils généraux avec quelques postes de
dépenses structurantes (aide sociale à l'enfance, aide aux
personnes âgées, aide aux handicapés, insertion
socioprofessionnelle) ; - l'éducation, la culture et le tourisme
où les conseils généraux ont la responsabilité,
entre autres, de la construction et de l'entretien des collèges, des
bibliothèques départementales de prêt pour la lecture
publique, de la gestion des archives et musées départementaux, de
l'aide aux gîtes ruraux et bases de plein air ; - l'équipement qui
recouvre des dépenses d'entretien, de gestion et d'investissement
très divers : voirie départementale, ports de commerce et de
pêche, transports scolaires et interurbains, aides au remembrement rural,
aides à l'équipement des communes.
Au regard de ce panorama, d'aucuns ont considéré
le département comme le grand gagnant des transferts de
compétences du début des années 1980. Les conseils
généraux participent à des actions dotées d'une
forte charge symbolique : la solidarité entre les territoires, la
préservation du dynamisme rural et communal, la prise en charge sociale
des personnes en difficulté. Ils n'ont pas hésité
également à aller au-delà de leurs compétences
obligatoires en s'investissant dans des domaines comme l'environnement dans une
perspective de soutien et de conseil auprès des communes rurales ou
encore les nouvelles technologies afin d'accroître l'attractivité
des territoires. Loin de dépérir, ils manifestent une
étonnante capacité de prise de responsabilité et,
par-là même, de résistance aux critiques.
Très marquant demeure cependant leur participation
très active en matière de politique d'inclusion sociale si l'on
songe, à la délégation aux conseils généraux
de la mise en oeuvre de l'APA (Allocation personnalisée d'autonomie) ;
au pilotage, eut égard aux difficultés de gestion, du RMI (loi du
18 décembre 2003), au transfert de l'entretien d'une partie de la
voirie nationale, ainsi qu'à la gestion des personnels, techniciens,
ouvriers et de service (TOS) des collèges.
Surtout, leur rôle en matière sociale a
été sensiblement conforté au point d'être
érigés en pilotes du domaine. La loi stipule à ce titre
que «le département définit et met en oeuvre la
politique d'action sociale (...) Il coordonne sur son territoire les actions
qui y concourent» (article 49).
Plusieurs mesures s'inscrivent dans cette perspective : le
transfert aux départements de la gestion des Fonds de solidarité
logement (FSL), du Fonds d'aide aux jeunes en difficulté (FAJ). Il n'est
d'ailleurs pas anodin que le congrès 2004 de l'Assemblée des
départements de France (ADF) se soit centré sur le thème
«Départements, acteurs majeurs de la cohésion sociale».
Plus que le dépérissement des départements, c'est bien le
renforcement des compétences transférées à ces
derniers qui se dégage de la succession de textes ayant trait à
la décentralisation. D'ailleurs, les représentants des
départements ne s'y trompent pas. Ils expriment des
préoccupations quant aux coûts induits de ces nouvelles
responsabilités à exercer et aux risques de repli tendanciel sur
leurs compétences principales au détriment des dépenses
secondaires, comme l'aide à l'équipement des communes dont on
saisit l'importance pour le pouvoir d'influence des conseillers
généraux dans leur canton. Bref, l'usage de la figure du
département providence paraît plus que jamais
d'actualité.
B. Une application de fait extensive
Sur le seul secteur social, les transferts récents sont
porteurs d'une spécialisation accrue des conseils
généraux, mais aussi d'une redéfinition fonctionnelle des
échelons de protection des personnes. À l'échelon
étatico-national, reviendrait la reproduction des forces de travail
insérées dans des activités professionnelles. À
l'échelon départemental, incomberait alors la gestion des
populations marginalisées par des phénomènes de handicap
ou de relégation hors des mécanismes productifs117(*). Cette forme de division du
travail social, réactualisant une partition ancienne, entérine
une logique d'autonomisation des problèmes sociaux et des
intérêts qui leur sont associés. Elle révèle,
en outre, une redéfinition de la solidarité, désormais
clivée entre des modes de financement concurrents (solidarité
contributive et fiscale). Dans ce cadre, le département deviendrait le
réceptacle et le gestionnaire des effets de l'abandon par l'État
d'une perspective d'intégration socioprofessionnelle.
Si l'on s'attache au marché du travail local, chaque
jour, 30 000 personnes quittent un emploi dans des conditions
particulièrement angoissantes Une entreprise française de cent
salariés embauche en moyenne quarante personnes par an. Pour l'ensemble
de l'économie française, ce chiffre correspond à 6,4
millions d'embauches annuelles, soit, en d'autres termes, à 30 000
embauches par jour ouvrable118(*).
Partant de ce constat, et si l'on s'intéresse de plus
prêt, à la prise en charge des chômeurs au niveau local, on
constate que la pluralité des opérateurs et des financeurs
explique sans doute en grande partie le décalage entre les moyens
consacrés à l'accompagnement des demandeurs d'emploi et les
résultats obtenus. En témoigne la perception que les
chômeurs peuvent avoir du service public de l'emploi en charge de leur
prise en charge et de leur accompagnement.
À ce titre, les maisons de l'emploi,
créées par le Plan de cohésion sociale, peuvent constituer
le levier privilégié pour améliorer la coordination entre
les différents intervenants participant à l'accompagnement des
demandeurs d'emploi. Dans l'état actuel du projet de loi adopté
par le Sénat, l'article L. 311-10 du Code du travail prévoit que
«des maisons de l'emploi» dont le ressort ne peut excéder la
région ou, en Corse, la collectivité territoriale, contribuent
à la coordination des actions menées dans le cadre du service
public de l'emploi et exercent des actions en matière de
prévision des besoins de main-d'oeuvre et de reconversion des
territoires, notamment en cas de restructurations. Elles peuvent
également participer à l'accueil et à l'orientation des
demandeurs d'emploi, à l'insertion, à l'orientation en formation,
à l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des salariés et
à l'aide à la création d'entreprise. Les maisons de
l'emploi peuvent bénéficier d'une aide de l'État dans des
conditions prévues par décret en Conseil d'État. Les
maisons de l'emploi peuvent prendre la forme d'un groupement
d'intérêt public. Ces groupements associent obligatoirement
l'État, l'Agence nationale pour l'emploi, les organismes qui participent
à la gestion de l'assurance chômage et au recouvrement des
allocations mentionnés à l'article L. 351-21 et au moins une
collectivité territoriale ou un établissement public de
coopération intercommunale.
Si l'on veut améliorer l'accompagnement des demandeurs
d'emploi, la création des 300 maisons de l'emploi, devant employer
7 500 salariés et mobiliser un budget de 420 millions d'euros en
2005, 735 millions en 2006 et 580 en 2007, ne devra pas se borner à
ajouter un organisme supplémentaire aux objectifs peu
précisément définis. L'organisation actuelle est
déjà excessivement complexe et caractérisée par un
grand nombre d'intervenants dont les actions sont mal coordonnées. Un
tel scénario, qui serait catastrophique, n'est pas totalement exclu par
le texte de loi. Il est donc indispensable de clarifier les fonctions des
maisons de l'emploi par des mesures réglementaires pour qu'elles
réalisent la fédération et la coordination des initiatives
en faveur de l'emploi.
Ces éléments témoignent du rôle
éminemment important joué par les collectivités
territoriales et notamment celui du département, qui participant
directement ou indirectement à la composition des maisons d'emploi,
trouve à illustrer le dépassement de l'attribution exclusive qui
lui est fait en matière sociale, pour devenir le promoteur, l'animateur
d'un dynamisme du marché local du travail.
II. La déconcentration des intervenants sociaux
« Déconcentration : le terme n'entre dans les
dictionnaires que dans la deuxième moitié du XXème
siècle et désigne l'action de donner davantage de pouvoirs aux
représentants locaux de l'Etat central»119(*).
Le comité Rueff-Armand avait préconisé
dès 1959 une politique de déconcentration120(*) des administrations que les
décrets du 14 mars 1964 ont traduite. Engagée formellement par
ces derniers qui ont fait des préfets les représentants directs
de chacun des ministres dans leur département, la déconcentration
des administrations a été présentée par la suite
comme le corollaire des lois de décentralisation de 1982-1983, tant il
est apparu nécessaire de rapprocher le plus souvent possible la prise de
décision de son point d'application, que celle-ci relève de
l'autorité de l'Etat ou des collectivités locales. C'est ainsi
que la loi a conforté le préfet dans son rôle de
«dépositaire dans le département de l'autorité de
l'Etat, délégué du gouvernement et représentant
direct de chacun des ministres» et a invité dans le même
mouvement, à déléguer largement aux chefs des services
extérieurs des ministères les pouvoirs qui lui étaient
ainsi reconnus. Les lois de décentralisation de 1982, qui ont
engagé au profit des régions, des départements et des
communes, une mutation d'une grande ampleur, ont accompagné et
équilibré cette décentralisation en confiant au
préfet de région un rôle de direction des services de
l'Etat dans le département et non plus de simple coordination. Mais les
limites des évolutions enregistrées ont conduit la loi
d'orientation du 6 février 1992 sur l'administration territoriale de la
République et le décret du 1er juillet de la même
année portant «charte de la déconcentration», posant
le principe de la limitation des compétences des administrations
centrales aux seules missions qui ne sont pas susceptibles d'être
confiées aux échelons déconcentrés.
Dix ans après les grandes lois de
décentralisation, ces nouvelles réformes visaient à
équilibrer, mieux que ne l'avaient fait les textes de 1982, les pouvoirs
qui avaient été accordés aux collectivités locales
en donnant des responsabilités propres aux préfets et, à
leurs côtés, aux représentants locaux des
ministères, afin d'assurer un dialogue plus efficace et une meilleure
adaptation des politiques et des gestions publiques aux problèmes de
chaque région ou département. Les politiques de
déconcentration définies et mises en oeuvre par ces instances
interministérielles se sont appliquées à des services
déconcentrés profondément différents par leur
histoire, leurs missions, leurs modes d'organisation et de gestion aussi bien
que par la nature des relations qu'ils entretiennent avec les
collectivités locales et les tâches qu'ils accomplissent pour le
compte de l'Union européenne.
Dans ce paysage diversifié, les progrès de la
déconcentration des compétences ont été
inégaux et ceux de la déconcentration des crédits
relativement modestes même s'il n'est pas toujours facile de les mesurer
avec précision. C'est partant de cette base que l'on verra de quelle
façon la déconcentration c'est traduite en matière sociale
en voyant l'expansion du principe de subsidiarité (A) auquel
succède grâce ou du moins par la politique d'inclusion sociale, un
principe de supplétivité de l'action sociale
déconcentré (B).
A. L'expansion du principe de subsidiarité
Dès 1982, la déconcentration a
été présentée comme le «deuxième
pilier» de la décentralisation et son indispensable contrepartie.
Gaston Defferre affirmait alors qu'il était «souhaitable
qu'à chaque niveau de décentralisation corresponde un niveau de
déconcentration aussi fort». Toutefois, les décrets du
10 mai 1982, relatifs aux attributions des commissaires de la
République dans les départements et les régions, visent
davantage à renforcer les pouvoirs des représentants de
l'État sur les services déconcentrés qu'à leur
transférer des compétences en provenance de l'échelon
central. La politique de renouveau du service public, définie par la
circulaire du Premier ministre Michel Rocard du
23 février 1989, qui proposait «le
développement des responsabilités par une déconcentration
plus poussée» et la modernisation de la gestion
administrative, ne peut être présentée comme une
véritable mesure d'accompagnement de la décentralisation.
Dès lors, la question de la déconcentration restait centrale lors
des débats législatifs relatifs à l'administration
territoriale de la République en 1992.
Deux textes publiés en 1992 reconnaissent la
dimension territoriale de l'État : - la loi d'orientation
n° 92-125 du 6 février 1992 relative à
l'administration territoriale de la République place sur un pied
d'égalité services de l'État et collectivités
territoriales en indiquant que «l'administration territoriale de la
République est assurée par les collectivités territoriales
et par les services déconcentrés de
l'État ».
L'intervention du législateur peut surprendre au regard
de la répartition constitutionnelle entre pouvoir réglementaire
et domaine de la loi. Comme le Sénat l'avait souligné, la
déconcentration relève de la compétence du Gouvernement.
Force est de constater que l'appel au législateur traduit
l'incapacité de l'État à réformer ses propres
structures. - le décret n° 92-604 du
1er juillet 1992 portant charte de la
déconcentration décline le principe selon lequel «la
déconcentration est la règle générale de
répartition des attributions et des moyens entre les différents
échelons des administrations civiles de l'État ».
La déconcentration devient le droit commun. Le
décret portant charte de la déconcentration allait très
loin en limitant le champ d'intervention des administrations centrales et des
services à compétence nationale aux «seules missions qui
présentent un caractère national ou dont l'exécution, en
vertu de la loi, ne peut être déléguée à un
échelon territorial». De plus, la circonscription
départementale devait être l'échelon territorial de mise en
oeuvre des politiques nationale et communautaire.
La loi d'orientation sur l'administration territoriale de la
République marque une rupture radicale avec les
pratiques antérieures de la déconcentration. Elle introduit une
innovation juridique essentielle : le principe de
subsidiarité. Elle ajoute que «les missions
qui intéressent les relations entre l'État et les
collectivités territoriales, sont confiées aux services
déconcentrés». La charte de la déconcentration
réaffirme l'autorité et le pouvoir de direction du préfet
sur les différents services déconcentrés. Elle
étend les compétences des préfets en les chargeant de
négocier les contrats conclus au nom de l'État avec les
collectivités territoriales et leurs établissements publics,
alors qu'auparavant ils se bornaient bien souvent à signer des accords
dont le contenu avait été arrêté à
l'échelon central. Ainsi trouve à s'appliquer à l'action
sociale l'idée que : «L'échelon le plus bas
n'abandonne à l'échelon supérieur que ce qui est
strictement nécessaire, et a contrario la compétence de la
collectivité supérieure s'étend aux fonctions qu'elle peut
remplir de manière plus efficace que les communautés de base. Il
s'agit donc d'un principe de répartition mobile des compétences.
Rien n'y serait préfixé. C'est le principe d'efficacité
qui, à un moment donné, entraîne telle ligne de
répartition».
B. L'avènement d'un principe de
supplétivité
Evoqué l'avènement d'un principe de
supplétivité en lieu et place de la subsidiarité suppose
de comprendre que la territorialisation de l'action publique est la dimension
la plus immédiatement associée à la rhétorique de
la proximité. Rapprocher la décision publique des lieux
d'émergence et de règlement des problèmes sociaux
constitue en effet un élément central de la légitimation,
par la proximité, des politiques localisées d'emploi et de
formation.
La territorialisation apparaît ainsi comme une dynamique
concomitante à la remise en cause de l'Etat-social qui s'exprime dans
les domaines de l'emploi et de la formation par des dynamiques de
décentralisation et de déconcentration. La dimension
institutionnelle occupe de ce fait une place décisive dans les processus
de décentralisation. La décentralisation en premier lieu mais
aussi la déconcentration génèrent des recompositions
fortes des systèmes d'acteurs locaux. Emergence d'un
«acteur-pivot» dans le cas de la formation professionnelle ou
reconfigurations territorialisées du Service Public de l'Emploi (SPE),
la territorialisation est avant tout affaire de réaménagements
institutionnels.
C'est dans ce contexte que la subsidiarité comme
principe de délégation verticale des pouvoirs, en matière
notamment sociale, telle qu'elle se dessine avec l'acte II de la
décentralisation, peut se voir préférer un principe de
supplétivité qui au lieu de n'autoriser qu'une action sur un mode
dérogatoire, permettrait qu'émerge un mode d'action et
d'intervention de principe.
Le principal ressort de légitimation prête aux
territoires une efficacité plus grande que les actions conduites depuis
le centre. L'efficacité des politiques territoriales est supposée
meilleure parce que, soutenue par des procédés de management
adéquats, elle permet de faire valoir les avantages de la
proximité. Ces avantages sont d'ailleurs largement vantés :
réduction des circuits décisionnels, meilleure connaissance des
problèmes traités, socialisation au milieu, etc. A force de
vouloir être proches on finit nécessairement par se retrouver nez
à nez ! L'étape ultime des logiques subsidiaires qui animent le
développement des approches de proximité se traduit par une
maximisation des responsabilités individuelles.
Si la subsidiarité consiste donc bien à
transférer au niveau le plus proche du «terrain» les
responsabilités dont on estime qu'il peut les assumer, alors il
est tout à fait nécessaire que cette dévolution ne
s'opéra pas sur un mode dérogatoire, conçu par exception,
mais bien plus comme un mode de gestion intégrer, d'intervention
départementale de principe. Du point de vue des institutions,
individualiser l'action publique au nom de la proximité signifie un
bouleversement radical des logiques institutionnelles. Cette transformation
affecte tout autant ceux qui mettent en oeuvre l'action publique que ceux
à qui elle est destinée. Côté mise en oeuvre, il
s'agit avant tout d'intégrer dans la culture professionnelle le passage
du statut d'agent à celui d'acteur et admettre ce faisant un changement
dans l'ordre de la légitimité. C'est voir se substituer à
la légitimité que procure l'appartenance à une
institution, celle qui émane de la capacité individuelle à
être influent. La charge de la légitimité institutionnelle
dont sont porteurs les agents était forte dans un gouvernement
sectoriel, elle est fortement amoindrie dans le cadre d'une gouvernance
territorialisée. Concurrencés par d'autres types de
légitimité (élective, économique, associative), les
agents sont sommés de devenir acteurs, de revaloriser par une plus-value
individuelle leur place dans les jeux décisionnels locaux. Mais cette
évolution ne touche évidemment pas que les agents
institutionnels, elle concerne aussi les destinataires de l'action publique.
Autre glissement sémantique : on passe ici du «
bénéficiaire » à « l'usager ». On attend de
l'usager qu'il concoure par son action individuelle à la réussite
de l'action publique. Acteur lui aussi, l'usager tend à devenir
co-producteur et co-responsable de son employabilité et, ce faisant, de
la réussite des politiques d'emploi et de formation.
Si l'on peut dire qu'il s'agit là d'un conflit
sémantique, il n'en demeure pas moins vrai qu'il emporte des
conséquences symboliques importantes, et que le choix pour l'usage d'une
action supplétive en matière d'inclusion sociale, porte en elle
le germe du dépassement d'une action publique dérogatoire,
subsidiaire.
III. La déconcentralisation des politiques
inclusives
Léon Duguit définissait le Service Public
comme «toute activité dont l'accomplissement doit être
assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants
parce que l'accomplissement de cette activité est indispensable à
la réalisation et à l'accomplissement de l'indépendance
sociale et qu'elle est de telle nature qu'elle ne peut être
réalisée que par l'intervention de la force
gouvernante»121(*). Allons plus loin. Le Social est service public, et
c'est dans la mesure où la déconcentralisation
«incarne» ce service qu'elle peut être le moteur du
développement inclusif.
Les institutions de la Vème République ont
été conçues pour restaurer la souveraineté et
l'efficacité de l'Etat. On ne s'est pas interrogé, à
l'époque, sur ce que pourrait être une configuration de
l'État qui tiendrait compte, tant des attentes de nos concitoyens que de
l'évolution des libertés et des réalités locales.
Dans son discours de Lyon, le général de Gaulle avait ouvert le
débat en se demandant si le modèle adopté n'était
pas (déjà) dépassé et en traçant la
perspective -- encore lointaine --, d'une France décentralisée.
Depuis, la question de la compatibilité entre le modèle d'Etat et
de Constitution adoptée en 1958, et le mouvement de
décentralisation engagé en 1982, n'a cessé de se poser. La
décentralisation française a été conçue
comme un processus de modernisation globale de l'action publique et
d'approfondissement de la démocratie. Il s'agissait, par la suppression
de la tutelle exercée sur les délibérations locales, par
la transformation de la région en collectivité locale de plein
exercice, par le transfert du pouvoir exécutif aux élus dans les
départements et les régions, par le transfert des
compétences de l'État vers les échelons territoriaux etc.,
de mettre fin à la suprématie des «bureaux parisiens»,
de libérer les capacités d'initiative des élus locaux en
consacrant leur majorité politique et de rapprocher la décision
du citoyen.
Les lois de décentralisation (1982-1985) n'ont pas
seulement profondément réorganisé les
responsabilités, les pouvoirs et les contrôles ; elles ont permis
de libérer des énergies locales souvent
insoupçonnées des «bureaux parisiens», de transformer
les notables traditionnels en «entrepreneurs» locaux et d'ouvrir, --
partout ou presque --, une ère nouvelle de dynamisme territorial. Mise
en place d'une gestion de proximité modernisée, politiques
locales de développement plus attractives, mutation du paysage urbain,
maîtrise des politiques publiques et excellence de la gestion locale :
tous ces phénomènes ont profondément marqué la
première décennie de la décentralisation. Les traductions
en matière sociale se sont manifestées par un double mouvement
dont on a pu précédemment apprécier la pertinence. Reste
posé la question de la conjugaison de ce double mouvement qui pourrait
aboutir à une situation assez inédite en matière inclusive
dont le néologisme de déconcentralisation rend compte. La
décentralisation fait que l'État renonce en faveur des
collectivités territoriales à certaines de ses compétences
; tandis que, dans la déconcentration, les compétences demeurent
de l'État mais sont dévolues à ses services
extérieurs ; la déconcentralisation, c'est l'affirmation que la
décentralisation et la déconcentration sont inséparables,
c'est l'affirmation que rien ne peut se faire sans un partenariat loyal entre
l'État et les collectivités territoriales. Partant de cela nous
verrons de quelle façon cela se traduit via la
coopération des intervenants locaux (A) puis la coordination des actions
territorialisées (B).
A. La coopération des intervenants locaux
Reconfigurer l'action publique à l'aune de la
proximité, c'est aussi et surtout faire du partenariat et de la
gouvernance des vertus cardinales. Les représentations dominantes dans
l'action publique de proximité en matière d'emploi et de
formation invitent à un partenariat extensif avec les acteurs de
l'entreprise, de l'économie sociale et du monde politique. L'hybridation
des décideurs se justifie là aussi par une exigence
d'efficacité qui commande que toutes les « forces vives »
soient associées à la lutte contre le chômage.
Côté institutions, le développement des
logiques de gouvernance promeut une porosité des espaces publics et
privés qui s'exprime tant au niveau de la décision que de la mise
en oeuvre des politiques. Au niveau de la décision politique, cette
dynamique s'incarne dans l'association d'acteurs issus de la
«société civile» à des cercles auparavant
réservés aux élites publiques. Si au niveau national, le
partenariat social est une modalité ancienne d'élaboration de
compromis politiques dans le champ de la formation, au niveau local,
l'implication des acteurs de l'entreprise ou de l'action sociale se
développe à la faveur de la territorialisation de l'action
publique. Ce développement se heurte à la faible structuration
territoriale du partenariat social et aux stratégies locales des acteurs
économiques
Côté emploi, les partenariats locaux noués
par le SPE se développent lentement. A l'intérieur même du
SPE, ce mouvement d'hybridation est aujourd'hui patent. Il s'illustre de
manière très claire tant par l'ouverture à l'UNEDIC des
différents niveaux territoriaux du SPE que dans la place offerte en son
sein aux missions locales122(*).
Au niveau de la mise en oeuvre, cette association prend une
tournure différente : celle de l'externalisation. Réponse
technique plus que politique à la quadrature du cercle des politiques de
l'emploi - individualiser la lutte contre un chômage qui se massifie sans
augmentation des effectifs de fonctionnaires au sein de l'administration de
l'emploi - le recours à des prestataires externes représente une
dynamique vaste et complexe encore peu étudiée123(*). Il se donne pourtant
à voir comme un phénomène massif et qui
affecte tous les segments de la politique de l'emploi. Dans un contexte de
réduction constante des budgets publics, la sous-traitance
s'avère un outil indispensable pour embrasser la complexité d'une
action publique de proximité.
Du côté des dispositifs, les instruments du
partenariat public-privé sont nombreux, certains anciens (Comité
de bassin d'emploi, COPIRE), d'autres connaissent un développement
récent (contrat d'objectifs territoriaux, conseils de
développement, maisons de l'emploi, etc.). En matière
d'externalisation, de nombreux outils encadrants la commandite publique, le
contrôle et l'évaluation du service fait ont été mis
au point. Ils s'accompagnent d'une mutation des professionnalités au
sein de l'administration de l'emploi qui passe ainsi d'une posture
d'opérateur à une posture de commanditaire ; d'une culture du
faire à une culture du faire-faire. Dans le champ de la formation, cette
même relation d'achat de prestation par les Conseils régionaux
(qui n'ont jamais été opérateurs directs) a connu une
transformation importante du fait de la mise en oeuvre du code des
marchés publics. Le passage au code des marchés publics s'est
ainsi traduit par un repositionnement de la commande publique qui passe d'une
logique de subvention à une logique d'achat de prestation.
Redéfinition des relations entre gouvernement central
et local, action publique hybride et subsidiarisation de l'intérêt
général : la conduite d'une politique de proximité dans le
champ de l'emploi et de la formation chamboule les édifices
institutionnels, modifie les représentations du bien commun et
transforme les outils de l'intervention publique.
B. La coordination des actions territorialisées
La territorialisation de l'action publique est ainsi facteur
autant que miroir de la perte de prégnance d'une régulation
centralisée des problèmes sociaux. Les changements que cette
dynamique induit, interrogent fortement les modèles classiques d'analyse
du gouvernement. Par penchant disciplinaire sans doute, ce sont pourtant moins
les restructurations géographiques que les nouvelles configurations de
l'autorité et du pouvoir en leur sein qui sont au centre de la recherche
en analyse des politiques publiques. L'action publique en matière
d'emploi et de formation promeut une approche managériale de l'action
sociale destinée à prévenir les risques individuels et
collectifs liés au chômage. Elle contribue aussi à en
générer.
Deux exemples : le risque d'enfermement localiste et
d'individualisation de l'employabilité pour les
bénéficiaires des politiques sociales. Le premier réside
dans la fixation territoriale des plus défavorisés au nom de la
gestion efficace des risques sociaux, c'est à dire visant la
sécurisation des trajectoires individuelles mais aussi la
sûreté de la collectivité. Le second tient à une
tendance croissante vers la responsabilisation des individus au regard de cette
sécurisation. La relation étroite qui s'établit dans les
politiques sociales entre proximité et individualisation est porteuse
d'un second risque ainsi décrit par Zygmunt Bauman : «encore
plus incongru que de chercher des réponses locales à des
problèmes globaux, on nous incite à tenter de résoudre sur
le plan biographique les contradictions sociales»124(*).
L'enjeu est ainsi de dépasser, au stade pratique autant
qu'analytique, une compréhension strictement spatiale de la
proximité pour embrasser les différentes dimensions
(organisationnelle, relationnelle, institutionnelle, etc.) que soulignent les
économistes de la proximité125(*).
Chapitre 2nd : La promotion
de l'inclusion professionnelle par le marché
«La preuve du Pudding c'est qu'on le mange»,
aimait à répéter Engels, [...]. La preuve d'une politique
efficace de l'emploi, c'est que le chômage baisse.
Jean-Louis Gombeaud, 2006
L'élargissement de la base des activités
économiques, l'amélioration du volume de l'emploi et la
réduction du chômage sont des conditions essentielles au maintien
de la croissance économique, à la promotion de
l'intégration sociale et à la lutte contre la pauvreté. Le
renforcement de la participation à l'emploi est d'autant plus
nécessaire qu'il faut s'attendre à une diminution de la
population en âge de travailler. Dans le cadre des lignes directrices
pour l'emploi, les États membres sont invités à: appliquer
des politiques de l'emploi visant à atteindre le plein emploi, à
améliorer la qualité et la productivité du travail, et
à renforcer la cohésion sociale et territoriale; favoriser une
approche fondée sur le cycle de vie à l'égard du travail;
créer des marchés du travail qui favorisent l'insertion,
renforcer l'attrait du travail et rendre l'emploi financièrement plus
attrayant pour les demandeurs d'emploi, notamment pour les personnes
défavorisées, et pour les inactifs; améliorer la
réponse aux besoins du marché du travail.
Le taux de chômage des jeunes en France dépasse
aujourd'hui 22 %, alors que celui de l'ensemble de la population est de 9,6 %,
et atteint même 40 % pour les jeunes sans aucune qualification. En outre,
même les jeunes qui accèdent à l'emploi connaissent des
parcours perturbés, comme le souligne une récente enquête
de l'Institut national de la statistique et des études
économiques (INSEE) : la grande majorité d'entre eux est
embauchée en contrat à durée déterminée ou
en intérim, voire ne trouve que des stages. L'étude montre que la
France a le taux de contrats précaires le plus fort en Europe, exception
faite de l'Espagne. En outre, il apparaît que ce sont essentiellement les
jeunes qui sont touchés par cette forme de précarité de
l'emploi. Si l'on compare à des pays dont le fonctionnement du
marché du travail pourrait constituer un modèle
intéressant pour la France, tel le Danemark ou les Pays-Bas, alors la
situation des jeunes français n'est pas brillante.
Pour un jeune, avoir un emploi, c'est donc le plus souvent
avoir un CDD, un emploi en intérim ou un contrat saisonnier. Alors que
90 % du stock total d'emploi est constitué de CDI, il faut attendre
environ l'âge de 33 ans pour que le taux par âge soit égal
à cette statistique moyenne. En outre, puisque 70 % des embauches se
font en CDD, et que le taux de transformation de CDD en CDI est
inférieur à un demi, on comprend que les jeunes enchaînent
les CDD. Et entre chaque CDD, ils vivent le plus souvent une période de
chômage. En outre, ce sont prioritairement les emplois qu'ils occupent
qui jouent le rôle d'ajustement lorsque la conjoncture se
détériore. La dualité entre CDD et CDI induit donc une
répartition inégalitaire des risques liés à la
conjoncture, qui sont prioritairement supportés par les jeunes, et plus
généralement par les populations les plus fragiles qui occupent
prioritairement les emplois à durée déterminée.
Partant de ce constat, la nouvelle politique adoptée se
veut être le réceptacle des exigences communautaires (I), laquelle
se traduit par une rénovation de l'approche politique adoptée
nationalement s'agissant de l'inclusion sociale par le marché (II),
s'illustrant donc par la réalisation d'une politique
territorialisée (III).
I. La réception des exigences communautaires
« L'emploi est la meilleure protection contre
l'exclusion sociale. Afin de développer un emploi de qualité, il
convient de développer la capacité d'insertion professionnelle,
en particulier grâce à l'acquisition des compétences et
à la formation tout au long de la vie. La mise en oeuvre des objectifs
dont s'est dotée l'Union européenne dans le cadre de la
stratégie européenne pour l'emploi contribue ainsi de
manière déterminante à la lutte contre
l'exclusion»126(*).
La réussite de la mobilisation en faveur du
plein-emploi et d'une productivité plus élevée
dépend d'une large gamme d'actions. Ainsi les investissements portant
sur les infrastructures, le développement des entreprises et la
recherche favorisent la création d'emplois, à court terme en
raison des effets immédiats desdits investissements, mais aussi à
plus long terme grâce à leur effet positif sur la
compétitivité. Pour optimiser l'impact sur l'emploi de ces
investissements, les ressources humaines doivent aussi être
développées et renforcées. En termes de
développement du capital humain, les lignes directrices pour l'emploi
reposent trois priorités d'action pour les politiques d'emploi des
États membres:
- attirer et retenir un plus grand nombre de personnes sur le
marché du travail et moderniser les systèmes de protection
sociale;
- améliorer la capacité d'adaptation des
travailleurs et des entreprises et accroître la flexibilité des
marchés du travail;
- investir davantage dans le capital humain par
l'amélioration de l'éducation et des compétences.
La politique de cohésion doit principalement viser
à relever les défis spécifiques à chaque
État membre mis en évidence dans la stratégie
européenne pour l'emploi, cela en soutenant des actions s'inscrivant
dans le cadre des objectifs de convergence et de compétitivité
régionale et d'emploi. L'éventail des actions éligibles et
des ressources financières est plus important pour le premier de ces
objectifs. Pour le second, les ressources de l'UE sont beaucoup plus
concentrées pour avoir un impact significatif. Les programmes pour
l'emploi et le développement des ressources humaines doivent prendre en
compte les défis et les priorités propres à chaque pays,
comme le préconisent les recommandations sur l'emploi, et ils peuvent
être gérés à l'échelon national ou
régional. Pour pouvoir lutter efficacement contre les disparités
régionales, les programmes nationaux doivent de fait permettre la
concentration des ressources et moyens (A) préalable à la
stimulation de la création d'emploi (B).
A. La concentration des ressources et moyens
«Chaque État membre et chaque région
doit trouver la combinaison de politiques adaptée à sa propre
trajectoire de développement, eu égard aux conditions
économiques, sociales, environnementales, culturelles et
institutionnelles qui lui sont propres. Cependant, même si le
mélange de politiques peut varier selon le contexte, la concentration
sera garantie au niveau des programmes et des projets en y incluant seulement
les éléments qui peuvent contribuer à la croissance et
à l'emploi. Ceci constituera le fil conducteur que la Commission entend
défendre quand elle négociera les différents programmes
nationaux et régionaux»127(*).
Ces présents propos de la commission sur la
concentration mettent en exergue la nécessité pour les Etats
membres et donc la France d'instituer, la présence d'institutions
responsables du marché du travail efficaces, notamment de services pour
l'emploi qui soient en mesure de relever les défis résultant de
la rapidité des restructurations sociales et économiques et du
vieillissement démographique, essentielles pour soutenir la fourniture
des services aux personnes à la recherche d'un emploi, aux
chômeurs et aux défavorisés. Ces institutions pourraient
bénéficier du soutien des fonds structurels. Ainsi joueraient
elles un rôle pivot dans la mise en oeuvre des politiques d'activation du
marché du travail et dans la prestation de services personnalisés
visant à promouvoir la mobilité professionnelle et
géographique et mettraient en rapport offre et demande de travail, y
compris au niveau local. Ces institutions comme les maisons d'emploi ou encore
les chantiers d'insertions, doivent contribuer à anticiper les
pénuries et les goulets d'étranglement sur le marché du
travail et l'évolution des exigences professionnelles et des
compétences requises. Cela devrait également faciliter une
gestion judicieuse de la migration économique.
Au niveau du marché du travail, il convient d'accorder
une priorité élevée au renforcement des mesures actives et
préventives visant à surmonter les obstacles qui entravent
l'accès à ce marché ou le maintien sur celui-ci et
à promouvoir la mobilité des demandeurs d'emploi, des
chômeurs et des inactifs, des travailleurs âgés et de ceux
qui risquent de perdre leur emploi. Les actions doivent privilégier la
prestation de services personnalisés, y compris en matière
d'assistance à la recherche d'un emploi, de formation et de placement.
Le potentiel offert par le travail indépendant et la création
d'entreprise, ainsi que par les compétences TIC et la culture
numérique, doit être pleinement exploité. Une attention
particulière doit être accordée aux actions suivantes:
- mise en oeuvre du pacte européen pour la
jeunesse en facilitant l'accès à l'emploi pour
les jeunes, en facilitant la transition de l'éducation vers l'emploi,
englobant ainsi l'orientation professionnelle, l'aide à
l'achèvement des études, l'accès à une formation
adaptée et à l'apprentissage;
- un ciblage d'actions destinées à
accroître la participation des femmes au marché
du travail, réduire la ségrégation professionnelle,
éliminer les écarts de salaires entre hommes et femmes et les
stéréotypes fondés sur l'appartenance à l'un ou
l'autre sexe.- une action particulière doit être mise en oeuvre
pour renforcer l'accès des migrants au marché du
travail afin de faciliter leur participation au marché du travail et
leur intégration sociale, par des mesures relatives à la
formation et à la validation des compétences acquises à
l'étranger, à l'orientation personnalisée, à
l'enseignement de la langue, à la promotion de l'esprit d'entreprise et
à la sensibilisation des employeurs et des travailleurs migrants aux
droits et obligations qui sont les leurs et au renforcement de l'application
des règles anti-discriminatoires.
Enfin, l'autre priorité importante est pour l'Union
dans ce vaste programme inclusif, de faire en sorte que les marchés du
travail puissent accueillir des personnes défavorisées ou
menacées d'exclusion sociale, par exemple celles ayant quitté
l'école prématurément, les chômeurs de longue
durée, les personnes appartenant à une minorité ou
handicapées. Cela suppose de construire des parcours
d'intégration et de combattre les discriminations, en se donnant comme
objectifs :
- d'améliorer l'employabilité de ces personnes
en favorisant leur accès à l'éducation et à la
formation professionnelles, en prévoyant des mesures de
réadaptation professionnelle, des incitations appropriées et des
adaptations des postes de travail. Ces interventions doivent être
assorties d'un soutien social et des services de soins nécessaires, ce
qui passe, entre autres, par le développement de l'économie
sociale;
- de combattre les discriminations et promouvoir l'acceptation
de la diversité sur le lieu de travail par des mesures de formation
à la diversité et des campagnes de sensibilisation, auxquelles
les collectivités locales et les entreprises doivent également
être pleinement associées.
Plus qu'une vision, se dessine ici une volonté de l'Union
de concentration des ressources et moyens à des fins inclusives.
B. La stimulation de la création d'emploi
La nécessité de concentration sur un nombre
limité de priorités clés, en particulier en matière
de création d'emploi, est particulièrement impérative sous
cet objectif afin de garantir le meilleur usage possible de moyens financiers
limités. L'investissement en capital humain peut jouer un rôle
important afin de s'assurer une adaptation sans heurts aux changements
économiques et aux restructurations. La finalité du nouvel
objectif «compétitivité régionale et
emploi» est d'anticiper et de promouvoir les changements
économiques par les moyens suivants : renforcement de la
compétitivité et de l'attrait des régions de l'UE par des
investissements dans l'économie de la connaissance, l'entreprenariat, la
recherche, les réseaux de coopération entre les
universités et les entreprises, et l'innovation, amélioration de
l'accès aux infrastructures de transport et de
télécommunication, à l'énergie et aux soins de
santé, ainsi que de la protection de l'environnement et la
prévention des risques, accroissement de la capacité d'adaptation
des travailleurs et des entreprises et de la participation au marché du
travail et promotion de l'intégration sociale et des communautés
viables.
Les régions industrielles sont de plusieurs sortes :
alors que beaucoup se caractérisent par d'importantes entreprises de
production, des densités de population importantes et des taux de
croissance économique élevés, on observe dans d'autres la
coexistence d'une industrie moderne, des PME notamment, et d'un secteur des
services dont la croissance est relativement rapide. Ces deux types de
régions peuvent toutefois être confrontés à des
poches de déclin urbain et de pauvreté solidement
installées, à des problèmes de congestion, de pression
environnementale et de santé publique, ainsi qu'à la
nécessité de répondre aux défis de la
mondialisation et de s'adapter à l'évolution économique de
plus en plus rapide. À l'autre bout de l'échelle, nombre de
régions industrielles commencent à peine à s'adapter au
changement et l'effondrement de leur ancienne base industrielle n'est pas
encore compensé par un nombre suffisant d'activités nouvelles.
Par ailleurs, dans les endroits caractérisés par une faible
densité de population, de petites entreprises sont souvent à
l'origine du développement économique, mais ces zones sont
confrontées à des défis similaires. Avec une faible
densité de population, il est plus difficile de surmonter ces
problèmes et la situation socio-économique n'a donc pas
évolué au cours de la dernière décennie.
S'attaquer à ces problèmes, et soutenir les
régions dans leurs efforts de restructuration et de création de
nouvelles activités conformément au programme de Lisbonne
révisé, est l'objectif que doit se fixer la nouvelle
génération de programmes régionaux en faveur de la
compétitivité et de l'emploi.
Ainsi dans le cadre des lignes directrices pour l'emploi, la
France a été invitée à favoriser la
flexibilité, en la conciliant avec la sécurité de
l'emploi, à réduire la segmentation du marché du travail,
en tenant dûment compte du rôle des partenaires sociaux ainsi
qu'à assurer une évolution des coûts salariaux et à
mettre en place des mécanismes d'adaptation des salaires qui soient
propices à l'emploi. Les efforts dans ce domaine doivent viser à
privilégier le développement de stratégies de formation
tout au long de la vie afin de doter les travailleurs, notamment les
travailleurs peu qualifiés et les travailleurs âgés, des
compétences nécessaires pour s'adapter à l'économie
de la connaissance et pour prolonger leur vie professionnelle. Tout ceci trouve
une traduction quasi littérale dans le plan de cohésion sociale
adoptée par J.-L. Borloo avec des mesures comme : la
création des maisons de l'emploi, l'ouverture du marché du
placement, l'amplification de la revitalisation et de la modernisation des
locaux ANPE, la création de 2 000 postes de référents dans
le réseau des missions locales et des PAIO, la création de 72
plates-formes de vocation, la promotion du contrat jeune en entreprise (CJE),
la création législative et réglementaire d'une nouvelle
voie d'accès à la Fonction publique d'Etat reposant sur le
principe de l'alternance, la mise en oeuvre du contrat d'avenir ainsi que celle
des CI-RMA et enfin des CNE,... La stimulation de l'emploi est donc clairement
identifiée et constatée, preuve de la réception par la
France des exigences communautaires.
II. La rénovation de l'approche nationale
« La loi de programmation pour la cohésion
sociale a été promulguée le 18 janvier dernier. Elle vient
s'ajouter à celle d'août 2003 sur la rénovation urbaine
avec d'autres textes réglementaires. Cet ensemble forme ce qu'il est
convenu d'appeler le Plan de Cohésion Sociale. Aujourd'hui est venue
l'heure de sa mise en oeuvre, déterminée, sereine, mais
audacieuse. C'est avec la mobilisation de toutes les forces vives de ce pays
à laquelle a appelé le Président de la République
que nous réussirons, élus, préfets, fonctionnaires, chefs
d'entreprises, associations, partenaires sociaux»128(*).
Le droit du travail français est conçu pour
protéger les travailleurs contre les restructurations de l'emploi
grâce à une réglementation stricte du licenciement
économique. En contrepartie, les contrats à durée
déterminée (CDD) et le travail intérimaire donnent aux
entreprises des marges de flexibilité. Ce système présente
de nombreux inconvénients. La césure CDD-CDI et la
réglementation des licenciements économiques entraînent de
profondes inégalités : les jeunes sont cantonnés à
des emplois en CDD, et les entreprises hésitent à embaucher des
seniors sur des emplois stables, car leur destruction est très
coûteuse. Le licenciement économique est accompagné de
procédures de reclassement formellement exigeantes mais souvent
contournées au détriment des salariés les plus fragiles et
les moins informés.
Afin de réduire les inégalités de
traitement et de simplifier le droit du travail, la suppression du CDD et la
création d'un contrat de travail unique sont apparus sous le
gouvernement Villepin comme une solution envisageable. Ce contrat aurait trois
composantes : il serait à durée indéterminée ; il
donnerait droit à une prime fonction de l'ancienneté en cas de
licenciement (le montant payé inclurait en particulier la composante
« précarité » versée en fin de CDD) ; il
donnerait lieu à une taxe sur les licenciements qui servirait à
garantir le droit au reclassement du salarié, reclassement assuré
non plus par les entreprises mais dans un cadre organisé par le service
public de l'emploi. C'est en suivant cette proposition que l'on
développera l'idée d'une libéralisation du marché
du travail (A) et l'adaptation, parallèle, des travailleurs et des
entreprises (B) signes d'une politique publique inclusive.
A. La libéralisation du marché du travail
Longtemps restreinte aux inactifs et notamment aux
retraités, la pauvreté concerne aussi depuis une trentaine
d'années une proportion croissante d'actifs. Cette progression de la
pauvreté des actifs s'explique pour une part non négligeable par
l'émergence d'un chômage massif et durable, mais également
par la croissance de la pauvreté au travail, et l'émergence du
phénomène des «travailleurs pauvres». Ainsi, entre 1970
et 2002, le taux de pauvreté global en France a été
divisé par deux (passant de 12 à 6 % au seuil de 50 %), mais le
taux de pauvreté des salariés ou chômeurs ayant
travaillé au moins un mois est passé de 3,4 à 5,7
%129(*). Par ailleurs,
depuis une trentaine d'années, les gouvernements successifs ont
multiplié les dispositifs visant à favoriser l'accès
à la formation des demandeurs d'emploi et des salariés, notamment
les moins qualifiés. L'élévation des qualifications,
permise par la formation continue, est en effet conçue comme un moyen
important de prévention du chômage de longue durée et des
situations de précarité longue. L'examen des conditions
d'accès à la formation montre toutefois que les chômeurs et
les salariés peu qualifiés rencontrent toujours aujourd'hui plus
de difficultés que les autres à se former, ce qui fragilise leur
position relative sur le marché du travail130(*). Enfin, alors qu'à la
fin des années 1970 les jeunes sans qualification constituaient le
public prioritaire des politiques publiques d'emploi et de formation, la
diffusion du chômage de masse à de multiples strates de la
population a conduit les politiques à s'adresser à un public plus
large que celui des moins qualifiés. Dans le même temps,
l'ambition d'augmenter le niveau de formation d'une main-d'oeuvre peu
qualifiée a partiellement fait place à la nécessité
de lui procurer des emplois, si bien que les instruments d'intervention se sont
diversifiés.
Ces trois traits caractéristiques de l'état
social de notre marché du travail ont contribué à
procéder à un vaste mouvement de libéralisation du
marché du travail dont un des éléments marquants a
été la mise en place du CNE et la tentative échouée
du CPE. Le CNE et le CPE sont des contrats à durée
indéterminée qui peuvent être rompus sans invoquer de motif
pendant les deux premières années avec une période de
préavis d'une durée réduite (deux semaines avant six mois
d'ancienneté, puis un mois par la suite). Auparavant, mis à part
l'intérim qui, de par son coût, est le plus souvent
réservé à des missions courtes, seul le CDD
présentait l'avantage, pour les entreprises, de pouvoir se
séparer d'un salarié (par rupture ou au terme prévu du
contrat) avec un risque juridique très faible, la rupture d'un CDI
présentant un risque dès la fin de la période d'essai. A
ce titre, il est utile de rappeler les avantages et les inconvénients
des nouveaux contrats par rapport aux contrats existants pour les employeurs et
pour les salariés. A priori, pour les employeurs, le CNE présente
de nombreux avantages par rapport au CDD, et plus encore par rapport au CDI. Il
présente également un certain nombre d'avantages a priori pour
les salariés, même si les principaux gains pour ces derniers
s'établiraient plutôt a posteriori (par le biais de plus
nombreuses opportunités d'emplois). Pour l'employeur, les avantages sur
le CDD et le CDI sont les suivants: tout d'abord, le recours au CNE ou au CPE
n'a pas à être justifié, alors que le recours au CDD doit
être motivé. Ensuite, le CNE offre la possibilité de rompre
le contrat à tout moment sans terme prédéfini (la
période d'essai d'un CDD est très courte, et pour rompre un CDD
avant son terme il faut prouver l'existence d'une faute grave : ni
l'insuffisance professionnelle, ni des raisons économiques, ni
même la liquidation judiciaire ne sont des motifs valables). S'agissant
des avantages par rapports au CDI, le CNE offre une flexibilité
quasi-complète de licenciement, puisque l'employeur n'a pas de motif
à invoquer; seule une procédure de licenciement simplifiée
doit être respectée. En outre, la période de préavis
de licenciement est réduite (15 jours avant six mois
d'ancienneté, puis un mois, contre un à trois mois en cas de
CDI). En principe, il y a beaucoup moins d'incertitude quant à l'issue
judiciaire d'une éventuelle contestation devant les prud'hommes suite
à une rupture avant le terme de deux ans (il n'y a pas de
possibilité de recours pour licenciement non fondé notamment).
Cet avantage n'est cependant pas certain dans la mesure où il y a
possibilité de recours pour rupture abusive du contrat de travail en
invoquant l'abus de droit.
S'agissant du salarié, les avantages a priori
sont les suivants pour le salarié, les nouveaux contrats
présentent deux types d'avantages par rapport au CDD. Tout d'abord, une
meilleure prise en charge en cas de chômage du fait de l'indemnisation
pendant un mois (avec un montant de 16,40 euros par jour) dès quatre
mois d'ancienneté, contre 6 mois minimums de cotisation pour percevoir
des allocations dans le régime général de
l'assurance-chômage). Ensuite, en principe le statut de CDI s'applique au
CNE vis-à-vis des tiers (banques, bailleurs, etc.), même si, dans
les faits, il n'est pas certain que le CNE sera distingué du CDD. Par
rapport au CDI, les nouveaux contrats offrent une meilleure indemnisation
durant les deux premières années en cas de licenciement : le
salarié en CDI de moins de deux ans n'a aucun droit à
l'indemnité légale (ni conventionnelle le plus souvent) et n'a
que peu de droits devant un tribunal. Les nouveaux contrats offrent
également une meilleure prise en charge en cas de chômage du fait
de l'indemnisation pendant un mois (16,40 euros par jour) dès quatre
mois d'ancienneté (contre 6 mois minimum de contribution pour percevoir
des allocations dans le régime général de l'assurance
chômage). Ainsi assiste-t-on à une véritable
libéralisation du travail, via l'introduction de ce nouveau contrat
qu'est le CNE et dont on perçoit, les consonances européennes.
B. L'adaptation des travailleurs et des entreprises
La mise en place d'un contrat de travail unique a pour but de
limiter les inégalités induites par l'utilisation excessive des
contrats à durée déterminée. Elle a aussi pour but
de simplifier le contrat de travail, dont la complexification progressive a
constitué une source importante d'inégalité de traitement
depuis deux décennies. «Est-il normal que Jean, cadre
supérieur, avec vingt-cinq ans d'ancienneté dans une grande
entreprise, licencié pour motif économique dans le cadre d'un
plan social perçoive, après transaction, un montant total
d'indemnités de 145 000 euros, alors que Patricia, employée dans
une entreprise depuis onze mois, parte avec 1 050 euros ?»131(*) Dans cette perspective,
le contrat de travail unique possède trois caractéristiques
principales : c'est un contrat à durée
indéterminée, en cas de rupture du contrat, l'employeur paye une
indemnité, versée au salarié, et une contribution de
solidarité, versée, à l'instar de la «contribution
Delalande», aux pouvoirs publics et enfin la signature du contrat de
travail offre l'assurance d'un accompagnement personnalisé et d'un
revenu de remplacement en cas de perte d'emploi.
Le contrat de travail unique présente l'avantage de
créer une incitation à la stabilisation de l'emploi, puisque les
entreprises sont plus taxées et doivent verser plus d'indemnités
de précarité dès lors qu'elles utilisent plus
intensément des emplois de courte durée. Autrement dit, les
entreprises qui embauchent et qui licencient peu verront leur coût du
travail diminuer. En outre, le problème de la transformation d'un
contrat à durée déterminée en contrat à
durée indéterminée ne se posera plus. Dans la
réglementation actuelle, l'échéance des contrats à
durée déterminée constitue la source essentielle de perte
d'emploi, puisque plus de la moitié des contrats à durée
déterminée ne sont pas transformés en contrat à
durée indéterminée. Ainsi, sur les 30 000 personnes qui
quittent chaque jour un emploi, il y 15 000 fins de contrats à
durée déterminée. La logique introduite par le contrat de
travail unique devrait simplifier considérablement le travail du juge et
sécuriser l'environnement juridique. En effet, dans le cadre du contrat
de travail unique, où le licenciement donne lieu au paiement d'une
contribution qui finance une garantie de reclassement, mise en oeuvre par des
professionnels, l'employeur exprime sa responsabilité en payant la
contribution de solidarité. Dans un contexte où l'employeur prend
en compte la valeur sociale de l'emploi dans sa décision, paye pour que
le salarié soit pris en charge efficacement par l'État
aidé par des professionnels, le paiement de la contribution de
solidarité et le respect de la procédure de licenciement
devraient constituer des critères suffisants pour juger si un
licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
Ainsi, la logique introduite par le nouveau système
simplifie naturellement la réglementation des licenciements dans la
mesure où il n'est plus nécessaire de réserver un
traitement particulier au licenciement économique. Cette simplification
présente l'intérêt de sécuriser
considérablement l'environnement juridique des salariés, à
travers une prime de précarité pour tous, un reclassement de
qualité, un traitement moins inégalitaire, et des employeurs.
Cette sécurisation juridique présente un avantage important pour
l'ensemble de la société par rapport à la
réglementation actuelle, puisque le coût supporté par
l'entreprise n'est plus la conséquence de lourdes procédures,
contrôlées par l'autorité de l'administration et du juge
sur la base de critères flous, mais bien d'un transfert qui abonde un
fonds de solidarité. Ainsi, les coûts et délais
associés au licenciement économique dans le système
antérieur sont remplacés par la taxation des licenciements, dont
les fonds sont mutualisés à fin de financement du reclassement
des salariés dans le nouveau système. Pour qu'il devienne
opérationnel, la notion de licenciement économique devrait donc
être abandonnée. Ainsi assiste-t-on à l'adaptation des
travailleurs et des entreprises
III. La réalisation de la politique
territorialisée (l'exemple des marchés publics à
critères sociaux)
«Le moteur de développement, c'est la
capacité des sociétés locales à faire
émerger ces liens denses et actifs entre les réseaux
économiques locaux. Il n'y a pas de déterminisme et il n'y a pas
de modèle. Certains s'en sortent très bien, d'autres
mal»132(*).
Centralisme du gouvernement et intervention sectorielle ont
durablement constitué le mode privilégié de
définition de l'intérêt général. Un certain
nombre de facteurs ont amenuisé la légitimité de cet
édifice institutionnel - modèle du développement local,
logiques communautaires de subsidiarité, effritement de la
capacité redistributive de l'Etat - en soutenant une dynamique de
territorialisation croissante de l'action publique. Ce mouvement s'inscrit dans
un univers d'acteurs où les qualités personnelles priment sur la
représentation institutionnelle et où règnent le
partenariat, la règle procédurale et la proximité
institutionnelle. La territorialisation des politiques publiques a ainsi
démultiplié les centres décisionnels et effectivement
« débordé » le cadre sectoriel caractéristique
de l'Etat-moderne. La diversification et la complexification des domaines
d'action publique soulignent les limites d'une approche sectorielle alors que
la réalité sociale apparaît sans cesse plus labile, diverse
et difficile à saisir sans une connaissance fine de ses ressorts
locaux.
Encadrée par de nouvelles modalités de
management le plus souvent d'inspiration communautaire - partenariat,
subsidiarité, évaluation, co-production territorialisée -,
la territorialisation de l'action publique vise à reconstruire les
cadres de sa légitimation. En d'autres termes, l'efficience
managériale supposée qu'octroie une action publique de
proximité justifie la sortie progressive d'un modèle de
définition stato-centré de l'intérêt
général. Se faisant la collectivité territoriale
procède à de l'animation territoriale vecteur de partenariat
(A), et à la valorisation locale de la dynamique du marché
(B).
A. L'animation territoriale vecteur de partenariats
Encore pratiquement absente du vocabulaire des
économistes à la fin des années 1980, la notion
d'attractivité a suscité au cours des 15 dernières
années un intérêt de plus en plus marqué, au point
de constituer aujourd'hui un des thèmes centraux des débats de
politique économique. L'attractivité apparaît comme un
discours permettant de justifier à la fois l'existence des institutions
de développement locales et le type d'actions qu'elles mettent en
oeuvre, plutôt que comme un enjeu économique réellement
partagé par tous les acteurs présents sur le territoire. Cette
notion d'attractivité est apparue s'imposer dans le présent
travail, dès lors qu'il devait être question de la manière
dont la collectivité territoriale traite la question de l'inclusion
sociale par le marché. Véritable acteur de l'animation
territoriale, le département joue désormais un rôle moteur
dans la promotion de l'inclusion sociale, rôle au demeurant novateur sur
le terrain particulier des marchés publics via la promotion des
marchés publics à caractère sociaux.
La commande publique peut être utilisée comme un
instrument de lutte contre l'exclusion en favorisant l'emploi de personnes en
difficultés d'insertion. Dans une communication interprétative,
en date du 15/10/2001, la commission européenne a fait le point sur le
droit communautaire applicable aux marchés publics et les
possibilités d'intégrer des aspects sociaux dans les
marchés. Il ressort de cette communication que, «c'est avant
tout au stade de l'exécution, c'est-à-dire une fois le
marché attribué, qu'un marché public peut constituer un
moyen pour une collectivité publique d'encourager la poursuite
d'objectifs sociaux. Les acheteurs publics ont, en effet, la possibilité
d'imposer au titulaire du contrat le respect de clauses contractuelles portant
sur le mode d'exécution du contrat qui soient compatibles avec le droit
communautaire. Ces clauses peuvent comprendre des mesures en faveur de
certaines catégories de personnes et des actions positives dans le
domaine de l'emploi».
Il est important de noter que la définition de l'objet
d'un marché ou de ses conditions d'exécution ne doit cependant
pas avoir pour effet de limiter abusivement la concurrence ou de
réserver l'accès au marché à des entreprises
locales au détriment d'entreprises nationales, ni même au
détriment de soumissionnaires d'autres Etats membres. Le code des
marchés publics, issu du décret n°2001-210 du 7 mars 2001, a
intégré ces dispositions en droit national, dans le cadre de son
article 14. Le nouveau code des marchés publics (décret
n°2004-15 du 7 janvier 2004) n'a pas modifié le dispositif. Peuvent
ainsi être insérées dans les cahiers des charges, des
clauses d'exécution à visée sociale, en faveur de
personnes défavorisées ou exclues du marché de l'emploi.
Depuis 2001, la réglementation des marchés publics
reconnaît ainsi aux collectivités publiques la possibilité
de contribuer à l'insertion de personnes en grande difficulté,
principe qui a été à nouveau consacré dans le
nouveau code des marchés publics en vigueur depuis le 10 janvier 2004.
C'est ainsi que la voie a été ouverte à l'introduction de
clauses sociales permettant d'inciter les entreprises répondant aux
appels d'offres publics à réserver à des personnes
engagées sur un parcours d'insertion une partie du volume
travaillé dans le cadre des marchés concernés. De
même, la passation de marchés avec des structures d'insertion par
l'activité économique a été facilitée par
l'instauration de procédures allégées et
adaptées.
Ainsi l'introduction de clauses sociales d'exécution
dans les marchés publics s'inscrit dans les dispositions de l'article 14
du code des marchés publics (décret du 7 janvier 2004) participe
de ce dispositif ainsi que la conclusion de marchés en application des
articles 28 ou 30 du code directement avec les structures d'insertion par
l'activité économique. Ce dispositif, utilisé à son
plein potentiel, peut constituer un outil puissant pour insérer des
personnes éloignées de l'emploi.
On se trouve ici pleinement dans un exemple d'animation
territoriale ou l'attractivité comme politique de valorisation du
territoire permet de multiplier les marchés publics diffusant ainsi, une
politique d'inclusion sociale transversale à un grand nombre de
secteurs.
B. La valorisation locale de la dynamique du marché
C'est dans le cadre de marchés publics de travaux et de
services, qui impliquent en général la mise en oeuvre prioritaire
de mains-d'oeuvre qualifiées ou non, que l'acheteur pourra le mieux
tenir compte de préoccupations en matière d'insertion.
Tous les marchés de services ou travaux ne sont
néanmoins pas susceptibles d'intégrer des conditions sociales
d'exécution. Ainsi, lorsqu'une direction envisage, pour la passation
d'un marché, d'inclure dans sa commande une exigence en matière
d'insertion professionnelle, il lui est d'abord nécessaire de se
renseigner sur le volume de travail que peuvent assurer les structures
d'insertion par l'activité économique ou les personnes
concernées, susceptibles d'être embauchées directement par
les entreprises titulaires. Ensuite, elle détermine le volume de travail
devant être confié à ce public et le mode d'insertion
à retenir. Mais la Direction peut également, après avoir
fixé le volume de travail à faire accomplir par des
salariés au titre de l'insertion professionnelle, décider de
laisser le libre choix de la modalité à l'entreprise.
Attribuer des marchés à des structures
d'insertion, dont l'objet social est d'insérer des personnes en
difficulté, peut constituer une réponse aux objectifs sociaux de
la région, un département ou de l'intercommunalité,
d'où le qualificatif de providence qu'on peut leur attribuer, en ce
qu'elle remplisse désormais un rôle plein et entier dans la
valorisation locale de la dynamique du marché. L'attribution de
marchés à de telles structures suppose néanmoins qu'elles
aient été préalablement candidates à ces
marchés publics. La liberté d'accès à la commande
publique est au nombre des principes fondamentaux consacrés par
l'article 1er du code des marchés, au même titre que les principes
d'égalité de traitement des candidats et de transparence des
procédures.
Bien que tout à fait libres de se porter candidates aux
marchés des différentes collectivités, les structures
d'insertion ne se présentent cependant pas lors des consultations
organisées. Il s'agit là de la principale difficulté. Deux
éléments peuvent être avancés pour expliquer cette
situation : l'impossibilité, pour une petite structure,
d'exécuter des marchés qui s'avèrent trop importants ou
complexes pour elle, et la difficulté, pour ces structures,
d'appréhender les règles relatives aux marchés publics et
notamment les conditions à remplir pour la remise d'une offre. Lorsque
des marchés sont passés dans les domaines habituels
d'intervention des structures d'insertion, l'acheteur public peut jouer un
rôle, cette fois au stade de la mise en concurrence, en menant une
réflexion, lorsque les prestations se prêtent au découpage,
sur les éventuelles possibilités d'allotissement de la
consultation. Le recours à l'allotissement déjà
envisagé dans l'objectif de faciliter l'accès des PME à la
commande publique, pourrait ainsi, dans les domaines économiques
relevant de l'activité des structures d'insertion favoriser les
candidatures de ces dernières. Par ailleurs, lorsque, en raison de
l'objet ou du montant des prestations, la procédure de passation du
marché n'est pas formalisée par le code des marchés
(marchés passés en procédure adaptée
conformément à l'article 28 du code ou marchés de service
bénéficiant du formalisme allégé de l'article 30),
les acheteurs peuvent, dans le cadre des mises en concurrence adaptées
qu'ils organisent, s'adresser aux structures d'insertion susceptibles de
pouvoir répondre à leur consultation pour solliciter de leur part
une candidature ou une offre.
Les embauches se réalisant alors peuvent être de
deux types, direct ou indirect. Lorsque l'exécution d'un marché
permet ou nécessite l'exercice d'une mission sur plus de 6 mois, le
recours à des personnes en difficulté, par embauche directe peut
être envisagé. L'emploi de ces personnes peut être
effectué sur contrat aidé ou non aidé. Pour être
éligibles dans le cadre de ces recrutements, les demandeurs d'emploi
appartenant à ces catégories doivent avoir été
préalablement validés par l'ANPE comme relevant des publics
prioritaires. Ils devront ainsi fournir à l'entreprise titulaire une
lettre de l'ANPE attestant de leur appartenance aux publics éligibles.
Si le cahier des charges prévoit le recours à l'embauche directe,
l'entreprise titulaire envisageant de recruter sur un contrat aidé
dispose d'un choix parmi sept types de contrats. Les contrats aidés sont
les suivants: contrat de qualification, contrat de qualification adulte,
contrat d'apprentissage, contrat d'adaptation, contrat d'orientation, contrat
jeune en entreprise, contrat initiative emploi, et désormais le contrat
nouvel embauche.
Deux de ces contrats concernent les personnes
âgées de plus de 26 ans : le contrat initiative emploie et le
contrat de qualification adulte. Les recrutements directs sur contrats
aidés se font nécessairement sur une durée longue,
supérieure à six mois. Il convient donc de réserver ce
type de clauses aux marchés d'une durée supérieure
à un an. Par ailleurs, ce mode de recrutement ne peut être mis en
oeuvre que sous réserve de disposer, dans les pièces du
marché, d'informations relatives au volume du travail nécessaire
à l'exécution des prestations (en nombre de personnes mises
à disposition pour l'exécution des prestations ou encore en
nombre d'heures effectuées). L'ANPE pourra également organiser,
en accord avec l'entreprise, des mesures d'accompagnement des salariés
concernés au sein de celle-ci. Pour les embauches indirectes, elles
correspondent au recours à une main d'oeuvre temporaire, recrutée
essentiellement par les entreprises de travail temporaire d'insertion. La mise
en activité par une entreprise de personnes salariées par le
GEIQ133(*) dont elle est
adhérente est également considérée comme une
embauche indirecte au titre de l'application de l'article 14. Quant aux
salariés recrutés dans l'entreprise à l'issue d'un
parcours au sein du GEIQ, ils seront considérés comme relevant de
l'embauche directe.
Voici ainsi décrit une modalité pouvant
être suivit par les collectivités, pour procéder à
la réalisation de la politique territorialisée de l'inclusion
sociale via la promotion des marchés publics à critère
sociaux.
Conclusion de la 1ère partie
La gestion publique s'est singulièrement
complexifiée. Avec la territorialisation de la lecture des
problèmes publics et la responsabilisation des élus locaux, la
logique originelle de spécialisation par blocs de compétences
s'est avérée peu réaliste. C'est davantage la clause
générale de compétence qui s'est vue octroyée un
statut d'évidence dans les différentes collectivités
territoriales. En a découlé l'activation de logique partenariale
pour monter des dossiers et faire jouer des financements croisés au prix
d'une dilution des responsabilités et du règne du pragmatisme.
Dans ce cadre, les professionnels de l'action publique ont acquis une place
considérable pour rassembler les moyens requis par la production d'une
action publique négociée. De même, le cumul de mandats a
trouvé une nouvelle opportunité de justification pour
accéder à des ressources dispersées. Au total, la
décentralisation s'est accompagnée d'une dispersion du pouvoir
créant les conditions d'un développement des logiques de
réseau pour construire des politiques et prendre la mesure des moyens
disponibles. Elle a aussi favorisé un déplacement flou des lieux
d'action. Si la décentralisation a manifestement contribué
à centraliser la gestion locale dans les mains d'équipes
politiques restreintes, et plus ou moins personnalisées, elle s'est
également accompagnée d'un déclin des mobilisations
collectives locales. Plus précisément, celles-ci sont devenues
plus erratiques et peut-être davantage circonscrites à des
problèmes localisés (fermeture d'équipements et de
services publics, défense d'un paysage) et à des situations de
fait (chômeurs, marginaux, minorités).
La décentralisation a ainsi sonné comme une
forme de primauté de l'institution sur la société. La
conséquence est que les responsables publics se retrouvent plus
isolés ne serait-ce qu'au travers l'extension des contraintes
budgétaires, ou encore la sur responsabilisation que la charge de la
politique publique inclusive suppose. Face à la définition des
orientations, ils ne peuvent que s'efforcer de solliciter la mobilisation
locale à travers toute une série d'instruments. S'érige de
fait au travers la pérennisation des dispositifs sociaux curatifs et la
formulation consubstantielle de politique sociale occupationnelle,
l'avènement du paradigme de la Collectivité Providence.
2ème PARTIE : LA BANALISATION DE
L'EVALUATION PAR LES POLITIQUES D'INCLUSION SOCIALE
Depuis le mouvement de décentralisation amorcé
il y a 20 ans, l'action publique se voit totalement bouleversée, de
nouveaux acteurs, publics ou privés, entrent en jeu ; les
politiques publiques se voient partagées entre plusieurs niveaux de
décision, s'exécutent dans le cadre de partenariat, sur des
territoires sans cesse redessinés allant de l'Europe à la commune
en passant par les régions et les départements.
Conséquemment se pose ipso facto la question de la performance
de ces politiques publiques, et c'est donc logiquement que l'évaluation
accompagne la montée en puissance et en complexité des politiques
publiques notamment locales. N'est en jeu rien d'autre que la notion de
gouvernance territoriale et sur ce terrain, l'inclusion sociale est une
politique de choix pour analyser ces évolutions.
Aujourd'hui, composante de la gestion publique,
l'évaluation est selon Xavier Greffe134(*) un «moyen de répondre aux trois
déficits rencontrés par la gestion des pouvoirs publics :
insuffisance d'informations, difficultés de communication, et exigence
de contrôle». La définition officielle de
l'évaluation des politiques publiques rappelle qu'
«évaluer une politique, c'est apprécier son
efficacité en comparant ses résultats aux objectifs
assignés et aux moyens mis en oeuvre»135(*). Si toutes ces
définitions paraissent claires, elles posent en réalité un
certain nombre de questions qui rendent la pratique de l'évaluation pas
si aisée : on peut se demander en effet, à l'aune de la
définition officielle de l'évaluation, quels sont les objectifs
de la politique, quels sont ses résultats attendus et comment on peut
les mesurer. En pratique, les objectifs officiels des politiques sont souvent
flous, contradictoires et peu susceptibles d'être rigoureusement
confrontés à la réalité des effets produits.
Les politiques sociales, telles qu'elles sont conçues
aujourd'hui, comme beaucoup d'autres politiques ne sont pas exemptes de tels
obstacles à l'évaluation. On pourrait même affirmer que
c'est précisément dans ce domaine que l'évaluation semble
à la fois la plus nécessaire et la plus difficile à mettre
en oeuvre. C'est pourquoi, se pose la question de la possibilité de
dépasser ce dilemme entre l'impérieuse nécessité
d'évaluer et sa difficile mise en oeuvre.
Il s'agira ici d'aborder cette question en s'écartant
du formalisme qui règne quant aux formes d'institutionnalisation de
l'évaluation en matière sociale. Dans cette perspective sera
ainsi mise en exergue une véritable émergence d'un critère
qualitatif comme gallon d'analyse de l'évaluation (Titre 1) aboutissant
à l'enracinement d'une véritable culture performative (Titre
2).
TITRE 1er : L'EMERGENCE D'UN CRITERE
QUALITATIF
L'évaluation constitue un des axes majeurs de la
modernisation du management public136(*) qui se développe dans les années 90
pour répondre à la crise des finances publiques. En effet, face
à une complexification croissante et à la montée en
puissance des contraintes entourant la mise place de véritable politique
publique137(*),
l'évaluation exprime un besoin de comprendre, de mesurer, de juger, et
de réformer le cas échéant les actions publiques138(*). L'évaluation des
politiques publiques, des programmes publics ou, plus
généralement, de l'action publique, est entrée dans le
débat en France dans les années 1990, elle s'inscrit dans le
processus initié à l'occasion de la RCB139(*). Cependant lorsqu'on se
donne la peine de situer la genèse du phénomène
évaluatif dans un contexte de critique et, en définitive, de
crise de l'Etat - contexte qui était celui de la charnière entre
les années 70 et années 80 - et qui a partiellement
suscité l'officialisation de facteurs dits de " changements "
administratifs, comme les lois de décentralisation, les techniques de
communications, la multiplication des cercles de qualité, des audits...
dans un grand nombre d'administrations publiques, on est conduit à
considérer l'opération RCB comme prolégomènes
à une démarche évaluative. En effet, l'évaluation
de l'action administrative constitue un thème déjà
présent dans la problématique RCB, à une époque
où elle était entendue essentiellement comme une démarche
d'identification et d'analyse ex post des effets de l'action
administrative. Depuis la fin des années 70, la démarche
évaluative avait commencé sa montée en puissance dans le
cadre de la RCB, jusqu'à former un bon quart des études
lancées à partir de ces années-là. C'est d'un
colloque international organisé en décembre 1983 par la Direction
de la prévision du ministère de l'Economie, des finances et du
budget, avec l'appui du Secrétaire d'Etat chargé de la Fonction
publique et des réformes administratives, en collaboration avec HEC,
l'ENA et l'ENPC, que l'évaluation va apparaître comme le moyen de
faire émerger un critère qualitatif :
«L'évaluation des politiques publiques,
c'est-à-dire l'appréciation a posteriori des effets réels
des décisions publiques, se trouve en France dans la situation
paradoxale d'être à la fois souhaitée et ignorée.
L'évolution de l'économie mondiale, l'accélération
du changement technologique, la modification des comportements sociaux et
politiques des individus conduisent à une mutation de l'action des
pouvoirs publics. Les acteurs de la vie publique ressentent donc le besoin
d'instruments adaptés à ce contexte de remise en cause
permanente. L'évaluation paraît alors dotée de deux vertus
: apporter une aide à la gestion des politiques publiques, enrichir le
dialogue démocratique que la société entretient sur ces
politiques. Mais en même temps, sous le terme commun d'évaluation,
se font jour des conceptions et des attentes multiples. Les expériences
entreprises à ce titre sont diverses, de même que les
appréciations qu'elles suscitent...»140(*).
Cette définition est celle qui a dominé
jusqu'à l'apparition d'un champ de controverses important sur
l'évaluation à partir de l'année 1984, c'est-à-dire
au moment où, précisément, la RCB disparaît sur un
plan administratif avec la suppression de la commission RCB à la
Direction de la prévision. Ce colloque a marqué une date capitale
dans la prise de conscience du problème :
- il a permis, d'établir un premier bilan de la
pratique des évaluations en France, d'engager une réflexion
méthodologique et stratégique globale sur la
nécessité et le statut de l'évaluation de l'action
publique dans notre pays ;
- il a conduit à la création, en 1984, de
l'Office parlementaire d'évaluation des choix technologiques et
scientifiques...
Pourtant, bien qu'entre 1983 et 1999, l'évaluation ait
fait son chemin peu de choses ont changé pour décrire une
situation marquée par : un déficit d'information, les
besoins auxquels l'administration est confrontée et le double objectif
(près de vingt ans après) qui reste à atteindre :
conceptuel d'abord, pour clarifier la notion même d'évaluation ;
opérationnel ensuite, pour permettre que se développe une
démarche permettant une meilleure adaptation des actions publiques aux
circonstances actuelles.
S'agissant des stratégies en faveur de l'inclusion
sociale dans les territoires, l'ancrage territorial et la proximité
locale se sont révélés des atouts pour adapter les
dispositifs régionaux et nationaux aux mutations de l'économie.
Cependant, l'élaboration de stratégies territoriales
intégrées, jouant sur tous les leviers de l'accès à
l'emploi et du développement de l'emploi (intermédiation,
formation, activités nouvelles de services, économie sociale et
solidaire, création d'entreprise, développement
d'entreprises...), débouche sur des formes de partenariat innovantes
mais souvent complexes à mettre en oeuvre puisqu'elles impliquent la
coordination des politiques menées localement par les acteurs
institutionnels (Etat, Régions, Départements et
Collectivités locales ou leurs groupements) et des actions conduites par
les acteurs privés (employeurs et leurs groupements, associations et
société civile).
Il s'agit donc par le processus évaluatif de
promouvoir, dans la gouvernance territoriale, des démarches globales
favorisant la coordination des acteurs locaux dans le domaine de l'emploi et de
l'inclusion (Service public de l'emploi local, collectivités locales,
partenaires sociaux, entreprises et associations) pour une prise en compte
croisée des problématiques à caractère social des
territoires.
Dans un tel contexte, il convient d'interroger le
développement de l'évaluation dans les politiques publiques
partenariales (Chapitre 1), pour ensuite voir l'extension de
l'évaluation aux politiques publiques locales (Chapitre 2).
Chapitre 1er : Le développement de
l'évaluation dans les politiques publiques partenariales
Quelle que soit sa compétence réglementaire,
une collectivité territoriale se saisira d'un problème à
partir du moment où il émergera au sein de l'agenda politique
local.
P.Muller, 1998
Evoquer le développement de l'évaluation dans
les politiques publiques qualifiées de «partenariales»
sous-tend deux impératifs : le premier est de s'entendre sur une
définition consensuelle d'une politique publique partenariale, le second
impératif plus simple a priori se révèle tout aussi
impérieux puisqu'il s'agit de donner une explication aussi claire que
possible sur l'idée de l'évaluation, sur ce qu'elle est et est
susceptible d'apporter à ce type de politique.
S'agissant du premier point il convient de revenir aux bases
même de ce qu'est une politique publique, en effet celle-ci s'entend
généralement au niveau national : élaborée et
formulée par l'exécutif, adoptée par le parlement, une
politique publique résulte de la volonté d'un gouvernement
d'inscrire dans un champ donné une action destinée à
produire un changement, un mieux-être à court ou moyen terme pour
la société, une série de mesures conformes à
l'intérêt général. Une politique publique c'est
selon les propos de Patrick Gibert «une théorie du changement
sociale»141(*).On parlera ainsi d'une politique de l'emploi,
de la ville, de la protection de l'environnement, une politique
éducative,...etc. Dans ce sens, la politique publique apparaît
donc comme un mode de finalisation et de solennisation de l'action publique
où la formulation des objectifs résulte de l'expression d'une
volonté générale. Cette base ainsi posée permet
dès lors de s'interroger sur le qualificatif partenariale de la
politique publique. Sans revenir sur l'évolution de l'action publique
dans son ensemble on peut, néanmoins mettre à jours la lente
émergence de la notion de territoire, territoire qui comme nouvel
espace opératoire des échanges économiques et sous l'effet
combiné de la déconcentration et de la décentralisation,
se voit désormais re-découpé, redessiné,
recomposé par les pouvoirs publiques à la recherche de
l'échelle la plus pertinente d'action publique. Dans ce mouvement,
l'Etat désormais polycentrique négocie, contractualise avec
d'autres autorités infra étatiques de sorte que de sorte que
malgré son maintien comme l'élément moteur et central,
l'Etat est conduit à déléguer ou tout le moins à
coopérer induisant ipso facto l'émergence d'une véritable
politique publique partenariale. C'est très logiquement dans ce
phénomène singulier de
délégation/coopération que l'évaluation trouve
à émerger avec une rare vigueur.
La raison de cette émergence, de ce
développement d'une culture évaluative, du moins au début
est mue par ailleurs par un impératif de rationalité et
d'objectivité scientifique.
L'évaluation est à la politique ce qu'est la
fiction à la Science, ayant pour objectif moins de «fournir
une description fidèle de la réalité que de permettre de
projeter une situation, éventuellement irréelle qu'elle
représente»142(*), l'évaluation, permet de construire une
théorie, d'envisager des hypothèses et d'explorer leurs
conséquences, de formuler d'éventuelles altérités.
Ce qui caractérise donc l'évaluation n'est pas son statut logique
mais bien cette fonction cognitive de représentation.
C'est en suivant ces éléments introductifs que
seront évoqués successivement l'apparition de la pratique
évaluative dans les politiques publiques partenariales (I) puis sa
propagation (II) et enfin son institutionnalisation (III).
I. L'apparition de la pratique évaluative
Il existe aujourd'hui un large consensus pour
reconnaître à l'évaluation des politiques ou des actions
publiques le statut d'ardente obligation qui fut, un temps, celui du
Plan en France. Ce consensus est assurément très
réconfortant pour tous ceux qui sont attachés à la
promotion d'un modèle de décision publique plus rationnelle et
plus démocratique.
«Malheureusement, un principe de précaution
doit s'appliquer presque systématiquement face à tout consensus,
et plus encore quand les voix s'accordent pour défendre un instrument de
rationalité, de transparence et de responsabilité des actions
publiques. Car, au fond, n'est-ce pas précisément parce que, par
nature, il est rare que l'action publique réunisse tous ces attributs
que l'on s'accorde pour affirmer l'intérêt de l'évaluation
des politiques publiques ?»143(*)
Il est, en effet, bien légitime de s'interroger sur les
chances de succès de l'outil «évaluation des politiques
publiques» et sur sa capacité à prévaloir sur les
forces profondes qui font que, souvent, l'action publique n'est ni vraiment
rationnelle, ni vraiment transparente. Les efforts effectués pour
acclimater l'évaluation des politiques publiques en tant que processus
courant de la décision publique sont cependant anciens et ont
débuté au sein de l'Union européenne il y a près de
quarante ans. C'est à partir des années 60 que la Commission
développe l'évaluation des politiques de recherche scientifique
et technologique qu'elle finance. Aujourd'hui, l'évaluation de chaque
programme est obligatoire - un budget est prévu à cet effet - et
conditionne son renouvellement. La pratique de l'évaluation s'est
étendue à d'autres domaines, en particulier aux politiques
partenariales que la Commission mène avec les Etats et les
régions. C'est en suivant ce cheminement chronologique que seront
examinés l'apparition de la pratique évaluative dans le
contrôle des programmes de financement communautaire (A) auquel lui
succédera le saisi des contrats de plan Etat/ Collectivités
Territoriales (B).
A. Le contrôle des programmes de financement
communautaire
La mise en oeuvre des financements communautaires est
accompagnée depuis 1988 d'une pratique d'évaluation. Devenue
obligatoire est systématique depuis 1994, l'évaluation s'applique
aux fonds structurels (FEDER, FSE, FEOGA, IFOP). Comme ces financements
interviennent en compléments des politiques nationales, notamment ceux
mis en oeuvres dans le cadre des contrats de plan, l'évaluation
imposée au niveau européen a ainsi contribué au
développement de la pratique et des méthodes de
l'évaluation dans les états membres parmi lesquels bien sûr
la France. Dés 1988, le Conseil impose l'évaluation des fonds
structurels, il fixe à cette époque des principes directeurs de
ces fonds : concentration des crédits, déconcentration de
leur mise en oeuvre, additionnalité144(*) des financements communautaires et nationaux,
partenariat entre les différents échelons, et évaluations
systématique des actions.
Le cadre de cette évaluation a été
précisé lors de l'adoption par le Conseil des règlements
applicables à la période 1994-1999. L'obligation d'évaluer
est explicitement mentionnée par le règlement cadre CEE de 1993
et les règlements du 20 Juillet 1993 propres à chaque fonds
(FEDER, n°2083/93, FSE n°2054/93 et FEOGA n°2085/93). L'actuel
dispositif et celui du règlement général du 21 Juin 1999,
contenant plusieurs mesures destinées à encourager
l'évaluation et l'amélioration de son efficacité :
-l'attribution de la réserve de performance, sorte de
bonus financier venant en complément des financements communautaires
contractuels, étant soumis à la réalisation effective des
évaluations à mi-parcours ;
-de même, le rôle assigné à
l'autorité de gestion dans la mise au point de l'évaluation est
conforté.
S'agissant plus spécifiquement de l'obligation
évaluative dans le cadre des financements communautaires, cette
dernière s'impose selon des modalités qui peuvent aller
jusqu'à la sanction financière puisque la commission peut refuser
les concours communautaires à un Etat Membre qui ne fournit pas les
informations suffisantes. Cette obligation porte sur la globalité du
programme sans négliger aucun critère. L'adéquation du
programme aux besoins, comme l'évolution de ces derniers ou la synergie
entre les mesures, peuvent ainsi être analysée. C'est bien
d'éclaircissement quant à la réalisation effective des
priorités de l'action européennes dont il est question, ce qui en
matière inclusive vise ainsi depuis l'adoption de la stratégie de
Lisbonne : «l'évaluation de l'efficacité du
programme sur quelques thèmes renvoyant chacun à des
problématiques spécifiques145(*) : emploi, transfert de technologie, littoral,
mobilisation FSE, développement rural,...»146(*). S'agissant
de la période 2007-2013, l'évaluation de l'inclusion sociale vise
la vérification de deux objectifs majeurs : la concentration et la
convergence.
S'agissant du premier : la croissance de la production
économique est essentiellement composée de deux
éléments moteurs: l'emploi et la croissance de la
productivité. Ces éléments sont intimement liés et
doivent être stimulés simultanément afin d'obtenir une
répercussion maximale. Afin de promouvoir dans le cadre des programmes
2007-2013 de développement national et régional un cheminement de
développement durable et renforcer la compétitivité dans
le contexte d'une économie de la connaissance, il est essentiel de
concentrer les ressources sur des infrastructures de base, sur le capital
humain et la recherche et l'innovation, y compris l'accès aux
technologies de l'information et de la communication (TIC) et leur utilisation
stratégique. Ceci suppose des investissements matériels comme
immatériels. S'agissant de la convergence : pour les régions
et les États membres éligibles à la politique de
cohésion au titre du nouvel objectif de convergence, l'objectif
principal sera de stimuler le potentiel de croissance pour maintenir et porter
les taux de croissance à un niveau supérieur. Cet objectif trouve
sa pertinence à la lumière de l'augmentation sans
précédent des disparités au sein de l'Union
élargie, du caractère à long terme des efforts qui seront
nécessaires pour réduire ces disparités, et de la
contribution qu'il peut apporter à la compétitivité de
l'UE dans son ensemble. Leurs stratégies se concentreront donc sur les
investissements et les services collectifs qui sont indispensables pour
parvenir à une augmentation de la compétitivité à
long terme, la création d'emplois et un développement durable.
Il convient néanmoins de bien comprendre que toute
cette logique est indubitablement liée à un suivi pertinent des
CPERs (Contrat de plan Etat/Région) car, il convient d'analyser la
cohérence, la pertinence et l'efficacité de l'articulation entre
fonds structurels européens et contrats de Plan
État-région, pour des raisons de croisements et d'imbrications
des deux modes d'actions publiques.
B. Le saisi des contrats de plan Etat/ Collectivités
Territoriales
Parallèlement à l'évaluation des
financements communautaires, intervenant généralement dans le
cadre des contrats de plan, l'évaluation s'est progressivement
étendue aux procédures contractuelles mises en oeuvre entre
l'Etat et les collectivités. Ces procédures concernent en premier
chef, les contrats de plan Etat-région, appelés à une
profonde redéfinition à leur échéance intervenue
cette année en 2006. Mais les actions contractualisées
comprennent aussi, à partir de 2000, diverses autres interventions,
contrat de ville, d'agglomération, de pays, parcs naturels
régionaux, que nous n'évoquerons pas puisque tous ne concernent
pas l'inclusion sociale et que nous adoptons une analyse transversale de cette
politique publique.
L'obligation d'évaluer les politiques publiques
contractualisés résulte d'une décision du comité
interministériel d'aménagement du territoire du 23 Juillet 1992
consacré à la préparation des contrats de plan. La
circulaire du 9 Décembre 1993 en a arrêté les principes et
l'organisation. Ce texte complète, le mandat de négociation
donné aux préfets le 30 Décembre de la même
année, traduit dans le droit interne l'obligation d'évaluation
formulée par les procédures communautaires : le
règlement communautaire n°2080/93 du Conseil du 20 Juillet 1993
rend obligatoire l'évaluation des opérations financées
avec l'aide des fonds structurels européens. La circulaire de 1993
précise que l'évaluation doit consister à
«mesurer l'adéquation de chaque composante d'un programme
à l'objectif affiché et à en dégager des
propositions pour en améliorer la performance», ce qui n'a pu
être traduit dans le cadre de l'inclusion sociale que lors de
l'évaluation à mi parcours de PNAI en 2003, la formulation de
l'inclusion datant de Lisbonne. Précisément, une circulaire est
venue reformuler partiellement cette obligation d'évaluation, la
circulaire du 25 Août 2000. L'obligation d'évaluer les
procédures contractuelles de la période 2000-2006 a
été formulée par deux circulaires du premier ministre du
31 Juillet 1998 pour les contrats de plan et du 31 Décembre 1998 pour
les contrats de ville. Confirmé par la circulaire du 25 Août 2000,
relative à la mise en oeuvre de l'évaluation des
procédures contractuelles, qui abroge celle du 9 Décembre 1993,
le texte fixe les modalités d'évaluation et vise notamment
à prendre en compte les procédures communautaires et
infrarégionales et à les fondre dans un seul et même
dispositif.
Ce dernier, piloté par le commissariat au Plan, se
singularise ainsi par trois caractéristiques :
-la décentralisation de la procédure de
programmation des évaluations : elle est désormais
assurée par un comité de pilotage régional147(*), constitué par une
section spécialisée de la conférence régionale
d'aménagement du territoire, permettant une meilleure coordination au
niveau national ;
-des procédures nouvelles d'engagements de
crédits, visant à encourager la programmation pluriannuelle des
évaluations des CPER : 75% des crédits affectés
à chaque région sont délégués directement
par le Commissariat au Plan en début d'années aux préfets
de Région qui ont défini une programmation de leurs
évaluations, illustrant ainsi la perpétuation de la logique de la
RCB et au-delà de ça, induisant la recherche d'un contrôle
infra étatique du respect du principe d'aditionnalité ;
-l'organisation du suivi des évaluations : une
synthèse est établi à mi parcours au niveau
régional, ce qui d'une permet dès 2000 de voire se profiler
l'importance de la région dans le pilotage des politiques
européennes en lieu et place de l'Etat, illustrant belle et bien
l'émergence d'un nouveau paradigme de Collectivité Providence,
suppléant l'Etat dans la mise en oeuvre des politiques inclusives mais
allant aussi jusqu'au suivit de ces dernières.
Par ailleurs on peut s'interroger sur la signification de ce
rôle phare de la Région à une heure ou l'Europe recherche
un interlocuteur plus pertinent que l'Etat, cela préfigurait-il d'ores
et déjà l'acte deux de la décentralisation et les cas
échéant la nouvelle rédaction de l'article 72
alinéa 2 de la constitution, permettant et autorisant la création
mais aussi et surtout la suppression de niveaux territoriaux
inefficients ? La question trouve à se poser !
II. La propagation des évaluations
Officialisée par un décret du 22 janvier 1990
créant le Conseil scientifique de l'Evaluation auquel a
succédé le Conseil National de l'Evaluation (décret du 18
décembre 1998), c'est essentiellement une circulaire du 9
décembre 1993 qui a assorti les Plans de contrats Etat/Régions et
les contrats de ville d'une obligation d'évaluation à l'instar
des mesures préconisées pour l'évaluation des programmes
européens. Depuis, la nécessité d'évaluer semble
progressivement s'imposer à l'échelle territoriale comme un outil
rigoureux de gestion en interaction avec une démarche prospective. La
démarche ressort alors d'un véritable choix politique. Evaluer
une action publique, une politique publique c'est dès lors juger de leur
valeur au regard de critères préalablement explicités et
sur la base d'informations rassemblées et analysées à cet
effet. L'évaluation permet ainsi la compréhension d'ensemble de
la politique étudiée, l'appréciation globale de ses effets
et du degré d'atteinte de ses objectifs et enfin la pertinence et
l'efficacité des ressources mobilisées pour sa mise en oeuvre.
Les conditions dans lesquelles se réalise une évaluation doivent
permettre de répondre à la double exigence d'une expertise
indépendante, à savoir : un regard extérieur porté
sur la politique évaluée, une prise en compte équitable
des points de vue de ses décideurs, de ses acteurs et de ses
bénéficiaires. Ces lignes de forces ont amené la France
vers l'évaluation en passant par : une assimilation incitative -
dimension cognitive - (A) puis ont permis une acculturation progressive -
dimension normative - (B).
A. Une assimilation incitative (dimension cognitive)
En pratique, une évaluation n'est jamais exclusivement
récapitulative148(*) ou formative149(*). Une évaluation qui vise à
repérer les changements induits par l'action manque de
crédibilité et devient inopérante pour la
préparation des décisions futures si elle n'explique pas les
processus et les comportements à l'origine de ces changements,
c'est-à-dire les raisons du succès ou de l'échec.
Inversement, proposer des adaptations dans la conduite de l'action peut
s'avérer sans suite si le problème de fond se situe dans
l'énoncé des objectifs et des buts à atteindre.
Ce préambule méthodologique posé, permet
de bien saisir l'ambivalence de l'évaluation. Elle comporte ainsi une
dimension indubitablement «cognitive».
En effet, elle cherche à connaître les effets de
la politique publique, à la fois en termes de résultats
(objectifs du service rendu) mais aussi sur l'environnement. Elle comporte
l'acquisition de connaissance sur les politiques, leur mise en oeuvre et leurs
effets. Elle aura ici pour but de donner aux responsables les moyens de rendre
compte de leur action, elle permettra d'attribuer ou d'imputer aux
différents systèmes d'action et de décision, la
responsabilité ou la cause des résultats ou dysfonctionnements
constatés.
C'est bien dans cet esprit que se développe
l'évaluation des politiques tout au long des deux dernières
décennies, et plus spécifiquement sans doute dans le domaine
sociale ou il est évident que cette dimension cognitive trouve une
prépondérance bien plus importante que les deux autres dimensions
que sont : la dimension normative et instrumentale. En effet, là
où la dimension normative permet de : «décider» en
éclairant les choix publics par une appréciation de l'impact des
politiques sur la société, en rationalisant l'allocation des
ressources budgétaires et permettant d'améliorer la conception et
les conditions de mise en oeuvre de la politique, là où la
dimension instrumentale permet de «former» et de
«mobiliser», en confrontant les acteurs aux résultats de leur
action, en permettant de mieux comprendre les processus auxquels ces acteurs
participent, en les aidant à réfléchir finalement aux
objectifs des politiques et à se les approprier, l'assimilation
incitative de la pratique évaluative comme pratique de bonne
gouvernance, induit : «une première étape
d'imputation permettant aux citoyens de juger de la qualité des
politiques et aux responsables de rendre compte de leur action»150(*). C'est là la
logique gouvernant la politique d'inclusion sociale. «Il est ressorti
de l'examen à mi-parcours du processus que les résultats obtenus
jusqu'à présent étaient mitigés. Après de
premiers résultats encourageants en 2000, la croissance de l'emploi
s'est brutalement ralentie, l'évolution de la productivité
demeurant pour sa part décevante tout au long de la période, en
partie en raison de l'incapacité à exploiter pleinement les
opportunités offertes par les technologies de l'information et de la
communication (TIC). Même si ces résultats économiques
médiocres sont en partie dus au ralentissement de l'économie
mondiale, il reste encore beaucoup à faire pour renforcer le potentiel
de croissance et de création d'emplois en Europe. En février
2005, la Commission a proposé au Conseil européen de mars 2005 un
nouveau Partenariat pour la croissance et l'emploi. Le Conseil a
confirmé ses objectifs et souligné la nécessité de
relancer la stratégie de Lisbonne. Dans le cadre de cet effort
renouvelé, « l'Union doit davantage mobiliser tous les moyens
nationaux et communautaires appropriés- y compris la politique de
cohésion151(*) ». De surcroît, le Conseil a conclu
qu'une meilleure appropriation des objectifs de Lisbonne sur le terrain
était nécessaire»152(*).
B. Une acculturation progressive (dimension normative)
Le bilan de la mise en oeuvre de l'évaluation des
financements européens, quinze ans après les règlements
de 1988 qui ont formulé pour la première fois, leur obligation,
illustre les étapes d'une acculturation progressive de la pratique
évaluative. L'obligation d'évaluation systématique ex
ante et ex post ne s'est pas immédiatement traduit dans la
pratique. L'incitation a donc été renforcée par une double
contrainte, juridique et financière. D'une part les règlements
adoptés en 1993 pour la période 1994-1999 confortent l'exigence
d'évaluation instituant une obligation d'appréciation ex
ante, de suivi et d'évaluation ex post pour les
autorités nationales et régionales. D'autre part, l'article 26 du
règlement de coordination spécifie que : «les aides
seront octroyées lorsque l'appréciation ex ante aura
démontré les avantages socio économiques à retirer
à moyen terme, eut égard aux ressources
utilisées». Cette exigence très forte de justification
économique a priori est cependant loin d'avoir fait la preuve de son
applicabilité pratique.
Une enquête réalisée en 1996 par deux
cabinets de consultants sur l'évaluation des programmes communautaires
formule un diagnostic critique sur ces dispositifs. Le processus
d'évaluation est jugé inadapté : faiblesse du cadre
méthodologique, manque de formation des intervenants, diffusion
inefficace, indépendance insuffisante des évaluateurs, trop
faible utilisation de ses rapports finaux153(*). L'évaluation s'est développée
cependant également dans les autres Etats Membres mais avec une certaine
inégalité : en 1999, le Comité d'experts
indépendants, dans son second rapport sur la réforme de la
commission, a relevé la passivité de nombreux comités de
suivi154(*). De plus la
commission ne peut conduire d'évaluation indépendamment des
Etats-membres, et se trouve de ce fait tributaire de la qualité des
évaluations conduites localement ; l'article 40-3 du
règlement général de 1999 impose en effet des
évaluations conjointes.
Pourtant malgré ces éléments critiques,
la conscience d'utilité d'évaluation a progressé notamment
avec les évaluations à mi-parcours. Les règlements
communautaires relayés en cela par les législations nationales
ont fortement contribué au développement de l'évaluation.
Dans les quinze Etats membres pour la période courant de 1996 à
1998, plus de 380 évaluations à mi-parcours ont été
organisés155(*) ; le nombre d'évaluation a
été multiplié par 5 Ou 6 par comparaison à la
période 1989-1993 et cette proportion tend à s'agrandir plus
encore s'agissant des évaluations systématiquement
opéré désormais dans le cadre du suivi les politiques
inclusives, lesquelles se trouvent durablement pérennisés pour la
période 2007-2013 en tant que pratique de principe.
III. L'institutionnalisation de l'Evaluation
Il existe aujourd'hui un contexte favorable à un
rôle accru de l'évaluation. A cet égard, des
réformes en cours intègrent davantage l'évaluation dans le
processus de la décision publique : au niveau national, la
réforme budgétaire prévue par la loi organique relative
aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) ou encore, la
reconnaissance du droit l'expérimentation (loi du 1er août 2003
relative à l'expérimentation par les collectivités
territoriales) dans le cadre de la décentralisation sont des
illustrations de ce changement de mentalité.
L'économie du décret de 1990 était
largement inspirée par la préoccupation de se conformer aux
principes, alors en phase d'appropriation, que la doctrine sur
l'évaluation des politiques publiques paraissait alors recommander
d'appliquer à celle-ci. L'un des principaux objectifs poursuivis par le
décret actuellement en vigueur du 18 novembre 1998 a consisté,
selon sa circulaire d'application, à mieux traduire le souci de
transparence. Ce dernier animait déjà le premier dispositif
interministériel, mais celui-ci pouvait être
considéré comme en retrait par rapport aux canons de
l'évaluation. Un des premiers objectifs du nouveau décret fut de
remédier à cette situation et d'appliquer plus pleinement les
principes théoriques. Un second objectif fut poursuivi, de nature plus
pragmatique, avec la simplification de la procédure. Celle-ci passe par
la suppression du CIME156(*). Désormais, le système ne repose plus
que sur deux piliers : un organisme d'animation de l'évaluation
«sui generis», le Conseil national de
l'évaluation (CNE) et le Commissariat général du
Plan. Ces éléments témoignent de l'affinement du cadre
théorique (A) ainsi que du renouvellement du cadre juridique (B).
A. Un cadre théorique affiné
La littérature doctrinale sur l'évaluation des
politiques publiques s'est considérablement développée. Il
est impossible, et sans grand intérêt, de rendre compte de la
totalité des définitions proposées. Toutefois trois
définitions d'origine doctrinale méritent d'être
citées en raison des évolutions qu'elles traduisent et, pour les
deux premières, de leur mention dans les travaux fondateurs de
l'institutionnalisation de l'évaluation des politiques publiques en
France :
- La définition proposée dans un rapport du
Plan de 1985 (rapport Deleau) pour laquelle «évaluer une
politique, c'est reconnaître et mesurer ses effets propres».
- La définition du rapport Viveret de 1989, où
«évaluer une politique, c'est former un jugement sur sa
valeur».
- Celle de Freeman et Rossi enfin, selon laquelle,
«l'évaluation doit se préoccuper de l'utilité, de
la mise en oeuvre, de l'efficacité et de l'efficience des mesures qui
ont pour but d'améliorer le sort des membres de la
société».
On relève ainsi une évolution d'une
définition assez neutre où l'évaluation serait un simple
processus d'identification des effets d'une action publique vers des
définitions assignant à l'évaluation un rôle plus
complet et pleinement appréciatif.
Parallèlement toujours dans ce détour
théorique, il convient de saisir que les collectivités locales,
régions, départements, communes sont caractérisées
par l'existence d'une logique politique d'une part et une logique de service
d'autre part. La volonté de rapprocher les deux univers a conduit
à développer des segmentations calant les
délégations politiques au champ des directions ou des services.
La volonté de responsabiliser sur les budgets et la mise en place de
comptabilité analytique ont largement renforcé ce
phénomène. Privilégiant la logique des centres de
responsabilités (que nous avons eu l'occasion d'évoquer
précédemment Partie 1, Titre 1, chapitre 2), les
collectivités ont donné la primauté à la lecture
des services avant de raisonner en prestations. Cette dernière dimension
n'est pas absente, mais elle est secondaire, en comptabilité analytique
ou en contrôle budgétaire, d'autant plus que le degré de
finesse est souvent tel que des regroupements d'activités
homogènes sont : « plus problématiques que
facilitées dans ce cadre»157(*). Pour le sujet qui nous intéresse, la
partition de la collectivité en un certain nombre d'unités divise
l'environnement en autant de sous environnements distincts. Chaque service
entretient des relations privilégiées avec une fraction de
l'environnement. Ce phénomène, que Lawrence et Lorsch158(*) qualifient de
différenciation, conduit à des modes d'organisation du travail,
des comportements individuels et collectifs, des formes de relations
interpersonnelles qui sédimentent une «segmentation
organisationnelle», qui lors de la mise en place d'une nouvelle
politique notamment sociale induisant une modernisation des modes
d'interventions des différents acteurs impliquant la mise en place de
pratique évaluative, implique une segmentation stratégique de
l'action publique et donc de l'évaluation par le biais d'une
externalisation de celle-ci. Ce dont il est question ici finalement c'est de
véritable réorganisation managériale au sein de la
conduite de la politique d'inclusion sociale que traduit, notamment mais pas
seulement, le développement de la pratique évaluative.
Nouvelle pratique, segmentation, recherche de
rationalité, nouvelle gestion, prestation de proximité, nouvelle
logique d'intervention, tout ceci rend nécessaire une segmentation de
chaque politique publique impliquant une segmentation relevant du pilotage, de
la participation et de réalisation propre que seul peut permettre une
évaluation.
En ce sens c'est une véritable révolution du
cadre théorique qui s'opère où l'évaluation permet
au final de fournir une base solide pour l'action (ici sociale), en
déplaçant la problématique vers la conception optimale des
programmes, l'importance de définir des objectifs clairs et la
nécessité de dégager des ressources et du temps. Occasion
aussi de redéfinir le sens et la finalité première de
l'action au regard des missions de service public pour dépasser la
logique d'occurrence, d'opportunité, au positionnement médiatique
pour renforcer la logique de cohérence et d'effectivité des
interventions. Voici en substance les renouvellements théoriques
induits par l'acculturation normative, par le déploiement de la pratique
évaluative au sein des politiques publiques, au sein de la
démarche inclusive.
B. Un cadre juridique renouvelé
Sur le plan du droit positif, deux définitions de
l'évaluation des politiques publiques se sont succédées
témoignant du renouvellement du cadre juridique. Le décret du 22
janvier 1990 en a donné la première définition
«officielle» :
«Evaluer une politique, c'est rechercher si les
moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en oeuvre permettent de
produire les effets attendus de cette politique et d'atteindre les objectifs
qui lui sont fixés».
Le décret du 18 novembre 1998, créant le Conseil
national de l'évaluation, lui a substitué une nouvelle
définition selon laquelle :
«L'évaluation d'une politique publique a pour
objet d'apprécier l'efficacité de cette politique en comparant
ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en
oeuvre».
La redéfinition opérée par le
décret de 1998 est assez modeste, mais témoigne d'une certaine
maturation du concept. Dès lors l'évaluation apparaît comme
étant plus qu'un simple suivi. Une simplification est ainsi
apportée puisque le décret assimile implicitement les effets
attendus d'une politique à ses objectifs. Cette assimilation
paraît légitime si l'on considère que les objectifs
visés sont les objectifs ultimes de la politique envisagée et si
l'on dépasse donc la considération des seuls résultats
intermédiaires d'une politique donnée. Cette nuance, qui peut
sembler abstruse, est importante. L'analyse des politiques publiques conduit
à distinguer plusieurs niveaux d'effets de la mise en oeuvre d'une
politique : celui de la réunion des ressources nécessaires (par
exemple, les crédits ou les personnels) ; celui des réalisations
(par exemple, le nombre de dossiers examinés) ; celui des
résultats (par exemple, le nombre des redressements fiscaux
effectués) ; enfin, celui des impacts (par exemple, la réduction
du nombre de cas de fraudes fiscales ou, inversement, l'accentuation de
l'évasion fiscale).
L'évaluation des politiques
publiques a pour ambition particulière d'apprécier l'ensemble des
maillons de la chaîne de l'action publique et d'appréhender
jusqu'aux impacts finaux d'une politique. C'est sa spécificité
par rapport à des travaux, qu'on tend, à tort, à assimiler
à elle, qui s'arrêtent en chemin, ne décrivant le plus
souvent que les moyens et les réalisations, même si, dans le
meilleur des cas, ils peuvent, très exceptionnellement, aller jusqu'au
compte rendu des résultats. Il est donc particulièrement
nécessaire de rappeler que l'ambition de l'évaluation des
politiques publiques dépasse la seule description des ressources et des
réalisations d'une politique donnée. Une pareille approche
relève d'un simple suivi de gestion, alors que l'évaluation des
politiques publiques se donne pour objet d'apprécier le plus
complètement possible la politique qui lui est soumise.
L'évaluation se penche donc sur l'efficacité mais aussi sur
l'efficience. Seconde novation bienvenue, le nouveau décret appelle
à juste titre à «peser» les moyens d'une politique en
fonction non seulement de leurs effets, mais aussi, le terme
«comparant» y invite, en fonction de l'équilibre existant
entre l'ampleur des moyens mobilisés et les résultats de la
politique à laquelle ils contribuent. Alors que la définition de
1990 était axée sur une évaluation de la seule
efficacité des moyens mis en oeuvre, celle de 1998 introduit la
préoccupation de juger l'efficience des moyens consacrés aux
politiques soumises à évaluation. Il apparaît ainsi un
enrichissement des définitions et une identité forte. A
considérer le droit positif, on peut relever que la pluralité des
définitions de l'évaluation s'est accompagnée d'un
enrichissement progressif autour de l'idée d'une démarche
cognitive et appréciative élaborée. Chacune des
définitions de l'évaluation possède sa propre
«identité». Mais, elles ont en commun d'assigner à
l'évaluation des politiques publiques un objectif particulier qui lui
confère une forte identité et se révèle très
ambitieux. Cette pluralité de définitions témoigne d'un
enrichissement progressif de la notion d'évaluation et du renouvellement
juridique de sa conception.
Chapitre 2nd : L'extension de l'évaluation
aux politiques publiques locales
Evaluer une politique, c'est s'efforcer d'apprécier
de façon valide ses effets réels [...] Parler d'effets
réels n'exclut [...] pas les conséquences sur les
représentations [...]mais souligne que l'on s'intéresse au
résultat ex post de la politique considérée par opposition
aux effets prévisionnels.
J.-P. Nioche & R. Poinssard, 1984
Si l'évaluation des politiques publiques partenariales
a été stimulée par les dispositifs mis en place pour
accompagner les financements communautaires et les actions contractuelles,
ceux-ci ne rendent pas compte de la totalité du champ de
l'évaluation. L'évaluation des actions locales s'est
développée dans les années 90 tantôt dans le cadre
de dispositifs institutionnels, tantôt selon des formes plus autonomes.
Ces démarches connaissent aujourd'hui un succès significatif,
même si elles continuent de rencontrer divers obstacles :
l'inadaptation des systèmes d'information ou encore l'émiettement
de l'action locale, voire la méfiance des acteurs locaux. Mais le
concept de l'évaluation, comme la conscience de sa
nécessité sont véritablement présent dans les
discours, signe d'une association désormais assimilé de
l'évaluation à la dynamique même des politiques locales.
L'évaluation associée à la politique
locale témoigne de l'appropriation de la notion de territorialité
des politiques publiques actuelles par ses acteurs eux-mêmes. Ainsi la
politique se déploie sur un territoire. La territorialisation consiste
dès lors dans une adaptation des politiques générales aux
spécificités locales ; elle participe parallèlement
à une expression de la dynamique locale. Ce qu'il faut bien assimiler
c'est que le développement des actions publiques sur le territoire
s'exerce dans un système d'action très différent de celui
de la politique nationale. Il s'inscrit dans un système de
coopération associant des acteurs hétérogènes, dans
un enchevêtrement de compétence et un emboîtement des
niveaux d'intervention. Actions publiques contractualisées,
polycentriques, partenariales, associatives ou coopératives, cette
nouvelle forme d'action résulte avant toute chose de la superposition
des champs de compétences et de la multiplication des centres de
décisions rendant éminemment nécessaire :
l'appréhension de l'instrumentalité des évaluations dans
les politiques publiques locales (I), qui permet de saisir
l'opérationnalité des champs de l'évaluation dans le
domaine de l'inclusion qu'est le social (II), contribuant ainsi à
l'analyse de la productivité de l'évaluation au niveau local
(III).
I. L'instrumentalité des évaluations dans les
politiques publiques locales
Il est des représentations du monde qui ont la vie
dure. C'est indéniablement le cas de celle qui consiste à voire
dans l'Etat un organisme extérieur à la société,
qui pense pour elle, et intervient pour la réformer au nom d'un
l'intérêt général supérieur en réponse
à des demandes sociales. Le sens commun notamment journalistique, est
imprégné de cette acception systémique et qualifiable de
top/down des politiques publiques159(*), mais il n'aurait pas de circonstances
atténuantes s'il n'était pas lui-même
pénétré, parce qu'héritier, de
représentations savantes comme l'analyse séquentielle et ses
variantes, et technocratiques comme la planification et la RCB,
inspirées par ce schéma. Cependant à ce titre et compte
tenu de ce préalable, il apparaît tout à fait
évident que la pratique évaluative dont on a pu délimiter
le champ et poser le cadre, démontre une réelle
instrumentalité qui avant même la légitimation de l'action
publique et la rationalisation de la fonction publique entendu ici à des
fins politiques, permet de comprendre et de saisir l'empilement des politiques
publiques locales (A) première étape vers la maîtrise des
interactions de ces dernières (B).
A. Comprendre l'empilement des politiques publiques locales
L'inscription de l'action publique locale dans un lieu
géographique et politique propre s'accompagne d'un diversification du
champ et des modes d'interventions locaux, qui font intervenir une
pluralité d'acteurs extérieurs, publics ou privés. La
question du pilotage de l'action publique nécessite alors de prendre en
compte les éventuelles mutations affectant la façon dont les
organisations politico administratives traitent les problèmes, imaginent
des procédés, adoptent de nouveaux modes opératoires. En
l'occurrence, la thématique du sociale dans sa dimension inclusive,
impose de nouvelle façon de gérer les affaires publiques.
En effet, de nouvelles fonctions sont crées, dont les
« pôles d'accueil en réseau pour l'accès aux droits
sociaux » (PARADS), prévue par le plan de cohésion sociale.
Du point de vue opérationnel, les PARADS visent à
améliorer le fonctionnement du partenariat local pour un accueil des
publics en difficulté ; à promouvoir l'utilisation, via Internet
notamment, de dispositifs d'information partagés entre tous les
partenaires intervenant auprès de ces publics ; à mettre en place
les outils opérationnels permettant d'éviter les retards dans
l'accès aux droits et les ruptures de droits ; à faciliter
l'accès aux services et aux droits fondamentaux grâce à
l'établissement de liaisons fonctionnelles plus denses et plus efficaces
entre institutions, associations et organismes gestionnaires. En outre, ils
s'appuient, tant dans la phase d'élaboration des projets que dans la
phase opérationnelle, sur l'expérience des usagers pour une
meilleure analyse des situations de non accès aux droits et dans une
perspective de participation citoyenne. On distingue ainsi le rôle majeur
joué par la territorialisation des intervenants locaux se dessiner mais
en même temps apparaître la question de l'uniformité des
conceptions des thématiques inclusives. Ainsi les régions n'ont
sans doute pas toutes la même conception de la formation
professionnelle...
Pour en revenir aux acteurs (COG, CNAF, PARADS, CNAM, DRASS,
DDASS), dotés de compétences inédites et chargés
d'assumer de nouveaux rôles, censés agir en équipe, se pose
une question subséquente à la précédente :
leur degré de concurrence. Les transformations ont pu être vues
comme induisant la genèse d'un nouveau modèle d'action publique
caractérisé par l'action globale (ou transversale), le
décloisonnement de l'action publique. Mais toutes ces mutations sont
conditionnelles. Elles vont en effet à l'encontre d'un mouvement
séculaire de sectorisation de l'action administrative. Au sein de l'Etat
comme des régions, départements et intercommunalités, des
services différenciés, souvent articulés sur des ensembles
sociaux spécifiques, sont en position de concurrence. Ces secteurs
définissent des intérêts stabilisés, des logiques
d'action collective, dont la conciliation avec de nouveau modèle
d'action publique n'est pas aisée. En raison sans doute de ces
pesanteurs, les réformes envisagées ici ne présentent pas
les traits d'un projet volontaire d'action sur le réel, malgré la
rhétorique qui peut parfois les accompagner.
Les nouvelles fonctions sont souvent faiblement
définis, et doivent s'ajuster avec les dispositifs d'actions existants
plutôt que de se substituer à eux. Bref ces innovations doivent
être comprises comme des fragments de politiques constitutives.
Il est dès lors tout à fait légitime de
s'intéresser à l'empilement des politiques publiques locales en
matière inclusives puisqu'elles révèlent le degré
d'intégration de la problématique à chaque échelon.
Dans cette démarche, la propagation de l'évaluation
apparaît comme un pré requis indispensable dans une logique de
vérification et de recherche d'efficacité. On comprend alors que
prendre part à ce dispositif évaluatif à la fois en tant
qu'acteur mais aussi en tant qu'entité administrative
évaluée dans le cadre de la politique d'inclusion sociale, permet
de montrer son degré d'intégration/participation, permettant de
conclure à une «mobilisation multisectorielle», au
sens de Michel Dobry : «les mobilisations ne se réalisent
pas toujours, loin de là, autour d'enjeux et de stratégies
identiques à tous les acteurs, et il est extrêmement imprudent de
ce fait de rapporter les processus de mobilisation à la poursuite de
certaines fins collectives ou valeurs communes»160(*).
Cette absence, «potentielle» et j'insiste sur ce
qualificatif, d'accord sur les finalités n'empêche pas les
structures de se mettre en place et témoigne de toute façon de
l'imbrication, de l'empilement des politiques publique locales en
matière inclusives,ce qui est nécessaire pour saisir les
interactions de ces même politiques
B. Maîtriser les interactions des politiques publiques
locales
La précédente partie a montré que
l'idée d'une politique publique et le développement de la
pratique évaluative qui l'accompagne étaient indissociables de
celui de sectorisation - même si toutes les politiques publiques ne sont
pas sectorielles - dans la mesure ou c'est à partir d'une
représentation de la société comme ensemble de secteur que
se développent la plupart des interventions publiques. Or, c'est
précisément cette représentation sectorielle de la
société qui semble aujourd'hui atteindre ses limites plus
spécifiquement encore sans doute s'agissant de la politique d'inclusion
sociale (cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 2).
Cette remise en cause de la sectorialité se manifeste
notamment en France par une perte d'efficacité des modes de
négociation fondés sur la représentation corporatiste des
intérêts, par la recherche d'une nouvelle forme de
proximité et surtout par, le rôle de plus en plus
prépondérant pris par la pratique évaluative (dans sa
dimension cognitive) eut égard à la maîtrise des
interactions des politiques publiques locales qu'elle induit. Elle s'accompagne
ensuite par l'émergence d'une nouvelle dialectique entre secteurs et
territoires, ou l'analyse verticale des politiques publiques tend à
illustrer ses propres limites. Ainsi, «l'idée s'est
imposé en France, qu'il fallait désormais trouver des formes de
développement adaptées à chaque situation. Celles-ci
doivent désormais prendre en compte l'intégralité des
actions menées par les pouvoirs publics»161(*). Ce mouvement
correspond finalement à un «débordement du cadre
d'intervention sectoriel par les politiques territoriales»162(*) qui traduit en fait une
volonté politique dans un contexte de concurrence pour le positionnement
dans l'espace des compétences partagées, a fortiori en
matière sociale. Comme l'écrit Anne Cécile
Douillet : «il est aujourd'hui impensable de comprendre l'action
publique sans prendre en compte les relations sociales localisées, ce
qui constitue un tournant de taille dans la mesure ou les analyses classiques
de l'action publiques ont précisément expliqué le
développement des politiques publiques par le passage du territoire au
secteur comme mode régulation sociale»163(*). C'est ainsi que les
analyses de Bruno Jobert et Pierre Muller164(*) qui faisaient référence jusqu'alors,
se voient ainsi largement remises en cause, de sorte qu'il soit
désormais question de la désectorisation des politiques publiques
et concomitamment de leur territorialisation, mouvement rendu visible par la
pratique évaluative.
La maîtrise des interactions entre politiques inclusives
intercommunales, départementales et régionales permet ainsi une
transversalité et une cohérence plus importante. La facilitation
de l'accès au logement comme action intercommunale, s'articule ainsi
avec la politique de relance de l'emploi via, l'animation territoriale et la
valorisation locale du marché du travail, opérée au niveau
départementale, qui s'emboîte au dernier échelon
régional sur : la promotion de la formation et les aides à
la création d'entreprise. L'action publique inclusive trouve ainsi
à se structurer localement, territorialement et sectoriellement.
La dimension cognitive de l'évaluation est ici
certainement à son apogée ou du moins importante puisque de ses
enseignements dépends en grande partie la pérennisation des
expérimentations locales mises en places. En effet, l'évaluation
en ce qu'elle tente de répondre à un ensemble de questions
relatives à une politique, à sa mise en oeuvre et à ses
effets en cherchant à apprécier la cohérence (dans la
conception et la mise en oeuvre), l'atteinte des objectifs (dans quelle mesure
les évolutions constatées de la réalité sociale
sont-elles conformes aux objectifs de la politique ?), l'efficacité
(dans quelle mesure les effets propres de la politiques sont-ils conformes
à ses objectifs ?), l'efficience (les résultats de la politique
sont-ils à la mesure des sommes dépensées ?), l'impact
(quelles sont les conséquences globales de la politique ?) et enfin
la pertinence, apporte une réelle maîtrise de l'ensemble d'une
politique transversale de promotion de l'inclusion sociale en permettant de
comprendre les interactions des différentes actions publiques locales y
afférant.
II. L'opérationnalité des champs de
l'évaluation dans le social
Une démarche évaluative d'une politique doit
mesurer la pertinence des objectifs référés aux besoins,
la cohérence des différents éléments de la
politique, l'efficacité de celle-ci (résultats comparés
aux objectifs), son efficience (résultats comparés aux ressources
économiques mobilisées) et enfin son impact, c'est à dire
son effet global sur la société. La démarche est
relativement nouvelle et difficile à réaliser. Elle suppose une
volonté politique forte (des capacités à se remettre en
cause) et repose sur des principes d'objectivité et de transparence.
C'est pourtant un processus qui aboutit à l'appropriation des politiques
par les acteurs de celle-ci (gage d'efficacité) ou même par ces
bénéficiaires (une sorte d'efficacité citoyenne). Ces
éléments témoignent ipso facto d'une
opérationnalité de l'évaluation qui dans le secteur social
impose de parvenir à une détermination des champs dans lesquelles
on entend procéder à l'évaluation, comme l'écrit
Gérard Martin et Amédine Ruffiot: "si les critères
intrinsèques de l'évaluation s'imposent difficilement aux
décideurs publics, ces derniers se positionnent par rapport à
elle, sérient ses champs de définition en négatif, en
recourant à des repères symboliques de comparaison,
d'identification ou de distanciation: le temps et l'action"165(*). Ainsi annoncé
on vérifiera l'opérationnalité de l'évaluation en
matière sociale via la saisine du champ de sa temporalité (A)
auquel succédera celui de son agir (B).
A. Le champ de la temporalité
Un des points particuliers d'achoppement des décideurs
publics est celui du temps. Cette référence temporelle
fréquente chez les commanditaires d'évaluation s'explique par le
fait que le temps est un élément prégnant des politiques
sociales actuelles.
«Les nouvelles politiques publiques fonctionnent sur des
actions finalisées dans le temps, soit par le biais d'une politique de
quota à atteindre dans un tel délai, soit par une
contractualisation pluri-annuelle»166(*).
Ces contraintes temporelles se concrétisent beaucoup
dans des étapes évaluatives, prévues dans l'organisation
des politiques territoriales, ou inscrites dans des injonctions
étatiques, voir dans le cas de l'inclusion sociales dans des
perspectives financières couvrant la période 2007-2013. Ce sont
donc ces étapes qui rythment le temps de politiques sociales. Ces
rythmes sont identifiés par les commanditaires comme étant ceux
de l'évaluation qui sera dès lors et selon la circonstance et la
convenance soit ex ante, ex post ou concomitante. L'évaluation
ex ante est considérée dans l'évaluation de
projet politique, comme une évaluation prospective. Elle est
envisagée par beaucoup des décideurs publics comme
«possible», «envisageable», mais «peu courante»
voir «risquée»167(*). Cette position de retrait peut notamment
s'expliquer par le fait qu'explicitement ou implicitement, les politiques
sociales en elles-mêmes sont considérées comme peu
circonstanciées dans le temps, dans la mesure où leur
signification résulte d'un enchaînement complexe d'intervention
multiple : l'évaluation ex ante d'un projet de politique
sociale ne peut donc pas se limiter à projeter dans l'avenir une
expérience ou à impulser des innovations ; pour c faire elle
se base sur l'analyse, le bilan, «l'évaluation» de l'existant.
En effet, l'évaluation du projet de réforme de parc de logements
sociaux par exemple ne peut que se fonder sur l'état, les insuffisances
ou les dépassements nécessaires de la politique menée
antérieurement. Ainsi la différenciation de l'évaluation
ex ante et ex post a, comme l'écrit Gérard
Martin et Amédine Ruffiot, «peu de signification dans son
rapport à la temporalité des politiques sociales»168(*). En revanche, elle en a
fortement dans son rapport à la temporalité des décisions,
et c'est précisément à ce titre que l'évaluation
ex ante est surtout comprise comme précédant une
décision, celle du commanditaire.
Conduire une évaluation ex ante revient
dès lors à évaluer sur la base de ce qui a
été fait «avant» et représente peu
d'intérêt notamment dans le cas de décisions introductives
de mandats électifs ou administratifs qui sont un mode
d'autolégitimation et qui concernent d'ailleurs souvent des politique
sociales, très médiatiques. Ce qui explique la critique ou la
suspicion que révèlent les propos recueillis, à savoir
l'évaluation ex ante voit son intérêt
«phagocyté» par la contradiction entre temporalité des
politiques sociales et temporalités des mandats électifs ou
administratifs. C'est donc prudemment que l'évaluation ex ante
est appréhendée en tenant compte de la réserve
développée ; en revanche c'est sans réserve que
l'évaluation ex post se voit elle
préférée. L'évaluation concomitante quant à
elle qui accompagne le déroulement d'une politique sociale inclusive est
rarement envisagée, car relevant de l'idéalisation de l'usage
évaluatif dans les politiques publiques. Le champ de la
temporalité n'en apparaît pas moins comme éléments
déterminant, qu'il convient de bien saisir, au même titre que le
champ de l'agir.
B. Le champ de l'agir
La référence fréquente au symbole de
l'action, comme critère de positionnement par rapport à
l'évaluation est aussi fortement chargée de sens pour les
commanditaires d'évaluation imposant dès lors qu'on s'y
intéresse.
On peut communément lister trois types de
compréhension de l'action :
- elle peut ainsi être une référence
à l'action comme extériorisation de l'évaluation en dehors
de l'activité institutionnelle ;
- elle peut ensuite constituer une référence
à l'action assimilée au changement ou l'évaluation est
considérée comme une phase d'inaction dans le sens ou
l'institution commanditaire est dans l'attente de résultat ;
- elle peut enfin constituer une référence
à l'action comme objet de l'évaluation.
Dans le premier cas, la référence est
présente essentiellement sous l'utilisation de son vocable
symétrique, celui de l'inaction. L'évaluation serait ainsi une
phase d'inaction, de pause. Ce peut être le cas concernant des
dispositifs à court terme, ou saisonnier telles les opérations de
prévention été et l'hébergement d'urgence
hivernale. Mais concernant les politiques à plus long terme, comme
celles des allocations mensuelles, d'aides à l'enfance, de
réhabilitation urbaine, d'aides aux personnes âgées, la
commande d'évaluation ne peut pas signifier mise en suspens de l'action,
une interruption de l'octroi des prestations : la phase
d'évaluation «inactive» est alors plutôt
considérée comme une prise de distance, une prise de recul par
rapport à l'action. L'évaluation est distinguée de
l'action en ce qu'on ne veut y voir que son reflet, son feed-back.
Extrêmement peu de décideurs conçoivent
l'évaluation dans la conduite même de l'action, dans un souci d'en
conserver la maîtrise. Ils sont attachés à voir leur action
produite par eux-mêmes et non par l'évaluation qu'ils
considèrent comme une source extérieure, non appropriée.
Dans le second cas où la référence
à l'action s'assimile au changement : l'évaluation
étant considérée alors comme une phase d'inaction dans le
sens ou l'institution commanditaire est en attente de résultat,
l'évaluation est appréhendée comme une démarche
lourde et longue, pendant laquelle tout projet de changement ou d'innovation
est suspendu. C'est en effet au vu de ses conclusions que l'on pourra agir
(versus changer) ou ne pas agir (versus demeurer). L'attente de la fin de
l'évaluation pour envisager le changement explicite bien les positions
incertaines de dirigeants à propos de l'évaluation concomitante.
Elle éclaire les opinions partagées selon lesquelles
«trop d'évaluation peut entraîner l'inaction».
Elle éclaire aussi les risques souvent évoqués de
l'utilisation de la commande d'évaluation comme «alibi
politique» pour ne pas agir, pour ne pas changer, ou pour repousser
l'échéance d'une décision.
La dernière acception pause quand à elle en but
la question de savoir ce que l'on évalue au final au juste. Il est ce
titre intéressant de noter que souvent, l'évocation de
l'évaluation, semble se suffire à elle-même dans un trop
plein mythique du mot. Lorsque son objet a ainsi était
spécifié, on observe que la présentation de la
problématique évaluation des politiques sociales, n'influence pas
complètement les discours politiques. Il y a là un pragmatisme
évidant à mettre en exergue.
Toute cette démonstration révèle donc
que la saisine du champ de «l'agir» est nécessaire pour
appréhender la difficulté liée à la pratique
évaluative notamment en matière sociale. Cependant, il convient
de ne pas se leurrer sur le présent propos, il est évidant qu'il
est moins attendu de l'évaluation en matière sociale qu'elle
analyse un champ de politique dans toute sa complexité institutionnelle
que l'étude de l'action intrinsèque des commanditaires. Aussi, si
les présents champs révèlent les obstacles liés
à la pratique évaluative dans le domaine social, ils n'en sont
pas moins non plus les principaux leviers de maîtrise.
III. La productivité de l'évaluation au niveau
local
La gouvernance169(*), au sens d'un mode de gouvernement concerté
entre acteurs publics, fonde le territoire comme nouvelle catégorie de
l'intervention publique, à la fois comme support géographique de
déploiement d'une action locale sur le mode de la coordination, et comme
enjeu de légitimité politique. Avec la décentralisation,
on est passé d'un pilotage centralisé des politiques, dans lequel
l'Etat est responsable de la définition des objectifs et de l'allocation
des moyens, à un modèle que Jean Claude Thoenig170(*) décrit comme un
"polycentrisme à géométrie variable" (cf. Partie
1, Titre 2, chapitre 1). Ce mode d'action publique partagé, fortement
déterminé par les comportements et les réactions des
acteurs eux-mêmes, fait que "les acteurs publics subissent des
situations ou héritent de problèmes qui ne sont pas le fait de
leurs propres volontés, mais les résultats d'actes
gérés sur des territoires voisins par des décideurs
tiers"171(*). La
perte de centralité de l'Etat, intervenue tant au niveau national que
territorial, impose désormais une approche horizontalisée
destinée à mettre en cohérence, au plus bas échelon
possible, les politiques sectorielles.
On comprend dès lors que l'évaluation dans sa
dimension prescriptive née de la préconisation (A) qu'elle
suggère mais plus encore, sa dimension prospective (B) apparaissent
comme autant d'atout et gage d'efficacité et de cohérence de
l'action publique.
A. De la préconisation
Il est devenu de plus en plus difficile de
réfléchir en terme de modèle univoque de fonctionnement et
de raisonnement. On saisit alors tout l'enjeu d'une prospective s'appuyant sur
une démarche rigoureuse et sur un débat pluraliste prêt
à déborder et bousculer les cadres de pensées les plus
stabilisées. C'est là le défi de la pratique
évaluative engagée dans une réflexion collective sur les
compétences et pouvoirs locaux en lien avec la transformation et
l'actualisation des problèmes, des modes de gestion et des demandes
sociales, plus spécifiquement l'évaluation accompagnant la
politique d'inclusion sociale.
Il apparaît en effet, que la pratique évaluative
en accompagnant une politique publique autorise et permet la prise de certaines
décisions, de certaines préconisations. La question de
l'utilité de l'évaluation, de son impact sur la décision,
de sa capacité à s'intégrer dans un processus de
finalisation de l'action publique autour d'objectifs de performance, est un des
sujets sensibles de l'évaluation. L'impact des évaluations de
politiques contractuelles est sans doute plus difficile encore à
apprécier, du fait de la complexité des politiques et de la
multiplicité des acteurs en cause. L'inclusion sociale a pour
caractéristique essentielle sa nouveauté et son inscription dans
un contexte européano/locale singulier, celui d'un renforcement de la
décentralisation/déconcentration que nous avons
précédemment évoqué sous le néologisme de
déconcentralisation, mais en plus l'inclusion sociale est le
réceptacle des nouvelles exigences politiques communautaire
d'efficacité et de performance, sur fond de lutte contre les exclusions,
dans un pays ayant multiplié historiquement les dispositifs sociaux
curatifs et non pas préventifs. Même si l'évaluation, en
tant que pratique accompagne différents dispositifs parmi lesquels les
contrats de plan Etat/Régions, et a connu une montée en charge
progressive et inégale, il est évident qu'il convient de tirer un
bilan qui ne peut être que contrasté, s'agissant des
préconisations qu'elle a pu permettre et entériner.
Cependant sur le plan social la multiplication des
évaluations en oeuvres pousse à penser que leurs conclusions ont
en tous cas permis d'améliorer significativement le fonctionnement et
l'efficacité d'un certain nombre de dispositifs. Citons parmi eux bien
sûr l'avènement du RMA, et le transfert de RMI, mais encore le
renforcement des missions locales des jeunes qui se voient octroyer un
rôle leader en terme d'optimisation de l'insertion professionnelle des
jeunes ou encore l'aménagement des structures permettant l'accès
au droit,...Les évaluations ont permis aussi, ici et là, de
mettre à jours certaines fragilités du dispositif inclusif, ainsi
en va-t-il du Contrat nouvelle embauche tel qu'il en ressort de la
dernière mission évaluative dont il a fait l'objet172(*).
Ces exemples méritent d'être cités car ils
démontrent dans un contexte singulier qu'est le notre, que
l'évaluation peut déboucher dans des délais raisonnables
sur des suites significatives, sur de réelles préconisations
politiques. Les conditions de l'évaluation ont déjà
été analysées à maintes reprises, tant dans les
documents de l'OCDE173(*) que dans les ouvrages d'auteurs familiers des
démarches anglo-saxonne174(*). Les évaluations ciblées telles
qu'elles accompagnent la politique d'inclusion sociale dans le nouveau
paradigme de «Collectivité Providence» qui se fait jours
appliqués au champ d'action sociale bien délimité, ont
toutes les chances de produire des résultats probants aboutissant
à des préconisations et pouvant même se prolonger dans des
expérimentations locales.
B. ...à la prospection/expérimentation
«Un constat s'impose en premier lieu : dans
notre pays, il est difficile de mener des expériences de politiques
publiques. Sur ce sujet, le Conseil d'Etat adopte souvent une attitude
négative...Et pourtant l'intérêt de
l'expérimentation est immense. Il est d'abord de laisser subsister
durant quelques temps plusieurs solutions à un même
problème, plusieurs modalités vivantes ayant chacune leur
avantage spécifique. Ce processus se traduit par le maintient effectif
de la diversité, donc une certaine richesse d'aptitude. Il est ensuite
d'établir un nouveau type de développement
démocratique : lorsque la loi ne permet pas de réaliser
efficacement un objectif donné - ce qui est une situation de plus en
plus fréquente - il peut être utile de mettre en oeuvre un
processus d'expérimentation - des expériences pilotes
précisant la faisabilité du projet, - et d'évaluation
collective contradictoire aboutissant à des conclusions»175(*).
Ce processus ici décrit suppose une interaction entre
ceux qui décident et ceux auxquels s'appliquent la
décision : il peut correspondre à une modification profonde
du rôle de l'élu qui serait moins un représentant, pour
l'exercice de l'autorité, et plus un intermédiaire dans un
schéma d'expérimentation/évaluation impliquant une
meilleure participation des citoyens. C'est sans doute tout ce que l'on peut
attendre de l'introduction dans le marbre constitutionnel du droit à
l'expérimentation. L'article 72 quatrièmes alinéas,
nouvelle mouture, dispose ainsi que :
« Dans les conditions prévues par la loi
organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice
d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les
collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon
le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger,
à titre expérimental et pour un objet et une durée
limités, aux dispositions législatives ou réglementaires
qui régissent l'exercice de leurs compétences».
Ce droit à l'expérimentation, outre qu'il
consacre et concrétise le principe de subsidiarité176(*) , apporte une dimension
supplémentaire à la pratique évaluative en permettant que
celle-ci, le cas échéant, permettre que puisse être
adaptée l'intervention publique sociale aux circonstances locales.
On est là dans une révolution profonde des
us et coutumes ayant jusque lors accompagnées la politique
publique française locale. En autorisant des expérimentations
locales, on reconnaît ouvertement l'existence de contingences locales
nécessitant un pouvoir d'adaptation de l'intervention publique.
Au-delà d'un remaniement de la façon de faire, il s'agit
là d'une illustration parfaite du changement à l'oeuvre tant
politiquement que juridiquement dans la recherche d'une intervention efficace,
performante, tenant compte et s'adaptant aux réalités de terrain.
Si l'expérimentation locale traduit une extension du pouvoir normatif
local, elle ne remet pas en cause pour autant le caractère indivisible
de la souveraineté, et partant de la République, cependant elle
traduit un droit à la différence, différence qui si on la
prend au regard de la politique étudiée, illustre
l'avènement d'un nouveau concept politique de
«différenciation territoriale». Cette différenciation
territoriale est le pendant de la territorialisation des politiques publiques
ainsi que la clés de voûte du polycentrisme
précédemment évoqué.
Ainsi la politique d'inclusion sociale bien que
répondant à un ciblage national, met à jours une
multiplication des configurations locales, que le droit à
l'expérimentation articulé sur la montée en puissance des
évaluations rend possible.
Ainsi, et c'est du moins le sentiment qui se
dégage, la révision constitutionnelle avec le
redéploiement de la décentralisation qu'elle opère ainsi
que le droit à l'expérimentation, le tout, couplé avec le
développement de la pratique évaluative signe la fin de la
logique de spécialisation des collectivités locales et
érigeant ces dernières en Collectivités
Providence.
TITRE 2nd : L'ENRACINEMENT DE LA CULTURE
PERFORMATIVE
«La révolution de la
qualité»177(*) est désormais en marche au sein du
département et plus globalement au sein des différentes
collectivités territoriales. Il est désormais question d'une
véritable recherche de l'excellence, d'une culture performative. Si ce
terrain parait de prime abord en marge du droit, l'implication juridique est on
ne peut plus sérieuse et certaine178(*). Traditionnellement nourris par des valeurs et des
méthodes radicalement différentes de celles
développés dans le secteur privé, l'Etat et de
façon plus impérieuse encore ses démembrements et les
services publics y afférent sont aujourd'hui clairement contraint de lui
emprunter, l'exigence qualitative dans la poursuite d'une recherche
d'efficacité.
«Erigée en nouveau précepte de
gestion, l'exigence de qualité véhicule ainsi la
rationalité managériale développée dans le secteur
privée, sous tendu non plus par l'adéquation au droit, mais par
la capacité à atteindre des buts, elle impose (...) de rechercher
l'efficacité et la qualité des prestations. Il semble qu'il
faille « s'évader du droit administratif pour relever le
défi de la qualité »179(*) »180(*).
L'inclusion sociale, au titre de la multiplication des
évaluations qu'elle suscite dans sa mise en oeuvre par les
collectivités territoriales suggère de s'interroger sur
l'émergence d'un nouveau principe juridique, celui de la qualité.
Sans empiéter sur le travail récemment accomplis sur le sujet
(Lucile Cluzel -Métayer, Le service public et l'exigence de
qualité, Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz,
2006), il est possible au-delà de cette approche de voir s'enraciner une
culture de la performance, induisant pour la collectivité, un changement
d'attitude et de positionnement faisant naturellement de celle-ci, une nouvelle
«entité» : l'avènement de la Collectivité
Providence. Pour illustrer cette transformation, sous l'effet du
déploiement de la pratique évaluative, on peut observer la
rationalisation de l'action publique sociale locale (chapitre 1) ainsi que la
nécessité qui dès lors s'impose à elle de
circonscrire cette action entre légitimation et dépolitisation
(chapitre 2), point d'orgue de la démonstration.
Chapitre 1er : La rationalisation de l'action publique
sociale locale
Une seule connaissance exacte, adéquate et
appropriée, diffusée équitablement conduirait à
elle seule et à coup sûr, à une meilleure intelligence
collective
J. Leca, 1993
Deux acceptions de la rationalité en politique publique
s'offrent à l'observateur : l'une absolue, instrumentale et
téléologique mise en oeuvre par l'Etat ou sur le marché
(acception stato-centrè), l'autre limitée, incrémentale et
polycentrique, mise en oeuvre par une multiplicité d'acteurs. Cette
seconde acception qui décentre au contraire le regard de l'analyse vers
les finalités vécues par les multiples acteurs pertinents dans le
jeu de la fabrication des politiques publiques, est le lieu d'émergence,
le lie de la démarche évaluative induisant la rationalisation de
l'action publique.
Ainsi ce second modèle gagne les façons de faire
de l'Etat, mais agit sur la base d'un autre droit. Cet autre droit, d'essence
pragmatique est caractérisé par «son adaptation au
concret, son rapprochement des individus, son adéquation au contexte des
sociétés qu'il prétend régir»181(*). Les
collectivités territoriales à ce titre cherchent un
véritable référentiel182(*) d'action entre action et cohérence et la
démarche évaluative traduit ce référentiel. Elle
véhicule ainsi des valeurs qui offrent un cadre global d'analyse de la
politique publique.
«La cohérence par le sens ne vient pas du seul
fait que les acteurs partagent ce sens. Le référentiel est une
idée en action»183(*).
On comprend dès lors l'intérêt majeur de
la démarche évaluative au sein de l'action publique, et sans
doute ce rôle, majeur s'il en est, se voit largement renforcé du
fait même du secteur dans lequel l'évaluation tend
désormais à s'immiscer, à savoir le secteur social via la
promotion de l'inclusion sociale par les collectivités territoriales, et
tête desquelles le département. Dans le champ de l'action sociale,
l'évaluation a une origine qui n'est d'ailleurs pas si récente.
Fruit d'une administration rationalisant ses choix budgétaires,
relayée par une Europe largement en clin à la surveillance des
fonds structurels qu'elle alloue et enfin, suivi par la multiplication courant
des années 80 des recherches académiques économico
sociale, l'évaluation a l'avantage de permettre une opération de
vérification de l'action publique menée (I), d'étalonner
le cas échéant l'action publique sociale (II) voir de calibrer
l'action publique sociale locale (III).
I. L'opération de vérification de l'action
publique
Au plan des principes, vérification, contrôle,
et évaluation différent dans leur objet, par les méthodes
qu'ils requièrent et par les compétences professionnelles
attendues de ceux qui les utilisent : c'est ce qui ressort notamment de
deux textes, le premier à portée générale, figurant
en annexe du rapport annuel 1999 du Conseil national de l'évaluation, le
second plus spécifiquement le domaine social puisque issu des
réflexions d'un groupe de travail du conseil supérieur du travail
social184(*).
Par leur objet, les trois démarchent différent.
Le contrôle vérifie la légalité et la
régularité de la mise en oeuvre des ressources, là
où la vérification, suit la bonne gestion des interventions et
produit une analyse régulière sur l'avancement des
réalisations. Enfin l'évaluation pour sa part diffère des
deux démarches précédentes car elle sort de la
sphère de la mise en oeuvre du programme, pour juger celui-ci sur la
base des résultats et des impacts que le programme a produit dans la
société. Ces distinctions font que les trois opérations ne
peuvent que mobiliser des méthodes différentes, il s'ensuit que
les qualités professionnelles et compétences requises se
distinguent donc aussi. Cependant si les textes tendent à distinguer
nettement les trois, voire les opposent, ces opérations
révèlent une grande complémentarité. Par exemple le
contrôle et la vérification permettent de repérer les
succès et échecs apparents, que l'évaluation va chercher
à confirmer par une analyse approfondie. A l'inverse, une
évaluation peut monter que l'application d'une norme juridique ou
professionnelle constitue un facteur particulier d'efficacité ou
d'inefficacité.
Cette complémentarité laisse cependant souvent
place à la révélation d'un antagonisme entre ces
opérations, imposant que : «l'évaluation
[soit]distinguée avec soin d'une part de la mesure qui est par
définition quantitative, alors que l'évaluation appréhende
généralement, aussi, des données qualitatives, d'autre
part des contrôles sous toutes leurs formes de conformité par
rapport à des normes juridiques, financières, comptables,
préétablies, ces contrôles pouvant déboucher sur des
sanctions diverses. Les différences entre ces techniques et
l'évaluation tiennent à plusieurs raisons dont la plus importante
tient au fait que l'évaluation repose sur un jugement de valeur,
généralement global, alors que les autres se
référent plutôt à l'appréciation de
données et de faits»185(*).
Cependant il n'en demeure pas moins vrai qu'eut égard
à la complémentarité potentielle de l'évaluation
avec les autres opérations accompagnant le suivi d'une politique
publique, il importe de voir en quoi, elle permet d'en contrôler
l'engagement (A) et d'en analyser les prestations (B).
A. Le contrôle de son engagement
L'évaluation répond à un besoin de
rationalité, mais aussi de transparence : quoi de plus normal, en
apparence, pour un responsable politique ou administratif que de chercher
à connaître les conséquences de ses décisions ou de
son action afin d'en assumer pleinement la responsabilité?
Dans une conception démocratique du fonctionnement de
l'État et de la gestion publique, une telle exigence parait s'imposer.
Pourtant, l'expérience montre que l'évaluation n'est pas une
démarche naturelle au sein des autorités publics
territorialisées. Les obstacles auxquels elle se heurte peuvent
être mis au compte de difficultés pratiques : une
évaluation approfondie coûte cher et prend du temps. Les
décideurs justifient souvent leur scepticisme vis à vis de
l'évaluation par le fait qu'ils sont confrontés à des
échéances de court terme et qu'ils doivent faire des choix qui ne
peuvent attendre les résultats de longues études. Les calendriers
électoraux sont cependant plutôt de moyen terme, et la gestion
dans l'urgence et l'improvisation n'est pas une fatalité. Une meilleure
maîtrise du temps de la décision donnerait à
l'évaluation tout son sens et toute son utilité. Des
résistances plus profondes existent, plus ou moins consciemment
liées à la volonté de préserver des zones
d'opacité dans l'action publique. Cette opacité étant
elle-même perçue comme un facteur d'autonomie par les
fonctionnaires et les élus. Il est certain que le commanditaire de
l'évaluation court le risque de ne pas maîtriser totalement les
processus de changement qu'elle est susceptible d'enclencher. En dépit
de ces obstacles, l'évaluation se développe, dans notre pays
comme dans l'ensemble des pays développés.
Les raisons qui paraissent expliquer ce développement
sont les nombreuses :
- les difficultés budgétaires et la crise de
légitimité de l'action publique rendent nécessaire une
justification plus solidement argumentée des interventions et des
dépenses publiques. Le lien entre évaluation et décision
budgétaire est rarement direct et contraignant. Il s'agit davantage
d'éclairer partiellement des choix complexes que de les réduire
à un calcul coût-avantages. Mais l'évaluation n'en est pas
moins porteuse d'efficience et d'efficacité publique, par
définition.
- La décentralisation, la construction
européenne et, plus généralement, l'intensification de la
coopération économique mondiale ont accru les
interférences entre niveaux de pouvoir juridiquement autonomes. La
complexité qui en résulte accroît les besoins d'information
commune, de coordination et de régulation. Le processus
d'évaluation peut être un moment intense d'échange
d'information et de coopération entre acteurs juridiquement autonomes.
Ce besoin de coordination ne concerne d'ailleurs pas que les
collectivités publiques : d'autres acteurs, entreprises, associations,
organisations socio-professionnelles, sont de plus en plus fréquemment
impliqués en tant que partenaires dans la mise en oeuvre des politiques
publiques. Cette évolution se traduit notamment par la multiplication de
procédures innovantes qui tentent d'instaurer, par un recours
étendu à la technique du contrat, de nouvelles formes d'action
collective et de nouveaux mécanismes d'incitation et de
régulation. Il est significatif que les actions de ce type suscitent
fréquemment une demande d'évaluation.
- Enfin, les agents publics doivent suivre le mouvement
général de modernisation, d'ouverture et de responsabilisation :
ils ont besoin pour cela de formation continue et d'un surcroît de
motivation. Visant à confronter les administrations à l'impact
social de leur action, l'évaluation est pour les fonctionnaires
l'occasion de vérifier leurs pratiques, de référer leur
engagement professionnel à des objectifs sociaux, de se
préoccuper des finalités et des résultats concrets de leur
action. L'administration ne sera «une affaire qui marche» que si les
agents administratifs sont adaptés et efficients. Cette condition est
nécessaire, mais elle n'est pas suffisante : il faut aussi que le "sens
de la marche" soit le bon.
Le développement de l'évaluation semble de
nature à répondre à cette double nécessité
et témoigne donc d'un souci de vérification, de contrôle de
l'engagement d'une politique publique.
B. L'analyse de ses prestations
L'évaluation a pour finalité de contribuer
à l'élaboration d'un jugement de valeur, de préparer une
décision, d'améliorer pratiquement la mise en oeuvre d'une
politique ou le fonctionnement d'un service. Dans tous les cas, il faut que le
commanditaire et les autres destinataires de l'évaluation (y compris,
dans certains cas, le grand public) puissent s'approprier les résultats
et connaissances produites, les intégrer à leur propre vision de
la réalité. A cette fin, trois conditions doivent être
réunies :
- l'évaluation doit répondre aux questions que
se pose le commanditaire (ce qui implique un projet d'évaluation
ciblé et un cahier des charges précis) ;
- les informations et raisonnements développés
doivent être crédibles et, dans toute la mesure du possible,
compréhensibles par l'ensemble des destinataires ;
- les jugements de valeur portés par
l'évaluation doivent être perçus par eux comme
fondés sur des arguments légitimes186(*).
C'est en fonction de ces trois impératifs que doit
être conçue toute démarche d'évaluation. Le projet
d'évaluation doit s'efforcer de créer dès le départ
les conditions d'une bonne réception de ses résultats, gage de
leur impact sur les décisions et pratiques administratives. C'est ainsi
qu'une véritable analyse des prestations est opérée.
Si l'on prend comme exemple l'évaluation des fonds
structurels décidée par le Premier ministre en août 2001
sur proposition du Conseil national de l'évaluation, il était
question d'étudier la cohérence, la pertinence et
l'efficacité de l'articulation entre fonds structurels européens
et contrats de Plan État-région (CPER). Si on lie le mandat, on
peut y découvrir que l'évaluation nationale des fonds structurels
européens doit d'abord prendre soin de ne pas refaire ce que d'autres
instances font déjà, dans un domaine marqué par une
certaine abondance en matière de contrôles et
d'évaluations. Il ne semble pas opportun qu'une évaluation
nationale porte sur «l'architecture du dispositif des fonds
européens lui-même, fruit des règlements européens
arrêtés en conseils des ministres, ni sur la pertinence d'ensemble
des aides européennes», en effet, la Commission a rendu
obligatoire une évaluation des fonds structurels, ex-ante,
à mi-parcours et ex-post, en cherchant à mettre en
évidence la valeur ajoutée communautaire que représentent
ces aides. Par ailleurs, il ne paraît pas utile que cette
évaluation doive s'engager dans un nouvel audit des procédures au
niveau national ou régional, domaine d'investigation des inspections de
la commission interministérielle de coordination et de contrôle
qui a procédé entre 1998 et 2000 à un contrôle de
l'ensemble des régions. En revanche, il apparaît plus
intéressant de faire porter l'évaluation sur deux points
principaux :
«- de quelle façon les contrats de Plan
ont-ils pris en compte les objectifs poursuivis par la politique communautaire
? Peut-on observer une inflexion de la programmation des opérations
financées par les contrats de plan imputable aux actions communautaires
? Dans quelle proportion, les opérations financées par les
contrats de Plan constituent-elles la contrepartie nationale des aides
communautaires ? Peut-on distinguer ce qui est prévu en programmation et
ce qui est réalisé en exécution ? De quelle façon
le principe d'additionnalité a-t-il joué ? Celui-ci n'a-t-il pu
contrarier parfois l'inscription dans les contrats de Plan d'opérations
jugées plus prioritaires par les administrations centrales au niveau
national ou par les responsables et élus régionaux ? Observe-t-on
sur le plan local des déplacements des aides nationales et
régionales en fonction des zonages communautaires?
- les procédures d'évaluation et de suivi
des fonds communautaires ont-elles été utilisées pour
évaluer les actions financées par les contrats de Plan, selon
quelles modalités et à quelles conditions ? Les études
d'évaluation, les indicateurs mis au point dans le cadre des
procédures communautaires ont-ils été mobilisés
pour préparer la nouvelle génération des contrats de Plan
? Peuvent-ils l'être davantage, notamment dans la perspective de 2003
?»187(*).
Ces propos sont autant d'enseignements et d'illustration du
fait que l'évaluation d'une politique publique porte
véritablement sur l'analyse des prestations qu'offre cette
dernière.
II. L'opération d'étalonnage de l'action
publique sociale
La demande multiple d'indicateurs de résultats ou de
performance, l'éclosion de nouveaux observatoires et la
dissémination de pratiques évaluatives sont quelques
phénomènes significatifs du besoin actuel, d'origine diverse, de
mesurer l'action publique. Ces effervescences relatives ont des succès
variables. Elles sont surtout remarquées parce qu'elles apparaissent
dans le mouvement créé par plusieurs «grandes
évolutions» dans les manières de gouverner aujourd'hui, que
la recherche a contribué à éclairer en partant de
plusieurs questions proches entres elles, comme la contractualisation
financière, l'européanisation des normes, l'intervention
partenariale. Pour autant, à de rares exceptions près, ces
phénomènes sont plus signalés qu'étudiés. Or
la mesure des choses, par ce qu'elle dit de l'autorité et du pouvoir,
apparaît comme une question qui mériterait un suivi continu. Les
usages sociaux et politiques de la mesure peuvent être des
révélateurs tout à fait intéressants des processus
de médiation qui s'opèrent entre politique publique et action
politique. L'élaboration de la mesure, la construction d'instruments ou
d'indicateurs qui la rendent possible, l'évaluation et le processus
d'étalonnage qui l'accompagne s'agissant, notamment, du secteur social
sont autant de processus qui participent, autant qu'ils les mettent en
lumière, à différents modes de gouvernement. C'est en
partant de ce constat qu'il est apparu intéressant de
s'intéresser à l'évaluation en ce qu'elle assure une
certaine forme de validité de l'action dans le domaine social (A) et
participe à un processus de minimisation des imprécisions de
l'action sociale (B) dans sa dimension territoriale.
A. Assurer la validité de l'action sociale
Aujourd'hui, la poursuite de la décentralisation est
envisagée avec d'autant plus de conviction qu'elle est aussi
perçue par tous les acteurs publics comme un moyen
privilégié pour réformer l'Etat, en contournant les
obstacles multiples auxquels se sont heurtés tous ceux qui ont fait le
pari du changement. Elle apparaît également de plus en plus comme
un moyen de réconcilier les citoyens et la République. Dans cette
perspective, sa légitimité se fonde sur une obligation permanente
de résultats, qu'il convient d'évaluer et de faire
connaître. Il est à ce titre essentiel de rechercher si les
départements ont su relever le défi de la lutte contre
l'exclusion dans ses formes nouvelles résultant de la
précarisation de l'emploi et du lien social. C'est d'autant plus
nécessaire que la décentralisation continue à susciter des
craintes quant au respect de la cohésion sociale.
On comprend dès lors l'importance que recèle la
pratique évaluative en ce qu'elle médiatise directement la
validité ou l'absence de validité de l'action publique sociale
engagée. Cela justifie la multiplication des évaluations
financières des politiques sociales inclusives en ce qu'elles
révèlent en partie la réussite des dispositifs. La part de
l'insertion et de l'accompagnement social dans la dépense nette d'action
sociale (hors aide médicale) est passée, «entre 1984 et
2002, de 18 à 26 % (dont l'accompagnement social de 18 à 22 %).
Celle du soutien aux personnes handicapées est passée, durant la
même période, de 16 à 22 %. En revanche, toujours entre
1984 et 2002, la dépense concernant les personnes âgées
(électeurs très disponibles) est passée de 24 à 16
%»188(*), car
les personnes âgées sont de moins en moins
précarisées, même si la mise en oeuvre de l'Allocation
Personnalisée d'Autonomie commence à entraîner une
inversion de cette tendance.
En moins de 10 ans s'est produite une révolution
silencieuse dans les directions d'action sociale des conseils
généraux : l'évaluation généralisée
de la plupart des domaines traditionnels. C'est moins l'irruption de cette
nouvelle technique d'information et de médiatisation qui constitue le
point central de cette «révolution», que le changement
d'attitude de la majorité des travailleurs sociaux à
l'égard de cet outil et des possibilités qu'il permet d'envisager
en matière de connaissance des populations et de leur environnement. Il
est symptomatique, à cet égard, de noter que bon nombre des
départements ouvrent à la consultation publique les
évaluations qu'ils ont commanditées, preuve d'une transparence de
l'action, d'une légitimation des interventions, d'une validité de
l'action sociale poursuivie.
Dans un contexte particulièrement évolutif, les
départements tendent à harmoniser leur organisation territoriale,
aussi bien entre services et directions internes à l'action sociale,
qu'avec les partenaires habituels (villes) ou nouveaux (EPCI) concernés
par le développement social local. Parallèlement, la pratique
évaluative est désormais mise à disposition de tous les
acteurs de terrain : elle peut se transformer en véritables leviers pour
partager une observation et un diagnostic communs au service des populations.
Il reste que la décentralisation récente de
responsabilités à dominante gestionnaire (l'APA et le RMI) peut
entraîner un repli des responsables départementaux sur une
perception plus immédiate que prospective de leur mission.
B. Minimiser les imprécisions de l'action sociale
Toute évaluation développe d'abord des constats
qui semblent simplement induits par l'observation directe de la
réalité (même si tout constat comprend
nécessairement un mixte d'inductions et de déductions) :
- constats quantitatifs : il peut s'agir de simples comptages
physiques ou financiers : coût d'une politique ou d'un programme, nombre
de bénéficiaires, de dossiers traités, etc. Cette
quantification peut être obtenue par exploitation de données
exhaustives (par exemple comme sous produit d'une gestion administrative), ou
sur la base d'une enquête portant sur un échantillon
statistiquement représentatif du phénomène
analysé.
- constats qualitatifs : la description du processus
socio-organisationnel initié par la politique, en termes de dispositifs
institutionnels, d'événements, d'activités, de situations
et de comportements, voire d'anecdotes ou d'histoires personnelles, constitue
toujours une composante importante de l'évaluation. Cette description
est nécessaire à la bonne interprétation des
données globales. De surcroît, elle constitue une source
d'illustrations concrètes d'effets et de mécanismes
analysés par d'autres méthodes.
En matière de politique sociale inclusive, cela se
traduit par une volonté affichée d'éviter que ne se
glissent des imprécisions dans l'action sociale. La territorialisation
de la politique inclusive impose en effet, comme nous le développerons
ci-après, une certaine adaptation des dispositifs publics
envisagés aux spécificités locales que l'évaluation
permet précisément d'appréhender. Ainsi toute
évaluation est, pour une bonne part, un travail sur les
représentations, et il arrive fréquemment que l'un des principaux
résultats obtenus soit une réinterprétation des rapports
entre les objectifs et les stratégies de mise en oeuvre de la politique
évaluée, ce qui conduit à une reformulation de la
théorie d'action189(*) des décideurs qui a pu inspirer la
politique en question.
L'évaluation doit en permanence s'efforcer de trouver
un bon équilibre entre deux logiques : l'exploitation des
expériences passées afin d'adapter et d'améliorer des
procédures déjà bien connues et rodées, de tirer
parti de connaissances et d'outils stabilisés, d'extraire du stock
d'évaluations terminées de «bonnes pratiques» et d'en
diffuser les acquis, et l'exploration de nouvelles pistes et de nouveaux
usages, qui suppose l'engagement dans de nouvelles directions, la recherche de
nouvelles méthodes et la découverte de procédés
innovants. Ces deux logiques d'exploitation et d'exploration, souvent
considérées comme consubstantielles à la gestion des
organisations190(*),
s'appliquent à l'action sociale avec une grande prégnance, a
fortiori dans un environnement de politique territorialisée et
localisée.
On est ici complètement dans une logique de
rationalisation de l'action publique médiatisée par la pratique
évaluative.
III. L'opération de calibrage de l'action publique
sociale locale
L'analyse des nouvelles formes de l'action publique, et plus
spécifiquement de l'action publique sociale invite à penser que
les transformations de l'intervention publique étatique mais surtout
territoriale peuvent être analysées à partir du
développement important de la pratique évaluative qui
révèle une recherche importante et constante d'une forme
d'efficacité.
Cette entrée permet de mieux comprendre par quels
mécanismes des médiations techniques (dispositifs, instruments),
organisationnelles (formalisation de chartes, nouveaux modes de management
public) et professionnelles (apparition de nouveaux métiers et
redéfinition des champs de compétence des personnels
administratifs, des services sociaux, etc) transforment le politique. Si l'on
admet, que le gouvernement contemporain s'appuie sur des instruments d'action
publique qui le concrétisent et qui le façonnent, alors la
pratique évaluative comme élément de promotion d'une
culture performative, illustre la recherche d'une démarche permettant un
ajustement structurel de l'action sociale aux contingences locales (A) et ouvre
de fait, droit à une modification fonctionnelle de celle-ci (B) montrant
donc un peu plus, l'autonomie relative mais pérenne dont semblent jouir
les collectivités dans la direction de la politique inclusive.
A. L'ajustement structurel de l'action
Indéniablement, la territorialisation du dispositif
évaluatif dans le suivi de la politique inclusive semble jouer un
rôle structurant pour au moins deux raisons. Tout d'abord, parce qu'elle
soutient les processus d'appropriation de l'espace et la construction de
représentations partagés, cette territorialisation de l'action
rendue possible grâce à une démarche évaluative
facilite l'action. Mais surtout, elle favorise un certain type de relations,
basées sur l'accentuation des liens et des formes d'échange comme
sur l'instauration de la confiance. En ce sens, l'aspect territorial de
l'action joue effectivement ce rôle spécifique d'optimisation de
la pertinence voire de la cohérence de l'action publique.
En matière d'action sociale, et plus
spécifiquement d'inclusion sociale le Département a la
responsabilité de l'insertion professionnelle et sociale des
bénéficiaires du RMI. Participant actif à la lutte contre
toute forme d'exclusion, le département a ainsi pu mettre en place des
Plans Locaux pour l'insertion et l'emploi qui sont des dispositifs visant
à favoriser l'accès ou le retour à l'emploi des personnes
qui en sont le plus éloignées. Ces programmes, d'initiative
communale, intercommunale, mais aussi et surtout départementale sont
conçus en fonction des spécificités des territoires et
s'appuient sur leurs différentes initiatives économiques,
sociales et culturelles pour développer des activités
génératrices d'emploi. Le PLIE coordonne et mobilise localement
différents acteurs : ANPE, Mission Locale, PAIO, DDASS, mairie, service
d'accueil des travailleurs handicapés, association sanitaire et
sociale... Les bénéficiaires doivent être envoyés
par l'une de ses structures pour bénéficier des prestations
gratuites du PLIE. Grâce à lui, ils pourront suivre
un parcours d'insertion individualisé comprenant des actions
d'accueil, d'accompagnement social, d'orientation, de formation. Le PLIE peut
par exemple financer des aides à la mobilité qui ne sont pas
payées par l'ANPE et apporter un financement complémentaire pour
des formations comme le SIFE (stage d'insertion et de formation à
l'emploi) et le SAE (stage d'accès à l'entreprise). En 2003,
on comptait 193 PLIE, couvrant plus de 4 000 communes et représentant
près de 30 millions d'habitants. En 2002, 47 000 nouveaux
bénéficiaires se sont vus proposer un parcours d'insertion
professionnelle personnalisé et individualisé. 16 400
bénéficiaires de PLIE ont accédé à un emploi
durable ou à une formation qualifiante et s'y sont maintenu au moins 6
mois. Un nombre équivalent de bénéficiaires est sorti
"sans suite" pour abandon de parcours, déménagement,
etc. Près de 40% de ces bénéficiaires
étaient des RMIstes à leur entrée en parcours. 44%
d'entre eux de retrouver un emploi191(*). S'agissant du département du Gard, le PLIE
de l'agglomération de Nîmes, créé en 1997, poursuit
depuis cette date son objectif principal, la lutte contre les exclusions. En
2004, le champ d'action du PLIE est élargi aux 23 communes de
l'Agglomération Nîmoise, ouvrant l'ensemble des actions à
tous les publics de ces communes. Le Plan Local pour l'Insertion et l'Emploi
s'oriente vers quatre objectifs principaux : renforcer et développer
l'accueil, l'orientation, et l'accompagnement, développer l'offre
d'insertion par l'activité économique, favoriser la
professionnalisation (notamment la formation pré qualifiante) et enfin
aider à l'accès et au maintien dans l'emploi. Sur l'année
2006, 2344 Entrées ont été
enregistrées avec 1495 entrées
Masculines et 849 entrées Féminines. La
présence à tous les stades de cette démarche du
département souligne l'ajustement structurel qu'elle opère dans
la mise stimulation du dispositif PLIE à vocation inclusive.
B. La modification fonctionnelle de la politique
Les "Plans Locaux pour l'Insertion et l'Emploi",
créés à l'initiative des Collectivités Locales et
des Etablissements Publics de Coopération Intercommunale, sont d'abord
la traduction stratégique et opérationnelle des politiques
insertion et emploi sur un territoire. Fondés sur des diagnostics
partagés par les Collectivités Locales et Territoriales, l'Etat
et leurs principaux partenaires concernés (acteurs sociaux et
économiques) les PLIE sont les maîtres d'ouvrage
délégués des politiques insertion et emploi des
collectivités locales et des établissements intercommunaux. A ce
titre, ils ont pour fonction d'être des "plates-formes partenariales" au
sein desquelles se coordonnent les programmes et les actions en matière
d'insertion et d'emploi sur leur territoire. En outre les PLIE quel que soit le
statut de la structure qui les anime (associations, GIP ou
établissements intercommunaux...) ont pour missions, d'une part, de
réunir les acteurs et opérateurs locaux concernés autour
d'objectifs quantitatifs d'accès de personnes "en difficulté"
à un emploi durable, en organisant pour ces personnes des parcours
individualisés d'insertion professionnelle avec un accompagnement
très renforcé assuré par des référents
spécialisés ; et d'autre part, d'assurer une ingénierie
technique et financière des actions et des dispositifs locaux
contribuant à l'emploi de leurs bénéficiaires puis au
maintien de ceux-ci dans l'emploi pendant plus de 6 mois. Enfin, les PLIE sont
des outils de développement local dans la capacité qu'ils ont de
concevoir avec leurs partenaires tous les projets qui peuvent concourir
à l'amélioration des parcours d'insertion des publics
concernés. La mise en oeuvre des PLIE est confiée à un
ensemble "d'opérateurs" coordonnés par une équipe
d'animation. Au-delà des fonctions qu'ils exercent, les PLIE apportent
un certain nombre de valeurs ajoutées et de contributions
spécifiques sur leurs territoires. Les PLIE relèvent de
l'Objectif 3, Axe 2, Mesure 3 : « Appuyer les initiatives locales pour
l'insertion et contre les exclusions » et de l'Objectif 1 pour ceux qui
sont sur les régions concernées par cet objectif. A titre
indicatif, les Fonds européens qui leur sont attribués
représentent 11% des Fonds de l'Objectif 3 et 44% de l'Axe 2. Leur mise
en place et leur ajustement ou encore calibrage répondent à un
processus évaluatif bien rodé depuis 1999, soit sous la direction
de la DATAR soit depuis 2002 animée par l'AVE192(*). Il apparaît ainsi que
le processus évaluatif largement décrit ci-dessus participe
activement à des modifications fonctionnelles d'une politique de
l'emploi en fonction des secteurs les plus attractifs. Ainsi donc, a-t-on pu
analyser le caractère pragmatique de l'utilisation et de l'usage du
processus évaluatif dans une démarche très
concrète, laissant apparaître les traits distinctifs d'une
nouvelle figure, qu'est celle de la Collectivité Providence.
Chapitre 2nd : La circonscription de l'action
entre légitimation et dépolitisation
La multitude des lois fournit souvent des excuses aux
vices en sorte qu'un État est bien mieux réglé lorsque
n'en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement
observées.
René Descartes, 1637
C'est finalement l'ultime interrogation qui se pose à
ce stade de la réflexion sur l'inclusion sociale à savoir :
sa place dans le discours politique. On comprend l'impérieuse
nécessité de se poser au final cette interrogation si l'on songe
bien entendu à la place prépondérante prise par la
question de la pauvreté et donc de son traitement dans le discours
politique, bien qu'à bien y réfléchir on pourrait
s'interroger sur la relation inverse à savoir la pauvreté
peut-elle être saisie par le politique.
Bien qu'à la marge du discours politico-juridique
naissant sur l'inclusion, cette relation trouve à se justifier plus
encore si l'on songe qu'on se la pose à une échelle bien
circonscrite et déterminée celle du territoire, non pas nationale
comme on a coutume de le faire ou de le trouver, mais au niveau
opératoire des politiques inclusives françaises, celui de la
collectivités territoriales, qu'il soit département ou
région. L'enjeu à cette échelle est tout autre. Comme le
souligne M. Autès : «Trois éléments
expliquent le retour au territoire : le tournant néo-libéral
qui se traduit notamment par le développement des aides à la
personnes en lieu et place des interventions collectives, des formulations de
la justice en terme d'équité et non d'égalité qui
conduisent à des politiques de discrimination positive et qui mettent en
question notre conception de l'égalité républicaine, enfin
la critique du rôle social de l'Etat»193(*).
Le territoire local tend ainsi à suppléer
l'Etat, et devient au-delà du cadre opératoire des politiques
inclusives, l'échelon auquel se joue son avenir politique. En effet,
bien que par nature, il s'agisse d'une action dépolitisée
puisqu'elle est aussi bien menée par la gauche que par la droite,
l'activité «sociale» ne remplit pas moins une fonction
politique dont il va convenir de saisir la dimension puisqu'elle permet
à la fois de légitimer son existence mais risque aussi
d'autoriser une évanescence.
Ainsi il convient de traiter la congruence de l'action
politique et de l'action légitime en matière inclusive (I),
passage obligatoire pour saisir l'enchevêtrement des niveaux de lecture
(II), imposant ipso facto une distinction nécessaire entre le politique
et la démarche inclusive (III) gage d'une action pérenne.
I. La congruence de l'action politique et de l'action
légitime en matière inclusive
Les théories de la gouvernance envisagent l'action
publique comme une action à plusieurs au sein de laquelle sont
amenés à interagir une multitude d'acteurs qui tous ont un
intérêt pour agir. S'intéressant tout
particulièrement aux phénomènes de privatisations et
d'intrication du public et du privé, ces théories envisagent la
sélection des acteurs pertinents à partir de l'ingénierie
et du design institutionnel. La littérature sur les réseaux de
politiques publiques analyse les processus de sélection et de
hiérarchisation entre les différents acteurs des politiques
publiques. Dans l'univers incertain et surpeuplé de l'action publique
contemporaine, les «problèmes», les «solutions» et
les acteurs qui en sont porteurs font l'objet d'un nécessaire processus
de sélection, permettant par là même de réduire
l'incertitude et de produire de la cohérence.
S'intéresser aux acteurs, lieux et moments où
un problème défini comme public se transforme en dispositifs
concrets de politique publique aboutissant à la réduction ou
l'élargissement et, dans tous les cas, à la répartition
des pouvoirs entre acteurs jugés aptes à participer permet de
mettre en lumière la congruence (l'association) de l'action politique et
de l'action légitime en matière inclusive. Dans cette
thématique d'ensemble, deux pistes ont attiré l'attention
s'agissant de la production d'une action publique inclusive mêlée
de démarche évaluative : une forme de mise en
équivalence de l'action et du politique (A), ainsi que la correspondance
de la légitimation de l'action et de sa juridicisation (B). Ces deux
pistes participant l'une et l'autre à la démonstration de
l'émergence de la Collectivité Providence.
A. L'équivalence de l'action et du politique
Il convient de revenir à la vision et aux critiques
actuelles du département. Ces dernières, pas nouvelles, font
preuve d'une singulière répétition et permettent de saisir
la nécessité d'une équivalence de l'action publique et de
sa parallèle et nécessaire retranscription politique. Si, dans
les années 1960, les élites locales voient le département
comme un cadre d'action naturel, il n'en est pas de même chez de nombreux
experts (économistes, urbanistes, hauts fonctionnaires) qui incriminent
son inadaptation au regard des impératifs de développement
économique. Cette critique transparaît aujourd'hui à
travers les appels en faveur de nouveaux territoires de projet.
Considéré comme une assemblée de notables, dont
l'autorité reposerait sur une assise conservatrice, le Conseil
général ne suscite guère l'enthousiasme. Dans cette
logique, le conseiller général se voit quelque peu
disqualifié en contrevenant à la figure moderne de l'entrepreneur
politique, accolée le plus souvent aux leaders urbains. Il est
appréhendé comme le représentant d'intérêts
localisés (cantonaux au mieux) et l'animateur d'un micro territoire,
bien plus que comme le gestionnaire de la collectivité
départementale. Autrement dit, du fait de son mode d'élection
(suffrage uninominal à deux tours dans le cadre d'un canton), sa logique
d'action serait plus verticale qu'horizontale. L'autre image structurante est
celle qui associe les conseils généraux à la
ruralité. Ceux-ci relaieraient avant tout les intérêts
ruraux et ceux des petites communes, critique fondée sur le constat que
les villes occupent une place restreinte dans le système de
représentation cantonale. Tout concours donc à faire des
départements les lieux de pratiques «archaïques»
véhiculant un apolitisme attaché à la ruralité et
à la notabilité.
Il apparaît donc tout à fait essentiel de
discerner dans cette perspective l'action publique à caractère
inclusif qui passe notamment par la pratique évaluative et la
politisation de cette même action en politique publique. En effet, le
social comme champ d'action révèle un intérêt
pratique tenant plus à l'affect susceptible de toucher les citoyens,
qu'à un domaine d'implication dépolitisé. De sorte, on
constate que le social, premier secteur de compétence
délégué, nécessite l'adaptation d'un discours
singulier imposant le dépassement classique des conceptions politico
politiciennes de la thématique.
En effet, le social instrumentalisé, permet de
cristalliser des oppositions, de marquer la différence ; ainsi
c'est dans le discours des élus communistes et du Front National que les
dimensions idéologiques sont les plus fortes. Les questions sociales en
débat au sein de l'assemblée nationale leur servent de tribunes
pour s'adresser à leur électorat et jouer leur position au sein
du champ politique dans la compétition qui les oppose aux autres
élus. Cette réalité trouve un écho au sein des
assemblées locales, territoriales en ce sens qu'elles constituent les
niveaux opératoires des dites politique. Qu'ils s'agissent des
organisations marginales ou des organisations dominantes, le social
s'avère donc être un enjeu toujours essentiellement politique dont
l'inscription sur l'agenda répond à des soucis proprement
politique de concurrence, d'où la nécessité de coupler
toute action publique sociale avec un discours politique de cette action,
discours devant être apolitique.
B. La correspondance de la légitimation de l'action et
de sa juridicisation
La décentralisation des responsabilités
publiques a renforcé, on l'a vu, le pouvoir des autorités
départementales. L'acte II ne marque pas une véritable rupture de
ce point de vue avec le transfert de nouvelles compétences, et charges
gestionnaires, aux conseils généraux. Cette responsabilisation
croissante des responsables départementaux sous-tend une
redéfinition fonctionnelle de la collectivité qu'il faut
évoquer pour envisager son avenir. Elle peut également
générer des effets latéraux. Échelle d'organisation
des services de l'État, le niveau local et ses dirigeants, bien que
divisés par leurs appartenances partisanes vont se trouver
confronté à la nécessitée de prendre des
décisions, dans un contexte différent, avec une proximité
qui peut les amener plus facilement à être jugés sur leurs
réalisations.
Les politiques sociales segmentées, cloisonnées
et la décentralisation qui accompagne apparaissent comme pouvant
redonner du sens et une nouvelle cohérence à ce vaste secteur
devenu incontrôlable depuis le centre. Le projet politique de
décentralisation et donc sa relance, entraînent une modification
comme on l'a vu de la gestion, de la rationalisation du social, de sa
légitimation et enfin de sa cohérence.
Devant la crise du social, les élus locaux apparaissent
comme les acteurs légitimes, étant sur le terrain, ils
connaissent les besoins des populations. Le niveau de compétence sur le
social, n'est par ailleurs pas le même à l'assemblée
nationale et dans une collectivité locale : les
députés ont à dire le droit, à poser des principes
universels, alors que les élus locaux ont à mettre en oeuvre,
à définir une application à partir de la règle de
droit. Se dessine ainsi bel et bien, la recherche d'une légitimation de
l'action via à la fois sa juridicisation et, bien entendu, sa
pratique.
D'autre part le social que les élus locaux ont à
gérer est un social inscrit dans la généalogie de
l'assistance, de la prévention et désormais de l'inclusion, ce
n'est pas celui de la protection sociale. On peut alors faire
l'hypothése que ceux-ci vont plus fréquemment s'appuyer sur des
références éthiques, à l'image des élus
nationaux à faible capital politique, et ce d'autant plus que la
dimension de proximité est une caractéristique de la gestion du
social inclusif par les collectivités locales.
Le social est avec l'économique l'une des questions
autour desquels s'opère le plus aisément les classements
politiques constituant un repère fondamental dans la démarcation
globale de la droite et de la gauche. Il sert de principe de localisation
relative de toutes les formations politiques à l'intérieur de
l'espace qu'elle forme, fournissant partout un terrain propice à la
disqualification de l'adversaire, soupçonné de vouloir mener une
politique trop sociale, donc économiquement peu convenable, ou purement
économique, donc socialement injuste et politiquement dangereuse, et
accusée en s'écartant de son camp de faire le jeu des partis
adverses.
Cela justifie donc à bien des égards une
recherche permanente de légitimité passant, bien entendu, par
l'inscription de la politique publique locale dans le cadre d'un dispositif
national juridiquement viable, mais aussi, pouvant passer par le prisme d'une
évaluation du dispositif mis en place et assurée localement.
L'évaluation à ce stade-ci de la légitimation
entraîne donc une recherche d'efficacité, de qualité,
caractère indissociable de l'enracinement de la culture de la
performance jusque dans la pratique politique elle-même.
II. L'enchevêtrement des niveaux de lecture
L'action publique sociale est exposée au risque
permanent d'instrumentalisation au service d'un message politique particulier
comme on a pu le traité précédemment. Cette dérive
peut être voulue ou subie, selon qu'elle résulte d'instructions ou
simplement de biais en lien avec des modalités d'organisation qui
prédétermineraient les résultats de l'évaluation.
Pour éviter ces écueils, une série de principes, composant
une sorte de déontologie, doivent être posés afin que
l'évaluation soit indépendante. En plus des règles
qu'appelle cet objectif, le pluralisme et la transparence ressortent comme des
garanties indispensables dans cette perspective. Ainsi la politique d'inclusion
territorialisée montre le maintien d'un principe d'apolitisme des
besoins (A) qui permet la recherche de valorisation politique de l'action (B)
traits d'un enchevêtrement des niveaux de lecture envisageable de la
nécessaire circonscription de l'action entre légitimation et
dépolitisation.
A. Le principe de l'apolitisme des besoins
Le consensus est le mode de traitement adopté par les
élus et nous ferons l'hypothèse qu'il remplit une fonction de
rassemblement des élus alors que le conflit pourrait être un
facteur de division. Nous proposons ainsi dans cette sous partie de nous
interroger sur le fait que le social mis en oeuvre par la collectivité
territoriale puisse être un instrument de cohésion permettant la
transformation d'un société en communauté. Un social qui
apporterait la division semble à proscrire, le social doit
rassembler : c'est là son point de rupture avec l'approche
politique.
Le champ politique est un champ de lutte pour l'imposition
d'une vision d'un monde, qui entre en compétition avec d'autre point de
vue. Si les politiques divisent, le social est là pour réunifier.
Le critère de la délégation aux affaires sociales pourrait
se situer là : l'histoire montre que le social serait confié
à des acteurs non politisés, qui ne sont ni engagés pour
l'obtention de poste, ni partis prenants de débats de fonds au sein des
appareils, mais garant d'une approche globalisante, unifiante et
consensuelle : les électeurs se reconnaissent ainsi en eux et les
populations se retrouvent ensemble dans ce social mis en acte.
Le travail social peut alors être analysé comme
un outil de production de la société dans la mesure où il
crée de la cohésion dans son oeuvre de protection. Il ne faut
ainsi pas mélanger la politique avec l'action des conseils
généraux et encore moins avec les questions sociales dont elles
devraient être tout à fait distincte. Le social et les besoins
qu'il manifeste sont apolitiques et consensuels. L'action menée par un
conseil général départemental a ainsi tendance à se
situer au-dessus des positions partisanes. Leur union est une grandeur forte
pour les élus, elle appartient au monde domestique.
Le Conseil Général doit ainsi dans le traitement
de la question sociale et plus particulièrement dans le traitement
inclusif qu'il y apporte travailler son image ; image qu'il faut d'autant
plus préserver que c'est elle qui est donnée à voire sur
la scène publique locale. Il faut porter un message et ce message c'est
l'unité au service des administrées : l'unité en soi
est gage de l'efficacité du travail politique de l'assemblée,
l'unité est l'instrument politique qu'utilise l'assemblée
locale.
S'il n'y a pas de concurrence des élus sur la question
sociale et les besoins y afférents, on note, en revanche, une
concurrence entre le préfet et le président du Conseil
Générale, sur la légitimité de chacun à
servir le bien commun, preuve d'une concurrence entre décentralisation
et déconcentration des acteurs, mettant en évidence la
déconcentralisation, souhaitable, précédemment
évoquée. Ainsi l'unité revendiquée par le
président du Conseil Général est reprise par le
préfet qui y inclut l'action des services de l'état. Ce qui fonde
cette unité ? C'est l'intérêt général
qui rassemble ceux qui, élus et fonctionnaires sont au service des
citoyens. L'idée de bien commun ou encore de besoin commun est
avancée sans être jamais explicitée : les besoins
communs sont un en soit qui n'appellent aucunes justifications. Il y a
consensus sur le fait que les élus l'ont été pour
répondre aux besoins communs, et rejoignent en cela les fonctionnaires
dont c'est aussi la vocation. L'assistance n'est alors pas
présentée, par les élus, comme liée à un
projet politique, plutôt comme un objet au service de la
communauté locale et de l'intérêt général.
Elle s'appuie sur une morale partagée et une représentation
misérabiliste des populations en «souffrance». Le social se
situe alors dans un registre composite, où se mêle un ensemble de
représentations diverses, héritées de
références religieuse et morale, articulées au projet
républicain registre qui semble ainsi témoigner d'une conception
dépolitisée.
Dans le domaine du social, les actions qu'un Conseil
Général peut soutenir par ses financements, se situent dans un
au-delà ou dans un en-deça, des passions politiques, et bassement
«humaines» : le social renvoyant à des questions d'ordre
philosophique, ne saurait être enfermé dans le débat
politique. L'inclusion sociale, facteur de cohésion du tissu locale, par
la conformité à des valeurs partagées peut-être
instrumentalisées par le Conseil Général dans une
perspective de promotion de la collectivité. L'ensemble des membres de
l'assemblée départementale a intérêt à un
consensus sur le social, on est ainsi d'accord sur la nécessité
de soulager la misère, ce qui permet à l'assemblée de
construire une unité qu'elle offre à l'opinion. Dans ce contexte,
l'inclusion sociale est entendue non pas comme projet de transformation sociale
mais comme instrument de réparation et de correction fonctionnant comme
un idéal rassembleur.
B. La recherche de valorisation politique de l'action
Parler d'une recherche de valorisation politique de l'action
interroge finalement sur la responsabilité qui s'engage lors de mise en
oeuvre de la politique publique, de l'action publique. En matière
sociale, en matière d'inclusion sociale, cette responsabilité
s'accompagne du fameux processus évaluatif. Se faisant, si il y a mise
en oeuvre d'une forme de Collectivité Providence en lieu et place de
l'Etat Providence, alors l'un des traits sera logiquement, l'existence de cette
responsabilité transmise, transféré aux élus
locaux.
Dans les démocraties occidentales, le XXème
siècle a vu se transformer profondément la responsabilité
politique. Le phénomène bien connu en droit constitutionnel du
passage d'une séparation des pouvoirs entre législatif et
exécutif à une séparation politique entre majorité
et opposition, a fait tomber en désuétude les procédures
de mise en cause de la responsabilité des gouvernements (motion de
censure). A cela, il faut ajouter une autre transformation de la pratique
constitutionnelle : la responsabilité individuelle, qu'elle soit
politique ou pénale, des ministres n'est plus de mise, au-delà de
leur décision de démissionner, sauf les cas ou la
«justice politique» (haute cours de justice) est saisie pour
les actes qui ont «un rapport direct avec la conduite des affaires de
l'Etat» selon l'expression de la Cour de cassation.
Parallèlement à ces processus rapidement
rappelés, il en est un qui touche directement notre problème : il
s'agit de la tendance grandissante au transfert de la responsabilité du
ministre vers ses proches subordonnés. C'est ainsi que les experts (qui
ici seront les évaluateurs) directement inclus dans la hiérarchie
gouvernementale (les cabinets ministériels) en tant que conseillers
techniques, peuvent se voir responsabilisés, en démissionnant
pour servir de paratonnerre au politique qui ne se voit plus appliquer la
règle de sa «responsabilité pour fait de son
administration». Il s'agit donc en fait d'une responsabilité
défaussée, que l'on pourrait dire négative, d'une
catégorie spécifique d'experts, à savoir ceux qui ont
politisé leurs évaluations en l'engageant dans l'action.
L'évaluateur serait dans ce cas plus un «fusible» que
véritablement responsabilisé. Deuxièmement, le partage des
responsabilités est un impensé des relations actuelles entre les
deux types de «gouvernement» (aussi bien juridiquement qu'en termes
de répartition des compétences). Il est possible de s'apercevoir
de ce manquement à travers les lois qui défèrent aux
experts évaluateurs le «devoir d'évaluation» (pour
reprendre les termes de la circulaire Rocard de 1989) et à travers les
cas où les experts s'incrustent dans l'action publique en train de se
faire.
Il existe cependant des tentatives pour sortir de cette
irresponsabilité. Il émerge en effet des tentatives de
conciliation entre d'une part la démocratie représentative, le
groupe des experts évaluateurs et la démocratie d'opinion (autre
intervenant très peu responsable dans les controverses de l'action
publique) qui passent par la valorisation de l'action publique et la
médiatisation des enseignements tirée du processus
évaluatif l'accompagnant. Ainsi en cherchant à légitimer
son action, à la rendre plus visible et compréhensible, le local
responsabilise son action. L'évaluation et les responsabilités en
la matière sont nécessairement encastrées dans les modes
d'exercice de la responsabilité politique. Pour tout gouvernant,
«la responsabilité est le passif qui vient équilibrer
l'actif de tout pouvoir» qui lui-même «a toujours une
double dimension, proportionnelle l'une à l'autre : le droit d'agir, le
devoir d'en rendre compte»194(*). Cette obligation constitutionnelle de rendre
des comptes publiquement est donc un fondement de l'exercice
démocratique des responsabilités du pouvoir exécutif. Dans
un monde où la complexité de l'action publique rend beaucoup plus
complexe l'analyse et a fortiori l'imputabilité des effets
d'une action publique, l'évaluation est la forme cognitive et
institutionnelle de cette «accountability», sans laquelle il
n'est pas de pouvoir qui puisse être contrôlé par le
souverain. Bien plus que la légalité de l'action, ce qui est en
jeu dans «l'accountability» et donc dans
l'évaluation, c'est la légitimité du pouvoir de gouverner,
qui doit être en permanence réassurée, au risque de
s'exposer à une perte de crédibilité, quand
«l'immunité devient la règle»195(*) (Coicaud, 1999, 102).
Se soumettre à ce principe s'inscrit dans des règles qui
«sont d'une autre nature que celles que le droit peut prescrire
[puisqu'elles] relèvent de la déontologie
politique»196(*)
L'avantage de ce type de démocratie plus directe, que
l'on pourrait appeler processuelle, est de réintroduire la
responsabilité politique grâce à une procédure de
gouvernance (lieu, procédure et termes d'une négociation)
où, comme l'entend la définition de la gouvernance, le politique
retrouve une place prépondérante et une responsabilité
identifiable, tout en permettant un échange horizontal entre les
connaissances disponibles sur un problème publique, dont les
connaissances expertes.
III. La distinction nécessaire entre le politique et la
démarche inclusive
Comme on a pu le décrire précédemment,
l'émergence de la figure de la Collectivité Providence sur le
terrain de la politique inclusive a eu comme conséquence un effort
important des élus locaux pour parvenir à dépolitiser le
Social en tant que sujet d'intervention, du fait de la connotation politique
très importante de la thématique et a impliqué aussi, une
nécessaire valorisation des actions publiques envisagées passant
par la mise en jeu de la responsabilité des acteurs territoriaux. Se
faisant, l'inclusion sociale révèle de part la
prépondérance qu'y joue entre autres les départements, la
fin de l'étatisme en matière d'inclusion sociale (A), laissant
apparaître un oligopole social en matière d'intervenant (B) dont,
bien entendu, la Collectivité Providence.
A. La fin de l'étatisme en matière d'inclusion
sociale
L'action sociale cherche à engager des
réflexions et des expérimentations sur de nouvelles
manières de s'inscrire dans la vie de la cité, par le local et
par l'intermédiaire de la communauté. Elle souhaite pouvoir doter
ces territoires des moyens d'une véritable légitimité,
reconnaître à ceux qui y vivent un pouvoir de co-décision,
tout en organisant fortement la circulation entre les différentes
échelles de territoire. Parmi ces expérimentations se situent le
développement social local, les programmes sociaux de territoire et,
bien entendu, la politique d'inclusion sociale... En effet, l'organisation
territoriale des personnes mobilisées sur divers projets semble
constituer le point de passage désormais obligé.
Ainsi l'inclusion permet désormais de penser le Social
dans une optique transversale et horizontale, en quête d'une gouvernance
multi centrée. Superposition des territorialités relevant de tous
les modèles, toujours plus ou moins présentes, empilées
à la verticale du lieu suivant des compositions et une polarisation
variable, cette territorialité, lieu d'émergence de la
Collectivité Providence, met un terme au monopole étatique en
matière de politique inclusive.
A ce titre est bien que peu présenté dans le
cadre de cette recherche, un mot s'impose sur la montée en puissance de
la Région, qui si elle ne joue pas un rôle moteur en termes
d'inclusion sociale n'en demeure pas moins un acteur potentiel, illustrant par
là même la fin de l'étatisme sur cette politique.
Cristallisant des attentes multiples et
hétérogènes, la collectivité régionale fait
régulièrement l'objet de projections et de supputations. On ne
cesse d'annoncer sa consécration, portée qu'elle serait par des
enjeux socioéconomiques et par une tendance européenne. Or, il
faut convenir de son institutionnalisation fragile. Si elle se situe sans nul
doute au centre des interdépendances actuelles et des processus de
restructuration socio-spatiale, elle n'est pas forcément parvenue
à s'imposer comme un échelon décisif de régulation
territoriale. La régionalisation n'a rien de naturelle : elle ne
découle pas mécaniquement de dynamiques environnementales, mais
se provoque aussi par l'émergence d'un espace public régional
institutionnel à même de peser sur la distribution des ressources
et la fabrication d'un intérêt collectif.
Cependant la Région aura vocation à supplanter
l'instance départementale dans l'impulsion de politiques territoriales,
l'organisation des intérêts et l'élaboration de
stratégies collectives. Elle constituera le nouveau relais de
l'organisation territoriale des choix publics stratégiques sous l'effet
d'une obsolescence des médiations notabiliaires départementales.
Pour ce faire, elle trouvera des alliés privilégiés
auprès des pays et des instances intercommunales qui, en s'inspirant
d'une démarche de projet, décalqueront à l'échelle
locale une logique de mission incarnée et promue par l'institution
régionale. Elle nécessitera également de se voir octroyer
une compétence plus intégrée en matière de
développement économique (avec notamment l'apprentissage
professionnel) pour ainsi jouer un véritable rôle de chef de file.
Se détachant de son rôle de relais de l'appareil d'État,
elle pourrait s'imposer véritablement comme l'agent décisif
d'organisation des politiques de compromis territorialisés et
d'intégration des projets territoriaux. En prolongement de cette
logique, se pose la question de la possibilité d'octroyer aux
régions des tâches plus gestionnaires, certaines
abandonnées par l'État, tout en confortant leur capacité
d'investissement et d'initiative afin d'asseoir plus fortement leur
autorité, telle est notamment le cas de la politique d'inclusion sociale
dans laquelle elle s'engage.
B. L'avènement d'un oligopole social en matière
d'intervenant
Selon Michel Laroque197(*), la décentralisation remet en cause la
mixité Etat collectivité locale sans aborder le problème
de fond des relations entre la sécurité sociale et l'aide
sociale. Si la seconde affirmation demeure exacte, la première doit
être nuancée, la décentralisation ayant connu depuis 1986,
des prolongements contractuels notamment dans le domaine social, qui transforme
la décentralisation en révélateur de l'existence d'un
oligopole des intervenants en matière d'inclusion sociale.
La décentralisation a toutefois contribué
à rénover le droit de l'aide et de l'action sociale en faisant du
département le pivot et le chef de fil des interventions sociales
obligatoires. Si elles ont un rôle subsidiaire constituant à
instruire les demandes d'aides sociales légales, les communes
contribuent à enrichir les interventions sociales en développant
seules ou à plusieurs dans le cadre de l'interco, des aides sociales
facultatives dont la variété a pu amené la doctrine
à s'interroger sur le point de savoir si la décentralisation
était compatible avec la garantie de certains droits sociaux qui
impliquent le respect du principe d'égalité. Si les services
publics territoriaux doivent garantir le principe d'égalité dans
le cas de la décentralisation, la question se pose toutefois, de savoir
si l'égalité formelle n'est pas un mythe lorsqu'elle est
confrontée à la logique de la territorialisation.
Le département a été le principal
bénéficiaire des compétences sociales de telle sorte qu'il
s'érige en collectivité providence. La loi n°86-16 du 6
janvier 1896 oblige les départements à organiser et faire
fonctionner un service social départemental qui a pou mission d'aider
les personnes en difficulté à retrouver ou à
développer leur autonomie de vie. Chargé des dépenses de
solidarités dites de proximité, le département gère
l'aide sociale aux personnes âgées, la politique de soutien aux
personnes handicapées ainsi que l'aide sociale à l'enfance. Son
rôle a été élargi à la prise en charge des
personnes en situation précaires avec la gestion depuis 2004 du
dispositif RMI/RMA
Conclusion de la 2ème partie
L'exigence de qualité et finalement,
l'émergence d'une certaine forme de culture performative semblent
désormais clairement se dessiner comme une obligation voire un
véritable principe gouvernant la mise en place et le suivi de la
politique publique inclusive. Cette culture, cette exigence imprègne
ainsi progressivement l'action publique locale via la mise en oeuvre de la
pratique évaluative qui permet une véritable rationalisation de
l'action publique. Elle trouve désormais à être
encadrée, réglementée par ce principe directeur. Elle
s'exprime en outre, par une réelle responsabilisation des acteurs
locaux. Se faisant, le local redécouvre cet adage économique du
début du siècle dernier «La responsabilité est le
grand révélateur des possibilités de
l'homme»198(*). Le fait que cela se traduise
législativement amène à penser qu'une juridicisation se
fait lentement, ce qui se traduit par le développement de normes de
comportement imposant à l'action publique locale la recherche d'une
pleine et entière efficacité.
Au confluant finalement du droit et de la pratique, la
culture performative et la recherche perpétuelle de la qualité
à laquelle elle fait référence, irradie tout le
régime de la politique publique, lequel se voit pleinement être
imprégné par une redéfinition induite par le management
organisationnel. Mieux encore, on se trouve désormais dans la
configuration où le local irradié par cette obligation se
conforme à une volonté communautaire d'efficacité,
d'excellence, ce qui bouleverse, les usages, les pratiques, le Service Public.
Pour reprendre S. Braconnier, se fait jours désormais «une
promotion d'une théorie économique du service
public»199(*).
Cela se comprend d'autant mieux dans le cas de la politique inclusive, que nous
avons pu constater à quel point elle était intimement liée
à la sphère économique, ne serait-ce qu'au travers du
tissu économico social local qu'elle tente de rapiécer. A rebours
finalement de ses voisins européens, la France et plus
précisément les collectivités territoriales se voient
directement appliquer, par la promotion de la politique d'inclusion sociale, un
nouveau droit, non pas prétorien, pas plus que législatif mais
plutôt pragmatique et éminemment pratique : un droit de la
performance, de la qualité.
Alors faut-il y voir un coup supplémentaire
porté à la souveraineté, une preuve de plus de la
disparition de l'Etat, du Service public à la française, de cet
interventionnisme social qui a longtemps présidé à la
politique d'insertion telle que nous l'avons connu ? Sans doute que
l'affirmative trouvera sa place ; mais une réponse plus
mesurée, nuancée, tenant notamment compte du caractère
inéluctable du «recalibrage» de la politique publique sociale
locale, paraîtrait plus pertinente.
«Le droit vit ; il évolue sans cesse
comme tout ce qui vit, sous l'influence du milieu. Observons sans cesse ce
milieu : nous comprendrons mieux notre droit» écrivait en
1925, Gaston Jéze200(*). Il apparaît claire que cette leçon
trouve ici une belle illustration.
CONCLUSION GENERALE
Comme le souligne Machiavel : «Si on veut qu'une
religion, une république survive, il faut sans cesse et constamment la
ramener à ses principes». C'est pourquoi, à travers
chaque type d'évaluation, quel que soit le niveau de
préoccupation - efficience, efficacité, impact - il convient
à chaque fois de se poser la question des principes
générateurs fédérateurs de la politique publique
concernée et de revenir aux finalités, au sens donné
à l'action publique qui justifie par là même la
légitimité de l'intervention.
C'est plus vrai encore s'agissant du secteur social où
on a pu constater l'importance de spécifier le champ de
l'évaluation à la fois, s'agissant, certes, de son champ de
temporalité et d'action mais aussi et surtout, l'importance, de la
dimension spatiale pour situer, au delà de l'espace de
référence permettant d'apprécier les effets réels
de l'intervention et les possibilités d'extension y afférant, les
différents degrés de responsabilités s'entremêlant
voire s'entrechoquant.
Ces derniers sont autant d'indices précieux ayant
permis de mettre en exergue s'il en était encore nécessaire le
rôle croissant du département. Entité historique de
référence des désormais, politiques sociales inclusives,
niveau opératoire de ces dernières, entité combinant
l'agglomération des services de l'Etat et une réalité
préexistante, le département comme acteur évaluatif se
heurte à un enjeu qui pourrait le dépasser. Comment en effet, ne
pas craindre que la politisation du social via une pratique évaluative
portée au nu, ne finisse par aboutir à un résultat
inversement proportionnel au but originel ? C'est-à-dire, à
une recentralisation progressive de cette dernière, au dépend
d'une logique de traitement de proximité. L'inclusion sociale et la
pratique évaluative qui l'accompagne ne risquent-ils pas de mettre
à jours la faiblesse du département face à ce défi
de lutte contre les exclusions ? Et finalement, couplé à la
réforme de la loi de décentralisation n'assiste-t-on pas
impuissant, du moins sur la branche sociale, à un étouffement
lent de l'entité départementale, collectivité providence
historique, mais sans doute trop rapidement confrontée à une
politique ambitieusement susceptible de la mener à sa perte au profit
d'un niveau plus efficace ?
Ces questions ne trouveront sans doute pas une réponse
formelle et univoque mais, les différentes pistes
précédemment évoquées peuvent permettre de
commencer à en ébaucher une, qui demeure à ce jour
prospective, s'agissant surtout de la potentielle disparition de
l'échelon départemental. Ainsi si la réforme
constitutionnelle de décembre 2003 aboutit belle et bien à graver
dans le marbre que « Les collectivités territoriales de la
République sont les communes, les départements, les
régions, les collectivités à statut particulier et les
collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute
autre collectivité territoriale est créée par la loi, le
cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs
collectivités mentionnées au présent
alinéa», laissant clairement entrevoir l'arme
permettant d'abattre le niveau départemental au profit de la mise en
place d'une structure géographique plus pertinente. Rien ne saurait
cependant affirmer que tel en sera le cas et bien heureux celui qui pourrait le
prédire.
Il est donc pertinent de se demander si, en tant que lieux de
définition de la politique d'action sociale, les départements
n'ont cependant pas encore de beaux jours devant eux à mesure que
s'exacerbent les problèmes sociaux : vieillissement de la population et
progression des personnes âgées dépendantes,
précarisation des jeunes, exclusion du marché du travail des
personnes en difficulté, etc. Au regard des incertitudes qui
émaillent le contexte post-décentralisateur, la réflexion
prospective n'en prend que plus de légitimité afin non pas de
dessiner arbitrairement un chemin, mais bien pour esquisser des scénaris
d'évolution possibles, probables et (peut-être) souhaitables
susceptibles de fonder des recommandations politiques. La tentation
apparaît donc grande de solliciter massivement les départements
tant ceux-ci paraissent, moins que les autres collectivités,
exposés au contrôle démocratique des citoyens, si ce n'est
lors d'élections marquées par de faibles taux de
participation.
Une lecture possible serait celle d'une progression de
l'imposition locale traduisant une forme de redistribution des ressources peu
favorable aux classes populaires (au regard des modalités de
l'impôt local) sous l'effet de la sollicitation croissante des
collectivités territoriales, et notamment du département, dans la
gestion des effets des problèmes socio-économiques. Mais cette
augmentation ne peut être pérenne sur le long terme, au mieux un
quick fix compte tenu de l'effet de plafonnement inhérent aux
impôts locaux.
L'un des effets induits de cette décentralisation de
nouvelles compétences pourrait aussi bien être, et c'est plu
probable, la clarification des pôles de compétence de chaque
collectivité contrainte de resserrer des dépenses croissantes
autour de ses priorités avec la perspective possible d'un retrait
progressif des départements de l'aide aux équipements communaux.
L'actualité récente ne nous fournit que trop d'indices pour ne
pas penser à cette tendance.
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION...........................................................................................6
I. L'inclusion sociale et son
décodage.......................................................................................7
A. L'appréhension du phénomène
d'inclusion........................................................................8
1. L'inclusion dans la théorie des
ensembles.....................................................................8
2. De la catégorisation à la
Taxinomie........................................................................10
3. L'inclusion dans la
sytémique..................................................................................11
B. La compréhension du phénomène
d'inclusion
sociale..........................................................12
1. La systémique sociale américaine :
précurseur des études sur l'exclusion/inclusion
sociale.........13
2. Le structuralisme et le déconstructionnisme :
promoteur de cette thématique..........................15
3. Le renouveau en Europe de l'inclusion sociale via la French
Theory....................................17
II. Prolégomènes de la mise en oeuvre des
politiques d'inclusion
sociale.............................................19
A. La prégnance du cadre européen dans les
politiques d'inclusion
sociale....................................19
1. Une ambition ancienne : la lutte contre
l'exclusion........................................................20
2. Une affirmation circonstancielle : des poverty program
à Maastricht...................................22
3. Un affermissement singulier : du traité
d'Amsterdam à la stratégie de Lisbonne......................25
4. Un nouveau cadre de référence: l'inclusion
sociale comme orientation stratégique..................29
B. Le niveau national : cadre opératoire des
politiques inclusives ................................................33
1. Une lutte pour l'intégration 1960/1970 : la
promotion de l'Etat Providence...........................34
2. Une lutte en vue de l'insertion 1970/1980 : la fin de la
logique assurantielle...........................34
3. De la précarisation à l'exclusion
1980/2000 : la substitution de la logique assistantielle.............38
4. La promotion de la cohésion sociale 2000/2013 :
l'avènement de la Collectivité Providence.......43
Problématisation de l'inclusion
sociale.......................................................................................45
1ère PARTIE : L'AFFERMISSEMENT DE LA
LOGIQUE PREVENTIVE POUR LES POLITQUES D'INCLUSION
SOCIALE.............................................................. 47
TITRE 1er : LA PERENISATION DES DISPOSITIFS
PUBLIQUES SOCIAUX CURATIFS.....................48
Chapitre 1er : L'extension des contraintes
budgétaires...........................................................50
La dette publique fut le germe de la liberté. Elle
a détruit le roi et l'absolutisme. Prenons garde qu'en continuant
à vivre, elle ne détruise la nation et nous reprenne la
liberté qu'elle nous a donnée.
Mirabeau, 1789
I. La résorption des fonds sociaux
européens.............................................................................51
A. L'implication de
l'élargissement...................................................................................53
B. L'accentuation du principe de
spécialité...........................................................................56
II. La recomposition des dotations et subventions
nationales...........................................................60
A. La réduction de la participation étatique
directe..................................................................62
B. L'amoindrissement de l'implication étatique
indirecte.........................................................66
III. Le dépérissement des leviers fiscaux
locaux...........................................................................70
A. La factualité de la logique
lafferienne.............................................................................71
B. La résidualité des marges de
manoeuvres........................................................................73
Chapitre 2nd : L'établissement d'une sur
responsabilisation....................................................77
Voici, dans mes vieilles idées, le grand
problème en politique que je compare à celui de la quadrature du
cercle en géométrie et à celui des longitudes en
astronomie : trouver une forme de gouvernement qui mette la loi au dessus
de l'homme
Rousseau, 1827
I. L'Européanisation des politiques publiques
sociales.................................................................78
A. L'analyse fonctionnelle de l'inclusion
sociale....................................................................80
B. L'analyse séquentielle de l'inclusion
sociale.....................................................................85
II. La production d'une législation nationale
coercitive..................................................................88
A. La localisation des
besoins..........................................................................................89
B. La polarisation des
objectifs.........................................................................................92
III. La territorialisation des enjeux
sociaux.................................................................................93
A. La promotion de la responsabilité
administrative................................................................94
B. La préservation de la responsabilité
financière...................................................................95
TITRE 2nd : LA FORMULATION DE POLITIQUE
SOCIALE OCCUPATIONNELLE..............................98
Chapitre 1er : La combinaison des acteurs en
matières
d'insertion.................................................99
Le Politique est toujours face à un territoire dans
lequel il exerce un pouvoir en droit défini comme responsabilité,
qu'il soit élu ou nommé.
Etchegoyen, 1993
I. La décentralisation des compétences
sociales.........................................................................100
A. Une attribution par principe
exclusive.............................................................................101
B. Une application de fait
extensive.................................................................................102
II. La déconcentration des intervenants
sociaux.........................................................................104
A. L'expansion du principe de
subsidiarité..........................................................................106
B. L'avènement d'un principe de
supplétivité......................................................................107
III. La déconcentralisation des politiques
inclusives.....................................................................109
A. La coopération des intervenants
locaux...........................................................................111
B. La coordination des actions
territorialisées.......................................................................112
Chapitre 2nd : La promotion de l'inclusion
professionnelle par le
marché.......................................114
«La preuve du Pudding c'est qu'on le mange»,
aimait à répéter Engels, [...]. La preuve d'une politique
efficace de l'emploi, c'est que le chômage baisse.
Jean-Louis Gombeaud, 2006
I. La réception des exigences
communautaires..............................................................................115
A. La concentration des ressources et
moyens...........................................................................116
B. La stimulation de la création
d'emploi................................................................................118
II. La rénovation de l'approche
nationale......................................................................................120
A. La libéralisation du marché du
travail.................................................................................121
B. L'adaptation des travailleurs et des
entreprises......................................................................123
III. La réalisation de la politique
territorialisée (l'exemple des marchés publics à
critères sociaux) ..................125
A. L'animation territoriale vecteur de
partenariats.....................................................................126
B. La valorisation locale de la dynamique du
marché..................................................................128
2ème PARTIE : LA BANALISATION DE
L'EVALUATION PAR LES POLITIQUES D'INCLUSION
SOCIALE .................................................................................132
TITRE 1er : L'EMERGENCE D'UN CRITERE
QUALITATIF.........................................................134
Chapitre 1er : Le développement de
l'évaluation dans les politiques publiques
partenariales.................137
Quelle que soit sa compétence réglementaire,
une collectivité territoriale se saisira d'un problème à
partir du moment où il émergera au sein de l'agenda politique
local.
P.Muller, 1990
I. L'apparition de la pratique
évaluative......................................................................................138
A. Le contrôle des programmes de financement
communautaire.....................................................139
B. Le saisi des contrats de plan Etat/ Collectivités
Territoriales.......................................................141
II. La propagation des
évaluations..............................................................................................143
A. Une assimilation incitative (dimension
cognitive)...................................................................144
B. Une acculturation progressive (dimension
normative)..............................................................146
III. L'institutionnalisation de
l'Evaluation.....................................................................................147
A. Un cadre théorique
affiné...............................................................................................148
B. Un cadre juridique
renouvelé...........................................................................................150
Chapitre 2nd : L'extension de l'évaluation
aux politiques publiques locales....................................152
Evaluer une politique, c'est s'efforcer d'apprécier
de façon valide ses effets réels [...] Parler d'effets
réels n'exclut [...] pas les conséquences sur les
représentations [...]mais souligne que l'on s'intéresse au
résultat ex post de la politique considérée par opposition
aux effets prévisionnels.
J.-P. Nioche & R. Poinssard, 1984
I. L'instrumentalité des évaluations dans les
politiques publiques
locales..............................................153
A. Comprendre l'empilement des politiques publiques
locales......................................................153
B. Maîtriser les interactions des politiques publiques
locales ........................................................155
II. L'opérationnalité des champs de
l'évaluation dans le
social............................................................157
A. Le champ de la
temporalité.............................................................................................158
B. Le champ de
l'agir......................................................................................................159
III. La productivité de l'évaluation au niveau
local...........................................................................161
A. De la
préconisation......................................................................................................161
B. ...à la
prospection/expérimentation...................................................................................163
TITRE 2nd : L'ENRACINEMENT DE LA CULTURE
PERFORMATIVE..........................................165
Chapitre 1er : La rationalisation de l'action
publique sociale locale............................................167
Une seule connaissance exacte, adéquate et
appropriée, diffusée équitablement conduirait à
elle seule et à coup sûr, à une meilleure intelligence
collective
J. Leca, 1993
I. L'opération de vérification de l'action
publique..........................................................................168
A. Le contrôle de son
engagement........................................................................................169
B. L'analyse de ses
prestations............................................................................................171
II. L'opération d'étalonnage de l'action
publique
sociale..................................................................173
A. Assurer la validité de l'action sociale
................................................................................173
B. Minimiser les imprécisions de l'action
sociale......................................................................175
III. L'opération de calibrage de l'action publique
sociale
locale............................................................176
A. L'ajustement structurel de
l'action....................................................................................177
B. La modification fonctionnelle de la
politique........................................................................178
Chapitre 2nd : La circonscription de l'action
entre légitimation et
dépolitisation...........................180
La multitude des lois fournit souvent des excuses aux
vices en sorte qu'un État est bien mieux réglé lorsque
n'en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement
observées.
René Descartes, 1637
I. La congruence de l'action politique et de l'action
légitime en matière
inclusive.....................................181
A. L'équivalence de l'action et du
politique.............................................................................182
B. La correspondance de la légitimation de l'action et de
sa juridicisation..........................................183
II. L'enchevêtrement des niveaux de
lecture..................................................................................184
A. Le principe de l'apolitisme des
besoins...............................................................................185
B. La recherche de valorisation politique de
l'action..................................................................187
III. La distinction nécessaire entre le politique et la
démarche
inclusive.................................................189
A. La fin de l'étatisme en matière d'inclusion
sociale..................................................................189
B. L'avènement d'un oligopole sociale en matière
d'intervenant......................................................191
CONCLUSION..................................................................................................................194
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................196
TABLE DES
MATIERES..................................................................................202
RESUME:
Le concept d'inclusion sociale est désormais le point
d'ancrage des politiques sociales initiées par l'Europe et ses Etats
membres. Il est communément accepté de définir l'inclusion
comme le pendant inverse de l'exclusion et d'y voire la solution ou tout le
moins la garantie d'une cohésion sociale. Néanmoins, l'inclusion
est un au delà de l'insertion, car elle situe cette dernière dans
une réalité économique : l'économie de
marché. Des incertitudes subsistent de sorte que ce n'est guère
qu'au travers ses effets qu'on parvient à l'apprécier. Sur ce
point, l'élément prépondérant qui doit être
mis en exergue réside dans le transfert progressif du concept
«d'Etat Providence», vers une dimension territoriale infra
étatique : le département. Celui-ci devient la
«Collectivité Providence» pertinente prise entre deux
exigences : de pérennisation des dispositifs sociaux et
d'évaluation des politiques d'inclusion. Cette transformation annonce un
changement radical de perspective, sujet de notre analyse.
The idea of 'social inclusion' is now the central legitimating
concept of social policy in Europe and elsewhere. There is a general agreement
that inclusion is a good thing, and that exclusion is a bad thing, both because
it is unfair, and because it damages social cohesion. However, the inclusion is
beyond the insertion because it places this last one in one economic reality,
the market economy. There is also very little clarity about what inclusion or
exclusion actually mean, and indeed to some extent the unifying function of
these terms depends on that lack of clarity. The central point that I want to
make is that the idea of social inclusion, transferred the concept of
Providency State to the local administration area: the department. Indeed, he's
becoming Providency collectivity which is now taken between two obligations:
preservation of what have been done socially and evaluation of Inclusion
policys. This transformation announced a radical turns. That's what we're going
to analyse.
MOTS CLEFS:
Inclusion-Exclusion sociale, Collectivité Providence,
Fonds sociaux européens, Evaluation, Politique publique, Action
publique, Déconcentralisation, Décentralisation,
Déconcentration, Territorialité.
* 1 J. Chirac (Président
de la République), allocution télévisée du
14/11/2005
* 2 S. Kartz, L'exclusion,
définir pour en finir, Dunod, 2004
* 3 J.-L. Verley,
Théories des ensembles, article de l'Encyclopedia
Universalis, 2001
* 4 G. Boole, The
mathematical analysis of logic, 1847
* 5 «Un certain
système de choses est un tout consistant en certaines parties...Un
système dans lequel l'ordre des parties est indifférent s'appelle
un ensembles», Bolzano, Les paradoxes de l'infini, Berlin,
Mayer et Müller, 1899
* 6 J. Gautra : Le
rôle du chômage et de la pauvreté dans le débat
public, Allocations familiales, C.N.A.F, n°38, décembre 1994,
pp. 69-75
* 7 E. B. de Condillac,
Traité des sensations, 1754
* 8K. L. von Bertalanffy,
Théorie générale des systèmes, trad.
franç. de J.-P. Chabrol, Paris, Dunod, 1980
* 9 O. Morgenstern, Theory
of Games and economic Behavior, Princeton University Press, 1947
* 10 N. Wiener,
Cybernétique et Société, Paris, Plon, 1962
* 11 R. Boudon,
L'idéologie. L'origines des idées reçues, 1986,
Paris, Fayard, p.22
* 12 Y. Grafmeyer,
L'école de Chicago : naissance de l'écologie
urbaine, Flammarion, 2004
* 13 La démarche de
Parsons est la suivante :
Pour qu'une société stable puisse exister, il
lui faut répondre à plusieurs fonctions qui sont l'adaptation
à l'environnement (adaptation=A), la poursuite d'objectifs
(goal=G), le système ne fonctionnant que s'il est mû ou
orienté par un but, l'intégration interne du système
(integration=I), et enfin l'entretien des modèles et des normes
(lattent pattern maintenance and tension managment=L). Ainsi naissent
les fonctions du système représenté par le sigle AGIL.
* 14 M. Halbwachs,
Chicago : experience ethnique, Annales d'histoire
économique et sociale, T. 4, Armand Colin, 1932
* 15 Howard S. Becker,
Outsiders - Etude de sociologie de la déviance -,
Métailié, Paris, 1963
* 16 N. Luhmann, Soziale
systeme. Grundriss einer allgemeinen Theorie, Franckfort, Suhrkamp,
1982
* 17 A. Touraine,
Production de la société, Paris, le Seuil, 1973
* 18 J.-C. Lugan, La
systémique sociale, PUF, Nov. 2005
* 19 Y. Bony, Sociologie du
temps présent, Armand Colin, 2005, p.51
* 20 Enquêtes ou
études culturelles se donnant pour objet «les formes les
pratiques et les institutions culturelles et leurs rapports avec la
société et le changement social».Armand Mattelart et
Erik Neveu, Cultural studies' stories - La domestication d'une
pensée sauvage -, Réseaux n°80, CNET, 1996
* 21 F. Cusset, French
Theory, p.145, La découverte, 2ème édition
2005
* 22 M. Gauchet, La
condition historique, Stock, Paris, 2003
* 23 M. Foucault,
Résumé de cours, 1970-1982
* 24 Raymond Aron,
L'Europe, avenir d'un mythe Cités, n°24, 2005
* 25 Paul-Henri Spaak,
Président de l'Assemblée consultative européenne, extrait
du Monde 9 Mai 1950
* 26 Le FSE exerce deux
grands rôles. D'une part, il a pour but de favoriser la création
d'emplois pour les travailleurs dans le marché intérieur en
encourageant leur mobilité et en facilitant leur adaptation aux
mutations industrielles. C'est en particulier par le biais de stages de
formation professionnelle et de programmes de recyclage que le FSE poursuit ces
objectifs, tout en améliorant le niveau de vie (article 146). D'autre
part, le FSE doit également participer au renforcement de la
cohésion économique et sociale au sein de la Communauté
européenne (article 159).
* 27 «La
subsidiarité reste pensée sur le mode dérogatoire - un
système d'exception incorporé au dispositif même de la loi
- au lieu d'être pensée sur le mode de la
supplétivité, qui seul témoignerait d'une claire
volonté de l'Etat d'ouvrir un espace d'autonomie relative».
Olivier Mériaux - Les débordements territoriaux des
politiques sectorielles in, L'action publique et la question
territoriale, sous la direction d'A. Faure et A. C. Douillet, PUG, 2005
* 28 A. B. Atkinson,
B.Cantillon, E. Marlier and B.Nolan, Taking Forward the EU Social
Inclusion, an independent report commissioned by the Luxembourg Presidency
of the Council of European Union, Pre-final version, 31 Mai 2005
* 29 Robert Rochefort, dir.
du Credoc, préface à l'ouvrage de Michel Messu, La
pauvreté cachée, L'aube, 2003
* 30 J. Galbraith,
L'ère de l'opulence, 1965, Gallimard
* 31 Archives
départementales des bouches du Rhône, M6 30874
* 32 Décret
n°64-782 du 30 Juillet 64
* 33 R. Castel, Les
marginaux dans l'histoire - l'exclusion, l'état des savoirs, La
découverte, 1996, p. 32-40
* 34 Emmanuel
Négrier, La question métropolitaine - Les Politiques à
l'épreuve du changement d'échelle territoriale - PUG,
2005
* 35 Lepetit Bernard,
Tentons l'expérience, Annales ESC, Nov-Dec. 1989, n°6
* 36 R. Dworkin, What is
Equality ? , Part I: Equality of Welfare; Part II: Equality of
Resources, Philosophy and Public Affairs, 1981
* 37 L. Stoleru, Vaincre
la pauvreté dans les pays riches, Flammarion, 1974
* 38 R. Lenoir, Les
exclus- Un français sur dix-, Seuil, 1973
* 39 Alban Goguel
d'Allondans, L'exclusion sociale - métamorphose d'un concept,
L'harmattan, 2002
* 40 Loi n° 70-1318 du
31 décembre 1970 portant réforme hospitalière
* 41 Loi n° 71-579 portant
création de l'ALS
* 42 Loi n° 75-535
du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et
médico-sociales
* 43 Loi n° 75-534
du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes
handicapées
* 44 Loi n° 76-629 du 10
juillet 1976 portant création de l'allocation de parent isolé
* 45 Décret n°
76-526 du 15 juin 1976 étendant le bénéfice de l'aide
sociale à de nouvelles catégories de
bénéficiaires
* 46 Programme du
président Reagan reposant sur trois principes : politique de
l'offre, monétarisme et dérégulation ; P. Rimbert,
La reaganomanie, revue Après Demain - n°276,
Juillet/Septembre, 1985
* 47 «Plusieurs
logiques contradictorielles semblent s'exercer actuellement sur notre
contemporanéité pour lui donner un visage pluriel. D'une part,
l'investissement du microsocial comme dimension première de la vie
quotidienne et inversement, la recherche de perspectives macro sociales comme
utopies collectives».
M. Maffesolie, La connaissance Ordinaire,
Méridien, 1985
* 48
Pierre
Rosanvallon, La crise de l'État-providence, Le Seuil,
1981
* 49 Loi de redressement du
22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, organisant le
régime d'interruption de la carrière professionnelle.
* 50 Loi n°89-1010 du
31 décembre 1989 relative à la prévention et au
règlement des difficultés liées à l'endettement.
* 51 L'ordonnance n°
92-1143 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle.
* 52 Jean Marc Vittori,
S'attaquer enfin au Chômage, Les Echos, 18 Janvier 2006
* 53 Martine Xibberras,
Maître de conférence à Montpellier 3, Les
théories de l'exclusion, Armand Collin, 2000
* 54 M. Waline, Vers un
reclassement des recours du contentieux administratif, RDP, 1935
* 55 «Dans une
société où la division sociale du travail est peu
poussée, la solidarité résulte moins de la
différence que de la ressemblance. On observe alors une forme de
solidarité dite mécanique : on s'entraide parce qu'on se
ressemble. La solidarité organique est, elle, le fait d'une
société où il y a complexification des systèmes
sociaux, individualisation et division sociale du travail. Dans une
société de ce type, on s'entraide parce qu'on est
différent». Nathalie Blanchard, L'avènement du
département providence - Le social au Conseil Général de
l'Hérault, Coll. Politiques et interventions sociales, ENSP,2004
* 56 «Chaque
acteur, préfets, élus, partenaires sociaux, entreprises, au coeur
de l'action pour rétablir la cohésion sociale de notre pays, doit
se sentir porteur d'une véritable feuille de route pour l'action»
(Communication du ministre de l'emploi, du travail et de la
cohésion social - 9 Février 2005 en Conseil des Ministres).
* 57 «L'inclusion
est différente de l'intégration et de l'insertion.
L'intégration a pour but de libérer des moyens pour adapter
toutes les catégories de la population à l'environnement social.
L'insertion, elle, vise à modifier autant que possible l'environnement
en fonction de ceux qui ne peuvent s'y adapter. L'inclusion doit permettre de
développer les aptitudes des personnes, de manière à ce
qu'elles aient voix au chapitre.» Huguette Desmet
Docteur en sciences psychopédagogiques, professeur à
l'Université de Mons-Hainaut, intervention orale au Sénat belge
à l'occasion de la journée consacrée à l'inclusion
sociale le 9 Mai 2005, http:/
/www.senate.be/citizenship/05-05-09-social-inclusion
* 58 Loi n° 2006-396 du 31
mars 2006, dont l'article 8 instituant le CPE a été
«remplacé»... Pour un éclairage sur la terminologie et
l'imbroglio juridique, la lecture du lien suivant s'impose :
http://maitre.eolas.free.fr
* 59 La diffraction est le
comportement des
ondes lorsqu'elles rencontrent
un obstacle qui ne leur est pas complètement transparent ; le
phénomène peut être interprété par la
diffusion d'une onde par les points de l'objet. La diffraction se manifeste par
le fait qu'après la rencontre d'un objet, la densité de l'onde
n'est pas conservée selon les lois de l'
optique
géométrique.
* 60 Extrait du rapport de
l'Observatoire nationale de la pauvreté et de l'exclusion 2005-2006,
p.10
* 61 «Sur la
période 2003-2005, le chômage de longue et très longue
durée s'est accru. La forte hausse du chômage de longue
durée entre la fin du premier trimestre 2003 et la fin du premier
trimestre 2005 (+11%) n'a pas été compensée par le repli
observé aux deuxième et troisième trimestres 2005 (-5
%)». Ibid., p. 18
* 62 «La forte
contraction de la croissance en 2003 a conduit à une diminution de
l'emploi salarié marchand inconnue depuis 1993 (-53 000 postes). En
2004, la croissance retrouve un rythme plus élevé, +2,3 %, sans
que cela soit suffisant pour profiter pleinement à l'emploi : l'emploi
salarié marchand ne progresse que de 5000 postes». Ibid., p.
18
* 63 «Après
avoir diminué au cours des années 2000 à 2002, le nombre
d'allocataires de minima sociaux en France a augmenté en 2004 de 3,4 %,
à un rythme deux fois plus élevé qu'en 2003 (+ 1,6 %) [Cf.
M. Avenel, « Les allocataires de minima sociaux en 2004 »,
Études et Résultats, n° 447, 2005, Drees]. À la fin
de 2004, 3,4 millions de personnes étaient allocataires de l'un des neuf
dispositifs nationaux (Ai, Api, Aah, Fsv, Ass, Aer, Rmi, Allocation veuvage,
Allocation supplémentaire d'invalidité) ou du Revenu de
solidarité (Rso), dispositif spécifique aux Dom. En incluant les
ayants droit (conjoints et enfants), ce sont un peu plus de 6 millions de
personnes qui bénéficient des minima sociaux, dont 5,6 millions
en métropole». Ibid., p. 19
* 64 Arnaud Lacaze,
Problèmes économiques, n°spécial, Les
défis du management aujourd'hui, 1er Mars 2006
* 65 Loi organique
n°2001-692 du 1 août 2001 - Loi organique relative aux lois de
finances
* 66 Ernst & Young,
Rapport sur l'évaluation finale du programme européen
Objectif 2 pour le Languedoc Roussillon,
http://www.diact.gouv.fr/datar_site/datar_evaluation.nsf,
Octobre 2005
* 67 M. Alain Bocquet,
député, extrait d'une réponse à Mme Colonna
à une question orale à l'Assemblée nationale - 4 avril
2006
* 68 Jean
François-Poncet et Jacqueline Gourault, rapport d'information du
Sénat n°337, La réforme de la politique régionale
européenne, p.13, Paris, Mai 2006
* 69 S'ajoutent à ce
montant, pour atteindre le total FEDER / FSE de l'Objectif
compétitivité et emploi (9,1Mds€) :
- 200M€ au titre des programmes interrégionaux en
faveur des massifs et des bassins hydrographiques ;
- 700 M€ au titre du programme national FSE (hors part
gérée en région).
* 70 R. M., La
programmation 2007-2013 peut commencer ! , La gazette des Communes,
n°1834, 17 Avril 2006
* 71 Maxime Lefebvre,
Quel budget européen à l'horizon 2013, Travaux et
recherches de l'IFRI et du CEES, La documentation française, p.39,
2004
* 72 Le propos n'est pas ici
de polémiquer ou de jeter l'opprobre, mais il est évidant qu'un
gâteau (l'image et volontairement choisi) même un peu plus grand,
lorsqu'il doit être partagé entre un bien plus grand nombre de
convive, entraîne ipso facto un amoindrissement des parts de chacun. On
ne peut alors que gager que cela se déroule pendant une période
transitoire, de rattrapage.
* 73 Ibid., p.58
* 74 Dans ce sens cf. tableau
p.9
* 75 PO :
Prélèvement Obligatoire
* 76 Philippe Le
Clézio, extrait du Rapport du Conseil Economique et Social,
Prélevements obligatoires : compréhension,
efficacité économique et justice sociale, Paris, 2005
* 77 Loi de finances
révisée et prévisions d'exécution 2004
* 78 «Quelle que
soit la source retenue, les chiffres fournis par les administrations font
apparaître un déficit conséquent pour les
départements, en ce qui concerne le versement du RMI aux allocataires.
Ce déficit concerne la quasi-totalité des départements,
à des degrés divers. D'après la source la plus
modérée dans l'estimation de ces déficits,
c'est-à-dire les chiffres CAF - MSA transmis par la DGCL, le
déficit global s'est élevé à 423,4 millions
d'euros, soit 7,9 % des allocations versées. Et selon le
ministère du Budget, le déficit départemental global
devrait atteindre 430 millions d'euros, à plus ou moins 10 millions
d'euros près. Cette réalité est très perceptible
quand on interroge les départements. En effet, le financement de ce
déficit est de loin la principale préoccupation exprimée
par les présidents de conseils généraux en réponse
au questionnaire qui leur a été envoyé. La couverture
«réelle» des charges de l'allocation par l'impôt
transféré et une plus grande «réactivité»
de l'État dans le transfert de la ressource reviennent très
fréquemment dans les réponses des élus. Plusieurs d'entre
eux soulignent également le coût que représente pour eux
l'avance de trésorerie consentie de facto à l'État tant
que la compensation promise au titre de l'année 2004 n'aura pas
été versée». Extrait du Rapport n°316,
rendu au Sénat, La décentralisation du revenu minimum
d'insertion fait au nom de l'Observatoire de la décentralisation,
p.8, Paris, 2005
* 79 Composée de
programmes, ministérielle ou interministérielle, la mission
correspond aux grandes politiques de l'État. Elle constitue
l'unité de vote pour le Parlement.
* 80 Ministériel, le
programme est le cadre de mise en oeuvre des politiques publiques. Il est
confié à un responsable et regroupe un ensemble cohérent
d'actions, qui apportent des précisions sur l'utilisation prévue
des crédits.
* 81 Arthur B. Laffer,
diplômé en Sciences Economiques de l'université de Munich
(Allemagne) et de l'université de Yale où il obtint un
«bachelor of arts» en 1963. Outre un MBA en 1965, il reçut un
diplôme de doctorat en sciences économique de l'université
de Stanford en 1972. Il est l'auteur de la «courbe» qui
suggère que la hausse du taux d'imposition marginale peut
entraîner une baisse des recettes fiscales.
* 82
* 83 «L'impôt
peut entraver l'industrie du peuple et le détourner de s'adonner
à certaines branches de commerce ou de travail». Adam Smith
(1723-1790), Recherche sur la nature et les causes de la richesse des
nations , 1776.
* 84 «Un
impôt exagéré détruit la base sur laquelle il
porte». Jean Baptiste Say (1767-1832), Traité
d'économie politique, Livre 3, Chapitre 9, 1803
* 85 Hors paris
* 86 Les collectivités
locales en chiffres, Statistiques financières sur les
collectivités locales 2006, Direction générale des
collectivités locales, mise en ligne : Janvier 2006
* 87 Michel Mercier, extrait du
Rapport d'information du Sénat n°447, Le Bilan de la
décentralisation, p.257, Paris, 2000
* 88 Les
collectivités locales en chiffres, Statistiques financières sur
les collectivités locales 2006, Direction générale
des collectivités locales, mise en ligne : Janvier 2006
* 89 L'Article 1636 B
septies du code générale des impôts
prévoit que:«Les taux des taxes foncières et de la
taxe d'habitation votés par une commune ne peuvent excéder deux
fois et demie le taux moyen constaté l'année
précédente pour la même taxe dans l'ensemble des communes
du département ou deux fois et demie le taux moyen constaté au
niveau national s'il est plus élevé». L'article 1636 B
sexies dispose aussi que :«Sous réserve des dispositions
du VI de l'article 1636 B septies, les conseils régionaux
autres que celui de la région d'Ile-de-France votent chaque année
les taux des taxes foncières et de la taxe professionnelle. Ils
peuvent :
a) Soit faire varier dans une même
proportion les taux des trois taxes appliqués l'année
précédente ;
b) Soit faire varier librement entre eux les
taux des trois taxes. Dans ce cas, le taux de taxe professionnelle :
- ne peut, par rapport à l'année
précédente, être augmenté dans une proportion
supérieure à l'augmentation du taux de la taxe foncière
sur les propriétés bâties,
- ou doit être diminué, par rapport
à l'année précédente, dans une proportion au moins
égale à la diminution du taux de la taxe foncière sur les
propriétés bâties.
Jusqu'à la prochaine révision, le taux de la
taxe foncière sur les propriétés non bâties ne peut
augmenter plus ou diminuer moins que le taux de la taxe foncière sur les
propriétés bâties».
* 90 Loi 1980-10 du 10
janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale,
modifiée par Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales
* 91 Pour une analyse
pertinente de la réforme sur la taxe professionnelle dont on rappelle
qu'elle contribuait à près de 25 Milliards d'euros au budget
locaux (valeurs 2003), dont le montant brut est voisin de 30 milliard et
représentant une charge nette pour les entreprises de quelque 17
milliard, je renvoie à la lecture de la contribution faite par Jean
Michel Uhaldeborde, 1975-2005 :Trente ans de tribulations ambivalentes
d'un impôt local - La taxe professionnelle entre a-réforme fiscale
et réforme territoriale - Mélanges en l'honneur de
Jean Claude Douence, La profondeur du droit Local, Dalloz, Paris,
2006
* 92 Michel Mercier, extrait
du Rapport d'information du Sénat n°447, Le Bilan de la
décentralisation, p.261, Paris, 2000
* 93 Traité
établissant une Constitution pour l'Europe, Titre 3, Article I-11,
alinéa 3
* 94 Constatant que les
besoins et aspects importants de l'existence sociale (éducation, garde
des enfants, santé, retraites, etc.) sont difficilement couverts par le
marché, que tous les pays ont développé des formes plus ou
moins abouties de fourniture hors marché
(«démarchandisation» de l'accès aux biens et services),
que par ailleurs l'Etat-providence peut-être conceptualisé comme
lieu de distribution du bien-être, Gøsta Esping-Andersen propose
une typologie de l'Etat-providence comme suis :
Etat
Société Civile Marché
L'utilité du modèle Esping-Andersen et d'offrir
un contenu historique aux «plis culturels» de différentes
nation, de permettre de comprendre le «développement humain»
de certaines nations et de relier ensemble des aspects variés dans un
contexte comparatif. Gøsta Esping-Andersen, Les trois mondes de
l'Etat providence - Essai sur le Capitalisme moderne, Le lien social, PUF,
1999
* 95
Littéralement : «le passé engage l'avenir». Paul
Pierson, Increasing Returns, Path Dependence, and the Study of
Politics, American Political Science Review, vol. 94, no 2, 2000
* 96 Le concept
d'européanisation renvoie à : «construction,
diffusion, and instutionalization of formal and informal rules, procedures,
policy paradigms, styles, ways of doing things, and shared beliefs and norms
which are first defined and consolidated in the making of EU decisions and then
incoroprated in the logic of domestic discourse, identities, political
structures, and public policies», ce qui traduit revient aux :
«processus de (a) construction, (b) diffusion et (c)
institutionnalisation de règles formelles et informelles, de
procédures, de paradigmes, de styles, de «façons de
faire», de croyances partagées et de normes qui sont d'abord
définies et consolidées dans l'élaboration d'une politique
européenne, puis incorporées dans la logique des discours
nationaux, des identités, des structures politiques et des politiques
publiques». Claudio Radaelli, Whither Europeanization? Concept
stretching and substantive change, European integration online papers
(EioP), Vol. 4 (2000), N°8,
http://eiop.or.at/eiop/texte/2000-008a.htm
* 97Ruth Levitas, The
Inclusive Society? Social Exclusion and New Labour, Basingstoke:
Macmillan, (1998)
* 98 Le modèle
d'État-providence scandinave est probablement celui où ces
politiques d'activation du marché de l'emploi ont été le
plus développées, en particulier par la grande attention des
pouvoirs publics pour la formation professionnelle, les stages de reconversion
et la mise en place de partenariats public/privé (sans oublier le
secteur associatif) autour de l'emploi. Les travaux d'économistes comme
Olivier Blanchard (MIT) ou Jean-Claude Barbier (CEE) fournissent un excellent
aperçu de l'état de ces politiques à l'heure actuelle.
* 99 La rationalisation en
cours du dispositif témoigne particulièrement bien de cet
état de fait.
* 100 Conclusions de la
Présidence, Conseil européen, mars 2005.
* 101 COM(2005) 299, Une
politique de cohésion pour soutenir la croissance et l'emploi
Orientations stratégiques communautaires 2007-2013, 5 juillet 2005
* 102 An introduction to the
study of Public Policy (1970)
* 103 F. Chambon, C. Gaspon,
La déontologie administrative, LGDJ, collection système,
1996
* 104 J. Chevallier,
Synthèse du colloque La contractualisation dans le secteur public
des pays industrialisées depuis 1980, L'harmattan, Logique
juridique, 1999.
* 105 PLF 2006, Programme 177
: Politiques en faveur de l'inclusion sociale
* 106 Ibid
* 107 Michel Piron, extrait du
Rapport d'information de l'assemblée nationale n°2881,
l'équilibre territoriale des pouvoirs, p.281, Paris, 2006
* 108 Mais de façon
plus pernicieuse, notamment sur le volet logement.
* 109 Hervé Rihal,
Les transferts de compétences, solidarité et
santé, Chroniques p. 1978, AJDA 2004
* 110 L'agence de
notation financière Standard & Poor's relève que,
«à l'échelle européenne, les
responsabilités assumées par les collectivités locales
françaises restent relativement limitées. Les compétences
les plus lourdes financièrement, telles que la santé ou
l'éducation (définition des programmes scolaires,
rémunération des professeurs) sont gérées en France
par l'Etat, alors que dans de nombreux pays tels que l'Espagne, l'Allemagne, la
Belgique ou l'Italie, elles sont administrées et financées par
les régions», La notation des collectivités locales,
octobre 1999.
* 111 M. Philippe
Valletoux, extrait d'audition par la mission sénatoriale le 8 mars
2000
* 112 JO Sénat,
séance du 7 juin 2000, p. 3741.
* 113 Groupe de travail
n° 6 sur les politiques de développement régional
(DT/REG(97)10), Les politiques régionales dans les années 90 :
réorientation vers une recherche de la compétitivité et
des partenariats avec les niveaux infrarégionaux, 16-17 décembre
1997.
* 114 J. Chevallier,
L'Etat post-moderne, Série politique n°35, LGDJ, 2004
* 115 Guido de Ridder,
Changement de régime ou crise de l'intervention sociale ? dans Les
nouvelles frontières de l'intervention sociale, coord. Guido de Rider,
L'Harmattan 1997
* 116 Les guillemets se
veulent être placé ici aux fins de ne pas prendre le terme dans sa
dimension péjorative.
* 117 R. Lafore , La
décentralisation de l'action sociale. L'irrésistible ascension du
département providence, Revue française des affaires sociales,
n° 4, 2004.
* 118 Source :
Premières informations, Premières synthèses, DARES,
juillet 2004, étude portant sur les établissements de dix
salariés et plus. En 2002, le taux d'entrée dans l'emploi est en
moyenne de 40,9 et le taux de sortie est de 40,3. Ainsi, comme l'emploi
salarié (dans le secteur marchand, excluant donc l'emploi public)
comprend près de 16 millions d'emplois, il y a chaque année 6,4
millions d'embauches et 6,4 millions de départs. Donc, chaque trimestre
environ 1,6 millions de personnes sont recrutées et 1,6 millions de
personnes quittent leur emploi. Et parce qu'un trimestre comprend environ
soixante jours ouvrables, il y au moins 26 000 personnes du secteur
privé qui chaque jour quittent leur emploi et 26 000 qui y trouvent un
emploi. Enfin, les chiffres précédents n'incluant pas les
mouvements au sein de la fonction publique ou dans les secteurs associatifs, le
chiffre de 30 000 embauches et de 30 000 départs semble une
évaluation raisonnable de l'ampleur quotidienne de ces flux.
* 119 Rapport fait par la Cour
des comptes, La déconcentration des administrations et la
réforme de l'Etat, Novembre 2003
* 120 Dans son sens actuel,
le terme de déconcentration apparaît sous le second empire, sous
la plume de Léon Aucoc (professeur de droit administratif ; membre du
conseil d'Etat en 1869, Léon Aucoc a présidé de la section
des travaux publics de 1872 à 1879), pour qualifier le rôle accru
des préfets qui se voient alors accorder la possibilité de
statuer sur les affaires départementales et communales qui exigeaient
auparavant la décision du chef de l'Etat ou du ministre de
l'intérieur. Les lois, départementale du 10 août 1871 et
communale du 5 avril 1884, jettent les bases dans notre pays d'une
première décentralisation des pouvoirs sans pour autant remettre
fondamentalement en cause les compétences du corps
préfectoral.
* 121 L. Duguit,
Traité de droit constitutionnel, Tome 2, 1928, Paris
* 122 Même si la loi
de programmation pour la cohésion sociale de janvier 2005 établit
de subtiles distinctions entre ceux qui assurent le SPE, ceux qui y concourent
et ceux qui peuvent y participer, la réalité demeure bien celle
de l'association d'acteurs non administratifs à son fonctionnement.
* 123 D. Balmary,
Politique de l'emploi et recours à des opérateurs
externes, Paris, La Documentation Française, 2004
* 124 Z. Bauman, La
société assiégée, Rodez, Le Rouergue, 2005
* 125 B. Pecqueur, J.B.
Zimmermann, Economie de proximité, Lavoisier, 2004
* 126 Conseil (Emploi et
Politique sociale), Lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale
= Définition des objectifs appropriés, Bruxelles, le 30
novembre 2000
* 127 COM (2005) 299, Une
politique de cohésion pour soutenir la croissance et l'emploi -
Orientations stratégiques communautaires 2007-2013, Bruxelles, le 5
juillet 2005
* 128 Ministère de
l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, La mise en oeuvre du
plan de cohésion sociale, programmes, mesures et indicateurs,
Premier semestre 2005
* 129 Extrait du rapport
de l'Observatoire nationale de la pauvreté et de l'exclusion
2005-2006
* 130 Les
éléments présentés dans cette partie s'appuient sur
la contribution de F. Murat, « Les compétences des adultes et
l'exclusion sociale », et celle de C. Bonaïti, A. Fleuret, P. Pommier
et P. Zamora, « Pourquoi les moins qualifiés se forment-ils moins ?
», in Les Travaux de l'Observatoire national de la pauvreté et
de l'exclusion sociale 2005-2006, La Documentation française.
* 131 F. Kramarz, P.
Cahuc, De la précarité à la mobilité :
vers une Sécurité sociale professionnelle, rapport au
ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie et au ministre de
l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, 6 décembre
2004
* 132 P. Veltz, Penser
l'attractivité dans une économie relationnelle..., Pouvoirs
Locaux, n°61, II, 2004
* 133 Un groupement
d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ) est une association
composée d'employeurs oeuvrant ensemble pour la formation et l'insertion
par l'emploi de personnes en grande difficulté.
* 134 Xavier Greffe,
professeur à la Sorbonne et membre du groupe Matisse
(modélisation appliquée, trajectoires institutionnelles,
stratégies socio-économiques), Economie des politiques
publiques, 2ème édition revue et corrigée, Paris :
Dalloz, 1999
* 135 Décret no
98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l'évaluation des politiques
publiques, NOR: FPPX9800123D
* 136 «La
pertinence des changements de l'action publique en France est plus que jamais
une interrogation récurrente. La vision d'un État
« efficace » fait l'objet d'une demande grandissante de la
part des gouvernés. La décentralisation, l'européanisation
et l'internationalisation des échanges mettent l'État dans
l'obligation d'inscrire son action dans l'économie de marché.
C'est tout l'enjeu d'un management public moderne». Michel de
Carvalho, Entre changement(s) et recomposition(s) : une action
publique hybride, Pouvoirs Locaux n°59 de décembre
2003
* 137 On entendra par
politique publique la notion suivante : «action destinée
à produire un changement , un mieux être à court ou moyen
terme pour la société, série de mesures conformes à
l'intérêt générale ; ensemble de
décisions juridiques et d'actions, cohérentes et ciblées,
qui sont dirigées vers un même objectif fondamental,
c'est-à-dire de modifier ou de préserver la réalité
économique, sociale, environnementale, sanitaire ou culturelle dans un
espace donné. Chaque politique publique se distingue des autres par
l'attribution d'objectifs spécifiques, de publics cibles
spécifiques et de budgets spécifiques». Daniel
Lamarque, L'évaluation des politiques publique locales,
collection systèmes, LGDJ, 2004
* 138
«Activités déployées par une unité
administrative contribuant au processus de fabrication d'une prestation;
celle-ci étant une somme de contributions réalisées par
une ou plusieurs unités administratives».
* 139 Rationalisation des
choix budgétaire
* 140Jean-Pierre Nioche,
Robert Poinsard, L'évaluation des politiques publiques, Paris,
Economica, 1984
* 141 P. Gibert, L'analyse
de politique à la rescousse du management publique ? ou la
nécessaire hybridation de deux approches que tout, sauf l'essentiel,
sépare, Politique et management publique, vol. 20, n°1, Mars
2002
* 142 J.-M. Schaeffer,
Pourquoi la Fiction, Seuil, 1999
* 143MM. Joël Bourdin,
Pierre André et Pierre André Plancade, extrait du Rapport
d'information du Sénat n°392, L'évaluation des
politiques publiques en France, p.2, Paris, 2004
* 144 L'article 11 du
règlement 1260/99 du Conseil indique qu'afin : «d'assurer
un impact économique réel, les crédits des Fonds ne
peuvent se substituer aux dépenses structurelles publiques ou
assimilables de l'État membre». Cet article précise
que : «la Commission et l'État membre établissent
le niveau des dépenses à consacrer à la politique active
du marché du travail et, lorsque cela se justifie, aux autres actions
destinées à permettre d'atteindre les résultats
visés par ces deux objectifs». Cette interprétation du
principe d'additionnalité est néanmoins particulière
à la France. Les représentants du Royaume-Uni, de l'Espagne et de
l'Allemagne entendus ont présenté des pratiques qui tiennent
à l'organisation institutionnelle propre à chaque pays. En
Espagne, le comité des investissements nationaux veille à la
cohérence entre fonds régionaux et nationaux. En Allemagne, les
règles constitutionnelles établissent le partage de
compétences et le gouvernement fédéral n'intervient pas
dans les investissements des Länder, pas plus qu'au Royaume-Uni où
une très large autonomie est laissée aux régions. Le
couplage s'inscrit dans une démarche visant à rendre
cohérents les instruments de l'aménagement du territoire.
L'additionnalité est ainsi constatée au niveau territorial et non
par axe ou par action. Une vérification ex-ante est d'abord
effectuée au début de la période de programmation, puis
avant le 31 décembre 2003, date à laquelle une révision
des dépenses structurelles peut intervenir. Une dernière
vérification est effectuée à la fin de la période
de programmation, c'est-à-dire avant le 31 décembre 2005. Les
présentes dates sont en l'espèce celles de l'évaluation du
FSE.
* 145 La
spécificité étant ici entendu en terme de
référence à l'espace géographique
considéré, s'agissant ici dans le présent extrait de
l'échelle régionale.
* 146 Ernst & Young,
extrait du projet final de synthèse de l'évaluation
européenne du programme européen - objectif 2 -
(2000-2006), Octobre 2005.
* 147 Le dispositif
d'évaluation comprend un comité de pilotage composé de
décideurs et d'experts, qui est une section spécialisée de
la CRADT (conférence régional d'aménagement et de
développement du territoire) crée par la loi du 25 Juin 1999. Le
comité de pilotage demande aux contractants de préciser quels
sont les éléments constitutifs de chaque programme qui devront
constituer les références quantitatives et qualitatives pour
l'évaluation, telles qu'elles seront explicitées dans le cahier
ces charges de l'évaluation. Il choisit les programmes à
soumettre à l'évaluation et pour chacun d'entre eux
définit la nature de celle-ci. Il arrête la composition de
l'instance technique qui devra conduire les travaux d'évaluation ainsi
que su r proposition de l'instance technique, le cahier des charges du projet.
Il recueille enfin les conclusions de l'évaluation, décide des
modalités de leur publication et peut proposer les suites
opérationnelles à lui donner. Le comité régional
est ainsi le pivot organisationnel, co-présidé par le
préfet de région et le président du conseil
régional, témoignant ainsi des prémices évidentes
de l'Acte 2 de la décentralisation trouvant à se produire le 28
mars 2003 avec la loi relative à l'organisation
décentralisée de la République continuée par
l'adoption des deux lois organiques, n° 2003-704 et 2003-705 du 1er
août 2003, respectivement relatives à l'expérimentation par
les collectivités territoriales (v. J.-M. Pontier, La loi organique
relative à l'expérimentation par les collectivités
territoriales, AJDA 2003, p. 1715 ) et au référendum local
(v. J.-P. Duprat, La prudente avancée du référendum
local dans la loi organique du 1er août 2003, AJDA 2003, p. 1862
).
* 148 Evaluation
adressée aux décideurs et aux personnes étrangères
(pouvoirs publics, élus, grands publics,...), prescrite pour la conduite
de l'action afin que ces décideurs puissent porter un jugement global
sur la valeur de l'action indépendamment de l'opinion des
protagonistes.
* 149 Evaluation
destinée aux personnes directement impliquées dans la conduite de
l'action, leur permettant d'en adapter ou d'en modifier certaines
caractéristiques.
* 150 M. Scriven, The
methodology of evaluation, in Currap, Evaluation de l'administration,
PUF,1993
* 151 Conclusions de la
Présidence, Conseil européen de mars 2005.
* 152 COM(2005) 299,
Une politique de cohésion pour soutenir la croissance et l'emploi -
Orientations stratégiques communautaires 2007-2013, Bruxelles, le 5
juillet 2005
* 153 Arthur Andersen et
Euro Prospective, Diagnostic sur l'évaluation des programmes
communautaires, Publication Arthur Andersen, Novembre 1996.
* 154 Comité
d'expert indépendant - second rapport sur la réforme de la
commission vol.1, 10 septembre 1999, p.30
* 155 Conseil national de
l'évaluation, L'évaluation au service de l'avenir,
rapport annuel 1999, Paris, La documentation française, 2000, P.
213
* 156 Comité
interministériel de l'évaluation (CIME) est
constitué, dont la mission est de développer et de coordonner les
initiatives « gouvernementales » en matière
d'évaluation des politiques publiques dont il est censé veiller
au respect de la spécificité.
* 157 J. Dupuis,
L'évaluation des politiques publiques locales, Dossier
d'expert, La lettre du cadre territorial, Paris, 1998
* 158 P. R. Lawrence, J.
W. Lorsch, Adapter les structures de l'entreprise, éditions
d'Organisation, 1973
* 159Le Monde, 17 Novembre
1995, p.8
* 160 M. Dobry,
Mobilisation muli-sectorielle et dynamique des crises politiques : un
point de vue heuristique, Revue française de sociologie, 24, 1983,
p. 400
* 161 F. D'Arcy, F.
Dreyfus, Les institutions politiques et administratives de la France,
Economica, Paris, 1985, p. 333.
* 162 O. Mériaux,
Le débordement territoriale des politiques sectorielles, dans
A. Faure, L'action publique et la question territoriale, Grenoble,
PUG, 2005, p. 30
* 163 A.-C. Douillet,
Fin des logiques sectorielles ou nouveaux cadre territoriaux ?,
dans A. Faure, L'action publique et la question territoriale,
Grenoble, PUG, 2005, p. 271
* 164 B. Jobert, P. Muller,
L'Etat en action. Politique publique et corporatisme, PUF, Paris,
1987
* 165 G. Martin & A.
Ruffiot, La commande d'évaluation de politiques sociales
territoriales, entre mythes et apprentissages, Revue Politiques et
management public, Vol. 19, n°2, Juin 2001
* 166 Guido de Rider,
Changement de régime ou crise de l'intervention sociale ?
dans Les nouvelles frontières de l'intervention sociale, coord.
Guido de Rider, L'Harmattan 1997, p. 21.
* 167 Série de
propos recueilli à l'occasion d'un entretien avec un le directeur
général des services administratif du conseil
général du Gard, Samuel Dyens.
* 168 G. Martin & A.
Ruffiot, La commande d'évaluation de politiques sociales
territoriales, entre mythes et apprentissages, Revue Politiques et
management public, Vol. 19, n°2, Juin 2001
* 169"La gouvernance se
définit comme un processus de coordination d'acteurs , de groupes
sociaux, d'institutions pour atteindre des buts propres discutés et
définis collectivement dans des environnements fragmentés et
incertains", Bertrand le Gales, 1998
* 170Jean claude Thoenig,
L'action publique locale entre autonomie et coopération, les
2èmes entretiens de la Caisse des dépôts sur le
développement local, Quel avenir pour l'avenir des
collectivités locales ?, Paris, éd. De L'aube, SECPB,
1999
* 171Jean claude Thoenig,
ibid.
* 172 P. Cahuc & S.
Carcillo, Que peut-on attendre des Contrats Nouvelle Embauche et
Première Embauche?, Février 2006, Paris
* 173 OCDE, PUMA,
Guide des meilleures pratiques à suivre pour
l'évaluation, note de synthèse n°5, 1998
* 174 Voir notamment S.
Trosa, L'évaluation des politiques publiques, Paris, 2004
* 175 G. Fuchs,
parlementaire européen dans Jean-Pierre NIOCHE, Robert POINSARD,
L'évaluation des politiques publiques, Paris, Economica,
1984
* 176 «Ce principe
constitue une invitation lancée au législateur de repenser
l'intervention des pouvoirs publics dans son ensemble, de transférer
davantage de responsabilité aux autorités locales»
J.-F. Brisson, Les nouvelles clefs constitutionnelles de répartition
des compétences entre l'Etat et les collectivités locales,
AJDA, 2003, p. 530
* 177 Henri Plagniol,
secrétaire d'état à la réforme de l'Etat,
déclaration du 23 Novembre 2002, Paris.
* 178 Lucile Cluzel
-Métayer, Le service public et l'exigence de qualité,
Prix de thèse de l'université Panthéon Assas (Paris 2),
Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz, 2006
* 179 Jacques Caillosse,
L'administration française doit-elle s'évader du droit
administratif pour relever le défi de l'efficience ?, PMP,
volumeVII, Juin 1989, p.169
* 180 Lucile Cluzel
-Métayer, Le service public et l'exigence de qualité,
Prix de thèse de l'université Panthéon Assas (Paris 2),
Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz, 2006, p.20
* 181 F. Ost, Le
rôle du droit, de la vérité révélée
à la réalité négociée, in G. Timsit,
Les administrations qui changent. Innovations, techniques ou nouvelles
logiques, PUF, 1996
* 182 Ensemble de normes
prescriptives qui donnent sens à un programme d'action à partir
de la définition de critère de choix et de mode de
désignation des objectifs des acteurs de ce secteur.
* 183 P. Muller, Entre le
local et l'Europe. La crise du modèle français de politique
publique, Revue française de science politique, 1992, n°2,
vol. 42, pp 275-297
* 184 Conseil
supérieur du travail social - rapport du groupe de travail :
Mise en oeuvre des projets pédagogiques et évaluation du
travail éducatif dans les établissements - Février
1992
* 185 L. Genin,
L'évaluation des politiques publiques, rapport
présenté au nom du Conseil économique et social
(séance des 11 et 12 décembre 1990) ;
* 186 Cette exigence de
légitimité de l'argumentation n'imposant pas à
l'évaluateur de ne formuler que des conclusions qu'il estime acceptables
pour le commanditaire.
* 187 Commissariat
général du Plan, Fonds structurels et politiques
régionales, 15 octobre 2003.
* 188 Rapport de
l'Observatoire national De l'Action Sociale décentralisée Sur
l'acte II de la décentralisation, La décentralisation de
l'action sociale Bilan et perspectives, 2004
* 189 L'expression
«Théorie d'action» désigne les idées (souvent
implicites) qui inspirent les concepteurs et/ou les acteurs d'une politique
quant à ses mécanismes d'action et relations de cause à
effet entre les mesures prises et leur impact social attendu.
* 190 J.-G. March,
Exploration and exploitation in organizational learning, Organization
Science, 2, 1991
* 191 Alliance Villes
Emploi
* 192 L'Alliance Villes
Emploi, association créée en octobre 1993 regroupe des communes
de toutes tailles, des structures intercommunales, des Maisons de l'Emploi, des
Plans Locaux pour l'Insertion et l'Emploi, des élus de toute
obédience politique, sur le thème de l'emploi, de la lutte contre
le chômage et l'exclusion.
* 193 M. Autès, Le
sens du territoire, in Politique sociales, politiques locales ?
, Actes de colloque du 21 et 23 Janvier 1998, Ministre de
l'éducation nationale, p.15
* 194 O. Beaud , J. -M.
Blanquer, « Introduction » à La responsabilité des
gouvernants , (sous la direction de Beaud et Blanquer), Descartes et Cie,
Paris, 1999
* 195 J.-M. Coicaud, «
Légitimité et responsabilité de gouvernants » in O.
Beaud,J.-M. Blanquer, La responsabilité des gouvernants,
Descartes et Cie, Paris, 1999
* 196 ibid
* 197 M. Laroque,
Politiques sociales dans la France contemporaines, 1986
* 198 M. Parker Follet,
M. Parker Follet- Prophet of managemnt : a celebration of writing from
1920s, Harvard Busines Scholl Press, 1995
* 199 S. Braconnier, Droit
des Services Publics, PUF, Thémis, 2003
* 200 G. Jèze, Les
principes généraux du droit administratif, 1925, Tome I.
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