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Refexion sur l'inclusion sociale - la double contrainte des collectivités territoriales entre évaluation et prévention

( Télécharger le fichier original )
par Yann WELS
Université Aix-Marseille 3 - Master 2 2006
  

Disponible en mode multipage

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Université de Nîmes Année 2006

Faculté de droit

Mémoire

Pour l'obtention du Master 2 professionnel

de

Droit, économie et management des Collectivités territoriales

Discipline : Droit public

Présenté et soutenu

par

Yann WELS

REFLEXIONS SUR L'INCLUSION SOCIALE

La double contrainte des collectivités territoriales entre évaluation et prévention

DIRECTEUR DE MEMOIRE :

Monsieur Samuel DYENS

(DGSA Conseil Général du Gard)

«Quand je dis quelque chose, cette chose perd immédiatement

et définitivement de son importance, quand je la note, elle la

perd aussi, mais en gagne parfois une autre.»

Kafka, 3 Juillet 1913

REFLEXIONS SUR L'INCLUSION SOCIALE

La double contrainte des collectivités territoriales entre évaluation et prévention

Sommaire

INTRODUCTION  6

1ère PARTIE :

L'AFFERMISSEMENT DE LA LOGIQUE PREVENTIVE POUR

LES POLITQUES D'INCLUSION SOCIALE

TITRE 1er : LA PERENISATION DES DISPOSITIFS PUBLIQUES SOCIAUX CURATIFS

Chapitre 1er : L'extension des contraintes budgétaires 50

Chapitre 2nd : L'établissement d'une sur responsabilisation 77

TITRE 2nd : LA FORMULATION DE POLITIQUE SOCIALE OCCUPATIONNELLE

Chapitre 1er : La combinaison de l'inclusion et de la réinsertion sociale 99

Chapitre 2nd : La promotion de l'inclusion professionnelle par le marché 114

2ème PARTIE :

LA BANALISATION DE L'EVALUATION PAR

LES POLITIQUES D'INCLUSION SOCIALE

TITRE 1er : L'EMERGENCE D'UN CRITERE QUALITATIF

Chapitre 1er : Le développement de l'évaluation dans les politiques publiques partenariales137

Chapitre 2nd : L'extension de l'évaluation aux politiques publiques locales 152

TITRE 2nd : L'ENRACINEMENT DE LA CULTURE PERFORMATIVE

Chapitre 1er : La rationalisation de l'action publique sociale locale 167

Chapitre 2nd : La circonscription de l'action entre légitimation et dépolitisation 180

CONCLUSION GENERALE 194

BIBLIOGRAPHIE 196

TABLE DES MATIERES 202

Remerciements

Mes remerciements vont en premier lieu à Samuel Dyens, pour sa disponibilité, ses conseils, l'intérêt constant qu'il a porté sur cette recherche et la confiance qu'il m'a toujours témoignée. Ils s'adressent aussi à M. le professeur Emmanuel Roux qui a suivi de près cette recherche et son avancement.

Que Elisa trouve ici l'expression de mes remerciements sincères pour le regard acéré et l'intelligence de lecture qui m'ont permis d'élaborer le texte définitif.

Pour son soutien indéfectible, que ma mère, ma grand-mère, Janick et Pauline trouve ici l'expression de ma profonde gratitude.

Mes remerciements s'adressent aussi à Emmanuelle Douard et Julien Nalis pour les échanges nombreux qui ont alimenté ce travail ainsi qu'à Cederic et Magalie pour le soutien logistique.

Enfin que M. le Professeur Guylain Clamour, dont l'enseignement et le parcours suscitèrent une émulation déterminante trouve ici l'expression de ma respectueuse sympathie.

REFLEXIONS SUR L'INCLUSION SOCIALE

La double contrainte des collectivités territoriales entre évaluation et prévention

Introduction

«C'est une crise de sens, une crise de repères, une crise d'identité»1(*).

Jamais sans doute de tels propos n'ont été autant justifiés que suite aux événements de violences urbaines sans précédent survenus lors de la première quinzaine du mois de novembre 2005, donnant ipso facto une coloration singulière aux différents dispositifs et mécanismes initiés dans le cadre de la politique de cohésion sociale , sous la férule du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale : Jean Louis Borloo. De façon concomitante, l'inclusion sociale, orientation stratégique prégnante depuis son avènement à l'occasion du Conseil Européen de Lisbonne des 23 et 24 Mars 2000 - formulant une stratégie, une vaste série d'objectifs et d'instruments politiques destinées à rendre l'Union Européenne plus dynamique et compétitive - acquiert une dimension dépassant la simple actualité des négociations en cours concernant les perspectives financières de l'U.E pour la période 2007-2013, introduisant deux caractères supplémentaires à savoir :

- l'urgence, en termes de mise en oeuvre et d'exécution rapide des politiques à vocation inclusive ;

- l'immédiateté ou l'instantanéité de l'effectivité des dites politiques, au titre de la singularité de la situation française illustrée par l'état social d'émeutes civiles dans les quartiers défavorisés et qui témoigne pour le coup d'une pleine et réelle «fracture sociale».

On constate que la pluralité des registres conceptuels, la prépondérance en terme d'analyse de la sociologie et la critique consubstantielle - que l'on peut lui faire en ce qu'elle ne parvient pas à se défaire de visions implicites éminemment idéologiques - impose la nécessité d'un syncrétisme des aspects économiques, politiques et bien entendu juridiques, induisant un effort particulier en termes de sémantique, compte tenu des notions usitées. C'est plus vrai encore concernant l'inclusion sociale dont on perçoit, par-delà l'usage parcimonieux qu'en font les politiques français et de façon inversement proportionnelle l'utilisation quasi systématique qu'en font les instances européennes, le caractère protéiforme et multidimensionnelle.

Chacun comprend, à sa façon, ou tout au moins possède une perception plus ou moins vague de ce que l'on dénomme sous cette notion, ne serait-ce que par référence à la distinction «in/out» (A. Touraine). Descriptivement, cela dit quelque chose, mais reste dans un continuum d'opposition qui piège toute tentative de définition. C'est donc logiquement qu'un effort particulier doit être réservé au décodage de la notion (I) de sorte à pouvoir en appréhender le prolégomènes de sa mise en oeuvre (II).

I. L'inclusion sociale et son décodage

La composition de l'expression en deux termes impose de s'intéresser d'abord à eux de façon séparée de sorte à dégager une définition plus précise. Notons d'ores et déjà que parler d'inclusion sociale donne une importance considérable au signifiant sociale qui l'accompagne, il donne le champ, l'étendue, l'envergure, la profondeur, l'épaisseur : «sociale». «Elle [l'inclusion] est redevable d'un pronom, non pas indéfini mais défini»2(*), cette inclusion-là est : sociale. Dans cette logique dichotomique, il convient donc d'envisager successivement l'appréhension du phénomène d'inclusion (A), puis la compréhension du phénomène d'inclusion sociale (B).

A. L'appréhension du phénomène d'inclusion

L'objet de cette partie est de retracer l'histoire du terme, son apparition, son étymologie, sa diffusion, ses différents sens et les métamorphoses de son usage. L'inclusion : inclure du latin includere, qui signifie enfermer, agrège avec lui tout un vocabulaire périphérique. A ce titre, le rapport exclusion/inclusion, véritable dialectique et couple indissociable, va se révéler très important pour saisir la nature profonde du terme d'inclusion. C'est dans la sphère des mathématiques que cette dialectique va apparaître et plus précisément dans le cadre de l'élaboration de la théorie des ensembles (1) pour ensuite être détournée et déclinée dans d'autres disciplines : de la catégorisation à la Taxinomie (2) et enfin trouver une place centrale dans la systémique (3).

1. L'inclusion dans la théorie des ensembles

«Toute pensée formalisée s'exprime de nos jours dans le langage de la théorie des ensembles, qui a ainsi envahi toutes les disciplines. Dès l'école primaire, l'enfant apprend à classer les objets suivant leur forme, leur couleur, leur taille, à établir entre eux des correspondances, préambules à des manipulations plus abstraites»3(*).

L'idée développée par cette théorie dès les origines préhelléniques, est clairement de permettre une systématisation de la logique dans le cadre de l'élaboration de toute démonstration rigoureuse, à commencer bien entendu par les mathématiques. On retrouve cependant ailleurs et dans d'autres disciplines une formalisation des opérations logiques de la pensée, par exemple dans l'enseignement primaire où elle est introduite par la manipulation de différents types de matériels conçue pour mettre en évidence les opérations qui correspondent aux mots «et» et «ou». La théorie des ensembles est donc d'une importance considérable, toutes disciplines confondues en ce sens qu'elle apparaît comme un pré requis obligatoire dans la capacité même de l'individu à s'exprimer et à mener une réflexion ou une démonstration.

Pour revenir sur les origines maintenant de cette théorie, il convient de retourner, à la fin du XIXème siécle. G. Boole (1815-1864) cherche à systématiser la logique4(*) en s'inspirant des méthodes d'analyse et de l'algèbre. Les mathématiciens ont pris l'habitude de manipuler des objets mathématiques variés : les nombres (réels ou imaginaires), les points du plan ou de l'espace, les fonctions, les fonctions continues,... Il se dégage ainsi la notion de «collection d'objets». Se développe alors des notations pratiques pour traduire le fait qu'un certain objet est bien dans une collection, ou qu'une collection fait parti d'un ensemble plus grand... C'est le langage de la théorie des ensembles. Se pose alors la question de ce qu'est un ensemble. Il s'agit d'une collection d'objets mathématiques, c'est un paquet d'éléments, c'est un sac dans lequel on a rassemblé des objets, de préférence des objets similaires, d'où aussi la volonté de séparer les ensembles dissemblables... Donc l'idée d'un ensemble est de regrouper certains objets5(*) ayant quelque chose en commun, ce qui nécessite de préciser qu'un « ensemble est une collection d'objets caractérisés de telle sorte que l'on puisse répondre sans ambiguïté à la question de savoir si un objet fait partie ou non de cette collection».

L'ensemble ainsi défini permet d'avancer et d'être plus précis sur le contenu, ce contenu est l'ensemble des éléments. Mais on parle rarement d'élément isolément, la notion d'élément est relative à l'ensemble que l'on considère. Une brique est ainsi un élément de construction d'une maison, laquelle est à son tour un élément d'un lotissement,... Le terme pertinent qui fait le lien entre élément et ensemble, est le verbe «appartenir». Le flou n'est donc pas permis, et deux moyens sont alors à la disposition du mathématicien ou du logicien pour caractériser un ensemble :

- donner la liste exhaustive des éléments composants un ensemble,

ou,

- donner une propriété caractérisant les objets de cet ensemble.

Donc si on a un ensemble A (les légumes) et une propriété p (la couleur verte), on peut définir un ensemble B (les petits pois) dont les éléments sont des éléments de A ayant la propriété p. Cette règle impose une définition. En effet, l'ensemble B, défini ci-dessus, est tel que tous ses éléments sont des éléments de l'ensemble A. On dit alors que B est sous-ensemble de A, une partie de A, ou encore que B est «inclus» dans A ou contenu dans A.

Voilà comment est apparu le terme d'inclusion, pour décrire le phénomène d'appartenance d'un sous ensemble dans un ensemble plus vaste, plus étendu, plus grand.

2. De la catégorisation à la taxinomie 

Il est notable de constater que c'est dans la nécessité pour un certain nombre de disciplines de parvenir à élaborer une démonstration rigoureuse, que la distinction exclusion/inclusion a trouvé toute sa place dans les sciences dites dures ou exactes pour petit à petit se répandre aux sciences dites molles. Ce passage, ce détournement linguistique du phénomène d'inclusion, s'est donc retrouvé dans l'ensemble des disciplines, qui au prix d'une scientificité objectivement affirmée, a mené des classifications, des catégorisations, bref développés une taxinomie. Cette taxinomie se retrouve dans bon nombre de domaines scientifiques distincts avec bien sûr en tête de proue, le monde mathématique et le développement de la taxinomie dite numérique élaborée à la fin du XIX siècle, et de façon plus lointaine dans le domaine de la psychologie et de la linguistique. Le lien d'ailleurs avec l'inclusion sociale, trouve en partie son origine dans ce glissement linguistique aux origines d'abord bien ciblés dans le cadre des mathématiques, au monde scientifique de la science sociale, discipline qui a dû dans le cadre d'une démarche scientiste procéder par voie méthodologique, donc user d'une terminologie propre à lui permettre la description des éléments qu'elle entendait analyser et étudier : la société.

La catégorisation a logiquement montré que dans chacune de ces disciplines : des éléments pouvaient s'entrecroiser et ainsi révéler un phénomène d'inclusion ou de façon inverse d'exclusion. La linguistique, qui par souci d'inventorier les classes d'items et celles plus complexes de séquences d'items, a dû rompre avec une démarche purement descriptive pour rentrer dans une analyse en termes de système ou de structure appelant nécessairement l'usage du phénomène d'inclusion, qui révèle toute la richesse, la singularité et le raffinement du passage d'un ensemble à un autre sans pour autant qu'une rupture nette n'existe entre les deux, ce qui rendrait ipso facto l'opposition entre les deux ensembles, structures, systèmes très appauvrissante, réductrice et inadéquate. De même la psychologie, notamment dans sa branche sociale, a repris cette idée. La singularité de l'observation, apparente dans cette discipline, le chercheur, à l'entomologiste qui classe les faits et les hommes. L'intelligence pousse alors à une catégorisation du social : en nommant des aspects qui ne l'avaient pas été jusqu'à ce jour, en rebaptisant des dénominations en subdivisant les catégories des catégories, en créant des espèces et des genres. «Cette manière d'éclairer le social, donnant des dénominations à ses composantes, nous transformerait non plus seulement en entomologiste mais en académicien d'un langage savant, ne demandant qu'à se fermer sur lui-même. L'ordre social serait ainsi sanctifié par la science : les décideurs décident et les savants catégorisent les effets des décisions»6(*).

La nécessité de rompre avec une démarche d'opposition a appelé cette logique de système où finalement l'ensemble appréhendé bien que considéré comme interdépendant est «lié par des relations telles que si l'un est modifié, les autres [ensembles] le sont aussi et que, par conséquent tout l'ensemble est transformé», on est typiquement dans une logique proche de celle de Condillac, qui dans cet esprit évoque : «un ordre où les différentes parties se soutiennent toutes mutuellement»7(*).

Dès lors, les phénomènes d'exclusion/inclusion consubstantiels l'un à l'autre dans une analyse en termes d'ensemble et de système ont pu définir dans les sciences molles sus-citées de type linguistique, psychologie sociale,... à des fins descriptives : le raffinement de l'objet étudié.

3. L'inclusion dans la systémique

La systémique est apparue comme la discipline par excellence de la dialectique exclusion/inclusion en ce qu'elle lui a donné une place centrale. A la veille de la seconde guerre mondiale, Karl Ludwig von Bertalanffy, biologiste austro-canadien, cherchait à lancer dans sa discipline une nouvelle approche propre à dépasser les impasses et les controverses de sa matière, en s'appuyant sur la théorie des systèmes ouverts et des états stables qui était en extension en physique, chimie, cinétique et thermodynamique, il entreprit une refonte de sa matière à travers un ouvrage resté célèbre : General system Theory8(*). Ce n'est cependant qu'après la guerre que ses travaux trouvèrent l'écho escompté dans un contexte plus favorable à la construction de modèle et aux généralisations abstraites, et ce d'autant plus facilement que des disciplines empruntaient des voies similaires : théorie cybernétique, théorie de l'information, théorie des jeux, théorie de la décision,...

L'idée nouvelle de la théorie des systèmes était que, pour véritablement comprendre un ensemble il fallait impérativement privilégier la connaissance des relations entre les composantes comme : l'interaction des processus conscients ou non chez l'individu, les interactions des enzymes dans une cellules,... Approche novatrice, la systémique comme grille d'analyse, repose sur trois principes que sont l'interaction (on ne peut comprendre un élément sans en connaître le contexte dans lequel il interagit), la totalité («le tout est supérieur à la somme des parties») et la rétroaction (forme de causalité circulaire). Il s'agit donc de parvenir à penser la totalité, des totalités, c'est aussi ce que l'on a dénommé la pensée holistique. On retrouve ici une démarche qui n'est pas sans rappeler la théorie des ensembles.

En mathématique, cela c'est traduit par le développement d'une kyrielle de théories (théorie des compartiments, théorie des graphes et théories de réseaux, théorie de l'information, théorie des jeux d'O. Morgenstern9(*)). En physique, cela donna naissance au paradigme de l'entropie. Chez Bertalanffy, cette idée de théorie générale des systèmes procédait d'une volonté de repérer des aspects généraux, des correspondances et des isomorphismes communs aux systèmes. Avec la cybernétique10(*), science de l'information et du contrôle, la systémique s'est trouvée enrichie d'un certain nombre de notions dans des schémas cohérents : énergie, information, processus de «Feed back», processus de contrôle,... Au sein de ce vaste ensemble, le diptyque exclusion/inclusion a permis l'appréhension globale d'un tout cohérent. C'est cette démarche qui sera d'ailleurs à l'origine de la systémique sociale américaine qui va véritablement travailler non plus simplement sur l'inclusion, mais sur l'inclusion sociale.

B. La compréhension du phénomène d'inclusion sociale

«Les idéologies sont un ingrédient naturel de la vie sociale ; que les idéologies surgissent non [pas bien] que l'homme soit rationnel, mais [parce qu]'il est rationnel que les idéologies soient un sous produit naturel et normal des sciences sociales»11(*)

Cette compréhension de l'inclusion sociale se fait dans une discipline déterminée, la sociologie, science étudiant entre autre la structuration de la société, et mettant donc en exergue dans ces études certains faits sociaux, et notamment le phénomène d'exclusion, de pauvreté et de marginalité. La littérature sur la thématique est pléthorique ; par conséquent une présentation non pas par auteur, mais de type chronologique, par mouvement intellectuel ayant traité la thématique, permettra de mieux saisir la notion d'inclusion sociale par les travaux menés sur son antonyme : l'exclusion. La systémique sociale américaine apparaît comme le mouvement intellectuel initiant les études sur le diptyque exclusion/inclusion (1), thématique qui sera encouragée par le structuralisme et le déconstructionnisme (2), pour trouver un second souffle via la promotion de la French Theory d'origine Outre Atlantiste en l'Europe (3).

1. La systémique sociale américaine : précurseur des études sur l'exclusion/inclusion sociale

La première réflexion sociologique sur l'exclusion ne date pas des années 50 aux Etats-Unis, mais remonte à un ouvrage de Georg Simmel intitulé Der Arme, de 1908, dans lequel il explique que le «pauvre» ne saurait représenter une catégorie sociale «en soi», dûment spécifiée, et donc susceptible de faire valoir des attributs univoques. Donc telle quelle une sociologie de la pauvreté ne saurait exister ; par là l'objet d'investigation ne saurait être la pauvreté en tant que telle, mais sa construction comme représentation sociale et objet d'intervention sociale. L'école de Chicago tenta à son tour dans les années 30 de renouveler ces travaux12(*). Mais c'est, durant les années 50/60, sous l'empire d'une tentative visant à déconstruire cette démarche jugée obsolète que se développe, à l'époque précise de la traduction du texte de Simmel, sous l'intitulé The Poor, un courant sociologique venant contredire et ré évaluer l'intérêt de la thématique à l'aune du mouvement systémique.

La préoccupation systémique provient dans la sociologie de la saisie, par les auteurs du milieu du XXème siècle, de la complexification des interdépendances entre les éléments et les processus : économiques, culturels, politiques, technologiques. Ces interdépendances conduisent à développer l'idée que les causalités de type classique sont trop simples et qu'il est par conséquent impératif d'inventer une nouvelle lecture plus approfondie, mieux adaptée à la saisie des interdépendances souvent instables. C'est dans ce contexte que la réévaluation du phénomène de pauvreté, d'exclusion et donc de sa potentielle réponse d'inclusion sociale va se développer. Pour appréhender la société dans sa globalité et tenter d'en échafauder une théorie globale, Talcott Parsons (1902-1979), sociologue américain, professeur à Harvard, «pape de la sociologie américaine» des années 50 et 60 va s'appuyer sur la systémique et développer : la systémique sociale dite «structuro fonctionnaliste».

Pour Parsons, la notion d'action est au centre de l'analyse des organisations sociales, celle-ci inclut les conduites extériorisées manifestes, mais aussi les pensées, les sentiments, les besoins,... C'est ainsi que l'action va se situer sur quatre plans, considérés comme des sous-systèmes du système général d'action (avec des liens d'interdépendance et de complémentarité. Ces quatre plans (biologique, psychique, social, culturel) ne constitue pas un ensemble clos, ils restent ouverts tout en maintenant des liens étroits d'interdépendance.

La société est perçue de la même façon comme un système particulier de collectivités. A ce titre comme le système d'action elle répond à une sub-division en éléments structuraux (valeurs, normes, collectivités, rôles) auxquels correspondent des ensembles structuraux complets ou encore des sous-système (sous-système de socialisation, sous-système d'organisation, sous-système politique et sous-système économique). Chacun de ces éléments structuraux assument un impératif fonctionnel13(*), nécessaire à la pérennisation du système social. Cette notion de fonction apporte la dimension dynamique ; pour Parsons cette fonction est un mode d'ajustement dans les rapports fluctuants entre les modèles institutionnalisés de la structure du système social et les variations provenant des systèmes extérieurs (géographique, biologique, psychique, culturel,...). Ce modèle théorique abstrait est le coeur de l'analyse de la société, expliquant ses réussites, ses dérives, et il offre une grille d'analyse renouvelée sur la thématique de l'exclusion, proposant ainsi la mise en place de correctif inclusif via l'un des sous-systèmes. L'inclusion sociale comme fait social est donc ici consubstantielle comme pouvaient l'être l'inclusion et l'exclusion (en mathématique), à l'exclusion sociale.

Dans une démarche identique mais contemporaine de Parsons, un courant sociologique américain dit Interactionnisme symbolique renouvelle l'approche de Parsons et la couple au travaux de l'école de Chicago14(*) dans la perspective ainsi que le développement de la criminologie américaine. Mettant en place un nouveau cadre théorique en étudiant l'ensemble des relations sociales qui concourent à la déviance : ils observent alors deux systèmes d'actions qui s'affrontent dans la représentation collective et en particulier dans les relations de face à face. Se faisant, l'étude de la déviance par les interactionnistes pousse ces derniers à s'interroger sur les outsiders15(*), qui dans cette optique sont ceux qui transgressent les normes, devenant ainsi étrangers au groupe, mais qui désignent aussi ceux qui sont étrangers au groupe de déviants. Dans le cadre de cette analyse, les interactionnistes listent dès lors les exclus, mais analysent aussi les différentes formes d'exclusion en tentant de montrer leurs similitudes et leurs différences, ainsi que la façon dont elles s'organisent de l'intérieur. Ipso facto, les interactionnistes symboliques abordent au travers de cette démarche l'exclusion et donc forcément son contraire : l'inclusion.

Niklas Luhmann (1927-1998), sociologue allemand, va lui aussi s'intéresser dans ses travaux à l'optique systémique et intégrer, dans son analyse16(*), des systèmes sociaux comme instances autopoïétiques (qui se génèrent eux-même par auto-organisation), la dimension nécessairement inclusive devant être apportée comme un correctif au phénomène de paupérisation ou d'exclusion sociale qui apparaît comme une donnée quasi intangible des sociétés modernes, post modernes, contemporaines.

L'analyse systémique se poursuivra enfin en France, avec Alain Touraine17(*), qui dans ses travaux, propose une conception dynamique des systèmes sociaux, insistant sur la dimension historique de ceux-ci et sur les conflits qui les traversent. «Les relations sociales ne se réduisent pas aux stratégies des acteurs, mais dépendent également des caractéristiques des systèmes d'action dans lesquels les individus sont amenés à interagir»18(*).

2. Le structuralisme et le déconstructionnisme : promoteur de cette thématique

Le structuralisme est le pendant européen de la systémique américaine ; véritable tendance de fond qui traverse aussi bien la philosophie que les sciences humaines et sociales, et que l'on désigne souvent en parlant de tournant linguistique, le structuralisme se singularise par le fait de rompre avec les approches centrées sur le sujet individuel en mettant l'accent sur le primat du langage dans la structuration de la pensée et du sens. En résumé, la systémique américaine trouve son origine dans une littérature de type scientifique, au sens premier du terme, là où son pendant européen va se développer autour des littératures propres à l'élaboration d'une science «molle» qu'est la linguistique. La vague structuraliste en France correspond à l'extension des modèles d'analyse issus de la linguistique moderne associée à Saussure, Hjemslev et Jakobson à l'ensemble des sciences humaines. Ainsi va se développer une anthropologie, une sémiologie et une narratologie structuraliste. L'analyse s'appuie sur : «une théorie de la signification mettant en jeu trois composantes fondamentales : le signifiant (le son, la trace écrite ou l'élément visuel), le signifié (l'idée véhiculée par le signifiant) et le référant (la réalité extérieure au signe et que celui-ci vise)»19(*). Ici l'exclusion n'est ainsi pas un phénomène réel, quelque chose qui existerait en soi, hors discours (de même pour l'inclusion), mais une certaine lecture du réel qu'il s'agit d'interpréter. «Le point de vue définit l'objet», dit Saussure, le regard inscrit le réel dans un réseau de signifiant. Cette démarche qui n'est pas sans rappeler la systémique américaine, va progressivement gagner dans les années soixante l'ensemble de la philosophie et des sciences humaines, donnant naissance à des formes de plus en plus spéculatives d'application. C'est dans cette vague que vont se développer en Grande Bretagne les premières Cult'Studs'20(*), que l'on pourrait définir pour paraphraser la formule surréaliste comme : «la rencontre d'une récente machine marxiste britannique et d'un parapluie théorique français sur le terrain de la société [et de sa compréhension]»21(*). Les Premières enquêtes de politique identitaire, nées autour du Center for contempory Cultural studies à Birmingham début des années 60, vont en partie être à l'origine d'un renouveau des analyses sociologiques sur les Outsiders, littéralement «les exclus» notamment sous la plume de Norbert Elias : La logique de l'Exclusion ( The Established and the Outsiders) parue en 1965, et plus spécifiquement sur le phénomène d'exclusion comme fait social (cette enquête s'appuie pour partie sur la méthodologie du courant des interactionnistes symboliques mais pas sur l'objet de leurs études, ainsi les «Outsiders» de Elias ne se confondent pas avec ceux des interactionnistes). C'est précisément dans ce courant d'analyse que l'inclusion sociale va faire l'objet d'une analyse systématique, en ce qu'elle doit répondre aux problèmes posés par l'exclusion. Il n'est d'ailleurs pas inutile de noter que ce mouvement intellectuel, et les études qu'il véhicule sur le caractère structuré de la société, en relevant l'existence d'un phénomène de pauvreté résiduelle (de marginalité, d'inadaptation, de vulnérabilité, d'exclusion), trouve comme écho l'avènement de courant politique visant une action publique à vocation intégrative, inclusive (dans ce sens la politique de John Fitzgerald Kennedy aux Etats-Unis, celle de Clement Atlee en Grande Bretagne, ou encore celle de Adenauer puis Erhard en Allemagne, la situation française se singularisant par une crise de politique extérieure larvée avec une de ses anciennes colonies qu'est l'Algérie). Cependant, le mouvement structuraliste va connaître une critique importante de la part d'un certain nombre d'auteurs insatisfaits des postulats du structuralisme ou de ses orientations scientistes. Parmi les remises en question les plus notables on trouve l'abandon de l'idée de «système», le décrochage entre le signifiant et le signifié, qui vise à stabiliser la signification et à maîtriser le sens, en bref l'avènement d'une contextualisation, d'une historicisation de la démarche, qui débouche sur une lecture critique des discours sociaux et des institutions qu'ils soutiennent, et en particulier de la philosophie, des doctrines, des récits de légitimation et des énoncées de savoirs et de vérité occidentaux par trois grands noms qui sont : Derrida, Foucault et Lyotard. Ainsi né le déconstuctionnisme dit aussi, post-structuralisme ou French Theory.

3. Le renouveau en Europe de l'inclusion sociale via la French Theory

L'histoire apporte son lot d'étrangeté et la promotion de la French Theory en est une excellente illustration. Il est en effet étonnant de songer que les promoteurs du renouveau théorique, dogmatique et pratique de l'inclusion sociale, que sont Derrida, Baudrillard, Lacan, Deleuze, Guattari, Lyotard, Althusser... «dé-francisés», aient connu leurs premières heures de gloire outre-Atlantique. En effet, les pères du déconstructionnisme, du post structuralisme, bien que français, sont américains.

La raison ? Une querelle universitaire qui a abouti à opposer la France de Mai 68, qui inhumait ces dangereux «échevelés de la pensée 68»22(*) au profit du nouvel humanisme citoyen et de son universalisme abstrait, aux oeuvres françaises de l'après structuralisme écrites aux Etats-Unis dans le cadre d'un mouvement intellectuel fournissant un socle théorique fondamental aux études multiculturelles, aux Gender Studies, aux Cult'Studs, terres d'élection de la description du phénomène d'exclusion sociale et de la mise en exergue de la nécessité d'y apporter un correctif par la mise en place de politiques à vocation inclusive. Le postmodernisme, sur la base de la conception qu'il développe du savoir et de la pratique de la recherche permet de déboucher sur une remise en cause des découpages disciplinaires en vigueur. De sorte, il promeut de nouveaux objets d'étude que la structuration du système universitaire américain facilite par le développement de programmes d'études plus ou moins autonomes, centrés sur des univers de pratiques spécifiques ou des questions, nécessitant une orientation pluridisciplinaire, croisant les humanités et sciences sociales. L'affirmation, la manifestation, la revendication identitaire en oeuvre, particulièrement aux Etats-Unis, offre un terrain très favorable à l'analyse et aux concepts associés au poststructuralisme. C'est dans ce contexte très singulier, que les auteurs/docteurs/chercheurs français vont se montrer prolifiques en renouvelant profondément la méthodologie, l'orientation philosophique, épistémologique et théorique. La sociologie postmoderne qui ressort de ce mouvement va durablement réinscrire, au centre de ses réflexions, l'exclusion comme fait social et donc concurremment l'inclusion comme réponse ; l'actualité du sujet est par ailleurs entérinée par l'éminent impact de la thématique sur la Politique (Policy) elle-même.

«Comment se gouverner en exerçant des actions où on est soi même l'objectif de ses actions, le domaine où elles s'appliquent, l'instrument auquel elles ont recours et le sujet qui agit» ? 23(*).

Il est clair qu'avec l'autonomisation du champ économique, les nouveaux modèles d'organisation productif, le développement concomitant du champ des compétences et des aptitudes requises, le déploiement d'une crise économique systémique que rien ne semble parvenir à enrayer,... l'intérêt des mouvements universitaires doctrinaux est allé grandissant pour expliquer l'exclusion mais aussi et pour surtout tenter de formuler des propositions de type action de politique publique à vocation intégrative, ré-insertive et inclusive. C'est bien dans ce sens que doit être comprise l'interrogation de Foucault. Dans le même ordre d'idée l'ouvrage de référence français écrit par R. Lenoir en 1974, intitulé Les Exclus renvoie bel et bien à la question fondamentale de répondre au phénomène d'exclusion. La réponse théorique de l'inclusion sociale et de sa promotion va justement émerger de la French Theory et des controverses que suscitera le mouvement à la fois outre Atlantique et en Europe. La joute doctrinale va permettre le passage, le transfert, la réception, ici sur le «vieux Continent» de l'inclusion sociale comme moyen de parvenir à enrayer, du moins répondre au vaste phénomène d'exclusion et de marginalité recensé dans l'ensemble de la société européenne justement au moment de l'avènement de cette superstructure politico-économique, qui au terme du mécanisme de Spill Over, a une vocation sociale prégnante.

II. Prolégomènes de la mise en oeuvre des politiques d'inclusion sociale

La mise en oeuvre de ce type d'action publique suppose nécessairement une politisation et particulièrement une juridicisation de la lutte contre l'exclusion sociale, cadre de référence du développement d'une politique publique volontariste et pragmatique promouvant l'inclusion. Deux niveaux d'intervention peuvent à ce titre être mis en exergue. Ainsi à la prégnance du cadre européen dans les politiques d'inclusion sociale (A), succède et s'articule le niveau national, comme cadre opératoire des politiques inclusives (B).

A. La prégnance du cadre européen dans les politiques d'inclusion sociale 

«Pourquoi dès lors cette morosité. Pourquoi le sentiment d'échec. On pourrait répondre : parce que rien n'échoue comme le succès, parce que l'intervalle subsiste entre le projet et la réalisation»24(*)

On peut finalement dire que l'inclusion, non pas en tant que norme juridique de référence telle qu'elle s'est affirmée à Lisbonne, mais en tant qu'idée directrice de l'action publique européenne remonte ou date des premières politiques initiées par l'Europe visant la lutte ou la résorption du phénomène de pauvreté dés les années 60. A partir de ce point de vue, il convient de comprendre qu'il y a là une ambition ancienne de lutte contre l'exclusion (1), trouvant une affirmation circonstancielle dans la période courant des poverty program à Maastricht (2), pour connaître un affermissement singulier du traité d'Amsterdam à la stratégie de Lisbonne (3), se mutant au final dans un nouveau cadre de référence des politiques sociales européennes ou l'inclusion sociale devient orientation stratégique (4).

1. Une ambition ancienne : la lutte contre l'exclusion

Il est vrai que l'esprit des pères fondateurs de l'Europe, qui prévoyaient sans doute la promotion des aspects sociaux dans l'ensemble de la société européenne, s'est durablement vu remplacé dans les faits par la prégnance, ou la prédominance de la seule construction d'un marché unique, que le traité de Rome de 1957 a fait naître. N'en demeure pas moins que le traité de Rome, dans le fond, promeut via le mécanisme de Spill Over, ou encore «l'Europe des petits pas», la constitution d'une communauté à vocation éminemment sociale, ne serait-ce que dans une perspective fonctionnaliste. «L'Europe ne se fera pas d'un coup ni dans une construction d'ensemble, elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Si l'organisation européenne continue à n'être qu'une idée, c'est une idée qui va mourir. Il faut absolument sortir du domaine intellectuel, où la contradiction n'est pas possible, pour aborder celui des réalités ou toutes les difficultés subsistent»25(*).

C'est du moins dans cet esprit que la CECA puis la CEE (moins l'Euratom, pour des raisons tenant au caractère technique et scientifique de sa constitution et surtout de son objet), ont vocation de permettre l'élaboration d'une véritable Europe Sociale, figure d'une intégration politique complète de l'ensemble des Etats européens autour d'un but commun.

Le traité CECA, à finalité économique, possède un volet social initialement limité : il s'agit d'abord d'une mission très générale visant le relèvement du niveau de vie dans les Etats Membres, puis de compétences liées à la dynamique économique du secteur. Néanmoins, le traité stipule que la CECA assure une protection des revenus et une aide au reclassement des salariés, victimes soit d'une réduction des besoins en main d'oeuvre, à la suite de l'introduction, dans les entreprises, de «...procédés techniques ou d'équipements nouveaux» soit de changements profonds des conditions d'écoulement des produits obligeant les entreprises à «...cesser, réduire ou changer leur activité de façon définitive». La CECA est donc amenée à prendre en compte  les répercussions sociales des restructurations industrielles. Un volet social individuel se profile donc dans ce traité. Le traité CECA introduit en outre deux types de prêt, le prêt à la reconversion visant à pallier la dégradation industrielle des bassins d'emploi CECA en crise, ainsi que des prêts aux logements sociaux, répondant ainsi aux besoins spécifiques et en particulier à l'état obsolète des cités ouvrières (induit par la pénurie de logements après les destructions de la Deuxième Guerre Mondiale).

Le traité CEE pour sa part bien que d'abord plus généraliste, reste en demi teinte. Si les Etats membres s'assignent dans le préambule «pour but essentiel l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leur peuple», les rédacteurs modèrent notablement cette ambition dans les articles 117 à 128 consacrés à la politique sociale, en la réduisant à «la nécessité de promouvoir l'amélioration des conditions de vie et de travail de la main d'oeuvre permettant leur égalisation dans le progrès... Une telle évolution résultera tant du fonctionnement du Marché commun, qui favorisera l'harmonisation des systèmes sociaux que des procédures prévues par le présent traité et du rapprochement des dispositions législatives réglementaires et administratives». La coopération dans cette optique, apparaît comme le mode le plus adapté pour «parvenir à...». De ce point de vue, les approches dynamiques du travail, de la libre circulation instituée (art. 48 et 49), de la couverture sociale des travailleurs migrants (art. 50), de la liberté d'établissement (art. 52 à 58), de la promotion d'une libre concurrence, de la création en 1958 du Fond Social Européen26(*) (FSE) inspirée directement des mesures sociales déjà expérimentées dans le cadre de la CECA (art. 123 à 128), et de la prise en compte de la nécessité de respecter le principe d'égalité et de proportionnalité trouvent, en tant que principes directeurs transversaux de l'action communautaire, tout leur intérêt en vue de la lutte contre l'exclusion. Dans ce sens, une réelle reconnaissance du caractère multidimensionnel de la pauvreté doit être «reconnue» à l'Europe. Cette notion de pauvreté n'est ainsi plus perçue comme la résultante de la seule privation des biens matériels et monétaires.

L'Europe très rapidement prend fait et cause de la nécessité d'élaborer un socle commun de référence visant la mise en oeuvre d'une action publique en matière sociale. Plusieurs types de convention concernent ainsi l'aide et l'action sociale liant de manière plus ou moins étroite les autorités françaises. Il existe ainsi des conventions ayant pour objet prioritaire, sinon forcément de reconnaître l'existence d'un droit de l'individu à la protection sociale, du moins d'assigner aux Etats contractant l'obligation de tout mettre en oeuvre pour sanctionner ce droit. Tel est le cas de la Convention européenne d'assistance sociale et médicale du 11 Décembre 1953, mettant à la charge de l'Etat signataire l'assistance accordée au ressortissant d'un autre Etat signataire résidant sur son sol. On rencontre d'autres textes plus généraux. Ainsi trouve-t-on, dans le cadre du Conseil de l'Europe, signée à Turin le 18 Octobre 1961, et entrée en vigueur le 26 Février 1965 (la France ne ratifiant que le 9 Mars 1973), la Charte sociale Européenne (CSE). Cette charte, synthèse des règles posées par l'OIT, vise à assurer l'exercice de trente et un droits principaux, dont le droit à la sécurité sociale, à l'assistance sociale et médicale, au bénéfice des services sociaux, à une protection sociale et une protection contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Bien entendu, la valeur de la charte est éminemment déclarative puisque dépourvue de sanction juridique. En effet, aucun rattachement n'est prévu au système européen de protection des droits de l'homme mis en place dans le cadre du Conseil de l'Europe. Les droits ne sont donc pas justiciables. Il faudra attendre la révision de Mai 1996 pour pouvoir invoquer la charte dans une réclamation, mais ce uniquement devant le comité d'experts indépendants. Malgré ce défaut majeur, le texte qu'est la CSE témoigne et illustre la prise de conscience précoce des institutions européennes en matière de lutte contre l'exclusion ; demeurait parallèlement la problématique de l'appréhension du phénomène. Dès lors, la difficulté majeure était de clarifier le concept de l'exclusion, pour à la fois permettre d'élaborer des comparaisons crédibles entre systèmes culturels et nationaux, mais aussi pour quantifier le phénomène de sorte à pouvoir élaborer une action supranationale ayant les moyens de ses objectifs. C'est la raison pour laquelle il a fallu du temps à l'Europe pour parvenir à chiffrer l'exclusion, pour intégrer la notion de disqualification sociale, et pour tenter d'apporter des réponses politiques, en grande partie ambitieuses, justifiant dès lors le primat donné à l'aspect social, dont on occulte assez souvent l'existence.

2. Une affirmation circonstancielle : des poverty program à Maastricht

Les Poverty program datent du milieu des années 70. Ils définissaient et conceptualisaient la pauvreté en ces termes : «on peut considérer d'une façon générale, que les individus ou des familles sont en état de pauvreté lorsqu'ils disposent de ressources si faibles qu'ils sont exclus des modes de vie, des habitudes et des activités normales de l'Etat membre dans lequel ils vivent». Avant même l'introduction dans les traités d'une référence aux droits sociaux fondamentaux, la CEE avait donc mis sur pied des politiques communautaires, des programmes de lutte contre la pauvreté visant à renforcer les soutiens offerts à l'époque à des projets novateurs de lutte contre l'exclusion.

La résolution du Conseil du 2 Janvier 1974, concernant le programme d'action sociale imprima un second souffle sur ce volet comportant une vingtaine de mesures devant servir trois grands objectifs :

- la réalisation du plein et du meilleur emploi dans la communauté,

- l'amélioration des conditions de vie et de travail dans une optique égalitaire,

- la participation croissante des partenaires sociaux aux décisions économiques et sociales de la Communauté.

Le premier objectif engendre peu de réglementation mais ouvre la voie à la création des premiers programmes, plans d'actions et organismes communautaires à vocation sociale. Le premier Poverty programm traita la période allant de décembre 1975 à Novembre 1981. Il fut suivi de deux autres programmes dits «2» et «3» couvrant respectivement les périodes 1985/1988 et 1989/1994. En 1981 est mis en place le SEDOC (Système Européen de Diffusion des Offres et des demandes d'emplois enregistrées en Compensation internationale), qui favorise la rencontre offre et demande d'emploi non satisfaites au niveau national. En 1982, c'est un observatoire européen sur l'emploi qui voit le jour MISEP ; en 1984 se sont les Initiatives Locales d'Emploi (ILE) pour lutter contre le chômage des femmes qui voient le jours,... L'amélioration et l'égalisation dans le progrès des conditions de vie et de travail donne lieu, en tant que second objectif, à une législation pléthorique, et le troisième et dernier objectif donne enfin lieu à l'élargissement du champ d'intervention du Comité économique et social qui peut, à partir de 1974, émettre de sa propre initiative des avis ainsi qu'à la création d'un Comité permanent pour l'emploi. Si la période 70/80 est donc marquée par la prégnance d'un volonté politique de construire une «Europe sociale», les premières années de la décennie suivante marque une stagnation de la construction européenne suite aux difficultés économiques persistantes ; le domaine social n'est pas épargné et le thème de l'exclusion n'en sort que renforcé. C'est le projet Spinelli, qui fait repartir la machine européenne en remobilisant les acteurs, autour de la thématique de la nécessité de renforcer «la cohésion sociale» seule à même de renforcer la «cohésion économique».

L'Acte Unique de 1986 est peu loquace sur le terrain du social hormis l'introduction des articles 130A à 130E relatifs à la cohésion économique et sociale sur lesquels vont s'appuyer la définition des objectifs couverts par les fonds structurels. En revanche, il permet dès 1988 une réforme importante et salvatrice des même fonds et trace une nouvelle orientation pour les interventions (avec tout de même l'allocation d'une somme de crédit annuel de 7,2 milliards d'écus). Le FEDER se voit renforcer dans son rôle de financement des projets d'infrastructure publique d'intérêt économique mais aussi des services de conseil et d'appui aux entreprises. Le FSE voit son champ étendu au-delà du simple financement des actions de formation professionnelle, aux aides à l'embauche et à la création d'activité. Quand au FEOGA, il est pérennisé dans son rôle de financement des actions de transformation et de commercialisation des produits dans le secteur agroalimentaire et dans le secteur de la pêche. Cette politique se caractérise par une mobilisation accrue des financements provenant des fonds structurels mais aussi et surtout sur une méthode de gestion renouvelée et originale basée sur l'implication des acteurs nationaux, régionaux et locaux.

Suite à l'adoption de l'Acte Unique, un texte important est adopté par les instances européennes, les 8 et 9 Décembre 1989, par onze des douze Etats de la CEE (la Grande Bretagne n'étant pas signataire) La charte des droits sociaux fondamentaux. Contrairement à celle de 1961, qui constitue une véritable convention génératrice d'obligations pour les Etats (malgré l'absence de valeur coercitive jusqu'en 1996), la charte de 1989 n'est qu'une déclaration d'intention, car élaborée pour essayer de compenser le silence quasi absolu de l'Acte Unique sur les questions sociales et réaffirmant ainsi les droits sociaux fondamentaux devant être protégés dans la CEE. Néanmoins, le texte précisant que tout citoyen de la Communauté, lorsqu'il est exclu du marché du travail et qu'il ne dispose pas de moyens d'existence suffisants doit bénéficier «d'un revenu minimum et d'une assistance sociale appropriée», illustre le changement de perspective et un certain volontarisme politique dans la lutte contre le phénomène d'exclusion. L'efficience du texte demeure cependant très circonscrite en ce sens que la charte laisse à la Commission européenne le soin de préparer et de proposer les mesures destinées à appliquer les droits qu'elle proclame et confiant aux Etats membres la charge de garantir dans leur cadre de compétence ces mêmes droits.

C'est véritablement avec Maastricht que naît une politique sociale communautaire, et cela se comprend d'autant mieux si l'on songe au contexte politique, économique et social de l'Europe au jour de l'avènement de l'Union. Une véritable crise économique et financière traverse les pays membres de l'Europe, notamment mais pas seulement suite au contre choc pétrolier de 1986, au Krach boursier de 1987 et au bouleversement à l'Est avec la réunification allemande de 1990 (pour une analyse des répercussions sur la construction de l'Union, voir J.-P. Fitoussi Le Débat interdit, ch.3 : La tyrannie financière, p.50-80). Cette politique sociale est largement articulée sur les fonds structurels, véritable manne communautaire au service de la cohésion économique et sociale. La Commission fait ainsi valoir au bénéfice des fonds «la création de 500 000 emplois dans les régions les moins prospères et l'accroissement de près de 3% du PNB de certains Etats Membres». C'est dans cette logique que s'ensuit une augmentation conséquente des moyens financiers prévoyant d'affecter aux Fonds 141 471 Millions d'écus, pour la période 94/99, dont 97 000 millions pour les seuls régions (dont le PIB par habitant est inférieur ou proche de 75% de la moyenne communautaire) rentrant ainsi dans le cadre des finalités de l'objectif 1 visant la promotion du développement et l'ajustement structurel de celles-ci. S'il faut retenir une chose c'est qu'avec Maastricht, au-delà de l'augmentation du montant des financements communautaires ayant vocation globalement à permettre la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, le tout dans un contexte d'élargissement constant de l'Union, c'est que l'action des Fonds structurels et leur octroi se voient rationalisés à l'extrême dans le cadre d'une procédure de programmation contraignante en deux temps (Document Unique de Programmation, suivi d'un Programme Opérationnel), avec le bénéfice néanmoins notable de l'élargissement du partenariat (équivalent du principe de subsidiarité selon lequel l'action de la communauté doit être complémentaire à celle des initiatives nationales, régionales et locales) aux partenaires économiques et sociaux pertinents.

A ceci s'ajoute un protocole sur la politique sociale annexé au traité de Maastricht en 1992. Conclu par les douze, à l'exception du Royaume Uni et de l'Irlande (clause d'Opting-Out), l'accord définit les objectifs sociaux de l'Union, au nombre desquels figurent la promotion de l'emploi, l'amélioration des conditions de vie et de travail, ainsi que la relance du dialogue social. C'est à la même époque qu'apparaît l'idée d'une «Europe à géométrie variable» qui se traduit logiquement par une conception fluctuante des politiques sociales. Cependant, ces objectifs ont comme point commun fondamental : la lutte contre les exclusions.

3. Un affermissement singulier : du traité d'Amsterdam à la stratégie de Lisbonne.

Le traité d'Amsterdam, entré en vigueur en 1999 relance lui aussi l'action sociale et l'affermit même en intégrant dans le corps du traité CE le protocole sur la politique sociale et en définissant les modalités d'intervention de la communauté dans ce domaine (art. 136 à 145). L'entrée des droits sociaux dans le droit originaire se marque notablement par l'inscription dans le préambule du traité sur l'Union européenne d'un considérant par lequel  les Etats Membres y réitèrent leur attachement : «confirmant leur attachement aux droits sociaux fondamentaux tels qu'ils sont définis par la Charte sociale européenne, signée à Turin le 18 Octobre 1961, et dans la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989». L'inscription de ces deux textes dans le préambule du TUE, traduit indubitablement un affermissement singulier de la reconnaissance de toute l'importance de l'aspect social dans la construction européenne et de sa vocation à lutter contre les exclusions. Plus anecdotique, elle illustre aussi le changement de majorité intervenu au Royaume Uni ainsi que la disparition du protocole et accord en matière sociale datant du Traité de Maastricht. Dans le même ordre d'idée, l'apparition du titre 8 consacré à «l'emploi», traduit la volonté de rassurer les citoyens européens face à la marche vers l'Union Monétaire et les contreparties sociales qu'elle implique. Un souci se fait ainsi jour visant la promotion du social et son affermissement. L'article 136 donne par ailleurs, pour objectif à l'Union et aux Etats membres d'assurer une protection sociale adéquate, cependant que le nouvel article 137 reprend l'article 1er de l'accord sur la politique sociale en énonçant que la communauté «soutient et complète l'action des Etats Membres» pour réaliser les objectifs de l'article 136. L'élargissement de la compétence communautaire dans le domaine social ne se veut toutefois pas être synonyme d'une «communautarisation» du social. Ainsi les traités d'Amsterdam et celui de Nice ont pris soin de préciser que les objectifs assignés à la Communauté doivent tenir compte des diversités et spécificités des pratiques nationales et ne pas contrarier la compétitivité de l'économie de la Communauté (art. 136, § 2).

Les avatars d'Amsterdam se traduisent par la mise en place rapide de la fameuse Méthode Ouverte de Coordination (MOC) et le fameux Agenda social. La politique communautaire se veut ainsi intégrée plus globalement et le Conseil européen de Vienne des 11 et 12 Décembre 1998 traduit cette volonté de mettre en synergie l'emploi et donc le social avec les politiques économiques. Ainsi naît une sorte de Pacte européen de l'emploi et de lutte contre l'exclusion fondé sur :

- la coordination des politiques économiques et sociales (processus de Cologne),

- la poursuite du développement et l'amélioration de la mise en oeuvre des stratégies en la matière,

- l'égalité des chances (processus de Luxembourg).

Plus singulièrement le Conseil européen de Cologne des 3 et 4 Juin 1999 marque un tournant décisif. En effet, les chefs d'Etats et de gouvernement s'accordent sur l'idée, qu'au stade actuel de la construction, il conviendrait de réunir les droits fondamentaux en vigueur au niveau de l'Union dans une charte, le respect des dits droits apparaissant comme une condition indispensable pour rehausser la légitimité politique et la vocation sociale de l'Union. L'idée dominante étant de rendre plus visible, plus clair et plus transparent pour le citoyen de l'Union le fonctionnement des institutions, leurs buts ou objets, et surtout les droits dont ils disposent. En découle trois éléments difficiles à concilier :

- accroître la lisibilité et moderniser les droits en vigueur,

- ancrer l'importance exceptionnelle de ces droits induisant de conférer un effet utile au texte,

- le choix opérer d'adopter une démarche constituante entraînant deux questions de fond qui sont, le défaut d'octroi d'un quelconque mandat constitutionnel, et la question de la nature du texte.

L'importance de ces questions est ici fondamentale : n'est en jeu rien de moins que la nature et le statut même de l'intervention européenne en matière de lutte contre l'exclusion et la promotion définitive en cas d'accord d'une véritable «Europe Sociale». L'ouverture de la conférence (CIG) se fit en marge du Conseil des affaires générales du 14 Février 2000, avec la forte implication de la commission. Et c'est une véritable révolution en terme processuel qui a lieu avec l'inauguration de la Méthode Ouverte de Coordination (MOC). Dans le cadre de cette dernière, la commission qui prépare parallèlement les travaux du sommet de Lisbonne fait passé dans le cadre de ceux-ci une communication (2000-79) le 3 Mars 2000 qui pose les jalons de ce qui va rapidement être dénommée : la stratégie de Lisbonne. Ainsi la communication expose en ces termes les motivations de l'Union : « cette initiative proposée par la Commission exprime l'ambition et l'engagement de l'Union européenne à promouvoir des économies et des sociétés favorisant davantage l'inclusion, répondant ainsi aux grandes attentes exprimées par le Parlement, les ONG, les partenaires sociaux, les autorités locales et confirmées par les États membres lors de la réunion informelle des ministres des affaires sociales tenue récemment à Lisbonne les 11 et 12 février 2000. Cette initiative mettrait en oeuvre les nouvelles dispositions du traité convenues à Amsterdam pour promouvoir la coopération avec et entre les États membres, mettre en place des mesures spécifiques visant à appuyer leur action et compléter les politiques communautaires actuelles qui contribuent (directement ou indirectement) à la cohésion sociale. Elle encouragerait les partenariats entre toutes les parties concernées en renforçant leur capacité à progresser vers une Europe de l'inclusion». Cette communication est fondamentale parce qu'elle assigne pour la première fois à l'Europe, l'objectif de procéder à la réalisation d'une Europe sociale de l'inclusion. Dans ce vaste et ambitieux programme, la Commission dresse un état des lieux des différents Etats Membres en mettant en exergue leurs réalisations respectives. À la suite d'une conférence des Nations unies sur le développement, tenue à Copenhague en 1995, l'Irlande a mis en place la stratégie : «Sharing in progress: the national antipoverty strategy (partager le progrès: la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté)». Au Portugal : «le Programma Nacional de luta contra a pobreza" (programme national de lutte contre la pauvreté) a été complété par le programme INTEGRAR, suivi par la mise en place d'un système de revenu minimum en 1997». Aux Pays-Bas et en Belgique, et plus récemment au Royaume-Uni également, la pauvreté et l'exclusion sociale sont devenues une priorité interministérielle dont la mise en oeuvre s'effectue par des mécanismes de coordination spécifiques. « D'autres États membres, tel la France, cherchent à améliorer l'impact général des mesures d'inclusion sociale grâce à une législation-cadre qui définit l'exclusion en termes d'accès aux droits fondamentaux dans les domaines de l'emploi, du logement, des soins de santé, de la justice, de l'éducation, de la culture, de la famille et de la protection des enfants. Avec cette législation, l'inclusion sociale s'affirme comme une priorité spécifique des politiques publiques et tous les organismes publics et autres parties concernées sont tenus de participer à la mise en oeuvre des principes fixés dans la loi». Pour lutter contre l'exclusion sociale et prévenir l'émergence d'une société à deux vitesses, plusieurs États membres tels que le Danemark et la Suède, ont mis l'accent sur : «l'activation de leurs politiques de l'emploi et de protection sociale pour améliorer la capacité d'insertion professionnelle et l'inclusion sociale, afin de prévenir l'exclusion du marché du travail et réduire la dépendance à l'égard du système de protection sociale ainsi que les pièges de la pauvreté». La commission notant que : « Ce vaste éventail de mesures constitue une riche source d'expériences et de bonnes pratiques et offre la possibilité de développer l'action communautaire pour favoriser une coopération et des échanges fructueux entre les responsables politiques et les autres acteurs dans ce domaine.[...] L'objectif final de tous ces efforts est d'améliorer l'incidence de toutes les politiques pertinentes sur l'inclusion sociale par la promotion d'une approche intégrée et d'une coopération qui tiennent compte de la dynamique de l'exclusion«. Voilà de quelles façons s'élabore la stratégie de Lisbonne.

L'inclusion sociale comme moyen de lutte contre l'exclusion et les exclusions, définie quelques semaines plus tard à Lisbonne les 23 et 24 Mars 2000, s'oriente ainsi autour des objectifs suivants :

- renforcer l'approche volontariste en matière d'inclusion sociale, au niveau de l'Union européenne et des États membres;

- convenir d'élaborer des indicateurs communs d'exclusion et d'inclusion sociales, pour analyser et suivre les tendances et les politiques;

- permettre à tous d'accéder à la société de la connaissance en abordant les questions telles que les compétences requises par la société de l'information et la démocratie, la gestion électronique, en particulier dans les services publics, les points d'accès publics ouverts à tous, l'inclusion dans les communautés locales, l'éducation et la formation, la diversité linguistique et l'intégration culturelle, l'inclusion des zones périphériques;

- promouvoir la croissance et profiter de la croissance économique escomptée pour la prochaine décennie, en d'autres termes restructurer les dépenses publiques en vue de passer de transferts passifs à des investissements actifs et à des mesures d'adaptation tournées vers l'avenir.

4. Un nouveau cadre de référence: l'inclusion sociale comme orientation stratégique

Lors du Conseil européen réuni à Lisbonne et à Feira, les Etats membres de l'Union européenne ont donc franchi une étape majeure en faisant de la lutte contre l'exclusion sociale et la pauvreté l'un des éléments centraux de la modernisation du modèle social européen. Les chefs d'Etat et de Gouvernement ont convenu de la nécessité de prendre des mesures pour donner un élan décisif à l'élimination de la pauvreté en fixant des objectifs appropriés devant être approuvés par le Conseil d'ici la fin de l'année. Ils ont également convenu que les politiques de lutte contre l'exclusion sociale devaient reposer sur la MOC combinant des plans d'action nationaux à un programme d'action présenté par la Commission pour encourager la coopération dans ce domaine. L'application de la méthode ouverte de coordination à la lutte contre l'exclusion sociale, conformément aux principes définis dans les conclusions du Conseil européen de Lisbonne, permet d'allier cohérence et diversité nationale. Cette démarche s'inscrit dans le prolongement de l'introduction par le traité d'Amsterdam, dans les dispositions relatives à la politique sociale de l'Union, de la lutte contre les exclusions (articles 136 et 137 du Traité).

Les articles 2 et 3 du traité, respectivement, donnent pour mission à la Communauté de : «promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes» et disposent que : «dans toutes ses actions, la Communauté cherche à éliminer les inégalités, et à promouvoir l'égalité, entre les hommes et les femmes». Il importe ainsi d'intégrer «l'égalité» dans toutes les actions menées aux fins des objectifs indiqués, notamment en évaluant, lors des différentes étapes de programmation, de prise de décision et de suivi de ces actions, les conséquences qui en résultent pour les hommes et les femmes. Se profile ainsi une logique évaluative importante venant à la fois tester la pertinence des actions menées mais venant aussi responsabiliser les gestionnaires inscrivant dans l'action politique et administrative européenne, nationale et surtout locale, une culture de la performance et de la qualité.

La lutte contre l'exclusion sociale n'échappe pas à cette logique et relève, il est vrai, de la responsabilité des Etats membres et de leurs autorités nationales, régionales et locales, en liaison avec l'ensemble des acteurs concernés, notamment les partenaires sociaux et les organisations non gouvernementales. Dans ce cadre, les Etats membres sont invités à présenter un plan d'action national avant juin 2001. Le comité de la protection sociale est associé dans un rôle central concernant le suivi de cette démarche. Il coopère étroitement avec le comité de l'emploi dans ce domaine. La mise en oeuvre des objectifs de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale peut en effet varier selon leur nature, leurs effets pour les Etats membres et leurs destinataires. En outre, les différences entre les Etats membres face aux problèmes traités se traduisent par des solutions et des priorités adaptées à la situation de chacun.

La mise en oeuvre, de cette démarche, fait éminemment appel au principe de subsidiarité, mais petit à petit se profile du moins au niveau local l'idée de la substitution du principe de subsidiarité par un principe plus général de «supplétivité»27(*). La raison de ce basculement est à la fois à chercher dans les conséquences de la décentralisation déjà opérée au niveau national, mais aussi et surtout dans le fait que l'Union cherche véritablement, et de façon plus évidente à partir de 2000/2001, un partenaire plus pertinent que l'Etat Membre.

En écho aux Conseils de Lisbonne et de Santa Maria da Feira, le Conseil a adopté, en octobre 2000, un ensemble "d'objectifs appropriés" de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui ont été ratifiés par le Conseil européen de Nice de décembre 2000. L'élaboration de la Charte des droits fondamentaux donne l'occasion d'une réelle définition juridique et européenne de l'inclusion sociale. Juridicisée, l'inclusion sociale devient «un processus qui garantit que les personnes en danger de pauvreté et d'exclusion sociale obtiennent les possibilités et les ressources nécessaires pour participer pleinement à la vie économique, sociale et culturelle, et qu'elles jouissent d'un niveau de vie et de bien-être considéré comme normal pour la société dans laquelle ils vivent. L'inclusion sociale leur garantit une meilleure participation aux processus de prise de décision qui affectent leur vie et un meilleur accès à leurs droits fondamentaux». Les objectifs de Nice ont constitué la base des premiers plans d'action nationaux de deux ans, qui ont à leur tour servi de base au rapport conjoint du Conseil et de la Commission sur l'inclusion sociale, présenté au Conseil européen de Laeken de décembre 2001. Ainsi la France a-t-elle présenté les objectifs et mesures suivantes dans le PNAI 2001-2003, correspondant à une nouvelle étape de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, inscrite dans un processus progressif et continu visant à faire reculer la pauvreté sur le territoire. La stratégie définie en 2001 a mis l'accent sur le retour à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées et l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux. Les politiques d'accompagnement vers l'emploi conduites par la France se sont recentrées sur :

- le « programme d'action personnalisée pour un nouveau départ » (PAP-ND) ;

- l'appui Social Individualisé (ASI), mesure co-financée par le FSE ;

- le Contrat d'Initiative Emploi (CIE) dispositif d'insertion directe dans l'emploi en entreprise ;

- 300 000 contrats aidés (CES et CEC) ;

- le dispositif d'aide à la création d'entreprise pour les demandeurs d'emplois par le biais d'une aide financière assortie d'un dispositif d'accompagnement - EDEN - (encouragement au développement d'entreprises nouvelles).

Les mesures en matière de logement, santé, éducation quand à elles ce sont traduites par :

- la relance de la construction avec la création en 2001 de 56 000 logements et 55 000 en 2002 ;

- la mise en place de la CMU (Couverture Maladie Universelle), des PRAPS (programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins) et PASS (permanence d'accès aux soins de santé) et l'expérimentation d'Ateliers Santé Ville au niveau local. Soit 1,2 million de personnes bénéficiaires de cette couverture d'assurance maladie. La couverture complémentaire gratuite venant s'ajouter, au titre de la solidarité nationale, à la prise en charge des soins par l'assurance maladie ;

- un soutien accru a été apporté aux établissements situés dans les zones socialement défavorisées (au cours de l'année 2000/2001, 267 « classes relais » ont accueilli 3 650 élèves).

Bref, beaucoup d'exemples pour des mesures diverses qui illustrent la pluralité des domaines concernés par la mise en place d'une politique inclusive initiée au niveau communautaire. Un second PNAI fit suite dans l'ensemble des pays de l'Union pour la période 2003-2005.

Le rapport du Groupe de Haut Niveau sur l'avenir de la politique sociale dans une Union européenne élargie dit «Rapport KOK» de mai 2004 met en exergue la nécessité d'actualiser la stratégie de Lisbonne, plus précisément, en étant :

- adaptée à la nouvelle conjoncture économique ;

- complétée par une initiative visant à accroître la population active ;

- combinée avec le pacte de stabilité et de croissance.

C'est sous l'empire de ces nécessités que le Luxembourg prend la présidence de l'Union en Janvier 2005 avec la difficile tâche de pérenniser la stratégie de Lisbonne tout en l'adaptant. «Une Europe sociale dans l'économie mondiale : des emplois et de nouvelles chances pour tous», telle est la devise de la seconde phase de l'Agenda social couvrant la période allant jusqu'en 2010. La Commission précise de la sorte dans sa communication sur le réexamen à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, la vision qui unit l'Europe, confirmée par la Constitution, consistant à assurer «le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement».

La Commission souscrit ainsi à la modernisation et au développement du modèle social européen ainsi qu'à la promotion de la cohésion sociale en tant que partie intégrante à la fois de la stratégie de Lisbonne et de la stratégie en faveur du développement durable. L'agenda fixe donc les priorités qui devraient orienter l'action de l'Union européenne dans ce domaine.

Son réexamen complète et appuie l'examen à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, qui a mis l'accent sur la croissance et l'emploi. Il y remplit une fonction essentielle dans la promotion de la dimension sociale de la croissance économique. Cependant comme le note le rapport de la présidence luxembourgeoise : «the accompanying European Commission Press Release described the Social Agenda as the social policy dimension of the refocused Lisbon growth and jobs strategy. The Press Release goes on to stress that social policy has not been downgraded in importance. We are more, not less, ambitious, about ensuring high social standards, good healthcare and a proper social net»28(*). Dit en français l'inclusion sociale doit donc se réorienter vers l'économique, dans une perspective plus essentialiste de concurrence et de son respect. L'aspect social, et donc la vocation «intégratrice» des dispositifs européens, nationaux et locaux doivent désormais s'inscrire dans une logique visant l'efficience économique dans le cadre d'un processus inclusif, itératif.

Donc l'inclusion sociale est rapidement érigée en «orientation stratégique» dans l'ensemble des documents européens. La programmation étant pluriannuelle, la Commission, le 5 juillet 2005 dans une communication n°299, propose une série d'orientations visant à obtenir des améliorations dans deux domaines principaux. En premier lieu, la dimension stratégique de la politique de cohésion est renforcée afin d'assurer une meilleure intégration des priorités communautaires dans les programmes de développement nationaux et régionaux. En second lieu, des efforts sont faits afin de garantir une meilleure appropriation de la politique de cohésion sur le terrain. Cela se traduit par un dialogue renforcé au sein des partenariats formés par la Commission, les États membres et les régions, ainsi que par un partage de responsabilités plus clair et plus décentralisé dans des domaines tels que la gestion et le contrôle financiers. Le tout sous la triple contrainte d'élargissement, d'échecs dans certains Etats membres, dont la France de la ratification du projet de constitution européenne et enfin, de difficultés dans la négociation sur les perspectives financières de l'Union pour la période 2007-2013.

B. Le niveau national : cadre opératoire des politiques inclusives

«L'obsédante question de l'exclusion exprime en creux la tyrannie de l'inclusion, des multiples inclusions auxquels chacun est soumis»29(*).

Si le niveau national devient le réceptacle des politiques européennes, la France n'a pas moins mené une action publique autonome inclusive dès l'avènement de la Vème République, assortie d'un cadre juridique précis mais mouvant. Ainsi, à chaque figure de l'exclusion a pu correspondre non seulement un vocabulaire spécifique dont il convient d'analyser l'évolution, mais également des formes d'actions spécifiques privées ou publiques ayant toutes en commun la volonté de lutter, ou pour le moins de tenter de répondre au phénomène de pauvreté ; qui s'est orienté successivement et selon quatre temps en  une lutte pour l'intégration 1960/1970 promouvant l'Etat providence (1), devenant une lutte en vue de l'insertion 1970/1980 marquée par la fin de la logique assurantielle (2), puis venant à glisser vers une lutte contre la précarisation et l'exclusion 1980/2000 voyant la substitution de la logique assistantielle (3), pour finalement aujourd'hui rentrer dans le carcan de la promotion de la cohésion sociale 2000/2013 ou l'avènement de la Collectivité Providence (4).

1. Une lutte pour l'intégration 1960/1970 : la promotion de l'Etat providence

Ce qu'il faut bien saisir c'est le contexte socio politique dans lequel apparaît cette ambition politique. Deux mouvements viennent se confronter, d'un côté une société d'opulence véhiculant une consommation de masse, et d'autre part et non sans lien, la manifestation d'une sorte de pauvreté résiduelle au sein même des pays riches. Dès les années 1960-1970, l'objectif des politiques sociales est d'intégrer les populations pauvres, et marginales dans la société dite de croissance, et de réduire les inégalités sociales et de revenus. Les minima sociaux mis en place progressivement complètent le système assurantiel, issu de l'après guerre, reposant sur les cotisations des revenus du travail. Ces minima assurent alors la protection des personnes âgées, des veufs, puis des personnes handicapées et des parents isolés. Dans le même temps, l'action sociale est surtout sectorielle et vise des populations ciblées en raison de handicaps ou de déficiences. C'est également un domaine partagé entre les associations, les communes de façon volontaire, les organismes de sécurité sociale et l'Etat. La diversité et la complémentarité des intervenants resteront une constante de l'approche française de la lutte contre la précarité et l'exclusion, au delà des évolutions organisationnelles. Dit autrement la scène socio/économico/théorique voit émerger la confrontation de l'opulence et de la pauvreté. 

C'est d'abord John Galbraith30(*) qui pronostique l'ère de l'opulence, dont on devait rapidement découvrir, qu'elle devait attirer l'attention sur l'inégal développement de la société d'abondance et la persistance de ce que l'on allait appeler les «poches de pauvreté». C'est le temps de la question des inégalités au centre du débat social, c'est le temps de la question de la répartition de ce que l'on a dénommé : «les fruits de la croissance». La volonté politique manifeste de répondre aux attentes de l'opinion sur le terrain de la réduction des inégalités est entrée en résonance avec un mouvement de modernisation de l'économie qui a aboutit au partage pour le profit des classes dites moyennes, de biens et services liés à la société de consommation. Coïncidant avec la période de la fin de la guerre d'Algérie, l'arrivée massive de français venus d'ailleurs ainsi que des harkis, la logique intégrative trouve ici un écho tout particulier. Pour la seule année 1962, 1 064 000 départs d'Algérie furent enregistrés pour 412 000 retours, entre Mai et Août, plus de 670 000 départs, et Marseille constitue le point d'arrivée pour deux rapatriés sur trois31(*). Dès lors, la pauvreté constatée est apparue dans un premier temps comme résiduelle ou en tout cas concentrée sur certaines catégories de population. Se faisant cette pauvreté s'avérait résorbable par le moyen de politiques spécifiques, sectorielles en direction du logement, de la famille et des retraites. En outre le relèvement du SMIG laissait envisager la potentialité d'une réduction de ces «poches de pauvretés». Au final, celles-ci apparaissaient comme la résultante d'une inadaptation chronique de catégories de population marginales et donc comme le coût social de la croissance économique. C'est aussi ce que retient Paul Marie de la Gorce, auteur d'un ouvrage intitulé, La France Pauvre, paru en 1965, faisant écho à Galbraith. De sorte, la dynamique d'exclusion s'analysait comme un processus à étape ou au retrait du marché de l'emploi, se succédait : pauvreté matérielle, puis déstructuration familiale, entraînant perte de sociabilitée articulé sur un accès, pour l'époque, limité au soin, le tout sur une crise du logement qui entraînait donc logiquement l'exclusion de l'individu. On est ici dans la description d'une marginalisation économique et sociale classique mais réduite, et ici est toute l'importance de l'analyse, à une part circonscrite de la population. La «résidualité» du phénomène trouvant à s'illustrer par ailleurs par un transfert intergénérationnel, figeant, reproduisant et inscrivant dans la durée cette pauvreté malgré les politiques mises en place.

Mais comme rien n'est jamais figé et pour reprendre la formule chère à Lavoisier « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme» ce schéma a évolué pour atteindre des populations nouvelles : en premières lignes les jeunes qui ne parviennent pas à s'insérer et les chômeurs de longue durée. On parle alors de «nouvelle pauvreté». Son traitement qui relevait originellement de l'aide sociale, héritant ainsi de la vieille fonction d'assistance dispensant des ressources subsidiaires, apparaît de plus en plus comme insuffisant. En outre, le contexte internationale du premier choc pétrolier balaie l'euphorie économique des «Trente glorieuses» ou l'égide de l'Etat protecteur va céder le pas à un autre paradigme dont on perçoit déjà la nouvelle dimension locale (création des DDASS par les décrets des 14 Mars et 30 Juillet 196432(*))...On passe ainsi d'une lutte contre les inégalités ou la protection sociale s'est révélé défaillante à gérer : «les conséquences sociales de la mutation et des modifications organisationnelles radicales du système de production»33(*), à une lutte pour l'insertion. Ainsi l'approche gagne-t-elle en profondeur et en ampleur, c'est un changement de niveau d'analyse, un changement de perspective, un changement d'échelle. Nouvelle configuration, changement d'échelle territoriale se préfigure34(*). Et c'est prégnant si l'on songe à ces propos : «Le réglage différent de l'optique tout à la fois révèle de nouvelles configurations, souligne l'inadéquation partielle, c'est-à-dire le caractère réducteur des catégories conceptuelles disponibles, suggère de nouveaux principes explicatifs : à chaque niveaux de lecture, la trame du réel apparaît différente.[...] Il faut briser l'opposition appauvrissante entre la micro et la macro analyse pour approfondir la question plus essentielle des formes d'adéquation acceptables entre les questionnements, les méthodes d'études et l'échelle d'observation des phénomènes»35(*).

2. Une lutte en vue de l'insertion 1970/1980 : la fin de la logique assurantielle36(*)

L'apparition du terme «marginal» dans les médias à partir du début des années 70 permet de reconnaître un aspect multiforme du refus des valeurs dominantes, sorte d'héritage de Mai 68. Rappelons que c'est à cette époque qu'éclot une Sociologie de la pauvreté, et que de façon concomitante apparaît la difficulté à conceptualiser l'existence de ceux désignés comme pauvres, dans une société française qui se percevait comme une société d'opulence.

Conséquence : l'analyse tend à être essentiellement quantitative, les politiques sociales sont conçues sur un modus operandi visant le rattrapage... Cependant la question de l'exclusion demeure par delà la nécessaire catégorisation à la fois administrative, réglementaire, législative, et forcement juridique. La question prégnante devient, bel et bien, celle de savoir : Qui relève de l'exclusion ?

Rapidement le milieu universitaire se saisit du débat, et les écrits de Foucault qui interrogent sur le phénomène de normalisation incluant/excluant des sociétés modernes, trouvent un écho tout particulier dans les approches alors adoptées. Deux ouvrages vont illustrer ce changement d'optique «Vaincre la pauvreté dans les pays riches»37(*) de Lionel Stoleru et surtout «Les exclus»38(*) de René Lenoir, secrétaire d'Etat à l'action sociale. C'est le premier signal fort du phénomène de pauvreté sur la scène politique. En effet «[leurs réflexions] ne s'attachent pas à l'examen des causes économiques [...]. Cependant partant du constat d'une forte relation entre inadaptation sociale et pauvreté, l'objectif pour assurer l'insertion des inadaptés sociaux est de promouvoir une action sociale coordonnée»39(*). On passe dès lors à un dispositif de type gestionnaire. C'est la séparation du sanitaire et du social initiée par la loi du 31 décembre 197040(*) relative à la réforme hospitalière, la loi de 1971 créant l'ALS41(*), puis la loi du 30 Juin 197542(*) relatives aux institutions sociales et médico-sociales, la loi de 197543(*) créant l'allocation aux adultes handicapés, c'est aussi la loi de 197644(*) créant l'allocation de parent isolé mais encore, le décret du 15 Juin 197645(*) étendant les compétences des CHRS (Centre d'Hébergement et de Réinsertion Sociale) jusqu'à la fameuse circulaire dite 44, faisant évoluer ses missions vers l'insertion sociale et professionnelle. Le terme d'insertion n'existe pas puisque en toute logique on est dans un présupposé de plein emploi, mais des changements terminologiques comme la transformation du SMIG en SMIC, auquel s'ajoute la mensualisation des salaires et les tentatives de généralisation de la sécurité sociale, sont autant d'indices d'un changement radical de perspective dans l'appréhension même de l'action publique dans le sens de l'insertion. Par ailleurs, le mérite de l'oeuvre de Lenoir est d'élargir le champ de la réflexion avec deux apports :

- le fait de ne plus faire de l'exclusion un phénomène individuel mais social, dont les leviers sont à rechercher dans les principes même de fonctionnement de la société moderne, d'où la nécessité d'élargir le champ d'action de politiques de lutte vers, le logement, le social, l'éducation,...

- le fait de reconnaître à l'exclusion un caractère généralisé et non marginal, qui ne toucherait qu'une frange de la population.

On s'achemine ainsi en France vers une action politique non plus sectorielle mais transversale ayant plus d'ampleur en termes de population cible (Raymond Barre lance ainsi le «pacte pour l'emploi des jeunes» en 1977) , plus généraliste dans ses champs d'intervention avec une diversification notable de ces derniers, guidée par un souci d'insertion véhiculant l'idée d'une sorte de suivi de l'action, que ne détenait pas l'idée d'intégration, le tout dans une démarche de coordination des politiques et de leurs différents niveaux d'exécution, puisqu'il convient de rappeler le développement au niveau européen de programme d'actions mais aussi et surtout, que la France est à l'orée de l'avènement de la première grande vague de décentralisation, laquelle va placer «le local» ipso facto au premier rang des rôles titres.

3. Une lutte contre la précarisation et l'exclusion 1980/2000 : la substitution de la logique assistantielle

Les problèmes économiques et la maîtrise que l'Etat tente d'imprimer dessus sont véritablement les deux éléments sous lesquels vont se développer le gros de l'arsenal législatif et réglementaire visant la résorption de l'exclusion et la lutte contre la précarisation. Pour bien saisir la dynamique qui se met en place, il convient de rappeler quelques éléments qui expliquent le caractère complexe et protéiforme des politiques devant être mises en place. Les problèmes économiques sont devenus prépondérants dans un contexte de crise, tendant à subordonner voir absorber tous les autres un peu à la façon de la croissance continue du cadavre de Ionesco, symbole s'il peut en être, de la prégnance exacerbée d'une idée fixe.

Ni la dimension nationale, ni la dimension européenne, ni les rapports Est-Ouest, ni les rapports Nord-Sud, n'y échappent. L'aspect international est dominant, c'est le second choc pétrolier, les conflits larvés au Proche-Orient, une URSS qui de nouveau se radicalise, des Etats-Unis qui tombe dans une reaganomanie46(*) dont on ignore tout. Sur le plan national, c'est une situation contrastée avec la fin du septennat giscardien, singularisant un libéralisme de plus en plus prégnant, aboutissant à des revendications sociales de plus en plus fortes sur lesquelles va se bâtir la victoire socialiste, à laquelle va succéder une politique économico sociale à contre courant (nationalisation massive, imposition des grandes fortunes, croissance des bas salaires,...) répondant aux promesses électorales (les 110 propositions) et paradoxalement se révélant inadaptée à la situation, nécessitant un tournant d'austérité implacable (dévaluations, diminution des dépenses du budget et de la sécurité sociale,...).

C'est dans ce contexte très singulier de crise de l'emploi et d'apparition du chômage de masse estimé à 2 millions d'individus en 1982, que va éclore un nouveau concept qui va permettre de penser les nouveaux pauvres des débuts des années quatre vingt : la précarité. C'est à un changement radical auquel on assiste. «Les oubliés de la croissance» des années 70 deviennent la «solution délibérée». Dans un ouvrage intitulé La connaissance ordinaire, Michel Maffesolie exprime le malaise des années 80 et sa singularité47(*). Les Pauvres sont ainsi le prix de la mondialisation, concept en éclosion aussi, dont à cette époque, on ne saisit sans doute pas toute les implications.

L'Etat anciennement «Providence»48(*) devient l'Etat «Assistantiel» et voit déjà se profiler devant lui l'ombre de son devenir d'Etat «Régulateur». Sur fond de concurrence internationale et de restructuration économique, la France fait connaissance avec ces nouveaux pauvres, qui touchent désormais même les plus insérés. Désormais ce n'est plus l'exclu qui intéresse mais le phénomène, le processus de mise à l'écart de la vie économique et sociale : la précarisation. Pour la combattre ou du moins la circonscrire, le gouvernement Fabius met différents dispositifs, dont l'allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs ayant épuisé leur droit à l'allocation unique dégressive, mais c'est aussi la mise en place des travaux d'utilité publique, qui deviennent vite d'utilité collective (TUC), l'intérêt du dispositif résidant dans le fait de soustraire les jeunes souvent sans qualification à l'inactivité, véritable sas vers l'exclusion. Dans le même ordre d'idée, une loi du 5 Avril 198549(*) est votée pour favoriser les congés de reconversion, l'idée étant de relancer un cercle vertueux autour de l'idée d'un personnel plus qualifié, d'où un investissement massif sur la formation, moyen s'il en est de promouvoir l'inclusion.

La date de Février 1987, est marquante, puisque le Conseil économique et social avalise par ailleurs un rapport présenté par Joseph Wrésinski intitulé : Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Ce rapport permet d'ancrer un nouveau vocabulaire, celui de la précarité et de l'insécurité qui véhiculerait la grande pauvreté. La marginalisation grandissante d'une frange de plus en plus importante de la population est alors mise en lumière par ce rapport qui insiste sur la nécessité d'apporter : «au-delà des secours d'urgence nécessaires mais ponctuels, de véritables solutions cohérentes, globales et prospectives». La réponse institutionnelle des années 80 est l'inauguration de politiques publiques transversales, qui font notamment écho au rapport OHEIX, sous le dernier gouvernement de Raymond Barre. C'est la création de missions locales d'insertion des jeunes, d'opérations de développement social des quartiers et des banlieues. C'est la loi n°86-16 du 6 Janvier 1986 obligeant les départements à organiser et faire fonctionner un service social départemental qui a pour mission : «d'aider les personnes en difficulté à retrouver ou à développer leur autonomie de vie». C'est le passage de la délégation interministérielle de la ville, au ministère de la ville. La précarisation devient l'apanage de tous les cabinets ministérielles, de toutes les politiques locales décentralisées depuis 1982, de toutes les actions mises en oeuvres : politique de la ville (développement social des zones urbaines défavorisées DSQ/DSU/contrat de ville,...), politique de l'emploi, mise en place du RMI loi du 31 décembre 1988, l'ouvrage de Jean Michel Bélorgey (député socialiste) intitulé : La gauche et les pauvres, 1988, autant d'éléments qui témoignent, illustrent, participent de la nouvelles tendance institutionnelle à l'oeuvre. Concernant le RMI, comme l'écrira François Ewald dans une contribution à l'ouvrage de Bernard Kouchner, Les nouvelles solidarités, 1989, intitulé Solidarité et insertion : «se fait jour un devoir d'initiative et de nouvelle solidarité. C'est ainsi aux collectivités locales et aux services de l'Etat que revient d'assurer cette nouvelle solidarité, d'abord de façon expérimentale, puis de façon générale avec la mise en oeuvre et la gestion du dispositif d'insertion du RMI. Ce qui est alors totalement remarquable c'est la prééminence incontestée de la dimension économique que la France et ses habitants découvrent avec stupeur. Contre choc pétrolier de 86, Krach boursier de 87, réunification allemande, le tout sur fond de première cohabitation politique Gauche/droite, et au sein même de la gauche un combat idéologique aux accents freudiens entre Mitterrand et Rocard. Sur le plan de l'initiative privée nationale ou locale venant en soutient des politiques publiques dans cette lutte contre la précarisation, c'est la mise en place des «Restos du coeurs» en 1985 et le déploiement des institutions venant aider les plus défavoriser via les soupes populaires et autres mesures de veille mises en place en périodes hivernales (Plan Départementale de l'Hébergement et de l'Urgence,...)

Très rapidement la décennie de 1990 apporte ces nouveaux problèmes : la concurrence à laquelle seule l'Union peut faire face, c'est l'heure de Maastricht et le débat entre souverainiste et fédéraliste. C'est aussi le temps d'un chômage de masse qui prend des proportions inquiétantes voisinant avec les 10% de population (9,4% très exactement de taux de chômage au sens du BIT en 1989), une nouvelle plaie qu'est la mondialisation, qui trouve sa traduction à travers l'Exclusion et surtout la fracture Sociale. Les Premières années de la décennie 90 sont marquées par la surmultiplication des dispositifs de lutte contre l'exclusion : loi du 31 décembre 198950(*) dite Neiertz sur le surendettement, loi 90-449 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, loi de finance de 1991 instituant la Contribution Sociale Généralisée (CSG), loi 92-722 portant adaptation de la loi de 1988 relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle, loi 92-936 créant un Fonds de solidarité vieillesse, décret 90-794 portant application en ce qui concerne les plans départementaux d'actions pour le logement des personnes défavorisées, circulaire du ministère de l'intérieur, de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace du 16 Mars 1992 relative au schéma départemental (accueil des gens du voyage), circulaire CDE 92-19 relative à l'appui social individualisé des demandeurs d'emploi de longue durée, circulaires DGS/AF1/DAS/RV3 n°33-93 relatives à l'accès au soins des personnes les plus démunis, dispositifs auxquels s'ajoutent pêle-mêle : l'aide à l'accès au droit 199251(*), l'aide médicale généralisée 1992, la création du Samu social à Paris 1993,... Comme cela se constate la liste est pléthorique, mais n'empêchera pas le débat sur la lutte contre l'exclusion de rebondir notamment suite à : la forte augmentation du chômage entre 93 et 94 qui atteint la barre psychologique des 13%, des 3,5 Million de chômeurs et l'occasion de la campagne présidentielle de 1995 avec l'avènement du thème de : la fracture sociale.

L'expression de fracture sociale a fait florès au point d'entrer dans le langage courant, ainsi a-t-on rapidement évoqué un nombre invraisemblable d'avatars du type, fracture numérique, fracture politique, fracture morale,... La France sociale de 1995 est donc «fracturée» et si l'expression prête à sourire, l'image et la symbolique qu'elle véhicule s'ancre durablement dans l'esprit des citoyens, relayés par les médias... La France a donc quelque chose de cassé... Tout commence en fait, par une note rédigée pour la fondation Saint Simon. Sous cet intitulé aux origines du malaise politique français, l'anthropologue Emmanuel Todd y démontre la permanence de ce peuple dont est un peu vite proclamé la disparition...Evoquant les différentes situations des candidats Balladur et Chirac, la note conclut que : «si l'électorat naturel d'Edouard Balladur se trouve dans les classes moyennes Jacques Chirac, lui, est virtuellement le candidat du peuple, qui souffre de la fracture sociale...». Les conseillers en communication du candidat Chirac se saisissent de cette manne que constitue le renouvellement de la thématique sociale, pour élaborer toute leur campagne : ainsi naît la fracture sociale. Sur un plan plus pragmatique, la fracture sociale décrit cependant un état d'esprit de la société qui ne sent plus entendu par les Politiques (dans le sens anglo-saxon de Politics). L'élection remportée par la Droite, sur le thème de la fracture ne voit cependant pas, le social doté de la priorité escomptée (exception faite de mesures fiscales comme : la loi 96-50 créant la CRDS,...) et ce pour des raisons, sans doute, d'opportunité politique. Ce n'est que suite à la dissolution parlementaire de 97, ramenant la Gauche au pouvoir dans le cadre d'une cohabitation, que le social, et la lutte contre l'exclusion, délaissée pour un temps, reprend avec l'avènement d'un traitement social du chômage, dont on constate cependant rapidement l'échec, la logique étant : «le subventionnement d'emploi à durée déterminée comme Quick Fix»52(*) et surtout la fameuse : loi n°98-657 du 29 Juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

Avec cette loi, il y a véritablement la création d'un lien entre les droits fondamentaux et les exclusions, de sorte le code de l'action social et de la famille (CASF) en son article L.115-2, al. 1, dispose que la lutte contre les exclusions sociales constitue un : «impératif national fondé sur le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains et une priorité pour l'ensemble des politiques publique de la nation». Cette politique doit ainsi garantir sur l'ensemble du territoire : «l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l'éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l'enfance». Le «s» mis à la fin du terme «exclusion» est tout à fait significatif de la prise de conscience par les autorités publiques de la «protéiformité» de l'exclusion. L'action menée doit donc être non seulement transversale, mais aussi conduite sur plusieurs fronts en même temps. Dans cette démarche globale, on retrouve aussi la volonté étatique de mettre en exergue quelques nouveaux droits comme, celui de l'électricité pour les personnes les plus démunis (loi 2000-108) précisé un an plus tard, posant un véritable droit créance au bénéfice des personnes en situation de précarité pour préserver leur accès à l'électricité.

La France a donc, en 20 ans, révolutionné son approche de la pauvreté, en ayant guidé successivement son action sur la précarité, la réduction des éléments d'hétérogénéité résultant de la présence sur le territoire d'importantes communautés allogènes, la lutte contre la fracture sociale et enfin la lutte contre les exclusions, le tout au travers des politiques inclusives volet principal et primordial de la réalisation d'une Cohésion sociale. Tout au long des ces années, les collectivités locales devenues territoriales ont véritablement constitués le niveau opérationnel de ces actions avec le prima connu, octroyé et assumé par les départements, véritable échelon d'action pertinent.

4. Une promotion de la cohésion sociale 2000/2013 : l'avènement de la Collectivité Providence

Pour bien saisir l'idée de cohésion sociale et les mesures politiques qu'elle implique, il convient de faire un très rapide détour théorique. Les politiques mises en oeuvre au niveau européen, national, régional, départemental et local ne sont pas parvenues à recomposer un lien social de type organique, pas plus qu'elles ne sont parvenues à remédier au niveau des représentations collectives de la société, à la crise post-moderne, induisant une nouvelle représentation de l'Etat et donc de l'individu. Se faisant l'idée de la nécessité de reformuler «un tout social», une formation, un ensemble est apparu comme la première des nécessités. C'est ainsi que la sociologie a pu parler de «recomposition de la morphologie communautaire»53(*) devant se refonder autour des pratiques, des sentiments, des valeurs communes, pour un temps, dans un espace donné. Dans ce type d'espace, il importe de mettre en oeuvre une sorte de solidarité qui unifierait la société atomisée en un ensemble cohérant capable de lutter contre l'exclusion sociale en étant doté de mécanisme inclusif interne. Le problème pour les pouvoirs Publics, l'Etat et les Collectivités locales est alors de mettre en oeuvre une action publique pour cette forme de représentation collective polyculturelle. C'est là tout l'enjeu de la cohésion sociale.

«L'inclusion sociale» et la «cohésion sociale», pour faire écho à une distinction classique posée par M. Waline54(*) en matière de contentieux administratif entre  contentieux objectif et contentieux subjectif : «ne se recouvrent pas elles se recoupent, ou, plus exactement», l'inclusion sociale coupe en deux la politique de cohésion sociale en en devenant le volet principal, le second étant la mise en place de cette solidarité qui de mécanique devrait devenir organique55(*). Cette logique rapidement exposée est au coeur de la politique mise en oeuvre depuis Février 2005 dans le plan dit de cohésion sociale.

Parallèlement, l'accentuation de la décentralisation, oscillant entre ferveur et désenchantement place le concept de territoire au centre du débat en termes de niveau pertinent d'action, marqué de plus en plus par une tendance à la régionalisation qui s'entrechoque avec la mise en place de la réforme financière, avec la transformation interne de nombreux ministère en liaison avec les récents progrès de la décentralisation. D'abord conçu comme un simple réceptacle des activités humaines ou une circonscription administrative, il est perçu aujourd'hui comme une construction des acteurs où s'entrecroisent, dans un cadre géographiquement et historiquement circonscrit, des relations à la fois économiques, sociales, culturelles, politiques et symboliques. Or, dés lors que les actions sectorielles et verticales (évoquées ci-dessus) ont montré leurs limites pour aborder les problèmes rencontrés par les populations, le local est apparu et continue d'apparaître comme l'échelle d'action efficace car c'est à ce niveau qu'il est possible de mettre en oeuvre les solutions globales, intersectorielles et participatives56(*) qui sont préconisées par les stratégies nationales et européennes en raison de la complexité des phénomènes d'exclusion et de pauvreté. Cette évolution se traduit par l'adoption de principes de bonne gouvernance dont l'objectif est d'améliorer le rapport entre gouvernants et gouvernés, notamment en développant la participation des citoyens, le partenariat des acteurs locaux (habitants, intervenants, décideurs, experts) et l'évaluation des politiques mises en place. Parallèlement, au plan social, le citoyen dans sa triple fonction d'électeur, d'usager, d'administrer, réclame une plus grande proximité, une qualité et une souplesse des services rendus, ainsi que la garantie de la transparence et de la régularité des procédures.

Dans le même temps que la centralisation de la politique européenne se dessine, les pouvoirs locaux et les acteurs territoriaux sont davantage chargés de la traduction concrète de cette politique auprès du citoyen. Cela suppose de leur part une connaissance préalable des composantes démographiques, économiques, sociales, sanitaires, culturelles et urbanistiques des territoires dont ils ont la charge, avec une attention plus particulière aux facteurs déterminants de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Au plan des institutions ; se pose la question de l'articulation des fonctions de l'Etat avec la nouvelle compétence des collectivités territoriales et avec le développement très important des attributions des instances européennes. Dès lors, où doit être placé le curseur de la décision politique ?

De plus, la mise en oeuvre des principes de bonne gouvernance - la participation des citoyens, le partenariat des acteurs locaux et l'évaluation des politiques mises en place - nécessite le recours à des méthodes et des outils spécifiques. Or, si des méthodes et des outils adaptés sont bien disponibles pour les administrations nationales et régionales, en revanche, les pouvoirs locaux et les acteurs territoriaux disposent rarement d'outils simples et économiques pour identifier les problèmes prioritaires, élaborer des projets, gérer les actions, en évaluer l'impact et en suivre les effets dans le temps. C'est pourquoi, la Collectivité territoriale tel qu'elle tend à se présenter dorénavant devient le réceptacle d'une nouvelle exigence, le débat sur la décentralisation et sur la déconcentration a fait éclore un nouveau terme de «déconcentralisation», de sorte que l'on peut dorénavant s'interroger sur la nature même de la collectivité . C'est plus vrai encore si l'on songe que la loi de Cohésion sociale, précise que, sur 20 programmes d'action 14 concernent les collectivités territoriales, auxquels on peut rajouter 3 programmes destinés aux autorités déconcentrés et que sur 107 mesures 45 connaissent une déclinaison territoriale ; mis en corrélation avec le renforcement du rôle du département en matière d'aide et d'actions sociales, décentralisation des dispositifs RMI/RMA, pérennisation des aides existantes à l'enfance, aux personnes âgées (avec le poids considérable pris par l'APA) et aux personnes handicapées, un nouveau paradigme de «Collectivité Providence» semble s'ériger.

Problématisation de l'inclusion sociale

A la suite de ce cadre historique et théorique rapidement retracé, on peut désormais s'interroger sur le rôle que l'inclusion sociale57(*) européenne joue dans la transformation des collectivités territoriales en «Collectivités Providence» ?

Pour répondre à cette interrogation faisant l'objet de la réflexion du présent mémoire et compte tenu de la spécificité du sujet, un traitement en deux étapes mettant en exergue : l'affermissement de la logique préventive pour les politiques d'inclusion sociale (Partie 1) et le mouvement concomitant de, banalisation de l'évaluation par les politiques d'inclusion sociale (Partie 2) à paru s'imposer. Deux raisons à cela, la première liée à l'approche didactique que suggère l'intitulé même du mémoire - Réflexion sur l'inclusion sociale - La double contrainte des collectivités territoriales entre évaluation et prévention. La seconde raison tout aussi logique trouvant son fondement dans le fait, qu'il est apparu plus pertinent de traiter la situation actuelle des collectivités territoriales face au défis de l'inclusion sociale et des changements qu'il induit avant d'adopter, une démarche plus prospective sur la projection d'un nouveau paradigme vers lequel elles semblent tendre : la collectivité providence.

1ère PARTIE

L'AFFERMISSEMENT DE LA LOGIQUE PREVENTIVE POUR LES POLITQUES D'INCLUSION SOCIALE

Il convient, en particulier au vu de l'évolution actuelle du contexte touchant les acteurs de l'action publique d'en saisir certaines contradictions internes et de prendre acte de ceci : toute adoption par la puissance publique d'une logique préventive, légitime et préférable à toute autre, doit intégrer en même temps la conscience de ses risques potentiels. La prévention, par nature tendanciellement propensive, doit savoir intégrer ses propres limites, être toujours contenue.

Cette démarche est sans doute plus vraie encore s'agissant de l'action publique dans le secteur social, a fortiori dans le climat actuel, marquée par l'acte de 2 de la décentralisation, par la multiplication des intervenants et acteurs appelés à agir pour permettre le développement harmonieux d'une véritable inclusion sociale, mais aussi et surtout par le débat ayant agité la fin d'année 2005 et le début de l'année 2006 sur la mise en place des contrats CNE/CPE58(*).

Pour autant tout en prenant acte de cette situation contextuel, l'affermissement de la logique préventive pour les politiques d'inclusion sociale par les niveaux territoriaux compétents sous-tend la nécessité de s'appuyer sur une double démarche. En effet, l'action envisagée doit tenir compte de la pérennisation des dispositifs sociaux curatifs anciennement mis en place (Titre 1) et répondant à des impératifs, conditions d'exercice et objectifs précis, ainsi qu'à la formulation de politique sociale occupationnelle (Titre 2), formulation dont on pourra apprécier le raffinement, les différents niveaux de compétences mis en jeux et d'exercice qui l'accompagne. Ces éléments induisent à la fin d'une bonne compréhension une certaine diffraction59(*) du regard qui donne à penser.

TITRE 1er : LA PERENISATION DES DISPOSITIFS PUBLIQUES SOCIAUX CURATIFS

«Les dernières données disponibles sur la pauvreté monétaire sont de 2003. La tendance à la baisse de la pauvreté monétaire observée en 2001 et 2002 s'interrompt en 2003. Le taux de pauvreté monétaire augmente, en effet, en 2003, au seuil de 50 % du revenu médian et se stabilise au seuil de 60 % de ce même revenu médian. La pauvreté est différenciée selon l'âge, le sexe ou le type de ménages. La situation est défavorable aux personnes seules et aux familles monoparentales, parmi lesquelles les femmes sont largement majoritaires en tant que chef de famille. On observe donc depuis 1999, de manière stable, une plus grande proportion de femmes dans la population pauvre. Les moins de 25 ans continuent, eux aussi, à être sur représentés dans l'ensemble des personnes pauvres par rapport à leur poids dans la population. Des interrogations émergent cependant sur une possible remontée de la pauvreté des personnes âgées, notamment lorsqu'elles sont seules. La comparaison des taux de pauvreté monétaire des pays de l'Union européenne situe la France dans une position légèrement plus favorable que la moyenne de ses partenaires. Pour le chômage et les minima sociaux, on dispose d'indicateurs plus récents. Le chômage s'est accru jusqu'au milieu de l'année 2005, avant d'amorcer une diminution. Cette dégradation de la conjoncture économique et du marché du travail s'est traduite par une augmentation très importante, en 2003 et 2004, du nombre d'allocataires de minima sociaux d'âge actif, renforçant encore l'importance, soulignée par l'Observatoire dans son précédent rapport, du rôle des transferts sociaux dans la réduction de la pauvreté»60(*).

Les relations entre pauvreté, chômage et emploi sont étroites et complexes. Le constat ci-dessus montre que toute situation de chômage n'est pas synonyme d'une situation de pauvreté et que l'emploi ne protège pas à lui seul de la pauvreté. La persistance d'un chômage61(*) massif et durable et le développement de certaines formes d'emploi ont eu pour conséquence une progression de la pauvreté des personnes d'âge actif. Le caractère précaire d'un nombre croissant d'emplois et la faiblesse de certaines rémunérations ont conduit les personnes qui ont pourtant travaillé tout au long de l'année à des situations de pauvreté. En France, comme dans plusieurs pays de l'Union européenne, une catégorie de «travailleurs pauvres» est apparue dès la fin des années quatre-vingt-dix. De plus en plus de ces travailleurs sont salariés, qu'ils le soient pendant l'année en emploi continu ou de façon intermittente.

En outre, la diminution62(*) des contrats aidés du secteur non marchand a pesé sur les évolutions de l'emploi et du chômage. Ces contrats avaient un impact important sur la sortie de la pauvreté, notamment de certains allocataires du Rmi63(*). La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, relance de manière significative ce type de contrats et renforce la formation et l'accompagnement, la question se pose dès lors de savoir si cela permettra ou pas d'atténuer les difficultés constatées.

Concomitamment, les caractéristiques de la pauvreté varient fortement sur l'ensemble du territoire. Entre la pauvreté des zones industrielles en déclin, celle des zones rurales enclavées, celle des centres-villes des villes moyennes, de la périphérie des grandes métropoles ou celle des départements d'outre-mer, il existe des différences significatives. Au-delà des contraintes traditionnellement liées aux marchés de l'emploi et du logement, les réponses de proximité apportées pour lutter contre la pauvreté peuvent varier considérablement d'un territoire à l'autre. Dans cette perspective, la prise en compte des impératifs budgétaires locaux apparaît comme une donnée particulièrement importante, car même si les leviers fiscaux locaux tendent bien entendu à s'articuler avec l'ensembls des dotations nationales et européennes, ils demeurent une pierre angulaire de la lutte contre la pauvreté et du maintien des dispositifs curatifs décidés et mis en place au niveau nationale.

Ainsi annoncée, c'est dans une démarche mêlant prise en compte de l'extension des contraintes budgétaires (Chapitre 1), ainsi qu'au regard des dernières législations produites mettant en exergue l'établissement d'une forme de sur responsabilisation (Chapitre 2), que sera analysée la «difficile» pérennisation des dispositifs sociaux curatifs.

Chapitre 1er : L'extension des contraintes budgétaires

La dette publique fut le germe de la liberté. Elle a détruit le roi et l'absolutisme. Prenons garde qu'en continuant à vivre, elle ne détruise la nation et nous reprenne la liberté qu'elle nous a donnée.

Mirabeau, 1789

Aucune organisation politique ne peut s'abstraire des conditions de son époque. C'est encore plus vrai si l'on songe à la part déterminante qu'y joue l'aspect budgétaire. Véritable «nerf de la guerre» selon une expression populaire répandue, les finances et de façon plus précise le budget jouent un rôle considérable dans l'élaboration de toute politique publique. Pour évident que le propos puisse paraître il n'en demeure pas moins important de le rappeler et d'en exposer brièvement l'évidence.

A l'heure d'une Europe à 25 élargie (27 membres en 2007), à l'heure des grandes orientations politiques déterminant le budget 2007-2013 au titre desquelles figure l'inclusion sociale, à l'heure du «management par objectifs»64(*) au travers la désormais fameuse LOLF65(*), au moment des retombées simultanées des premières évaluations nationales sur l'usage des deniers européens et des conséquences et effets des politiques nationales, territoriales et/ou locales66(*) des politiques d'insertion ou tout le moins de lutte contre les exclusions, jamais sans doute n'est apparue plus prégnante la nécessité de s'interroger sur les contraintes budgétaires existantes et persistantes.

Au sein de cette problématique il convient de bien saisir les niveaux le lecture qui s'entrecroisent, le niveau européen puisqu'il apparaît selon toute vraisemblance comme le principal pourvoyeur de fond des politiques sociales à venir, le niveau national au double titre d'initiateur et de décideur public de principe, le niveau local comme niveau opératoire de la dite politique, affublé depuis l'acte 2 de la décentralisation du rôle de «munitionnaire». C'est dans cette perspective que sera traité la résorption des fonds sociaux européens (I), sur laquelle s'articule la recomposition des dotations et subventions nationales (II), rendant plus visible encore le phénomène de dépérissement des leviers fiscaux locaux (III)

I. La résorption des fonds sociaux européens

«La part française des fonds européens pour la programmation 2007-2013 baisse de 17,3 %. Les fonds revenant au Nord-Pas de Calais régressent quant à eux de près du double, alors que ceux du Hainaut belge ne reculent que de 10,4 % au titre de l'Objectif 1 devenu "Convergence". Sur la base des critères qui procurent au Hainaut belge 577 millions - fonds Convergence -, le Hainaut français, qui en est exclu, devrait percevoir 360 millions : il lui manque donc 50 % de son enveloppe»67(*).

Entre 2000 et 2006, les fonds structurels ont servi à financer toutes sortes d'opérations : zones industrielles, villages de vacances, équipements en téléphonie mobile, politique d'insertion, de lutte contre les exclusions, de rénovation urbaine,.... Au total, pour la période, 16 milliards d'euros auront été alloués à la France par l'Union européenne. Soit l'équivalent du coût estimé pour le futur tunnel Lyon-Turin. L'Europe aura ainsi dépensé presque les mêmes sommes que celles que l'Etat a prévu d'investir dans les contrats de plan sur la même durée (17 milliards d'euros). Du fait de l'élargissement à 25, et dans un contexte budgétaire européen rigoureux, sur la période 2007-2013, les sommes allouées à la France se réduisent à la portion congrue. Du coup, la bagarre est âpre entre les régions/départements et le gouvernement sur un dossier théoriquement géré en partenariat. D'autant que ce dernier sera davantage maître du jeu. Alors que, jusqu'à présent, Bruxelles avait défini sur le territoire de l'Hexagone des zones géographiques pouvant bénéficier de fonds selon des critères que la Commission avait arrêtés, ces "zonages" vont disparaître en 200768(*). Demain, l'Etat pourra décider de saupoudrer ou de concentrer les fonds en répartissant lui-même les enveloppes par région. A ce titre le tableau suivant est tout à fait significatif :

Répartition des enveloppes régionales FEDER/FSE en métropole

En millions d'euros TOTAL 2000-2006 TOTAL 2007-2013

Alsace 242,58 177,93

Aquitaine 659,36 507,30

Auvergne 387,46 260,37

Basse Normandie 368,41 244,03

Bourgogne 356,05 250,29

Bretagne 618,44 430,35

Centre 345,29 297,12

Champagne-Ardenne 300,99 238,60

Corse 167,63 148,68

Franche-Comté 283,57 187,47

Haute Normandie 486,81 319,89

Ile-de-France 757,96 601,95

Languedoc-Roussillon 461,24 382,25

Limousin 188,25 153,73

Lorraine 528,33 403,45

Midi-Pyrénées 615,82 511,37

Nord-Pas-de-Calais 1 335,82 926,61

PACA 591,45 520,82

Pays-de-la-Loire 647,93 450,21

Picardie 416,38 291,91

Poitou-Charentes 416,56 281,09

Rhône-Alpes 835,47 615,58

TOTAL Régional 11 011,78 8 20169(*)

Enveloppes régionales FEDER/FSE Outre-mer (à répartir)

2000-2006 2007-2013

Guadeloupe

Guyane 2,88 Mds€ 2,83Mds€

Martinique

Réunion

Source : Rapport de la DIACT 6 Mars 2006

Sous réserve de l'adoption définitive du budget de l'Union par le Parlement européen, la politique de cohésion économique et sociale disposera, pour la période 2007-2013, d'une enveloppe de 307,7 milliards d'euros pour l'ensemble des pays de l'Union dont :

- 251,3 milliards pour la « Convergence »,

- 48,9 milliards d'euros pour la « Compétitivité régionale et l'emploi »,

- 7,5 milliards d'euros pour la « Coopération territoriale ».

Sur cette enveloppe, la France s'est vue attribuer 12,688 milliards d'euros (contre environ 16 milliards d'euros pour la période 2000-2006) dont :

- 2,838 milliards d'euros pour la «Convergence» ;

- 9,1 milliards d'euros pour la «Compétitivité régionale et l'emploi»

- 0,749 milliard d'euros pour la «Coopération territoriale».

Le volume de crédits destinés à soutenir l'innovation, la formation et le développement des territoires reste donc très significatif. Pourtant la priorité reconnue aux nouveaux Etats membres de l'Union entraîne des modifications plus que substantielles nécessitant que l'on s'interroge sur l'implication budgétaire précise de l'élargissement (A) sur lequel s'articule une accentuation du principe de spécialité (B) manifesté par la surdétermination de l'autorisation donnée par le parlement afin que chaque crédit ait une destination indiquée par la loi de finances.

A. L'implication de l'élargissement

Pour introduire liminairement le propos, il convient de rappeler certaines choses. Véritable Big Bang, l'élargissement confronte l'union européenne à certaines épreuves cruciales. La première est l'épreuve de l'espace. Jusqu'en 1989, la division politique du monde donnait à l'Europe des bornes et une géographie. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. L'Europe a perdu ses repères géographiques, les frontières ont éclaté, le périmètre européen s'étend et personne ne sait où le mouvement s'arrêtera. La deuxième épreuve est celle du nombre. Les institutions, prévues pour Six, ont fonctionné à Quinze mais ne fonctionneront pas à Vingt Cinq sans modifications majeures. Le changement de la composition de la Commission est acquis, mais l'UE, en particulier le Conseil, ne peuvent fonctionner avec leurs règles actuelles. Enjeu majeur du projet constitutionnel en déliquescence, l'Union devra tôt ou tard se pencher rapidement sur le problème. La troisième est l'épreuve de la disparité. Jamais les écarts de richesse entre Etats membres n'ont été aussi importants. Le niveau de vie moyen des Dix nouveaux entrants est inférieur à la moitié du niveau de vie des Quinze. L'écart maximum entre les deux extrêmes (la Lettonie et le Luxembourg) est de 1 à 5. Le rattrapage du niveau de vie communautaire sera nécessairement long, beaucoup plus long que pour les précédents élargissements. Ce qui pose forcement comme dernière épreuve, l'épreuve budgétaire.

Le coût de l'élargissement n'a été évalué que jusqu'en 2006. Ce coût est encore relativement modeste : 59 milliards d'euros en sept ans, soit 13,8 milliards au titre des aides de pré adhésion entre 2000 et 2003 et 45,3 milliards les trois premières années de l'adhésion (entre 2004 et 2006). 45 milliards d'euros représentent un an de crédits de la politique agricole commune dans l'actuel budget annuel de l'Union. Le problème, c'est après.

Aucune administration, nationale ou communautaire, ne se risque à chiffrer ce coût. Deux paramètres sont a peu près connus. Les futures dépenses agricoles, fixées au Conseil européen de Bruxelles en octobre 2002 jusqu'en 2013, se montent à 25 milliards d'euros en sept ans. Les aides régionales n'ont pas été définies, mais seront proches de la limite qui a été fixée, soit 4 % du Produit intérieur brut des nouveaux entrants, soit de 150 à 160 milliards d'euros. Ainsi, les seuls éléments chiffrés permettent d'évaluer les dépenses autour de 180 milliards d'euros en sept ans, trois fois plus qu'aujourd'hui. D'autres dépenses ne sont pas encore évaluées (recherche, environnement, développement rural...). Toutes dépenses confondues, la dépense totale engagée pour les nouveaux membres devrait donc atteindre de l'ordre de 200 milliards en sept ans (avant prise en compte du montant des contributions versées au budget communautaire par les nouveaux membres, de l'ordre de 7 milliards par an). L'importance de la dépense et surtout, le partage de son financement sont au centre des négociations budgétaires sur le futur cadre financier européen.

Voici en l'état actuel ce qui est connu :

- le montant maximal total des dépenses pour l'UE à 27 pour la période 2007-2013 est de 862 milliards dont 308 milliards consacrés à la nouvelle politique régionale70(*).

Les crédits d'engagement sont répartis selon les schémas ci-après. Les mêmes montants sont également repris dans le tableau, qui indique en outre les prévisions concernant les crédits pour paiements. Tous les montants sont établis sur la base des prix constants de 2004. Des ajustements techniques automatiques auront lieu annuellement pour tenir compte de l'inflation.

Dès lors apparaissent clairement les conséquences de l'élargissement :

«Les nouveaux Etats Membres se situent à 53% de la moyenne du PIB par habitant de l'Europe à 25, en parité de pouvoir d'achat, et à 28% en termes nominaux»71(*).

Ce qu'il convient de bien comprendre c'est le fait que les nouveaux entrants ne vont pas contribuer pour beaucoup au budget communautaire, en revanche, ils absorberont une bonne part des crédits de la PAC mais aussi et surtout des fonds finançant les politiques régionales au titre des objectifs 1 & 2 prioritairement. L'ancienne Europe quoi que l'on veuille bien en dire paye donc un coût dans l'élargissement72(*), le prix du «choc d'appauvrissement»73(*). Le tableau présentant la répartition des enveloppes régionales FEDER/FSE en métropole pour la période 2007-2013 en est une bonne illustration.

APERÇU DES NOUVELLES PERSPECTIVES FINANCIÈRES 2007-2013

(Tous les montants sont en millions d'€ aux prix de 2004)

Crédits d'engagement 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Total 07-13

1. Croissance durable 51 090 52 148 53 330 54 001 54 945 56 384 57 841 379 739

1a. La compétitivité au

service de la croissance

et de l'emploi 8 250 8 860 9 510 10 200 10 950 11 750 12 600 72 120

1b. La cohésion au

service de la croissance

et de l'emploi 42 840 43 288 43 820 43 801 43 995 44 634 45 241 307 619

2. Conservation et gestion

des ressources naturelles 54 972 54 308 53 652 52 021 52 386 51 761 51 145 371 244

dont: Agriculture - dépenses

de marché et paiements

directs 43 120 42 697 42 279 41 864 41 453 41 047 40 645 293 105

3. Citoyenneté, liberté,

sécurité et justice 1 120 1 210 1 310 1 430 1 570 1 720 1 910 10 270

3a. Liberté, sécurité et justice 600 690 790 910 1 050 1 200 1 390 6 630

3b. Citoyenneté 520 520 520 520 520 520 520 3 640

4. L'UE, acteur mondial 6 280 6 550 6 830 7 120 7 420 7 740 8 070 50 010

5. Administration 6 720 6 900 7 050 7 180 7 320 7 450 7 680 50 300

6. Compensations 419 191 190 800

Total crédits d'engagement 12 601 121 307 122 362 122 752 123 641 125 055 126 646 862 363

en % du RNB 1,10% 1,08% 1,06% 1,04% 1,03% 1,02% 1,00% 1,045%

Total crédits pour paiements 116 650 119 535 111 830 118 080 115 595 19 070 118 620 819 380

en % du RNB 1,06% 1,06% 0,97% 1,00% 0,96% 0,97% 0,94% 0,99%

Marge disponible 0,18% 0,18% 0,27% 0,24% 0,28% 0,27% 0,30% 0,25%

Plafond des ressources propres

en pourcentage du RNB 1,24% 1,24% 1,24% 1,24% 1,24% 1,24% 1,24% 1,24%

Source : Présidence du Conseil Européen, Perspectives financières 2007-2013, Bruxelles, le 19 décembre 2005

On peut parler d'une certaine dégradation des positions anciennement acquises par certains Etats et donc d'un amoindrissement du montant des enveloppes perçues au travers le jeux de vases communiquants par les régions.

L'élargissement apparaît dès lors comme un élément déterminant du financement et donc du délicat et difficile maintient des dispositifs sociaux inclusifs jusque là co-financés par l'Union Européenne.

Conséquemment, c'est au travers l'accentuation du principe de spécialité que l'U.E entend proroger ces anciens financements. Mais se pose alors un second problème, celui du formalisme inhérent à l'accentuation de la précision des programmes nationaux pouvant se voir allouer les fonds dont on connaît d'ores et déjà l'amoindrissement.

B. L'accentuation du principe de spécialité

Le budget général des Communautés européennes est encadré par une série de principes budgétaires au titre desquels figurent les principes d'unité et de vérité budgétaire, d'annualité, d'équilibre, d'unité de compte, d'universalité, de spécialité, de bonne gestion financière et de transparence.

A ce titre le principe de spécialité prévoit que chaque crédit doit avoir une destination déterminée et être affecté à un but spécifique, afin d'éviter toute confusion entre les différents crédits lors de l'autorisation et l'exécution. Aucune recette ni aucune dépense ne peut être affectée autrement que par imputation à un article du budget. Cela est également valable pour les recettes qui doivent être précisément identifiées. Tout virement important doit recevoir l'autorisation de l'autorité budgétaire selon les règles prévues par le règlement financier.

L'un des mérites que peut constituer le principe concerne la question de l'efficacité du budget. Si l'on se fonde sur une définition de la gestion, c'est-à-dire la mise en oeuvre des ressources d'une organisation quelconque en vue d'atteindre des objectifs précis, on ne peut réellement parler d'une gestion financière que lorsqu'il est question d'orienter l'argent vers la meilleure allocation des ressources compte tenu d'objectifs déterminés. C'est précisément tout l'intérêt du principe de spécialité qui se voit accentuer dans le cadre des perspectives financières 2007-2013.

En effet, l'idée même de planification stratégique illustre l'accentuation du principe de spécialité comme gage d'une véritable démarche performative. Mais c'est sans doute dans l'accentuation de la programmation pluriannuel et plus précisément dans le renforcement de la désignation des rubriques d'actions poursuivis que réside l'avancée majeure.

Pour la période 2000-2006, les dépenses des budgets annuels étaient encadrées par des perspectives financières, principalement consacrées à huit rubriques. La première rubrique concernait l'agriculture et le développement rural. Les crédits sont accordés dans le cadre du Fonds Européen d'Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA). La section « Garantie » du FEOGA finance les dépenses agricoles, excepté celles liées au développement rural. La section « Orientation » du FEOGA finance le développement rural et les mesures d'accompagnement. La deuxième rubrique concerne les actions structurelles qui visent à améliorer la cohésion économique et sociale. Les actions structurelles sont financées par :

· les Fonds structurels : FEOGA section « Orientation », Fonds européen du développement régional (FEDER), Fonds social européen (FSE) et l'Instrument financier d'orientation de la pêche ( IFOP ) ;

· le Fonds de cohésion.

La troisième rubrique est consacrée aux politiques internes de l'UE. Elles peuvent être rattachées aux grands thèmes suivants :

· actions destinées à améliorer la compétitivité de l'industrie communautaire à travers la recherche et le développement technologique ;

· actions de complément des politiques structurelles (politique commune dans le domaine des transports, par exemple) ;

· les actions concernant la formation professionnelle, l'éducation et la jeunesse, la culture et l'audiovisuel, l'information, la dimension sociale et l'emploi ;

· les actions destinées à la politique de l'énergie, au contrôle de la sécurité nucléaire et à l'environnement ;

· les actions liées à l'approfondissement du marché intérieur, par exemple la protection des consommateurs et l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

La quatrième rubrique concerne les actions extérieures au bénéfice des pays tiers. Elle reprend notamment les actions de caractère horizontal et les actions de coopération et d'aide définies par zone géographique. Les dépenses du Fonds européen de développement (FED) ne sont pas incluses dans le budget communautaire. Les dépenses liées aux aides de pré-adhésion sont inscrites dans la rubrique 7 du budget. La cinquième rubrique est consacrée aux dépenses administratives pour le fonctionnement des sept institutions communautaires. La sixième rubrique concerne deux types de réserve : la réserve pour l'aide d'urgence (y compris le fonds de solidarité ) et la réserve pour la garantie des prêts. Les réserves permettent de laisser les marges nécessaires disponibles pour faire face à des dépenses non prévisibles lors de l'établissement du budget. La septième rubrique est consacrée à la stratégie de pré-adhésion dans le cadre de l'élargissement de l'UE. Il s'agit des programmes en faveur des pays en voie d'adhésion (comme PHARE par exemple). La huitième rubrique concerne les compensations temporaires prévues pour les dix nouveaux États membres pendant la période 2004-2006. Ces montants ont été calculés afin de s'assurer que leur trésorerie vis-à-vis du budget de l'UE ne se détériore pas pendant les premières années d'adhésion par rapport à l'année avant l'adhésion.

La programmation pour la période 2007-2013, prévoit une nouvelle classification de ses dépenses qui correspondra mieux aux défis du futur et aux buts communs, participant de la logique de rationalisation de la dépense publique et de recherche d'efficacité74(*). Ainsi la présentation des crédits par objectif, outre son caractère stratégique, a un avantage certain en favorisant une meilleure cohérence de l'action publique et en évitant un trop grand fractionnement des politiques publiques dans l'espace et dans le temps. Très logiquement l'usage de la notion de rubrique exprime donc le passage d'une culture de moyens à une culture de résultat. La rubrique qui équivaut alors à un programme représente la clef de la réforme, il conduit les décideurs publics, politiques ou gestionnaires, à cesser de raisonner strictement en termes de moyens. Les programmes sont des unités de spécialité. De fait le principe de spécialité ne s'applique plus dans une nomenclature chapitrée, mais à celle décomposée en rubrique et sous rubrique rassemblant les différents programmes. Les crédits sont alors spécialisés par programme, nouvelle unité de spécialisation, dont au surplus le périmètre ne correspond plus aux découpages administratifs classiques. Se faisant la création d'un programme ne se réduit pas à un problème de nomenclature, elle permet de satisfaire au préalable à des exigences élevées de structuration de l'information et de l'organisation administrative.

De la sorte, il est possible de constater les conséquences à la fois de l'approfondissement du principe de spécialité mais aussi de comparer finalement les perspectives 2000-2007 à 2007-2013 et d'en tirer d'ores et déjà quelques enseignements.

Domaine

2000-2006

2007-2013

Impact attendu

Commentaires

Programmation

- Double structure parallèle

de programmation avec le

DOCUP et le complément de

programmation + Programme

pluri fonds

- Présentation et gestion de la

programmation au niveau de

la mesure

- Un seul outil de programmation et de

gestion, le programme opérationnel

financé par un seul fonds (Feder, FSE) et dont le contenu se rapproche de celui d'un DOCUP actuel (analyse situation,

priorités stratégiques, axes retenues, plan de financement, mise en oeuvre)

- Flexibilité sur la gestion financière qui se

fera uniquement au niveaux des axes prioritaires

- Simplification du processus

décisionnel et de programmation

au niveau de l'Etat membre par la

suppression du complément de

programmation

- Plus grande souplesse dans la

gestion des PO75(*), en particulier la

gestion financière de l'ensemble des

ressources

- Cette réelle simplification pour les

autorités de gestion pose la question

du degré d'information nécessaire

à fournir dans les PO afin que les

futurs porteurs de projets puissent s'y

retrouver

- Cette simplification doit

s'accompagner d'une importante

communication auprès des porteurs

sur les possibilités de financement

ouvertes dans les PO.

Participation

financière

- Nécessité de mettre en cohérence un plan financier annuel au

niveau des axes et un plan

global pluriannuel au niveau

des mesures (montants, taux)

- Règles communes d'éligibilité des dépenses réglées au

niveau communautaire par

les règlements détaillés de la

Commission (Reg (CE)

n°1685/2000 pour les Fonds

structurels

- Choix de participation des

Fonds par rapport au coût

total du programme ou des

dépenses publiques, posant

ensuite des problèmes de

gestion (surtout pour la

Commission)

- Participation des Fonds (taux de cofinancement) fixée au niveau de l'axe prioritaire + Disparition des taux par mesures

et mise en oeuvre d'un seul

taux par axe

- Règles nationales pour l'éligibilité sauf

exceptions prévues explicitement dans

les règlements par Fonds

- Participation de Fonds par rapport à l'ensemble des dépenses publiques d'un programme

- Souplesse accrue dans la gestion

financière des PO et suivi facilité

des PO pour l'ensemble des

intervenants

- Simplification des règles

d'éligibilité ce qui facilitera la mise

en oeuvre des programmes et

évitera des conflits entre règles

nationales et communautaires

- Cette évolution permet une plus grande flexibilité au sein d'un axe, ce qui n'était pas possible avec une

déclinaison par mesure.

- La définition nationale des règles

d'éligibilité n'est pas, s'agissant du

FSE, une avancée importante, dans la

mesure où, par exemple, les coûts

forfaitaires demeurent inégibles

(remboursement de dépenses réelles -

article 76 règlement général -) + de

nombreuses règles actuelles

d'éligibilité ne sont pas applicables

au FSE

- Le calcul de la participation des

fonds par rapport aux seules

contreparties publiques peut avoir des

effets pervers de démobilisation des

partenaires privés.

Gestion et contrôle

- La définition des fonctions et des tâches des principales autorités est faite dans deux

règlements (Reg (CE)

1260/1999 du Conseil et Reg

(CE) n° 438/2001de la

Commission pour les Fonds

structurels, Reg (CE) 1164/94

du Conseil et Reg (CE)

1386/2002 de la Commission

pour le Fonds de cohésion)

- Les mêmes règles

applicables aux systèmes de

gestion et de contrôle pour

tous les programmes quelque

soit le niveau de financement

communautaire

- Les procédures relatives aux

rapports et leur lien avec la

gestion financière sont peu

claires

- Les fonctions des trois principales autorités et les responsabilités des Etats

membres et de la Commission sont clairement définies dans le règlement général (gestion, certification, audit).

- La conformité/fiabilité des systèmes de gestion et de contrôle est attestée en début de programmation par un

organisme de l'Etat membre indépendant selon les règles établies dans le nouveau règlement Conseil + Etablissement d'une

stratégie d'audit nationale permettant d'aboutir à une assurance annuelle et

finale sur les systèmes en place

- Les règles applicables aux systèmes de gestion et de contrôle sont proportionnées au montant

et à l'intensité de la participation

communautaire dans les programmes

- Procédure clarifiée pour les rapports annuels et le rapport final

- Dès le début de la période de

programmation les obligations et

responsabilités incombant à chacun

des acteurs sont clarifiées.

- Mise en cohérence dès le début de

la période de programmation du

travail d'audit et de contrôle

permettant d'éviter des redondances

entre les travaux des Etats membres

et de la Commission et donnant une

garantie à la Commission sur les

systèmes dès le début de la

programmation (exigence de la

gestion partagée)

- La simplification n'est pas évidente dans la mesure où un PO ne pourra pas être mis en oeuvre sans la validation du système de gestion

par l'autorité d'audit (CICC). Cette

validation préalable peut être vécue

comme une contrainte supplémentaire.

- La procédure des rapports annuels

reste lourde et s'ajoutera à l'exercice

de rapports annuels ou triennals sur

le cadre stratégique national.

Source : www.travail.gouv.fr/FSE/pdf/Comp%20Entre%20Periodes.pdf

Avec cette nouvelle unité de spécialité, s'exprime indiscutablement un souci de cohérence et de simplification de la nouvelle nomenclature budgétaire dont l'analyse ci dessus permet de rendre compte.

II. La recomposition des dotations et subventions nationales

«Avec un déficit des administrations publiques égal ou supérieur à 3 % du PIB pour la quatrième année consécutive en 2005, notre pays - à l'instar des autres principales économies de l'Union européenne - a beaucoup de peine à respecter la norme du Pacte de stabilité et de croissance. Conséquence de ces déficits mal maîtrisés, la France a même, elle aussi, franchi depuis 2003 la barre des 60 % du PIB en matière d'endettement public, autre engagement non tenu. Au-delà de la contrainte européenne, la part des prélèvements obligatoires consacrée au service de cette dette (14 % du budget général de l'Etat en 2005) est de plus en plus élevée. Ainsi, si l'emprunt n'a en soi rien de condamnable lorsqu'il s'agit de financer des investissements publics dont bénéficieront aussi les générations futures sur lesquelles pèsera la charge du remboursement, il ne peut constituer durablement une source de financement des dépenses courantes pour la protection sociale comme pour l'Etat. On peut donc aujourd'hui s'accorder sur la nécessité d'un assainissement»76(*).

Personne ne souhaite payer plus qu'il n'est nécessaire. S'agissant du financement des dépenses collectives - et donc des prélèvements obligatoires (impôts, cotisations sociales) - il est donc légitime, et même souhaitable, que soient évaluées et éventuellement réorientées les politiques publiques comme il est naturellement fondé que ceux qui participent à leur financement, les particuliers comme les entreprises, se montrent exigeants en matière de résultats. La plus grande efficacité des dépenses publiques est ainsi essentielle et il est justifié que soient recherchés, dans des termes convenables pour les personnels et les publics concernés, les moyens de maîtriser les coûts de gestion des prélèvements comme des services rendus et des prestations servies. De même, les actions et les prestations qui constituent cette dépense publique doivent être constamment adaptées en fonction de leur efficacité et de l'évolution des besoins. En effet, un haut niveau de prélèvements ne garantit en rien qu'ils soient toujours favorables à la croissance économique et à la justice sociale. Abordé sous cet angle, chacun comprend que la véritable problématique est bien de s'assurer de l'utilité et de l'efficience des actions et des prestations qu'ils servent à financer : contribution des investissements publics et du fonctionnement des services publics (formation, infrastructures, recherche-développement...), à la création d'un environnement favorable aux entreprises, à l'activité économique en général et à l'emploi en particulier ; efficacité du système de protection sociale au sens large pour maintenir et développer la cohésion sociale, qui est à la fois un but en elle-même mais permet également de garantir une certaine stabilité et peut constituer une source de retombées économiques positives ; rôle, enfin, joué par les prélèvements fiscaux et sociaux pour inciter les agents économiques à des comportements favorables à ces objectifs d'efficacité économique et de progrès social.

Les prélèvements obligatoires sont avant tout l'expression de choix politiques fondamentaux sur le degré de socialisation de la satisfaction des besoins, présents ou à venir, et de mutualisation des risques. Encore faut-il que les citoyens disposent des éléments d'information leur permettant de comprendre l'élaboration de ces choix pour y contribuer en toute connaissance de cause. Cependant et ainsi évoquées ces questions ne peuvent être abordées sans parler de la contrainte forte que représente la situation des finances publiques assurément devenue une source majeure de préoccupation. A fortiori si l'on songe à cette contradiction affirmer vouloir, simultanément, diminuer le déficit public (donc, à terme, l'endettement), maintenir globalement le niveau des dépenses et réduire les ressources fiscales.

C'est en s'appuyant sur ces éléments liminaires qui entrent en résonance avec la dimension européenne précédemment évoquée, que doit être constatée la réduction de la participation étatique directe (A) et l'amoindrissement de l'implication étatique indirecte (B), contraintes budgétaires supplémentaires sur la pérennisation des dispositifs publiques sociaux curatifs.

A. La réduction de la participation étatique directe

Parler en ces termes de la participation étatique dans les budgets des collectivités territoriales c'est dire une demi-vérité, en ce sens que la réduction de cette participation «directe» n'est pas immédiatement identifiable comme on va pouvoir le constater.

Ainsi introduit, il convient donc de faire un rapide tour d'horizon de la participation de l'Etat dans les budgets des collectivités territoriales.

Tableau d'ensemble des concours financiers de l'État aux collectivités locales

(en millions d'euros)

2004 2005 2005/ 2006 2006/

(LFI77(*)) LFI 2004 LFI 2005

1 . Dotations et subventions de fonctionnement

· Dotation globale de fonctionnement totale 36 826 37 095(5) +0,7% 38 250 +3,1%

- DGF hors majorations exceptionnelles 36 775 37 085 +0,8% 38 106

- ajustement DSU, DSR et DNP (1) 36 -11

- majoration exceptionnelle de la dotation d'aménagement 15 10

- majoration de la DGF des départements 155(7)

· Dotation spéciale instituteurs 188 165 -12,4% 136 -17,5%

· Dotation élu local 47 49 +3,3% 61 +24,2%

· Subventions de divers ministères (8) 892 902 +1,1%

Compensation des pertes de bases et redevances des mines 138 138 +0,0% 164 +18,8%

Fonds d'aide pour le relogement d'urgence (FARU) 20

Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion 100

Total 38 091 38 348 +0,7% 38 730 +1,0%

2 . Dotations et subventions d'équipement (autorisations de programme)

· Dotation globale d'équipement 904 932 +3,0% 770 -17,3%

· Dotation de développement rural 116 120 +3,0% 124 +4,0%

· Fonds de compensation de la TVA 3 710 3 791 +2,2% 4 030 +6,3%

· Prélèvement au titre des amendes forfaitaires de la circulation 500 560 +12,0% 620 +10,7%

· Subventions de divers ministères (investissement + fonctionnement) (8) 1 124 1 006 -10,5% 1 767 +75,6%

· Comptes spéciaux du Trésor 37 37 +0,0% 0 -100,0%

Total 6 392 6 445 +0,8% 7 311 +13,4%

3 . Financement des transferts de compétences

· Dotation générale de décentralisation (3) 797 858 +7,7% 1 032 +20,3%

· Dotation relative à la formation professionnelle 1 862 2 053 +10,3% 1 611 -21,5%

· Dotation régionale et départementale d'équipement scolaire et des collèges 895 921 +3,0% 958 +4,0%

· Dotation générale de décentralisation Corse 245 257 +4,9% 265 +3,1%

Total 3 799 4 089 +7,6% 3 867 -5,5%

( pour mémoire : fiscalité transférée ) 11 365 13 124 14 914

4 . Compensations d'exonérations et de dégrèvements législatifs

· Dotation de compensation de la TP (hors REI et hors ajustement Pantin) 1 370 1 224 -10,7% 1 116 -8,8%

· Réduction pour embauche et investissement 122 78 -35,9% 78 +0,1%

Majoration exceptionnelle au titre du règlement de Pantin pour la fraction de 36 18 -50,0% -100,0%

· Contrepartie de l'exonération de la taxe sur le foncier bâti et non bâti

· Compensation des exonérations relatives à la fiscalité locale 2 207 2 485 +12,6% 2 699 +8,6%

· Contrepartie de divers dégrèvements législatifs 8 028 8 625 +7,4% 10 717 +24,3%

· Compensation de la suppression d'impôts locaux depuis 1999 (3)

suppression de la part salaires des bases de TP 109(4) 113(4) +3,7% 116(4) +2,7%

Total (hors suppressions d'impôts compensées par la DGD) 11 871 12 543 +5,7% 14 726 +17,4%

Total général hors fiscalité transférée 60 153 61 426 +2,1% 64 634 +5,2%

(1) Pour 2005 : -10,5M€ au profit de la dotation élu local. (2) Après mouvements entre prélèvements sur recettes et dotations budgétaires, élargissement du périmètre de la DGF et budgétisation du FNPTP/FNP introduits par la LFI pour 2004. (3) L'essentiel étant basculé dans la DGF par la LFI 2004. (4) Au profit des FDPTP (5) Avant débasage de 880 M€ parallèlement à l'affectation de la taxe sur les conventions d'assurance aux départements (6) suppression du FNDS en PLF 2006 (7) compensations liées à la suppression de la DGE des départements (187,5M€) + abondement relatif à la part de l'Etat au titre de l'allocation vétérance des sapeurs-pompiers volontaires (10M€) - reprise liée à la recentralisation des dépenses sanitaires (-42M€). (8) à compter de 2006, la distinction fonctionnement/équipement n'est plus opérée pour ces subventions.

Source : Direction générale des collectivités locales/DESL. Mise en ligne : janvier 2006

Comme on peut le constater à l'analyse du présent tableau, l'évolution sur la période 2005-2006 montre globalement un accroissement significatif des concours financiers de l'Etat vers les collectivités locales.

Notons cependant d'ores et déjà que le présent tableau présente indistinctement les collectivités locales, ne permettant pas une réelle évaluation par types de collectivités : régions, départements, EPCI, communes, ...

Par ailleurs si la situation apparaît globalement comme positive, l'élément attirant immédiatement l'oeil est la baisse significative du financement des transferts de compétences. En effet, on voit apparaître une baisse de -5,5% dans le montant total correspondant au financement du transfert des charges de compétences. Or, même si la variation reste limitée, cette dernière doit être appréciée à l'aune de deux série d'éléments :

- premièrement le fait que l'acte II de la décentralisation n'ait pas encore atteint le point culminant de son coût, la charge du transfert des routes, du personnel en général et en particulier restant à apprécier ;

- deuxièmement la hausse constante et continue du poids de l'APA et surtout du RMI78(*) et le défaut de compensation afférant à ses augmentations, interpellent depuis 2 ans et demi maintenant les élus locaux, qui à ce jour sont toujours dans l'attente des compensations promises.

Un tableau présentant l'évolution des allocataires des minima sociaux entre 2003 et 2004, permet de mieux saisir toute l'importance du propos et d'évaluer les conséquences d'un amoindrissement ou d'une réduction de la participation de étatique directe

 

Allocataires

2003

Allocataires

2004

Évolution

2004-2003 en %

Allocation d'insertion (Ai)

47 200

47 200

0,0

Allocation veuvage

12 200

11 300

-7,4

Allocation supplémentaire d'invalidité

111 200

111 500

0,3

Allocation de parent isolé (Api)*

170 044

175 648

3,3

Allocation aux adultes handicapés (Aah)

741 211

760 100

2,5

Allocation supplémentaire vieillesse (Fsv)

557 624

547 517

-1,8

Revenu minimum d'insertion (Rmi)

998 645

1 083 880

8,5

Allocation de solidarité spécifique (Ass)

349 200

344 100

-1,5

Allocation équivalent retraite - remplacement (Aer)

27 100

32 700

20,7

Ensemble des minima sociaux en métropole

3014 424

3 113945

3,3

Dom (y compris revenu de solidarité, Rso)

309 521

321 662

3,9

France entière

3323 945

3 435607

3,4

Sources : Cnaf, Msa, Unedic (Fna), Cnamts, Cnav.

Se faisant et tenant compte de ces réalités, le «-5.5%» correspondant au total du défaut de financement de transfert de compétences a tendance à apparaître comme largement sous évalué, rendant dès lors prégnante la question de la pertinence des chiffres avancés par Direction générale des collectivités locales. En effet, si l'on regarde l'évolution des allocataires des minima sociaux pour la période 2003-2004, on constate que l'explosion de leur nombre est très préoccupante, de sorte que le défaut enregistré prend une signification toute différente pour les décideurs locaux et en tête desquels ceux des départements.

A cela s'ajoute comme l'indique le rapport du Sénat n°337 sur la réforme de la politique régionale européenne du 4 Mai 2006 :

«- Une baisse de la dotation française»

Par rapport à la précédente programmation, la dotation française pour 2007-2013 diminue de 25%.

«- L'orientation nouvelle de la politique de cohésion»

La réforme tend à conférer une orientation nouvelle à la politique de cohésion, notamment en ce qui concerne le nouvel objectif 2. En effet, si l'objectif « convergence » vise très classiquement à favoriser le rattrapage économique des territoires en retard de développement, l'objectif 2 «compétitivité régionale et emploi» semble, en revanche, s'éloigner de la logique de cohésion territoriale qui le caractérisait jusqu'à présent. Ce changement d'orientation du nouvel objectif 2 transparaît à la fois :

«- dans la suppression du zonage», qui permettait un ciblage des aides au profit des espaces les moins favorisés ;

«- dans la recommandation de fléchage des crédits vers des interventions contribuant à la réalisation de la stratégie de Lisbonne», dans des domaines (tels que l'innovation et la recherche), pour lesquels les territoires les moins développés comptent a priori peu d'atouts. Plus généralement, l'intégration de la stratégie de Lisbonne dans la politique régionale met en avant des préoccupations générales de croissance, de compétitivité et d'emploi qui semblent d'abord s'adresser aux territoires les plus dynamiques.

«- Moins de crédits européens pour les zones rurales»

Pour les zones rurales, la manne des fonds structurels risque d'être à l'avenir moins importante. A la suppression du zonage et à la baisse globale des financements disponibles, il convient, en effet, d'ajouter le transfert, à compter du 1er janvier 2007, des mesures financées jusqu'à présent par le FEOGA-O (notamment à travers le programme Leader +) à un fonds, le FEADER, relevant de la PAC et qui risque, comme tel, d'avoir une approche principalement agricole.

En outre, la dotation du FEADER pour 2007-2013 est insuffisante et un seul de ses quatre axes traitera de la diversification économique en milieu rural. Apparaît ainsi bien une baisse de la participation étatique directe

B. L'amoindrissement de l'implication étatique indirecte

Cette amoindrissement se mesure à l'aune de l'analyse du programme 177 du projet de loi de finance pour la période 2006 intitulé : politiques en faveur de l'inclusion sociale. Pour bien comprendre le propos, il convient cependant de se replacer dans le cadre de la LOLF. La nomenclature budgétaire en mode LOLF fait clairement apparaître les politiques publiques, permet de suivre la destination des crédits, et met en regard de ceux-ci un volet performance inédit dans notre pays. Le budget général comprend ainsi 34 missions79(*), 132 programmes80(*), sous la direction de 80 responsables de programme, et 614 actions. À cela s'ajoutent 3 budgets annexes et 12 comptes spéciaux soit 15 missions et 26 programmes hors budget général.

Chaque programme dispose de 5 à 10 objectifs et à chaque objectif correspond un ou deux indicateurs. Au total, le budget 2006 comprend ainsi 630 objectifs et 1 300 indicateurs dont les quatre cinquièmes sont chiffrés, alors que le Gouvernement s'était engagé à en renseigner les deux tiers. La LOLF vient enrichir l'information budgétaire. Cela se voit dans les annexes au projet de loi de finances et notamment les nouveaux bleus budgétaires, qui pour chaque programme d'une même mission, présentent :

- le détail des crédits en action (nomenclature expliquant la destination de la dépense) et par titre et catégorie (nomenclature montrant la nature de la dépense) ;

- la présentation des dépenses fiscales rattachées au programme ainsi que leur évaluation ; cette ventilation des dépenses fiscales entre programmes permet de bien identifier l'effort consacré par l'État à chaque politique publique ;

- le projet annuel de performances qui présente : le programme, ses actions et la stratégie du responsable de programme ; ses objectifs et indicateurs ; la justification au premier euro des crédits demandés qui permettra d'expliciter les crédits soumis au vote du Parlement et d'apprécier la sincérité de la loi de finances ; les principaux opérateurs de l'État dont l'action est liée au programme, ainsi que leurs emplois ; les coûts des actions associées à ce programme afin de montrer l'ensemble des coûts de chaque action, y compris ceux pris en charge par d'autres programmes, notamment pour les fonctions de soutien.

C'est à une véritable révolution/modernisation budgétaire à laquelle on assiste ; laquelle oblige dès lors à un effort d'analyse renforcé pour mettre en lumière l'amoindrissement discret de la participation financière de l'Etat dans les politiques publiques, notamment en matière d'inclusion sociale.

Le programme 177 dans sa présentation générale ne donne pas à voir une quelconque réduction des fonds octroyés par l'Etat au titre de la lutte contre l'exclusion. En effet, on observe ainsi:

Présentation par action et titre des crédits demandés pour 2006

Autorisations d'engagement

Numéro et intitulé de l'action / sous-

action

Titre 3

Dépenses de

fonctionnement

Titre 6

Dépenses

d'intervention

Total

Pour

2006

Fonds

de concours

attendus en 2006

01 Prévention de l'exclusion

 

60.008.274

60.008.274

 

02 Actions en faveur des plus vulnérables

 

740.863.460

740.863.460

12.200.000

03 Conduite et animation de la politique de lutte contre l'exclusion

1.660.963

30.387.303

32.048.266

 

04 Rapatriés

 

177.800.000

177.800.000

 

Totaux

1.660.963

1.009.059.037

1.010.720.000

12.200.000

Crédits de paiement

Numéro et intitulé de l'action / sous-action

Titre 3

Dépenses de

fonctionnement

Titre 6

Dépenses

d'intervention

Total

pour

2006

Fonds

de concours

attendus en 2006

01 Prévention de l'exclusion

 

60.008.274

60.008.274

 

02 Actions en faveur des plus vulnérables

 

741.115.245

741.115.245

12.200.000

03 Conduite et animation de la politique

de lutte contre l'exclusion

1.660.963

30.167.303

31.828.266

 

04 Rapatriés

 

177.800.000

177.800.000

 

Totaux

1.660.963

1.009.090.822

1.010.751.785

12.200.000

On constate qu'entre les autorisations et les crédits de paiements une différence minime apparaît. Cependant, ce seul élément ne permet évidemment pas d'attester l'existence d'un amoindrissement de la participation indirecte au financement des dispositifs sociaux curatifs déjà mis en place. Par contre, le tableau suivant présentant les crédits par titre et catégorie lui le permet :

Présentation des crédits par titre et catégorie

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Titre et catégorie

Consommées en

2004

Ouvertes en LFI

pour 2005

Demandées

pour 2006

Consommées en 2004

Ouvertes en LFI

pour 2005

Demandées

pour 2006

Titre 3. Dépenses de fonctionnement

 

1.660.963

1.660.963

 

1.660.963

1.660.963

Dépenses de fonctionnement autres que celles de

personnel

 

2.000

2.000

 

2.000

2.000

Subventions pour charges de service public

 

1.658.963

1.658.963

 

1.658.963

1.658.963

Titre 6. Dépenses d'intervention

 

865.213.122

1.009.090.822

 

867.691.122

1.009.059.037

Transferts aux ménages

 

92.265.710

208.965.710

 

92.265.710

208.965.695

Transferts aux entreprises

 

8.000.000

9.500.000

 

8.000.000

9.500.000

Transferts aux collectivités territoriales

 

5.376.154

6.043.934

 

7.882.382

6.050.103

Transferts aux autres collectivités

 

759.571.258

784.581.178

 

759.543.030

784.543.239

Totaux hors fonds de concours prévus

 

866.874.085

1.010.751.785

 

869.352.085

1.010.720.000

Fonds de concours

 
 

12.200.000

 
 

12.200.000

Totaux y compris fonds de concours prévus

 

866.874.085

1.022.951.785

 

869.352.085

1.022.920.000

Ce qui intéressant dans ce tableau c'est bien entendu de pouvoir constater la baisse que connaissent les transferts aux collectivités territoriales au sein du PLF 2006, dans la programmation relative à l'inclusion sociale témoignant pour le coup d'un amoindrissement plus que sensible de la participation de l'Etat, celle-ci passant de 7.882.382 euros à 6.050.103 soit une baisse de -30%. Il apparaît donc bel et bien que l'Etat amoindrit indirectement sa participation.

III. Le dépérissement des leviers fiscaux locaux

«Trop d'impôts tue l'impôt»81(*)

L'économiste américain Arthur Laffer, à la fin des années 1970, avait émis cette idée et avait tenté de théoriser ce qu'il nommait «l'allergie fiscale», à l'aide de la courbe82(*) qui porte son nom et qui veut montrer qu'à partir d'un certain montant, les prélèvements obligatoires incitent les contribuables, soit à réduire leurs activités, soit à frauder. Cette idée anciennement développée par d'autres économistes libéraux comme Adam Smith83(*)  ou encore Jean-Baptiste Say84(*) applicable à l'impôt sur le revenu peut trouver une certaine «continuation» dans l'analyse qui peut être faite de la pression fiscale locale.

Il arrive ainsi un moment où le taux d'imposition arrive à un seuil au delà duquel il ne doit plus augmenter sous peine d'inciter les individus à ne plus travailler car leurs revenus supplémentaires servent à payer l'impôt. Transposé aux impôts locaux, cela revient à dire, qu'il est seuil au delà duquel les collectivités ne peuvent plus faire augmenter l'impôt (taxe d'habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties, taxe foncière sur les propriétés non bâties, taxe professionnelle) parce que la pression fiscale serait alors contre productive en terme d'attractivité. Ce qui revient à montrer la factualité de la logique lafferienne (A), sur laquelle s'articule la résidualité des marges de manoeuvres (B) juste prolongement des propos qui précédent.

A. La factualité de la logique lafferienne

Pour saisir le propos qui va suivre, il convient de présenter quelques données chiffrées aptes à rendre plus intelligible la démarche sous tendant la mise en exergue du caractère factuel et opératoire de la logique lafferienne. Au regard de ces données doit ainsi apparaître le fait qu'aujourd'hui, le système fiscal local et les taux qui lui sont associés ne peuvent plus être ré-haussée sous peine, de devenir contre productifs.

Évolution des taux d'imposition par type de collectivités en % (métropole)

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 Taux 2005

Communes

taxe d'habitation + 4,2 + 1,0 + 0,7 + 0,2 - 0,5 + 0,5 + 1,7 + 1,4 +1,5 +1,4 13,66

foncier bâti + 4,1 + 1,0 + 0,7 + 0,2 - 0,4 + 0,4 + 1,7 + 1,5 +1,5 +1,1 17,47

foncier non bâti + 0,9 - 0,2 + 0,1 + 0,0 + 0,1 + 1,0 + 1,3 + 1,0 +1,1 +0,4 38,7

taxe professionnelle + 3,3 + 1,0 + 0,6 + 0,1 - 0,4 + 0,5 + 1,6 + 1,6 +1,0 +0,2 12,34

Communes et groupements

taxe d'habitation + 4,5 + 1,5 + 1,1 + 0,4 - 0,3 + 0,7 + 1,9 + 1,6 +1,2 +1,1 14,29

foncier bâti + 4,5 + 1,5 + 1,1 + 0,4 - 0,2 + 0,6 + 1,9 + 1,7 +1,2 +1,1 18,22

foncier non bâti + 1,9 + 1,1 + 0,8 + 0,6 + 0,3 + 1,0 + 1,9 + 1,4 +1,1 +1,0 43,61

taxe professionnelle + 3,4 + 1,6 + 0,9 + 0,5 + 0,0 + 0,7 + 1,4 + 1,4 +1,4 +1,1 15,44

Départements85(*)

taxe d'habitation + 3,6 + 1,4 + 0,8 + 0,5 - 0,4 - 0,9 + 3,2 + 3,5 +1,2 +3,9 6,60

foncier bâti + 3,5 + 1,3 + 0,7 + 0,7 - 0,2 - 0,2 + 3,7 + 3,7 +1,1 +4,3 9,21

foncier non bâti - 10,2 + 0,9 + 0,7 + 0,5 + 0,3 - 0,3 + 3,4 + 3,8 +0,8 +3,8 22,54

taxe professionnelle + 3,6 + 1,3 + 0,7 + 0,6 - 0,1 - 0,6 + 3,5 + 4,3 +1,3 +4,7 7,82

Régions

taxe d'habitation + 4,3 - 1,1 - 0,4 + 0,0 + 2,7 s.o. s.o. s.o. s.o. s.o. s.o.

foncier bâti + 3,6 - 0,8 - 0,4 + 0,3 + 2,3 + 0,9 + 0,3 + 0,2 +0,3 +20,0 2,38

foncier non bâti + 1,6 - 1,8 - 0,4 + 1,3 + 4,9 + 1,5 + 0,1 + 0,2 +0,3 +16,1 5,93

taxe professionnelle + 3,8 - 0,9 - 0,4 + 0,4 + 2,8 + 1,0 + 0,3 + 0,2 +0,5 +21,8 2,48

Source : Direction générale des collectivités locales/DESL. Mise en ligne : janvier 2006

Evolution des taux d'imposition en 2005 (France entière)

Taux moyen Evolution

en % en %

Départements ensemble des 4 taxes + 4,3

taxe d'habitation 6,61 + 3,8

foncier bâti 9,27 + 4,2

foncier non bâti 22,18 + 3,7

taxe professionnelle 7,81 + 4,6

Régions ensemble des 4 taxes + 21,0

taxe d'habitation s.o. -

foncier bâti 2,39 + 19,9

foncier non bâti 5,79 + 15,9

taxe professionnelle 2,48 + 21,7

Source : Direction générale des collectivités locales/DESL. Mise en ligne : janvier 2006

En 2005, les départements et les régions ont décidé d'augmenter leurs taux respectivement de + 4,3 % et de + 21,0 %. Notons qu'en l'absence de taxe d'habitation la fiscalité régionale touche peu les ménages, les propriétaires et les entreprises sont plus directement concernés.

«Les départements ont voté un produit de 16,66 milliards d'euros soit une augmentation de 1,22 milliard d'euros et les régions ont voté un produit total de fiscalité de 3,94 milliards d'euros soit une augmentation de 0,78 milliard d'euros. Cette évolution est surtout sensible pour la taxe professionnelle qui connaît une variation de taux de + 4,6 % pour les départements et de + 21,7 % pour les régions. Ces évolutions interviennent après des années de croissance régulière et modérée des taux départementaux et régionaux. Les départements et les régions ont eu davantage recours à la «déliaison» des taux en 2005, ce qui explique entre autre la concentration de la hausse de la fiscalité sur la taxe professionnelle. En 2005, 71 départements et 22 régions ont augmenté leur taux de taxe professionnelle contre 38 départements et 3 régions l'année précédente. Les évolutions enregistrées dans les départements et les régions sont néanmoins à apprécier en regard de la part que représentent les produits fiscaux de ces collectivités dans le produit global de fiscalité directe. Ainsi, l'évolution des taux régionaux implique en moyenne pour le contribuable à la taxe sur le foncier bâti un supplément d'impôt de 21€.»86(*).

Ces évolutions de la fiscalité interviennent dans un contexte de mutations pour les départements et les régions dont les budgets connaissent une forte croissance. Ces collectivités augmentent leurs taux de fiscalité afin de se préserver une marge de manoeuvre en perspective des nouvelles compétences qu'elles s'apprêtent à exercer (loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales) ou de la montée en charge des compétences anciennement dévolues. Ce qui est tout à fait significatif à la lecture de ces chiffres c'est :

- la montée quasi constante de ces taux (cf. Évolution des taux d'imposition par type de collectivités en %),

- le niveau atteint par les taux et tout particulièrement celui de la taxe professionnel, dont on peut d'ores et déjà dire sans empiéter sur les développement ultérieurs qu'il semble atteindre un pallier au dessous duquel il serait contre productif de se situer et d'aller.

A cela s'ajoute la remarque suivante qui constitue finalement la conclusion de la démonstration, l'augmentation d'un point de l'impôt représente à son terme qu'une levée de 2 millions d'euros relativisant ainsi de beaucoup l'impact supposé d'une hausse significative des taux d'impositions.

B. La résidualité des marges de manoeuvres

La marge de manoeuvre fiscale des collectivités locales peut se définire comme «la capacité des collectivités d'influencer le montant de leurs recettes fiscales en votant les taux de leurs impôts»87(*). Plus les impôts considérés représentent une part importante des recettes des collectivités locales, plus la marge de manoeuvre fiscale est grande. La part des recettes fiscales correspondant à des impôts dont les collectivités locales votent les taux, rapportée aux recettes totales hors emprunt des collectivités locales françaises, est importante comparée à celle des autres pays de l'Union européenne.

Ainsi en 1995, une étude réalisée par le Crédit local de France faisait apparaître «qu'au sein de l'Union européenne, seules les collectivités suédoises avaient une marge de manoeuvre fiscale (60 %) supérieure à la situation des collectivités françaises (54 %)».

En revanche, les modalités du vote des taux par les collectivités locales françaises correspondent aux pratiques en vigueur dans l'Union européenne. Il apparaît en effet que plus la possibilité de voter les taux s'applique à une fraction importante des recettes fiscales des collectivités locales, plus la liberté de voter les taux est encadrée :

- la Belgique, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne accordent une liberté totale en matière de vote des taux, mais les impôts concernés représentent moins de la moitié des recettes fiscales des collectivités ;

- à l'inverse, au Danemark et en Italie, les collectivités votent les taux de la plupart des impôts qu'elles perçoivent, mais leur liberté en matière de vote des taux est encadrée par des mécanismes de plafonnement des taux ;

- l'Allemagne a le régime le plus restrictif puisque les collectivités locales supportent un encadrement des taux alors que les impôts concernés ne représentent qu'une faible part de leurs recettes fiscales. A l'inverse, en Espagne, les collectivités votent librement les taux d'impôts qui représentent près de 60 % de leurs recettes fiscales totales.

La situation de la France s'apparente à celle du Danemark et de l'Italie. Le produit des quatre taxes directes locales représentait en 200488(*) environ 70 % du total des recettes fiscales des collectivités, respectivement : 73.9 % pour les communes et groupements, 75.3% pour les départements, 66.1% pour les régions. Cependant, la liberté des collectivités locales de voter les taux de leurs impôts connaît des limites89(*).

Se faisant, on se rend compte que les collectivités locales n'utilisent pas toujours la possibilité de faire varier librement les taux de leurs impôts directs qui leur a été conférée90(*) et continuent souvent, comme auparavant, à faire varier l'ensemble des taux dans les mêmes proportions.

Si les collectivités locales sont contraintes en matière de fixation des taux, elles utilisent largement leur capacité de prendre des délibérations pour accorder aux contribuables locaux des exonérations. En matière de taxe d'habitation, 6.894 communes ont décidé en 1999 un abattement général à la base de 15 %, alors même que le code général des impôts accorde déjà des exonérations et des dégrèvements très larges pour les contribuables modestes. Concernant la taxe professionnelle, 10.372 communes, 67 départements et 14 régions ont opté pour l'exonération de taxe professionnelle en cas de création d'entreprises industrielles dans les zonages d'aménagement du territoire. A l'inverse, très peu de communes utilisent leur possibilité de revenir sur des exonérations accordées par la loi (seulement 18 ont supprimé l'exonération de taxe professionnelle dans les zones de revitalisation rurales)91(*). Ces données méritent d'être soulignées car elles témoignent du fait que les collectivités utilisent les facultés qui leurs sont accordées en matière de fiscalité, quand bien même les exonérations qu'elles accordent ne font pas l'objet d'une compensation financière de la part de l'Etat.

On observe donc bien le fait que la marge de manoeuvre fiscale des collectivités locales françaises tend à se réduire. Jusqu'à ces dernières années, il était aisé d'identifier le produit des impôts directs locaux, qui correspondait au produit perçu par les collectivités locales, qu'il soit acquitté par les contribuables ou par l'Etat, qui prend en charge les dégrèvements. Les compensations étaient d'une nature différente, distincte des ressources fiscales. Aujourd'hui, les compensations ne sont plus un phénomène marginal. «Le caractère massif du remplacement de recettes fiscales locales par des compensations se traduit par un brouillage de la ligne de partage entre fiscalité et compensations»92(*).

Au cours du temps, l'Etat a été amené à décider d'un certain nombre d'allégements dont il a pris à son compte l'essentiel de la charge, ses contributions ont ainsi pris deux formes :

- les dégrèvements : l'État se substitue à certains contribuables pour régler tout ou partie de leur cotisation due aux collectivités et incluse dans le produit fiscal qu'elles ont voté. Une partie de ce montant est néanmoins financée par les contribuables aux quatre taxes au titre des frais de dégrèvement, et n'est donc pas à la charge de l'État.

- les allocations compensatrices, versées en complément du produit des quatre taxes pour compenser les pertes de produit fiscal entraînées par les exonérations. Les collectivités n'ont pas la maîtrise de cette ressource.

Se faisant l'expression «fiscalité locale» tend à devenir un terme générique qui englobe non seulement le produit des impôts locaux mais également les compensations, qui ne sont pourtant plus des recettes fiscales puisque leur montant n'évolue ni en fonction des taux, ni des bases des impôts locaux, rendant ipso facto évidente : la résidualité des marges de manoeuvres fiscales des collectivités locales.

Chapitre 2nd : L'établissement d'une sur-responsabilisation

Voici, dans mes vieilles idées, le grand problème en politique que je compare à celui de la quadrature du cercle en géométrie et à celui des longitudes en astronomie : trouver une forme de gouvernement qui mette la loi au-dessus de l'homme

Rousseau, 1827

L'Union européenne - et les acteurs politiques et sociaux qui influencent, conduisent ou mettent en oeuvre son action - a aujourd'hui à sa disposition 4 grandes méthodes pour produire une action en matière sociale à l'égard des Etats membres : le droit européen classique (directives et règlements), le droit européen conventionnel issu du Dialogue social (les accords européens), les méthodes ouvertes de coordination (MOC) et les instruments financiers (le Fonds social européen, FSE). Ces méthodes sont de nature très différente, se distinguant entre elles notamment par leur historicité - certains datent de l'origine (droit classique et FSE), d'autres des années 90 (droit conventionnel et MOC) -, par leur portée juridique - contraignante (droit classique et droit conventionnel) ou incitative (MOC et FSE), distributive (FSE) ou «régulatoire» (les trois autres) -, par les configurations d'acteurs qui y sont associés, formellement et factuellement (le rôle que remplissent les partenaires sociaux, dans leurs formes organisationnelles nationales ou européennes, n'est par exemple pas du tout le même selon les instruments pris en considération).

Traitant de la question de l'européanisation de la politique sociale française, et surtout de l'inclusion sociale et de son impact sur la transformation de la collectivité territoriale en «collectivité providence», il est apparu intéressant d'adjoindre à la question classique du rapport entre système politique national et système politique européen, la prise en compte d'une variable peu/pas examinée dans la littérature existante sur «l'Europe sociale»: la question de l'impact de l'établissement d'une responsabilisation des acteurs publiques nationaux et locaux différenciée, produite par l'Union Européenne. La nature tout à fait novatrice de la méthode mise en oeuvre à l'occasion de la stratégie de Lisbonne, sur la thématique de l'inclusion sociale offre une occasion tout à fait singulière de traiter cet aspect-ci d'une politique publique.

L'objectif central va donc être ici de repérer s'il existe des différences significatives dans les modes et les contenus de responsabilité publique qui sont produites au niveau européen et "réceptionnés" au niveau national, en rapport avec la thématique retenue de l'inclusion sociale, selon que cette action passe par le canal du droit européen classique, du droit européen conventionnel, de la MOC ou du FSE. Dans le traitement de la question de l'européanisation de la politique sociale française sur le volet «inclusion», il s'agira de mettre en évidence non seulement les impacts sur la politique sociale nationale de l'action publique en matière sociale issue du niveau européen mais aussi les co-évolutions entre les initiatives politiques prises en matière sociale au plan national et local. En effet, une attention portée uniquement aux phénomènes d'européanisation risque de surdéterminer l'influence de l'action issue de ce niveau de pouvoir aux dépens des évolutions nationales «endogènes». De même, il faut prendre garde à une analyse qui serait uniquement sectorielle de la problématique, qui abstrairait la politique sociale européenne, et son impact sur la politique sociale nationale et locale des autres politiques menées.

Dans la poursuite de cet objectif, seront donc ainsi traités, l'européanisation des politiques sociales européennes (I), donnant lieu, à la production d'une législation nationale coercitive (II), laquelle s'articule sur la territorialisation des enjeux sociaux (III). Ces éléments participants de la compréhension de la «difficile» pérennisation des dispositifs sociaux curatifs.

I. L'Européanisation des politiques publiques sociales

«En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union»93(*)

L'irruption récente de l'Europe comme variable explicative des réformes survenues dans le domaine des politiques sociales constitue un tournant significatif des recherches portant sur l'évolution des États-providence. L'analyse de l'action publique s'est en effet longtemps appuyée sur une double évidence excluant toute influence communautaire dans les politiques sociales. D'une part, les traités européens sont remarquablement clairs sur l'application du principe de subsidiarité dans ce domaine. D'autre part, l'observation des États-providence européens ne permet pas de conclure à leur convergence vers un régime de protection sociale unique. L'hétérogénéité structurelle et institutionnelle dont rend compte la typologie de Gøsta Esping-Andersen94(*) persiste dans les préférences affichées par les États-providence lors de leurs réformes successives, suivant un schéma classique de path dependence95(*).

Au cours des années 1990, la libéralisation concomitante des systèmes de santé européens a cependant soulevé l'hypothèse d'un alignement dynamique des réformes sur un référentiel de marché (Freeman et Moran, 2000, Hassenteufel, 2003). Plus récemment, la notion d'européanisation96(*) des politiques publiques a permis d'envisager l'existence, au niveau européen, d'un processus «d'harmonisation cognitive» (Mandin et Palier, 2004) des réformes nationales, rendu possible par la mise en oeuvre d'un dispositif politique particulier : la méthode ouverte de coordination, mise en place au Conseil européen de Lisbonne en mars 2000 et appliquée dans les domaines de la lutte contre l'exclusion et la protection sociale depuis les sommets de Nice (décembre 2000) et Stockholm (mars 2001). C'est dans cette démarche que sera donc envisagée l'analyse fonctionnelle de l'inclusion sociale (A) s'articulant ensuite avec une analyse séquentielle de l'inclusion sociale (B), propre à mettre en exergue la lente diffusion d'une responsabilité des acteurs (nationaux et locaux) au travers les différents dispositifs mis en place. Ces éléments étant constitutifs d'autant de contrainte dans le processus de pérennisation des actions et dispositifs sociaux curatifs.

A. L'analyse fonctionnelle de l'inclusion sociale

La réduction de la pauvreté est restée, pendant plusieurs dizaines d'années, un objectif diffus des politiques européennes. L'ensemble des mesures communautaires allant dans ce sens depuis la fin des années soixante-dix n'est pourtant pas négligeable ; néanmoins, ce n'est qu'à partir du Conseil européen de Lisbonne en 2000 qu'une véritable politique de lutte prend forme et s'articule autour d'un agenda social formalisé, ouvrant un nouveau cycle de politiques publiques.

Depuis 1957, on observe une évolution considérable du contenu comme des instruments de la politique sociale européenne. Quatre étapes peuvent être identifiées:

-les règlements relatifs à la libre circulation des travailleurs après 1957;

-les directives sur la santé et la sécurité après l'Acte unique européen en 1986 : dans ces domaines, la législation européenne a joué un rôle majeur;

-les accords des partenaires sociaux européens après le traité de Maastricht en 1993;

-la méthode ouverte de coordination visant à mettre en oeuvre la stratégie européenne pour l'emploi après le traité d'Amsterdam en 1997.

Le milieu des années 90 a été caractérisé par l'arrivée de nouveaux États membres dans l'Union : la Suède et la Finlande ont apporté avec elles le modèle scandinave de complémentarité vertueuse entre les politiques économiques, les politiques sociales et les politiques d'emploi.

Marché intérieur Social

Approche intégrée

Economie Politique sociale Economie Emploi

1986-1994 1995-2004

Dès le milieu des années 90, l'UE et ses États membres ont commencé à modifier leur approche de la politique sociale: affirmation de l'emploi comme un objectif, et non plus seulement comme un résultat de la politique économique; attention accrue portée aux politiques sociales en tant qu'investissement (et non seulement en tant que coût), et au rôle «productif» de la politique sociale dans le cadre d'un cercle vertueux combinant flexibilité et sécurité d'emploi, adaptabilité et employabilité. Ceci a entraîné un renforcement significatif de la politique de l'emploi et de la politique sociale européenne à la fois en termes politiques et en dispositions institutionnelles, tout d'abord à Amsterdam avec le titre «Emploi» et l'incorporation du protocole de Maastricht dans le Traité, et ensuite à Lisbonne avec l'affirmation des objectifs intégrés et le lancement de la méthode ouverte de coordination comme nouvel instrument permettant d'aborder les questions de politique sociale.

L'analyse de l'évolution de la politique sociale européenne montre que, malgré les progrès enregistrés, la politique sociale a toujours couru derrière la politique économique. La stratégie de Lisbonne vise à concilier politique économique, politique de l'emploi et politique sociale en les centrant sur les objectifs définis en commun que sont l'amélioration de la compétitivité, la recherche du plein-emploi et la promotion de l'insertion sociale. Le principe sous-jacent est que ces politiques ne sont pas astronomiques, mais qu'elles peuvent se renforcer mutuellement. Compte tenu des incertitudes et des complexités inhérentes à la définition de politiques dans l'Union élargie, la mise en oeuvre adéquate et cohérente de la stratégie de Lisbonne suppose l'incorporation de l'inclusion sociale dans un ensemble plus vaste d'action publique. La nouveauté de cette politique réside principalement dans trois de ses caractéristiques liées. Premièrement, son cadre intellectuel a changé et a intégré plusieurs éléments issus de la pensée programmatique de la «Troisième Voie» (Third Way), promue entre autres par le courant du New Labour en Grande-Bretagne97(*). En simplifiant, l'exclusion sociale y est abordée en termes de responsabilité individuelle, d'où un renforcement des liens entre assistance sociale et contrepartie obligatoire en travail, les politiques de Workfare tendant ainsi à se substituer aux politiques traditionnelles d'assistance par le Welfare-State (Merrien, 2000 : 117).

Le poverty trap ou job trap, c'est-à-dire la «désincitation» à l'emploi dû à un niveau trop élevé de prestations sociales et l'installation durable dans l'assistance d'une partie de la population, est au coeur des politiques d'inclusion sociale qui visent à ramener autant d'individus que possible sur le marché du travail en renforçant les politiques d'activation de l'emploi98(*). Deuxièmement, les politiques d'inclusion sociale sont dotées d'une structure d'exécution inédite, la méthode ouverte de coordination, dont on a posé quelques jalons descriptifs en introduction. La méthode ouverte de coordination avait déjà connu une application dans le cadre de la Stratégie Européenne pour l'Emploi, élaborée au Conseil européen d'Amsterdam en 1997. Toutefois, sa mise en oeuvre était alors fortement associée à une autre politique, l'Unification Européenne Monétaire, dont elle devait constituer le volet social complémentaire. L'application de la méthode ouverte de coordination à l'inclusion sociale inaugure de ce fait une certaine forme d'autonomie pour le dispositif, bien que ce dernier demeure expérimental et fragile à plusieurs égards99(*). Enfin, l'évaluation systématique des efforts effectués par les États-membres constitue la troisième caractéristique discriminante permettant de distinguer l'ouverture d'un nouveau cycle dans le champ des politiques publiques d'inclusion sociale.

Ces éléments sont autant de témoignage du passage d'une responsabilité à minima des Etats membres à une responsabilité renforcée de ces derniers dont l'analyse fonctionnelle de l'inclusion sociale peut révéler les traces. Sur ce terrain, les propos de l'Union sont très clairs «(...) L'Europe doit renouveler les bases de sa compétitivité, augmenter son potentiel de croissance ainsi que sa productivité et renforcer la cohésion sociale, en misant principalement sur la connaissance, l'innovation et la valorisation du capital humain. Pour atteindre ces objectifs, l'Union doit davantage mobiliser tous les moyens nationaux et communautaires appropriés- y compris la politique de cohésion - dans les trois dimensions économique, sociale et environnementale de la stratégie pour mieux en exploiter les synergies dans un contexte général de développement durable»100(*). Comme le précise la commission ses propositions visent à obtenir des améliorations dans deux domaines principaux. En premier lieu, la dimension stratégique de la politique de cohésion est renforcée afin d'assurer une meilleure intégration des priorités communautaires dans les programmes de développement nationaux et régionaux. En second lieu, des efforts sont faits afin de garantir une meilleure appropriation de la politique de cohésion sur le terrain. Cela se traduit par «un dialogue renforcé au sein des partenariats formés par la Commission, les États membres et les régions, ainsi que par un partage de responsabilités plus clair et plus décentralisé dans des domaines comme la gestion et le contrôle financiers. Les propositions aboutiraient également à une répartition plus transparente des responsabilités entre la Commission, les États membres et le Parlement»101(*). La référence à une responsabilisation par les instances européennes est clairement évoquée comme devant guider l'action publique inclusive.

L'amélioration des performances économiques, l'obtention d'une meilleure insertion sociale, la création d'emplois s'est avérée difficile, en dépit d'efforts politiques considérables; les sources de la croissance économique ne sont pas bien comprises; l'environnement extérieur n'est pas favorable. Mais, il est toutefois possible et réaliste de penser que l'UE puisse faire des progrès. Pour réaliser ce projet, il est essentiel que les politiques économiques et sociales soient coordonnées. Dans le passé, les politiques sociales ont trop souvent été conçues sans prendre en compte leurs conséquences économiques. Les régimes de prestations d'assurance-chômage ont été introduits, ou étendus, sans qu'une évaluation complète des éventuels effets dissuasifs sur l'emploi ait été réalisée, et font maintenant partie du problème. Les régimes de préretraite ont été utilisés pour résoudre les problèmes à court terme du marché du travail, sans tenir compte de leur impact sur le ratio de dépendance. Inversement, la politique macroéconomique a trop souvent été menée sans se soucier des conséquences sociales. Le coût des politiques déflationnistes n'a pas été partagé de façon égale. Les appels en faveur de la flexibilité du marché du travail n'ont pas tenu compte du besoin de sécurité de revenu. Les politiques économiques et sociales devraient être conjointes afin d'éviter que les problèmes dans un domaine soient exacerbés par les solutions adoptées dans un autre. Une telle approche intégrée pose à son tour une difficulté quant aux structures du gouvernement. Dans les États membres, c'est le ministère des finances, ou le Trésor, qui s'occupe en règle générale d'améliorer les performances économiques et c'est le ministère des affaires sociales ou de la politique sociale qui est chargé de la justice sociale. De même, au niveau de l'Union, on retrouve plusieurs DG. Une approche cohérente est nécessaire au niveau des gouvernements nationaux aussi bien qu'au niveau européen.

Par ailleurs, il convient de reconnaître que chaque État membre rencontre des problèmes spécifiques qu'il faut prendre en compte lors de l'examen de la position du pays. En particulier, les coûts de la réunification ont eu un impact durable sur l'économie allemande et ont nécessité la mise en place d'importantes réformes. Le principe de subsidiarité permet aux États membres de faire de tels ajustements sans qu'il soit nécessaire que les autres États membres prennent des mesures dans le domaine de la politique sociale. Le processus d'inclusion sociale est assez flexible pour permettre aux pays de choisir des instruments différents afin d'atteindre les objectifs arrêtés en commun. Lorsqu'il a relancé la stratégie de Lisbonne, le Conseil européen a approuvé un ensemble unique d'orientations rassemblant les grandes orientations de politique économique et les lignes directrices de la stratégie européenne pour l'emploi, intégrant ainsi les diverses politiques - politique macroéconomique, politique microéconomique et politique de l'emploi - menées pour promouvoir la croissance et la création d'emploi. Conformément à la proposition de règlement, les priorités des orientations stratégiques communautaires en matière de cohésion dans les domaines de l'emploi et des ressources humaines doivent être de la stratégie européenne pour l'emploi.

En termes de développement du capital humain, les lignes directrices pour l'emploi proposent trois priorités d'action pour les politiques d'emploi des États membres:

- attirer et retenir un plus grand nombre de personnes sur le marché du travail et moderniser les systèmes de protection sociale;

- améliorer la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises et accroître la flexibilité des marchés du travail;

- investir davantage dans le capital humain par l'amélioration de l'éducation et des compétences. L'analyse fonctionnelle de l'inclusion sociale révèle donc, à la marge, l'émergence et la diffusion d'une responsabilisation des différents acteurs et intervenants.

B. L'analyse séquentielle de l'inclusion sociale

L'action publique et celle plus singulière d'inclusion sociale révèlent une série de mutations importantes dont les analyses ne rendent compte que partiellement. Parmi ces mutations, la multiplication des acteurs jugés aptes à participer n'est pas sans poser problème tant aux praticiens qu'aux analystes puisque révélant des niveaux divers et variées d'interactions et de responsabilités.

Les théories de la gouvernance envisagent l'action publique comme une action à plusieurs au sein de laquelle sont amenés à interagir une multitude d'acteurs qui tous ont un intérêt pour agir. S'intéressant tout particulièrement aux phénomènes de privatisations et d'intrication du public et du privé, ces théories envisagent la responsabilisation au travers l'ingénierie et le design institutionnel.

La littérature sur les réseaux de politiques publiques analyse les processus de responsabilisation et de hiérarchisation entre les différents acteurs des politiques publiques, les chaînes de relations qui s'établissent entre les différents partenaires permettant une grande stabilité des réseaux, mais c'est dans l'oeuvre d'un auteur américain de la fin des années 1970, et dans une théorie fondant l'analyse séquentielle que l'on trouve l'apport le plus pertinent sur la responsabilisation.

Parler d'analyse séquentielle à ce stade-ci, implique une référence très nette à la science politique. C'est en effet à un auteur américain Charles Jones102(*), que l'on doit l'analyse séquentielle d'une politique publique. L'intérêt de cette analyse est de révéler que dans la décision publique et de façon plus globale dans une action publique, des séquences d'action successives se succèdent.

Cette «séquentialité» permet de faire émerger l'idée d'une responsabilisation, responsabilisation que l'on peut définir comme la sensibilisation à l'exercice des fonctions et aux risques inhérents aux missions assurées103(*).

Ces séquences sont ainsi les suivantes :

1-la mise sur l'agenda ;

2- la formulation politique, stade de la production de solutions ou d'alternatives ;

3-décision, qui est a priori le moment le plus visible et le plus objectivable, qui est d'ailleurs celui de l'émergence de la responsabilisation ;

4-la mise en oeuvre (implementation). Cela renvoi à l'exécution pratique ou à la non-exécution, des décisions élaborées aux stades antérieurs ;

5-l'évaluation, qui concerne les modalités de vérification des effets pratiques de la décision (mais qu'on traitera dans la seconde partie du mémoire) ;

6-la fin de l'action.

L'intérêt de cette méthode d'analyse, est d'offrir un cadre assez simple et de mettre un peu d'ordre face à ensemble de données complexe et hétérogène. Les séquences de Jones sont en effet suffisamment larges pour s'appliquer à toutes les politiques publiques. Ensuite, ce modèle d'analyse se révèle à l'usage très utile parce qu'il rompt avec une représentation de l'action publique très ancrée qui consiste à appréhender les politiques publiques uniquement au travers l'action des élites dirigeantes.

Jones sans doute parce qu'il est américain, a élaboré un schéma d'analyse qui repose sur l'idée selon laquelle la décision est un processus qui met en scène une pluralité d'acteurs étatiques et non étatiques. Il permet de prendre en compte le fait que la production des décisions est un processus compétitif mettant aux prises des agents à l'intérieur de la sphère politico-administrative et opposant aussi des acteurs représentant l'Etat d'une part et la société d'autre part. Enfin, cette analyse révèle le lent processus «contractualiste» qui favorise la responsabilisation ainsi entendue dans la mesure où «elle permet de clarifier les missions et les objectifs assignées aux uns et aux autres, de personnaliser les engagements des gestionnaires de faciliter le contrôle de leur exécution»104(*). C'est là tout le défi d'une politique comme l'inclusion sociale.

L'inclusion sociale en ce qu'elle vise à «garantir que les personnes en danger de pauvreté et d'exclusion sociale obtiennent les possibilités et les ressources nécessaires pour participer pleinement à la vie économique, sociale et culturelle, qu'elles jouissent d'un niveau de vie et de bien-être considéré comme normal pour la société dans laquelle ils vivent et leur garantit une meilleure participation aux processus de prise de décision qui affectent leur vie et un meilleur accès à leurs droits fondamentaux», ne peut qu'enjoindre ses promoteurs et acteurs à une action responsable, puisque la production de cette politique doit tenir compte de variables communes. Cet élément est largement illustré par la présentation même du budget inclusion sociale pour 2006 en France. Face à des facteurs explicatifs souvent multiples et à des mécanismes d'interaction complexes : «l'Etat a un rôle essentiel à mener d'observation et d'analyse des phénomènes de précarité et de pauvreté et d'animation et de pilotage des politiques publiques»105(*). Dans cette perspective, il s'agit non seulement de prévenir la pauvreté et l'exclusion, de créer les conditions favorables à une sortie de l'assistance, et de répondre à l'urgence, mais également de soutenir la professionnalisation des intervenants, notamment du secteur social et de renforcer le partenariat avec les acteurs chargés de l'aide directe auprès des personnes. Le Plan de cohésion sociale, présenté en juin 2004 et dont la partie législative a été adoptée en janvier 2005, a été construit en réponse à cette situation. Il a pour objectif de systématiser les dispositifs favorisant la sortie de l'assistance au profit d'un retour à l'activité ; de permettre une insertion rapide aux jeunes rencontrant des difficultés particulières et de rétablir l'égalité effective des chances entre les populations, entre les territoires. «Le pilotage du programme et l'animation interministérielle et interpartenariale des politiques de lutte contre l'exclusion ont été confiés à la direction générale de l'action sociale (DGAS). Elle les exerce, notamment, à travers le secrétariat du comité interministériel de lutte contre l'exclusion (CILE) et du conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE). La DGAS est responsable du DPT inclusion sociale»106(*). Il se dégage indubitablement dans la formulation même des propos une responsabilisation des intervenants, sous la houlette de l'Etat qui lui-même répercute la politique européenne. Comme le rappelle la commission «la réussite de la mobilisation en faveur du plein-emploi et d'une productivité plus élevée dépend d'une large gamme d'actions [...] Pour optimiser l'impact sur l'emploi des investissements, les ressources humaines doivent aussi être développées et renforcées. La politique de cohésion doit principalement viser à relever les défis spécifiques à chaque État membre mis en évidence dans la stratégie européenne pour l'emploi, cela en soutenant des actions s'inscrivant dans le cadre des objectifs de convergence et de compétitivité régionale et d'emploi. L'éventail des actions éligibles et des ressources financières est plus important pour le premier de ces objectifs».

Bien que latente et bien qu'elle ne soit jamais clairement évoquée, la responsabilité de chacun des intervenants, tel qu'elle ressort de l'analyse séquentielle rapidement esquissée, est la condition sine qua non de la réussite de l'action publique européenne envisagée, et si cela paraît logique, ça n'en est pas moins novateur en ce sens que peut se profiler à l'horizon une véritable responsabilité juridique, dès lors que des règlements ou des directives communautaires, établiront une «obligatoriété» de types d'interventions publiques spécifiques et ciblés.

II. La production d'une législation nationale coercitive

«La crédibilité et l'efficience des pouvoirs dépendent d'une architecture des responsabilités et des agencements institutionnels relativement simple et lisible par les acteurs sociaux et économiques»107(*)

L'Europe distille comme cela a pu être mis en exergue une responsabilisation en direction des principaux acteurs nationaux et de leurs démembrements locaux.

Le débat récurrent sur la responsabilité des autorités publiques a vu des intervenants d'origines et d'horizons très divers prendre part aux discussions, et pas seulement les experts et les juristes, ce qui montre l'étendue et la visibilité du problème. Philosophes, journalistes, spécialistes du nouveau management public, politistes et artisans de la réforme de l'Etat et de la décentralisation réfléchissent depuis plusieurs années à la question, en lien avec les affaires, les accidents ou les catastrophes qui l'ont rendue particulièrement sensible. La responsabilité publique représente donc une notion à la mode mais une mode dont l'Union semble avoir pris toute la mesure...Ainsi posée, le débat sur la responsabilité administrative et financière des autorités publiques (la responsabilité pénale connexe ayant été mis de côté par choix), place de coté

Se faisant, bien qu'acteur de principe, il réalise néanmoins un surprenant basculement et transfert de responsabilité en remaniant, sous couvert de décentralisation, la promotion de la responsabilité administrative (A) et en préservant la responsabilité financière des acteurs locaux (B), illustrant ainsi le caractère coercitif de la production législative nationale actuelle, ce dans la continuité de la volonté communautaire dont il se fait le relais.

A. La promotion de la responsabilité administrative

Si l'Etat garde la charge des grandes politique de santé, d'emploi, d'inclusion sociale et des grands principes liés au logement social le tout dans l'optique de permettre l'exercice correct du principe d'égalité, il ne c'est pas moins réservé une porte de sortie tout à fait surprenante au travers l'Acte 2 de la décentralisation. Contenues dans le titre III (art. 49 à 74) de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les dispositions ayant trait à la solidarité, à «l'inclusion» et à la santé n'ont sans doute pas été les plus discutées lors de l'élaboration de la loi, même si certains débats de principe n'ont pu être évités. L'Assemblée nationale a le plus souvent épousé les points de vue du gouvernement en revenant au texte de base du projet de loi. Sur certains points, le Sénat a été plus innovant, favorable qu'il est à accroître la décentralisation et la libre administration des collectivités territoriales et à donner davantage de compétences aux élus. Cependant cette ivresse de liberté se traduit bons grés mal grés par un désengagement massif de l'Etat en tant qu'acteur historique et acteur de principe de la politique publique inclusive en lieu et place du département et de l'intercommunalité108(*). C'est ainsi que les centres communaux d'action sociale dont le caractère obligatoire a été menacé par un vote en première lecture du Sénat ont été réhabilités par l'Assemblée nationale. De même le transfert de compétence du préfet au maire s'agissant du contingent de logements réservés envisagé par le Sénat en première lecture s'est transformé, après passage devant l'Assemblée nationale, en une possibilité de délégation conventionnelle.

Le titre III divisé en quatre chapitres, respectivement consacrés à l'action sociale et médico-sociale, à la mise en oeuvre de la protection judiciaire de la jeunesse, au logement social et à la construction, à la santé, modifie quatre codes : le code de l'action sociale et des familles, le code de la santé publique, le code de la construction et de l'habitation et le code de l'éducation. En ce qui concerne la solidarité et la santé109(*), l'acte II de la décentralisation traduit un renforcement du rôle du département qui devient incontestablement chef de file de l'action sociale. Outre cette fonction de chef de file, il se voit transférer l'ensemble de l'action gérontologique, les instruments de lutte contre la précarité et, à titre expérimental, la protection judiciaire de la jeunesse. Face à ce pivot, les autres collectivités publiques doivent se contenter de compétences assez restreintes. La région, tente une incursion dans le secteur sanitaire et social avec la formation professionnelle et l'aménagement du territoire.

Sur le volet inclusion et plus spécifiquement s'agissant de la prévention de l'éxclusion les intervenants se révèlent multiples et variés. La prévention de l'exclusion mobilise de nombreux dispositifs sous la responsabilité non seulement de l'État mais aussi des organismes de protection sociale et de plus en plus des collectivités locales. Certains sont gérés dans le cadre de conventions partenariales signées entre l'État et les organismes de protection sociale. La DGAS participe au comité de suivi et d'évaluation des conventions d'objectifs et de gestion (COG) de la CNAF et de la CNAM ; elle exerce la tutelle de l'action sociale de la CNAF, elle est par ailleurs «donneur d'ordre» pour les minima sociaux gérés pour son compte par la CNAF. Les DRASS sont chargées de l'évaluation au niveau local de la COG de la CNAF.

La DGAS a également été chargée suite au CILE 2004 et au plan de cohésion sociale:

- de favoriser et conforter les démarches qualité au sein des services publics fondés sur l'accès aux droits des plus démunis, prenant en compte la participation et l'expression directe des personnes, notamment par une adaptation de la charte Marianne ;

- de créer, sur la base d'une collaboration entre divers partenaires et par voie contractuelle, des pôles d'accueil en réseau pour l'accès aux droits sociaux (PARADS) qui visent, notamment, à faciliter l'accès aux services et aux droits fondamentaux grâce à l'établissement de liaisons fonctionnelles plus denses et plus efficaces entre institutions, associations et organismes gestionnaires ;

- de développer (+ 300 en 3 ans) les points d'accueil et d'écoute pour les jeunes (PAEJ), dispositif de prévention destiné aux jeunes en situation de mal-être ou de risque (39.000 jeunes reçus en premier entretien en 2002).

Concernant l'action en faveur des plus vulnérables, les services sociaux publics et les associations coopèrent. La DGAS est compétente pour tout le dispositif d'accueil généraliste, CHRS et places d'urgence, pour la veille sociale et le 115, ainsi que les maisons-relais et les dispositifs d'accompagnement renforcé tels que l'ASI. Dans ce dernier cas, les crédits nationaux affectés à ces dispositifs sont complétés par des crédits du Fonds social européen. Au sein de l'organisation mise en place à l'occasion du Plan de cohésion sociale, la DGAS est plus particulièrement chargée de la réalisation concernant les questions d'hébergement des personnes en grande difficulté. La mise en oeuvre de ces différents dispositifs est majoritairement confiée à des opérateurs associatifs avec lesquels la DGAS ou les services déconcentrés du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale passent des conventions.

Pour ce qui est de la conduite et de l'animation de la politique de lutte contre l'exclusion, la DGAS s'appuie sur le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) et le comité interministériel de lutte contre l'exclusion (CILE), la commission professionnelle consultative du travail social et de l'intervention sociale (CPC) et le conseil supérieur du travail social (CSTS).

Enfin s'agissant des rapatriés où l'action a pour but de résoudre les difficultés subsistant pour un certain nombre de rapatriés d'Afrique du Nord après 1962. L'action concerne deux grands types de populations :

-Les rapatriés ayant exercé une activité professionnelle non salariée qui réinstallés dans des conditions souvent précaires sont toujours confrontés à un endettement professionnel important lié aux conditions de leur rapatriement. Le dispositif CODAIR mis en place en 1994 a été prolongé par un nouveau dispositif issu du décret du 4 juin 1999 destiné à régler les derniers cas, en créant une commission nationale d'aide au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée (CNAIR).

- Les harkis, anciens supplétifs et leurs familles victimes de représailles et de massacres après le 19 mars 1962, ils ont été rapatriés en France dans des conditions dramatiques. Ils ont connu, ainsi que leurs enfants, des difficultés d'intégration dont les conséquences sont toujours visibles aujourd'hui. Pour eux a été mis en place une allocation de reconnaissance, revalorisée en 2004, et dont les dispositions ont été améliorées par la loi du 23 février 2005, qui assure maintenant des revenus réguliers pour tous les anciens supplétifs et leurs conjoints survivants et le maintien pendant 5 ans des mesures d'aide au logement.

Se dessine ainsi une nouvelle architecture bâtit sur la démultiplication des acteurs et intervenants publics, parapublics voir privés offrant l'immense avantage de dispatché les responsabilités notamment de l'Etat et offre concurremment l'inconvénient majeur de multiplier en même temps sur un même problème, les intervenants risquant ainsi de voir éclore des questions de compétences entre niveaux administratifs co-compétents et illisibilité de l'action pour l'usager.

B. La préservation de la responsabilité financière

S'il était encore nécessaire d'insister, la libre administration ne se résume pas à la liberté de dépenser. La rédaction actuelle de la Constitution de 1958 ne prévoit pas explicitement que les collectivités locales bénéficient de ressources d'origine fiscale. Elle n'établit a fortiori pas de lien entre l'existence d'une fiscalité directe locale et le principe de libre administration. Dans la plupart des pays de l'Union européenne, les collectivités locales s'administrent librement sans pour autant maîtriser l'évolution de toutes leurs ressources fiscales. En Allemagne, la Constitution prévoit un partage du produit des impôts d'Etat entre l'Etat fédéral et les collectivités locales. Les ressources de celles-ci s'apparentent donc plus à des prélèvements sur les recettes fiscales de l'Etat, dont le taux d'indexation serait fixé par la Constitution, qu'à une fiscalité directe. En 1995, dans tous les pays de l'Union européenne à l'exception de la Suède, la part des ressources locales provenant d'impôts dont les taux sont votés par les collectivités locales était inférieure à la part de ces ressources dans les budgets locaux français. Cette plus grande dépendance envers l'Etat ne semble pourtant pas constituer un obstacle à l'exercice normal de compétences étendues110(*).

Par ailleurs, la capacité réelle des collectivités locales française à agir sur le montant de leurs recettes fiscales est parfois mise en doute. Ainsi a-t-il était considéré que : «l'autonomie fiscale des collectivités locales était réelle en apparence, mais théorique dans les faits»111(*). Ces éléments peuvent conduire à considérer que le coeur de la libre administration des collectivités ne réside pas dans leur mode financement mais dans leur latitude à décider librement de leurs dépenses. Cette conception a été relayée par la secrétaire d'Etat chargée du budget à l'occasion du débat au Sénat sur la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation : «On peut soutenir que la libre administration s'entend essentiellement de la liberté d'emploi des ressources, le législateur devant veiller à ce qu'elles soient suffisantes en quantité pour permettre aux collectivités locales d'exercer les compétences qui leur sont dévolues»112(*). Un tel raisonnement, constitue une démonstration on ne peut plus limpide de la préservation d'une pleine et entière responsabilisation financière des acteurs locaux, dans la conduite des politique territorialisées telle que l'inclusion sociale, dont on peut percevoir ici, une illustration. Plus généralement, cette responsabilisation et son maintien ont été clairement identifié par l'OCDE, dans les termes suivants : «La responsabilisation des collectivités locales - Dans un contexte décentralisé, les niveaux d'administration locaux doivent financer leurs actions par des ressources locales, et essentiellement fiscales. L'obligation de maintenir ou d'augmenter la base fiscale est une forme d'incitation à la mobilisation locale en faveur du développement économique. Des attitudes malthusiennes des collectivités locales face au développement d'activités économiques, comme par exemple un faible intérêt pour l'aménagement de zones d'activités et une préférence pour une activité résidentielle, cèdent le pas à de véritables stratégies de croissance économique. Un élu local dont les ressources se composent essentiellement de subventions centrales se trouve placé dans la position d'un quémandeur ; un élu local responsable des rentrées fiscales devient un acteur du développement»113(*).

III. La territorialisation des enjeux sociaux

«Un mouvement en sens contraire s'est cependant produit à partir des années 1980 : tout se passe comme s'il était devenu nécessaire d'administrer au plus près des habitants et en prenant en compte le poids des particularisme locaux ; le principe de proximité entraîne l'apparition d'un nouveau modèle de relations entre l'Etat et le territoire, emblématique de la post-modernité»114(*).

Même si elle doit faire toute sa place à l'expression de la solidarité nationale et au rôle des acteurs socio-économiques, l'approche territoriale paraît la mieux adaptée. Sur le plan fonctionnel, les départements ont su engager progressivement depuis 1990 la restructuration de leur action sociale, en partant d'une approche globale et territorialisée. Ils ont ainsi privilégié une logique de projet, conçue autour d'un concept de mission, sur la logique de services. Cette démarche a tendu à faire coïncider l'intervention des services départementaux avec les territoires de vie, afin que la réponse sociale soit mieux adaptée à l'environnement réel des personnes. Elle s'accompagne d'expérimentations de formules diverses, notamment pour l'accueil du public, le traitement des demandes ou l'accompagnement social.

Or cette même approche doit prévaloir dans les prochaines années pour prendre en charge les différentes évolutions socio-économiques, et la politique d'inclusion sociale. Cette approche territorialisée révèle aussi la responsabilisation des collectivités territoriales et leur prise de conscience face au défi de l'inclusion. Il convient donc d'en voir deux traits distinctifs que sont la reconnaissance de la localisation des besoins (A) à laquelle succède celle de la polarisation des objectifs.

A. La localisation des besoins

Le vieillissement de la population et le financement des situations de dépendance, qui ont un impact majeur sur les dépenses d'action sociale, justifie une adaptation de l'action publique à l'environnement réel des personnes âgées et à la diversité des besoins suscités par les situations de dépendance, par exemple le cas des personnes handicapées vieillissantes qui implique l'établissement de «passerelles» entre les travailleurs sociaux qui s'occupent des personnes handicapées et ceux qui ont en charge les personnes âgées afin de trouver une réponse adaptée à ce nouveau besoin. Injustement critiquée, la prestation spécifique dépendance instituée par la loi du 24 janvier 1997 - à la suite d'une initiative sénatoriale - a permis d'améliorer la perception du problème de la dépendance ainsi que la prise en charge des personnes en bénéficiant. Elle a en outre mis fin aux dérives de l'allocation compensatrice pour tierce personne. En ce qui concerne l'aide sociale à l'enfance, la déstabilisation des familles et l'aggravation de la fracture sociale soulèvent de nouveaux problèmes qui conduisent à réfléchir sur une intervention accrue des collectivités locales. L'apparition du chômage de longue durée, la concentration des difficultés économiques sur des territoires déterminés ont fragilisé les familles et affaibli les solidarités de proximité. Parallèlement le modèle familial s'est transformé, avec notamment une multiplication des familles monoparentales. Ces phénomènes ne sont pas sans conséquence sur les dispositifs de protection de l'enfance. Or la décentralisation se traduit dans ce domaine par une meilleure évaluation des besoins et des réponses qui doivent leur être apportées. Les évolutions démographiques et socio-économiques dessinent également de nouveaux besoins en matière d'éducation. Or comme l'a admis M. Michel Garnier, directeur de la programmation et du développement au ministère de l'Education nationale, en matière de programmation de l'offre d'enseignement, «les critères démographiques globaux sont insuffisants». Ils devraient, selon lui, «s'accompagner, dans le cadre d'une contractualisation avec les établissements, d'une nécessaire adaptation aux réalités locales».

L'inclusion constitue un autre enjeu qui justifiera des dispositifs plus décentralisés encore. L'intervention des collectivités locales dans la gestion du volet «insertion» du revenu minimum d'insertion (RMI) a ainsi été efficace. Contrairement à certaines idées reçues, les écarts entre les territoires que les politiques sociales conduites par l'Etat avaient laissés se creuser, ont eu plutôt tendance à se restreindre. Les évolutions en matière de politique de la santé mettent également en évidence qu'une meilleure efficacité du système de soins doit être recherchée dans une approche territorialisée.

On constate donc une pleine et entière localisation des besoins surtout au niveau départementale, invitant l'action publique locale à se polariser sur certains objectifs bien déterminés.

B. La polarisation des objectifs

La complémentarité des différents niveaux passe tout d'abord par une identification claire de leurs missions respectives. En s'appuyant sur les vocations dominantes de chaque niveau d'administration locale la polarisation des objectifs devient tout à fait possible et c'était d'ailleurs l'esprit qui avait primé dans les lois de 1983. Si, comme on l'a vu, la logique des blocs de compétences n'a pu être mise en oeuvre avec toute la rigueur souhaitable, il n'en demeure pas moins que chacun des niveaux a su identifier assez clairement ses missions essentielles. Cette évolution n'a pu qu'être encouragée par un contexte économique difficile qui s'est traduit par une progression plus limitée des ressources locales, obligeant ces dernières à des arbitrages entre leurs différentes actions.

Le département doit demeurer l'échelon des solidarités sociales et territoriales. Institué sous la période révolutionnaire, organisé en collectivité territoriale par la loi du 10 août 1871, le département s'appuie sur son expérience en mettant à profit les nouvelles capacités d'action que lui a conférée la décentralisation pour renforcer ses moyens et ses compétences traditionnelles. L'évolution des budgets départementaux témoigne de la place des départements dans le processus de décentralisation. Par une mise en oeuvre efficace de ses compétences, le département a répondu aux nouvelles attentes de la population notamment dans le domaine social, qui représente désormais près de 60% des dépenses de fonctionnement dans les budgets départementaux. Il est par ailleurs un espace de solidarité, non seulement par le biais de la péréquation départementale de la taxe professionnelle mais aussi par l'intermédiaire du budget départemental qui corrige certaines inégalités entre communes, en permettant notamment l'équipement des communes rurales. Ils jouent également un rôle très efficace dans de nombreux autres domaines, par exemple celui des transports.

Collectivité territoriale plus jeune, la région a une vocation plus orientée vers l'impulsion et la coordination en matière d'aménagement du territoire et de développement économique. Les différents textes généraux applicables aux régions ont confirmé cette vocation. Dès la loi du 5 juillet 1972 qui, leur reconnaissant la personnalité morale, les a érigées en établissements publics, les compétences régionales ont été spécialisées dans le domaine économique et social. Tout en leur étendant la «clause générale» de compétence (article L. 4111-1 du code général des collectivités territoriales), les lois de décentralisation ont néanmoins confirmé cette vocation particulière. L'article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales précise que la région «a pour mission, dans le respect des attributions des départements et des communes et, le cas échéant, en collaboration avec ces collectivités et avec l'Etat, de contribuer au développement économique, social et culturel de la région (...)». On retrouve cette même vocation dans la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, dans la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ou encore dans la loi d'orientation du 4 février 1995 qui a prévu l'élaboration d'un schéma régional d'aménagement et de développement du territoire ainsi que la création, dans chaque région, d'une conférence régionale qui est un cadre pour la concertation des différents partenaires. L'affirmation de cette vocation spécifique peut passer par certaines précisions concernant les compétences régionales. Telle a été la démarche du législateur qui a confié aux régions la responsabilité d'élaborer un schéma régional en matière de tourisme (loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992), ainsi que de nouvelles compétences en matière de formation professionnelle (loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993) et, sur la demande de la région intéressée, de traitement de déchets industriels (loi n° 95-101 du 2 février 1995). En outre, la loi d'orientation du 4 février 1995 (article 67) a permis une expérimentation de la régionalisation des réseaux ferroviaires d'intérêt local. Le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit de transférer à l'ensemble des régions, le 1er janvier 2002, les compétences que l'Etat détient en qualité d'autorité organisatrice des transports ferroviaires de voyageurs d'intérêt régional.

L'impact de l'acte II de la décentralisation dans le renforcement offert aux régions qui deviennent désormais «chef de fil» témoigne du renouvellement des objectifs et aussi de l'ancrage de ces derniers qui comme on peut le constater sont polarisés autour des deux entités départementales et régionales, avec un prima pour le premier.

TITRE 2nd : LA FORMULATION DE POLITIQUE SOCIALE OCCUPATIONNELLE

L'expérience de formulation de politiques visant spécifiquement à lutter contre l'exclusion sociale se concentre en Europe occidentale, spécialement en France. Les interventions en matière de marché du travail ont dominé la scène et principalement les actions de lutte contre le chômage de longue durée. Les programmes d'assistance et d'assurances sociales constituent un autre domaine important d'intervention. Les liens entre ces mesures et les politiques d'intégration sociale sont rares, mais en France, il y a eu une tentative systématique d'établir ce lien avec le "revenu minimum d'insertion" (un revenu minimum garanti, à la condition que le bénéficiaire signe un contrat par lequel il s'engage à poursuivre une activité d'insertion). Ce sont là des mesures nationales de lutte contre l'exclusion sociale. Une innovation importante dans la conception des politiques contre l'exclusion a été l'adoption d'une approche territoriale, avec des programmes d'action au niveau local ou communautaire cherchant à élaborer des stratégies cohérentes pour vaincre l'exclusion. L'idée est que les quartiers pauvres urbains, ou les régions défavorisées, requièrent une action d'envergure sur divers fronts (économique, social et d'infrastructure). Ces politiques locales sont plus faciles à mettre en place sur une base intersectorielle que les politiques nationales, et sont mieux à même de stimuler les initiatives collectives. Elles supposent un partenariat et une coopération entre le gouvernement central et les administrations et associations locales, les syndicats, les entreprises et divers autres organismes non gouvernementaux. Une importante leçon à tirer de ces expériences est que l'analyse des politiques n'est pas seulement la question de l'Etat intervenant dans l'intérêt général, mais une question qui suppose la participation d'une grande variété d'acteurs sociaux.

C'est donc en suivant ce raisonnement que l'on s'intéressera à la combinaison des acteurs en matière d'insertion (Chapitre 1), pour pouvoir apprécier dans un second temps la promotion de l'inclusion professionnelle par le marché (Chapitre 2)

Chapitre 1er : La combinaison

des acteurs en matières d'insertion

Le Politique est toujours face à un territoire dans lequel il exerce un pouvoir en droit défini comme responsabilité, qu'il soit élu ou nommé.

Etchegoyen, 1993

Les contempteurs des rigidités françaises ne peuvent qu'être surpris. Loin d'être condamnés à l'immobilisme par l'emprise des conservatismes et des notabilités locales, l'action publique territoriale semble être entrée dans une phase de rénovation permanente. En moins de cinq ans l'intercommunalité urbaine a connu un essor spectaculaire (par la grâce des dispositions financières de la loi Chevénement), les projets de territoire se sont multipliés suivant la logique promue par les politiques d'aménagement du territoire (loi Voynet), la planification spatiale s'est trouvée relancée (loi SRU) et une nouvelle répartition des compétences entre Etat et Collectivité territoriales est en train de se dessiner...Des trois loi du gouvernement Jospin à l'acte II de la décentralisation, les réformes des cadres de l'action publique locale se succèdent donc à grande vitesse. Si les modalités de ces réformes ont fait et continuent de faire débat, rares sont les voix qui s'élèvent pour en contester la nécessité. Au contraire, l'inadaptation de l'architecture institutionnelle territoriale actuelle pour traiter des enjeux territoriaux qui se différencient de manière croissante constitue une sorte d'évidence, tant dans les discours politiques (transcendant largement les clivages partisans) que dans les analyses et débats savants. Ainsi des réformes institutionnelles tendraient donc désormais à s'imposer pour mettre l'action publique à la hauteur d'enjeux d'autant plus complexes à analyser et à traiter qu'ils ne peuvent plus l'être à partir d'une approche nationale unifiée.

L'hétérogénéité des enjeux territoriaux n'est pourtant pas un phénomène nouveau qui viendrait déstabiliser une action publique marquée par l'indifférenciation, mais il est vrai que s'agissant notamment du Social et de la nouvelle politique d'inclusion sociale qui l'anime et tend à constituer sa ligne de force, une révolution est en marche. Une évolution finalement appelant des dynamiques de développement social local mobilisant toutes les politiques de proximités, bien au-delà du seul domaine social s'observe. Dès lors, la décentralisation n'apparaît plus seulement comme une réponse à la crise de l'Etat, mais aussi comme plus fondamentalement, une réponse à la crise de la société. Ainsi convient-il d'analyser la décentralisation des compétences sociales (I), sur laquelle s'articule la déconcentration des intervenants sociaux (II) induisant l'émergence d'un phénomène de déconcentralisation des politiques sociales inclusives (III).

I. La décentralisation des compétences sociales

«La décentralisation, élément politique majeur, a eu et a toujours des effets directs sur les services et personnels de l'Etat, sur ceux des collectivités locales, et des effets indirects sur les organismes d'action sociale oeuvrant dans le sillage de l'Etat, Caisses d'allocations familiales et Associations»115(*).

L'action sociale de cette fin du XXème siècle est le produit complexe et conjugué de la crise économique, de la montée des exclusions et des rangements nouveaux issus de la décentralisation. La décentralisation, éléments politiques majeur a eu et a toujours des effets directs sur les services et les personnels de l'Etat, sur ceux des collectivités sans compter les effets indirects sur les organismes d'action sociale oeuvrant dans le sillage de l'Etat, Caisse d'allocations familiales et Associations.

On peut ainsi lire la décentralisation comme devant répondre à une double exigence : d'abord un objectif de transfert vers les collectivités chargées de répondre localement aux besoins sociaux et d'enrayer les risques de désagrégation sociale. Ce transfert attribuant la charge des missions traditionnelles d'aides sociales mais aussi la question d'insertion dans le marché local du travail. Le second objectif plus «prétentieux»116(*), serait de produire plus de démocratie, en rompant avec les normes d'interventions édictées d'en haut de façon à permettre l'adaptation aux situations locales, mais ce «plus de démocratie» passerait aussi par un renforcement des responsabilités politiques locales.

Conjugués ces deux éléments portent à penser le changement de la question sociale dans sa nature profonde et la réponse inclusive qui éclos aujourd'hui impose de s'interroger sur la pertinence de la décentralisation des compétences sociales dont il apparaît que le principe d'attribution exclusive originaire (A) connaît une application qui se révèle extensive (B).

A. Une attribution par principe exclusive

Historiquement mis en place dans une optique de quadrillage administratif et d'uniformisation du territoire national - selon le souci que l'accès au chef-lieu ne nécessite pas plus d'une journée de voyage quelle que soit la localisation dans le département -, les départements connaissent une trajectoire rythmée de dénonciations régulières. Ils ont pu, parallèlement, être appréhendés comme des socles de stabilisation et de fonctionnement d'un système politico-administratif français réputé hiérarchisé et centralisé. S'agissant des conséquences de la décentralisation, reconnus comme une collectivité territoriale à part entière, les départements ont bénéficié à cette occasion de transferts de compétences importants. Leur champ d'intervention revêt un caractère très diversifié même s'il est possible d'y repérer quelques compétences clés concernant : - le secteur sanitaire et social qui représente, dans bien des cas, plus de 50 % du budget des conseils généraux avec quelques postes de dépenses structurantes (aide sociale à l'enfance, aide aux personnes âgées, aide aux handicapés, insertion socioprofessionnelle) ; - l'éducation, la culture et le tourisme où les conseils généraux ont la responsabilité, entre autres, de la construction et de l'entretien des collèges, des bibliothèques départementales de prêt pour la lecture publique, de la gestion des archives et musées départementaux, de l'aide aux gîtes ruraux et bases de plein air ; - l'équipement qui recouvre des dépenses d'entretien, de gestion et d'investissement très divers : voirie départementale, ports de commerce et de pêche, transports scolaires et interurbains, aides au remembrement rural, aides à l'équipement des communes.

Au regard de ce panorama, d'aucuns ont considéré le département comme le grand gagnant des transferts de compétences du début des années 1980. Les conseils généraux participent à des actions dotées d'une forte charge symbolique : la solidarité entre les territoires, la préservation du dynamisme rural et communal, la prise en charge sociale des personnes en difficulté. Ils n'ont pas hésité également à aller au-delà de leurs compétences obligatoires en s'investissant dans des domaines comme l'environnement dans une perspective de soutien et de conseil auprès des communes rurales ou encore les nouvelles technologies afin d'accroître l'attractivité des territoires. Loin de dépérir, ils manifestent une étonnante capacité de prise de responsabilité et, par-là même, de résistance aux critiques.

Très marquant demeure cependant leur participation très active en matière de politique d'inclusion sociale si l'on songe, à la délégation aux conseils généraux de la mise en oeuvre de l'APA (Allocation personnalisée d'autonomie) ; au pilotage, eut égard aux difficultés de gestion, du RMI (loi du 18 décembre 2003), au transfert de l'entretien d'une partie de la voirie nationale, ainsi qu'à la gestion des personnels, techniciens, ouvriers et de service (TOS) des collèges.

Surtout, leur rôle en matière sociale a été sensiblement conforté au point d'être érigés en pilotes du domaine. La loi stipule à ce titre que «le département définit et met en oeuvre la politique d'action sociale (...) Il coordonne sur son territoire les actions qui y concourent» (article 49).

Plusieurs mesures s'inscrivent dans cette perspective : le transfert aux départements de la gestion des Fonds de solidarité logement (FSL), du Fonds d'aide aux jeunes en difficulté (FAJ). Il n'est d'ailleurs pas anodin que le congrès 2004 de l'Assemblée des départements de France (ADF) se soit centré sur le thème «Départements, acteurs majeurs de la cohésion sociale». Plus que le dépérissement des départements, c'est bien le renforcement des compétences transférées à ces derniers qui se dégage de la succession de textes ayant trait à la décentralisation. D'ailleurs, les représentants des départements ne s'y trompent pas. Ils expriment des préoccupations quant aux coûts induits de ces nouvelles responsabilités à exercer et aux risques de repli tendanciel sur leurs compétences principales au détriment des dépenses secondaires, comme l'aide à l'équipement des communes dont on saisit l'importance pour le pouvoir d'influence des conseillers généraux dans leur canton. Bref, l'usage de la figure du département providence paraît plus que jamais d'actualité.

B. Une application de fait extensive

Sur le seul secteur social, les transferts récents sont porteurs d'une spécialisation accrue des conseils généraux, mais aussi d'une redéfinition fonctionnelle des échelons de protection des personnes. À l'échelon étatico-national, reviendrait la reproduction des forces de travail insérées dans des activités professionnelles. À l'échelon départemental, incomberait alors la gestion des populations marginalisées par des phénomènes de handicap ou de relégation hors des mécanismes productifs117(*). Cette forme de division du travail social, réactualisant une partition ancienne, entérine une logique d'autonomisation des problèmes sociaux et des intérêts qui leur sont associés. Elle révèle, en outre, une redéfinition de la solidarité, désormais clivée entre des modes de financement concurrents (solidarité contributive et fiscale). Dans ce cadre, le département deviendrait le réceptacle et le gestionnaire des effets de l'abandon par l'État d'une perspective d'intégration socioprofessionnelle.

Si l'on s'attache au marché du travail local, chaque jour, 30 000 personnes quittent un emploi dans des conditions particulièrement angoissantes Une entreprise française de cent salariés embauche en moyenne quarante personnes par an. Pour l'ensemble de l'économie française, ce chiffre correspond à 6,4 millions d'embauches annuelles, soit, en d'autres termes, à 30 000 embauches par jour ouvrable118(*).

Partant de ce constat, et si l'on s'intéresse de plus prêt, à la prise en charge des chômeurs au niveau local, on constate que la pluralité des opérateurs et des financeurs explique sans doute en grande partie le décalage entre les moyens consacrés à l'accompagnement des demandeurs d'emploi et les résultats obtenus. En témoigne la perception que les chômeurs peuvent avoir du service public de l'emploi en charge de leur prise en charge et de leur accompagnement.

À ce titre, les maisons de l'emploi, créées par le Plan de cohésion sociale, peuvent constituer le levier privilégié pour améliorer la coordination entre les différents intervenants participant à l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Dans l'état actuel du projet de loi adopté par le Sénat, l'article L. 311-10 du Code du travail prévoit que «des maisons de l'emploi» dont le ressort ne peut excéder la région ou, en Corse, la collectivité territoriale, contribuent à la coordination des actions menées dans le cadre du service public de l'emploi et exercent des actions en matière de prévision des besoins de main-d'oeuvre et de reconversion des territoires, notamment en cas de restructurations. Elles peuvent également participer à l'accueil et à l'orientation des demandeurs d'emploi, à l'insertion, à l'orientation en formation, à l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des salariés et à l'aide à la création d'entreprise. Les maisons de l'emploi peuvent bénéficier d'une aide de l'État dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État. Les maisons de l'emploi peuvent prendre la forme d'un groupement d'intérêt public. Ces groupements associent obligatoirement l'État, l'Agence nationale pour l'emploi, les organismes qui participent à la gestion de l'assurance chômage et au recouvrement des allocations mentionnés à l'article L. 351-21 et au moins une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale.

Si l'on veut améliorer l'accompagnement des demandeurs d'emploi, la création des 300 maisons de l'emploi, devant employer 7 500 salariés et mobiliser un budget de 420 millions d'euros en 2005, 735 millions en 2006 et 580 en 2007, ne devra pas se borner à ajouter un organisme supplémentaire aux objectifs peu précisément définis. L'organisation actuelle est déjà excessivement complexe et caractérisée par un grand nombre d'intervenants dont les actions sont mal coordonnées. Un tel scénario, qui serait catastrophique, n'est pas totalement exclu par le texte de loi. Il est donc indispensable de clarifier les fonctions des maisons de l'emploi par des mesures réglementaires pour qu'elles réalisent la fédération et la coordination des initiatives en faveur de l'emploi.

Ces éléments témoignent du rôle éminemment important joué par les collectivités territoriales et notamment celui du département, qui participant directement ou indirectement à la composition des maisons d'emploi, trouve à illustrer le dépassement de l'attribution exclusive qui lui est fait en matière sociale, pour devenir le promoteur, l'animateur d'un dynamisme du marché local du travail.

II. La déconcentration des intervenants sociaux

« Déconcentration : le terme n'entre dans les dictionnaires que dans la deuxième moitié du XXème siècle et désigne l'action de donner davantage de pouvoirs aux représentants locaux de l'Etat central»119(*).

Le comité Rueff-Armand avait préconisé dès 1959 une politique de déconcentration120(*) des administrations que les décrets du 14 mars 1964 ont traduite. Engagée formellement par ces derniers qui ont fait des préfets les représentants directs de chacun des ministres dans leur département, la déconcentration des administrations a été présentée par la suite comme le corollaire des lois de décentralisation de 1982-1983, tant il est apparu nécessaire de rapprocher le plus souvent possible la prise de décision de son point d'application, que celle-ci relève de l'autorité de l'Etat ou des collectivités locales. C'est ainsi que la loi a conforté le préfet dans son rôle de «dépositaire dans le département de l'autorité de l'Etat, délégué du gouvernement et représentant direct de chacun des ministres» et a invité dans le même mouvement, à déléguer largement aux chefs des services extérieurs des ministères les pouvoirs qui lui étaient ainsi reconnus. Les lois de décentralisation de 1982, qui ont engagé au profit des régions, des départements et des communes, une mutation d'une grande ampleur, ont accompagné et équilibré cette décentralisation en confiant au préfet de région un rôle de direction des services de l'Etat dans le département et non plus de simple coordination. Mais les limites des évolutions enregistrées ont conduit la loi d'orientation du 6 février 1992 sur l'administration territoriale de la République et le décret du 1er juillet de la même année portant «charte de la déconcentration», posant le principe de la limitation des compétences des administrations centrales aux seules missions qui ne sont pas susceptibles d'être confiées aux échelons déconcentrés.

Dix ans après les grandes lois de décentralisation, ces nouvelles réformes visaient à équilibrer, mieux que ne l'avaient fait les textes de 1982, les pouvoirs qui avaient été accordés aux collectivités locales en donnant des responsabilités propres aux préfets et, à leurs côtés, aux représentants locaux des ministères, afin d'assurer un dialogue plus efficace et une meilleure adaptation des politiques et des gestions publiques aux problèmes de chaque région ou département. Les politiques de déconcentration définies et mises en oeuvre par ces instances interministérielles se sont appliquées à des services déconcentrés profondément différents par leur histoire, leurs missions, leurs modes d'organisation et de gestion aussi bien que par la nature des relations qu'ils entretiennent avec les collectivités locales et les tâches qu'ils accomplissent pour le compte de l'Union européenne.

Dans ce paysage diversifié, les progrès de la déconcentration des compétences ont été inégaux et ceux de la déconcentration des crédits relativement modestes même s'il n'est pas toujours facile de les mesurer avec précision. C'est partant de cette base que l'on verra de quelle façon la déconcentration c'est traduite en matière sociale en voyant l'expansion du principe de subsidiarité (A) auquel succède grâce ou du moins par la politique d'inclusion sociale, un principe de supplétivité de l'action sociale déconcentré (B).

A. L'expansion du principe de subsidiarité

Dès 1982, la déconcentration a été présentée comme le «deuxième pilier» de la décentralisation et son indispensable contrepartie. Gaston Defferre affirmait alors qu'il était «souhaitable qu'à chaque niveau de décentralisation corresponde un niveau de déconcentration aussi fort». Toutefois, les décrets du 10 mai 1982, relatifs aux attributions des commissaires de la République dans les départements et les régions, visent davantage à renforcer les pouvoirs des représentants de l'État sur les services déconcentrés qu'à leur transférer des compétences en provenance de l'échelon central. La politique de renouveau du service public, définie par la circulaire du Premier ministre Michel Rocard du 23 février 1989, qui proposait «le développement des responsabilités par une déconcentration plus poussée» et la modernisation de la gestion administrative, ne peut être présentée comme une véritable mesure d'accompagnement de la décentralisation. Dès lors, la question de la déconcentration restait centrale lors des débats législatifs relatifs à l'administration territoriale de la République en 1992.

Deux textes publiés en 1992 reconnaissent la dimension territoriale de l'État :
- la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République place sur un pied d'égalité services de l'État et collectivités territoriales en indiquant que «l'administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l'État ».

L'intervention du législateur peut surprendre au regard de la répartition constitutionnelle entre pouvoir réglementaire et domaine de la loi. Comme le Sénat l'avait souligné, la déconcentration relève de la compétence du Gouvernement. Force est de constater que l'appel au législateur traduit l'incapacité de l'État à réformer ses propres structures.
- le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration décline le principe selon lequel «la déconcentration est la règle générale de répartition des attributions et des moyens entre les différents échelons des administrations civiles de l'État ».

La déconcentration devient le droit commun. Le décret portant charte de la déconcentration allait très loin en limitant le champ d'intervention des administrations centrales et des services à compétence nationale aux «seules missions qui présentent un caractère national ou dont l'exécution, en vertu de la loi, ne peut être déléguée à un échelon territorial». De plus, la circonscription départementale devait être l'échelon territorial de mise en oeuvre des politiques nationale et communautaire.

La loi d'orientation sur l'administration territoriale de la République marque une rupture radicale avec les pratiques antérieures de la déconcentration. Elle introduit une innovation juridique essentielle : le principe de subsidiarité. Elle ajoute que «les missions qui intéressent les relations entre l'État et les collectivités territoriales, sont confiées aux services déconcentrés». La charte de la déconcentration réaffirme l'autorité et le pouvoir de direction du préfet sur les différents services déconcentrés. Elle étend les compétences des préfets en les chargeant de négocier les contrats conclus au nom de l'État avec les collectivités territoriales et leurs établissements publics, alors qu'auparavant ils se bornaient bien souvent à signer des accords dont le contenu avait été arrêté à l'échelon central. Ainsi trouve à s'appliquer à l'action sociale l'idée que : «L'échelon le plus bas n'abandonne à l'échelon supérieur que ce qui est strictement nécessaire, et a contrario la compétence de la collectivité supérieure s'étend aux fonctions qu'elle peut remplir de manière plus efficace que les communautés de base. Il s'agit donc d'un principe de répartition mobile des compétences. Rien n'y serait préfixé. C'est le principe d'efficacité qui, à un moment donné, entraîne telle ligne de répartition».

B. L'avènement d'un principe de supplétivité

Evoqué l'avènement d'un principe de supplétivité en lieu et place de la subsidiarité suppose de comprendre que la territorialisation de l'action publique est la dimension la plus immédiatement associée à la rhétorique de la proximité. Rapprocher la décision publique des lieux d'émergence et de règlement des problèmes sociaux constitue en effet un élément central de la légitimation, par la proximité, des politiques localisées d'emploi et de formation.

La territorialisation apparaît ainsi comme une dynamique concomitante à la remise en cause de l'Etat-social qui s'exprime dans les domaines de l'emploi et de la formation par des dynamiques de décentralisation et de déconcentration. La dimension institutionnelle occupe de ce fait une place décisive dans les processus de décentralisation. La décentralisation en premier lieu mais aussi la déconcentration génèrent des recompositions fortes des systèmes d'acteurs locaux. Emergence d'un «acteur-pivot» dans le cas de la formation professionnelle ou reconfigurations territorialisées du Service Public de l'Emploi (SPE), la territorialisation est avant tout affaire de réaménagements institutionnels.

C'est dans ce contexte que la subsidiarité comme principe de délégation verticale des pouvoirs, en matière notamment sociale, telle qu'elle se dessine avec l'acte II de la décentralisation, peut se voir préférer un principe de supplétivité qui au lieu de n'autoriser qu'une action sur un mode dérogatoire, permettrait qu'émerge un mode d'action et d'intervention de principe.

Le principal ressort de légitimation prête aux territoires une efficacité plus grande que les actions conduites depuis le centre. L'efficacité des politiques territoriales est supposée meilleure parce que, soutenue par des procédés de management adéquats, elle permet de faire valoir les avantages de la proximité. Ces avantages sont d'ailleurs largement vantés : réduction des circuits décisionnels, meilleure connaissance des problèmes traités, socialisation au milieu, etc. A force de vouloir être proches on finit nécessairement par se retrouver nez à nez ! L'étape ultime des logiques subsidiaires qui animent le développement des approches de proximité se traduit par une maximisation des responsabilités individuelles.

Si la subsidiarité consiste donc bien à transférer au niveau le plus proche du «terrain» les responsabilités dont on estime qu'il peut les assumer, alors il est tout à fait nécessaire que cette dévolution ne s'opéra pas sur un mode dérogatoire, conçu par exception, mais bien plus comme un mode de gestion intégrer, d'intervention départementale de principe. Du point de vue des institutions, individualiser l'action publique au nom de la proximité signifie un bouleversement radical des logiques institutionnelles. Cette transformation affecte tout autant ceux qui mettent en oeuvre l'action publique que ceux à qui elle est destinée. Côté mise en oeuvre, il s'agit avant tout d'intégrer dans la culture professionnelle le passage du statut d'agent à celui d'acteur et admettre ce faisant un changement dans l'ordre de la légitimité. C'est voir se substituer à la légitimité que procure l'appartenance à une institution, celle qui émane de la capacité individuelle à être influent. La charge de la légitimité institutionnelle dont sont porteurs les agents était forte dans un gouvernement sectoriel, elle est fortement amoindrie dans le cadre d'une gouvernance territorialisée. Concurrencés par d'autres types de légitimité (élective, économique, associative), les agents sont sommés de devenir acteurs, de revaloriser par une plus-value individuelle leur place dans les jeux décisionnels locaux. Mais cette évolution ne touche évidemment pas que les agents institutionnels, elle concerne aussi les destinataires de l'action publique.

Autre glissement sémantique : on passe ici du « bénéficiaire » à « l'usager ». On attend de l'usager qu'il concoure par son action individuelle à la réussite de l'action publique. Acteur lui aussi, l'usager tend à devenir co-producteur et co-responsable de son employabilité et, ce faisant, de la réussite des politiques d'emploi et de formation.

Si l'on peut dire qu'il s'agit là d'un conflit sémantique, il n'en demeure pas moins vrai qu'il emporte des conséquences symboliques importantes, et que le choix pour l'usage d'une action supplétive en matière d'inclusion sociale, porte en elle le germe du dépassement d'une action publique dérogatoire, subsidiaire.

III. La déconcentralisation des politiques inclusives

Léon Duguit définissait le Service Public comme «toute activité dont l'accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants parce que l'accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et à l'accomplissement de l'indépendance sociale et qu'elle est de telle nature qu'elle ne peut être réalisée que par l'intervention de la force gouvernante»121(*). Allons plus loin. Le Social est service public, et c'est dans la mesure où la déconcentralisation «incarne» ce service qu'elle peut être le moteur du développement inclusif.

Les institutions de la Vème République ont été conçues pour restaurer la souveraineté et l'efficacité de l'Etat. On ne s'est pas interrogé, à l'époque, sur ce que pourrait être une configuration de l'État qui tiendrait compte, tant des attentes de nos concitoyens que de l'évolution des libertés et des réalités locales. Dans son discours de Lyon, le général de Gaulle avait ouvert le débat en se demandant si le modèle adopté n'était pas (déjà) dépassé et en traçant la perspective -- encore lointaine --, d'une France décentralisée. Depuis, la question de la compatibilité entre le modèle d'Etat et de Constitution adoptée en 1958, et le mouvement de décentralisation engagé en 1982, n'a cessé de se poser. La décentralisation française a été conçue comme un processus de modernisation globale de l'action publique et d'approfondissement de la démocratie. Il s'agissait, par la suppression de la tutelle exercée sur les délibérations locales, par la transformation de la région en collectivité locale de plein exercice, par le transfert du pouvoir exécutif aux élus dans les départements et les régions, par le transfert des compétences de l'État vers les échelons territoriaux etc., de mettre fin à la suprématie des «bureaux parisiens», de libérer les capacités d'initiative des élus locaux en consacrant leur majorité politique et de rapprocher la décision du citoyen.

Les lois de décentralisation (1982-1985) n'ont pas seulement profondément réorganisé les responsabilités, les pouvoirs et les contrôles ; elles ont permis de libérer des énergies locales souvent insoupçonnées des «bureaux parisiens», de transformer les notables traditionnels en «entrepreneurs» locaux et d'ouvrir, -- partout ou presque --, une ère nouvelle de dynamisme territorial. Mise en place d'une gestion de proximité modernisée, politiques locales de développement plus attractives, mutation du paysage urbain, maîtrise des politiques publiques et excellence de la gestion locale : tous ces phénomènes ont profondément marqué la première décennie de la décentralisation. Les traductions en matière sociale se sont manifestées par un double mouvement dont on a pu précédemment apprécier la pertinence. Reste posé la question de la conjugaison de ce double mouvement qui pourrait aboutir à une situation assez inédite en matière inclusive dont le néologisme de déconcentralisation rend compte. La décentralisation fait que l'État renonce en faveur des collectivités territoriales à certaines de ses compétences ; tandis que, dans la déconcentration, les compétences demeurent de l'État mais sont dévolues à ses services extérieurs ; la déconcentralisation, c'est l'affirmation que la décentralisation et la déconcentration sont inséparables, c'est l'affirmation que rien ne peut se faire sans un partenariat loyal entre l'État et les collectivités territoriales. Partant de cela nous verrons de quelle façon cela se traduit via la coopération des intervenants locaux (A) puis la coordination des actions territorialisées (B).

A. La coopération des intervenants locaux

Reconfigurer l'action publique à l'aune de la proximité, c'est aussi et surtout faire du partenariat et de la gouvernance des vertus cardinales. Les représentations dominantes dans l'action publique de proximité en matière d'emploi et de formation invitent à un partenariat extensif avec les acteurs de l'entreprise, de l'économie sociale et du monde politique. L'hybridation des décideurs se justifie là aussi par une exigence d'efficacité qui commande que toutes les « forces vives » soient associées à la lutte contre le chômage.

Côté institutions, le développement des logiques de gouvernance promeut une porosité des espaces publics et privés qui s'exprime tant au niveau de la décision que de la mise en oeuvre des politiques. Au niveau de la décision politique, cette dynamique s'incarne dans l'association d'acteurs issus de la «société civile» à des cercles auparavant réservés aux élites publiques. Si au niveau national, le partenariat social est une modalité ancienne d'élaboration de compromis politiques dans le champ de la formation, au niveau local, l'implication des acteurs de l'entreprise ou de l'action sociale se développe à la faveur de la territorialisation de l'action publique. Ce développement se heurte à la faible structuration territoriale du partenariat social et aux stratégies locales des acteurs économiques

Côté emploi, les partenariats locaux noués par le SPE se développent lentement. A l'intérieur même du SPE, ce mouvement d'hybridation est aujourd'hui patent. Il s'illustre de manière très claire tant par l'ouverture à l'UNEDIC des différents niveaux territoriaux du SPE que dans la place offerte en son sein aux missions locales122(*).

Au niveau de la mise en oeuvre, cette association prend une tournure différente : celle de l'externalisation. Réponse technique plus que politique à la quadrature du cercle des politiques de l'emploi - individualiser la lutte contre un chômage qui se massifie sans augmentation des effectifs de fonctionnaires au sein de l'administration de l'emploi - le recours à des prestataires externes représente une dynamique vaste et complexe encore peu étudiée123(*). Il se donne pourtant

à voir comme un phénomène massif et qui affecte tous les segments de la politique de l'emploi. Dans un contexte de réduction constante des budgets publics, la sous-traitance s'avère un outil indispensable pour embrasser la complexité d'une action publique de proximité.

Du côté des dispositifs, les instruments du partenariat public-privé sont nombreux, certains anciens (Comité de bassin d'emploi, COPIRE), d'autres connaissent un développement récent (contrat d'objectifs territoriaux, conseils de développement, maisons de l'emploi, etc.). En matière d'externalisation, de nombreux outils encadrants la commandite publique, le contrôle et l'évaluation du service fait ont été mis au point. Ils s'accompagnent d'une mutation des professionnalités au sein de l'administration de l'emploi qui passe ainsi d'une posture d'opérateur à une posture de commanditaire ; d'une culture du faire à une culture du faire-faire. Dans le champ de la formation, cette même relation d'achat de prestation par les Conseils régionaux (qui n'ont jamais été opérateurs directs) a connu une transformation importante du fait de la mise en oeuvre du code des marchés publics. Le passage au code des marchés publics s'est ainsi traduit par un repositionnement de la commande publique qui passe d'une logique de subvention à une logique d'achat de prestation.

Redéfinition des relations entre gouvernement central et local, action publique hybride et subsidiarisation de l'intérêt général : la conduite d'une politique de proximité dans le champ de l'emploi et de la formation chamboule les édifices institutionnels, modifie les représentations du bien commun et transforme les outils de l'intervention publique.

B. La coordination des actions territorialisées

La territorialisation de l'action publique est ainsi facteur autant que miroir de la perte de prégnance d'une régulation centralisée des problèmes sociaux. Les changements que cette dynamique induit, interrogent fortement les modèles classiques d'analyse du gouvernement. Par penchant disciplinaire sans doute, ce sont pourtant moins les restructurations géographiques que les nouvelles configurations de l'autorité et du pouvoir en leur sein qui sont au centre de la recherche en analyse des politiques publiques. L'action publique en matière d'emploi et de formation promeut une approche managériale de l'action sociale destinée à prévenir les risques individuels et collectifs liés au chômage. Elle contribue aussi à en générer.

Deux exemples : le risque d'enfermement localiste et d'individualisation de l'employabilité pour les bénéficiaires des politiques sociales. Le premier réside dans la fixation territoriale des plus défavorisés au nom de la gestion efficace des risques sociaux, c'est à dire visant la sécurisation des trajectoires individuelles mais aussi la sûreté de la collectivité. Le second tient à une tendance croissante vers la responsabilisation des individus au regard de cette sécurisation. La relation étroite qui s'établit dans les politiques sociales entre proximité et individualisation est porteuse d'un second risque ainsi décrit par Zygmunt Bauman : «encore plus incongru que de chercher des réponses locales à des problèmes globaux, on nous incite à tenter de résoudre sur le plan biographique les contradictions sociales»124(*).

L'enjeu est ainsi de dépasser, au stade pratique autant qu'analytique, une compréhension strictement spatiale de la proximité pour embrasser les différentes dimensions (organisationnelle, relationnelle, institutionnelle, etc.) que soulignent les économistes de la proximité125(*).

Chapitre 2nd : La promotion

de l'inclusion professionnelle par le marché

«La preuve du Pudding c'est qu'on le mange», aimait à répéter Engels, [...]. La preuve d'une politique efficace de l'emploi, c'est que le chômage baisse.

Jean-Louis Gombeaud, 2006

L'élargissement de la base des activités économiques, l'amélioration du volume de l'emploi et la réduction du chômage sont des conditions essentielles au maintien de la croissance économique, à la promotion de l'intégration sociale et à la lutte contre la pauvreté. Le renforcement de la participation à l'emploi est d'autant plus nécessaire qu'il faut s'attendre à une diminution de la population en âge de travailler. Dans le cadre des lignes directrices pour l'emploi, les États membres sont invités à: appliquer des politiques de l'emploi visant à atteindre le plein emploi, à améliorer la qualité et la productivité du travail, et à renforcer la cohésion sociale et territoriale; favoriser une approche fondée sur le cycle de vie à l'égard du travail; créer des marchés du travail qui favorisent l'insertion, renforcer l'attrait du travail et rendre l'emploi financièrement plus attrayant pour les demandeurs d'emploi, notamment pour les personnes défavorisées, et pour les inactifs; améliorer la réponse aux besoins du marché du travail.

Le taux de chômage des jeunes en France dépasse aujourd'hui 22 %, alors que celui de l'ensemble de la population est de 9,6 %, et atteint même 40 % pour les jeunes sans aucune qualification. En outre, même les jeunes qui accèdent à l'emploi connaissent des parcours perturbés, comme le souligne une récente enquête de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) : la grande majorité d'entre eux est embauchée en contrat à durée déterminée ou en intérim, voire ne trouve que des stages. L'étude montre que la France a le taux de contrats précaires le plus fort en Europe, exception faite de l'Espagne. En outre, il apparaît que ce sont essentiellement les jeunes qui sont touchés par cette forme de précarité de l'emploi. Si l'on compare à des pays dont le fonctionnement du marché du travail pourrait constituer un modèle intéressant pour la France, tel le Danemark ou les Pays-Bas, alors la situation des jeunes français n'est pas brillante.

Pour un jeune, avoir un emploi, c'est donc le plus souvent avoir un CDD, un emploi en intérim ou un contrat saisonnier. Alors que 90 % du stock total d'emploi est constitué de CDI, il faut attendre environ l'âge de 33 ans pour que le taux par âge soit égal à cette statistique moyenne. En outre, puisque 70 % des embauches se font en CDD, et que le taux de transformation de CDD en CDI est inférieur à un demi, on comprend que les jeunes enchaînent les CDD. Et entre chaque CDD, ils vivent le plus souvent une période de chômage. En outre, ce sont prioritairement les emplois qu'ils occupent qui jouent le rôle d'ajustement lorsque la conjoncture se détériore. La dualité entre CDD et CDI induit donc une répartition inégalitaire des risques liés à la conjoncture, qui sont prioritairement supportés par les jeunes, et plus généralement par les populations les plus fragiles qui occupent prioritairement les emplois à durée déterminée.

Partant de ce constat, la nouvelle politique adoptée se veut être le réceptacle des exigences communautaires (I), laquelle se traduit par une rénovation de l'approche politique adoptée nationalement s'agissant de l'inclusion sociale par le marché (II), s'illustrant donc par la réalisation d'une politique territorialisée (III).

I. La réception des exigences communautaires

« L'emploi est la meilleure protection contre l'exclusion sociale. Afin de développer un emploi de qualité, il convient de développer la capacité d'insertion professionnelle, en particulier grâce à l'acquisition des compétences et à la formation tout au long de la vie. La mise en oeuvre des objectifs dont s'est dotée l'Union européenne dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi contribue ainsi de manière déterminante à la lutte contre l'exclusion»126(*).

La réussite de la mobilisation en faveur du plein-emploi et d'une productivité plus élevée dépend d'une large gamme d'actions. Ainsi les investissements portant sur les infrastructures, le développement des entreprises et la recherche favorisent la création d'emplois, à court terme en raison des effets immédiats desdits investissements, mais aussi à plus long terme grâce à leur effet positif sur la compétitivité. Pour optimiser l'impact sur l'emploi de ces investissements, les ressources humaines doivent aussi être développées et renforcées. En termes de développement du capital humain, les lignes directrices pour l'emploi reposent trois priorités d'action pour les politiques d'emploi des États membres:

- attirer et retenir un plus grand nombre de personnes sur le marché du travail et moderniser les systèmes de protection sociale;

- améliorer la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises et accroître la flexibilité des marchés du travail;

- investir davantage dans le capital humain par l'amélioration de l'éducation et des compétences.

La politique de cohésion doit principalement viser à relever les défis spécifiques à chaque État membre mis en évidence dans la stratégie européenne pour l'emploi, cela en soutenant des actions s'inscrivant dans le cadre des objectifs de convergence et de compétitivité régionale et d'emploi. L'éventail des actions éligibles et des ressources financières est plus important pour le premier de ces objectifs. Pour le second, les ressources de l'UE sont beaucoup plus concentrées pour avoir un impact significatif. Les programmes pour l'emploi et le développement des ressources humaines doivent prendre en compte les défis et les priorités propres à chaque pays, comme le préconisent les recommandations sur l'emploi, et ils peuvent être gérés à l'échelon national ou régional. Pour pouvoir lutter efficacement contre les disparités régionales, les programmes nationaux doivent de fait permettre la concentration des ressources et moyens (A) préalable à la stimulation de la création d'emploi (B).

A. La concentration des ressources et moyens

«Chaque État membre et chaque région doit trouver la combinaison de politiques adaptée à sa propre trajectoire de développement, eu égard aux conditions économiques, sociales, environnementales, culturelles et institutionnelles qui lui sont propres. Cependant, même si le mélange de politiques peut varier selon le contexte, la concentration sera garantie au niveau des programmes et des projets en y incluant seulement les éléments qui peuvent contribuer à la croissance et à l'emploi. Ceci constituera le fil conducteur que la Commission entend défendre quand elle négociera les différents programmes nationaux et régionaux»127(*).

Ces présents propos de la commission sur la concentration mettent en exergue la nécessité pour les Etats membres et donc la France d'instituer, la présence d'institutions responsables du marché du travail efficaces, notamment de services pour l'emploi qui soient en mesure de relever les défis résultant de la rapidité des restructurations sociales et économiques et du vieillissement démographique, essentielles pour soutenir la fourniture des services aux personnes à la recherche d'un emploi, aux chômeurs et aux défavorisés. Ces institutions pourraient bénéficier du soutien des fonds structurels. Ainsi joueraient elles un rôle pivot dans la mise en oeuvre des politiques d'activation du marché du travail et dans la prestation de services personnalisés visant à promouvoir la mobilité professionnelle et géographique et mettraient en rapport offre et demande de travail, y compris au niveau local. Ces institutions comme les maisons d'emploi ou encore les chantiers d'insertions, doivent contribuer à anticiper les pénuries et les goulets d'étranglement sur le marché du travail et l'évolution des exigences professionnelles et des compétences requises. Cela devrait également faciliter une gestion judicieuse de la migration économique.

Au niveau du marché du travail, il convient d'accorder une priorité élevée au renforcement des mesures actives et préventives visant à surmonter les obstacles qui entravent l'accès à ce marché ou le maintien sur celui-ci et à promouvoir la mobilité des demandeurs d'emploi, des chômeurs et des inactifs, des travailleurs âgés et de ceux qui risquent de perdre leur emploi. Les actions doivent privilégier la prestation de services personnalisés, y compris en matière d'assistance à la recherche d'un emploi, de formation et de placement. Le potentiel offert par le travail indépendant et la création d'entreprise, ainsi que par les compétences TIC et la culture numérique, doit être pleinement exploité. Une attention particulière doit être accordée aux actions suivantes:

- mise en oeuvre du pacte européen pour la jeunesse en facilitant l'accès à l'emploi pour les jeunes, en facilitant la transition de l'éducation vers l'emploi, englobant ainsi l'orientation professionnelle, l'aide à l'achèvement des études, l'accès à une formation adaptée et à l'apprentissage;

- un ciblage d'actions destinées à accroître la participation des femmes au marché du travail, réduire la ségrégation professionnelle, éliminer les écarts de salaires entre hommes et femmes et les stéréotypes fondés sur l'appartenance à l'un ou l'autre sexe.- une action particulière doit être mise en oeuvre pour renforcer l'accès des migrants au marché du travail afin de faciliter leur participation au marché du travail et leur intégration sociale, par des mesures relatives à la formation et à la validation des compétences acquises à l'étranger, à l'orientation personnalisée, à l'enseignement de la langue, à la promotion de l'esprit d'entreprise et à la sensibilisation des employeurs et des travailleurs migrants aux droits et obligations qui sont les leurs et au renforcement de l'application des règles anti-discriminatoires.

Enfin, l'autre priorité importante est pour l'Union dans ce vaste programme inclusif, de faire en sorte que les marchés du travail puissent accueillir des personnes défavorisées ou menacées d'exclusion sociale, par exemple celles ayant quitté l'école prématurément, les chômeurs de longue durée, les personnes appartenant à une minorité ou handicapées. Cela suppose de construire des parcours d'intégration et de combattre les discriminations, en se donnant comme objectifs :

- d'améliorer l'employabilité de ces personnes en favorisant leur accès à l'éducation et à la formation professionnelles, en prévoyant des mesures de réadaptation professionnelle, des incitations appropriées et des adaptations des postes de travail. Ces interventions doivent être assorties d'un soutien social et des services de soins nécessaires, ce qui passe, entre autres, par le développement de l'économie sociale;

- de combattre les discriminations et promouvoir l'acceptation de la diversité sur le lieu de travail par des mesures de formation à la diversité et des campagnes de sensibilisation, auxquelles les collectivités locales et les entreprises doivent également être pleinement associées.

Plus qu'une vision, se dessine ici une volonté de l'Union de concentration des ressources et moyens à des fins inclusives.

B. La stimulation de la création d'emploi

La nécessité de concentration sur un nombre limité de priorités clés, en particulier en matière de création d'emploi, est particulièrement impérative sous cet objectif afin de garantir le meilleur usage possible de moyens financiers limités. L'investissement en capital humain peut jouer un rôle important afin de s'assurer une adaptation sans heurts aux changements économiques et aux restructurations. La finalité du nouvel objectif «compétitivité régionale et emploi» est d'anticiper et de promouvoir les changements économiques par les moyens suivants : renforcement de la compétitivité et de l'attrait des régions de l'UE par des investissements dans l'économie de la connaissance, l'entreprenariat, la recherche, les réseaux de coopération entre les universités et les entreprises, et l'innovation, amélioration de l'accès aux infrastructures de transport et de télécommunication, à l'énergie et aux soins de santé, ainsi que de la protection de l'environnement et la prévention des risques, accroissement de la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises et de la participation au marché du travail et promotion de l'intégration sociale et des communautés viables.

Les régions industrielles sont de plusieurs sortes : alors que beaucoup se caractérisent par d'importantes entreprises de production, des densités de population importantes et des taux de croissance économique élevés, on observe dans d'autres la coexistence d'une industrie moderne, des PME notamment, et d'un secteur des services dont la croissance est relativement rapide. Ces deux types de régions peuvent toutefois être confrontés à des poches de déclin urbain et de pauvreté solidement installées, à des problèmes de congestion, de pression environnementale et de santé publique, ainsi qu'à la nécessité de répondre aux défis de la mondialisation et de s'adapter à l'évolution économique de plus en plus rapide. À l'autre bout de l'échelle, nombre de régions industrielles commencent à peine à s'adapter au changement et l'effondrement de leur ancienne base industrielle n'est pas encore compensé par un nombre suffisant d'activités nouvelles. Par ailleurs, dans les endroits caractérisés par une faible densité de population, de petites entreprises sont souvent à l'origine du développement économique, mais ces zones sont confrontées à des défis similaires. Avec une faible densité de population, il est plus difficile de surmonter ces problèmes et la situation socio-économique n'a donc pas évolué au cours de la dernière décennie.

S'attaquer à ces problèmes, et soutenir les régions dans leurs efforts de restructuration et de création de nouvelles activités conformément au programme de Lisbonne révisé, est l'objectif que doit se fixer la nouvelle génération de programmes régionaux en faveur de la compétitivité et de l'emploi.

Ainsi dans le cadre des lignes directrices pour l'emploi, la France a été invitée à favoriser la flexibilité, en la conciliant avec la sécurité de l'emploi, à réduire la segmentation du marché du travail, en tenant dûment compte du rôle des partenaires sociaux ainsi qu'à assurer une évolution des coûts salariaux et à mettre en place des mécanismes d'adaptation des salaires qui soient propices à l'emploi. Les efforts dans ce domaine doivent viser à privilégier le développement de stratégies de formation tout au long de la vie afin de doter les travailleurs, notamment les travailleurs peu qualifiés et les travailleurs âgés, des compétences nécessaires pour s'adapter à l'économie de la connaissance et pour prolonger leur vie professionnelle. Tout ceci trouve une traduction quasi littérale dans le plan de cohésion sociale adoptée par J.-L. Borloo avec des mesures comme : la création des maisons de l'emploi, l'ouverture du marché du placement, l'amplification de la revitalisation et de la modernisation des locaux ANPE, la création de 2 000 postes de référents dans le réseau des missions locales et des PAIO, la création de 72 plates-formes de vocation, la promotion du contrat jeune en entreprise (CJE), la création législative et réglementaire d'une nouvelle voie d'accès à la Fonction publique d'Etat reposant sur le principe de l'alternance, la mise en oeuvre du contrat d'avenir ainsi que celle des CI-RMA et enfin des CNE,... La stimulation de l'emploi est donc clairement identifiée et constatée, preuve de la réception par la France des exigences communautaires.

II. La rénovation de l'approche nationale

« La loi de programmation pour la cohésion sociale a été promulguée le 18 janvier dernier. Elle vient s'ajouter à celle d'août 2003 sur la rénovation urbaine avec d'autres textes réglementaires. Cet ensemble forme ce qu'il est convenu d'appeler le Plan de Cohésion Sociale. Aujourd'hui est venue l'heure de sa mise en oeuvre, déterminée, sereine, mais audacieuse. C'est avec la mobilisation de toutes les forces vives de ce pays à laquelle a appelé le Président de la République que nous réussirons, élus, préfets, fonctionnaires, chefs d'entreprises, associations, partenaires sociaux»128(*).

Le droit du travail français est conçu pour protéger les travailleurs contre les restructurations de l'emploi grâce à une réglementation stricte du licenciement économique. En contrepartie, les contrats à durée déterminée (CDD) et le travail intérimaire donnent aux entreprises des marges de flexibilité. Ce système présente de nombreux inconvénients. La césure CDD-CDI et la réglementation des licenciements économiques entraînent de profondes inégalités : les jeunes sont cantonnés à des emplois en CDD, et les entreprises hésitent à embaucher des seniors sur des emplois stables, car leur destruction est très coûteuse. Le licenciement économique est accompagné de procédures de reclassement formellement exigeantes mais souvent contournées au détriment des salariés les plus fragiles et les moins informés.

Afin de réduire les inégalités de traitement et de simplifier le droit du travail, la suppression du CDD et la création d'un contrat de travail unique sont apparus sous le gouvernement Villepin comme une solution envisageable. Ce contrat aurait trois composantes : il serait à durée indéterminée ; il donnerait droit à une prime fonction de l'ancienneté en cas de licenciement (le montant payé inclurait en particulier la composante « précarité » versée en fin de CDD) ; il donnerait lieu à une taxe sur les licenciements qui servirait à garantir le droit au reclassement du salarié, reclassement assuré non plus par les entreprises mais dans un cadre organisé par le service public de l'emploi. C'est en suivant cette proposition que l'on développera l'idée d'une libéralisation du marché du travail (A) et l'adaptation, parallèle, des travailleurs et des entreprises (B) signes d'une politique publique inclusive.

A. La libéralisation du marché du travail

Longtemps restreinte aux inactifs et notamment aux retraités, la pauvreté concerne aussi depuis une trentaine d'années une proportion croissante d'actifs. Cette progression de la pauvreté des actifs s'explique pour une part non négligeable par l'émergence d'un chômage massif et durable, mais également par la croissance de la pauvreté au travail, et l'émergence du phénomène des «travailleurs pauvres». Ainsi, entre 1970 et 2002, le taux de pauvreté global en France a été divisé par deux (passant de 12 à 6 % au seuil de 50 %), mais le taux de pauvreté des salariés ou chômeurs ayant travaillé au moins un mois est passé de 3,4 à 5,7 %129(*). Par ailleurs, depuis une trentaine d'années, les gouvernements successifs ont multiplié les dispositifs visant à favoriser l'accès à la formation des demandeurs d'emploi et des salariés, notamment les moins qualifiés. L'élévation des qualifications, permise par la formation continue, est en effet conçue comme un moyen important de prévention du chômage de longue durée et des situations de précarité longue. L'examen des conditions d'accès à la formation montre toutefois que les chômeurs et les salariés peu qualifiés rencontrent toujours aujourd'hui plus de difficultés que les autres à se former, ce qui fragilise leur position relative sur le marché du travail130(*). Enfin, alors qu'à la fin des années 1970 les jeunes sans qualification constituaient le public prioritaire des politiques publiques d'emploi et de formation, la diffusion du chômage de masse à de multiples strates de la population a conduit les politiques à s'adresser à un public plus large que celui des moins qualifiés. Dans le même temps, l'ambition d'augmenter le niveau de formation d'une main-d'oeuvre peu qualifiée a partiellement fait place à la nécessité de lui procurer des emplois, si bien que les instruments d'intervention se sont diversifiés.

Ces trois traits caractéristiques de l'état social de notre marché du travail ont contribué à procéder à un vaste mouvement de libéralisation du marché du travail dont un des éléments marquants a été la mise en place du CNE et la tentative échouée du CPE. Le CNE et le CPE sont des contrats à durée indéterminée qui peuvent être rompus sans invoquer de motif pendant les deux premières années avec une période de préavis d'une durée réduite (deux semaines avant six mois d'ancienneté, puis un mois par la suite). Auparavant, mis à part l'intérim qui, de par son coût, est le plus souvent réservé à des missions courtes, seul le CDD présentait l'avantage, pour les entreprises, de pouvoir se séparer d'un salarié (par rupture ou au terme prévu du contrat) avec un risque juridique très faible, la rupture d'un CDI présentant un risque dès la fin de la période d'essai. A ce titre, il est utile de rappeler les avantages et les inconvénients des nouveaux contrats par rapport aux contrats existants pour les employeurs et pour les salariés. A priori, pour les employeurs, le CNE présente de nombreux avantages par rapport au CDD, et plus encore par rapport au CDI. Il présente également un certain nombre d'avantages a priori pour les salariés, même si les principaux gains pour ces derniers s'établiraient plutôt a posteriori (par le biais de plus nombreuses opportunités d'emplois). Pour l'employeur, les avantages sur le CDD et le CDI sont les suivants: tout d'abord, le recours au CNE ou au CPE n'a pas à être justifié, alors que le recours au CDD doit être motivé. Ensuite, le CNE offre la possibilité de rompre le contrat à tout moment sans terme prédéfini (la période d'essai d'un CDD est très courte, et pour rompre un CDD avant son terme il faut prouver l'existence d'une faute grave : ni l'insuffisance professionnelle, ni des raisons économiques, ni même la liquidation judiciaire ne sont des motifs valables). S'agissant des avantages par rapports au CDI, le CNE offre une flexibilité quasi-complète de licenciement, puisque l'employeur n'a pas de motif à invoquer; seule une procédure de licenciement simplifiée doit être respectée. En outre, la période de préavis de licenciement est réduite (15 jours avant six mois d'ancienneté, puis un mois, contre un à trois mois en cas de CDI). En principe, il y a beaucoup moins d'incertitude quant à l'issue judiciaire d'une éventuelle contestation devant les prud'hommes suite à une rupture avant le terme de deux ans (il n'y a pas de possibilité de recours pour licenciement non fondé notamment). Cet avantage n'est cependant pas certain dans la mesure où il y a possibilité de recours pour rupture abusive du contrat de travail en invoquant l'abus de droit.

S'agissant du salarié, les avantages a priori sont les suivants pour le salarié, les nouveaux contrats présentent deux types d'avantages par rapport au CDD. Tout d'abord, une meilleure prise en charge en cas de chômage du fait de l'indemnisation pendant un mois (avec un montant de 16,40 euros par jour) dès quatre mois d'ancienneté, contre 6 mois minimums de cotisation pour percevoir des allocations dans le régime général de l'assurance-chômage). Ensuite, en principe le statut de CDI s'applique au CNE vis-à-vis des tiers (banques, bailleurs, etc.), même si, dans les faits, il n'est pas certain que le CNE sera distingué du CDD. Par rapport au CDI, les nouveaux contrats offrent une meilleure indemnisation durant les deux premières années en cas de licenciement : le salarié en CDI de moins de deux ans n'a aucun droit à l'indemnité légale (ni conventionnelle le plus souvent) et n'a que peu de droits devant un tribunal. Les nouveaux contrats offrent également une meilleure prise en charge en cas de chômage du fait de l'indemnisation pendant un mois (16,40 euros par jour) dès quatre mois d'ancienneté (contre 6 mois minimum de contribution pour percevoir des allocations dans le régime général de l'assurance chômage). Ainsi assiste-t-on à une véritable libéralisation du travail, via l'introduction de ce nouveau contrat qu'est le CNE et dont on perçoit, les consonances européennes.

B. L'adaptation des travailleurs et des entreprises

La mise en place d'un contrat de travail unique a pour but de limiter les inégalités induites par l'utilisation excessive des contrats à durée déterminée. Elle a aussi pour but de simplifier le contrat de travail, dont la complexification progressive a constitué une source importante d'inégalité de traitement depuis deux décennies. «Est-il normal que Jean, cadre supérieur, avec vingt-cinq ans d'ancienneté dans une grande entreprise, licencié pour motif économique dans le cadre d'un plan social perçoive, après transaction, un montant total d'indemnités de 145 000 euros, alors que Patricia, employée dans une entreprise depuis onze mois, parte avec 1 050 euros ?»131(*) Dans cette perspective, le contrat de travail unique possède trois caractéristiques principales : c'est un contrat à durée indéterminée, en cas de rupture du contrat, l'employeur paye une indemnité, versée au salarié, et une contribution de solidarité, versée, à l'instar de la «contribution Delalande», aux pouvoirs publics et enfin la signature du contrat de travail offre l'assurance d'un accompagnement personnalisé et d'un revenu de remplacement en cas de perte d'emploi.

Le contrat de travail unique présente l'avantage de créer une incitation à la stabilisation de l'emploi, puisque les entreprises sont plus taxées et doivent verser plus d'indemnités de précarité dès lors qu'elles utilisent plus intensément des emplois de courte durée. Autrement dit, les entreprises qui embauchent et qui licencient peu verront leur coût du travail diminuer. En outre, le problème de la transformation d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne se posera plus. Dans la réglementation actuelle, l'échéance des contrats à durée déterminée constitue la source essentielle de perte d'emploi, puisque plus de la moitié des contrats à durée déterminée ne sont pas transformés en contrat à durée indéterminée. Ainsi, sur les 30 000 personnes qui quittent chaque jour un emploi, il y 15 000 fins de contrats à durée déterminée. La logique introduite par le contrat de travail unique devrait simplifier considérablement le travail du juge et sécuriser l'environnement juridique. En effet, dans le cadre du contrat de travail unique, où le licenciement donne lieu au paiement d'une contribution qui finance une garantie de reclassement, mise en oeuvre par des professionnels, l'employeur exprime sa responsabilité en payant la contribution de solidarité. Dans un contexte où l'employeur prend en compte la valeur sociale de l'emploi dans sa décision, paye pour que le salarié soit pris en charge efficacement par l'État aidé par des professionnels, le paiement de la contribution de solidarité et le respect de la procédure de licenciement devraient constituer des critères suffisants pour juger si un licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Ainsi, la logique introduite par le nouveau système simplifie naturellement la réglementation des licenciements dans la mesure où il n'est plus nécessaire de réserver un traitement particulier au licenciement économique. Cette simplification présente l'intérêt de sécuriser considérablement l'environnement juridique des salariés, à travers une prime de précarité pour tous, un reclassement de qualité, un traitement moins inégalitaire, et des employeurs. Cette sécurisation juridique présente un avantage important pour l'ensemble de la société par rapport à la réglementation actuelle, puisque le coût supporté par l'entreprise n'est plus la conséquence de lourdes procédures, contrôlées par l'autorité de l'administration et du juge sur la base de critères flous, mais bien d'un transfert qui abonde un fonds de solidarité. Ainsi, les coûts et délais associés au licenciement économique dans le système antérieur sont remplacés par la taxation des licenciements, dont les fonds sont mutualisés à fin de financement du reclassement des salariés dans le nouveau système. Pour qu'il devienne opérationnel, la notion de licenciement économique devrait donc être abandonnée. Ainsi assiste-t-on à l'adaptation des travailleurs et des entreprises

III. La réalisation de la politique territorialisée (l'exemple des marchés publics à critères sociaux)

«Le moteur de développement, c'est la capacité des sociétés locales à faire émerger ces liens denses et actifs entre les réseaux économiques locaux. Il n'y a pas de déterminisme et il n'y a pas de modèle. Certains s'en sortent très bien, d'autres mal»132(*).

Centralisme du gouvernement et intervention sectorielle ont durablement constitué le mode privilégié de définition de l'intérêt général. Un certain nombre de facteurs ont amenuisé la légitimité de cet édifice institutionnel - modèle du développement local, logiques communautaires de subsidiarité, effritement de la capacité redistributive de l'Etat - en soutenant une dynamique de territorialisation croissante de l'action publique. Ce mouvement s'inscrit dans un univers d'acteurs où les qualités personnelles priment sur la représentation institutionnelle et où règnent le partenariat, la règle procédurale et la proximité institutionnelle. La territorialisation des politiques publiques a ainsi démultiplié les centres décisionnels et effectivement « débordé » le cadre sectoriel caractéristique de l'Etat-moderne. La diversification et la complexification des domaines d'action publique soulignent les limites d'une approche sectorielle alors que la réalité sociale apparaît sans cesse plus labile, diverse et difficile à saisir sans une connaissance fine de ses ressorts locaux.

Encadrée par de nouvelles modalités de management le plus souvent d'inspiration communautaire - partenariat, subsidiarité, évaluation, co-production territorialisée -, la territorialisation de l'action publique vise à reconstruire les cadres de sa légitimation. En d'autres termes, l'efficience managériale supposée qu'octroie une action publique de proximité justifie la sortie progressive d'un modèle de définition stato-centré de l'intérêt général. Se faisant la collectivité territoriale procède à de l'animation territoriale vecteur de partenariat (A), et à la valorisation locale de la dynamique du marché (B).

A. L'animation territoriale vecteur de partenariats

Encore pratiquement absente du vocabulaire des économistes à la fin des années 1980, la notion d'attractivité a suscité au cours des 15 dernières années un intérêt de plus en plus marqué, au point de constituer aujourd'hui un des thèmes centraux des débats de politique économique. L'attractivité apparaît comme un discours permettant de justifier à la fois l'existence des institutions de développement locales et le type d'actions qu'elles mettent en oeuvre, plutôt que comme un enjeu économique réellement partagé par tous les acteurs présents sur le territoire. Cette notion d'attractivité est apparue s'imposer dans le présent travail, dès lors qu'il devait être question de la manière dont la collectivité territoriale traite la question de l'inclusion sociale par le marché. Véritable acteur de l'animation territoriale, le département joue désormais un rôle moteur dans la promotion de l'inclusion sociale, rôle au demeurant novateur sur le terrain particulier des marchés publics via la promotion des marchés publics à caractère sociaux.

La commande publique peut être utilisée comme un instrument de lutte contre l'exclusion en favorisant l'emploi de personnes en difficultés d'insertion. Dans une communication interprétative, en date du 15/10/2001, la commission européenne a fait le point sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d'intégrer des aspects sociaux dans les marchés. Il ressort de cette communication que, «c'est avant tout au stade de l'exécution, c'est-à-dire une fois le marché attribué, qu'un marché public peut constituer un moyen pour une collectivité publique d'encourager la poursuite d'objectifs sociaux. Les acheteurs publics ont, en effet, la possibilité d'imposer au titulaire du contrat le respect de clauses contractuelles portant sur le mode d'exécution du contrat qui soient compatibles avec le droit communautaire. Ces clauses peuvent comprendre des mesures en faveur de certaines catégories de personnes et des actions positives dans le domaine de l'emploi».

Il est important de noter que la définition de l'objet d'un marché ou de ses conditions d'exécution ne doit cependant pas avoir pour effet de limiter abusivement la concurrence ou de réserver l'accès au marché à des entreprises locales au détriment d'entreprises nationales, ni même au détriment de soumissionnaires d'autres Etats membres. Le code des marchés publics, issu du décret n°2001-210 du 7 mars 2001, a intégré ces dispositions en droit national, dans le cadre de son article 14. Le nouveau code des marchés publics (décret n°2004-15 du 7 janvier 2004) n'a pas modifié le dispositif. Peuvent ainsi être insérées dans les cahiers des charges, des clauses d'exécution à visée sociale, en faveur de personnes défavorisées ou exclues du marché de l'emploi. Depuis 2001, la réglementation des marchés publics reconnaît ainsi aux collectivités publiques la possibilité de contribuer à l'insertion de personnes en grande difficulté, principe qui a été à nouveau consacré dans le nouveau code des marchés publics en vigueur depuis le 10 janvier 2004. C'est ainsi que la voie a été ouverte à l'introduction de clauses sociales permettant d'inciter les entreprises répondant aux appels d'offres publics à réserver à des personnes engagées sur un parcours d'insertion une partie du volume travaillé dans le cadre des marchés concernés. De même, la passation de marchés avec des structures d'insertion par l'activité économique a été facilitée par l'instauration de procédures allégées et adaptées.

Ainsi l'introduction de clauses sociales d'exécution dans les marchés publics s'inscrit dans les dispositions de l'article 14 du code des marchés publics (décret du 7 janvier 2004) participe de ce dispositif ainsi que la conclusion de marchés en application des articles 28 ou 30 du code directement avec les structures d'insertion par l'activité économique. Ce dispositif, utilisé à son plein potentiel, peut constituer un outil puissant pour insérer des personnes éloignées de l'emploi.

On se trouve ici pleinement dans un exemple d'animation territoriale ou l'attractivité comme politique de valorisation du territoire permet de multiplier les marchés publics diffusant ainsi, une politique d'inclusion sociale transversale à un grand nombre de secteurs.

B. La valorisation locale de la dynamique du marché

C'est dans le cadre de marchés publics de travaux et de services, qui impliquent en général la mise en oeuvre prioritaire de mains-d'oeuvre qualifiées ou non, que l'acheteur pourra le mieux tenir compte de préoccupations en matière d'insertion.

Tous les marchés de services ou travaux ne sont néanmoins pas susceptibles d'intégrer des conditions sociales d'exécution. Ainsi, lorsqu'une direction envisage, pour la passation d'un marché, d'inclure dans sa commande une exigence en matière d'insertion professionnelle, il lui est d'abord nécessaire de se renseigner sur le volume de travail que peuvent assurer les structures d'insertion par l'activité économique ou les personnes concernées, susceptibles d'être embauchées directement par les entreprises titulaires. Ensuite, elle détermine le volume de travail devant être confié à ce public et le mode d'insertion à retenir. Mais la Direction peut également, après avoir fixé le volume de travail à faire accomplir par des salariés au titre de l'insertion professionnelle, décider de laisser le libre choix de la modalité à l'entreprise.

Attribuer des marchés à des structures d'insertion, dont l'objet social est d'insérer des personnes en difficulté, peut constituer une réponse aux objectifs sociaux de la région, un département ou de l'intercommunalité, d'où le qualificatif de providence qu'on peut leur attribuer, en ce qu'elle remplisse désormais un rôle plein et entier dans la valorisation locale de la dynamique du marché. L'attribution de marchés à de telles structures suppose néanmoins qu'elles aient été préalablement candidates à ces marchés publics. La liberté d'accès à la commande publique est au nombre des principes fondamentaux consacrés par l'article 1er du code des marchés, au même titre que les principes d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

Bien que tout à fait libres de se porter candidates aux marchés des différentes collectivités, les structures d'insertion ne se présentent cependant pas lors des consultations organisées. Il s'agit là de la principale difficulté. Deux éléments peuvent être avancés pour expliquer cette situation : l'impossibilité, pour une petite structure, d'exécuter des marchés qui s'avèrent trop importants ou complexes pour elle, et la difficulté, pour ces structures, d'appréhender les règles relatives aux marchés publics et notamment les conditions à remplir pour la remise d'une offre. Lorsque des marchés sont passés dans les domaines habituels d'intervention des structures d'insertion, l'acheteur public peut jouer un rôle, cette fois au stade de la mise en concurrence, en menant une réflexion, lorsque les prestations se prêtent au découpage, sur les éventuelles possibilités d'allotissement de la consultation. Le recours à l'allotissement déjà envisagé dans l'objectif de faciliter l'accès des PME à la commande publique, pourrait ainsi, dans les domaines économiques relevant de l'activité des structures d'insertion favoriser les candidatures de ces dernières. Par ailleurs, lorsque, en raison de l'objet ou du montant des prestations, la procédure de passation du marché n'est pas formalisée par le code des marchés (marchés passés en procédure adaptée conformément à l'article 28 du code ou marchés de service bénéficiant du formalisme allégé de l'article 30), les acheteurs peuvent, dans le cadre des mises en concurrence adaptées qu'ils organisent, s'adresser aux structures d'insertion susceptibles de pouvoir répondre à leur consultation pour solliciter de leur part une candidature ou une offre.

Les embauches se réalisant alors peuvent être de deux types, direct ou indirect. Lorsque l'exécution d'un marché permet ou nécessite l'exercice d'une mission sur plus de 6 mois, le recours à des personnes en difficulté, par embauche directe peut être envisagé. L'emploi de ces personnes peut être effectué sur contrat aidé ou non aidé. Pour être éligibles dans le cadre de ces recrutements, les demandeurs d'emploi appartenant à ces catégories doivent avoir été préalablement validés par l'ANPE comme relevant des publics prioritaires. Ils devront ainsi fournir à l'entreprise titulaire une lettre de l'ANPE attestant de leur appartenance aux publics éligibles. Si le cahier des charges prévoit le recours à l'embauche directe, l'entreprise titulaire envisageant de recruter sur un contrat aidé dispose d'un choix parmi sept types de contrats. Les contrats aidés sont les suivants: contrat de qualification, contrat de qualification adulte, contrat d'apprentissage, contrat d'adaptation, contrat d'orientation, contrat jeune en entreprise, contrat initiative emploi, et désormais le contrat nouvel embauche.

Deux de ces contrats concernent les personnes âgées de plus de 26 ans : le contrat initiative emploie et le contrat de qualification adulte. Les recrutements directs sur contrats aidés se font nécessairement sur une durée longue, supérieure à six mois. Il convient donc de réserver ce type de clauses aux marchés d'une durée supérieure à un an. Par ailleurs, ce mode de recrutement ne peut être mis en oeuvre que sous réserve de disposer, dans les pièces du marché, d'informations relatives au volume du travail nécessaire à l'exécution des prestations (en nombre de personnes mises à disposition pour l'exécution des prestations ou encore en nombre d'heures effectuées). L'ANPE pourra également organiser, en accord avec l'entreprise, des mesures d'accompagnement des salariés concernés au sein de celle-ci. Pour les embauches indirectes, elles correspondent au recours à une main d'oeuvre temporaire, recrutée essentiellement par les entreprises de travail temporaire d'insertion. La mise en activité par une entreprise de personnes salariées par le GEIQ133(*) dont elle est adhérente est également considérée comme une embauche indirecte au titre de l'application de l'article 14. Quant aux salariés recrutés dans l'entreprise à l'issue d'un parcours au sein du GEIQ, ils seront considérés comme relevant de l'embauche directe.

Voici ainsi décrit une modalité pouvant être suivit par les collectivités, pour procéder à la réalisation de la politique territorialisée de l'inclusion sociale via la promotion des marchés publics à critère sociaux.

Conclusion de la 1ère partie

La gestion publique s'est singulièrement complexifiée. Avec la territorialisation de la lecture des problèmes publics et la responsabilisation des élus locaux, la logique originelle de spécialisation par blocs de compétences s'est avérée peu réaliste. C'est davantage la clause générale de compétence qui s'est vue octroyée un statut d'évidence dans les différentes collectivités territoriales. En a découlé l'activation de logique partenariale pour monter des dossiers et faire jouer des financements croisés au prix d'une dilution des responsabilités et du règne du pragmatisme. Dans ce cadre, les professionnels de l'action publique ont acquis une place considérable pour rassembler les moyens requis par la production d'une action publique négociée. De même, le cumul de mandats a trouvé une nouvelle opportunité de justification pour accéder à des ressources dispersées. Au total, la décentralisation s'est accompagnée d'une dispersion du pouvoir créant les conditions d'un développement des logiques de réseau pour construire des politiques et prendre la mesure des moyens disponibles. Elle a aussi favorisé un déplacement flou des lieux d'action. Si la décentralisation a manifestement contribué à centraliser la gestion locale dans les mains d'équipes politiques restreintes, et plus ou moins personnalisées, elle s'est également accompagnée d'un déclin des mobilisations collectives locales. Plus précisément, celles-ci sont devenues plus erratiques et peut-être davantage circonscrites à des problèmes localisés (fermeture d'équipements et de services publics, défense d'un paysage) et à des situations de fait (chômeurs, marginaux, minorités).

La décentralisation a ainsi sonné comme une forme de primauté de l'institution sur la société. La conséquence est que les responsables publics se retrouvent plus isolés ne serait-ce qu'au travers l'extension des contraintes budgétaires, ou encore la sur responsabilisation que la charge de la politique publique inclusive suppose. Face à la définition des orientations, ils ne peuvent que s'efforcer de solliciter la mobilisation locale à travers toute une série d'instruments. S'érige de fait au travers la pérennisation des dispositifs sociaux curatifs et la formulation consubstantielle de politique sociale occupationnelle, l'avènement du paradigme de la Collectivité Providence.

2ème PARTIE : LA BANALISATION DE L'EVALUATION PAR LES POLITIQUES D'INCLUSION SOCIALE

Depuis le mouvement de décentralisation amorcé il y a 20 ans, l'action publique se voit totalement bouleversée, de nouveaux acteurs, publics ou privés, entrent en jeu ; les politiques publiques se voient partagées entre plusieurs niveaux de décision, s'exécutent dans le cadre de partenariat, sur des territoires sans cesse redessinés allant de l'Europe à la commune en passant par les régions et les départements. Conséquemment se pose ipso facto la question de la performance de ces politiques publiques, et c'est donc logiquement que l'évaluation accompagne la montée en puissance et en complexité des politiques publiques notamment locales. N'est en jeu rien d'autre que la notion de gouvernance territoriale et sur ce terrain, l'inclusion sociale est une politique de choix pour analyser ces évolutions.

Aujourd'hui, composante de la gestion publique, l'évaluation est selon Xavier Greffe134(*) un «moyen de répondre aux trois déficits rencontrés par la gestion des pouvoirs publics : insuffisance d'informations, difficultés de communication, et exigence de contrôle». La définition officielle de l'évaluation des politiques publiques rappelle qu' «évaluer une politique, c'est apprécier son efficacité en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre»135(*). Si toutes ces définitions paraissent claires, elles posent en réalité un certain nombre de questions qui rendent la pratique de l'évaluation pas si aisée : on peut se demander en effet, à l'aune de la définition officielle de l'évaluation, quels sont les objectifs de la politique, quels sont ses résultats attendus et comment on peut les mesurer. En pratique, les objectifs officiels des politiques sont souvent flous, contradictoires et peu susceptibles d'être rigoureusement confrontés à la réalité des effets produits.

Les politiques sociales, telles qu'elles sont conçues aujourd'hui, comme beaucoup d'autres politiques ne sont pas exemptes de tels obstacles à l'évaluation. On pourrait même affirmer que c'est précisément dans ce domaine que l'évaluation semble à la fois la plus nécessaire et la plus difficile à mettre en oeuvre. C'est pourquoi, se pose la question de la possibilité de dépasser ce dilemme entre l'impérieuse nécessité d'évaluer et sa difficile mise en oeuvre.

Il s'agira ici d'aborder cette question en s'écartant du formalisme qui règne quant aux formes d'institutionnalisation de l'évaluation en matière sociale. Dans cette perspective sera ainsi mise en exergue une véritable émergence d'un critère qualitatif comme gallon d'analyse de l'évaluation (Titre 1) aboutissant à l'enracinement d'une véritable culture performative (Titre 2).

TITRE 1er : L'EMERGENCE D'UN CRITERE QUALITATIF

L'évaluation constitue un des axes majeurs de la modernisation du management public136(*) qui se développe dans les années 90 pour répondre à la crise des finances publiques. En effet, face à une complexification croissante et à la montée en puissance des contraintes entourant la mise place de véritable politique publique137(*), l'évaluation exprime un besoin de comprendre, de mesurer, de juger, et de réformer le cas échéant les actions publiques138(*). L'évaluation des politiques publiques, des programmes publics ou, plus généralement, de l'action publique, est entrée dans le débat en France dans les années 1990, elle s'inscrit dans le processus initié à l'occasion de la RCB139(*). Cependant lorsqu'on se donne la peine de situer la genèse du phénomène évaluatif dans un contexte de critique et, en définitive, de crise de l'Etat - contexte qui était celui de la charnière entre les années 70 et années 80 - et qui a partiellement suscité l'officialisation de facteurs dits de " changements " administratifs, comme les lois de décentralisation, les techniques de communications, la multiplication des cercles de qualité, des audits... dans un grand nombre d'administrations publiques, on est conduit à considérer l'opération RCB comme prolégomènes à une démarche évaluative. En effet, l'évaluation de l'action administrative constitue un thème déjà présent dans la problématique RCB, à une époque où elle était entendue essentiellement comme une démarche d'identification et d'analyse ex post des effets de l'action administrative. Depuis la fin des années 70, la démarche évaluative avait commencé sa montée en puissance dans le cadre de la RCB, jusqu'à former un bon quart des études lancées à partir de ces années-là. C'est d'un colloque international organisé en décembre 1983 par la Direction de la prévision du ministère de l'Economie, des finances et du budget, avec l'appui du Secrétaire d'Etat chargé de la Fonction publique et des réformes administratives, en collaboration avec HEC, l'ENA et l'ENPC, que l'évaluation va apparaître comme le moyen de faire émerger un critère qualitatif :

«L'évaluation des politiques publiques, c'est-à-dire l'appréciation a posteriori des effets réels des décisions publiques, se trouve en France dans la situation paradoxale d'être à la fois souhaitée et ignorée. L'évolution de l'économie mondiale, l'accélération du changement technologique, la modification des comportements sociaux et politiques des individus conduisent à une mutation de l'action des pouvoirs publics. Les acteurs de la vie publique ressentent donc le besoin d'instruments adaptés à ce contexte de remise en cause permanente. L'évaluation paraît alors dotée de deux vertus : apporter une aide à la gestion des politiques publiques, enrichir le dialogue démocratique que la société entretient sur ces politiques. Mais en même temps, sous le terme commun d'évaluation, se font jour des conceptions et des attentes multiples. Les expériences entreprises à ce titre sont diverses, de même que les appréciations qu'elles suscitent...»140(*).

Cette définition est celle qui a dominé jusqu'à l'apparition d'un champ de controverses important sur l'évaluation à partir de l'année 1984, c'est-à-dire au moment où, précisément, la RCB disparaît sur un plan administratif avec la suppression de la commission RCB à la Direction de la prévision. Ce colloque a marqué une date capitale dans la prise de conscience du problème :

- il a permis, d'établir un premier bilan de la pratique des évaluations en France, d'engager une réflexion méthodologique et stratégique globale sur la nécessité et le statut de l'évaluation de l'action publique dans notre pays ;

- il a conduit à la création, en 1984, de l'Office parlementaire d'évaluation des choix technologiques et scientifiques...

Pourtant, bien qu'entre 1983 et 1999, l'évaluation ait fait son chemin peu de choses ont changé pour décrire une situation marquée par : un déficit d'information, les besoins auxquels l'administration est confrontée et le double objectif (près de vingt ans après) qui reste à atteindre : conceptuel d'abord, pour clarifier la notion même d'évaluation ; opérationnel ensuite, pour permettre que se développe une démarche permettant une meilleure adaptation des actions publiques aux circonstances actuelles.

S'agissant des stratégies en faveur de l'inclusion sociale dans les territoires, l'ancrage territorial et la proximité locale se sont révélés des atouts pour adapter les dispositifs régionaux et nationaux aux mutations de l'économie. Cependant, l'élaboration de stratégies territoriales intégrées, jouant sur tous les leviers de l'accès à l'emploi et du développement de l'emploi (intermédiation, formation, activités nouvelles de services, économie sociale et solidaire, création d'entreprise, développement d'entreprises...), débouche sur des formes de partenariat innovantes mais souvent complexes à mettre en oeuvre puisqu'elles impliquent la coordination des politiques menées localement par les acteurs institutionnels (Etat, Régions, Départements et Collectivités locales ou leurs groupements) et des actions conduites par les acteurs privés (employeurs et leurs groupements, associations et société civile).

Il s'agit donc par le processus évaluatif de promouvoir, dans la gouvernance territoriale, des démarches globales favorisant la coordination des acteurs locaux dans le domaine de l'emploi et de l'inclusion (Service public de l'emploi local, collectivités locales, partenaires sociaux, entreprises et associations) pour une prise en compte croisée des problématiques à caractère social des territoires.

Dans un tel contexte, il convient d'interroger le développement de l'évaluation dans les politiques publiques partenariales (Chapitre 1), pour ensuite voir l'extension de l'évaluation aux politiques publiques locales (Chapitre 2).

Chapitre 1er : Le développement de l'évaluation dans les politiques publiques partenariales

Quelle que soit sa compétence réglementaire, une collectivité territoriale se saisira d'un problème à partir du moment où il émergera au sein de l'agenda politique local.

P.Muller, 1998

Evoquer le développement de l'évaluation dans les politiques publiques qualifiées de «partenariales» sous-tend deux impératifs : le premier est de s'entendre sur une définition consensuelle d'une politique publique partenariale, le second impératif plus simple a priori se révèle tout aussi impérieux puisqu'il s'agit de donner une explication aussi claire que possible sur l'idée de l'évaluation, sur ce qu'elle est et est susceptible d'apporter à ce type de politique.

S'agissant du premier point il convient de revenir aux bases même de ce qu'est une politique publique, en effet celle-ci s'entend généralement au niveau national : élaborée et formulée par l'exécutif, adoptée par le parlement, une politique publique résulte de la volonté d'un gouvernement d'inscrire dans un champ donné une action destinée à produire un changement, un mieux-être à court ou moyen terme pour la société, une série de mesures conformes à l'intérêt général. Une politique publique c'est selon les propos de Patrick Gibert «une théorie du changement sociale»141(*).On parlera ainsi d'une politique de l'emploi, de la ville, de la protection de l'environnement, une politique éducative,...etc. Dans ce sens, la politique publique apparaît donc comme un mode de finalisation et de solennisation de l'action publique où la formulation des objectifs résulte de l'expression d'une volonté générale. Cette base ainsi posée permet dès lors de s'interroger sur le qualificatif partenariale de la politique publique. Sans revenir sur l'évolution de l'action publique dans son ensemble on peut, néanmoins mettre à jours la lente émergence de la notion de territoire, territoire qui comme nouvel espace opératoire des échanges économiques et sous l'effet combiné de la déconcentration et de la décentralisation, se voit désormais re-découpé, redessiné, recomposé par les pouvoirs publiques à la recherche de l'échelle la plus pertinente d'action publique. Dans ce mouvement, l'Etat désormais polycentrique négocie, contractualise avec d'autres autorités infra étatiques de sorte que de sorte que malgré son maintien comme l'élément moteur et central, l'Etat est conduit à déléguer ou tout le moins à coopérer induisant ipso facto l'émergence d'une véritable politique publique partenariale. C'est très logiquement dans ce phénomène singulier de délégation/coopération que l'évaluation trouve à émerger avec une rare vigueur.

La raison de cette émergence, de ce développement d'une culture évaluative, du moins au début est mue par ailleurs par un impératif de rationalité et d'objectivité scientifique.

L'évaluation est à la politique ce qu'est la fiction à la Science, ayant pour objectif moins de «fournir une description fidèle de la réalité que de permettre de projeter une situation, éventuellement irréelle qu'elle représente»142(*), l'évaluation, permet de construire une théorie, d'envisager des hypothèses et d'explorer leurs conséquences, de formuler d'éventuelles altérités. Ce qui caractérise donc l'évaluation n'est pas son statut logique mais bien cette fonction cognitive de représentation.

C'est en suivant ces éléments introductifs que seront évoqués successivement l'apparition de la pratique évaluative dans les politiques publiques partenariales (I) puis sa propagation (II) et enfin son institutionnalisation (III).

I. L'apparition de la pratique évaluative

Il existe aujourd'hui un large consensus pour reconnaître à l'évaluation des politiques ou des actions publiques le statut d'ardente obligation qui fut, un temps, celui du Plan en France. Ce consensus est assurément très réconfortant pour tous ceux qui sont attachés à la promotion d'un modèle de décision publique plus rationnelle et plus démocratique.

«Malheureusement, un principe de précaution doit s'appliquer presque systématiquement face à tout consensus, et plus encore quand les voix s'accordent pour défendre un instrument de rationalité, de transparence et de responsabilité des actions publiques. Car, au fond, n'est-ce pas précisément parce que, par nature, il est rare que l'action publique réunisse tous ces attributs que l'on s'accorde pour affirmer l'intérêt de l'évaluation des politiques publiques ?»143(*)

Il est, en effet, bien légitime de s'interroger sur les chances de succès de l'outil «évaluation des politiques publiques» et sur sa capacité à prévaloir sur les forces profondes qui font que, souvent, l'action publique n'est ni vraiment rationnelle, ni vraiment transparente. Les efforts effectués pour acclimater l'évaluation des politiques publiques en tant que processus courant de la décision publique sont cependant anciens et ont débuté au sein de l'Union européenne il y a près de quarante ans. C'est à partir des années 60 que la Commission développe l'évaluation des politiques de recherche scientifique et technologique qu'elle finance. Aujourd'hui, l'évaluation de chaque programme est obligatoire - un budget est prévu à cet effet - et conditionne son renouvellement. La pratique de l'évaluation s'est étendue à d'autres domaines, en particulier aux politiques partenariales que la Commission mène avec les Etats et les régions. C'est en suivant ce cheminement chronologique que seront examinés l'apparition de la pratique évaluative dans le contrôle des programmes de financement communautaire (A) auquel lui succédera le saisi des contrats de plan Etat/ Collectivités Territoriales (B).

A. Le contrôle des programmes de financement communautaire

La mise en oeuvre des financements communautaires est accompagnée depuis 1988 d'une pratique d'évaluation. Devenue obligatoire est systématique depuis 1994, l'évaluation s'applique aux fonds structurels (FEDER, FSE, FEOGA, IFOP). Comme ces financements interviennent en compléments des politiques nationales, notamment ceux mis en oeuvres dans le cadre des contrats de plan, l'évaluation imposée au niveau européen a ainsi contribué au développement de la pratique et des méthodes de l'évaluation dans les états membres parmi lesquels bien sûr la France. Dés 1988, le Conseil impose l'évaluation des fonds structurels, il fixe à cette époque des principes directeurs de ces fonds : concentration des crédits, déconcentration de leur mise en oeuvre, additionnalité144(*) des financements communautaires et nationaux, partenariat entre les différents échelons, et évaluations systématique des actions.

Le cadre de cette évaluation a été précisé lors de l'adoption par le Conseil des règlements applicables à la période 1994-1999. L'obligation d'évaluer est explicitement mentionnée par le règlement cadre CEE de 1993 et les règlements du 20 Juillet 1993 propres à chaque fonds (FEDER, n°2083/93, FSE n°2054/93 et FEOGA n°2085/93). L'actuel dispositif et celui du règlement général du 21 Juin 1999, contenant plusieurs mesures destinées à encourager l'évaluation et l'amélioration de son efficacité :

-l'attribution de la réserve de performance, sorte de bonus financier venant en complément des financements communautaires contractuels, étant soumis à la réalisation effective des évaluations à mi-parcours ;

-de même, le rôle assigné à l'autorité de gestion dans la mise au point de l'évaluation est conforté.

S'agissant plus spécifiquement de l'obligation évaluative dans le cadre des financements communautaires, cette dernière s'impose selon des modalités qui peuvent aller jusqu'à la sanction financière puisque la commission peut refuser les concours communautaires à un Etat Membre qui ne fournit pas les informations suffisantes. Cette obligation porte sur la globalité du programme sans négliger aucun critère. L'adéquation du programme aux besoins, comme l'évolution de ces derniers ou la synergie entre les mesures, peuvent ainsi être analysée. C'est bien d'éclaircissement quant à la réalisation effective des priorités de l'action européennes dont il est question, ce qui en matière inclusive vise ainsi depuis l'adoption de la stratégie de Lisbonne : «l'évaluation de l'efficacité du programme sur quelques thèmes renvoyant chacun à des problématiques spécifiques145(*) : emploi, transfert de technologie, littoral, mobilisation FSE, développement rural,...»146(*). S'agissant de la période 2007-2013, l'évaluation de l'inclusion sociale vise la vérification de deux objectifs majeurs : la concentration et la convergence.

S'agissant du premier : la croissance de la production économique est essentiellement composée de deux éléments moteurs: l'emploi et la croissance de la productivité. Ces éléments sont intimement liés et doivent être stimulés simultanément afin d'obtenir une répercussion maximale. Afin de promouvoir dans le cadre des programmes 2007-2013 de développement national et régional un cheminement de développement durable et renforcer la compétitivité dans le contexte d'une économie de la connaissance, il est essentiel de concentrer les ressources sur des infrastructures de base, sur le capital humain et la recherche et l'innovation, y compris l'accès aux technologies de l'information et de la communication (TIC) et leur utilisation stratégique. Ceci suppose des investissements matériels comme immatériels. S'agissant de la convergence : pour les régions et les États membres éligibles à la politique de cohésion au titre du nouvel objectif de convergence, l'objectif principal sera de stimuler le potentiel de croissance pour maintenir et porter les taux de croissance à un niveau supérieur. Cet objectif trouve sa pertinence à la lumière de l'augmentation sans précédent des disparités au sein de l'Union élargie, du caractère à long terme des efforts qui seront nécessaires pour réduire ces disparités, et de la contribution qu'il peut apporter à la compétitivité de l'UE dans son ensemble. Leurs stratégies se concentreront donc sur les investissements et les services collectifs qui sont indispensables pour parvenir à une augmentation de la compétitivité à long terme, la création d'emplois et un développement durable.

Il convient néanmoins de bien comprendre que toute cette logique est indubitablement liée à un suivi pertinent des CPERs (Contrat de plan Etat/Région) car, il convient d'analyser la cohérence, la pertinence et l'efficacité de l'articulation entre fonds structurels européens et contrats de Plan État-région, pour des raisons de croisements et d'imbrications des deux modes d'actions publiques.

B. Le saisi des contrats de plan Etat/ Collectivités Territoriales

Parallèlement à l'évaluation des financements communautaires, intervenant généralement dans le cadre des contrats de plan, l'évaluation s'est progressivement étendue aux procédures contractuelles mises en oeuvre entre l'Etat et les collectivités. Ces procédures concernent en premier chef, les contrats de plan Etat-région, appelés à une profonde redéfinition à leur échéance intervenue cette année en 2006. Mais les actions contractualisées comprennent aussi, à partir de 2000, diverses autres interventions, contrat de ville, d'agglomération, de pays, parcs naturels régionaux, que nous n'évoquerons pas puisque tous ne concernent pas l'inclusion sociale et que nous adoptons une analyse transversale de cette politique publique.

L'obligation d'évaluer les politiques publiques contractualisés résulte d'une décision du comité interministériel d'aménagement du territoire du 23 Juillet 1992 consacré à la préparation des contrats de plan. La circulaire du 9 Décembre 1993 en a arrêté les principes et l'organisation. Ce texte complète, le mandat de négociation donné aux préfets le 30 Décembre de la même année, traduit dans le droit interne l'obligation d'évaluation formulée par les procédures communautaires : le règlement communautaire n°2080/93 du Conseil du 20 Juillet 1993 rend obligatoire l'évaluation des opérations financées avec l'aide des fonds structurels européens. La circulaire de 1993 précise que l'évaluation doit consister à «mesurer l'adéquation de chaque composante d'un programme à l'objectif affiché et à en dégager des propositions pour en améliorer la performance», ce qui n'a pu être traduit dans le cadre de l'inclusion sociale que lors de l'évaluation à mi parcours de PNAI en 2003, la formulation de l'inclusion datant de Lisbonne. Précisément, une circulaire est venue reformuler partiellement cette obligation d'évaluation, la circulaire du 25 Août 2000. L'obligation d'évaluer les procédures contractuelles de la période 2000-2006 a été formulée par deux circulaires du premier ministre du 31 Juillet 1998 pour les contrats de plan et du 31 Décembre 1998 pour les contrats de ville. Confirmé par la circulaire du 25 Août 2000, relative à la mise en oeuvre de l'évaluation des procédures contractuelles, qui abroge celle du 9 Décembre 1993, le texte fixe les modalités d'évaluation et vise notamment à prendre en compte les procédures communautaires et infrarégionales et à les fondre dans un seul et même dispositif.

Ce dernier, piloté par le commissariat au Plan, se singularise ainsi par trois caractéristiques :

-la décentralisation de la procédure de programmation des évaluations : elle est désormais assurée par un comité de pilotage régional147(*), constitué par une section spécialisée de la conférence régionale d'aménagement du territoire, permettant une meilleure coordination au niveau national ;

-des procédures nouvelles d'engagements de crédits, visant à encourager la programmation pluriannuelle des évaluations des CPER : 75% des crédits affectés à chaque région sont délégués directement par le Commissariat au Plan en début d'années aux préfets de Région qui ont défini une programmation de leurs évaluations, illustrant ainsi la perpétuation de la logique de la RCB et au-delà de ça, induisant la recherche d'un contrôle infra étatique du respect du principe d'aditionnalité ;

-l'organisation du suivi des évaluations : une synthèse est établi à mi parcours au niveau régional, ce qui d'une permet dès 2000 de voire se profiler l'importance de la région dans le pilotage des politiques européennes en lieu et place de l'Etat, illustrant belle et bien l'émergence d'un nouveau paradigme de Collectivité Providence, suppléant l'Etat dans la mise en oeuvre des politiques inclusives mais allant aussi jusqu'au suivit de ces dernières.

Par ailleurs on peut s'interroger sur la signification de ce rôle phare de la Région à une heure ou l'Europe recherche un interlocuteur plus pertinent que l'Etat, cela préfigurait-il d'ores et déjà l'acte deux de la décentralisation et les cas échéant la nouvelle rédaction de l'article 72 alinéa 2 de la constitution, permettant et autorisant la création mais aussi et surtout la suppression de niveaux territoriaux inefficients ? La question trouve à se poser !

II. La propagation des évaluations

Officialisée par un décret du 22 janvier 1990 créant le Conseil scientifique de l'Evaluation auquel a succédé le Conseil National de l'Evaluation (décret du 18 décembre 1998), c'est essentiellement une circulaire du 9 décembre 1993 qui a assorti les Plans de contrats Etat/Régions et les contrats de ville d'une obligation d'évaluation à l'instar des mesures préconisées pour l'évaluation des programmes européens. Depuis, la nécessité d'évaluer semble progressivement s'imposer à l'échelle territoriale comme un outil rigoureux de gestion en interaction avec une démarche prospective. La démarche ressort alors d'un véritable choix politique. Evaluer une action publique, une politique publique c'est dès lors juger de leur valeur au regard de critères préalablement explicités et sur la base d'informations rassemblées et analysées à cet effet. L'évaluation permet ainsi la compréhension d'ensemble de la politique étudiée, l'appréciation globale de ses effets et du degré d'atteinte de ses objectifs et enfin la pertinence et l'efficacité des ressources mobilisées pour sa mise en oeuvre. Les conditions dans lesquelles se réalise une évaluation doivent permettre de répondre à la double exigence d'une expertise indépendante, à savoir : un regard extérieur porté sur la politique évaluée, une prise en compte équitable des points de vue de ses décideurs, de ses acteurs et de ses bénéficiaires. Ces lignes de forces ont amené la France vers l'évaluation en passant par : une assimilation incitative - dimension cognitive - (A) puis ont permis une acculturation progressive - dimension normative - (B).

A. Une assimilation incitative (dimension cognitive)

En pratique, une évaluation n'est jamais exclusivement récapitulative148(*) ou formative149(*). Une évaluation qui vise à repérer les changements induits par l'action manque de crédibilité et devient inopérante pour la préparation des décisions futures si elle n'explique pas les processus et les comportements à l'origine de ces changements, c'est-à-dire les raisons du succès ou de l'échec. Inversement, proposer des adaptations dans la conduite de l'action peut s'avérer sans suite si le problème de fond se situe dans l'énoncé des objectifs et des buts à atteindre.

Ce préambule méthodologique posé, permet de bien saisir l'ambivalence de l'évaluation. Elle comporte ainsi une dimension indubitablement «cognitive».

En effet, elle cherche à connaître les effets de la politique publique, à la fois en termes de résultats (objectifs du service rendu) mais aussi sur l'environnement. Elle comporte l'acquisition de connaissance sur les politiques, leur mise en oeuvre et leurs effets. Elle aura ici pour but de donner aux responsables les moyens de rendre compte de leur action, elle permettra d'attribuer ou d'imputer aux différents systèmes d'action et de décision, la responsabilité ou la cause des résultats ou dysfonctionnements constatés.

C'est bien dans cet esprit que se développe l'évaluation des politiques tout au long des deux dernières décennies, et plus spécifiquement sans doute dans le domaine sociale ou il est évident que cette dimension cognitive trouve une prépondérance bien plus importante que les deux autres dimensions que sont : la dimension normative et instrumentale. En effet, là où la dimension normative permet de : «décider» en éclairant les choix publics par une appréciation de l'impact des politiques sur la société, en rationalisant l'allocation des ressources budgétaires et permettant d'améliorer la conception et les conditions de mise en oeuvre de la politique, là où la dimension instrumentale permet de «former» et de «mobiliser», en confrontant les acteurs aux résultats de leur action, en permettant de mieux comprendre les processus auxquels ces acteurs participent, en les aidant à réfléchir finalement aux objectifs des politiques et à se les approprier, l'assimilation incitative de la pratique évaluative comme pratique de bonne gouvernance, induit : «une première étape d'imputation permettant aux citoyens de juger de la qualité des politiques et aux responsables de rendre compte de leur action»150(*). C'est là la logique gouvernant la politique d'inclusion sociale. «Il est ressorti de l'examen à mi-parcours du processus que les résultats obtenus jusqu'à présent étaient mitigés. Après de premiers résultats encourageants en 2000, la croissance de l'emploi s'est brutalement ralentie, l'évolution de la productivité demeurant pour sa part décevante tout au long de la période, en partie en raison de l'incapacité à exploiter pleinement les opportunités offertes par les technologies de l'information et de la communication (TIC). Même si ces résultats économiques médiocres sont en partie dus au ralentissement de l'économie mondiale, il reste encore beaucoup à faire pour renforcer le potentiel de croissance et de création d'emplois en Europe. En février 2005, la Commission a proposé au Conseil européen de mars 2005 un nouveau Partenariat pour la croissance et l'emploi. Le Conseil a confirmé ses objectifs et souligné la nécessité de relancer la stratégie de Lisbonne. Dans le cadre de cet effort renouvelé, « l'Union doit davantage mobiliser tous les moyens nationaux et communautaires appropriés- y compris la politique de cohésion151(*) ». De surcroît, le Conseil a conclu qu'une meilleure appropriation des objectifs de Lisbonne sur le terrain était nécessaire»152(*).

B. Une acculturation progressive (dimension normative)

Le bilan de la mise en oeuvre de l'évaluation des financements européens, quinze ans après les règlements de 1988 qui ont formulé pour la première fois, leur obligation, illustre les étapes d'une acculturation progressive de la pratique évaluative. L'obligation d'évaluation systématique ex ante et ex post ne s'est pas immédiatement traduit dans la pratique. L'incitation a donc été renforcée par une double contrainte, juridique et financière. D'une part les règlements adoptés en 1993 pour la période 1994-1999 confortent l'exigence d'évaluation instituant une obligation d'appréciation ex ante, de suivi et d'évaluation ex post pour les autorités nationales et régionales. D'autre part, l'article 26 du règlement de coordination spécifie que : «les aides seront octroyées lorsque l'appréciation ex ante aura démontré les avantages socio économiques à retirer à moyen terme, eut égard aux ressources utilisées». Cette exigence très forte de justification économique a priori est cependant loin d'avoir fait la preuve de son applicabilité pratique.

Une enquête réalisée en 1996 par deux cabinets de consultants sur l'évaluation des programmes communautaires formule un diagnostic critique sur ces dispositifs. Le processus d'évaluation est jugé inadapté : faiblesse du cadre méthodologique, manque de formation des intervenants, diffusion inefficace, indépendance insuffisante des évaluateurs, trop faible utilisation de ses rapports finaux153(*). L'évaluation s'est développée cependant également dans les autres Etats Membres mais avec une certaine inégalité : en 1999, le Comité d'experts indépendants, dans son second rapport sur la réforme de la commission, a relevé la passivité de nombreux comités de suivi154(*). De plus la commission ne peut conduire d'évaluation indépendamment des Etats-membres, et se trouve de ce fait tributaire de la qualité des évaluations conduites localement ; l'article 40-3 du règlement général de 1999 impose en effet des évaluations conjointes.

Pourtant malgré ces éléments critiques, la conscience d'utilité d'évaluation a progressé notamment avec les évaluations à mi-parcours. Les règlements communautaires relayés en cela par les législations nationales ont fortement contribué au développement de l'évaluation. Dans les quinze Etats membres pour la période courant de 1996 à 1998, plus de 380 évaluations à mi-parcours ont été organisés155(*) ; le nombre d'évaluation a été multiplié par 5 Ou 6 par comparaison à la période 1989-1993 et cette proportion tend à s'agrandir plus encore s'agissant des évaluations systématiquement opéré désormais dans le cadre du suivi les politiques inclusives, lesquelles se trouvent durablement pérennisés pour la période 2007-2013 en tant que pratique de principe.

III. L'institutionnalisation de l'Evaluation

Il existe aujourd'hui un contexte favorable à un rôle accru de l'évaluation. A cet égard, des réformes en cours intègrent davantage l'évaluation dans le processus de la décision publique : au niveau national, la réforme budgétaire prévue par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) ou encore, la reconnaissance du droit l'expérimentation (loi du 1er août 2003 relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales) dans le cadre de la décentralisation sont des illustrations de ce changement de mentalité.

L'économie du décret de 1990 était largement inspirée par la préoccupation de se conformer aux principes, alors en phase d'appropriation, que la doctrine sur l'évaluation des politiques publiques paraissait alors recommander d'appliquer à celle-ci. L'un des principaux objectifs poursuivis par le décret actuellement en vigueur du 18 novembre 1998 a consisté, selon sa circulaire d'application, à mieux traduire le souci de transparence. Ce dernier animait déjà le premier dispositif interministériel, mais celui-ci pouvait être considéré comme en retrait par rapport aux canons de l'évaluation. Un des premiers objectifs du nouveau décret fut de remédier à cette situation et d'appliquer plus pleinement les principes théoriques. Un second objectif fut poursuivi, de nature plus pragmatique, avec la simplification de la procédure. Celle-ci passe par la suppression du CIME156(*). Désormais, le système ne repose plus que sur deux piliers : un organisme d'animation de l'évaluation «sui generis», le Conseil national de l'évaluation (CNE) et le Commissariat général du Plan. Ces éléments témoignent de l'affinement du cadre théorique (A) ainsi que du renouvellement du cadre juridique (B).

A. Un cadre théorique affiné

La littérature doctrinale sur l'évaluation des politiques publiques s'est considérablement développée. Il est impossible, et sans grand intérêt, de rendre compte de la totalité des définitions proposées. Toutefois trois définitions d'origine doctrinale méritent d'être citées en raison des évolutions qu'elles traduisent et, pour les deux premières, de leur mention dans les travaux fondateurs de l'institutionnalisation de l'évaluation des politiques publiques en France :

- La définition proposée dans un rapport du Plan de 1985 (rapport Deleau) pour laquelle «évaluer une politique, c'est reconnaître et mesurer ses effets propres».

- La définition du rapport Viveret de 1989, où «évaluer une politique, c'est former un jugement sur sa valeur».

- Celle de Freeman et Rossi enfin, selon laquelle, «l'évaluation doit se préoccuper de l'utilité, de la mise en oeuvre, de l'efficacité et de l'efficience des mesures qui ont pour but d'améliorer le sort des membres de la société».

On relève ainsi une évolution d'une définition assez neutre où l'évaluation serait un simple processus d'identification des effets d'une action publique vers des définitions assignant à l'évaluation un rôle plus complet et pleinement appréciatif.

Parallèlement toujours dans ce détour théorique, il convient de saisir que les collectivités locales, régions, départements, communes sont caractérisées par l'existence d'une logique politique d'une part et une logique de service d'autre part. La volonté de rapprocher les deux univers a conduit à développer des segmentations calant les délégations politiques au champ des directions ou des services. La volonté de responsabiliser sur les budgets et la mise en place de comptabilité analytique ont largement renforcé ce phénomène. Privilégiant la logique des centres de responsabilités (que nous avons eu l'occasion d'évoquer précédemment Partie 1, Titre 1, chapitre 2), les collectivités ont donné la primauté à la lecture des services avant de raisonner en prestations. Cette dernière dimension n'est pas absente, mais elle est secondaire, en comptabilité analytique ou en contrôle budgétaire, d'autant plus que le degré de finesse est souvent tel que des regroupements d'activités homogènes sont : « plus problématiques que facilitées dans ce cadre»157(*). Pour le sujet qui nous intéresse, la partition de la collectivité en un certain nombre d'unités divise l'environnement en autant de sous environnements distincts. Chaque service entretient des relations privilégiées avec une fraction de l'environnement. Ce phénomène, que Lawrence et Lorsch158(*) qualifient de différenciation, conduit à des modes d'organisation du travail, des comportements individuels et collectifs, des formes de relations interpersonnelles qui sédimentent une «segmentation organisationnelle», qui lors de la mise en place d'une nouvelle politique notamment sociale induisant une modernisation des modes d'interventions des différents acteurs impliquant la mise en place de pratique évaluative, implique une segmentation stratégique de l'action publique et donc de l'évaluation par le biais d'une externalisation de celle-ci. Ce dont il est question ici finalement c'est de véritable réorganisation managériale au sein de la conduite de la politique d'inclusion sociale que traduit, notamment mais pas seulement, le développement de la pratique évaluative.

Nouvelle pratique, segmentation, recherche de rationalité, nouvelle gestion, prestation de proximité, nouvelle logique d'intervention, tout ceci rend nécessaire une segmentation de chaque politique publique impliquant une segmentation relevant du pilotage, de la participation et de réalisation propre que seul peut permettre une évaluation.

En ce sens c'est une véritable révolution du cadre théorique qui s'opère où l'évaluation permet au final de fournir une base solide pour l'action (ici sociale), en déplaçant la problématique vers la conception optimale des programmes, l'importance de définir des objectifs clairs et la nécessité de dégager des ressources et du temps. Occasion aussi de redéfinir le sens et la finalité première de l'action au regard des missions de service public pour dépasser la logique d'occurrence, d'opportunité, au positionnement médiatique pour renforcer la logique de cohérence et d'effectivité des interventions. Voici en substance les renouvellements théoriques induits par l'acculturation normative, par le déploiement de la pratique évaluative au sein des politiques publiques, au sein de la démarche inclusive.

B. Un cadre juridique renouvelé

Sur le plan du droit positif, deux définitions de l'évaluation des politiques publiques se sont succédées témoignant du renouvellement du cadre juridique. Le décret du 22 janvier 1990 en a donné la première définition «officielle» :

«Evaluer une politique, c'est rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en oeuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d'atteindre les objectifs qui lui sont fixés».

Le décret du 18 novembre 1998, créant le Conseil national de l'évaluation, lui a substitué une nouvelle définition selon laquelle :

«L'évaluation d'une politique publique a pour objet d'apprécier l'efficacité de cette politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en oeuvre».

La redéfinition opérée par le décret de 1998 est assez modeste, mais témoigne d'une certaine maturation du concept. Dès lors l'évaluation apparaît comme étant plus qu'un simple suivi. Une simplification est ainsi apportée puisque le décret assimile implicitement les effets attendus d'une politique à ses objectifs. Cette assimilation paraît légitime si l'on considère que les objectifs visés sont les objectifs ultimes de la politique envisagée et si l'on dépasse donc la considération des seuls résultats intermédiaires d'une politique donnée. Cette nuance, qui peut sembler abstruse, est importante. L'analyse des politiques publiques conduit à distinguer plusieurs niveaux d'effets de la mise en oeuvre d'une politique : celui de la réunion des ressources nécessaires (par exemple, les crédits ou les personnels) ; celui des réalisations (par exemple, le nombre de dossiers examinés) ; celui des résultats (par exemple, le nombre des redressements fiscaux effectués) ; enfin, celui des impacts (par exemple, la réduction du nombre de cas de fraudes fiscales ou, inversement, l'accentuation de l'évasion fiscale).

L'évaluation des politiques publiques a pour ambition particulière d'apprécier l'ensemble des maillons de la chaîne de l'action publique et d'appréhender jusqu'aux impacts finaux d'une politique. C'est sa spécificité par rapport à des travaux, qu'on tend, à tort, à assimiler à elle, qui s'arrêtent en chemin, ne décrivant le plus souvent que les moyens et les réalisations, même si, dans le meilleur des cas, ils peuvent, très exceptionnellement, aller jusqu'au compte rendu des résultats. Il est donc particulièrement nécessaire de rappeler que l'ambition de l'évaluation des politiques publiques dépasse la seule description des ressources et des réalisations d'une politique donnée. Une pareille approche relève d'un simple suivi de gestion, alors que l'évaluation des politiques publiques se donne pour objet d'apprécier le plus complètement possible la politique qui lui est soumise. L'évaluation se penche donc sur l'efficacité mais aussi sur l'efficience. Seconde novation bienvenue, le nouveau décret appelle à juste titre à «peser» les moyens d'une politique en fonction non seulement de leurs effets, mais aussi, le terme «comparant» y invite, en fonction de l'équilibre existant entre l'ampleur des moyens mobilisés et les résultats de la politique à laquelle ils contribuent. Alors que la définition de 1990 était axée sur une évaluation de la seule efficacité des moyens mis en oeuvre, celle de 1998 introduit la préoccupation de juger l'efficience des moyens consacrés aux politiques soumises à évaluation. Il apparaît ainsi un enrichissement des définitions et une identité forte. A considérer le droit positif, on peut relever que la pluralité des définitions de l'évaluation s'est accompagnée d'un enrichissement progressif autour de l'idée d'une démarche cognitive et appréciative élaborée. Chacune des définitions de l'évaluation possède sa propre «identité». Mais, elles ont en commun d'assigner à l'évaluation des politiques publiques un objectif particulier qui lui confère une forte identité et se révèle très ambitieux. Cette pluralité de définitions témoigne d'un enrichissement progressif de la notion d'évaluation et du renouvellement juridique de sa conception.

Chapitre 2nd : L'extension de l'évaluation aux politiques publiques locales

Evaluer une politique, c'est s'efforcer d'apprécier de façon valide ses effets réels [...] Parler d'effets réels n'exclut [...] pas les conséquences sur les représentations [...]mais souligne que l'on s'intéresse au résultat ex post de la politique considérée par opposition aux effets prévisionnels.

J.-P. Nioche & R. Poinssard, 1984

Si l'évaluation des politiques publiques partenariales a été stimulée par les dispositifs mis en place pour accompagner les financements communautaires et les actions contractuelles, ceux-ci ne rendent pas compte de la totalité du champ de l'évaluation. L'évaluation des actions locales s'est développée dans les années 90 tantôt dans le cadre de dispositifs institutionnels, tantôt selon des formes plus autonomes. Ces démarches connaissent aujourd'hui un succès significatif, même si elles continuent de rencontrer divers obstacles : l'inadaptation des systèmes d'information ou encore l'émiettement de l'action locale, voire la méfiance des acteurs locaux. Mais le concept de l'évaluation, comme la conscience de sa nécessité sont véritablement présent dans les discours, signe d'une association désormais assimilé de l'évaluation à la dynamique même des politiques locales.

L'évaluation associée à la politique locale témoigne de l'appropriation de la notion de territorialité des politiques publiques actuelles par ses acteurs eux-mêmes. Ainsi la politique se déploie sur un territoire. La territorialisation consiste dès lors dans une adaptation des politiques générales aux spécificités locales ; elle participe parallèlement à une expression de la dynamique locale. Ce qu'il faut bien assimiler c'est que le développement des actions publiques sur le territoire s'exerce dans un système d'action très différent de celui de la politique nationale. Il s'inscrit dans un système de coopération associant des acteurs hétérogènes, dans un enchevêtrement de compétence et un emboîtement des niveaux d'intervention. Actions publiques contractualisées, polycentriques, partenariales, associatives ou coopératives, cette nouvelle forme d'action résulte avant toute chose de la superposition des champs de compétences et de la multiplication des centres de décisions rendant éminemment nécessaire : l'appréhension de l'instrumentalité des évaluations dans les politiques publiques locales (I), qui permet de saisir l'opérationnalité des champs de l'évaluation dans le domaine de l'inclusion qu'est le social (II), contribuant ainsi à l'analyse de la productivité de l'évaluation au niveau local (III).

I. L'instrumentalité des évaluations dans les politiques publiques locales

Il est des représentations du monde qui ont la vie dure. C'est indéniablement le cas de celle qui consiste à voire dans l'Etat un organisme extérieur à la société, qui pense pour elle, et intervient pour la réformer au nom d'un l'intérêt général supérieur en réponse à des demandes sociales. Le sens commun notamment journalistique, est imprégné de cette acception systémique et qualifiable de top/down des politiques publiques159(*), mais il n'aurait pas de circonstances atténuantes s'il n'était pas lui-même pénétré, parce qu'héritier, de représentations savantes comme l'analyse séquentielle et ses variantes, et technocratiques comme la planification et la RCB, inspirées par ce schéma. Cependant à ce titre et compte tenu de ce préalable, il apparaît tout à fait évident que la pratique évaluative dont on a pu délimiter le champ et poser le cadre, démontre une réelle instrumentalité qui avant même la légitimation de l'action publique et la rationalisation de la fonction publique entendu ici à des fins politiques, permet de comprendre et de saisir l'empilement des politiques publiques locales (A) première étape vers la maîtrise des interactions de ces dernières (B).

A. Comprendre l'empilement des politiques publiques locales

L'inscription de l'action publique locale dans un lieu géographique et politique propre s'accompagne d'un diversification du champ et des modes d'interventions locaux, qui font intervenir une pluralité d'acteurs extérieurs, publics ou privés. La question du pilotage de l'action publique nécessite alors de prendre en compte les éventuelles mutations affectant la façon dont les organisations politico administratives traitent les problèmes, imaginent des procédés, adoptent de nouveaux modes opératoires. En l'occurrence, la thématique du sociale dans sa dimension inclusive, impose de nouvelle façon de gérer les affaires publiques.

En effet, de nouvelles fonctions sont crées, dont les « pôles d'accueil en réseau pour l'accès aux droits sociaux » (PARADS), prévue par le plan de cohésion sociale. Du point de vue opérationnel, les PARADS visent à améliorer le fonctionnement du partenariat local pour un accueil des publics en difficulté ; à promouvoir l'utilisation, via Internet notamment, de dispositifs d'information partagés entre tous les partenaires intervenant auprès de ces publics ; à mettre en place les outils opérationnels permettant d'éviter les retards dans l'accès aux droits et les ruptures de droits ; à faciliter l'accès aux services et aux droits fondamentaux grâce à l'établissement de liaisons fonctionnelles plus denses et plus efficaces entre institutions, associations et organismes gestionnaires. En outre, ils s'appuient, tant dans la phase d'élaboration des projets que dans la phase opérationnelle, sur l'expérience des usagers pour une meilleure analyse des situations de non accès aux droits et dans une perspective de participation citoyenne. On distingue ainsi le rôle majeur joué par la territorialisation des intervenants locaux se dessiner mais en même temps apparaître la question de l'uniformité des conceptions des thématiques inclusives. Ainsi les régions n'ont sans doute pas toutes la même conception de la formation professionnelle...

Pour en revenir aux acteurs (COG, CNAF, PARADS, CNAM, DRASS, DDASS), dotés de compétences inédites et chargés d'assumer de nouveaux rôles, censés agir en équipe, se pose une question subséquente à la précédente : leur degré de concurrence. Les transformations ont pu être vues comme induisant la genèse d'un nouveau modèle d'action publique caractérisé par l'action globale (ou transversale), le décloisonnement de l'action publique. Mais toutes ces mutations sont conditionnelles. Elles vont en effet à l'encontre d'un mouvement séculaire de sectorisation de l'action administrative. Au sein de l'Etat comme des régions, départements et intercommunalités, des services différenciés, souvent articulés sur des ensembles sociaux spécifiques, sont en position de concurrence. Ces secteurs définissent des intérêts stabilisés, des logiques d'action collective, dont la conciliation avec de nouveau modèle d'action publique n'est pas aisée. En raison sans doute de ces pesanteurs, les réformes envisagées ici ne présentent pas les traits d'un projet volontaire d'action sur le réel, malgré la rhétorique qui peut parfois les accompagner.

Les nouvelles fonctions sont souvent faiblement définis, et doivent s'ajuster avec les dispositifs d'actions existants plutôt que de se substituer à eux. Bref ces innovations doivent être comprises comme des fragments de politiques constitutives.

Il est dès lors tout à fait légitime de s'intéresser à l'empilement des politiques publiques locales en matière inclusives puisqu'elles révèlent le degré d'intégration de la problématique à chaque échelon. Dans cette démarche, la propagation de l'évaluation apparaît comme un pré requis indispensable dans une logique de vérification et de recherche d'efficacité. On comprend alors que prendre part à ce dispositif évaluatif à la fois en tant qu'acteur mais aussi en tant qu'entité administrative évaluée dans le cadre de la politique d'inclusion sociale, permet de montrer son degré d'intégration/participation, permettant de conclure à une «mobilisation multisectorielle», au sens de Michel Dobry : «les mobilisations ne se réalisent pas toujours, loin de là, autour d'enjeux et de stratégies identiques à tous les acteurs, et il est extrêmement imprudent de ce fait de rapporter les processus de mobilisation à la poursuite de certaines fins collectives ou valeurs communes»160(*).

Cette absence, «potentielle» et j'insiste sur ce qualificatif, d'accord sur les finalités n'empêche pas les structures de se mettre en place et témoigne de toute façon de l'imbrication, de l'empilement des politiques publique locales en matière inclusives,ce qui est nécessaire pour saisir les interactions de ces même politiques

B. Maîtriser les interactions des politiques publiques locales

La précédente partie a montré que l'idée d'une politique publique et le développement de la pratique évaluative qui l'accompagne étaient indissociables de celui de sectorisation - même si toutes les politiques publiques ne sont pas sectorielles - dans la mesure ou c'est à partir d'une représentation de la société comme ensemble de secteur que se développent la plupart des interventions publiques. Or, c'est précisément cette représentation sectorielle de la société qui semble aujourd'hui atteindre ses limites plus spécifiquement encore sans doute s'agissant de la politique d'inclusion sociale (cf. Partie 1, Titre 2, Chapitre 2).

Cette remise en cause de la sectorialité se manifeste notamment en France par une perte d'efficacité des modes de négociation fondés sur la représentation corporatiste des intérêts, par la recherche d'une nouvelle forme de proximité et surtout par, le rôle de plus en plus prépondérant pris par la pratique évaluative (dans sa dimension cognitive) eut égard à la maîtrise des interactions des politiques publiques locales qu'elle induit. Elle s'accompagne ensuite par l'émergence d'une nouvelle dialectique entre secteurs et territoires, ou l'analyse verticale des politiques publiques tend à illustrer ses propres limites. Ainsi, «l'idée s'est imposé en France, qu'il fallait désormais trouver des formes de développement adaptées à chaque situation. Celles-ci doivent désormais prendre en compte l'intégralité des actions menées par les pouvoirs publics»161(*). Ce mouvement correspond finalement à un «débordement du cadre d'intervention sectoriel par les politiques territoriales»162(*) qui traduit en fait une volonté politique dans un contexte de concurrence pour le positionnement dans l'espace des compétences partagées, a fortiori en matière sociale. Comme l'écrit Anne Cécile Douillet : «il est aujourd'hui impensable de comprendre l'action publique sans prendre en compte les relations sociales localisées, ce qui constitue un tournant de taille dans la mesure ou les analyses classiques de l'action publiques ont précisément expliqué le développement des politiques publiques par le passage du territoire au secteur comme mode régulation sociale»163(*). C'est ainsi que les analyses de Bruno Jobert et Pierre Muller164(*) qui faisaient référence jusqu'alors, se voient ainsi largement remises en cause, de sorte qu'il soit désormais question de la désectorisation des politiques publiques et concomitamment de leur territorialisation, mouvement rendu visible par la pratique évaluative.

La maîtrise des interactions entre politiques inclusives intercommunales, départementales et régionales permet ainsi une transversalité et une cohérence plus importante. La facilitation de l'accès au logement comme action intercommunale, s'articule ainsi avec la politique de relance de l'emploi via, l'animation territoriale et la valorisation locale du marché du travail, opérée au niveau départementale, qui s'emboîte au dernier échelon régional sur : la promotion de la formation et les aides à la création d'entreprise. L'action publique inclusive trouve ainsi à se structurer localement, territorialement et sectoriellement.

La dimension cognitive de l'évaluation est ici certainement à son apogée ou du moins importante puisque de ses enseignements dépends en grande partie la pérennisation des expérimentations locales mises en places. En effet, l'évaluation en ce qu'elle tente de répondre à un ensemble de questions relatives à une politique, à sa mise en oeuvre et à ses effets en cherchant à apprécier la cohérence (dans la conception et la mise en oeuvre), l'atteinte des objectifs (dans quelle mesure les évolutions constatées de la réalité sociale sont-elles conformes aux objectifs de la politique ?), l'efficacité (dans quelle mesure les effets propres de la politiques sont-ils conformes à ses objectifs ?), l'efficience (les résultats de la politique sont-ils à la mesure des sommes dépensées ?), l'impact (quelles sont les conséquences globales de la politique ?) et enfin la pertinence, apporte une réelle maîtrise de l'ensemble d'une politique transversale de promotion de l'inclusion sociale en permettant de comprendre les interactions des différentes actions publiques locales y afférant.

II. L'opérationnalité des champs de l'évaluation dans le social

Une démarche évaluative d'une politique doit mesurer la pertinence des objectifs référés aux besoins, la cohérence des différents éléments de la politique, l'efficacité de celle-ci (résultats comparés aux objectifs), son efficience (résultats comparés aux ressources économiques mobilisées) et enfin son impact, c'est à dire son effet global sur la société. La démarche est relativement nouvelle et difficile à réaliser. Elle suppose une volonté politique forte (des capacités à se remettre en cause) et repose sur des principes d'objectivité et de transparence. C'est pourtant un processus qui aboutit à l'appropriation des politiques par les acteurs de celle-ci (gage d'efficacité) ou même par ces bénéficiaires (une sorte d'efficacité citoyenne). Ces éléments témoignent ipso facto d'une opérationnalité de l'évaluation qui dans le secteur social impose de parvenir à une détermination des champs dans lesquelles on entend procéder à l'évaluation, comme l'écrit Gérard Martin et Amédine Ruffiot: "si les critères intrinsèques de l'évaluation s'imposent difficilement aux décideurs publics, ces derniers se positionnent par rapport à elle, sérient ses champs de définition en négatif, en recourant à des repères symboliques de comparaison, d'identification ou de distanciation: le temps et l'action"165(*). Ainsi annoncé on vérifiera l'opérationnalité de l'évaluation en matière sociale via la saisine du champ de sa temporalité (A) auquel succédera celui de son agir (B).

A. Le champ de la temporalité

Un des points particuliers d'achoppement des décideurs publics est celui du temps. Cette référence temporelle fréquente chez les commanditaires d'évaluation s'explique par le fait que le temps est un élément prégnant des politiques sociales actuelles.

«Les nouvelles politiques publiques fonctionnent sur des actions finalisées dans le temps, soit par le biais d'une politique de quota à atteindre dans un tel délai, soit par une contractualisation pluri-annuelle»166(*).

Ces contraintes temporelles se concrétisent beaucoup dans des étapes évaluatives, prévues dans l'organisation des politiques territoriales, ou inscrites dans des injonctions étatiques, voir dans le cas de l'inclusion sociales dans des perspectives financières couvrant la période 2007-2013. Ce sont donc ces étapes qui rythment le temps de politiques sociales. Ces rythmes sont identifiés par les commanditaires comme étant ceux de l'évaluation qui sera dès lors et selon la circonstance et la convenance soit ex ante, ex post ou concomitante. L'évaluation ex ante est considérée dans l'évaluation de projet politique, comme une évaluation prospective. Elle est envisagée par beaucoup des décideurs publics comme «possible», «envisageable», mais «peu courante» voir «risquée»167(*). Cette position de retrait peut notamment s'expliquer par le fait qu'explicitement ou implicitement, les politiques sociales en elles-mêmes sont considérées comme peu circonstanciées dans le temps, dans la mesure où leur signification résulte d'un enchaînement complexe d'intervention multiple : l'évaluation ex ante d'un projet de politique sociale ne peut donc pas se limiter à projeter dans l'avenir une expérience ou à impulser des innovations ; pour c faire elle se base sur l'analyse, le bilan, «l'évaluation» de l'existant. En effet, l'évaluation du projet de réforme de parc de logements sociaux par exemple ne peut que se fonder sur l'état, les insuffisances ou les dépassements nécessaires de la politique menée antérieurement. Ainsi la différenciation de l'évaluation ex ante et ex post a, comme l'écrit Gérard Martin et Amédine Ruffiot, «peu de signification dans son rapport à la temporalité des politiques sociales»168(*). En revanche, elle en a fortement dans son rapport à la temporalité des décisions, et c'est précisément à ce titre que l'évaluation ex ante est surtout comprise comme précédant une décision, celle du commanditaire.

Conduire une évaluation ex ante revient dès lors à évaluer sur la base de ce qui a été fait «avant» et représente peu d'intérêt notamment dans le cas de décisions introductives de mandats électifs ou administratifs qui sont un mode d'autolégitimation et qui concernent d'ailleurs souvent des politique sociales, très médiatiques. Ce qui explique la critique ou la suspicion que révèlent les propos recueillis, à savoir l'évaluation ex ante voit son intérêt «phagocyté» par la contradiction entre temporalité des politiques sociales et temporalités des mandats électifs ou administratifs. C'est donc prudemment que l'évaluation ex ante est appréhendée en tenant compte de la réserve développée ; en revanche c'est sans réserve que l'évaluation ex post se voit elle préférée. L'évaluation concomitante quant à elle qui accompagne le déroulement d'une politique sociale inclusive est rarement envisagée, car relevant de l'idéalisation de l'usage évaluatif dans les politiques publiques. Le champ de la temporalité n'en apparaît pas moins comme éléments déterminant, qu'il convient de bien saisir, au même titre que le champ de l'agir.

B. Le champ de l'agir

La référence fréquente au symbole de l'action, comme critère de positionnement par rapport à l'évaluation est aussi fortement chargée de sens pour les commanditaires d'évaluation imposant dès lors qu'on s'y intéresse.

On peut communément lister trois types de compréhension de l'action :

- elle peut ainsi être une référence à l'action comme extériorisation de l'évaluation en dehors de l'activité institutionnelle ;

- elle peut ensuite constituer une référence à l'action assimilée au changement ou l'évaluation est considérée comme une phase d'inaction dans le sens ou l'institution commanditaire est dans l'attente de résultat ;

- elle peut enfin constituer une référence à l'action comme objet de l'évaluation.

Dans le premier cas, la référence est présente essentiellement sous l'utilisation de son vocable symétrique, celui de l'inaction. L'évaluation serait ainsi une phase d'inaction, de pause. Ce peut être le cas concernant des dispositifs à court terme, ou saisonnier telles les opérations de prévention été et l'hébergement d'urgence hivernale. Mais concernant les politiques à plus long terme, comme celles des allocations mensuelles, d'aides à l'enfance, de réhabilitation urbaine, d'aides aux personnes âgées, la commande d'évaluation ne peut pas signifier mise en suspens de l'action, une interruption de l'octroi des prestations : la phase d'évaluation «inactive» est alors plutôt considérée comme une prise de distance, une prise de recul par rapport à l'action. L'évaluation est distinguée de l'action en ce qu'on ne veut y voir que son reflet, son feed-back. Extrêmement peu de décideurs conçoivent l'évaluation dans la conduite même de l'action, dans un souci d'en conserver la maîtrise. Ils sont attachés à voir leur action produite par eux-mêmes et non par l'évaluation qu'ils considèrent comme une source extérieure, non appropriée.

Dans le second cas où la référence à l'action s'assimile au changement : l'évaluation étant considérée alors comme une phase d'inaction dans le sens ou l'institution commanditaire est en attente de résultat, l'évaluation est appréhendée comme une démarche lourde et longue, pendant laquelle tout projet de changement ou d'innovation est suspendu. C'est en effet au vu de ses conclusions que l'on pourra agir (versus changer) ou ne pas agir (versus demeurer). L'attente de la fin de l'évaluation pour envisager le changement explicite bien les positions incertaines de dirigeants à propos de l'évaluation concomitante. Elle éclaire les opinions partagées selon lesquelles «trop d'évaluation peut entraîner l'inaction». Elle éclaire aussi les risques souvent évoqués de l'utilisation de la commande d'évaluation comme «alibi politique» pour ne pas agir, pour ne pas changer, ou pour repousser l'échéance d'une décision.

La dernière acception pause quand à elle en but la question de savoir ce que l'on évalue au final au juste. Il est ce titre intéressant de noter que souvent, l'évocation de l'évaluation, semble se suffire à elle-même dans un trop plein mythique du mot. Lorsque son objet a ainsi était spécifié, on observe que la présentation de la problématique évaluation des politiques sociales, n'influence pas complètement les discours politiques. Il y a là un pragmatisme évidant à mettre en exergue.

Toute cette démonstration révèle donc que la saisine du champ de «l'agir» est nécessaire pour appréhender la difficulté liée à la pratique évaluative notamment en matière sociale. Cependant, il convient de ne pas se leurrer sur le présent propos, il est évidant qu'il est moins attendu de l'évaluation en matière sociale qu'elle analyse un champ de politique dans toute sa complexité institutionnelle que l'étude de l'action intrinsèque des commanditaires. Aussi, si les présents champs révèlent les obstacles liés à la pratique évaluative dans le domaine social, ils n'en sont pas moins non plus les principaux leviers de maîtrise.

III. La productivité de l'évaluation au niveau local

La gouvernance169(*), au sens d'un mode de gouvernement concerté entre acteurs publics, fonde le territoire comme nouvelle catégorie de l'intervention publique, à la fois comme support géographique de déploiement d'une action locale sur le mode de la coordination, et comme enjeu de légitimité politique. Avec la décentralisation, on est passé d'un pilotage centralisé des politiques, dans lequel l'Etat est responsable de la définition des objectifs et de l'allocation des moyens, à un modèle que Jean Claude Thoenig170(*) décrit comme un "polycentrisme à géométrie variable" (cf. Partie 1, Titre 2, chapitre 1). Ce mode d'action publique partagé, fortement déterminé par les comportements et les réactions des acteurs eux-mêmes, fait que "les acteurs publics subissent des situations ou héritent de problèmes qui ne sont pas le fait de leurs propres volontés, mais les résultats d'actes gérés sur des territoires voisins par des décideurs tiers"171(*). La perte de centralité de l'Etat, intervenue tant au niveau national que territorial, impose désormais une approche horizontalisée destinée à mettre en cohérence, au plus bas échelon possible, les politiques sectorielles.

On comprend dès lors que l'évaluation dans sa dimension prescriptive née de la préconisation (A) qu'elle suggère mais plus encore, sa dimension prospective (B) apparaissent comme autant d'atout et gage d'efficacité et de cohérence de l'action publique.

A. De la préconisation

Il est devenu de plus en plus difficile de réfléchir en terme de modèle univoque de fonctionnement et de raisonnement. On saisit alors tout l'enjeu d'une prospective s'appuyant sur une démarche rigoureuse et sur un débat pluraliste prêt à déborder et bousculer les cadres de pensées les plus stabilisées. C'est là le défi de la pratique évaluative engagée dans une réflexion collective sur les compétences et pouvoirs locaux en lien avec la transformation et l'actualisation des problèmes, des modes de gestion et des demandes sociales, plus spécifiquement l'évaluation accompagnant la politique d'inclusion sociale.

Il apparaît en effet, que la pratique évaluative en accompagnant une politique publique autorise et permet la prise de certaines décisions, de certaines préconisations. La question de l'utilité de l'évaluation, de son impact sur la décision, de sa capacité à s'intégrer dans un processus de finalisation de l'action publique autour d'objectifs de performance, est un des sujets sensibles de l'évaluation. L'impact des évaluations de politiques contractuelles est sans doute plus difficile encore à apprécier, du fait de la complexité des politiques et de la multiplicité des acteurs en cause. L'inclusion sociale a pour caractéristique essentielle sa nouveauté et son inscription dans un contexte européano/locale singulier, celui d'un renforcement de la décentralisation/déconcentration que nous avons précédemment évoqué sous le néologisme de déconcentralisation, mais en plus l'inclusion sociale est le réceptacle des nouvelles exigences politiques communautaire d'efficacité et de performance, sur fond de lutte contre les exclusions, dans un pays ayant multiplié historiquement les dispositifs sociaux curatifs et non pas préventifs. Même si l'évaluation, en tant que pratique accompagne différents dispositifs parmi lesquels les contrats de plan Etat/Régions, et a connu une montée en charge progressive et inégale, il est évident qu'il convient de tirer un bilan qui ne peut être que contrasté, s'agissant des préconisations qu'elle a pu permettre et entériner.

Cependant sur le plan social la multiplication des évaluations en oeuvres pousse à penser que leurs conclusions ont en tous cas permis d'améliorer significativement le fonctionnement et l'efficacité d'un certain nombre de dispositifs. Citons parmi eux bien sûr l'avènement du RMA, et le transfert de RMI, mais encore le renforcement des missions locales des jeunes qui se voient octroyer un rôle leader en terme d'optimisation de l'insertion professionnelle des jeunes ou encore l'aménagement des structures permettant l'accès au droit,...Les évaluations ont permis aussi, ici et là, de mettre à jours certaines fragilités du dispositif inclusif, ainsi en va-t-il du Contrat nouvelle embauche tel qu'il en ressort de la dernière mission évaluative dont il a fait l'objet172(*).

Ces exemples méritent d'être cités car ils démontrent dans un contexte singulier qu'est le notre, que l'évaluation peut déboucher dans des délais raisonnables sur des suites significatives, sur de réelles préconisations politiques. Les conditions de l'évaluation ont déjà été analysées à maintes reprises, tant dans les documents de l'OCDE173(*) que dans les ouvrages d'auteurs familiers des démarches anglo-saxonne174(*). Les évaluations ciblées telles qu'elles accompagnent la politique d'inclusion sociale dans le nouveau paradigme de «Collectivité Providence» qui se fait jours appliqués au champ d'action sociale bien délimité, ont toutes les chances de produire des résultats probants aboutissant à des préconisations et pouvant même se prolonger dans des expérimentations locales.

B. ...à la prospection/expérimentation

«Un constat s'impose en premier lieu : dans notre pays, il est difficile de mener des expériences de politiques publiques. Sur ce sujet, le Conseil d'Etat adopte souvent une attitude négative...Et pourtant l'intérêt de l'expérimentation est immense. Il est d'abord de laisser subsister durant quelques temps plusieurs solutions à un même problème, plusieurs modalités vivantes ayant chacune leur avantage spécifique. Ce processus se traduit par le maintient effectif de la diversité, donc une certaine richesse d'aptitude. Il est ensuite d'établir un nouveau type de développement démocratique : lorsque la loi ne permet pas de réaliser efficacement un objectif donné - ce qui est une situation de plus en plus fréquente - il peut être utile de mettre en oeuvre un processus d'expérimentation - des expériences pilotes précisant la faisabilité du projet, - et d'évaluation collective contradictoire aboutissant à des conclusions»175(*).

Ce processus ici décrit suppose une interaction entre ceux qui décident et ceux auxquels s'appliquent la décision : il peut correspondre à une modification profonde du rôle de l'élu qui serait moins un représentant, pour l'exercice de l'autorité, et plus un intermédiaire dans un schéma d'expérimentation/évaluation impliquant une meilleure participation des citoyens. C'est sans doute tout ce que l'on peut attendre de l'introduction dans le marbre constitutionnel du droit à l'expérimentation. L'article 72 quatrièmes alinéas, nouvelle mouture, dispose ainsi que :

« Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences».

Ce droit à l'expérimentation, outre qu'il consacre et concrétise le principe de subsidiarité176(*) , apporte une dimension supplémentaire à la pratique évaluative en permettant que celle-ci, le cas échéant, permettre que puisse être adaptée l'intervention publique sociale aux circonstances locales.

On est là dans une révolution profonde des us et coutumes ayant jusque lors accompagnées la politique publique française locale. En autorisant des expérimentations locales, on reconnaît ouvertement l'existence de contingences locales nécessitant un pouvoir d'adaptation de l'intervention publique. Au-delà d'un remaniement de la façon de faire, il s'agit là d'une illustration parfaite du changement à l'oeuvre tant politiquement que juridiquement dans la recherche d'une intervention efficace, performante, tenant compte et s'adaptant aux réalités de terrain. Si l'expérimentation locale traduit une extension du pouvoir normatif local, elle ne remet pas en cause pour autant le caractère indivisible de la souveraineté, et partant de la République, cependant elle traduit un droit à la différence, différence qui si on la prend au regard de la politique étudiée, illustre l'avènement d'un nouveau concept politique de «différenciation territoriale». Cette différenciation territoriale est le pendant de la territorialisation des politiques publiques ainsi que la clés de voûte du polycentrisme précédemment évoqué.

Ainsi la politique d'inclusion sociale bien que répondant à un ciblage national, met à jours une multiplication des configurations locales, que le droit à l'expérimentation articulé sur la montée en puissance des évaluations rend possible.

Ainsi, et c'est du moins le sentiment qui se dégage, la révision constitutionnelle avec le redéploiement de la décentralisation qu'elle opère ainsi que le droit à l'expérimentation, le tout, couplé avec le développement de la pratique évaluative signe la fin de la logique de spécialisation des collectivités locales et érigeant ces dernières en Collectivités Providence.

TITRE 2nd : L'ENRACINEMENT DE LA CULTURE PERFORMATIVE

«La révolution de la qualité»177(*) est désormais en marche au sein du département et plus globalement au sein des différentes collectivités territoriales. Il est désormais question d'une véritable recherche de l'excellence, d'une culture performative. Si ce terrain parait de prime abord en marge du droit, l'implication juridique est on ne peut plus sérieuse et certaine178(*). Traditionnellement nourris par des valeurs et des méthodes radicalement différentes de celles développés dans le secteur privé, l'Etat et de façon plus impérieuse encore ses démembrements et les services publics y afférent sont aujourd'hui clairement contraint de lui emprunter, l'exigence qualitative dans la poursuite d'une recherche d'efficacité.

«Erigée en nouveau précepte de gestion, l'exigence de qualité véhicule ainsi la rationalité managériale développée dans le secteur privée, sous tendu non plus par l'adéquation au droit, mais par la capacité à atteindre des buts, elle impose (...) de rechercher l'efficacité et la qualité des prestations. Il semble qu'il faille « s'évader du droit administratif pour relever le défi de la qualité »179(*) »180(*).

L'inclusion sociale, au titre de la multiplication des évaluations qu'elle suscite dans sa mise en oeuvre par les collectivités territoriales suggère de s'interroger sur l'émergence d'un nouveau principe juridique, celui de la qualité. Sans empiéter sur le travail récemment accomplis sur le sujet (Lucile Cluzel -Métayer, Le service public et l'exigence de qualité, Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz, 2006), il est possible au-delà de cette approche de voir s'enraciner une culture de la performance, induisant pour la collectivité, un changement d'attitude et de positionnement faisant naturellement de celle-ci, une nouvelle «entité» : l'avènement de la Collectivité Providence. Pour illustrer cette transformation, sous l'effet du déploiement de la pratique évaluative, on peut observer la rationalisation de l'action publique sociale locale (chapitre 1) ainsi que la nécessité qui dès lors s'impose à elle de circonscrire cette action entre légitimation et dépolitisation (chapitre 2), point d'orgue de la démonstration.

Chapitre 1er : La rationalisation de l'action publique sociale locale

Une seule connaissance exacte, adéquate et appropriée, diffusée équitablement conduirait à elle seule et à coup sûr, à une meilleure intelligence collective

J. Leca, 1993

Deux acceptions de la rationalité en politique publique s'offrent à l'observateur : l'une absolue, instrumentale et téléologique mise en oeuvre par l'Etat ou sur le marché (acception stato-centrè), l'autre limitée, incrémentale et polycentrique, mise en oeuvre par une multiplicité d'acteurs. Cette seconde acception qui décentre au contraire le regard de l'analyse vers les finalités vécues par les multiples acteurs pertinents dans le jeu de la fabrication des politiques publiques, est le lieu d'émergence, le lie de la démarche évaluative induisant la rationalisation de l'action publique.

Ainsi ce second modèle gagne les façons de faire de l'Etat, mais agit sur la base d'un autre droit. Cet autre droit, d'essence pragmatique est caractérisé par «son adaptation au concret, son rapprochement des individus, son adéquation au contexte des sociétés qu'il prétend régir»181(*). Les collectivités territoriales à ce titre cherchent un véritable référentiel182(*) d'action entre action et cohérence et la démarche évaluative traduit ce référentiel. Elle véhicule ainsi des valeurs qui offrent un cadre global d'analyse de la politique publique.

«La cohérence par le sens ne vient pas du seul fait que les acteurs partagent ce sens. Le référentiel est une idée en action»183(*).

On comprend dès lors l'intérêt majeur de la démarche évaluative au sein de l'action publique, et sans doute ce rôle, majeur s'il en est, se voit largement renforcé du fait même du secteur dans lequel l'évaluation tend désormais à s'immiscer, à savoir le secteur social via la promotion de l'inclusion sociale par les collectivités territoriales, et tête desquelles le département. Dans le champ de l'action sociale, l'évaluation a une origine qui n'est d'ailleurs pas si récente. Fruit d'une administration rationalisant ses choix budgétaires, relayée par une Europe largement en clin à la surveillance des fonds structurels qu'elle alloue et enfin, suivi par la multiplication courant des années 80 des recherches académiques économico sociale, l'évaluation a l'avantage de permettre une opération de vérification de l'action publique menée (I), d'étalonner le cas échéant l'action publique sociale (II) voir de calibrer l'action publique sociale locale (III).

I. L'opération de vérification de l'action publique

Au plan des principes, vérification, contrôle, et évaluation différent dans leur objet, par les méthodes qu'ils requièrent et par les compétences professionnelles attendues de ceux qui les utilisent : c'est ce qui ressort notamment de deux textes, le premier à portée générale, figurant en annexe du rapport annuel 1999 du Conseil national de l'évaluation, le second plus spécifiquement le domaine social puisque issu des réflexions d'un groupe de travail du conseil supérieur du travail social184(*).

Par leur objet, les trois démarchent différent. Le contrôle vérifie la légalité et la régularité de la mise en oeuvre des ressources, là où la vérification, suit la bonne gestion des interventions et produit une analyse régulière sur l'avancement des réalisations. Enfin l'évaluation pour sa part diffère des deux démarches précédentes car elle sort de la sphère de la mise en oeuvre du programme, pour juger celui-ci sur la base des résultats et des impacts que le programme a produit dans la société. Ces distinctions font que les trois opérations ne peuvent que mobiliser des méthodes différentes, il s'ensuit que les qualités professionnelles et compétences requises se distinguent donc aussi. Cependant si les textes tendent à distinguer nettement les trois, voire les opposent, ces opérations révèlent une grande complémentarité. Par exemple le contrôle et la vérification permettent de repérer les succès et échecs apparents, que l'évaluation va chercher à confirmer par une analyse approfondie. A l'inverse, une évaluation peut monter que l'application d'une norme juridique ou professionnelle constitue un facteur particulier d'efficacité ou d'inefficacité.

Cette complémentarité laisse cependant souvent place à la révélation d'un antagonisme entre ces opérations, imposant que : «l'évaluation [soit]distinguée avec soin d'une part de la mesure qui est par définition quantitative, alors que l'évaluation appréhende généralement, aussi, des données qualitatives, d'autre part des contrôles sous toutes leurs formes de conformité par rapport à des normes juridiques, financières, comptables, préétablies, ces contrôles pouvant déboucher sur des sanctions diverses. Les différences entre ces techniques et l'évaluation tiennent à plusieurs raisons dont la plus importante tient au fait que l'évaluation repose sur un jugement de valeur, généralement global, alors que les autres se référent plutôt à l'appréciation de données et de faits»185(*).

Cependant il n'en demeure pas moins vrai qu'eut égard à la complémentarité potentielle de l'évaluation avec les autres opérations accompagnant le suivi d'une politique publique, il importe de voir en quoi, elle permet d'en contrôler l'engagement (A) et d'en analyser les prestations (B).

A. Le contrôle de son engagement

L'évaluation répond à un besoin de rationalité, mais aussi de transparence : quoi de plus normal, en apparence, pour un responsable politique ou administratif que de chercher à connaître les conséquences de ses décisions ou de son action afin d'en assumer pleinement la responsabilité?

Dans une conception démocratique du fonctionnement de l'État et de la gestion publique, une telle exigence parait s'imposer. Pourtant, l'expérience montre que l'évaluation n'est pas une démarche naturelle au sein des autorités publics territorialisées. Les obstacles auxquels elle se heurte peuvent être mis au compte de difficultés pratiques : une évaluation approfondie coûte cher et prend du temps. Les décideurs justifient souvent leur scepticisme vis à vis de l'évaluation par le fait qu'ils sont confrontés à des échéances de court terme et qu'ils doivent faire des choix qui ne peuvent attendre les résultats de longues études. Les calendriers électoraux sont cependant plutôt de moyen terme, et la gestion dans l'urgence et l'improvisation n'est pas une fatalité. Une meilleure maîtrise du temps de la décision donnerait à l'évaluation tout son sens et toute son utilité. Des résistances plus profondes existent, plus ou moins consciemment liées à la volonté de préserver des zones d'opacité dans l'action publique. Cette opacité étant elle-même perçue comme un facteur d'autonomie par les fonctionnaires et les élus. Il est certain que le commanditaire de l'évaluation court le risque de ne pas maîtriser totalement les processus de changement qu'elle est susceptible d'enclencher. En dépit de ces obstacles, l'évaluation se développe, dans notre pays comme dans l'ensemble des pays développés.

Les raisons qui paraissent expliquer ce développement sont les nombreuses :

- les difficultés budgétaires et la crise de légitimité de l'action publique rendent nécessaire une justification plus solidement argumentée des interventions et des dépenses publiques. Le lien entre évaluation et décision budgétaire est rarement direct et contraignant. Il s'agit davantage d'éclairer partiellement des choix complexes que de les réduire à un calcul coût-avantages. Mais l'évaluation n'en est pas moins porteuse d'efficience et d'efficacité publique, par définition.

- La décentralisation, la construction européenne et, plus généralement, l'intensification de la coopération économique mondiale ont accru les interférences entre niveaux de pouvoir juridiquement autonomes. La complexité qui en résulte accroît les besoins d'information commune, de coordination et de régulation. Le processus d'évaluation peut être un moment intense d'échange d'information et de coopération entre acteurs juridiquement autonomes. Ce besoin de coordination ne concerne d'ailleurs pas que les collectivités publiques : d'autres acteurs, entreprises, associations, organisations socio-professionnelles, sont de plus en plus fréquemment impliqués en tant que partenaires dans la mise en oeuvre des politiques publiques. Cette évolution se traduit notamment par la multiplication de procédures innovantes qui tentent d'instaurer, par un recours étendu à la technique du contrat, de nouvelles formes d'action collective et de nouveaux mécanismes d'incitation et de régulation. Il est significatif que les actions de ce type suscitent fréquemment une demande d'évaluation.

- Enfin, les agents publics doivent suivre le mouvement général de modernisation, d'ouverture et de responsabilisation : ils ont besoin pour cela de formation continue et d'un surcroît de motivation. Visant à confronter les administrations à l'impact social de leur action, l'évaluation est pour les fonctionnaires l'occasion de vérifier leurs pratiques, de référer leur engagement professionnel à des objectifs sociaux, de se préoccuper des finalités et des résultats concrets de leur action. L'administration ne sera «une affaire qui marche» que si les agents administratifs sont adaptés et efficients. Cette condition est nécessaire, mais elle n'est pas suffisante : il faut aussi que le "sens de la marche" soit le bon.

Le développement de l'évaluation semble de nature à répondre à cette double nécessité et témoigne donc d'un souci de vérification, de contrôle de l'engagement d'une politique publique.

B. L'analyse de ses prestations

L'évaluation a pour finalité de contribuer à l'élaboration d'un jugement de valeur, de préparer une décision, d'améliorer pratiquement la mise en oeuvre d'une politique ou le fonctionnement d'un service. Dans tous les cas, il faut que le commanditaire et les autres destinataires de l'évaluation (y compris, dans certains cas, le grand public) puissent s'approprier les résultats et connaissances produites, les intégrer à leur propre vision de la réalité. A cette fin, trois conditions doivent être réunies :

- l'évaluation doit répondre aux questions que se pose le commanditaire (ce qui implique un projet d'évaluation ciblé et un cahier des charges précis) ;

- les informations et raisonnements développés doivent être crédibles et, dans toute la mesure du possible, compréhensibles par l'ensemble des destinataires ;

- les jugements de valeur portés par l'évaluation doivent être perçus par eux comme fondés sur des arguments légitimes186(*).

C'est en fonction de ces trois impératifs que doit être conçue toute démarche d'évaluation. Le projet d'évaluation doit s'efforcer de créer dès le départ les conditions d'une bonne réception de ses résultats, gage de leur impact sur les décisions et pratiques administratives. C'est ainsi qu'une véritable analyse des prestations est opérée.

Si l'on prend comme exemple l'évaluation des fonds structurels décidée par le Premier ministre en août 2001 sur proposition du Conseil national de l'évaluation, il était question d'étudier la cohérence, la pertinence et l'efficacité de l'articulation entre fonds structurels européens et contrats de Plan État-région (CPER). Si on lie le mandat, on peut y découvrir que l'évaluation nationale des fonds structurels européens doit d'abord prendre soin de ne pas refaire ce que d'autres instances font déjà, dans un domaine marqué par une certaine abondance en matière de contrôles et d'évaluations. Il ne semble pas opportun qu'une évaluation nationale porte sur «l'architecture du dispositif des fonds européens lui-même, fruit des règlements européens arrêtés en conseils des ministres, ni sur la pertinence d'ensemble des aides européennes», en effet, la Commission a rendu obligatoire une évaluation des fonds structurels, ex-ante, à mi-parcours et ex-post, en cherchant à mettre en évidence la valeur ajoutée communautaire que représentent ces aides. Par ailleurs, il ne paraît pas utile que cette évaluation doive s'engager dans un nouvel audit des procédures au niveau national ou régional, domaine d'investigation des inspections de la commission interministérielle de coordination et de contrôle qui a procédé entre 1998 et 2000 à un contrôle de l'ensemble des régions. En revanche, il apparaît plus intéressant de faire porter l'évaluation sur deux points principaux :

«- de quelle façon les contrats de Plan ont-ils pris en compte les objectifs poursuivis par la politique communautaire ? Peut-on observer une inflexion de la programmation des opérations financées par les contrats de plan imputable aux actions communautaires ? Dans quelle proportion, les opérations financées par les contrats de Plan constituent-elles la contrepartie nationale des aides communautaires ? Peut-on distinguer ce qui est prévu en programmation et ce qui est réalisé en exécution ? De quelle façon le principe d'additionnalité a-t-il joué ? Celui-ci n'a-t-il pu contrarier parfois l'inscription dans les contrats de Plan d'opérations jugées plus prioritaires par les administrations centrales au niveau national ou par les responsables et élus régionaux ? Observe-t-on sur le plan local des déplacements des aides nationales et régionales en fonction des zonages communautaires?

- les procédures d'évaluation et de suivi des fonds communautaires ont-elles été utilisées pour évaluer les actions financées par les contrats de Plan, selon quelles modalités et à quelles conditions ? Les études d'évaluation, les indicateurs mis au point dans le cadre des procédures communautaires ont-ils été mobilisés pour préparer la nouvelle génération des contrats de Plan ? Peuvent-ils l'être davantage, notamment dans la perspective de 2003 ?»187(*).

Ces propos sont autant d'enseignements et d'illustration du fait que l'évaluation d'une politique publique porte véritablement sur l'analyse des prestations qu'offre cette dernière.

II. L'opération d'étalonnage de l'action publique sociale

La demande multiple d'indicateurs de résultats ou de performance, l'éclosion de nouveaux observatoires et la dissémination de pratiques évaluatives sont quelques phénomènes significatifs du besoin actuel, d'origine diverse, de mesurer l'action publique. Ces effervescences relatives ont des succès variables. Elles sont surtout remarquées parce qu'elles apparaissent dans le mouvement créé par plusieurs «grandes évolutions» dans les manières de gouverner aujourd'hui, que la recherche a contribué à éclairer en partant de plusieurs questions proches entres elles, comme la contractualisation financière, l'européanisation des normes, l'intervention partenariale. Pour autant, à de rares exceptions près, ces phénomènes sont plus signalés qu'étudiés. Or la mesure des choses, par ce qu'elle dit de l'autorité et du pouvoir, apparaît comme une question qui mériterait un suivi continu. Les usages sociaux et politiques de la mesure peuvent être des révélateurs tout à fait intéressants des processus de médiation qui s'opèrent entre politique publique et action politique. L'élaboration de la mesure, la construction d'instruments ou d'indicateurs qui la rendent possible, l'évaluation et le processus d'étalonnage qui l'accompagne s'agissant, notamment, du secteur social sont autant de processus qui participent, autant qu'ils les mettent en lumière, à différents modes de gouvernement. C'est en partant de ce constat qu'il est apparu intéressant de s'intéresser à l'évaluation en ce qu'elle assure une certaine forme de validité de l'action dans le domaine social (A) et participe à un processus de minimisation des imprécisions de l'action sociale (B) dans sa dimension territoriale.

A. Assurer la validité de l'action sociale

Aujourd'hui, la poursuite de la décentralisation est envisagée avec d'autant plus de conviction qu'elle est aussi perçue par tous les acteurs publics comme un moyen privilégié pour réformer l'Etat, en contournant les obstacles multiples auxquels se sont heurtés tous ceux qui ont fait le pari du changement. Elle apparaît également de plus en plus comme un moyen de réconcilier les citoyens et la République. Dans cette perspective, sa légitimité se fonde sur une obligation permanente de résultats, qu'il convient d'évaluer et de faire connaître. Il est à ce titre essentiel de rechercher si les départements ont su relever le défi de la lutte contre l'exclusion dans ses formes nouvelles résultant de la précarisation de l'emploi et du lien social. C'est d'autant plus nécessaire que la décentralisation continue à susciter des craintes quant au respect de la cohésion sociale.

On comprend dès lors l'importance que recèle la pratique évaluative en ce qu'elle médiatise directement la validité ou l'absence de validité de l'action publique sociale engagée. Cela justifie la multiplication des évaluations financières des politiques sociales inclusives en ce qu'elles révèlent en partie la réussite des dispositifs. La part de l'insertion et de l'accompagnement social dans la dépense nette d'action sociale (hors aide médicale) est passée, «entre 1984 et 2002, de 18 à 26 % (dont l'accompagnement social de 18 à 22 %). Celle du soutien aux personnes handicapées est passée, durant la même période, de 16 à 22 %. En revanche, toujours entre 1984 et 2002, la dépense concernant les personnes âgées (électeurs très disponibles) est passée de 24 à 16 %»188(*), car les personnes âgées sont de moins en moins précarisées, même si la mise en oeuvre de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie commence à entraîner une inversion de cette tendance.

En moins de 10 ans s'est produite une révolution silencieuse dans les directions d'action sociale des conseils généraux : l'évaluation généralisée de la plupart des domaines traditionnels. C'est moins l'irruption de cette nouvelle technique d'information et de médiatisation qui constitue le point central de cette «révolution», que le changement d'attitude de la majorité des travailleurs sociaux à l'égard de cet outil et des possibilités qu'il permet d'envisager en matière de connaissance des populations et de leur environnement. Il est symptomatique, à cet égard, de noter que bon nombre des départements ouvrent à la consultation publique les évaluations qu'ils ont commanditées, preuve d'une transparence de l'action, d'une légitimation des interventions, d'une validité de l'action sociale poursuivie.

Dans un contexte particulièrement évolutif, les départements tendent à harmoniser leur organisation territoriale, aussi bien entre services et directions internes à l'action sociale, qu'avec les partenaires habituels (villes) ou nouveaux (EPCI) concernés par le développement social local. Parallèlement, la pratique évaluative est désormais mise à disposition de tous les acteurs de terrain : elle peut se transformer en véritables leviers pour partager une observation et un diagnostic communs au service des populations. Il reste que la décentralisation récente de responsabilités à dominante gestionnaire (l'APA et le RMI) peut entraîner un repli des responsables départementaux sur une perception plus immédiate que prospective de leur mission.

B. Minimiser les imprécisions de l'action sociale

Toute évaluation développe d'abord des constats qui semblent simplement induits par l'observation directe de la réalité (même si tout constat comprend nécessairement un mixte d'inductions et de déductions) :

- constats quantitatifs : il peut s'agir de simples comptages physiques ou financiers : coût d'une politique ou d'un programme, nombre de bénéficiaires, de dossiers traités, etc. Cette quantification peut être obtenue par exploitation de données exhaustives (par exemple comme sous produit d'une gestion administrative), ou sur la base d'une enquête portant sur un échantillon statistiquement représentatif du phénomène analysé.

- constats qualitatifs : la description du processus socio-organisationnel initié par la politique, en termes de dispositifs institutionnels, d'événements, d'activités, de situations et de comportements, voire d'anecdotes ou d'histoires personnelles, constitue toujours une composante importante de l'évaluation. Cette description est nécessaire à la bonne interprétation des données globales. De surcroît, elle constitue une source d'illustrations concrètes d'effets et de mécanismes analysés par d'autres méthodes.

En matière de politique sociale inclusive, cela se traduit par une volonté affichée d'éviter que ne se glissent des imprécisions dans l'action sociale. La territorialisation de la politique inclusive impose en effet, comme nous le développerons ci-après, une certaine adaptation des dispositifs publics envisagés aux spécificités locales que l'évaluation permet précisément d'appréhender. Ainsi toute évaluation est, pour une bonne part, un travail sur les représentations, et il arrive fréquemment que l'un des principaux résultats obtenus soit une réinterprétation des rapports entre les objectifs et les stratégies de mise en oeuvre de la politique évaluée, ce qui conduit à une reformulation de la théorie d'action189(*) des décideurs qui a pu inspirer la politique en question.

L'évaluation doit en permanence s'efforcer de trouver un bon équilibre entre deux logiques : l'exploitation des expériences passées afin d'adapter et d'améliorer des procédures déjà bien connues et rodées, de tirer parti de connaissances et d'outils stabilisés, d'extraire du stock d'évaluations terminées de «bonnes pratiques» et d'en diffuser les acquis, et l'exploration de nouvelles pistes et de nouveaux usages, qui suppose l'engagement dans de nouvelles directions, la recherche de nouvelles méthodes et la découverte de procédés innovants. Ces deux logiques d'exploitation et d'exploration, souvent considérées comme consubstantielles à la gestion des organisations190(*), s'appliquent à l'action sociale avec une grande prégnance, a fortiori dans un environnement de politique territorialisée et localisée.

On est ici complètement dans une logique de rationalisation de l'action publique médiatisée par la pratique évaluative.

III. L'opération de calibrage de l'action publique sociale locale

L'analyse des nouvelles formes de l'action publique, et plus spécifiquement de l'action publique sociale invite à penser que les transformations de l'intervention publique étatique mais surtout territoriale peuvent être analysées à partir du développement important de la pratique évaluative qui révèle une recherche importante et constante d'une forme d'efficacité.

Cette entrée permet de mieux comprendre par quels mécanismes des médiations techniques (dispositifs, instruments), organisationnelles (formalisation de chartes, nouveaux modes de management public) et professionnelles (apparition de nouveaux métiers et redéfinition des champs de compétence des personnels administratifs, des services sociaux, etc) transforment le politique. Si l'on admet, que le gouvernement contemporain s'appuie sur des instruments d'action publique qui le concrétisent et qui le façonnent, alors la pratique évaluative comme élément de promotion d'une culture performative, illustre la recherche d'une démarche permettant un ajustement structurel de l'action sociale aux contingences locales (A) et ouvre de fait, droit à une modification fonctionnelle de celle-ci (B) montrant donc un peu plus, l'autonomie relative mais pérenne dont semblent jouir les collectivités dans la direction de la politique inclusive.

A. L'ajustement structurel de l'action

Indéniablement, la territorialisation du dispositif évaluatif dans le suivi de la politique inclusive semble jouer un rôle structurant pour au moins deux raisons. Tout d'abord, parce qu'elle soutient les processus d'appropriation de l'espace et la construction de représentations partagés, cette territorialisation de l'action rendue possible grâce à une démarche évaluative facilite l'action. Mais surtout, elle favorise un certain type de relations, basées sur l'accentuation des liens et des formes d'échange comme sur l'instauration de la confiance. En ce sens, l'aspect territorial de l'action joue effectivement ce rôle spécifique d'optimisation de la pertinence voire de la cohérence de l'action publique.

En matière d'action sociale, et plus spécifiquement d'inclusion sociale le Département
a la responsabilité de l'insertion professionnelle et sociale des bénéficiaires du RMI. Participant actif à la lutte contre toute forme d'exclusion, le département a ainsi pu mettre en place des Plans Locaux pour l'insertion et l'emploi qui sont des dispositifs visant à favoriser l'accès ou le retour à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées. Ces programmes, d'initiative communale, intercommunale, mais aussi et surtout départementale sont conçus en fonction des spécificités des territoires et s'appuient sur leurs différentes initiatives économiques, sociales et culturelles pour développer des activités génératrices d'emploi. Le PLIE coordonne et mobilise localement différents acteurs : ANPE, Mission Locale, PAIO, DDASS, mairie, service d'accueil des travailleurs handicapés, association sanitaire et sociale... Les bénéficiaires doivent être envoyés par l'une de ses structures pour bénéficier des prestations gratuites du PLIE. Grâce à lui, ils pourront suivre un parcours d'insertion individualisé comprenant des actions d'accueil, d'accompagnement social, d'orientation, de formation. Le PLIE peut par exemple financer des aides à la mobilité qui ne sont pas payées par l'ANPE et apporter un financement complémentaire pour des formations comme le SIFE (stage d'insertion et de formation à l'emploi) et le SAE (stage d'accès à l'entreprise). En 2003, on comptait 193 PLIE, couvrant plus de 4 000 communes et représentant près de 30 millions d'habitants. En 2002, 47 000 nouveaux bénéficiaires se sont vus proposer un parcours d'insertion professionnelle personnalisé et individualisé. 16 400 bénéficiaires de PLIE ont accédé à un emploi durable ou à une formation qualifiante et s'y sont maintenu au moins 6 mois. Un nombre équivalent de bénéficiaires est sorti "sans suite" pour abandon de parcours, déménagement, etc. Près de 40% de ces bénéficiaires étaient des RMIstes à leur entrée en parcours. 44% d'entre eux de retrouver un emploi191(*). S'agissant du département du Gard, le PLIE de l'agglomération de Nîmes, créé en 1997, poursuit depuis cette date son objectif principal, la lutte contre les exclusions. En 2004, le champ d'action du PLIE est élargi aux 23 communes de l'Agglomération Nîmoise, ouvrant l'ensemble des actions à tous les publics de ces communes. Le Plan Local pour l'Insertion et l'Emploi s'oriente vers quatre objectifs principaux : renforcer et développer l'accueil, l'orientation, et l'accompagnement, développer l'offre d'insertion par l'activité économique, favoriser la professionnalisation (notamment la formation pré qualifiante) et enfin aider à l'accès et au maintien dans l'emploi. Sur l'année 2006, 2344 Entrées ont été enregistrées avec 1495 entrées Masculines et 849 entrées Féminines. La présence à tous les stades de cette démarche du département souligne l'ajustement structurel qu'elle opère dans la mise stimulation du dispositif PLIE à vocation inclusive.

B. La modification fonctionnelle de la politique

Les "Plans Locaux pour l'Insertion et l'Emploi", créés à l'initiative des Collectivités Locales et des Etablissements Publics de Coopération Intercommunale, sont d'abord la traduction stratégique et opérationnelle des politiques insertion et emploi sur un territoire. Fondés sur des diagnostics partagés par les Collectivités Locales et Territoriales, l'Etat et leurs principaux partenaires concernés (acteurs sociaux et économiques) les PLIE sont les maîtres d'ouvrage délégués des politiques insertion et emploi des collectivités locales et des établissements intercommunaux. A ce titre, ils ont pour fonction d'être des "plates-formes partenariales" au sein desquelles se coordonnent les programmes et les actions en matière d'insertion et d'emploi sur leur territoire. En outre les PLIE quel que soit le statut de la structure qui les anime (associations, GIP ou établissements intercommunaux...) ont pour missions, d'une part, de réunir les acteurs et opérateurs locaux concernés autour d'objectifs quantitatifs d'accès de personnes "en difficulté" à un emploi durable, en organisant pour ces personnes des parcours individualisés d'insertion professionnelle avec un accompagnement très renforcé assuré par des référents spécialisés ; et d'autre part, d'assurer une ingénierie technique et financière des actions et des dispositifs locaux contribuant à l'emploi de leurs bénéficiaires puis au maintien de ceux-ci dans l'emploi pendant plus de 6 mois. Enfin, les PLIE sont des outils de développement local dans la capacité qu'ils ont de concevoir avec leurs partenaires tous les projets qui peuvent concourir à l'amélioration des parcours d'insertion des publics concernés. La mise en oeuvre des PLIE est confiée à un ensemble "d'opérateurs" coordonnés par une équipe d'animation. Au-delà des fonctions qu'ils exercent, les PLIE apportent un certain nombre de valeurs ajoutées et de contributions spécifiques sur leurs territoires. Les PLIE relèvent de l'Objectif 3, Axe 2, Mesure 3 : « Appuyer les initiatives locales pour l'insertion et contre les exclusions » et de l'Objectif 1 pour ceux qui sont sur les régions concernées par cet objectif. A titre indicatif, les Fonds européens qui leur sont attribués représentent 11% des Fonds de l'Objectif 3 et 44% de l'Axe 2. Leur mise en place et leur ajustement ou encore calibrage répondent à un processus évaluatif bien rodé depuis 1999, soit sous la direction de la DATAR soit depuis 2002 animée par l'AVE192(*). Il apparaît ainsi que le processus évaluatif largement décrit ci-dessus participe activement à des modifications fonctionnelles d'une politique de l'emploi en fonction des secteurs les plus attractifs. Ainsi donc, a-t-on pu analyser le caractère pragmatique de l'utilisation et de l'usage du processus évaluatif dans une démarche très concrète, laissant apparaître les traits distinctifs d'une nouvelle figure, qu'est celle de la Collectivité Providence.

Chapitre 2nd : La circonscription de l'action entre légitimation et dépolitisation

La multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices en sorte qu'un État est bien mieux réglé lorsque n'en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées.

René Descartes, 1637

C'est finalement l'ultime interrogation qui se pose à ce stade de la réflexion sur l'inclusion sociale à savoir : sa place dans le discours politique. On comprend l'impérieuse nécessité de se poser au final cette interrogation si l'on songe bien entendu à la place prépondérante prise par la question de la pauvreté et donc de son traitement dans le discours politique, bien qu'à bien y réfléchir on pourrait s'interroger sur la relation inverse à savoir la pauvreté peut-elle être saisie par le politique.

Bien qu'à la marge du discours politico-juridique naissant sur l'inclusion, cette relation trouve à se justifier plus encore si l'on songe qu'on se la pose à une échelle bien circonscrite et déterminée celle du territoire, non pas nationale comme on a coutume de le faire ou de le trouver, mais au niveau opératoire des politiques inclusives françaises, celui de la collectivités territoriales, qu'il soit département ou région. L'enjeu à cette échelle est tout autre. Comme le souligne M. Autès : «Trois éléments expliquent le retour au territoire : le tournant néo-libéral qui se traduit notamment par le développement des aides à la personnes en lieu et place des interventions collectives, des formulations de la justice en terme d'équité et non d'égalité qui conduisent à des politiques de discrimination positive et qui mettent en question notre conception de l'égalité républicaine, enfin la critique du rôle social de l'Etat»193(*).

Le territoire local tend ainsi à suppléer l'Etat, et devient au-delà du cadre opératoire des politiques inclusives, l'échelon auquel se joue son avenir politique. En effet, bien que par nature, il s'agisse d'une action dépolitisée puisqu'elle est aussi bien menée par la gauche que par la droite, l'activité «sociale» ne remplit pas moins une fonction politique dont il va convenir de saisir la dimension puisqu'elle permet à la fois de légitimer son existence mais risque aussi d'autoriser une évanescence.

Ainsi il convient de traiter la congruence de l'action politique et de l'action légitime en matière inclusive (I), passage obligatoire pour saisir l'enchevêtrement des niveaux de lecture (II), imposant ipso facto une distinction nécessaire entre le politique et la démarche inclusive (III) gage d'une action pérenne.

I. La congruence de l'action politique et de l'action légitime en matière inclusive

Les théories de la gouvernance envisagent l'action publique comme une action à plusieurs au sein de laquelle sont amenés à interagir une multitude d'acteurs qui tous ont un intérêt pour agir. S'intéressant tout particulièrement aux phénomènes de privatisations et d'intrication du public et du privé, ces théories envisagent la sélection des acteurs pertinents à partir de l'ingénierie et du design institutionnel. La littérature sur les réseaux de politiques publiques analyse les processus de sélection et de hiérarchisation entre les différents acteurs des politiques publiques. Dans l'univers incertain et surpeuplé de l'action publique contemporaine, les «problèmes», les «solutions» et les acteurs qui en sont porteurs font l'objet d'un nécessaire processus de sélection, permettant par là même de réduire l'incertitude et de produire de la cohérence.

S'intéresser aux acteurs, lieux et moments où un problème défini comme public se transforme en dispositifs concrets de politique publique aboutissant à la réduction ou l'élargissement et, dans tous les cas, à la répartition des pouvoirs entre acteurs jugés aptes à participer permet de mettre en lumière la congruence (l'association) de l'action politique et de l'action légitime en matière inclusive. Dans cette thématique d'ensemble, deux pistes ont attiré l'attention s'agissant de la production d'une action publique inclusive mêlée de démarche évaluative : une forme de mise en équivalence de l'action et du politique (A), ainsi que la correspondance de la légitimation de l'action et de sa juridicisation (B). Ces deux pistes participant l'une et l'autre à la démonstration de l'émergence de la Collectivité Providence.

A. L'équivalence de l'action et du politique

Il convient de revenir à la vision et aux critiques actuelles du département. Ces dernières, pas nouvelles, font preuve d'une singulière répétition et permettent de saisir la nécessité d'une équivalence de l'action publique et de sa parallèle et nécessaire retranscription politique. Si, dans les années 1960, les élites locales voient le département comme un cadre d'action naturel, il n'en est pas de même chez de nombreux experts (économistes, urbanistes, hauts fonctionnaires) qui incriminent son inadaptation au regard des impératifs de développement économique. Cette critique transparaît aujourd'hui à travers les appels en faveur de nouveaux territoires de projet. Considéré comme une assemblée de notables, dont l'autorité reposerait sur une assise conservatrice, le Conseil général ne suscite guère l'enthousiasme. Dans cette logique, le conseiller général se voit quelque peu disqualifié en contrevenant à la figure moderne de l'entrepreneur politique, accolée le plus souvent aux leaders urbains. Il est appréhendé comme le représentant d'intérêts localisés (cantonaux au mieux) et l'animateur d'un micro territoire, bien plus que comme le gestionnaire de la collectivité départementale. Autrement dit, du fait de son mode d'élection (suffrage uninominal à deux tours dans le cadre d'un canton), sa logique d'action serait plus verticale qu'horizontale. L'autre image structurante est celle qui associe les conseils généraux à la ruralité. Ceux-ci relaieraient avant tout les intérêts ruraux et ceux des petites communes, critique fondée sur le constat que les villes occupent une place restreinte dans le système de représentation cantonale. Tout concours donc à faire des départements les lieux de pratiques «archaïques» véhiculant un apolitisme attaché à la ruralité et à la notabilité.

Il apparaît donc tout à fait essentiel de discerner dans cette perspective l'action publique à caractère inclusif qui passe notamment par la pratique évaluative et la politisation de cette même action en politique publique. En effet, le social comme champ d'action révèle un intérêt pratique tenant plus à l'affect susceptible de toucher les citoyens, qu'à un domaine d'implication dépolitisé. De sorte, on constate que le social, premier secteur de compétence délégué, nécessite l'adaptation d'un discours singulier imposant le dépassement classique des conceptions politico politiciennes de la thématique.

En effet, le social instrumentalisé, permet de cristalliser des oppositions, de marquer la différence ; ainsi c'est dans le discours des élus communistes et du Front National que les dimensions idéologiques sont les plus fortes. Les questions sociales en débat au sein de l'assemblée nationale leur servent de tribunes pour s'adresser à leur électorat et jouer leur position au sein du champ politique dans la compétition qui les oppose aux autres élus. Cette réalité trouve un écho au sein des assemblées locales, territoriales en ce sens qu'elles constituent les niveaux opératoires des dites politique. Qu'ils s'agissent des organisations marginales ou des organisations dominantes, le social s'avère donc être un enjeu toujours essentiellement politique dont l'inscription sur l'agenda répond à des soucis proprement politique de concurrence, d'où la nécessité de coupler toute action publique sociale avec un discours politique de cette action, discours devant être apolitique.

B. La correspondance de la légitimation de l'action et de sa juridicisation

La décentralisation des responsabilités publiques a renforcé, on l'a vu, le pouvoir des autorités départementales. L'acte II ne marque pas une véritable rupture de ce point de vue avec le transfert de nouvelles compétences, et charges gestionnaires, aux conseils généraux. Cette responsabilisation croissante des responsables départementaux sous-tend une redéfinition fonctionnelle de la collectivité qu'il faut évoquer pour envisager son avenir. Elle peut également générer des effets latéraux. Échelle d'organisation des services de l'État, le niveau local et ses dirigeants, bien que divisés par leurs appartenances partisanes vont se trouver confronté à la nécessitée de prendre des décisions, dans un contexte différent, avec une proximité qui peut les amener plus facilement à être jugés sur leurs réalisations.

Les politiques sociales segmentées, cloisonnées et la décentralisation qui accompagne apparaissent comme pouvant redonner du sens et une nouvelle cohérence à ce vaste secteur devenu incontrôlable depuis le centre. Le projet politique de décentralisation et donc sa relance, entraînent une modification comme on l'a vu de la gestion, de la rationalisation du social, de sa légitimation et enfin de sa cohérence.

Devant la crise du social, les élus locaux apparaissent comme les acteurs légitimes, étant sur le terrain, ils connaissent les besoins des populations. Le niveau de compétence sur le social, n'est par ailleurs pas le même à l'assemblée nationale et dans une collectivité locale : les députés ont à dire le droit, à poser des principes universels, alors que les élus locaux ont à mettre en oeuvre, à définir une application à partir de la règle de droit. Se dessine ainsi bel et bien, la recherche d'une légitimation de l'action via à la fois sa juridicisation et, bien entendu, sa pratique.

D'autre part le social que les élus locaux ont à gérer est un social inscrit dans la généalogie de l'assistance, de la prévention et désormais de l'inclusion, ce n'est pas celui de la protection sociale. On peut alors faire l'hypothése que ceux-ci vont plus fréquemment s'appuyer sur des références éthiques, à l'image des élus nationaux à faible capital politique, et ce d'autant plus que la dimension de proximité est une caractéristique de la gestion du social inclusif par les collectivités locales.

Le social est avec l'économique l'une des questions autour desquels s'opère le plus aisément les classements politiques constituant un repère fondamental dans la démarcation globale de la droite et de la gauche. Il sert de principe de localisation relative de toutes les formations politiques à l'intérieur de l'espace qu'elle forme, fournissant partout un terrain propice à la disqualification de l'adversaire, soupçonné de vouloir mener une politique trop sociale, donc économiquement peu convenable, ou purement économique, donc socialement injuste et politiquement dangereuse, et accusée en s'écartant de son camp de faire le jeu des partis adverses.

Cela justifie donc à bien des égards une recherche permanente de légitimité passant, bien entendu, par l'inscription de la politique publique locale dans le cadre d'un dispositif national juridiquement viable, mais aussi, pouvant passer par le prisme d'une évaluation du dispositif mis en place et assurée localement. L'évaluation à ce stade-ci de la légitimation entraîne donc une recherche d'efficacité, de qualité, caractère indissociable de l'enracinement de la culture de la performance jusque dans la pratique politique elle-même.

II. L'enchevêtrement des niveaux de lecture

L'action publique sociale est exposée au risque permanent d'instrumentalisation au service d'un message politique particulier comme on a pu le traité précédemment. Cette dérive peut être voulue ou subie, selon qu'elle résulte d'instructions ou simplement de biais en lien avec des modalités d'organisation qui prédétermineraient les résultats de l'évaluation. Pour éviter ces écueils, une série de principes, composant une sorte de déontologie, doivent être posés afin que l'évaluation soit indépendante. En plus des règles qu'appelle cet objectif, le pluralisme et la transparence ressortent comme des garanties indispensables dans cette perspective. Ainsi la politique d'inclusion territorialisée montre le maintien d'un principe d'apolitisme des besoins (A) qui permet la recherche de valorisation politique de l'action (B) traits d'un enchevêtrement des niveaux de lecture envisageable de la nécessaire circonscription de l'action entre légitimation et dépolitisation.

A. Le principe de l'apolitisme des besoins

Le consensus est le mode de traitement adopté par les élus et nous ferons l'hypothèse qu'il remplit une fonction de rassemblement des élus alors que le conflit pourrait être un facteur de division. Nous proposons ainsi dans cette sous partie de nous interroger sur le fait que le social mis en oeuvre par la collectivité territoriale puisse être un instrument de cohésion permettant la transformation d'un société en communauté. Un social qui apporterait la division semble à proscrire, le social doit rassembler : c'est là son point de rupture avec l'approche politique.

Le champ politique est un champ de lutte pour l'imposition d'une vision d'un monde, qui entre en compétition avec d'autre point de vue. Si les politiques divisent, le social est là pour réunifier. Le critère de la délégation aux affaires sociales pourrait se situer là : l'histoire montre que le social serait confié à des acteurs non politisés, qui ne sont ni engagés pour l'obtention de poste, ni partis prenants de débats de fonds au sein des appareils, mais garant d'une approche globalisante, unifiante et consensuelle : les électeurs se reconnaissent ainsi en eux et les populations se retrouvent ensemble dans ce social mis en acte.

Le travail social peut alors être analysé comme un outil de production de la société dans la mesure où il crée de la cohésion dans son oeuvre de protection. Il ne faut ainsi pas mélanger la politique avec l'action des conseils généraux et encore moins avec les questions sociales dont elles devraient être tout à fait distincte. Le social et les besoins qu'il manifeste sont apolitiques et consensuels. L'action menée par un conseil général départemental a ainsi tendance à se situer au-dessus des positions partisanes. Leur union est une grandeur forte pour les élus, elle appartient au monde domestique.

Le Conseil Général doit ainsi dans le traitement de la question sociale et plus particulièrement dans le traitement inclusif qu'il y apporte travailler son image ; image qu'il faut d'autant plus préserver que c'est elle qui est donnée à voire sur la scène publique locale. Il faut porter un message et ce message c'est l'unité au service des administrées : l'unité en soi est gage de l'efficacité du travail politique de l'assemblée, l'unité est l'instrument politique qu'utilise l'assemblée locale.

S'il n'y a pas de concurrence des élus sur la question sociale et les besoins y afférents, on note, en revanche, une concurrence entre le préfet et le président du Conseil Générale, sur la légitimité de chacun à servir le bien commun, preuve d'une concurrence entre décentralisation et déconcentration des acteurs, mettant en évidence la déconcentralisation, souhaitable, précédemment évoquée. Ainsi l'unité revendiquée par le président du Conseil Général est reprise par le préfet qui y inclut l'action des services de l'état. Ce qui fonde cette unité ? C'est l'intérêt général qui rassemble ceux qui, élus et fonctionnaires sont au service des citoyens. L'idée de bien commun ou encore de besoin commun est avancée sans être jamais explicitée : les besoins communs sont un en soit qui n'appellent aucunes justifications. Il y a consensus sur le fait que les élus l'ont été pour répondre aux besoins communs, et rejoignent en cela les fonctionnaires dont c'est aussi la vocation. L'assistance n'est alors pas présentée, par les élus, comme liée à un projet politique, plutôt comme un objet au service de la communauté locale et de l'intérêt général. Elle s'appuie sur une morale partagée et une représentation misérabiliste des populations en «souffrance». Le social se situe alors dans un registre composite, où se mêle un ensemble de représentations diverses, héritées de références religieuse et morale, articulées au projet républicain registre qui semble ainsi témoigner d'une conception dépolitisée.

Dans le domaine du social, les actions qu'un Conseil Général peut soutenir par ses financements, se situent dans un au-delà ou dans un en-deça, des passions politiques, et bassement «humaines» : le social renvoyant à des questions d'ordre philosophique, ne saurait être enfermé dans le débat politique. L'inclusion sociale, facteur de cohésion du tissu locale, par la conformité à des valeurs partagées peut-être instrumentalisées par le Conseil Général dans une perspective de promotion de la collectivité. L'ensemble des membres de l'assemblée départementale a intérêt à un consensus sur le social, on est ainsi d'accord sur la nécessité de soulager la misère, ce qui permet à l'assemblée de construire une unité qu'elle offre à l'opinion. Dans ce contexte, l'inclusion sociale est entendue non pas comme projet de transformation sociale mais comme instrument de réparation et de correction fonctionnant comme un idéal rassembleur.

B. La recherche de valorisation politique de l'action

Parler d'une recherche de valorisation politique de l'action interroge finalement sur la responsabilité qui s'engage lors de mise en oeuvre de la politique publique, de l'action publique. En matière sociale, en matière d'inclusion sociale, cette responsabilité s'accompagne du fameux processus évaluatif. Se faisant, si il y a mise en oeuvre d'une forme de Collectivité Providence en lieu et place de l'Etat Providence, alors l'un des traits sera logiquement, l'existence de cette responsabilité transmise, transféré aux élus locaux.

Dans les démocraties occidentales, le XXème siècle a vu se transformer profondément la responsabilité politique. Le phénomène bien connu en droit constitutionnel du passage d'une séparation des pouvoirs entre législatif et exécutif à une séparation politique entre majorité et opposition, a fait tomber en désuétude les procédures de mise en cause de la responsabilité des gouvernements (motion de censure). A cela, il faut ajouter une autre transformation de la pratique constitutionnelle : la responsabilité individuelle, qu'elle soit politique ou pénale, des ministres n'est plus de mise, au-delà de leur décision de démissionner, sauf les cas ou la «justice politique» (haute cours de justice) est saisie pour les actes qui ont «un rapport direct avec la conduite des affaires de l'Etat» selon l'expression de la Cour de cassation.

Parallèlement à ces processus rapidement rappelés, il en est un qui touche directement notre problème : il s'agit de la tendance grandissante au transfert de la responsabilité du ministre vers ses proches subordonnés. C'est ainsi que les experts (qui ici seront les évaluateurs) directement inclus dans la hiérarchie gouvernementale (les cabinets ministériels) en tant que conseillers techniques, peuvent se voir responsabilisés, en démissionnant pour servir de paratonnerre au politique qui ne se voit plus appliquer la règle de sa «responsabilité pour fait de son administration». Il s'agit donc en fait d'une responsabilité défaussée, que l'on pourrait dire négative, d'une catégorie spécifique d'experts, à savoir ceux qui ont politisé leurs évaluations en l'engageant dans l'action. L'évaluateur serait dans ce cas plus un «fusible» que véritablement responsabilisé. Deuxièmement, le partage des responsabilités est un impensé des relations actuelles entre les deux types de «gouvernement» (aussi bien juridiquement qu'en termes de répartition des compétences). Il est possible de s'apercevoir de ce manquement à travers les lois qui défèrent aux experts évaluateurs le «devoir d'évaluation» (pour reprendre les termes de la circulaire Rocard de 1989) et à travers les cas où les experts s'incrustent dans l'action publique en train de se faire.

Il existe cependant des tentatives pour sortir de cette irresponsabilité. Il émerge en effet des tentatives de conciliation entre d'une part la démocratie représentative, le groupe des experts évaluateurs et la démocratie d'opinion (autre intervenant très peu responsable dans les controverses de l'action publique) qui passent par la valorisation de l'action publique et la médiatisation des enseignements tirée du processus évaluatif l'accompagnant. Ainsi en cherchant à légitimer son action, à la rendre plus visible et compréhensible, le local responsabilise son action. L'évaluation et les responsabilités en la matière sont nécessairement encastrées dans les modes d'exercice de la responsabilité politique. Pour tout gouvernant, «la responsabilité est le passif qui vient équilibrer l'actif de tout pouvoir» qui lui-même «a toujours une double dimension, proportionnelle l'une à l'autre : le droit d'agir, le devoir d'en rendre compte»194(*). Cette obligation constitutionnelle de rendre des comptes publiquement est donc un fondement de l'exercice démocratique des responsabilités du pouvoir exécutif. Dans un monde où la complexité de l'action publique rend beaucoup plus complexe l'analyse et a fortiori l'imputabilité des effets d'une action publique, l'évaluation est la forme cognitive et institutionnelle de cette «accountability», sans laquelle il n'est pas de pouvoir qui puisse être contrôlé par le souverain. Bien plus que la légalité de l'action, ce qui est en jeu dans «l'accountability» et donc dans l'évaluation, c'est la légitimité du pouvoir de gouverner, qui doit être en permanence réassurée, au risque de s'exposer à une perte de crédibilité, quand «l'immunité devient la règle»195(*) (Coicaud, 1999, 102). Se soumettre à ce principe s'inscrit dans des règles qui «sont d'une autre nature que celles que le droit peut prescrire [puisqu'elles] relèvent de la déontologie politique»196(*)

L'avantage de ce type de démocratie plus directe, que l'on pourrait appeler processuelle, est de réintroduire la responsabilité politique grâce à une procédure de gouvernance (lieu, procédure et termes d'une négociation) où, comme l'entend la définition de la gouvernance, le politique retrouve une place prépondérante et une responsabilité identifiable, tout en permettant un échange horizontal entre les connaissances disponibles sur un problème publique, dont les connaissances expertes.

III. La distinction nécessaire entre le politique et la démarche inclusive

Comme on a pu le décrire précédemment, l'émergence de la figure de la Collectivité Providence sur le terrain de la politique inclusive a eu comme conséquence un effort important des élus locaux pour parvenir à dépolitiser le Social en tant que sujet d'intervention, du fait de la connotation politique très importante de la thématique et a impliqué aussi, une nécessaire valorisation des actions publiques envisagées passant par la mise en jeu de la responsabilité des acteurs territoriaux. Se faisant, l'inclusion sociale révèle de part la prépondérance qu'y joue entre autres les départements, la fin de l'étatisme en matière d'inclusion sociale (A), laissant apparaître un oligopole social en matière d'intervenant (B) dont, bien entendu, la Collectivité Providence.

A. La fin de l'étatisme en matière d'inclusion sociale

L'action sociale cherche à engager des réflexions et des expérimentations sur de nouvelles manières de s'inscrire dans la vie de la cité, par le local et par l'intermédiaire de la communauté. Elle souhaite pouvoir doter ces territoires des moyens d'une véritable légitimité, reconnaître à ceux qui y vivent un pouvoir de co-décision, tout en organisant fortement la circulation entre les différentes échelles de territoire. Parmi ces expérimentations se situent le développement social local, les programmes sociaux de territoire et, bien entendu, la politique d'inclusion sociale... En effet, l'organisation territoriale des personnes mobilisées sur divers projets semble constituer le point de passage désormais obligé.

Ainsi l'inclusion permet désormais de penser le Social dans une optique transversale et horizontale, en quête d'une gouvernance multi centrée. Superposition des territorialités relevant de tous les modèles, toujours plus ou moins présentes, empilées à la verticale du lieu suivant des compositions et une polarisation variable, cette territorialité, lieu d'émergence de la Collectivité Providence, met un terme au monopole étatique en matière de politique inclusive.

A ce titre est bien que peu présenté dans le cadre de cette recherche, un mot s'impose sur la montée en puissance de la Région, qui si elle ne joue pas un rôle moteur en termes d'inclusion sociale n'en demeure pas moins un acteur potentiel, illustrant par là même la fin de l'étatisme sur cette politique.

Cristallisant des attentes multiples et hétérogènes, la collectivité régionale fait régulièrement l'objet de projections et de supputations. On ne cesse d'annoncer sa consécration, portée qu'elle serait par des enjeux socioéconomiques et par une tendance européenne. Or, il faut convenir de son institutionnalisation fragile. Si elle se situe sans nul doute au centre des interdépendances actuelles et des processus de restructuration socio-spatiale, elle n'est pas forcément parvenue à s'imposer comme un échelon décisif de régulation territoriale. La régionalisation n'a rien de naturelle : elle ne découle pas mécaniquement de dynamiques environnementales, mais se provoque aussi par l'émergence d'un espace public régional institutionnel à même de peser sur la distribution des ressources et la fabrication d'un intérêt collectif.

Cependant la Région aura vocation à supplanter l'instance départementale dans l'impulsion de politiques territoriales, l'organisation des intérêts et l'élaboration de stratégies collectives. Elle constituera le nouveau relais de l'organisation territoriale des choix publics stratégiques sous l'effet d'une obsolescence des médiations notabiliaires départementales. Pour ce faire, elle trouvera des alliés privilégiés auprès des pays et des instances intercommunales qui, en s'inspirant d'une démarche de projet, décalqueront à l'échelle locale une logique de mission incarnée et promue par l'institution régionale. Elle nécessitera également de se voir octroyer une compétence plus intégrée en matière de développement économique (avec notamment l'apprentissage professionnel) pour ainsi jouer un véritable rôle de chef de file. Se détachant de son rôle de relais de l'appareil d'État, elle pourrait s'imposer véritablement comme l'agent décisif d'organisation des politiques de compromis territorialisés et d'intégration des projets territoriaux. En prolongement de cette logique, se pose la question de la possibilité d'octroyer aux régions des tâches plus gestionnaires, certaines abandonnées par l'État, tout en confortant leur capacité d'investissement et d'initiative afin d'asseoir plus fortement leur autorité, telle est notamment le cas de la politique d'inclusion sociale dans laquelle elle s'engage.

B. L'avènement d'un oligopole social en matière d'intervenant

Selon Michel Laroque197(*), la décentralisation remet en cause la mixité Etat collectivité locale sans aborder le problème de fond des relations entre la sécurité sociale et l'aide sociale. Si la seconde affirmation demeure exacte, la première doit être nuancée, la décentralisation ayant connu depuis 1986, des prolongements contractuels notamment dans le domaine social, qui transforme la décentralisation en révélateur de l'existence d'un oligopole des intervenants en matière d'inclusion sociale.

La décentralisation a toutefois contribué à rénover le droit de l'aide et de l'action sociale en faisant du département le pivot et le chef de fil des interventions sociales obligatoires. Si elles ont un rôle subsidiaire constituant à instruire les demandes d'aides sociales légales, les communes contribuent à enrichir les interventions sociales en développant seules ou à plusieurs dans le cadre de l'interco, des aides sociales facultatives dont la variété a pu amené la doctrine à s'interroger sur le point de savoir si la décentralisation était compatible avec la garantie de certains droits sociaux qui impliquent le respect du principe d'égalité. Si les services publics territoriaux doivent garantir le principe d'égalité dans le cas de la décentralisation, la question se pose toutefois, de savoir si l'égalité formelle n'est pas un mythe lorsqu'elle est confrontée à la logique de la territorialisation.

Le département a été le principal bénéficiaire des compétences sociales de telle sorte qu'il s'érige en collectivité providence. La loi n°86-16 du 6 janvier 1896 oblige les départements à organiser et faire fonctionner un service social départemental qui a pou mission d'aider les personnes en difficulté à retrouver ou à développer leur autonomie de vie. Chargé des dépenses de solidarités dites de proximité, le département gère l'aide sociale aux personnes âgées, la politique de soutien aux personnes handicapées ainsi que l'aide sociale à l'enfance. Son rôle a été élargi à la prise en charge des personnes en situation précaires avec la gestion depuis 2004 du dispositif RMI/RMA

Conclusion de la 2ème partie

L'exigence de qualité et finalement, l'émergence d'une certaine forme de culture performative semblent désormais clairement se dessiner comme une obligation voire un véritable principe gouvernant la mise en place et le suivi de la politique publique inclusive. Cette culture, cette exigence imprègne ainsi progressivement l'action publique locale via la mise en oeuvre de la pratique évaluative qui permet une véritable rationalisation de l'action publique. Elle trouve désormais à être encadrée, réglementée par ce principe directeur. Elle s'exprime en outre, par une réelle responsabilisation des acteurs locaux. Se faisant, le local redécouvre cet adage économique du début du siècle dernier «La responsabilité est le grand révélateur des possibilités de l'homme»198(*). Le fait que cela se traduise législativement amène à penser qu'une juridicisation se fait lentement, ce qui se traduit par le développement de normes de comportement imposant à l'action publique locale la recherche d'une pleine et entière efficacité.

Au confluant finalement du droit et de la pratique, la culture performative et la recherche perpétuelle de la qualité à laquelle elle fait référence, irradie tout le régime de la politique publique, lequel se voit pleinement être imprégné par une redéfinition induite par le management organisationnel. Mieux encore, on se trouve désormais dans la configuration où le local irradié par cette obligation se conforme à une volonté communautaire d'efficacité, d'excellence, ce qui bouleverse, les usages, les pratiques, le Service Public. Pour reprendre S. Braconnier, se fait jours désormais «une promotion d'une théorie économique du service public»199(*). Cela se comprend d'autant mieux dans le cas de la politique inclusive, que nous avons pu constater à quel point elle était intimement liée à la sphère économique, ne serait-ce qu'au travers du tissu économico social local qu'elle tente de rapiécer. A rebours finalement de ses voisins européens, la France et plus précisément les collectivités territoriales se voient directement appliquer, par la promotion de la politique d'inclusion sociale, un nouveau droit, non pas prétorien, pas plus que législatif mais plutôt pragmatique et éminemment pratique : un droit de la performance, de la qualité.

Alors faut-il y voir un coup supplémentaire porté à la souveraineté, une preuve de plus de la disparition de l'Etat, du Service public à la française, de cet interventionnisme social qui a longtemps présidé à la politique d'insertion telle que nous l'avons connu ? Sans doute que l'affirmative trouvera sa place ; mais une réponse plus mesurée, nuancée, tenant notamment compte du caractère inéluctable du «recalibrage» de la politique publique sociale locale, paraîtrait plus pertinente.

«Le droit vit ; il évolue sans cesse comme tout ce qui vit, sous l'influence du milieu. Observons sans cesse ce milieu : nous comprendrons mieux notre droit» écrivait en 1925, Gaston Jéze200(*). Il apparaît claire que cette leçon trouve ici une belle illustration.

CONCLUSION GENERALE

Comme le souligne Machiavel : «Si on veut qu'une religion, une république survive, il faut sans cesse et constamment la ramener à ses principes». C'est pourquoi, à travers chaque type d'évaluation, quel que soit le niveau de préoccupation - efficience, efficacité, impact - il convient à chaque fois de se poser la question des principes générateurs fédérateurs de la politique publique concernée et de revenir aux finalités, au sens donné à l'action publique qui justifie par là même la légitimité de l'intervention.

C'est plus vrai encore s'agissant du secteur social où on a pu constater l'importance de spécifier le champ de l'évaluation à la fois, s'agissant, certes, de son champ de temporalité et d'action mais aussi et surtout, l'importance, de la dimension spatiale pour situer, au delà de l'espace de référence permettant d'apprécier les effets réels de l'intervention et les possibilités d'extension y afférant, les différents degrés de responsabilités s'entremêlant voire s'entrechoquant.

Ces derniers sont autant d'indices précieux ayant permis de mettre en exergue s'il en était encore nécessaire le rôle croissant du département. Entité historique de référence des désormais, politiques sociales inclusives, niveau opératoire de ces dernières, entité combinant l'agglomération des services de l'Etat et une réalité préexistante, le département comme acteur évaluatif se heurte à un enjeu qui pourrait le dépasser. Comment en effet, ne pas craindre que la politisation du social via une pratique évaluative portée au nu, ne finisse par aboutir à un résultat inversement proportionnel au but originel ? C'est-à-dire, à une recentralisation progressive de cette dernière, au dépend d'une logique de traitement de proximité. L'inclusion sociale et la pratique évaluative qui l'accompagne ne risquent-ils pas de mettre à jours la faiblesse du département face à ce défi de lutte contre les exclusions ? Et finalement, couplé à la réforme de la loi de décentralisation n'assiste-t-on pas impuissant, du moins sur la branche sociale, à un étouffement lent de l'entité départementale, collectivité providence historique, mais sans doute trop rapidement confrontée à une politique ambitieusement susceptible de la mener à sa perte au profit d'un niveau plus efficace ?

Ces questions ne trouveront sans doute pas une réponse formelle et univoque mais, les différentes pistes précédemment évoquées peuvent permettre de commencer à en ébaucher une, qui demeure à ce jour prospective, s'agissant surtout de la potentielle disparition de l'échelon départemental. Ainsi si la réforme constitutionnelle de décembre 2003 aboutit belle et bien à graver dans le marbre que « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa», laissant clairement entrevoir l'arme permettant d'abattre le niveau départemental au profit de la mise en place d'une structure géographique plus pertinente. Rien ne saurait cependant affirmer que tel en sera le cas et bien heureux celui qui pourrait le prédire.

Il est donc pertinent de se demander si, en tant que lieux de définition de la politique d'action sociale, les départements n'ont cependant pas encore de beaux jours devant eux à mesure que s'exacerbent les problèmes sociaux : vieillissement de la population et progression des personnes âgées dépendantes, précarisation des jeunes, exclusion du marché du travail des personnes en difficulté, etc. Au regard des incertitudes qui émaillent le contexte post-décentralisateur, la réflexion prospective n'en prend que plus de légitimité afin non pas de dessiner arbitrairement un chemin, mais bien pour esquisser des scénaris d'évolution possibles, probables et (peut-être) souhaitables susceptibles de fonder des recommandations politiques. La tentation apparaît donc grande de solliciter massivement les départements tant ceux-ci paraissent, moins que les autres collectivités, exposés au contrôle démocratique des citoyens, si ce n'est lors d'élections marquées par de faibles taux de participation.

Une lecture possible serait celle d'une progression de l'imposition locale traduisant une forme de redistribution des ressources peu favorable aux classes populaires (au regard des modalités de l'impôt local) sous l'effet de la sollicitation croissante des collectivités territoriales, et notamment du département, dans la gestion des effets des problèmes socio-économiques. Mais cette augmentation ne peut être pérenne sur le long terme, au mieux un quick fix compte tenu de l'effet de plafonnement inhérent aux impôts locaux.

L'un des effets induits de cette décentralisation de nouvelles compétences pourrait aussi bien être, et c'est plu probable, la clarification des pôles de compétence de chaque collectivité contrainte de resserrer des dépenses croissantes autour de ses priorités avec la perspective possible d'un retrait progressif des départements de l'aide aux équipements communaux. L'actualité récente ne nous fournit que trop d'indices pour ne pas penser à cette tendance.

REFLEXIONS SUR L'INCLUSION SOCIALE

La double contrainte des collectivités territoriales entre évaluation et prévention

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION...........................................................................................6

I. L'inclusion sociale et son décodage.......................................................................................7

A. L'appréhension du phénomène d'inclusion........................................................................8

1. L'inclusion dans la théorie des ensembles.....................................................................8

2. De la catégorisation à la Taxinomie........................................................................10

3. L'inclusion dans la sytémique..................................................................................11

B. La compréhension du phénomène d'inclusion sociale..........................................................12

1. La systémique sociale américaine : précurseur des études sur l'exclusion/inclusion sociale.........13

2. Le structuralisme et le déconstructionnisme : promoteur de cette thématique..........................15

3. Le renouveau en Europe de l'inclusion sociale via la French Theory....................................17

II. Prolégomènes de la mise en oeuvre des politiques d'inclusion sociale.............................................19

A. La prégnance du cadre européen dans les politiques d'inclusion sociale....................................19

1. Une ambition ancienne : la lutte contre l'exclusion........................................................20

2. Une affirmation circonstancielle : des poverty program à Maastricht...................................22

3. Un affermissement singulier : du traité d'Amsterdam à la stratégie de Lisbonne......................25

4. Un nouveau cadre de référence: l'inclusion sociale comme orientation stratégique..................29

B. Le niveau national : cadre opératoire des politiques inclusives ................................................33

1. Une lutte pour l'intégration 1960/1970 : la promotion de l'Etat Providence...........................34

2. Une lutte en vue de l'insertion 1970/1980 : la fin de la logique assurantielle...........................34

3. De la précarisation à l'exclusion 1980/2000 : la substitution de la logique assistantielle.............38

4. La promotion de la cohésion sociale 2000/2013 : l'avènement de la Collectivité Providence.......43

Problématisation de l'inclusion sociale.......................................................................................45

1ère PARTIE : L'AFFERMISSEMENT DE LA LOGIQUE PREVENTIVE POUR LES POLITQUES D'INCLUSION SOCIALE.............................................................. 47

TITRE 1er : LA PERENISATION DES DISPOSITIFS PUBLIQUES SOCIAUX CURATIFS.....................48

Chapitre 1er : L'extension des contraintes budgétaires...........................................................50

La dette publique fut le germe de la liberté. Elle a détruit le roi et l'absolutisme. Prenons garde qu'en continuant à vivre, elle ne détruise la nation et nous reprenne la liberté qu'elle nous a donnée.

Mirabeau, 1789

I. La résorption des fonds sociaux européens.............................................................................51

A. L'implication de l'élargissement...................................................................................53

B. L'accentuation du principe de spécialité...........................................................................56

II. La recomposition des dotations et subventions nationales...........................................................60

A. La réduction de la participation étatique directe..................................................................62

B. L'amoindrissement de l'implication étatique indirecte.........................................................66

III. Le dépérissement des leviers fiscaux locaux...........................................................................70

A. La factualité de la logique lafferienne.............................................................................71

B. La résidualité des marges de manoeuvres........................................................................73

Chapitre 2nd : L'établissement d'une sur responsabilisation....................................................77

Voici, dans mes vieilles idées, le grand problème en politique que je compare à celui de la quadrature du cercle en géométrie et à celui des longitudes en astronomie : trouver une forme de gouvernement qui mette la loi au dessus de l'homme

Rousseau, 1827

I. L'Européanisation des politiques publiques sociales.................................................................78

A. L'analyse fonctionnelle de l'inclusion sociale....................................................................80

B. L'analyse séquentielle de l'inclusion sociale.....................................................................85

II. La production d'une législation nationale coercitive..................................................................88

A. La localisation des besoins..........................................................................................89

B. La polarisation des objectifs.........................................................................................92

III. La territorialisation des enjeux sociaux.................................................................................93

A. La promotion de la responsabilité administrative................................................................94

B. La préservation de la responsabilité financière...................................................................95

TITRE 2nd : LA FORMULATION DE POLITIQUE SOCIALE OCCUPATIONNELLE..............................98

Chapitre 1er : La combinaison des acteurs en matières d'insertion.................................................99

Le Politique est toujours face à un territoire dans lequel il exerce un pouvoir en droit défini comme responsabilité, qu'il soit élu ou nommé.

Etchegoyen, 1993

I. La décentralisation des compétences sociales.........................................................................100

A. Une attribution par principe exclusive.............................................................................101

B. Une application de fait extensive.................................................................................102

II. La déconcentration des intervenants sociaux.........................................................................104

A. L'expansion du principe de subsidiarité..........................................................................106

B. L'avènement d'un principe de supplétivité......................................................................107

III. La déconcentralisation des politiques inclusives.....................................................................109

A. La coopération des intervenants locaux...........................................................................111

B. La coordination des actions territorialisées.......................................................................112

Chapitre 2nd : La promotion de l'inclusion professionnelle par le marché.......................................114

«La preuve du Pudding c'est qu'on le mange», aimait à répéter Engels, [...]. La preuve d'une politique efficace de l'emploi, c'est que le chômage baisse.

Jean-Louis Gombeaud, 2006

I. La réception des exigences communautaires..............................................................................115

A. La concentration des ressources et moyens...........................................................................116

B. La stimulation de la création d'emploi................................................................................118

II. La rénovation de l'approche nationale......................................................................................120

A. La libéralisation du marché du travail.................................................................................121

B. L'adaptation des travailleurs et des entreprises......................................................................123

III. La réalisation de la politique territorialisée (l'exemple des marchés publics à critères sociaux) ..................125

A. L'animation territoriale vecteur de partenariats.....................................................................126

B. La valorisation locale de la dynamique du marché..................................................................128

2ème PARTIE : LA BANALISATION DE L'EVALUATION PAR LES POLITIQUES D'INCLUSION SOCIALE .................................................................................132

TITRE 1er : L'EMERGENCE D'UN CRITERE QUALITATIF.........................................................134

Chapitre 1er : Le développement de l'évaluation dans les politiques publiques partenariales.................137

Quelle que soit sa compétence réglementaire, une collectivité territoriale se saisira d'un problème à partir du moment où il émergera au sein de l'agenda politique local.

P.Muller, 1990

I. L'apparition de la pratique évaluative......................................................................................138

A. Le contrôle des programmes de financement communautaire.....................................................139

B. Le saisi des contrats de plan Etat/ Collectivités Territoriales.......................................................141

II. La propagation des évaluations..............................................................................................143

A. Une assimilation incitative (dimension cognitive)...................................................................144

B. Une acculturation progressive (dimension normative)..............................................................146

III. L'institutionnalisation de l'Evaluation.....................................................................................147

A. Un cadre théorique affiné...............................................................................................148

B. Un cadre juridique renouvelé...........................................................................................150

Chapitre 2nd : L'extension de l'évaluation aux politiques publiques locales....................................152

Evaluer une politique, c'est s'efforcer d'apprécier de façon valide ses effets réels [...] Parler d'effets réels n'exclut [...] pas les conséquences sur les représentations [...]mais souligne que l'on s'intéresse au résultat ex post de la politique considérée par opposition aux effets prévisionnels.

J.-P. Nioche & R. Poinssard, 1984

I. L'instrumentalité des évaluations dans les politiques publiques locales..............................................153

A. Comprendre l'empilement des politiques publiques locales......................................................153

B. Maîtriser les interactions des politiques publiques locales ........................................................155

II. L'opérationnalité des champs de l'évaluation dans le social............................................................157

A. Le champ de la temporalité.............................................................................................158

B. Le champ de l'agir......................................................................................................159

III. La productivité de l'évaluation au niveau local...........................................................................161

A. De la préconisation......................................................................................................161

B. ...à la prospection/expérimentation...................................................................................163

TITRE 2nd : L'ENRACINEMENT DE LA CULTURE PERFORMATIVE..........................................165

Chapitre 1er : La rationalisation de l'action publique sociale locale............................................167

Une seule connaissance exacte, adéquate et appropriée, diffusée équitablement conduirait à elle seule et à coup sûr, à une meilleure intelligence collective

J. Leca, 1993

I. L'opération de vérification de l'action publique..........................................................................168

A. Le contrôle de son engagement........................................................................................169

B. L'analyse de ses prestations............................................................................................171

II. L'opération d'étalonnage de l'action publique sociale..................................................................173

A. Assurer la validité de l'action sociale ................................................................................173

B. Minimiser les imprécisions de l'action sociale......................................................................175

III. L'opération de calibrage de l'action publique sociale locale............................................................176

A. L'ajustement structurel de l'action....................................................................................177

B. La modification fonctionnelle de la politique........................................................................178

Chapitre 2nd : La circonscription de l'action entre légitimation et dépolitisation...........................180

La multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices en sorte qu'un État est bien mieux réglé lorsque n'en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées.

René Descartes, 1637

I. La congruence de l'action politique et de l'action légitime en matière inclusive.....................................181

A. L'équivalence de l'action et du politique.............................................................................182

B. La correspondance de la légitimation de l'action et de sa juridicisation..........................................183

II. L'enchevêtrement des niveaux de lecture..................................................................................184

A. Le principe de l'apolitisme des besoins...............................................................................185

B. La recherche de valorisation politique de l'action..................................................................187

III. La distinction nécessaire entre le politique et la démarche inclusive.................................................189

A. La fin de l'étatisme en matière d'inclusion sociale..................................................................189

B. L'avènement d'un oligopole sociale en matière d'intervenant......................................................191

CONCLUSION..................................................................................................................194

BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................196

TABLE DES MATIERES..................................................................................202

RESUME:

Le concept d'inclusion sociale est désormais le point d'ancrage des politiques sociales initiées par l'Europe et ses Etats membres. Il est communément accepté de définir l'inclusion comme le pendant inverse de l'exclusion et d'y voire la solution ou tout le moins la garantie d'une cohésion sociale. Néanmoins, l'inclusion est un au delà de l'insertion, car elle situe cette dernière dans une réalité économique : l'économie de marché. Des incertitudes subsistent de sorte que ce n'est guère qu'au travers ses effets qu'on parvient à l'apprécier. Sur ce point, l'élément prépondérant qui doit être mis en exergue réside dans le transfert progressif du concept «d'Etat Providence», vers une dimension territoriale infra étatique : le département. Celui-ci devient la «Collectivité Providence» pertinente prise entre deux exigences : de pérennisation des dispositifs sociaux et d'évaluation des politiques d'inclusion. Cette transformation annonce un changement radical de perspective, sujet de notre analyse.

The idea of 'social inclusion' is now the central legitimating concept of social policy in Europe and elsewhere. There is a general agreement that inclusion is a good thing, and that exclusion is a bad thing, both because it is unfair, and because it damages social cohesion. However, the inclusion is beyond the insertion because it places this last one in one economic reality, the market economy. There is also very little clarity about what inclusion or exclusion actually mean, and indeed to some extent the unifying function of these terms depends on that lack of clarity. The central point that I want to make is that the idea of social inclusion, transferred the concept of Providency State to the local administration area: the department. Indeed, he's becoming Providency collectivity which is now taken between two obligations: preservation of what have been done socially and evaluation of Inclusion policys. This transformation announced a radical turns. That's what we're going to analyse.

MOTS CLEFS:

Inclusion-Exclusion sociale, Collectivité Providence, Fonds sociaux européens, Evaluation, Politique publique, Action publique, Déconcentralisation, Décentralisation, Déconcentration, Territorialité.

* 1 J. Chirac (Président de la République), allocution télévisée du 14/11/2005

* 2 S. Kartz, L'exclusion, définir pour en finir, Dunod, 2004

* 3 J.-L. Verley, Théories des ensembles, article de l'Encyclopedia Universalis, 2001

* 4 G. Boole, The mathematical analysis of logic, 1847

* 5 «Un certain système de choses est un tout consistant en certaines parties...Un système dans lequel l'ordre des parties est indifférent s'appelle un ensembles», Bolzano, Les paradoxes de l'infini, Berlin, Mayer et Müller, 1899

* 6 J. Gautra : Le rôle du chômage et de la pauvreté dans le débat public, Allocations familiales, C.N.A.F, n°38, décembre 1994, pp. 69-75

* 7 E. B. de Condillac, Traité des sensations, 1754

* 8K. L. von Bertalanffy, Théorie générale des systèmes, trad. franç. de J.-P. Chabrol, Paris, Dunod, 1980

* 9 O. Morgenstern, Theory of Games and economic Behavior, Princeton University Press, 1947

* 10 N. Wiener, Cybernétique et Société, Paris, Plon, 1962

* 11 R. Boudon, L'idéologie. L'origines des idées reçues, 1986, Paris, Fayard, p.22

* 12 Y. Grafmeyer, L'école de Chicago : naissance de l'écologie urbaine, Flammarion, 2004

* 13 La démarche de Parsons est la suivante :

Pour qu'une société stable puisse exister, il lui faut répondre à plusieurs fonctions qui sont l'adaptation à l'environnement (adaptation=A), la poursuite d'objectifs (goal=G), le système ne fonctionnant que s'il est mû ou orienté par un but, l'intégration interne du système (integration=I), et enfin l'entretien des modèles et des normes (lattent pattern maintenance and tension managment=L). Ainsi naissent les fonctions du système représenté par le sigle AGIL.

* 14 M. Halbwachs, Chicago : experience ethnique, Annales d'histoire économique et sociale, T. 4, Armand Colin, 1932

* 15 Howard S. Becker, Outsiders - Etude de sociologie de la déviance -, Métailié, Paris, 1963

* 16 N. Luhmann, Soziale systeme. Grundriss einer allgemeinen Theorie, Franckfort, Suhrkamp, 1982

* 17 A. Touraine, Production de la société, Paris, le Seuil, 1973

* 18 J.-C. Lugan, La systémique sociale, PUF, Nov. 2005

* 19 Y. Bony, Sociologie du temps présent, Armand Colin, 2005, p.51

* 20 Enquêtes ou études culturelles se donnant pour objet «les formes les pratiques et les institutions culturelles et leurs rapports avec la société et le changement social».Armand Mattelart et Erik Neveu, Cultural studies' stories - La domestication d'une pensée sauvage -, Réseaux n°80, CNET, 1996

* 21 F. Cusset, French Theory, p.145, La découverte, 2ème édition 2005

* 22 M. Gauchet, La condition historique, Stock, Paris, 2003

* 23 M. Foucault, Résumé de cours, 1970-1982

* 24 Raymond Aron, L'Europe, avenir d'un mythe Cités, n°24, 2005

* 25 Paul-Henri Spaak, Président de l'Assemblée consultative européenne, extrait du Monde 9 Mai 1950

* 26 Le FSE exerce deux grands rôles. D'une part, il a pour but de favoriser la création d'emplois pour les travailleurs dans le marché intérieur en encourageant leur mobilité et en facilitant leur adaptation aux mutations industrielles. C'est en particulier par le biais de stages de formation professionnelle et de programmes de recyclage que le FSE poursuit ces objectifs, tout en améliorant le niveau de vie (article 146). D'autre part, le FSE doit également participer au renforcement de la cohésion économique et sociale au sein de la Communauté européenne (article 159).

* 27 «La subsidiarité reste pensée sur le mode dérogatoire - un système d'exception incorporé au dispositif même de la loi - au lieu d'être pensée sur le mode de la supplétivité, qui seul témoignerait d'une claire volonté de l'Etat d'ouvrir un espace d'autonomie relative». Olivier Mériaux - Les débordements territoriaux des politiques sectorielles in, L'action publique et la question territoriale, sous la direction d'A. Faure et A. C. Douillet, PUG, 2005

* 28 A. B. Atkinson, B.Cantillon, E. Marlier and B.Nolan, Taking Forward the EU Social Inclusion, an independent report commissioned by the Luxembourg Presidency of the Council of European Union, Pre-final version, 31 Mai 2005

* 29 Robert Rochefort, dir. du Credoc, préface à l'ouvrage de Michel Messu, La pauvreté cachée, L'aube, 2003

* 30 J. Galbraith, L'ère de l'opulence, 1965, Gallimard

* 31 Archives départementales des bouches du Rhône, M6 30874

* 32 Décret n°64-782 du 30 Juillet 64

* 33 R. Castel, Les marginaux dans l'histoire - l'exclusion, l'état des savoirs, La découverte, 1996, p. 32-40

* 34 Emmanuel Négrier, La question métropolitaine - Les Politiques à l'épreuve du changement d'échelle territoriale - PUG, 2005

* 35 Lepetit Bernard, Tentons l'expérience, Annales ESC, Nov-Dec. 1989, n°6

* 36 R. Dworkin, What is Equality ? , Part I: Equality of Welfare; Part II: Equality of Resources, Philosophy and Public Affairs, 1981

* 37 L. Stoleru, Vaincre la pauvreté dans les pays riches, Flammarion, 1974

* 38 R. Lenoir, Les exclus- Un français sur dix-, Seuil, 1973

* 39 Alban Goguel d'Allondans, L'exclusion sociale - métamorphose d'un concept, L'harmattan, 2002

* 40 Loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière

* 41 Loi n° 71-579 portant création de l'ALS

* 42 Loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales

* 43 Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées

* 44 Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 portant création de l'allocation de parent isolé

* 45 Décret n° 76-526 du 15 juin 1976 étendant le bénéfice de l'aide sociale à de nouvelles catégories de bénéficiaires

* 46 Programme du président Reagan reposant sur trois principes : politique de l'offre, monétarisme et dérégulation ; P. Rimbert, La reaganomanie, revue Après Demain - n°276, Juillet/Septembre, 1985 

* 47 «Plusieurs logiques contradictorielles semblent s'exercer actuellement sur notre contemporanéité pour lui donner un visage pluriel. D'une part, l'investissement du microsocial comme dimension première de la vie quotidienne et inversement, la recherche de perspectives macro sociales comme utopies collectives».

M. Maffesolie, La connaissance Ordinaire, Méridien, 1985

* 48 Pierre Rosanvallon, La crise de l'État-providence, Le Seuil, 1981

* 49 Loi de redressement du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, organisant le régime d'interruption de la carrière professionnelle.

* 50 Loi n°89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées à l'endettement.

* 51 L'ordonnance n° 92-1143 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle.

* 52 Jean Marc Vittori, S'attaquer enfin au Chômage, Les Echos, 18 Janvier 2006

* 53 Martine Xibberras, Maître de conférence à Montpellier 3, Les théories de l'exclusion, Armand Collin, 2000

* 54 M. Waline, Vers un reclassement des recours du contentieux administratif, RDP, 1935 

* 55 «Dans une société où la division sociale du travail est peu poussée, la solidarité résulte moins de la différence que de la ressemblance. On observe alors une forme de solidarité dite mécanique : on s'entraide parce qu'on se ressemble. La solidarité organique est, elle, le fait d'une société où il y a complexification des systèmes sociaux, individualisation et division sociale du travail. Dans une société de ce type, on s'entraide parce qu'on est différent». Nathalie Blanchard, L'avènement du département providence - Le social au Conseil Général de l'Hérault, Coll. Politiques et interventions sociales, ENSP,2004

* 56 «Chaque acteur, préfets, élus, partenaires sociaux, entreprises, au coeur de l'action pour rétablir la cohésion sociale de notre pays, doit se sentir porteur d'une véritable feuille de route pour l'action» (Communication du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion social - 9 Février 2005 en Conseil des Ministres).

* 57 «L'inclusion est différente de l'intégration et de l'insertion. L'intégration a pour but de libérer des moyens pour adapter toutes les catégories de la population à l'environnement social. L'insertion, elle, vise à modifier autant que possible l'environnement en fonction de ceux qui ne peuvent s'y adapter. L'inclusion doit permettre de développer les aptitudes des personnes, de manière à ce qu'elles aient voix au chapitre.» Huguette Desmet
Docteur en sciences psychopédagogiques, professeur à l'Université de Mons-Hainaut, intervention orale au Sénat belge à l'occasion de la journée consacrée à l'inclusion sociale le 9 Mai 2005, http:/ /www.senate.be/citizenship/05-05-09-social-inclusion

* 58 Loi n° 2006-396 du 31 mars 2006, dont l'article 8 instituant le CPE a été «remplacé»... Pour un éclairage sur la terminologie et l'imbroglio juridique, la lecture du lien suivant s'impose : http://maitre.eolas.free.fr

* 59 La diffraction est le comportement des ondes lorsqu'elles rencontrent un obstacle qui ne leur est pas complètement transparent ; le phénomène peut être interprété par la diffusion d'une onde par les points de l'objet. La diffraction se manifeste par le fait qu'après la rencontre d'un objet, la densité de l'onde n'est pas conservée selon les lois de l' optique géométrique.

* 60 Extrait du rapport de l'Observatoire nationale de la pauvreté et de l'exclusion 2005-2006, p.10

* 61 «Sur la période 2003-2005, le chômage de longue et très longue durée s'est accru. La forte hausse du chômage de longue durée entre la fin du premier trimestre 2003 et la fin du premier trimestre 2005 (+11%) n'a pas été compensée par le repli observé aux deuxième et troisième trimestres 2005 (-5 %)». Ibid., p. 18

* 62 «La forte contraction de la croissance en 2003 a conduit à une diminution de l'emploi salarié marchand inconnue depuis 1993 (-53 000 postes). En 2004, la croissance retrouve un rythme plus élevé, +2,3 %, sans que cela soit suffisant pour profiter pleinement à l'emploi : l'emploi salarié marchand ne progresse que de 5000 postes». Ibid., p. 18

* 63 «Après avoir diminué au cours des années 2000 à 2002, le nombre d'allocataires de minima sociaux en France a augmenté en 2004 de 3,4 %, à un rythme deux fois plus élevé qu'en 2003 (+ 1,6 %) [Cf. M. Avenel, « Les allocataires de minima sociaux en 2004 », Études et Résultats, n° 447, 2005, Drees]. À la fin de 2004, 3,4 millions de personnes étaient allocataires de l'un des neuf dispositifs nationaux (Ai, Api, Aah, Fsv, Ass, Aer, Rmi, Allocation veuvage, Allocation supplémentaire d'invalidité) ou du Revenu de solidarité (Rso), dispositif spécifique aux Dom. En incluant les ayants droit (conjoints et enfants), ce sont un peu plus de 6 millions de personnes qui bénéficient des minima sociaux, dont 5,6 millions en métropole». Ibid., p. 19

* 64 Arnaud Lacaze, Problèmes économiques, n°spécial, Les défis du management aujourd'hui, 1er Mars 2006

* 65 Loi organique n°2001-692 du 1 août 2001 - Loi organique relative aux lois de finances 

* 66 Ernst & Young, Rapport sur l'évaluation finale du programme européen Objectif 2 pour le Languedoc Roussillon, http://www.diact.gouv.fr/datar_site/datar_evaluation.nsf, Octobre 2005

* 67 M. Alain Bocquet, député, extrait d'une réponse à Mme Colonna à une question orale à l'Assemblée nationale - 4 avril 2006

* 68 Jean François-Poncet et Jacqueline Gourault, rapport d'information du Sénat n°337, La réforme de la politique régionale européenne, p.13, Paris, Mai 2006

* 69 S'ajoutent à ce montant, pour atteindre le total FEDER / FSE de l'Objectif compétitivité et emploi (9,1Mds€) :

- 200M€ au titre des programmes interrégionaux en faveur des massifs et des bassins hydrographiques ;

- 700 M€ au titre du programme national FSE (hors part gérée en région).

* 70 R. M., La programmation 2007-2013 peut commencer ! , La gazette des Communes, n°1834, 17 Avril 2006

* 71 Maxime Lefebvre, Quel budget européen à l'horizon 2013, Travaux et recherches de l'IFRI et du CEES, La documentation française, p.39, 2004

* 72 Le propos n'est pas ici de polémiquer ou de jeter l'opprobre, mais il est évidant qu'un gâteau (l'image et volontairement choisi) même un peu plus grand, lorsqu'il doit être partagé entre un bien plus grand nombre de convive, entraîne ipso facto un amoindrissement des parts de chacun. On ne peut alors que gager que cela se déroule pendant une période transitoire, de rattrapage.

* 73 Ibid., p.58

* 74 Dans ce sens cf. tableau p.9

* 75 PO : Prélèvement Obligatoire

* 76 Philippe Le Clézio, extrait du Rapport du Conseil Economique et Social, Prélevements obligatoires : compréhension, efficacité économique et justice sociale, Paris, 2005

* 77 Loi de finances révisée et prévisions d'exécution 2004

* 78 «Quelle que soit la source retenue, les chiffres fournis par les administrations font apparaître un déficit conséquent pour les départements, en ce qui concerne le versement du RMI aux allocataires. Ce déficit concerne la quasi-totalité des départements, à des degrés divers. D'après la source la plus modérée dans l'estimation de ces déficits, c'est-à-dire les chiffres CAF - MSA transmis par la DGCL, le déficit global s'est élevé à 423,4 millions d'euros, soit 7,9 % des allocations versées. Et selon le ministère du Budget, le déficit départemental global devrait atteindre 430 millions d'euros, à plus ou moins 10 millions d'euros près. Cette réalité est très perceptible quand on interroge les départements. En effet, le financement de ce déficit est de loin la principale préoccupation exprimée par les présidents de conseils généraux en réponse au questionnaire qui leur a été envoyé. La couverture «réelle» des charges de l'allocation par l'impôt transféré et une plus grande «réactivité» de l'État dans le transfert de la ressource reviennent très fréquemment dans les réponses des élus. Plusieurs d'entre eux soulignent également le coût que représente pour eux l'avance de trésorerie consentie de facto à l'État tant que la compensation promise au titre de l'année 2004 n'aura pas été versée». Extrait du Rapport n°316, rendu au Sénat, La décentralisation du revenu minimum d'insertion fait au nom de l'Observatoire de la décentralisation, p.8, Paris, 2005

* 79 Composée de programmes, ministérielle ou interministérielle, la mission correspond aux grandes politiques de l'État. Elle constitue l'unité de vote pour le Parlement.

* 80 Ministériel, le programme est le cadre de mise en oeuvre des politiques publiques. Il est confié à un responsable et regroupe un ensemble cohérent d'actions, qui apportent des précisions sur l'utilisation prévue des crédits.

* 81 Arthur B. Laffer, diplômé en Sciences Economiques de l'université de Munich (Allemagne) et de l'université de Yale où il obtint un «bachelor of arts» en 1963. Outre un MBA en 1965, il reçut un diplôme de doctorat en sciences économique de l'université de Stanford en 1972. Il est l'auteur de la «courbe» qui suggère que la hausse du taux d'imposition marginale peut entraîner une baisse des recettes fiscales.

* 82

* 83 «L'impôt peut entraver l'industrie du peuple et le détourner de s'adonner à certaines branches de commerce ou de travail». Adam Smith (1723-1790), Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations , 1776.

* 84 «Un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte». Jean Baptiste Say (1767-1832), Traité d'économie politique, Livre 3, Chapitre 9, 1803

* 85 Hors paris

* 86 Les collectivités locales en chiffres, Statistiques financières sur les collectivités locales 2006, Direction générale des collectivités locales, mise en ligne : Janvier 2006

* 87 Michel Mercier, extrait du Rapport d'information du Sénat n°447, Le Bilan de la décentralisation, p.257, Paris, 2000

* 88 Les collectivités locales en chiffres, Statistiques financières sur les collectivités locales 2006, Direction générale des collectivités locales, mise en ligne : Janvier 2006

* 89 L'Article 1636 B septies du code générale des impôts prévoit que:«Les taux des taxes foncières et de la taxe d'habitation votés par une commune ne peuvent excéder deux fois et demie le taux moyen constaté l'année précédente pour la même taxe dans l'ensemble des communes du département ou deux fois et demie le taux moyen constaté au niveau national s'il est plus élevé». L'article 1636 B sexies dispose aussi que :«Sous réserve des dispositions du VI de l'article 1636 B septies, les conseils régionaux autres que celui de la région d'Ile-de-France votent chaque année les taux des taxes foncières et de la taxe professionnelle. Ils peuvent :

 a) Soit faire varier dans une même proportion les taux des trois taxes appliqués l'année précédente ;

 b) Soit faire varier librement entre eux les taux des trois taxes. Dans ce cas, le taux de taxe professionnelle :

- ne peut, par rapport à l'année précédente, être augmenté dans une proportion supérieure à l'augmentation du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties,

- ou doit être diminué, par rapport à l'année précédente, dans une proportion au moins égale à la diminution du taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Jusqu'à la prochaine révision, le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ne peut augmenter plus ou diminuer moins que le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties».

* 90 Loi 1980-10 du 10 janvier 1980 portant aménagement de la fiscalité directe locale, modifiée par Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

* 91 Pour une analyse pertinente de la réforme sur la taxe professionnelle dont on rappelle qu'elle contribuait à près de 25 Milliards d'euros au budget locaux (valeurs 2003), dont le montant brut est voisin de 30 milliard et représentant une charge nette pour les entreprises de quelque 17 milliard, je renvoie à la lecture de la contribution faite par Jean Michel Uhaldeborde, 1975-2005 :Trente ans de tribulations ambivalentes d'un impôt local - La taxe professionnelle entre a-réforme fiscale et réforme territoriale - Mélanges en l'honneur de Jean Claude Douence, La profondeur du droit Local, Dalloz, Paris, 2006

* 92 Michel Mercier, extrait du Rapport d'information du Sénat n°447, Le Bilan de la décentralisation, p.261, Paris, 2000

* 93 Traité établissant une Constitution pour l'Europe, Titre 3, Article I-11, alinéa 3

* 94 Constatant que les besoins et aspects importants de l'existence sociale (éducation, garde des enfants, santé, retraites, etc.) sont difficilement couverts par le marché, que tous les pays ont développé des formes plus ou moins abouties de fourniture hors marché («démarchandisation» de l'accès aux biens et services), que par ailleurs l'Etat-providence peut-être conceptualisé comme lieu de distribution du bien-être, Gøsta Esping-Andersen propose une typologie de l'Etat-providence comme suis :

Etat

Société Civile Marché

L'utilité du modèle Esping-Andersen et d'offrir un contenu historique aux «plis culturels» de différentes nation, de permettre de comprendre le «développement humain» de certaines nations et de relier ensemble des aspects variés dans un contexte comparatif. Gøsta Esping-Andersen, Les trois mondes de l'Etat providence - Essai sur le Capitalisme moderne, Le lien social, PUF, 1999

* 95 Littéralement : «le passé engage l'avenir». Paul Pierson, Increasing Returns, Path Dependence, and the Study of Politics, American Political Science Review, vol. 94, no 2, 2000

* 96 Le concept d'européanisation renvoie à : «construction, diffusion, and instutionalization of formal and informal rules, procedures, policy paradigms, styles, ways of doing things, and shared beliefs and norms which are first defined and consolidated in the making of EU decisions and then incoroprated in the logic of domestic discourse, identities, political structures, and public policies», ce qui traduit revient aux : «processus de (a) construction, (b) diffusion et (c) institutionnalisation de règles formelles et informelles, de procédures, de paradigmes, de styles, de «façons de faire», de croyances partagées et de normes qui sont d'abord définies et consolidées dans l'élaboration d'une politique européenne, puis incorporées dans la logique des discours nationaux, des identités, des structures politiques et des politiques publiques». Claudio Radaelli, Whither Europeanization? Concept stretching and substantive change, European integration online papers (EioP), Vol. 4 (2000), N°8, http://eiop.or.at/eiop/texte/2000-008a.htm

* 97Ruth Levitas, The Inclusive Society? Social Exclusion and New Labour, Basingstoke: Macmillan, (1998)

* 98 Le modèle d'État-providence scandinave est probablement celui où ces politiques d'activation du marché de l'emploi ont été le plus développées, en particulier par la grande attention des pouvoirs publics pour la formation professionnelle, les stages de reconversion et la mise en place de partenariats public/privé (sans oublier le secteur associatif) autour de l'emploi. Les travaux d'économistes comme Olivier Blanchard (MIT) ou Jean-Claude Barbier (CEE) fournissent un excellent aperçu de l'état de ces politiques à l'heure actuelle.

* 99 La rationalisation en cours du dispositif témoigne particulièrement bien de cet état de fait.

* 100 Conclusions de la Présidence, Conseil européen, mars 2005.

* 101 COM(2005) 299, Une politique de cohésion pour soutenir la croissance et l'emploi Orientations stratégiques communautaires 2007-2013, 5 juillet 2005

* 102 An introduction to the study of Public Policy (1970)

* 103 F. Chambon, C. Gaspon, La déontologie administrative, LGDJ, collection système, 1996

* 104 J. Chevallier, Synthèse du colloque La contractualisation dans le secteur public des pays industrialisées depuis 1980, L'harmattan, Logique juridique, 1999.

* 105 PLF 2006, Programme 177 : Politiques en faveur de l'inclusion sociale

* 106 Ibid

* 107 Michel Piron, extrait du Rapport d'information de l'assemblée nationale n°2881, l'équilibre territoriale des pouvoirs, p.281, Paris, 2006

* 108 Mais de façon plus pernicieuse, notamment sur le volet logement.

* 109 Hervé Rihal, Les transferts de compétences, solidarité et santé, Chroniques p. 1978, AJDA 2004

* 110 L'agence de notation financière Standard & Poor's relève que, «à l'échelle européenne, les responsabilités assumées par les collectivités locales françaises restent relativement limitées. Les compétences les plus lourdes financièrement, telles que la santé ou l'éducation (définition des programmes scolaires, rémunération des professeurs) sont gérées en France par l'Etat, alors que dans de nombreux pays tels que l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique ou l'Italie, elles sont administrées et financées par les régions», La notation des collectivités locales, octobre 1999.

* 111 M. Philippe Valletoux, extrait d'audition par la mission sénatoriale le 8 mars 2000

* 112 JO Sénat, séance du 7 juin 2000, p. 3741.

* 113 Groupe de travail n° 6 sur les politiques de développement régional (DT/REG(97)10), Les politiques régionales dans les années 90 : réorientation vers une recherche de la compétitivité et des partenariats avec les niveaux infrarégionaux, 16-17 décembre 1997.

* 114 J. Chevallier, L'Etat post-moderne, Série politique n°35, LGDJ, 2004

* 115 Guido de Ridder, Changement de régime ou crise de l'intervention sociale ? dans Les nouvelles frontières de l'intervention sociale, coord. Guido de Rider, L'Harmattan 1997

* 116 Les guillemets se veulent être placé ici aux fins de ne pas prendre le terme dans sa dimension péjorative.

* 117 R. Lafore , La décentralisation de l'action sociale. L'irrésistible ascension du département providence, Revue française des affaires sociales, n° 4, 2004.

* 118 Source : Premières informations, Premières synthèses, DARES, juillet 2004, étude portant sur les établissements de dix salariés et plus. En 2002, le taux d'entrée dans l'emploi est en moyenne de 40,9 et le taux de sortie est de 40,3. Ainsi, comme l'emploi salarié (dans le secteur marchand, excluant donc l'emploi public) comprend près de 16 millions d'emplois, il y a chaque année 6,4 millions d'embauches et 6,4 millions de départs. Donc, chaque trimestre environ 1,6 millions de personnes sont recrutées et 1,6 millions de personnes quittent leur emploi. Et parce qu'un trimestre comprend environ soixante jours ouvrables, il y au moins 26 000 personnes du secteur privé qui chaque jour quittent leur emploi et 26 000 qui y trouvent un emploi. Enfin, les chiffres précédents n'incluant pas les mouvements au sein de la fonction publique ou dans les secteurs associatifs, le chiffre de 30 000 embauches et de 30 000 départs semble une évaluation raisonnable de l'ampleur quotidienne de ces flux.

* 119 Rapport fait par la Cour des comptes, La déconcentration des administrations et la réforme de l'Etat, Novembre 2003

* 120 Dans son sens actuel, le terme de déconcentration apparaît sous le second empire, sous la plume de Léon Aucoc (professeur de droit administratif ; membre du conseil d'Etat en 1869, Léon Aucoc a présidé de la section des travaux publics de 1872 à 1879), pour qualifier le rôle accru des préfets qui se voient alors accorder la possibilité de statuer sur les affaires départementales et communales qui exigeaient auparavant la décision du chef de l'Etat ou du ministre de l'intérieur. Les lois, départementale du 10 août 1871 et communale du 5 avril 1884, jettent les bases dans notre pays d'une première décentralisation des pouvoirs sans pour autant remettre fondamentalement en cause les compétences du corps préfectoral.

* 121 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Tome 2, 1928, Paris

* 122 Même si la loi de programmation pour la cohésion sociale de janvier 2005 établit de subtiles distinctions entre ceux qui assurent le SPE, ceux qui y concourent et ceux qui peuvent y participer, la réalité demeure bien celle de l'association d'acteurs non administratifs à son fonctionnement.

* 123 D. Balmary, Politique de l'emploi et recours à des opérateurs externes, Paris, La Documentation Française, 2004

* 124 Z. Bauman, La société assiégée, Rodez, Le Rouergue, 2005

* 125 B. Pecqueur, J.B. Zimmermann, Economie de proximité, Lavoisier, 2004

* 126 Conseil (Emploi et Politique sociale), Lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale = Définition des objectifs appropriés, Bruxelles, le 30 novembre 2000

* 127 COM (2005) 299, Une politique de cohésion pour soutenir la croissance et l'emploi - Orientations stratégiques communautaires 2007-2013, Bruxelles, le 5 juillet 2005

* 128 Ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, La mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, programmes, mesures et indicateurs, Premier semestre 2005

* 129 Extrait du rapport de l'Observatoire nationale de la pauvreté et de l'exclusion 2005-2006

* 130 Les éléments présentés dans cette partie s'appuient sur la contribution de F. Murat, « Les compétences des adultes et l'exclusion sociale », et celle de C. Bonaïti, A. Fleuret, P. Pommier et P. Zamora, « Pourquoi les moins qualifiés se forment-ils moins ? », in Les Travaux de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale 2005-2006, La Documentation française.

* 131 F. Kramarz, P. Cahuc, De la précarité à la mobilité : vers une Sécurité sociale professionnelle, rapport au ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie et au ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, 6 décembre 2004

* 132 P. Veltz, Penser l'attractivité dans une économie relationnelle..., Pouvoirs Locaux, n°61, II, 2004

* 133 Un groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ) est une association composée d'employeurs oeuvrant ensemble pour la formation et l'insertion par l'emploi de personnes en grande difficulté.

* 134 Xavier Greffe, professeur à la Sorbonne et membre du groupe Matisse (modélisation appliquée, trajectoires institutionnelles, stratégies socio-économiques), Economie des politiques publiques, 2ème édition revue et corrigée, Paris : Dalloz, 1999

* 135 Décret no 98-1048 du 18 novembre 1998 relatif à l'évaluation des politiques publiques, NOR: FPPX9800123D

* 136 «La pertinence des changements de l'action publique en France est plus que jamais une interrogation récurrente. La vision d'un État « efficace » fait l'objet d'une demande grandissante de la part des gouvernés. La décentralisation, l'européanisation et l'internationalisation des échanges mettent l'État dans l'obligation d'inscrire son action dans l'économie de marché. C'est tout l'enjeu d'un management public moderne». Michel de Carvalho, Entre changement(s) et recomposition(s) : une action publique hybride, Pouvoirs Locaux n°59 de décembre 2003

* 137 On entendra par politique publique la notion suivante : «action destinée à produire un changement , un mieux être à court ou moyen terme pour la société, série de mesures conformes à l'intérêt générale ; ensemble de décisions juridiques et d'actions, cohérentes et ciblées, qui sont dirigées vers un même objectif fondamental, c'est-à-dire de modifier ou de préserver la réalité économique, sociale, environnementale, sanitaire ou culturelle dans un espace donné. Chaque politique publique se distingue des autres par l'attribution d'objectifs spécifiques, de publics cibles spécifiques et de budgets spécifiques». Daniel Lamarque, L'évaluation des politiques publique locales, collection systèmes, LGDJ, 2004

* 138 «Activités déployées par une unité administrative contribuant au processus de fabrication d'une prestation; celle-ci étant une somme de contributions réalisées par une ou plusieurs unités administratives».

* 139 Rationalisation des choix budgétaire

* 140Jean-Pierre Nioche, Robert Poinsard, L'évaluation des politiques publiques, Paris, Economica, 1984

* 141 P. Gibert, L'analyse de politique à la rescousse du management publique ? ou la nécessaire hybridation de deux approches que tout, sauf l'essentiel, sépare, Politique et management publique, vol. 20, n°1, Mars 2002

* 142 J.-M. Schaeffer, Pourquoi la Fiction, Seuil, 1999

* 143MM. Joël Bourdin, Pierre André et Pierre André Plancade, extrait du Rapport d'information du Sénat n°392, L'évaluation des politiques publiques en France, p.2, Paris, 2004

* 144 L'article 11 du règlement 1260/99 du Conseil indique qu'afin : «d'assurer un impact économique réel, les crédits des Fonds ne peuvent se substituer aux dépenses structurelles publiques ou assimilables de l'État membre». Cet article précise que : «la Commission et l'État membre établissent le niveau des dépenses à consacrer à la politique active du marché du travail et, lorsque cela se justifie, aux autres actions destinées à permettre d'atteindre les résultats visés par ces deux objectifs». Cette interprétation du principe d'additionnalité est néanmoins particulière à la France. Les représentants du Royaume-Uni, de l'Espagne et de l'Allemagne entendus ont présenté des pratiques qui tiennent à l'organisation institutionnelle propre à chaque pays. En Espagne, le comité des investissements nationaux veille à la cohérence entre fonds régionaux et nationaux. En Allemagne, les règles constitutionnelles établissent le partage de compétences et le gouvernement fédéral n'intervient pas dans les investissements des Länder, pas plus qu'au Royaume-Uni où une très large autonomie est laissée aux régions. Le couplage s'inscrit dans une démarche visant à rendre cohérents les instruments de l'aménagement du territoire. L'additionnalité est ainsi constatée au niveau territorial et non par axe ou par action. Une vérification ex-ante est d'abord effectuée au début de la période de programmation, puis avant le 31 décembre 2003, date à laquelle une révision des dépenses structurelles peut intervenir. Une dernière vérification est effectuée à la fin de la période de programmation, c'est-à-dire avant le 31 décembre 2005. Les présentes dates sont en l'espèce celles de l'évaluation du FSE.

* 145 La spécificité étant ici entendu en terme de référence à l'espace géographique considéré, s'agissant ici dans le présent extrait de l'échelle régionale.

* 146 Ernst & Young, extrait du projet final de synthèse de l'évaluation européenne du programme européen - objectif 2 - (2000-2006), Octobre 2005.

* 147 Le dispositif d'évaluation comprend un comité de pilotage composé de décideurs et d'experts, qui est une section spécialisée de la CRADT (conférence régional d'aménagement et de développement du territoire) crée par la loi du 25 Juin 1999. Le comité de pilotage demande aux contractants de préciser quels sont les éléments constitutifs de chaque programme qui devront constituer les références quantitatives et qualitatives pour l'évaluation, telles qu'elles seront explicitées dans le cahier ces charges de l'évaluation. Il choisit les programmes à soumettre à l'évaluation et pour chacun d'entre eux définit la nature de celle-ci. Il arrête la composition de l'instance technique qui devra conduire les travaux d'évaluation ainsi que su r proposition de l'instance technique, le cahier des charges du projet. Il recueille enfin les conclusions de l'évaluation, décide des modalités de leur publication et peut proposer les suites opérationnelles à lui donner. Le comité régional est ainsi le pivot organisationnel, co-présidé par le préfet de région et le président du conseil régional, témoignant ainsi des prémices évidentes de l'Acte 2 de la décentralisation trouvant à se produire le 28 mars 2003 avec la loi relative à l'organisation décentralisée de la République continuée par l'adoption des deux lois organiques, n° 2003-704 et 2003-705 du 1er août 2003, respectivement relatives à l'expérimentation par les collectivités territoriales (v. J.-M. Pontier, La loi organique relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales, AJDA 2003, p. 1715 ) et au référendum local (v. J.-P. Duprat, La prudente avancée du référendum local dans la loi organique du 1er août 2003, AJDA 2003, p. 1862 ).

* 148 Evaluation adressée aux décideurs et aux personnes étrangères (pouvoirs publics, élus, grands publics,...), prescrite pour la conduite de l'action afin que ces décideurs puissent porter un jugement global sur la valeur de l'action indépendamment de l'opinion des protagonistes.

* 149 Evaluation destinée aux personnes directement impliquées dans la conduite de l'action, leur permettant d'en adapter ou d'en modifier certaines caractéristiques.

* 150 M. Scriven, The methodology of evaluation, in Currap, Evaluation de l'administration, PUF,1993

* 151 Conclusions de la Présidence, Conseil européen de mars 2005.

* 152 COM(2005) 299, Une politique de cohésion pour soutenir la croissance et l'emploi - Orientations stratégiques communautaires 2007-2013, Bruxelles, le 5 juillet 2005

* 153 Arthur Andersen et Euro Prospective, Diagnostic sur l'évaluation des programmes communautaires, Publication Arthur Andersen, Novembre 1996.

* 154 Comité d'expert indépendant - second rapport sur la réforme de la commission vol.1, 10 septembre 1999, p.30

* 155 Conseil national de l'évaluation, L'évaluation au service de l'avenir, rapport annuel 1999, Paris, La documentation française, 2000, P. 213

* 156 Comité interministériel de l'évaluation (CIME) est constitué, dont la mission est de développer et de coordonner les initiatives « gouvernementales » en matière d'évaluation des politiques publiques dont il est censé veiller au respect de la spécificité.

* 157 J. Dupuis, L'évaluation des politiques publiques locales, Dossier d'expert, La lettre du cadre territorial, Paris, 1998

* 158 P. R. Lawrence, J. W. Lorsch, Adapter les structures de l'entreprise, éditions d'Organisation, 1973

* 159Le Monde, 17 Novembre 1995, p.8

* 160 M. Dobry, Mobilisation muli-sectorielle et dynamique des crises politiques : un point de vue heuristique, Revue française de sociologie, 24, 1983, p. 400

* 161 F. D'Arcy, F. Dreyfus, Les institutions politiques et administratives de la France, Economica, Paris, 1985, p. 333.

* 162 O. Mériaux, Le débordement territoriale des politiques sectorielles, dans A. Faure, L'action publique et la question territoriale, Grenoble, PUG, 2005, p. 30

* 163 A.-C. Douillet, Fin des logiques sectorielles ou nouveaux cadre territoriaux  ?, dans A. Faure, L'action publique et la question territoriale, Grenoble, PUG, 2005, p. 271

* 164 B. Jobert, P. Muller, L'Etat en action. Politique publique et corporatisme, PUF, Paris, 1987

* 165 G. Martin & A. Ruffiot, La commande d'évaluation de politiques sociales territoriales, entre mythes et apprentissages, Revue Politiques et management public, Vol. 19, n°2, Juin 2001

* 166 Guido de Rider, Changement de régime ou crise de l'intervention sociale ? dans Les nouvelles frontières de l'intervention sociale, coord. Guido de Rider, L'Harmattan 1997, p. 21.

* 167 Série de propos recueilli à l'occasion d'un entretien avec un le directeur général des services administratif du conseil général du Gard, Samuel Dyens.

* 168 G. Martin & A. Ruffiot, La commande d'évaluation de politiques sociales territoriales, entre mythes et apprentissages, Revue Politiques et management public, Vol. 19, n°2, Juin 2001

* 169"La gouvernance se définit comme un processus de coordination d'acteurs , de groupes sociaux, d'institutions pour atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des environnements fragmentés et incertains", Bertrand le Gales, 1998

* 170Jean claude Thoenig, L'action publique locale entre autonomie et coopération, les 2èmes entretiens de la Caisse des dépôts sur le développement local, Quel avenir pour l'avenir des collectivités locales ?, Paris, éd. De L'aube, SECPB, 1999

* 171Jean claude Thoenig, ibid.

* 172 P. Cahuc & S. Carcillo, Que peut-on attendre des Contrats Nouvelle Embauche et Première Embauche?, Février 2006, Paris

* 173 OCDE, PUMA, Guide des meilleures pratiques à suivre pour l'évaluation, note de synthèse n°5, 1998

* 174 Voir notamment S. Trosa, L'évaluation des politiques publiques, Paris, 2004

* 175 G. Fuchs, parlementaire européen dans Jean-Pierre NIOCHE, Robert POINSARD, L'évaluation des politiques publiques, Paris, Economica, 1984

* 176 «Ce principe constitue une invitation lancée au législateur de repenser l'intervention des pouvoirs publics dans son ensemble, de transférer davantage de responsabilité aux autorités locales» J.-F. Brisson, Les nouvelles clefs constitutionnelles de répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales, AJDA, 2003, p. 530

* 177 Henri Plagniol, secrétaire d'état à la réforme de l'Etat, déclaration du 23 Novembre 2002, Paris.

* 178 Lucile Cluzel -Métayer, Le service public et l'exigence de qualité, Prix de thèse de l'université Panthéon Assas (Paris 2), Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz, 2006

* 179 Jacques Caillosse, L'administration française doit-elle s'évader du droit administratif pour relever le défi de l'efficience ?, PMP, volumeVII, Juin 1989, p.169

* 180 Lucile Cluzel -Métayer, Le service public et l'exigence de qualité, Prix de thèse de l'université Panthéon Assas (Paris 2), Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz, 2006, p.20

* 181 F. Ost, Le rôle du droit, de la vérité révélée à la réalité négociée, in G. Timsit, Les administrations qui changent. Innovations, techniques ou nouvelles logiques, PUF, 1996

* 182 Ensemble de normes prescriptives qui donnent sens à un programme d'action à partir de la définition de critère de choix et de mode de désignation des objectifs des acteurs de ce secteur.

* 183 P. Muller, Entre le local et l'Europe. La crise du modèle français de politique publique, Revue française de science politique, 1992, n°2, vol. 42, pp 275-297

* 184 Conseil supérieur du travail social - rapport du groupe de travail : Mise en oeuvre des projets pédagogiques et évaluation du travail éducatif dans les établissements - Février 1992

* 185 L. Genin, L'évaluation des politiques publiques, rapport présenté au nom du Conseil économique et social (séance des 11 et 12 décembre 1990) ;

* 186 Cette exigence de légitimité de l'argumentation n'imposant pas à l'évaluateur de ne formuler que des conclusions qu'il estime acceptables pour le commanditaire.

* 187 Commissariat général du Plan, Fonds structurels et politiques régionales, 15 octobre 2003.

* 188 Rapport de l'Observatoire national De l'Action Sociale décentralisée Sur l'acte II de la décentralisation, La décentralisation de l'action sociale Bilan et perspectives, 2004

* 189 L'expression «Théorie d'action» désigne les idées (souvent implicites) qui inspirent les concepteurs et/ou les acteurs d'une politique quant à ses mécanismes d'action et relations de cause à effet entre les mesures prises et leur impact social attendu.

* 190 J.-G. March, Exploration and exploitation in organizational learning, Organization Science, 2, 1991

* 191 Alliance Villes Emploi

* 192 L'Alliance Villes Emploi, association créée en octobre 1993 regroupe des communes de toutes tailles, des structures intercommunales, des Maisons de l'Emploi, des Plans Locaux pour l'Insertion et l'Emploi, des élus de toute obédience politique, sur le thème de l'emploi, de la lutte contre le chômage et l'exclusion.

* 193 M. Autès, Le sens du territoire, in Politique sociales, politiques locales ? , Actes de colloque du 21 et 23 Janvier 1998, Ministre de l'éducation nationale, p.15

* 194 O. Beaud , J. -M. Blanquer, « Introduction » à La responsabilité des gouvernants , (sous la direction de Beaud et Blanquer), Descartes et Cie, Paris, 1999

* 195 J.-M. Coicaud, « Légitimité et responsabilité de gouvernants » in O. Beaud,J.-M. Blanquer, La responsabilité des gouvernants, Descartes et Cie, Paris, 1999

* 196 ibid

* 197 M. Laroque, Politiques sociales dans la France contemporaines, 1986

* 198 M. Parker Follet, M. Parker Follet- Prophet of managemnt : a celebration of writing from 1920s, Harvard Busines Scholl Press, 1995

* 199 S. Braconnier, Droit des Services Publics, PUF, Thémis, 2003

* 200 G. Jèze, Les principes généraux du droit administratif, 1925, Tome I.






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