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La protection des droits culturels dans la construction européenne : un parent pauvre des droits fondamentaux ?

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par Dominique KAMWANGA KILIYA
Université de Liège - Master Complémentaire en Analyse Interdisciplinaire de la Construction européenne 2008
  

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Paragraphe 2 : La liberté de religion

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a eu à constater que le fait religieux est important dans la société européenne. Cette importance relève de la présence historique de certaines religions depuis des siècles et de leur influence dans l'histoire même de l'Europe. Ces religions font désormais partie intégrante de la société et, à cet égard, il faut les considérer comme des institutions constituées par et impliquant des citoyens qui ont le droit à la liberté de religion.62(*) Ainsi, la liberté de religion comme expression culturelle est reconnue à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme dont le premier paragraphe dispose que :

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ».

Le Comité d'experts pour le développement des droits de l'homme réuni à Venise les 16 et 17 mars 2007, lors des travaux de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, avait souligné que la Cour de Strasbourg énonçait de façon répétée, en matière de liberté d'expression et de croyance que les membres d'une communauté religieuse avaient l'obligation de tolérer le fait que d'autres personnes contestent leurs croyances religieuses. En cas d'attaques insultantes injustifiées à l'encontre d'objets de culte, la Cour reconnait aux Etats contractants la possibilité de prendre des mesures de restriction de la liberté d'opinion.63(*)

La jurisprudence de la Cour relative à la protection de la liberté de religion concerne souvent les affaires qui soulèvent des propos blasphématoires. Elle s'est vue inaugurée par l'affaire Otto-Preminger-Institute c. Autriche.64(*) Il s'agit d'une association dont le but était de rendre accessible au public des productions culturelles progressistes. Celle-ci avait fait connaitre son intention de projeter le film Das Liebeskonzil de W. Schoroeter dont certaines scènes étaient interprétées comme une moquerie contre certaines personnes et certains objets vénérés par les catholiques romains dévots. Pour protéger la paix sociale, le gouvernement autrichien a saisi et confisqué le film aux motifs que sa projection provoquerait une « indignation justifiée » parmi les catholiques romains, qui sont majoritaires dans la région. La mesure litigieuse visait donc à protéger le droit pour les citoyens de ne pas être insultés dans leurs sentiments religieux par l'expression publique des opinions d'autres personnes.

La Cour, dans son arrêt rendu le 20 septembre 1994, au vu des circonstances de l'espèce et de la marge d'appréciation qui est laissée aux autorités autrichiennes, s'est concentrée sur la question de la proportion élevée des catholiques dans la région. Même si la protection des idées qui choquent, heurtent ou dérangent est garantie par la liberté d'expression, elle estime que ni la saisie, ni la confiscation par l'Etat n'ont été considérées comme disproportionnées au but poursuivi et n'ont pas outrepassé la marge d'appréciation en ces termes :

« Les juridictions internes n'ont pas considéré que la valeur artistique du film ou sa contribution au débat public dans la société autrichienne l'emportait sur les caractéristiques qui rendaient le offensant pour le public en général dans leur ressort. (...) les autorités ont agi pour protéger la paix religieuse dans cette région et pour empêcher que certains se sentent attaqués dans leurs sentiments religieux de manière injustifiée et offensante » (§ 49 et 50).65(*)

Par ailleurs, dans l'affaire I.A. c. Turquie66(*), la Cour est saisie de la requête du propriétaire d'une maison d'édition condamné à une amende pour avoir heurté et outragé le sentiment religieux par la publication d'un roman critiquant la religion en général et l'Islam en particulier en vertu de l'article 175 § 3 et 4 du code pénal (§ 6). Le requérant se plaint, en effet, que sa condamnation au pénal a enfreint son droit à la liberté d'expression. Il invoque à cet égard l'article 10 de la Convention, ainsi libellé dans sa partie pertinente (§ 19) alors que pour le gouvernement, cette condamnation répond à un besoin social impérieux dans la mesure où l'ouvrage litigieux constituait une attaque offensante contre la religion, notamment contre l'Islam et heurtait et outrageait les sentiments religieux (§ 20). Dans son arrêt du 13 septembre 2005, la Cour souligne que, en l'espèce, il ne s'agissait pas seulement de propos qui heurtent ou choquent le lecteur ou d'une opinion « provocatrice », mais « d'une attaque injurieuse pour la personne du prophète de l'Islam ». Ainsi, les croyants pouvaient se sentir attaqués de façon injustifiée et offensante. Encore une fois, tenant compte de la marge d'appréciation laissée aux Etats dans le domaine des attaques contre les convictions religieuses, elle estime que l'Etat défendeur n'a pas enfreint le contenu de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (§ 26).67(*)

Plus récemment encore, la Cour a rendu, le 10 juillet 2008, un arrêt dans l'affaire Soulas et autres c. France68(*) pour violation de l'article 10 CEDH. Cette affaire concerne, en effet, la publication d'un ouvrage sous-titré « Discours vrai sur l'immigration et l'Islam ». L'auteur y souligne ce qu'il croit être l'incompatibilité de la civilisation européenne avec la civilisation islamique dans une aire géographique donnée (§ 6). Les requérants (deux citoyens français et une entreprise) protestent contre ce qu'ils qualifient de méconnaissance du contenu de l'ouvrage et d'atteinte à la liberté d'expression bien que cela est présenté par le gouvernement français comme un délit de provocation à la haine et à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur appartenance ou non-appartenance à une race, une nation, une ethnie ou une religion, sur le fondement notamment des articles 23 et 24 alinéa 6 de la loi du 29 juillet 1881(§ 8). La Cour note que pour condamner les requérants, les juridictions internes ont souligné que les propos utilisés dans l'ouvrage sont de nature à provoquer un sentiment de rejet et d'antagonisme chez les lecteurs et de les amener à partager la solution envisagée par l'auteur, notamment celle d'une guerre de reconquête ethnique. Considérant que les motifs avancés à l'appui de la condamnation des requérants sont suffisants et pertinents, elle estime que l'ingérence dans l'exercice du droit de ceux-ci à la liberté d'expression était nécessaire dans une société démocratique (§ 39 à 44). Ainsi, bien que les passages incriminés du livre ne soient pas suffisamment graves, elle conclut à la non-violation de l'article 10 CEDH (§ 48).

Sans trop vouloir multiplier les exemples, il de dégage un constat remarquable. En effet, la Cour défend à travers sa jurisprudence le sentiment religieux.

* 62 Assemblée parlementaire, « Etat, religion, laïcité et droits de l'homme », Recommandation 1804 (2007) du 27 juin 2007, http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta07/FREC1804.htm, consulté le 06 juillet 2009

* 63 Assemblée parlementaire, Op. Cit., p. 226

* 64 CEDH, 20.09.1994, Req. n° 000013470/87

* 65 GOMIEN D., HARRIS D., ZWAAK L., Op.Cit., pp. 295-296

* 66 CEDH, 13.07.2005, Req. n° 42571/98

* 67 Conseil de l'Europe, Op.Cit., p. 103

* 68 CEDH, 10.07.2008, Req. n° 15948/03

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