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La protection des droits culturels dans la construction européenne : un parent pauvre des droits fondamentaux ?

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par Dominique KAMWANGA KILIYA
Université de Liège - Master Complémentaire en Analyse Interdisciplinaire de la Construction européenne 2008
  

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Section 2 : Regard sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits

de l'homme en matière de droits culturels

La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne contient aucune référence explicite à la notion de droit culturel ou de diversité culturelle. Cela laisse penser que, aux yeux de ses rédacteurs, les considérations culturelles n'avaient pas encore leur place dans le champ des droits humains. Elle ne contient d'ailleurs pas davantage de dispositions garantissant aux membres des minorités ethniques ou nationales, religieuses ou linguistiques le droit de préserver leurs particularités culturelles contrairement à ce qui est prévu par « l'article 27 »54(*) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.55(*)

Mais dans la pratique, certaines de ses clauses sont souvent interprétées de manière plus généreuse pour tenir compte des spécificités culturelles, surtout celles minoritaires, revendiquées individuellement ou collectivement. La jurisprudence de Strasbourg a permis, dans une large mesure, de garantir le respect des droits culturels reconnus aux articles 8 et suivants ainsi qu'à l'article 2 du premier protocole additionnel à la Convention. La Cour a plusieurs fois été saisie d'affaires portant sur des expulsions, des traitements dégradants, de la liberté d'expression ou la pratique d'une langue ou d'une religion, la vie familiale et privée de membres de minorités ou d'autres groupes ethnoculturels56(*).

Elle a, en effet, influencé l'article 10 qui, à travers de fortes formules, est une condition de l'exercice de bon nombre d'autres droits et libertés consacrés par la Convention européenne des droits de l'homme. Par exemple, le droit à la liberté d'expression représente l'évolution logique des droits à la liberté de pensée, de conscience et de religion et à leur manifestation protégés par l'article 9. Il présente aussi des liens avec les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association (article 11), et avec le droit au respect de la correspondance garanti par l'article 8.57(*) La Cour y a répété son rôle de surveillance qui lui impose de prêter attention aux principes propres à une société démocratique dont la liberté d'expression constitue l'un des fondements et l'une des conditions de son progrès et de l'épanouissement de chacun.

Paragraphe 1 : La libre expression de la langue

La liberté d'expression présente un caractère essentiel pour la sauvegarde de l'identité culturelle des minorités. Elle suppose que celles-ci puissent s'exprimer et diffuser des informations et des idées dans la langue minoritaire, au-delà des frontières et sans ingérence d'autorités publiques, avec les groupes d'autres Etats auxquels elles sont liées par leur origine nationale ou ethnique, par leur religion ou par leur langue. Elle implique également que les minorités ne puissent faire l'objet d'une quelconque discrimination.58(*)

L'affaire linguistique belge de 1968 est souvent présentée comme le parfait exemple de la connexion des droits culturels aux garanties prévues par une Convention européenne des droits de l'homme propre aux droits civils et politiques. Bien que ne rentrant pas dans le cadre de la liberté d'expression garantie par l'article 10 CEDH, cette affaire fut la première revendication des droits culturels où les requérants contestaient la législation linguistique de l'Etat belge fondée sur le principe de la territorialité.

Dans un arrêt rendu le 10 mai 2001, par exemple, la Cour a statué sur l'affaire Chypre c. Turquie.59(*) Le gouvernement requérant s'était plaint de la censure excessive sur les ouvrages scolaires et les restrictions à l'importation de journaux et livres en langue grecque. Pour Chypre, en effet, la procédure d'agrément aurait pour finalité la restriction voire l'interdiction de diffusion de ces journaux et manuels, ce qui constitue une ingérence dans le droit à la liberté d'expression. Après examen, la Cour avait décidé que la pratique des autorités chypriotes turques de passer au crible le contenu des manuels scolaires était contraire à l'article 10 de la Convention. Bien qu'une telle procédure d'agrément ait eu pour objectif d'identifier les éléments menaçant les relations intercommunautaires, les autorités avaient, en réalité unilatéralement censuré ou interdit un grand nombre d'ouvrages scolaires dont le contenu était anodin. D'où, elle conclut que la censure constitue un déni du droit à la liberté d'information.60(*)

L'autre cas de figure est l'affaire Association Ekin c. France61(*) dont l'arrêt était rendu le 17 juillet 2001. La requérante qui avait saisi la Commission alléguait une violation de l'article 10 de la Convention, pris isolément et combiné avec l'article 14, en raison de l'application de l'article 14 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée, interdisant la vente d'une de ses publications sur l'ensemble du territoire français, interdiction qui a duré plus de neuf ans (§3). Il s'agit, en fait, d'un ouvrage collectif auquel ont collaboré des universitaires spécialistes du Pays Basque et qui retrace les aspects historiques, culturels, linguistiques et socio-politiques du combat des Basques. Il se termine par un article de caractère politique intitulé « Euskadi en guerre, un horizon pour la paix » rédigé par le mouvement basque de libération nationale. Pour elle, l'article 14 de la loi de 1881 modifiée est une norme juridique trop incertaine. Elle ne répond pas aux exigences d'accessibilité et de prévisibilité de ses effets. En outre, l'ingérence prévue par cette norme n'est pas nécessaire dans une société démocratique. Par ailleurs, cette disposition crée une discrimination en matière de liberté d'expression fondée juridiquement sur la langue ou l'origine nationale et, partant, contraire à l'article 14 combiné avec l'article 10 (§39). Elle conteste, par ailleurs, l'affirmation du gouvernement selon laquelle l'ingérence dans le droit à la liberté d'expression était justifiée au regard du second paragraphe de l'article 10. Examinant le grief de la requérante sous l'angle de l'article 10 pris isolément en évaluant les éléments justificatifs de l'ingérence qui, elle, est avérée (§42), la Cour estime que le contenu de la publication ne présentait pas, au regard notamment de la sécurité et de l'ordre publics, un caractère de nature à justifier la gravité de l'atteinte à la liberté d'expression de la requérante. Elle considère donc que l'arrêté du ministre de l'Intérieur ne répondait pas à un besoin social impérieux et n'était pas non plus proportionné au but légitime poursuivi (§63) et n'estime plus nécessaire d'examiner séparément le grief tiré de l'article 10 combiné avec l'article 14 de la Convention (§65).

* 54 Il dispose : « Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue ».

* 55 HOFFMANN F. et RINGELHEIM J., « Par-delà l'universalisme et le relativisme : la Cour européenne des droits de l'homme et le dilemme de la diversité culturelle », Revue Interdisciplinaire d'Etudes Juridiques, n°52, 2004, p. 114

* 56 PENTASSUGLIA G., Les minorités en droit international : une étude introductive, Conseil de l'Europe, Strasbourg, 2004, p. 129

* 57 GOMIEN D., HARRIS D., ZWAAK L., Convention européenne des droits de l'homme et charte sociale européenne : droit et pratique, Presse du Conseil de l'Europe, Strasbourg, 1997, pp. 293-294

* 58 BENOÎT-ROHMER F. et Institut International de la Démocratie, La question minoritaire en Europe : vers un système cohérent de protection des minorités nationales, Conseil de l'Europe, 1996, pp. 46-47

* 59 CEDH, 10.05.2001, Req. n° 25781/94

* 60 Conseil de l'Europe, La liberté d'expression en Europe : la jurisprudence relative à l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, Direction des droits de l'homme, Conseil de l'Europe, Strasbourg, 2002, p. 64

* 61 CEDH, 17.07.2001, Req. n° 39288/98

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams