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Enjeux et jeux pétroliers en Afrique: étude de l'offensive pétrolière chinoise dans le Golfe de Guinée

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par Severin Tchetchoua Tchokonte
Université de Yaoundé 2 - Master 2 science politique 2008
  

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CHAPITRE IV :

DE L'OFFENSIVE CHINOISE, DU PROCESSUS DEMOCRATIQUE ET DE LA PAIX EN AFRIQUE

Il est important de préciser que si nous avons choisi d'aborder dans le cadre de ce chapitre uniquement l'impact de l'offensive Chinoise sur la démocratie et la paix, cela ne signifie aucunement que cette offensive n'a pas d'effets sur d'autres secteurs tels l'économie, le social, ou encore l'environnement.

Jusqu'ici, notre étude a spécifiquement porté sur l'offensive pétrolière chinoise dans le Golfe de Guinée. Néanmoins, signalons que ce cas peut être perçu comme un reflet, illustrant de manière générale l'offensive chinoise et même des autres puissances industrielles en Afrique. Aussi dans ce chapitre, parlerons-nous non seulement de la Chine, mais également des puissances occidentales. Plus encore, nous ne restreindrons plus notre analyse au cas spécifique du Golfe de Guinée, mais nous élargirons notre champ d'étude à l'Afrique en général.

Faire une étude portant sur la démocratie exige que l'on s'entende sur le sens à accorder au mot. Les auteurs tels que Joseph Schumpeter et Robert Dahl ont retenu de la démocratie une définition simpliste et minimaliste. Dans leur acception de la démocratie, ils mettent en relief les mécanismes participatifs réduits au vote (Mbatchom: 2007). Samuel P. Huntington semble y souscrire lorsqu'il dit : " Si l'élément fondateur de la démocratie réside dans l'élection des dirigeants par le peuple, alors le moment décisif du processus de démocratisation est celui où un gouvernement choisit selon des critères autres que démocratiques se trouve remplacé par un nouveau gouvernement adopté au cours d'élections libres, ouvertes et honnêtes" (Huntington, 1991 : 7). Selon Mbatchom ( 2007) :

" L'on ne saurait cependant s'arrêter à cette définition qui fait de la démocratie une " electoral democracy " pour reprendre Hans-Jurgen PUHLE. En effet, ce dernier stigmatise l' "electoral democracy". Cette dernière d'après lui a le mérite d'intégrer en plus du vote, les principes tels que le "Checks and balances ", l'Etat de droit, la garantie des libertés civiles et politiques. L'on aboutit à ce qu'il appelle "democratic rechsstaat" (Etat de droit démocratique) (PUHLE, 2005 : 7)42(*) ".

C'est dire que contrairement aux partisans de la conception minimaliste qui réduisent la démocratie au vote, dans le cadre de ce travail, c'est à cet  "Etat de droit démocratique" que nous nous intéresserons. Surtout dans un contexte où, la Chine, régulièrement critiquée par l'ensemble de la communauté internationale pour l'absence de démocratie et le non respect des droits de l'Homme, jette son dévolu sur l'Afrique.

En effet, l'ampleur de l'offensive chinoise sur le continent africain ne laisse pas indifférent, tant les enjeux qu'elle suscite sont multiples. Le retour remarqué de la Chine intervient dans un contexte géopolitique mondial caractérisé par la redéfinition d'un nouvel ordre politique dans lequel l'Afrique peine à trouver ses repères. Cette situation survient également à un moment critique où le continent, bien que traversé par de multiples conflits, amorce un mouvement de démocratisation sous l'oeil vigilant  des anciennes puissances coloniales, mais également sous la poussée significative des populations, dont les aspirations à un peu plus de citoyenneté ne cessent de se faire valoir (Mbaye Cisse ; 2007 : 14). En effet, la chute du mur de Berlin en novembre 1989, n'a pas seulement marqué la fin des totalitarismes en Europe de l'Est. Elle a répandu les vents de la démocratie à travers les continents en appelant à une plus grande participation des peuples aux choix de leurs destins respectifs (Mbaye Cisse ; 2007 : 14). En Afrique, les années 90 inaugurent l'ère des conférences nationales et de la démocratisation de la vie politique. A partir de cette date, on a assisté à la mise en place progressive de l'aide, désormais jaugée à l'aune des  efforts de démocratisation des régimes africains.

Grosso modo, le retour de la Chine survient à un moment où la recherche d'un environnement politique stable, commandé par des règles de dévolution du pouvoir transparentes, est en marche. Qu'en sera-t-il avec l'arrivée de la Chine ?

L'analyse de l'impact politique de l'offensive chinoise sur la démocratie en Afrique ne peut se faire indépendamment de la posture des démocraties occidentales par rapport au même processus. Les multiples dénonciations occidentales faites à l'encontre de l'offensive chinoise ne seraient en réalité qu'une sorte de lutte de positionnement, visant à jeter le discrédit sur cette dernière, avec des buts inavoués de disqualification de la Chine. En effet, s'il est vrai que les démocraties occidentales ont, de par les multiples pressions exercées sur les gouvernements, contribué à l'enracinement d'un embryon de démocratie en Afrique, il n'en demeure pas moins vrai que face à la sauvegarde de leurs intérêts, la promotion des valeurs démocratiques a très souvent été reléguée au second rang (section 2). En plaçant ses relations avec les pays africains sur le socle immuable et sacro-saint de la neutralité et de la non-ingérence, la chine semble constituer un frein à l'évolution de la démocratie et un péril pour la paix et la stabilité en Afrique (section 1).

SECTION I : L'offensive chinoise : une menace pour la démocratie et la paix ?

L'un des principaux avantages de la coopération sino-africaine, aux yeux des dirigeants africains, réside dans le fait qu'elle n'est pas soumise aux contraintes d'un cadre juridique, institutionnel et moral rigide dans lequel l'occident entre en interaction avec l'Afrique (Nkoa Colin François ; 2007 : 39). Le fait que la Chine soit une dictature qui supplante les démocraties occidentales en Afrique Noire peut se traduire par le durcissement du non respect des droits de l'Homme, le renforcement des régimes autoritaires et des conflits (Amougou ; 2008 : 3). En effet, Contrairement aux pays occidentaux, la coopération chinoise ne fait pas du respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et de bonne gouvernance, une conditionnalité pour bénéficier de son aide financière. Faisant la déclaration suivante : " business is business and we import from every source we can get oil from", les officiels du ministère chinois du commerce entérinent ainsi l'idée selon laquelle seul l'intérêt compte (Taylor : 2004). Si à première vue cette politique semble être pour les Etats africains un moyen de mener une politique de développement autonome en sortant du diktat des conditionnalités de financements accordés par les institutions financières internationales et les pays occidentaux, elle comporte aussi un danger. C'est de servir de couverture aux dictateurs africains. Le principe de non ingérence qu'instrumentalise ainsi la Chine pour ne pas froisser ses fournisseurs de matières premières et ses clients africains comporte donc ce danger potentiel de renforcer les dictatures qui trouvent en elle un allié de poids (Amougou ; 2008 : 13-14). Ce soutien de la Chine aux régimes africains constitue pour ces derniers une alternative politique et diplomatique face aux conditionnalités imposées par l'ensemble de la communauté internationale, et représente un véritable péril pour la démocratie(A) et la paix (B) en Afrique.

Paragraphe 1 : une menace pour la démocratie 

La présence de plus en plus remarquable de la Chine en Afrique témoigne, sans doute, de l'étroitesse des liens qui existent désormais entre cette puissance émergente et ses partenaires africains. Ces derniers voient en l'arrivée de la Chine un moyen de réaliser leur développement et une alternative face aux mesures draconiennes imposées jusque là par les partenaires occidentaux (Chomtang Fonkou ; 2007 : 102). En effet, contrairement aux institutions financières internationales et aux pays occidentaux qui ne se privent pas d'imposer le respect des critères de bonne gouvernance et des droits de l'Homme comme préalables à leur aide, outre la non-reconnaissance de Taiwan, pékin ne pose pas de conditions politiques à l'aide économique ou à l'établissement des relations diplomatiques. Cette situation affaiblit les conditionnalités de démocratisation et de respect de droit de l'homme en Afrique dans la mesure où les Etats courtisés face à cette alternative que leur offre la Chine, ont très souvent tendance à retrouver leur habitus autoritaire. En effet, en Afrique, les efforts de démocratisation soutenus par l'ensemble de la communauté internationale se voient minés par l'alternative offerte par Pékin à des régimes politiques peu enclins à se soumettre aux règles de démocratisation et de bonne gouvernance. Le soutien de la chine aux régimes Zambien (A) et zimbabwéen (B) illustre assez bien cette réalité.

A- L'ingérence chinoise dans la vie politique zambienne

De prime à bord, il est important de préciser que dans le cas de la Zambie, l'intérêt de la Chine pour ce pays est davantage tourné vers l'exploitation minière et non pétrolière. Mais, l'attitude de pékin reste et demeure la même chaque fois qu'il s'agit de la quête de matières premières en général.

L'intervention de la Chine dans la vie politique zambienne lors de récente élection présidentielle a suscité beaucoup d'interrogations. Contrairement au principe de non ingérence tant utilisé par pékin pour justifier sa non prise de position vis-à-vis de la gestion des affaires publiques de ses partenaires africains, le soutien officiel de la Chine au régime sortant a surpris plusieurs. C'est donc dire que Lorsque la situation le commande, la Chine peut violer ce principe de non ingérence et s'immiscer dans les affaires internes de ses partenaires. En effet, la Chine, tout comme les puissances occidentales avant elle soutient les régimes africains et s'ingère dans la gestion locale des affaires publiques à mesure que la sauvegarde de ses intérêts l'exige. Cette attitude constitue un sérieux frein à l'évolution politique de ces pays, notamment à l'avancée de la démocratie pourtant si indispensable au développement du continent. Malgré son discours de non ingérence, les intérêts de la Chine en Afrique l'amènent très souvent à se prononcer vis-à-vis de la gestion interne de certains pays.

En 2006, lors des présidentielles Zambiennes, l'ambassadeur chinois a mis en garde l'opinion publique que l'élection du candidat antichinois  Michael Sata, allait sérieusement compromettre l'engagement chinois dans le pays43(*). Celui-ci surfait sur la vague de mécontentement liée à la réputation des entreprises chinoises d'exploiter les travailleurs locaux dans des conditions de sécurité et d'hygiène déplorables. La victoire du sortant, Mwanawasa, a mis fin à la mini-crise diplomatique. Selon Thompson j-p (2007) : "En Zambie, la désapprobation des actions chinoises s'est fait ressentir jusque dans les urnes. En 2006, le candidat à l'élection présidentielle Michael Sata, a fait campagne sur des thèmes anti-Chine. Plusieurs Zambiens ont été très affectés par l'exploitation des mines de cuivre par les compagnies chinoises et par l'arrivée massive de produits chinois dans les marchés du pays. (...) À cette occasion, en rupture flagrante avec sa politique de non-ingérence, la Chine avait menacé de couper les liens économiques avec la Zambie si le candidat Sata remportait les élections".

Tous les pays africains devraient méditer sur cet exemple qui montre que la Chine n'hésitera pas à s'engager sur le terrain de la politique intérieure si ses intérêts économiques sont menacés.

B- La Chine : une heureuse alternative pour le régime zimbabwéen

Malgré les multiples pressions exercées par l'ensemble de la communauté internationale sur le régime zimbabwéen, le président Robert MUGABE demeure impassible et continue à mener une politique répressive, et à museler l'opposition. Avec la dégradation continue du niveau de vie des masses populaires, le gouffre économique et social, la politique de prébendes, de copinage, de castes d'anciens résistants, le gouvernement Zimbabwéen gravit chaque jour des sommets de despotisme. Ceci grâce au soutien du gouvernement chinois. Les déclarations du président Zimbabwéen Robert MUGABE illustre assez bien cette réalité. En effet, lors du 25eme anniversaire de l'accession de son pays à l'indépendance, il affirmait : "il nous faut nous tourner vers l'Est, là où le soleil se lève, car la Chine apporte une aide et établit un partenariat qui vise à promouvoir une coopération réciproque sans poser de conditions préalables" (Amougou; 2008). C'est dire que pour les dictateurs africains qui peuplent le continent, pékin constitue une réelle alternative aux conditionnalités imposées par l'occident. Les relations étroites que la Chine entretient avec le Zimbabwe montrent bien l'indifférence de Pékin vis-à-vis des critiques de l'ensemble de la communauté internationale. Ce soutien de la Chine au régime du président MUGABE constitue pour ce dernier une importante caution politique et le conforte dans son immobilisme politique. Seulement, cette attitude de la Chine représente une véritable menace voire un réel péril pour la démocratie dans ce pays. Malgré la création, le 13 février 2009, d'un gouvernement d'union national, plusieurs observateurs avertis de la scène politique zimbabwéenne demeurent sceptiques quant à l'évolution du pays vers une démocratie consensuelle et l'amélioration de la situation des droits de l'Homme dans le pays.

Davantage, la vente régulière d'armes chinoises au régime Zimbabwéen permet à ce dernier d'exercer une pression permanente sur l'opposition. Selon le journal Britannique the Guardian, les dockers sud-africains ont refusé, le 29 mars 2008, de débarquer sur leur sol la cargaison d'un navire chinois, le An yue Jiang, porteur de 77 tonnes d'armes envoyées par le régime communiste chinois pour soutenir Robert MUGABE (Girard, Aurélien : 2008). Cette cargaison comprenait : 3.5 millions de munitions ; des fusils d'assaut AK47 ; 1500 roquettes de 40mm ; des lance roquettes, des obus de mortier. Ces armes sont parties de pékin le 1er Avril, soit trois jours après les élections générales, au moment où très probablement les résultats réels des élections ont été connus par le pouvoir zimbabwéen (Girard, Aurélien : 2008).

Mais pour certains analystes, les gouvernements occidentaux n'ont pas le droit de pointer du doigt la politique de la Chine, car ils investissent eux-mêmes dans des pays producteurs de pétrole comme la Guinée équatoriale où, selon les groupes de défense des droits de l'Homme, le régime en place est tout aussi répressif. En effet, comme nous l'avons vu plus haut, les régimes occidentaux ont une conception à géométrie variable des «Droits de l'Homme», jugent la politique des autres États "non démocratiques" à l'aune de leurs intérêts. Aussi, aboutit-on aisément à la conclusion selon laquelle, la Chine ne pourra pas imposer la démocratie en Afrique pas plus que la France, les Etats-Unis n'ont pu le faire.

Cette situation représente une menace pour l'édification de l'Etat de droit en Afrique. En premier lieu, le soutien de la Chine constitue une bouée de sauvetage à des régimes politiques souvent décriés. Elle perpétue ensuite la mal gouvernance politique du continent sous prétexte de respect de la souveraineté des Etats (Mbaye Cisse ; 2007 : 15). Le partenariat stratégique sino-africain n'offre guère de perspectives politiques viables tant la Chine elle-même continue d'être régulièrement mise au ban des accusés sur les questions des droits de l'homme.

* 42 Cité par MBATCHOM P. E. La politique américaine de promotion de la démocratie au Cameroun après le 11 septembre 2001, UYII, 2005/2006.

* 43 Cf. www.canalblog.com, 04 mai 2008.

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