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Production cotonnière et développement rural au Burkina Faso: controverses et réalité. Cas du département de Diabo dans la province du Gourma

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par Paul Marie MOYENGA
Université de Ouagadougou - Memoire de Maà®trise de Sociologie 0000
  

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CHAPITRE IV : PRODUCTION DU COTON ET PRODUCTION CEREALIERE

Une caractéristique essentielle de la pratique agricole des paysans du département de Diabo est l'association culturale. Sur une même parcelle, on trouve une pluralité d'espèces ou de variétés culturales qui s'inscrivent chacune dans un calendrier cultural bien défini. Ainsi, on pourrait se demander comment le paysan qui les pratique à la fois arrive-t-il à faire face aux exigences de cette diversification.

IV. 1. La gestion du calendrier cultural

Le paysage champêtre diabolais présente deux (02) types de cultures : les plantes vivrières et celles commerciales ou de rente. Au titre des cultures de rente, nous nous focaliserons sur le coton qui constitue l'objet de ce travail.

IV.1.1. Le calendrier cotonnier

La campagne de production cotonnière s'inscrit dans un cadre rigide qui conditionne sa réussite. C'est dire donc que le coton, en tant que culture de rente, mobilise un encadrement technique du fait des gros enjeux financiers que cette production soulève. Ainsi, il est clairement codifié que pour « le démarrage de la campagne les semis doivent être réalisés entre le 20 mai et le 20 juin. Plus tôt, ils risquent de voir leur levée et leur départ compromis et qu'en fin de campagne, leurs capsules s'ouvrent sous la pluie. Plus tard, leur départ risque de subir des excès d'eau et leur fin de cycle manquer d'eau à la suite de l'arrêt des pluies » (INERA : Programme coton. Fiche coton n°3). Dans un cas comme dans l'autre, la production s'en trouve négativement affectée et les gros crédits contractés ne laissent pas de choix aux producteurs. Aussi, ces semis doivent-ils impérativement avoir lieu sur un sol propre, suffisamment ameubli et récemment affiné en surface ou encore sur un sol suffisamment humide mais sans excès d'eau. Ce sont là les recommandations du programme coton. Tous ces impératifs constituent des conditions sine qua non d'une campagne agricole réussie et le Correspondant Coton (CC) et ses Agents

Techniques Coton (ATC) veillent à l'application de cette prescription. Une séance de fertilisation précède ces opérations de préparation de sol et de semis. Mais ces apports en fumier et autres terres de parc ne sont pas toujours effectifs chez les producteurs diabolais qui se contentent d'un simple défrichage. Après les semis à proprement parler, les resemis ou les remplacements interviennent à partir du 10e jour dans le but de corriger la densité du champ. C'est donc la dernière chance pour avoir une densité correcte, et faits trop tard ils ne réussissent pas. La phase d'entretien débute exactement après cette séance de remplacement. La première opération est le démariage11 qui doit être terminé 20 jours après la levée. Après le démariage, il faut recourir au binage même en l'absence d'herbe. Le nombre de fois est dicté par la capacité du producteur. Puis suivent les sarclages, d'abord manuel et attelé par la suite. C'est aussi une opération décisive car tout sarclage tardif se traduit par un irrémédiable effet dépressif sur le cotonnier. Enfin interviennent les buttages.

Il faut garder à présent l'esprit que toutes ces opérations ne sont pas aussi superposées comme ici présentées. C'est ainsi qu'une seconde séance de fertilisation commence avec l'apport de l'engrais NPK entre le 10e et le 20e jour et celui de l'urée entre le 35e et le 45e jour. Les opérations de traitement sont aussi présentes à tous les niveaux de la production. En effet, comme l'indique le Programme coton, guide des encadreurs, le cotonnier est une plante très parasitée. Tous les efforts et toutes les dépenses des producteurs seront perdus si les traitements (insecticides) ne sont pas parfaitement exécutés. Ainsi, il est impératif que le premier traitement intervienne dès le 50e jour, et à partir de ce premier traitement, répéter l'exercice toutes les deux (02) semaines. Outre ce chronogramme, il faut envisager des séances de reprise en cas de survenance d'une pluie dans les douze (12) heures suivant le traitement.

Les récoltes commencent donc au 5e mois après les semis, c'est-à-dire à la fin de la phase d'entretien. Selon le programme coton de l'INERA, le premier passage de récolte a lieu vers le 130e jour (correspondant au mois d'octobre), c'est-à-dire période où 50% du coton est bien ouvert. Le second passage quant à lui a lieu vers le 30e jour après, donc vers le 160e jour du cycle (correspondant au mois de novembre), âge auquel, sauf cas exceptionnel, tout le coton est ouvert. La récolte du

coton est une opération minutieuse car c'est elle qui définit la qualité du coton à livrer sur le marché. Ainsi, « il faut trier à chaque fois au fur et à mesure de la récolte sur pied le coton parfaitement propre (première qualité à coup sûr) du coton jaune ou gris (2e qualité) ; faire systématiquement sécher sur des claies qui isolent du sol et installer le coton récolté sur des nattes tant au champ que chez le producteur ou au marché. Le producteur ne doit pas se donner l'occasion d'avoir à ramasser du coton par terre (ce qui implique un nettoyage qui ne sera jamais parfait) » (INERA : Programme coton. Fiche coton n°7). C'est seulement au bout du sixième (6e) mois (vers le 181e jour correspondant au mois de décembre) que le producteur est à mesure de livrer son coton sur le marché.

Cet agencement constitue la grille d'observation des champs de coton par les agents d'encadrement qui prescrivent ces opérations en temps opportun. Les techniciens veillent à l'application stricte de ce canevas, et les producteurs déclarent le suivre autant que faire se peut car, disent-ils, ils n'ont pas trop le choix.

Alors que concurremment, le producteur doit s'employer sur des parcelles vivrières généralement plus vastes encore.

IV.1.2. Le calendrier vivrier

Si la production cotonnière obéit à une codification officielle, le démarrage de celle vivrière est individuel et certains rituels suivant les groupes sociaux sonnent le début de la campagne. Il faut noter que les céréaliculteurs ne se donnent aucun impératif mais se guident seulement de l'avènement des premières pluies. A l'entame de la saison hivernale, les paysans Diabolais commencent par apporter aux terrains à exploiter de la fumure et autres ordures provenant des poubelles. Ce sont notamment les champs de maison qui bénéficient de ces apports. A cela s'ajoute le fumage des champs par les animaux, le gros bétail notamment. La migration saisonnière étant très développée dans cette zone du fait de l'éloignement des champs, les champs de brousse n'ont d'autres privilèges que le défrichage du moment où les paysans n'y vont qu'à l'annonce de la saison des pluies. La préparation des sols se fait de deux façons. Il y a d'une part le non labour si le sol n'est pas trop envahi d'herbes ou si les disponibilités en force de travail n'offrent pas d'alternative. Le semis se fait alors directement sur un sol non travaillé. Nonobstant le fait qu'une part importante des paysans du département disposent et utilisent la

force de traction animale, le semi direct occupe encore une place très importante dans les champs diabolais. Ils ont généralement lieu vers le mois de mai et pendant les deux (2) premières décades du mois de juin. Après cet intervalle de temps, la densité de l'herbe ne donne pas grande chance de succès à ces semis dont les jeunes plants sont vite étouffés dès leur apparition. Sur ces espaces non labourés, les semis peuvent se réaliser à la volée ou en ligne par l'utilisation de cordes, d'un triangle ou sur les anciennes buttes. D'autre part, il y a le labour du terrain à ensemencer. D'entrée de jeu, notons une quasi inexistence sur l'aire départementale de paysan disposant d'un tracteur. De façon générale, le labour se fait à la charrue. L'araire est tiré par une paire de boeufs. Il permet un travail rapide mais exige un sol déjà ameubli par les premières pluies. Le labour peut se faire aussi à la daba. La houe manuelle exige une quantité plus importante de travail. Sur ces espaces, les plants peinent à grandir par rapport aux autres espaces labourés à la charrue ; ils sont plus sensibles à la sécheresse et le rendement y est plus bas. Cette dernière pratique est de plus en plus abandonnée, les paysans préférant payer un labour à la charrue ou semer directement sans labour quand ils ne disposent pas d'animal de trait. Il faut noter aussi l'usage important des ânes comme force de traction. L'attelage aux boeufs ou à l'âne offre les mêmes conditions de réussite des semis.

La préparation des sols se fait en même temps que les semis. De façon générale, les hommes labourent au moyen des animaux pendant que les femmes et les enfants sèment à leur suite. Le semis de toutes les variétés produites se font presqu'au même moment ou du moins à un intervalle très réduit. Tout commence avec le sorgho aux premières heures de la campagne agricole et du riz dans les bas-fonds avant que ces derniers ne s'engorgent d'eau. Suivent ensuite le petit mil qui se sème dans la plupart des cas en association avec le haricot et enfin les autres variétés.

Après le stade des semis vient celui de l'entretien. Comme le témoignent les paysans du département, il n'y a pas de date pour commencer le désherbage. C'est la levée des plants et la disponibilité du paysan qui dictent tout. Les espaces semés sans labour sont ceux qui accueillent les premiers le ménage. Le sarclage dure autant de temps que le ménage peut prendre pour faire le tour de ses parcelles. Après le sarclage, l'opération de buttage est allégée dans la plupart des cas par la

participation des animaux. Anes et boeufs attelés sont utilisés pour le buttage en ligne. Cette opération commence avec les pluies torrentielles d'aoüt et ne prend fin que lorsque le paysan aura fait le tour de son champ ou lorsque de nouveaux produits demandent à être cueillis. De là commence la phase des récoltes. Le maïs annonce les couleurs, suivi des arachides hâtives vers mi-septembre. Ensuite suivent le sorgho et le haricot ainsi que le poids de terre dès le mois d'octobre. A partir de cette date, la maturation devient générale sur l'espace agraire excepté le petit mil qui est encore à l'épiaison. De nouvelles granges (ou greniers) sont alors construites pour ranger la nouvelle production.

IV.1.3. Les logiques de gestion

Comme nous le rappelle ce producteur, « on ne mange pas le coton. Le producteur de coton est en même temps producteur de céréales». C'est dire donc que les cotonculteurs ont à gérer concurremment deux calendriers culturaux dont les exigences sont à première vue difficilement conciliables. Il est opportun de noter que dans les GPC où nous sommes passés, personne ne produit exclusivement du coton et les techniciens du coton du département nous confirment l'inexistence de cotonculteurs exclusifs sur l'aire départementale. La gestion concurrentielle de ces calendriers culturaux est donc un phénomène récurrent chez tous les cotonculteurs du département. Pour faire face à cette concurrence, des stratégies ont été développées par ces paysans.

Un premier groupe de producteurs déclare semer d'abord le sorgho dès l'entame de la saison des pluies, dès le début du mois de mai et parfois même avant le début des pluies. Ces producteurs réalisent à cet effet un semis direct sur un sol non labouré généralement sur les anciennes lignes dressées par le buttage de la campagne dernière. C'est une stratégie qui permet de garantir un minimum de produits de subsistance avant de se tourner vers la culture de marché qu'est le coton. Notons que de toutes les variétés produites sur l'aire départementale, seul le sorgho peut être semé à cette date et résister dans de telles conditions. En paysans avertis, ils ne sèment que ce produit. Quand l'hivernage s'installe normalement et qu'ils entrent dans le calendrier normal, ils quittent ces champs de sorgho pour commencer à labourer les parcelles de coton. « C'est quand la pluie s'arrête pendant

quelques temps et que les conditions ne sont plus favorables au semis du coton que l'on complète les champs de vivre », témoigne un producteur. Dès lors, il est opportun de noter que selon cette logique de gestion, en cette période d'installation des cultures, une priorité est accordée au programme du coton, celui vivrier occupant les intervalles de temps mort correspondant aux périodes d'incertitude d'une réussite des semis. Cette option est sous-tendue par les gros enjeux économiques que la production cotonnière soulève, les milliers de francs de crédit que le producteur porte sur ses épaules. Cela explique aussi la forte pratique du semis direct sur un sol non labouré dans les champs diabolais même chez les ménages disposant de charrue et animaux de trait. Tous ceux qui déclarent pratiquer le semis direct disposent d'au moins un âne ou une paire de boeufs qui lui sert de force de traction. Par contre, dans tous les GPC qui nous ont servi de champ d'observation, personne ne soutient avoir déjà planté du coton sur un sol non labouré ou sec.

Un second groupe soutient réaliser le semis du coton en même temps que celui des vivres. « Dans la matinée, pendant que certains labourent les champs de coton, le reste des membres de l'UP s'active en semis direct sur les parcelles de mil. Le soir, l'UP se retrouve sur les parcelles de coton pour l'ensemencement », expliquent ses praticiens. Mais, précisent-ils, cette méthode n'est praticable que dans les ménages nucléaires ou dans ceux où l'autorité du chef de l'UP est très respectée. Car les dépendants exploitent ces soirées pour ensemencer leurs propres champs d'où ils tirent leurs revenus. Dans tous les cas, le mil n'a d'autres privilèges que le semis direct car on ne laboure les champs de mil que « quand le temps le permet. Quand on finit de fixer le coton, on se tourne vers le labour des parcelles de vivres, avant que le coton nous réclame à nouveau », explique ce jeune producteur de plein pied dans sa troisième campagne cotonnière. La logique qui anime ces producteurs c'est que vaut mieux un déficit en vivres qu'un déficit en coton. Cet ordre de priorité se reproduit à tous les niveaux de la production. A la phase d'entretien, on ne cultive les champs de mil que « quand on attend une date pour commencer une opération sur le champ de coton pour la plupart des temps ou que lorsque l'herbe du champ de mil menace de neutraliser le champ», soutient un producteur avant d'établir le constat selon lequel « le mil ne craint pas l'herbe comme le coton », certainement en référence à cette disposition du programme coton qui prescrit un sarclage répété et régulier car « tout sarclage tardif entraîne irrémédiablement un effet dépressif sur le cotonnier » (INERA : Programme coton. Fiche coton n°4). Au

titre de ces opérations d'entretien, les cotonculteurs déclarent réaliser au minimum trois sarclages sur les champs de coton, le tout couronné par un buttage. Sur les champs vivriers de ces mêmes producteurs, la tendance est à un seul passage, soit une opération de sarclage, soit un simple buttage. Quant aux non producteurs, toutes leurs parcelles sont sarclées et le buttage conclut le travail sur les parcelles de sorgho, du petit mil et du maïs.

La période de récolte est la plus épouvantable pour les cotonculteurs qui « souffrent de voir » certains produits menaçant de s'abîmer sous la pression des différentes sollicitations. En effet, les produits vivriers mürissent presqu'au même moment, mieux, à un intervalle de temps très réduit. « Pendant que le producteur récolte tel produit, il abandonne momentanément le coton. Au moment où il est en passe de finir ce premier produit, un autre a mûri alors que dans le même temps, le coton attend un sarclage ou un buttage », explique un groupe de producteurs. Les cotonculteurs diabolais prisent la production du sorgho parce que c'est un produit qui résiste mieux à l'herbe et sa maturité a lieu précocement par rapport au coton. Ainsi, le producteur peut le récolter sans trop de difficultés du moment où l'opération peut s'étaler dans le temps sans que le champ ne soit menacé. La situation est plus délicate quand la maturation d'un produit coïncide avec celle du coton. C'est le cas du petit mil. A ce niveau, en dépit des entraides en oeuvre dans ces périodes, témoigne un céréaliculteur, « il n'est pas rare qu'un producteur arrivé dans son champ de mil n'ait plus grand-chose à couper du moment où tout est à terre, les épis à moitié rongés par les termites et transportés par les fourmis, doublé des incursions animales en ces temps de vaines pâtures » avec les conséquences dont nous traiterons dans le sixième chapitre.

En somme, la concurrence des calendriers culturaux joue au détriment du calendrier vivrier qui ne remplit que le temps non indispensable aux champs du coton dont le calendrier est scrupuleusement respecté, du moins autant que possible. Le démarrage vivrier est centré sur les périodes post-semis du coton, période où les conditions pluviométriques sont moins favorables à une bonne levée des plants quelqu'ils soient. L'entretien de ces plants vivriers se trouve aussi entravé par l'agencement codifié des opérations dans les parcelles cotonnières. Les vivres, parfois ensemencés sur un sol non labouré sous la menace d'une révolution du

calendrier de semi, se contentent d'un seul désherbage et le buttage devient un luxe pour certaines parcelles. A ce niveau, il nous parait opportun de noter la multiplicité des prestations et le long temps de travail qu'exige la production cotonnière, long temps qui harasse proportionnellement le producteur annihilant les efforts de celui-ci à investir d'autres parcelles. Le cotonculteur arrive sur son champ de céréales tout incapable d'action significative. Le rendement céréalier s'en trouve négativement affecté. Ainsi, nous pouvons établir le constat selon lequel le coton constitue une menace pour la culture céréalière chez les cotonculteurs qui se trouvent être aussi des céréaliculteurs.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote