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Production cotonnière et développement rural au Burkina Faso: controverses et réalité. Cas du département de Diabo dans la province du Gourma

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par Paul Marie MOYENGA
Université de Ouagadougou - Memoire de Maà®trise de Sociologie 0000
  

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IV.2. De la couverture des besoins alimentaires

L'autosuffisance alimentaire est l'aspiration basique de toutes les activités agricoles dans nos milieux ruraux. Longtemps orientée vers l'autoconsommation, la production des champs diabolais ne fournissait que des produits destinés à la consommation immédiate des paysans. Aujourd'hui, c'est une agriculture tournée vers le marché du fait d'importantes exploitations en produits de rente, le coton notamment. Dans ce nouveau contexte, la place des vivres s'en trouve modifiée. On pourrait alors s'interroger sur les répercussions de cette orientation commerciale sur les disponibilités en subsistance.

IV.2.1. Du volume et de la diversité des produits

« On ne peut pas produire du coton et produire autant de mil que quand on ne produisait pas de coton. Ici, personne n'a son grenier d'avant », constate un chef de ménage producteur de coton qui prend à témoin tous les autres producteurs du GPC. Pourtant, certains laudateurs du coton considèrent ce dernier comme facteur d'une plus grande production céréalière. J. PICARD et A. AL HADJI (2002) fondent leur argumentaire sur la magie de l'arrière effet engrais. Pour ces auteurs, à la faveur de la rotation sur parcelle, les plantes vivrières qui suivent le coton bénéficient de l'arrière effet engrais qui contribue à la hausse du rendement. Loin de vouloir réfuter ces effets, il ne faut cependant pas perdre de vue que cette rotation sur parcelle n'est pas expressément prescrite dans l'ambition de rentabiliser la production céréalière. C'est tout simplement parce que le coton n'aime pas ses anciens espaces. Cet

avantage collatéral correspond donc à ce que R. BOUDON appelle le « paradoxe des conséquences » ou les « effets pervers » de la production cotonnière selon la terminologie weberienne. Au demeurant, cet arrière effet engrais fait désormais partie intégrante des contraintes de production auxquelles les cotonculteurs diabolais sont soumis. Tout porte à croire que sans cet arrière effet engrais, la production cotonnière serait compromise ; en tout cas elle n'aurait pas atteint son envergure d'aujourd'hui.

En effet, de toutes les spéculations produites sur le sol diabolais, le sorgho rouge et le maïs se présentent comme les produits céréaliers les plus compatibles avec le calendrier cotonnier. Ils offrent l'avantage d'une maturité précoce. Ainsi, le producteur a le temps de mettre en lieu sûr ses moyens de subsistance et de se consacrer à son coton qui, en ces moments, demande toute son attention. Aussi faut-il rappeler que la première récolte du coton a lieu au mois d'octobre, donc juste à l'issue de la récolte du sorgho. Ce qui est également important à noter, c'est que sur l'aire départementale, le sorgho rouge ne se produit que presqu'exclusivement dans les champs de maison en prolongement des parcelles de maïs, dans les bas-fonds ou encore sur les anciennes parcelles de coton. C'est dire donc que le coton exige une certaine dose de fertilité. En tant que tel, le sorgho tout comme le maïs s'intègrent bien dans la logique de production cotonnière ; pas parce qu'ils bénéficient directement de l'engrais alloué au coton mais de l'arrière effet de cet engrais par le fait de la rotation obligatoire qu'impose la production cotonnière. Ainsi, coton et sorgho sont mutuellement dépendants. C'est ce qui explique que la céréale de base est le sorgho rouge chez les cotonculteurs du département. C'est dans cette logique que O. KABORE a pu noter que « le petit mil est moins cultivé dans les zones cotonnières que le sorgho et le maïs » (O. KABORE, 2OO2, p.16). L'arrière effet engrais permet donc aux cotonculteurs d'amoindrir le degré de concurrence du calendrier cultural en saisissant l'opportunité de rentabiliser leur production céréalière (sorgho et maïs).

Par moment, l'engrais destiné au coton sert directement certaines plantes vivrières. Pratique quand même rare chez les producteurs diabolais, c'est seulement le maïs qui en profite parfois mais en faible dose, en tant que culture hâtive qui vient généralement au secours des ménages en ces temps de soudure. Les producteurs

préfèrent vendre le surplus ou simplement une partie de leurs intrants sur le marché noir au bénéfice de jardiniers et autres demandeurs.

Traiter de l'influence du coton sur le volume et la diversité des produits vivriers revient aussi à mettre à l'épreuve cette relation de cause à effet établie par le sociologue de l'ORSTOM A. SCHWARTZ (1987). Selon lui, le développement de la culture de rente notamment cotonnière permet une modernisation de l'agriculture par l'amélioration des techniques culturales ; et cela a pour corollaire une augmentation des possibilités alimentaires, la culture attelée permettant une exploitation de surface en un temps réduit. Il est incontestable que la culture cotonnière a révolutionné la pratique agricole dans les champs diabolais. Mais cette relative augmentation de la capacité du producteur a-t-elle entraîné forcement une augmentation des possibilités alimentaires ? L'utilisation de cette capacité supplémentaire est orientée suivant les réalités socioéconomiques de l'espace social. En effet, cette idée d'augmentation des possibilités alimentaires peut être appréhendée sous deux angles : en terme de quantité et en terme de diversité (variété).

Parlant de quantité, il est à noter que l'objectif d'une campagne agricole chez un producteur de coton n'est pas la production de masse. La production céréalière est beaucoup plus dictée par les besoins de consommation immédiate. Ceux qui ont de grandes capacités techniques ne recherchent qu'à couvrir les besoins alimentaires du ménage. Ils préfèrent donc utiliser leur capacité additionnelle dans la production du coton pour avoir plus d'argent. Cela s'explique prioritairement par la faiblesse du prix des produits vivriers qui n'incitent pas à vendre. Outre cela, il faut ajouter les moyens de stockage aléatoires et les difficultés d'écoulement. Du moment où le prix des céréales est très faible, le cotonculteur préfère, même avec des moyens techniques conséquents, stabiliser sa production vivrière autour de ses besoins de consommation et d'augmenter son champ de coton pour accroître son revenu. Ces productions se limitent généralement aux anciennes parcelles de coton où la magie de l'arrière effet engrais permet des bilans parfois excédentaires.

Entendue maintenant en termes de variété, elle n'est vraiment pas recherchée par le producteur diabolais dont la production obéit à une certaine logique. La maturation des produits vivriers se fait de façon successive et faiblement agencée.

On assiste dans la plupart des cas à une interférence des étapes de maturation. Ainsi, une grande diversification des produits induit une plus grande présence continue de produits à récolter en parallèle avec le coton, toute chose qui se révèle nuisible pour les deux (produits vivriers et coton) car, le producteur ne pouvant être à ces tâches simultanément et ne voulant pas perdre entièrement sur un côté, ne prend le temps nécessaire sur aucune parcelle. Ainsi, la diversification agricole joue en défaveur du producteur tant au niveau du démarrage de la campagne (périodes de semis confondues), de l'entretien des parcelles que des récoltes. La rationalité paysanne consiste alors à concentrer les efforts sur un nombre réduit de produits ayant mutuellement une faible incidence au niveau de la maturation. C'est ainsi que la production vivrière chez les cotonculteurs diabolais est centrée sur le sorgho et le maïs ; alors que chez les non producteurs, elle est composée principalement de petit mil avec du maïs, du sorgho et du haricot en proportion non moins importante. Ainsi, comme nous pouvons le constater, il est clair que la relation de cause à effet établie par SCHWARTZ n'est pas toujours vérifiée dans le contexte du milieu rural diabolais. Au contraire, le coton fait obstacle à la diversification des produits vivriers. Ainsi se trouve donc confirmée notre première hypothèse secondaire.

IV.2.2. De la sécurité alimentaire

L'enracinement du coton, en limitant les possibilités alimentaires en terme de variété, constitue une menace pour la sécurité alimentaire des producteurs diabolais. Car entendue comme nous l'avons définie dans le cadre de la présente étude, la sécurité alimentaire ne porte pas seulement sur la quantité mais aussi et surtout sur la possibilité de diversification alimentaire capable d'induire une vie active et saine. C'est ce qu'a perdu de vue S. DIALLO, ministre burkinabè de l'agriculture, de l'hydraulique et des ressources halieutiques quand il soutient que « les zones cotonnières sont également celles où la production céréalière est structurellement excédentaire (...) ce qui contribue à la sécurité alimentaire au niveau national » ( www.abcburkina.net, article : pauvreté rurale et commerce international : le cas du coton). Il faut garder à l'esprit présent que les différentes estimations se basent sur les bilans céréaliers ce qui ne traduit pas la situation alimentaire réelle des populations. C'est ainsi que le 13 novembre 2007, devant l'Assemblée Nationale, et en réponse à un député (Norbert Tiendrébéogo), Salif DIALLO annonçait un bilan

céréalier national excédentaire à hauteur de 777 200 tonnes. Par la même occasion, il soutenait mettre en oeuvre des mesures de vente de céréales à prix sociaux dans quinze (15) des quarante-cinq (45) provinces du pays qui souffrent d'un déficit céréalier.

Une meilleure appréhension de la sécurité alimentaire commande que l'on aille plus loin. O. KABORE (2002) rapporte une enquête épidémiologique sur les carences en micronutriments dans 15 provinces du Burkina Faso qui a montré que les provinces productrices du coton sont plus durement touchées par les carences alimentaires que les autres provinces. La prévalence de l'anémie franche est supérieure à 5% chez les enfants de 0-10 ans et 35,9% des femmes en âge de procréer sont anémiées dans la majorité de ces provinces. Pour les trois principales provinces productrices de coton au Burkina et où la production céréalière est très élevée, la situation nutritionnelle des enfants de 0-5 ans est jugée très sévère (Houet : 15,6%, Sourou : 18,1% et Mouhoun : 12,3%). Ces résultats montrent qu'il ne suffit pas de disposer de la nourriture pour que sa sécurité alimentaire soit assurée. C'est pourquoi l'auteur conclue que « la sécurité alimentaire dans les zones cotonnières, malgré la disponibilité en céréale n'est pas satisfaisante. Dans les différentes zones cotonnières, les femmes en âge de procréer et les enfants souffrent de carences en micronutriments dues surtout à une alimentation non diversifiée. Il y a un antagonisme entre production du coton et production céréalière » (O. KABORE, 2002, p.26). Cela met en exergue la place primordiale de la diversification alimentaire, condition indispensable. Car les carences constatées dans ces zones s'expliquent par le fait que les producteurs de coton, s'inscrivant dans une logique de non diversification céréalière, fondent leur alimentation sur une gamme très limitée de produits dont la production est compatible avec les exigences du coton. Dans notre milieu d'étude, ce produit se trouve être le sorgho rouge qui, sur toute l'aire départementale, se démarque aussi comme le produit alimentaire le plus dénigré. Mais c'est quasiment le seul produit qui nourrit les ménages cotonculteurs toute l'année, le maïs ne tenant que de septembre à décembre au plus tard. Cela nous conforte dans notre conception selon laquelle la non diversification alimentaire est un obstacle à la sécurité alimentaire.

Au regard de tout ce qui précède, nous pouvons affirmer que la production cotonnière constitue un obstacle à la production vivrière et une menace à la sécurité alimentaire. Et en orientant l'objectif de la campagne vivrière vers la production d'une gamme très limitée de variétés, le coton fragilise la capacité de réaction des paysans face aux aléas et autres imprévus les rendant plus vulnérables sur le plan alimentaire que les céréaliculteurs. Le constat de ce producteur est sans équivoque. En fait, « les céréaliculteurs ont cet avantage que méme si la pluie n'a pas été bonne et que les champs ne produisent pas bien, la pluralité de leurs produits finit par les sauver. Même si chaque variété donne un peu, ils finissent par couvrir leurs besoins de consommation, en tout cas mieux que les producteurs de coton. Les petits champs vivriers des cotonculteurs font que si par quelque événement le cycle est perturbé, il n'y a pas d'espoir possible. Le problème chez nous c'est que quand la campagne est un peu compromise, nos soucis portent d'abord sur le coton. Dans la panique, les champs de mil sont de plus en plus abandonnés pour pouvoir apporter le moindre soin au coton dans l'espoir qu'il résistera mieux ».

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand