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La prise de l'aérodrome de Lille-Marcq par les élus municipaux : des usages et stratégies de légitimation d'un équipement restreint devenu territoire-ressource

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par Vincent PAREIN
Université de Lille 2 - Master 1 de science politique-action publique locale et nationale 2009
  

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Université Lille II
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales

Première année de Master de science politique

La prise de l'aérodrome de Lille-Marcq par les élus

municipaux : des usages et stratégies de légitimation

d'un équipement restreint devenu territoire-ressource

Mémoire préparé sous la direction de Mr DESAGE
Présenté et soutenu par Vincent PAREIN

Année universitaire 2008/2009

Aux Mousquetaires, ils se

reconnaitront... ;-)

Sommaire

PARTIE 1 : L'intercommunalité et l'aérodrome : les « choses » des communes

I) Le SIGAL, une « créature municipale » 11

A) Une (toute) relative autonomisation du niveau intercommunal 12

L'acquisition progressive d'une certaine autonomie administrative 12

Le SIGAL comme « marque » différenciée 14

B) La neutralisation communale de l'intercommunal 17

Les conseillers au SIGAL, « envoyés » communaux 17

Les entreprises de « verrouillage mayoral » 19

II) L'impossible dépassement des communes : logiques contemporaines de l'action publique locale

et arbitrages communaux 22

A) Un territoire dépassant les communes 22

Logiques d'action publique en partenariat 23

La planification au niveau de la métropole : l'aérodrome aux prises avec les logiques de

« gouvernance urbaine » 25

B) L'arbitrage final des villes 28

La planification urbaine : le choix final des villes 28

L'aérodrome aux prises avec les choix communaux 30
PARTIE 2 : « Un territoire, des projets » : entreprises de re-légitimation d'un équipement limité et générateur de nuisances

I) L'aviation de loisirs : ouverture au public et capitalisation économique 35

A) Aller voir les avions : l'aviation populaire 35

Faire ré-approprier l'aérodrome par le grand public 35

Offrir un spectacle aérien ritualisé 37

B) Un aérodrome de tourisme comme équipement marqueur d'un territoire à haut-profil socio-

économique 39

Un équipement marqueur du « triangle d'or » 40

Capitalisation et prospective économique autour d'un équipement original 42

II) Ré-appropriation locale d'un référentiel développement durable et opportune « sectorisation »

des nomades 43

Du terrain d'aviation au « poumon vert » 44

1) D'un terrain générateur de nuisances 44

2)...au terrain vert de plaisance 47

L'aérodrome : une solution d'opportunité pour la question nomade 49

La question nomade : raison d'être de l'intercommunalité et syndrome NIMBY des élus et

usagers 49

Une solution localisée à l'obligation Besson 52

Sources 56

Bibliographie 56

Articles : 56

Ouvrages, mémoires et thèses : 58

Annexes 59

« Les Français, aussi attachés soient-ils aux libertés locales, aussi proches de leurs élus, aussi résolus à voir respecter leur liberté d'action, sont conscients des réformes indispensables qu'il convient d'apporter à un système vieilli et qui ne répond plus à leur attente. ». Cette citation est de l'ancien premier ministre, Édouard Balladur, prononcée lors de la remise du rapport final issu des travaux du comité pour la réforme des collectivités territoriales. En octobre 2008, le président de la République avait en effet chargé une commission, présidée par l'ancien premier ministre, de réfléchir à des propositions visant à réformer les échelons de l'action publique locale. Si le mouvement de décentralisation en France semble faire l'objet d'un relatif consensus politique, des critiques ont assez vite émergé pour critiquer la multiplication des niveaux de décisions, freins supposés à l'efficience des politiques publiques locales. Ceci dit, il peut-être permis de supposer, pour reprendre les propos de Daniel Gaxie1, que « la portée des réformes, présentées à l'origine comme considérables », sera « sensiblement réduite ». Quoiqu'il en soit, le processus de décentralisation, avec pour corolaire le transfert de compétences autrefois régaliennes au profit de nouvelles collectivités territoriales, a offert une réelle fenêtre d'opportunité pour renouveler la sociologie de l'action publique, autorisant même un sous-champ disciplinaire à émerger et s'autonomiser quelque peu : la sociologie du pouvoir local. Il s'agit alors, sans prétendre donner ici une définition exhaustive ou définitive, de s'intéresser au fonctionnement concret des structures locales et aux divers acteurs les investissant. Si le thème de la pertinence des différents échelons territoriaux2 revient épisodiquement sur le devant de la scène pour souvent s'effacer rapidement de l'agenda médiatique, les projets menés ont avant tout consisté à ne pas défaire ce qui a été fait tout en mettant à disposition des acteurs locaux (notamment les élus) de nouveaux outils permettant d'unir leurs moyens et compétences afin de rationaliser l'action publique. En 1997, dans un entretien paru dans la revue Pouvoirs locaux, Patrick Devedjian déclarait « 36000 communes, c'est quatre fois trop »; « l'émiettement communal »3 semble constituer une des critiques majeures faite à l'ordonnancement politico-administratif français. Dès 1789, des Hommes publics, tel Nicolas de Condorcet prônaient des « groupements d'action locale » d'environ 4000 habitants. Si cette

1 GAXIE Daniel, Structures et contradictions de l'édifice institutionnel, in « luttes d'institutions », l'Harmattan, Logiques juridiques, 1997.

2 A ce propos, OFFNER Jean-Marc, Les territoires de l'action publique locale, Revue française de science politique, vol 56, n°1, fév 2006, p. 27-47.

3 Ibid.

proposition ne sera pas suivie d'effets, elle présage d'un mouvement qui verra émerger bien d'autres entreprises de lutte contre cette « curiosité patrimoniale »4 française. Ainsi, jusqu'à la fin du XIX ème siècle, de nombreuses tentatives de regroupements plus ou moins autoritaires seront mises à l'agenda politique. Notons à ce sujet que la dernière loi tendant à la fusion et au regroupement de communes, votée en 1971, aboutira dans les faits à un peu plus de 2000 communes effectivement fusionnées de par le pays, alors que les plans préfectoraux planifiaient que cela concernerait plus de 10000 communes5.

La méthode forcée semblant pour le moins se heurter à des résistances locales réelles (celle des élus notamment), dès 1890 apparaissent des dispositions législatives et règlementaires permettant aux communes volontaires de s'associer afin de gérer des équipements et services publics au-delà des traditionnelles frontières communales. Contrairement aux tentatives hasardeuses de fusion de communes, l'intercommunalité, dont les principes directeurs sont depuis ses origines la souplesse et la liberté de constitution, a connu une croissance continue depuis ses balbutiements et les premières règlementations. Régulièrement, de nouvelles dispositions sont prises afin de compléter et accentuer le développement de l'intercommunalité. En effet, de nombreuses dispositions juridiques encadrent les structures intercommunales et nous ne nous attarderons pas dans ce propos introductif sur celles-ci. Depuis un peu plus d'une dizaine d'années, est constatée une forte croissance du nombre de structures intercommunales, autorisant certains auteurs à parler de « révolution intercommunale »6 Le dernier bilan7 établit en 2009 par l'assemblée des communautés de France semble appuyer cette thèse. Alors qu'en 1999, 52,2 % des communes françaises étaient adhérentes à au moins une communauté de commune (soit 19140 communes), dix ans plus tard, 93 % étaient membres d'au moins un syndicat intercommunal. Si l'étude de l'intercommunalité peut passer par la focale juridique, il faut noter ici que les chercheurs de science politique ont notablement investi cette thématique. En effet, il semble que s'attarder sur ces intercommunalités permette d'affiner les connaissances relatives à l'action publique et aux acteurs concernés (élus locaux, fonctionnaires territoriaux, agents de l'État, partenaires associatifs et privés etc...). L'analyse de ces structures a été motivée par divers questionnements. Une des interrogations les plus saillantes semble être le degré d'autonomisation de l'échelon intercommunal vis-à-vis des

4 Ibid.

5 Sur les tentatives successives de regroupement autoritaire : MERCIER Michel, Rapport d'information chargé de dresser le bilan de la décentralisation, 1999.

6 BORRAZ Olivier, LE GALES Patrick, Local government in France : intercommunal revolution and new forms of governance» in « Comparing local governance: Trends and Developments » ,Bas Denters, Larry Rose(dir.), Basingstoke, Palgrave, 2005.

7 ADCF, L'état de l'intercommunalité 2009, http://www.adcf.asso.fr/2-163-Fiche-Intercommunalite.php?num=120

communes génitrices. L'utilisation de ce niveau d'administration locale comme outil permettant d'accéder ou de mobiliser de nouvelles ressources est également une problématique récurrente justifiant des investigations renouvelées. La question de la démocratie locale paraît être un angle d'attaque de l'intercommunalité dans une perspective de science politique. En outre, des travaux se sont attachés à distinguer intercommunalité de gestion et de projet. Sans caricaturer les auteurs qui se sont penchés sur cette distinction, l'intercommunalité de gestion serait celle mise en oeuvre en vue de respecter des obligations de service public local ( par exemple le ramassage des ordures ménagères ou encore la distribution d'eau) tandis que l'intercommunalité de projet viserait plus largement à définir et mettre en forme un projet supra-communal de développement et d'aménagement d'un territoire spécifique. Cette intercommunalité de projet semble être un des avatars d'un mouvement de territorialisation de l'action publique, processus dont les origines remonteraient aux débuts de la décentralisation et visant à la quête de nouveaux « territoires pertinents » d'action, les territoires classiques (par exemple communaux) étant perçus comme désormais inadaptés à la prise en charge de problématiques publiques globales8.

Cette volonté de distinction de deux axes d'intercommunalité, si elle nous semble être pertinente dans une perspective de comparaison et de visée heuristique, peut aussi paraître comme dépassable. Certaines intercommunalités, en effet, semblent allier gestion et mise en forme d'un projet territorial. Le syndicat intercommunal pour la gestion de l'aérodrome de loisirs (SIGAL), un syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM), pourrait ainsi être un exemple d'intercommunalité mixte. Ce syndicat intercommunal, a été créé en 1996 à l'initiative des exécutifs municipaux des communes de Bondues, Marcq-en-Baroeul, Marquette-lez-Lille et Wambrechies lorsque l'État, alors propriétaire de l'aérodrome de Lille-Marcq, a manifesté sa volonté de se désengager de la gestion dudit terrain. La chambre de commerce et d'industrie disposait alors d'un droit de préférence accordé par les représentants de l'État en cas de transfert de gestion. Les villes de Bondues, Marquette, Wambrechies (possédant chacune une part de l'aérodrome sur leur territoire communal), s'associant avec la riveraine Marcq-en-Baroeul, ont utilisé la formule intercommunale afin de prendre la gestion de ce terrain jouxtant la rocade nord-ouest et constituant une zone tampon dans le paysage métropolitain (espace de transition entre des zones urbaines denses au sud et zones semi-urbaines ou rurales au nord). A ce jour, il ne semble pas qu'il y ait eu d'études mobilisant la sociologie et la science politique se focalisant sur un SIVOM chargé de gérer et d'aménager un

8 La territorialisation fait l'objet d'une littérature relativement abondante; pour en cerner les enjeux et questionnements. Par exemple: FAURE Alain, NEGRIER Emmanuel (dir.), « Les politiques publiques à l'épreuve de l'action locale. Critiques de la territorialisation », Paris, L'Harmattan, Coll. Logiques politiques. Ou encore : DOUILLET Anne-Cécile, FAURE A.(dir.), « L'action publique et la question territoriale »,Grenoble, PUG.

aérodrome local. De 1999 à 2007, le SIGAL, ayant signé une convention de mutation domaniale avec le préfet du Nord, ne fut que gestionnaire par délégation d'un bien d'État. La loi du 13 aout 2004, consacrée aux modalités législatives de la mise eu oeuvre de l'acte II de la décentralisation, a prévu le transfert (à titre gratuit) d'environ 150 aérodromes ou aéroports appartenant à l'État aux collectivités territoriales traditionnelles (communes, départements, régions) ou groupements de collectivités (syndicats intercommunaux, syndicats mixtes...). Parmi ces équipements à transférer, figurait l'aérodrome de Lille-Marcq. Ainsi, notre cas d'étude, pour le moins original car inédit9, nous a semblé constituer une opportunité réelle de diversifier les cas empiriques au sein des travaux de sociologie du pouvoir et de l'action publique local. En effet, aborder ce champ scientifique via la question des équipements aéronautiques (aérodromes, aéroports) pourrait nous permettre de mieux comprendre les éventuelles mutations que donnent à voir le processus de décentralisation en France, d'autant plus que ce processus de transfert de propriété a fait et fait toujours l'objet de débats au sein du milieu aéronautique. Sans rentrer ici dans les détails de la controverse, ce transfert peut paraître menaçant pour la pérennité d'activité aéronautiques de loisirs10 dans la mesure où ce type d'activité n'est pas forcément rentable (peu de pratiquants relativement à d'autres sports, rentrées fiscales limitées par la forte implantation des associations loi 1901) alors même que la gestion d'un petit aérodrome de loisirs engendre des coûts de maintenance réels (entretiens des pistes, taxiways, respect des normes) et s'avère dévoreuse d'espaces convoités qui pourraient être utilisés pour construire des logements ou zones d'activités économiques. A cette (nouvelle) donne s'ajoute les critiques « environnementalistes » estimant que l'activité aéronautique est fortement polluante et génératrice de nuisances sonores11. Ainsi, le contexte actuel plaide à priori pour la disparition de nombreux petits aérodromes utilisés par une minorité de pratiquants12. Pourtant nous avons ici ce qui peut s'apparenter à un contre-exemple, à savoir des élus locaux qui manifestent la volonté politique de conserver cet équipement de loisirs, notamment en utilisant l'intercommunalité comme outil et mode de gestion.

9 Des travaux ont tout de même été publiés en appui sur des équipements aéroportuaires, notamment, CORCUFF Philippe, SANIER Max, Politique publique et action stratégique en contexte de décentralisation : Aperçus d'un processus décisionnel « après la bataille », Annales, 2000, vol. 55, no4, pp. 845-869.

10 ROY Gill, Aérodromes, attention danger ! , revue Aviasport, n°604, 2007.

11 A titre d'illustration, voir les justifications de l'Association des Riverains de l'Aérodrome du Versoud Contre les Nuisances : http://arav-cn.com/index.php?page=situationgeo

12 Le rapport publié en 2004 du sénateur Claude Belot est riche d'informations sur le secteur de l'aviation de loisirs en France et ses enjeux contemporains :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/044000604/index.shtml

Nous avons un peu plus haut évoqué rapidement les grandes interrogations motivant les entreprises de recherche sur l'intercommunalité en France sans pour autant établir un « état de l'art » des réponses proposées jusqu'alors. Les questionnements étant nombreux à ce sujet, les réponses le sont tout autant. Le sociologue Rémy Le Saout a souligné que par le système d'élection au second degré des délégués intercommunaux, le caractère démocratique de toute aventure intercommunale est pour le moins très relatif13. Au sujet de l'autonomisation ou non des structures intercommunales vis-à-vis des communes, les résultats semblent converger vers l'idée que l'intercommunalité reste « un pouvoir inachevé »14, comme le soulignent R. Le Saout ou encore David Guéranger même si ce dernier montre, pour son cas étudié15, le rôle de l'État dans la création de l'architecture intercommunale. Albert Mabileau, pour sa part16, tend à montrer que l'intercommunalité est un outil largement adopté par les élus municipaux dans le but de renouveler leur leviers d'action publique par la mise en forme de projets globaux d'aménagements territoriaux supra-communaux. Quant à la question de la territorialisation des politiques publiques, le « tournant territorial »17a suscité de nombreux travaux sur les nouvelles façons de gérer des territoires qui sont convoités par des acteurs multiples invités alors à agir sur ces espaces par la concertation et le « décloisonnement »18 de l'action. Nous mobiliserons ici les travaux sur l'action publique en partenariat ainsi que certaines études éclairantes sur les mutations de la façon de penser le local dans le cadre d'une gouvernance métropolitaine ou « urbaine »19,étant entendu que l'aérodrome de Lille-Marcq se situe dans le territoire de la métropole lilloise.

Il nous semble ici important de souligner que, afin de proposer des réponses constamment affinées à ces questions, faire de la monographie ne constitue point une démarche honteuse qui devrait rougir face à des études de cas comparées. En effet, si nous nous appuyons sur des travaux déjà menés, nous participons à cette volonté d'opérer un exercice de comparaison intellectuelle permanente. Dans cette optique, nous proposons, en appui sur notre cas spécifique (le SIGAL et l'aérodrome de Lille-Marcq) le présent questionnement global : le SIGAL ne serait-il pas avant toute chose une « créature municipale » chargée de mettre en forme et de justifier un projet territorial localisé ?

13 LE SAOUT Rémy, De l'autonomie fonctionnelle à l'autonomie politique. La question de l'élection des délégués des établissements intercommunaux, Actes de la Recherche en Sciences sociales, 2001, n° 140, pp73-79.

14 LE SAOUT R., L'intercommunalité, un pouvoir inachevé, Revue française de science politique, 2000, vol. 50, no3, pp. 439-461.

15 GUERANGER David, L'intercommunalité, créature de l'état. Analyse socio-historique de la coopération intercommunale. Le cas du bassin chambérien, RFSP, 2008- 4 (Vol. 58), pp 595-616.

16 MABILEAU Albert, « Les perspectives d'action publique autour d'un local reconsidéré », in BALME Richard, FAURE A., MABILEAU A. (dir.), Les nouvelles politiques locales, Paris, Presses de Sciences Po, 1999, pp. 465-477.

17 EPSTEIN Renaud, compte-rendu de lecture,in Pouvoirs locaux,n° 67, décembre 2005.

18 DOUILLET A-C, FAURE A., op. Cit.

19 LE GALES Patrick, Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine, RFSP, 1995, vol 45(1), pp. 57-95.

Nous voyons bien qu'il est possible de procéder à une entreprise de comparaison par une étude de cas spécifique. Le concept de «créature municipale» s'inspire bien évidemment de la thèse précitée de D. Guéranger et nous invite à poser l'hypothèse que l'autonomie de l'échelon intercommunal par rapport aux villes serait bien une perspective lointaine. En l'espèce, nous supposons même que la configuration politique locale (majorités municipales homogènes et puissantes avec leadership incontesté des maires) joue comme un facteur supplémentaire de l'impossible autonomisation politique du SIGAL. En outre nous envisageons que nous aurions affaire à une intercommunalité « de gestion de projets » dont l'objet consisterait à mettre en musique et « vendre » un projet global et cohérent (un « poumon vert » pour la métropole lilloise) alors qu'il est possible de désarticuler les usages faits de la plateforme. Le profil socio-politique des quatre communes nous autorise à proposer l'hypothèse que le maintient et la préservation de la vocation aéronautique de loisirs du territoire s'inscrit logiquement dans un souhait (pas forcément objectivé par les élus locaux) d'apparaitre comme une zone de haut-standing et bien équipée en outils de loisirs perçus (dans un discours de sens-commun notamment) comme haut-de-gamme (aérodrome, hippodrome, golfs...) dans une logique de conservation de leurs profils spécifiques. En prolongement avec cette idée, peut-être que des leaders de ces communes défendent une sorte de référentiel développement durable « bourgeois » : pour rester une zone attractive pour des catégories de populations aisées, il faut conserver le style de vie actuel en limitant l'urbanisation et en offrant des espaces verts de loisirs aux riverains. Ce cas très localisé d'investissement sur un territoire spécifique nous permettra également d'interroger les logiques de partenariats et les éventuels problèmes posés par la juxtaposition de niveaux décisionnels et acteurs intéressés par cet espace vert « trésor de guerre »20 pour la métropole.

Notre terrain d'étude a donc été le SIGAL dont le siège se situe justement dans l'emprise de l'aérodrome de Lille-Marcq. Il existe un petit bâtiment qui sert de bureau aux deux permanents du SIGAL, pour recevoir les différents interlocuteurs au sujet de l'aérodrome et qui sert pour les commissions et comités syndicaux. Le travail de terrain était ainsi particulièrement, oserions-nous dire, « territorialisé ». Différentes méthodes d'enquêtes ont été utilisées dans le but de recueillir du matériau empirique. Nous avons ainsi consulté dans le détail les documents d'archive (documents municipaux, articles de presse, ouvrages historiques sur l'histoire locale) consacrés à l'historique de cet aérodrome ( créé en 1937 par la Défense française) et à la création de cette intercommunalité. De plus, nous avons pu dépouiller l'intégralité des registres de délibérations et procès-verbaux des

20 Nord Eclair, 16/01/09.

comités syndicaux de la création (en 1996) jusqu'au dernier comité en date du 30 mars 2009, riches d'enseignements sur le fonctionnement politico-administratif au sein du SIGAL (composition, positions, propositions des uns et des autres, acteurs concernés par la gestion de l'aérodrome). Nous avons également eu des entretiens enregistrés ou non avec des fonctionnaires et élus locaux impliqués dans cette aventure intercommunale ainsi qu'avec des usagers et riverains de la plateforme dans le but d'avoir des regards extérieurs au sujet des activités présentes et des projets d'aménagement envisagés. Les nombreuses heures passées dans les archives ont été des occasions inespérées initialement de faire de l'observation relative au fonctionnement quotidien de l'administration intercommunale, complétant idéalement les archives et les entretiens dont on pourrait envisager qu'ils ont pu constituer des biais observationnels. Nous nous sommes également intéressés aux documents d'urbanisme local (PLU, PADD et délibérations communautaires), constatant le fait que le territoire de l'aérodrome implique d'autres acteurs et institutions locaux. La diversité des sources et avis procède ainsi d'un choix visant à limiter autant que faire se peut les biais évoqués ci-dessus, obstacles à l'objectif de construction d'une vérité factuelle « toutes choses égales par ailleurs ».

Ayant abordé les grandes hypothèses de travail et les outils empiriques destinés à apporter des éléments de réponse à celles-ci, il s'agira, dans un premier temps, de tenter d'éclaircir le statut (effectif et non-juridique) de la structure intercommunale par rapport aux communes ainsi que de tenter de dénouer les enjeux territoriaux posés par l'existence de ce vaste espace métropolitain. Dans un second temps, nous nous attarderons sur l'utilisation concrète de ce territoire en montrant qu'il est opéré une mise en cohérence d'un projet global de « poumon vert » consacré aux loisirs de plein air.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry