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La prise de l'aérodrome de Lille-Marcq par les élus municipaux : des usages et stratégies de légitimation d'un équipement restreint devenu territoire-ressource

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par Vincent PAREIN
Université de Lille 2 - Master 1 de science politique-action publique locale et nationale 2009
  

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Partie I : L'intercommunalité et l'aérodrome : les « choses »

des communes.

I) Le SIGAL, une « créature municipale »

Il est possible d'entrevoir des indices nous autorisant à dire que le SIGAL, par des processus de routinisation administrative et de communication externe différenciée ,peut paraître autonomisé par rapport aux communes. Ceci dit, nous montrerons que la tendance lourde est bien à la neutralisation de l'échelon intercommunal par les exécutifs municipaux, notamment par les maires.

A) Une (toute) relative autonomisation du niveau intercommunal

1) L'acquisition progressive d'une certaine autonomie administrative

Le SIGAL est un syndicat à vocations multiple dont la naissance remonte à l'hiver 1995. Dès 1996, va se mettre en place l'édifice politico-institutionnel intercommunal mais il a alors été acté par les délégués des quatre communes partenaires que la gestion juridico-administrative au quotidien, liée à la mise en forme de ce nouvel échelon territorial, nécessiterait les services d'administrateurs locaux. Les délégués intercommunaux ont alors accepté la proposition du président du SIGAL, maire de Bondues, de détacher à cette fin un agent administratif de la mairie de ladite commune. Il nous faut préciser que si la naissance du SIGAL remonte à fin 1995, la convention de mutation domaniale transférant la gestion de l'aérodrome à l'intercommunalité ne sera signée qu'en octobre 1999, transfert de gestion qui entraine de fait une augmentation des charges administratives intercommunales. Dès décembre 1999, un comité syndical21 est l'occasion pour les délégués de discuter d'un projet d'embauche de deux emplois-jeunes pour « suivre la vie quotidienne » du SIGAL. Afin de préparer l'installation de ces futurs agents, les années 2000 et 2001 vont être notamment consacrées à négocier avec les représentants de l'État, légalement propriétaire des infrastructures, l'utilisation du bureau de piste pour en faire le siège administratif du SIGAL,

21 Comité syndical du 9/12/99.

jusqu'alors situé en mairie de Bondues. Ce bureau était jusqu'à cette période investi par un agent de la direction de l'aviation civile (DAC Nord), affairé à suivre et organiser le trafic aérien autour de l'aérodrome de loisirs le plus actif du Nord-pas-de-Calais.22

Ainsi, avant même d'entreprendre l'embauche effective des agents, les délégués se mettent d'accord pour préparer les assises mobilières du futur siège social. Il s'agit là selon nous d'une première étape décisive pour envisager la progressive autonomisation administrative du niveau intercommunal. Les membres du SIGAL ont convenu d'une division des tâches entre les deux futurs salariés intercommunaux; une personne serait en charge des affaires administratives générales tandis que la seconde serait plus spécifiquement occupée à l'animation et à la communication. Le comité syndical du 17 octobre 2001 permet aux délégués élus d'assister à la présentation des deux premiers agents permanents du SIGAL dont la sélection s'est faite au niveau de celui-ci et non pas par des accords des conseils municipaux des quatre villes. Le système de détachement d'un agent bonduois prend alors fin pour une gestion quotidienne des affaires du SIGAL dans un bâtiment spécifique qu'est le bureau de piste de l'aérodrome. A partir de l'installation de ces permanents dans des locaux propres aménagés en bureaux de travail, s'amorce un processus d'échappement de l'ingénierie administrative « au jour le jour » par rapport aux administrations intégralement communales. Si, comme nous l'avons évoqué ci-dessus, les délégués avaient définis dans les grandes lignes les grandes missions conférées à ces agents, dans les faits, il nous semble que la définition des missions effectives s'est surtout opérée progressivement, selon les besoins :

« On est deux permanentes au niveau du SIGAL. Ma collègue s'occupe de tout ce qui est animation- communication et relations avec les usagers et moi en gros je m'occupe du reste; ça va aussi bien de la partie administrative, les délibérations, le suivi des comités syndicaux, les arrêtés, les conventions, relations avec la préfectures, les finances, la comptabilité au quotidien, le suivi des travaux, les aménagements de l'aérodrome : ça va de l'entretien des espaces verts ,la voirie ,l'entretien des pistes. C'est assez vague en fait. »23

Les agents du SIGAL, sans même objectiver ce processus, vont peu à peu investir « leurs » bureaux jusqu'à les personnaliser avec des objets personnels. Aujourd'hui, cette autonomie effective dans le fonctionnement quotidien de l'intercommunalité se donne plus que jamais à voir par l'observation du travail hebdomadaire des permanents, aujourd'hui titularisés dans leurs

22 En terme de mouvements annuels, l'aérodrome de Lille-Marcq reste parmi les plateformes les plus actives du Nord.

23 Entretien avec une des permanentes, 20/03/09.

fonctions. Lorsque qu'une personne contacte le numéro de téléphone du SIGAL, l'appel vient au bureau de piste où un des permanents répond avant tout par un systématique « SIGAL bonjour ». Ceci pourrait à priori relever de l'anecdote si ce n'était pas en fait révélateur d'une probable intériorisation par ces fonctionnaires de leur action au service du SIGAL, structure administrative spécifique. L'observation montre que ces administrateurs du quotidien deviennent les interlocuteurs premiers et incontournables pour qui souhaite nouer des relations avec les gestionnaires de l'aérodrome. Il est intéressant de noter que le représentant de l'association pour la promotion du champ d'aviation de Lille-Marcq, association des usagers du terrain, nous citait sans hésiter et à plusieurs reprises les noms des deux fonctionnaires du SIGAL lors d'un entretien24. Quelque soit le vecteur utilisé pour contacter le SIGAL, ce sont ces fonctionnaires qui répondent.

Si nous en restions à une lecture superficielle, nous pourrions dire que les fonctionnaires ne sont que de simples courroies de transmission entre interlocuteurs divers et élus, seuls maîtres à bord. Seulement, des travaux de sociologie de l'action publique ont montré, depuis les premières entreprises25 de recherche et de théorisation du comportement des agents publics, que les employés publics situés au plus bas de la hiérarchie des administrations pouvaient, dans des logiques de routines à ressorts multiples, opérer des redéfinitions de leurs tâches et par-là-même, étendre leurs compétences et leur autonomie. Parmi ces re-qualifications du travail et du rôle des fonctionnaires, nous proposons ici les opérations de filtrage, de tri, de légitimation ou dé-légitimation des demandes venues de l'extérieur. Nous évoquons ici le fait que les fonctionnaires du SIGAL, quand ils sont confrontés à des sollicitations extérieures visant à rencontrer des élus membres du syndicat intercommunal, font un travail de hiérarchisation des demandes et peuvent ainsi rétorquer au solliciteur que tel ou tel élu ne s'occupe pas de cela ou que le dossier peut-être géré directement par l'administration intercommunale. Ainsi, ces administrateurs détiennent aussi le pouvoir, important s'il en est, de donner accès à d'autres acteurs locaux, les élus étant les premiers d'entre eux. Nos périodes d'observations du fonctionnement régulier du SIGAL nous ont donné maintes occasions de constater ce travail d'ouverture-fermeture de portes institutionnelles par les deux fonctionnaires intercommunaux. A titre d'illustration, la personne chargée des affaires générales s'est proposée, par courriel et sans sollicitation de notre part, pour organiser un rendez-vous avec un des viceprésidents du SIGAL...

24 En date du 11/05/09.

25 Notamment les travaux de LIPSKY Michael : « Street Level Bureaucracy », Russell Sage Foundation, 1983.

Alors que ces postes ont été créés par les élus délégués au SIGAL, les processus de routinisation de l'appareil administratif ont offert à ces employés intercommunaux des possibilités nouvelles d'action et affectations non définies à l'avance. Si des « attentes de rôle » sont parfois définies, nous voyons par cet exemple que des re-qualifications de rôle sont tout à fait possibles.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery