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La prise de l'aérodrome de Lille-Marcq par les élus municipaux : des usages et stratégies de légitimation d'un équipement restreint devenu territoire-ressource

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par Vincent PAREIN
Université de Lille 2 - Master 1 de science politique-action publique locale et nationale 2009
  

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2)...au terrain vert de plaisance

La thématique du « développement durable », depuis l'adoption d'une définition au plan mondial en 1987125, a contribué ,semble-t-il, à stimuler la recherche scientifique en sciences humaines et sociales. Ces disciplines n'avaient jusqu'alors que peu investi les thématiques environnementales. Aujourd'hui, nous avons des indices suggérant que cet investissement s'est effectivement opéré. Ainsi, nous pouvons voir que de nombreuses formations universitaires voient le jour126 autour de ces sujets et des revues scientifiques existent127 même depuis quelques années. Nous avons vu que des politistes comme A. Goxe soulignent qu'environnement et développement durable constitueraient des thématiques et registres de l'action publique contemporaine.

Si il nous a été possible de voir que LMCU semblait avoir intégré cette exigence de prise en compte de la qualité et du respect de l'environnement au sein de ses politiques d'urbanisme, notre démarche empirique tend à mettre en lumière que, depuis la prise de l'aérodrome par les quatre majorités municipales, celles-ci ont d'emblée adopté un discours axé autour de la nécessité de sauvegarder cet espace vert. En 1995, lors d'une réunion publique organisée à l'occasion de la création du SIGAL, un élu qualifiait ce territoire de « poumon vert ». Ce qualificatif s'avère durable en tout cas puisqu'il est encore utilisé aujourd'hui. Cette registre de défense de cet espace vert se donne à voir clairement :

« C'est vrai que quand on regarde bien , ça fait partie d'un des rares espace vert de la métropole de cette dimension là car il y a environ 150 hectares quand même. Nous, c'est ce qu'on appelle l'arc Nord, il était pas question pour nous de laisser partir ça pour en faire une zone d'activités avec la chambre de commerce. On a voulu le conserver en espace vert, en poumon vert »128.

A l'instar de ce que relève Corinne Larrue129, nous pouvons penser que cette mobilisation
territorialisée en faveur d'un espace vert serait justifiée par le fait que la défense des espaces verts

124 Entretien 20/03/09.

125 Rapport Brundtlant de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, 1987.

126 Master « politiques de l'environnement et du développement durable » à Lille II, Master de « Politiques environnementales comparées » à Versailles etc...

127 A l'instar de la revue « Développement durable et territoires ».

128 Entretien avec élu marquois, 9/04/09.

129 LARRUE Corinne, « Environnement et politiques urbaines », in Paquot T et al., La ville et l'urbain, l'état des savoirs, La Découverte, 2000, pp. 293-300.

serait une préoccupation majeure des « collectivités urbaines »130, préoccupation relayée aux décideurs par la population : « les riverains demandent aussi à avoir des espaces verts »131. Nous émettons l'hypothèse que ces thématiques environnementales « constituent des ressources de légitimation très forte pour l'action décidée par le maire aux yeux de l'opinion locale et constituent des canaux de réaffirmation de l'action publique »132.

Ayant mis en évidence que ces villes étaient notamment investies par des populations aisées voire bourgeoises, nous pouvons nous appuyer sur les travaux de Mike Davis133 pour envisager le fait que la défense des espaces verts et la lutte contre une urbanisation continue de ces communes ont été impulsées par leurs habitants dans une logique conservatrice (ne pas faire évoluer et croitre la ville et éviter l'arrivée de nouveaux habitants134). En tout état de cause, les élus, quant à eux, ont à coeur de défendre ces positions :

« Je trouve qu'on a la chance d'avoir cette surface et qu'il faut faire très attention à ce qu'on fait pour la maintenir au milieu de toute la pression foncière qu'on peut avoir de part et d'autre. »135

Nous pourrions même appréhender cette démarche de défense de ce territoire vert comme une réappropriation localisée et peut-être bourgeoise d'un référentiel environnementaliste.

L'historique des projets envisagés dans l'emprise de l'aérodrome de Lille-Marcq nous autorise à relativiser sensiblement le discours ( défense d'un espace vert de loisirs naturels) tenu par ces acteurs publics locaux. En effet, nous constatons que des projets peu compatibles avec la défense d'un espace vert naturel ont été proposés aux élus. Par exemple, une entreprise de Karting a présenté un projet d'implantation d'une piste dans l'emprise de terrain d'aviation. Si les élus ont finalement retoqué ce projet, il apparaît que cette décision a été justifiée au motif que ce type d'activité ajouterait des nuisances sonores à celles existant déjà à cet endroit ( aviation et trafic routier empruntant la rocade nord-ouest).

Un projet de piste de BMX est actuellement à l'étude. Si ce type d'activité semble plus compatible en apparence avec la défense de l'environnement (engins non motorisés), les aménagements nécessaires vont tout de même contribuer à modifier les propriété de la zone (suppression de zones végétalisées au profit de buttes en terre vierge) et dénaturer136 le territoire.

A ce jour, d'autres aménagements dont la définition est plus ou moins avancée sont sur la table :
chemins de randonnées, sentiers équestres et cyclables, clôtures végétalisées, aires de pique-nique,

130 Ibid.

131 Entretien 20/03/09.

132 GOXE A., op. Cit.

133 DAVIS Mike, City of Quartz, Los Angeles, capitale du futur, La Découverte, 2003, p. 140.

134 ALLEGRAUD J., op. Cit., p17.

135 Entretien du 9/04/09.

136 Dénaturer au sens de processus d'artificialisation d'un espace.

préservation de l'activité aviation et, nous l'avons vu, zone commerciale à l'entrée. Si le discours « vert » semble rodé, le pragmatisme et la gestion « au jour le jour » semblent guider l'action concrète des élus :

« il y a des choses intéressantes à faire mais sans faire...c'est un aménagement au jour le jour. On va pas faire un disneyland machin, un truc au jour le jour. J'attends beaucoup de ce chemin, comment les gens vont réagir et à partir de là on va s'adapter aux demandes du public. »137

Notre hypothèse est donc que nous somme confrontés ici à une mise en cohérence à postériori d'un ensemble de projets plus ou moins en phase avec le discours environnementaliste officiel. Le registre de défense d'un espace vert de loisirs naturels subi dès lors des redéfinitions permanentes et ré-interprétations diverses, en lien avec l'action menée.

L'aérodrome pourrait être vu comme un territoire-guichet susceptible d'accueillir de multiples aménagements en fonction de l'offre et de la demande locale. La désynchronisation entre le discours général et les usages est encore plus flagrante lorsque nous nous intéressons à la question de l'accueil des gens du voyage par les quatre communes. Il est en effet difficile de trouver une cohérence entre accueil de populations nomades en vertu d'une loi et la conservation d'un espace vert.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe