WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La prise de l'aérodrome de Lille-Marcq par les élus municipaux : des usages et stratégies de légitimation d'un équipement restreint devenu territoire-ressource

( Télécharger le fichier original )
par Vincent PAREIN
Université de Lille 2 - Master 1 de science politique-action publique locale et nationale 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B) L'aérodrome : une solution d'opportunité pour la question nomade

1) La question nomade : raison d'être de l'intercommunalité et syndrome NIMBY des élus et usagers

« Nos collectivités locales se devaient donc, à un moment ou à un autre, de s'intéresser à ces plaines naturelles pour préserver l'un des rares poumons verts de la métropole, pour le bienêtre de nos populations ». Ces propos furent tenus par l'actuel maire de Wambrechies en 1996, lors de la réunion publique organisée par les quatre villes afin de publiciser leur union. Lors de cette conférence où la presse locale avait été invitée, personne n'aborda la question de l'utilisation de ces « plaines naturelles » pour l'accueil temporaire de gens du voyage. Pourtant, depuis les années 90, L'État, propriétaire du terrain (jusqu'en 2007), utilise quelques hectares de celui-ci afin de proposer

137 Entretien du 9/04/09.

aux communautés nomades des zones provisoires. Du côté des élus, la question nomade, même si elle ne paraît pas être aussi mise en avant que l'utilisation du territoire en tant que zone verte vis-à-vis du public et de la presse, apparaît pourtant comme primordiale et nous soutenons ici que l'aventure intercommunale a ici une de ses principales justifications.

Depuis 1990138, des dispositions juridiques imposent aux communes de plus de 5000 habitants de mettre à disposition de l'État des terrains afin d'accueillir ces populations nomades. Il ne fait aucun doute que la question des gens du voyage est l'objet de tensions diverses139, reconnues par les pouvoirs publics140. Sur le plan local en tout cas, les élus ont indiqué au sein de la déclaration de principe commune141 relative à la création du syndicat intercommunal qu'un des objectifs de cette union est de remplir les obligations juridiques précitées. Un comité syndical d'avril 1997142 était ainsi l'occasion pour le premier président du SIVOM, Paul Astier, de rappeler que la préoccupation du SIGAL est la loi Besson.

Si les communes de plus de 5000 habitants sont tenues de mettre à disposition un terrain à cet effet, l'État quant à lui, est chargé du respect par les communautés des durées prévues d'occupation des dites zones ainsi que de la sécurité et salubrité des lieux, en vertu de ses pouvoirs régaliens. Une mise en perspective historique de l'accueil des gens du voyage sur l'aérodrome de Lille-Marcq met en relief à ce sujet des tensions entre « pouvoir périphérique » et « centre », tensions incarnées par les relations entre les élus municipaux (emmenés par les quatre maires) et le préfet du Nord. Le dépouillement de toutes les délibérations intercommunales nous permettent de souligner l'extrême sensibilité des représentants des communes par rapport aux questions du respect des délais légaux d'occupation ainsi que de sécurité des sites, notamment vis-à-vis des habitants permanents des communes. A de nombreuses occasions, les élus critiquent143 le laxisme du préfet par rapport à ces thèmes, compétences étatiques. Le préfet quant à lui, s'est montré défavorable144 à la solution « solidaire » proposée par les membres du SIGAL, ces derniers proposant une aire d'accueil temporaire commune aux quatre municipalités pour les grands rassemblements. A d'autres reprises, ce sont les élus locaux qui notifient leur refus des propositions d'aires élaborées par les services préfectoraux.

138 Lois dites Besson des 31 mai 1990 et 5 juillet 2000.

139 Entre forces de l'ordre et certains membres de ces communautés par exemple : 60 gendarmes et policiers confrontés à plusieurs dizaines d'hommes armés, Le Dauphiné Libéré, 27/06/08.

140 Intervention du secrétaire d'État au logement L. Besson, à l'Assemblée Nationale, le 24/02/00.

141 Déclaration adoptée par les 4 conseils municipaux en début d'année 1995.

142 CS du 3/04/97.

143 CS des 8/04/98, 6/05/98, 10/06/98, ou encore 21/03/02. Liste non-exhaustive.

144 CS du 20/06/97.

Il nous semble que ces oppositions peuvent s'expliquer par le syndrome NIMBY des élus locaux. NIMBY est l'acronyme pour « not in my back yard », ou « pas dans mon jardin » en français. Ce concept, étudié en sciences humaines notamment par les focales psychologiques et sociologiques145, sert à caractériser des situations de refus de l'implantation de certains équipements jugés nuisibles ou dérangeants par des individus. Ce caractère dérangeant est une représentation, une construction subjective en fonction de critères et valeurs politiquement et socialement situées. Si ce phénomène a surtout été utilisé pour rendre compte de mobilisations de riverains ou groupements d'habitants, nous émettons l'hypothèse que celui-ci puisse contribuer à la compréhension de la sensibilité des municipalités constitutives du SIGAL à propos des nomades.

Le « jardin » des élus locaux pourrait être les territoires communaux, territoires à préserver de certains aménagements afin de conserver un cadre de vie spécifique146. Les aires d'accueil pour les gens du voyage apparaissent comme des équipements non désirés par ces élus. En 1998, les maires indiquent qu'ils s'opposeraient à toute zone « pas assez distante des habitations »147. Selon nous, cela illustre le syndrome NIMBY des communes vis-à-vis de la question nomade. Plus explicites ont été les propos d'un élu que nous avons interrogé à ce sujet :

« C'est pas qu'on veuille pas les voir mais ils sont tellement envahissants que...chacun chez soi. »148.

Nous avons également repéré pareil syndrome parmi les usagers aéronautiques. En 1996, les élus souhaitent recueillir les avis des usagers de l'aérodrome par rapport à la future mutation domaniale de celui-ci. Les correspondances auxquelles nous avons pu avoir accès indiquent que les usagers souhaitent que les gens du voyage ne s'installent pas dans leur « jardin » que constitue le champ d'aviation. Certains proposent de déloger ces communautés sans pour autant proposer d'autres aires tandis que des oppositions se font jour entre diverses entités concernant les idées de déplacement de zones dans l'emprise même de l'aérodrome. Là encore, les entretiens directs permettent d'appuyer cette thèse du syndrome NIMBY des usagers :

« -Comment vous percevez l'utilisation de l'aérodrome pour remplir les obligations de la loi Besson ?

145 ION Jacques, « Le cas Nimby (not in my back yard) », revue Sciences Humaines, La France en débats, Hors-série N° 39 - Décembre 2002/Janvier-Février 2003.

146 DAVIS M., op. Cit.

147 CS du 8/04/98.

148 Entretien, 9/04/09.

-Bah, bon gré malgré. Ça nous enchante pas mais si ils sont bien barricadés si je puis dire, sans trop les enfermer quand même, mais évider que des chiens ou des gosses qui s'évadent sur la piste.(...)Mais c'est normal, on est bien obligé, c'est la loi Besson c'est comme ça. Vous avez vu, il y a une semaine, ils nous ont envahis, à l'entrée. Ah ils s'embêtent pas, ils viennent avec un bulldozer et hop, ils passent. »149

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams