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La prise de l'aérodrome de Lille-Marcq par les élus municipaux : des usages et stratégies de légitimation d'un équipement restreint devenu territoire-ressource

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par Vincent PAREIN
Université de Lille 2 - Master 1 de science politique-action publique locale et nationale 2009
  

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2) Une solution localisée à l'obligation Besson

Un à priori juridique consiste à affirmer que les dispositions législatives et règlementaires sont applicables de façon uniforme dans tout le territoire français. La sociologie de l'action publique et du droit ont pourtant mis en échec cette assertion. Les textes juridiques peuvent en effet faire l'objet de redéfinitions locales ou circonstanciées car ils n'ont guère de pouvoirs propres et sont ce que les acteurs sociaux en font.

Si les dispositions des lois Besson ne confèrent en théorie aux communes qu'une obligation de fournir un terrain à l'État, nous souhaitons montrer que celles-ci deviennent de fait des cogestionnaires de cette compétence d'accueil et souhaitent à ce titre (non octroyé par les lois) être des partenaires incontournables. Depuis 2002, LCMU est compétente pour la gestion administrative des

aires d'accueil des gens du voyage, la préfecture ayant en charge le respect des modalités d'accueil des populations nomades. Les élus locaux vont en fait, à partir des années 2000, imposer au préfet et à LMCU une négociation d'une convention tripartite permettant de qualifier la solution intercommunale d'accueil150 comme étant conforme aux obligations de la loi Besson. Les maires mettaient en avant que la gestion par l'État de ce dossier durant les années 90 était « mauvaise »151. Ce volontarisme des élus dans ce dossier est d'autant plus notable que certaines communes avaient déjà trouvé d'autres emplacements à la suite du refus initial de cette solution intercommunale. Ainsi, sans entrer ici dans le détail du processus de négociation entre ces divers acteurs, nous constatons que des élus locaux ont obtenu du préfet que leur proposition d'organisation en commun de l'accueil des gens du voyage soit finalement adoptée et intégrée au schéma départemental signifie pour eux qu'ils sont dès lors considérés comme en règle avec la loi :

« Donc on a calculé un certain nombre de nuitées. Ça été bien fait par les politiques. On a calculé et on s'est
dit ben voilà ça correspond aux obligations des quatre communes avec un camp permanent et ben là on va
le faire en provisoire. On a dit que Marquette avec 10000 habitants, Wambrechies-Bondues c'est tous entre

149 Entretien 11/05/09.

150 Création d'une aire d'accueil de 400 caravanes maximum divisée en quatre espaces dans l'emprise de l'aérodrome.

151 CS 21/03/03.

10-12000, nous 40000 en camp permanent ça fait tant de places, tant de nuitées et bien nous va faire toutes ces nuitées, on les regroupe et on va faire tout ça ici. On le fait sur les rassemblements religieux, la braderie. (...)Bah tout le monde était content...on va pas jouer les faux-culs, on a réglé le problème des gens du voyage comme ça pour les quatre communes. Et ça été acté avec l'État, c'est reconnu comme mise à jour avec nos obligations avec la loi Besson. »152.

Si la loi du 5 juillet 2000 mettant en avant la possibilité de solutions intercommunales, cet épisode montre bien que les acteurs étatiques doivent composer avec les collectivités locales dans un permanent « jeu du compromis »153et que des dispositions à priori impératives et non négociables se retrouvent redéfinies en fonction des interactions locales et du lobbying des élus.

Le syndrome NIMBY diagnostiqué chez les élus municipaux, nous allons voir comment celui-ci s'est traduit dans les faits. Les travaux d'aménagement des aires d'accueil définitives ont été entamés durant l'année 2009, la presse locale s'étant d'ailleurs faite l'écho de ces chantiers154. L'aérodrome se révèle géographiquement isolé des logements permanents des communes de Bondues, Marquette, Marcq et Wambrechies. Pourtant, il a été décidé que les espaces pour les communautés nomades soient « sectorisés »155 par de hauts talus de terre. Un autre élu local nous disait la même chose plus clairement encore : « on fait monter une butte comme ça on isole les gens du voyage »156.

Cette logique de sectorisation des aires nomades n'est pas nouvelle puisqu'en 2002 déjà, le maire de Wambrechies demandait qu'une clôture soit installée « en défense »157 des gens du voyage. Un an après158, le même élu affirmait vouloir « canaliser » les gens du voyage par des buttes en terre. En outre, en 2006, certains membres du SIGAL confiaient leur crainte que l'aire d'accueil devienne permanente. Lorsque les élus ont eu à rédiger un texte présentant leur solution intercommunale, il y sera réaffirmé le caractère non-permanent de ce type d'accueil159. Bref, nous soutenons que cette stratégie de sectorisation de ces zones dans l'emprise d'un aérodrome déjà naturellement isolé du coeur des villes constitue une application territorialisée du syndrome « pas dans mon jardin ».

152 Entretien du 9/04/05.

153 Le Lidec P., op. Cit.

154 « L'aire d'accueil de l'aérodrome sera prête pour la prochaine braderie de Lille », VDN, 13/01/09.

155 Propos du maire de Bondues, P. Delebarre, cité par la Voix du Nord, ibid.

156 Entretien du 9/04/09.

157 CS 21/03/02.

158 CS 8/02/03.

159 CS 10/04/06.

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Au départ de cette modeste entreprise de recherche, nous nous interrogions sur la faisabilité et la pertinence d'une étude portant sur un syndicat intercommunal à vocations multiples chargé d'entretenir et d'aménager un petit aérodrome local, dont l'équipement s'avère sommaire comparativement à des plateformes telles que Lille-Lesquin ou Merville-Calonne pour prendre des exemple situés dans le même département. Aux carrefours de la sociologie de l'action publique et du pouvoir local et inspirés par les travaux déjà menés, nous avons souhaité savoir si ce syndicat n'était pas qu'une créature municipale de gestion de projets divers mis en cohérence par un discours global par trop simplificateur.

Notre monographie de l'institution intercommunale nous a permis de ressortir les éléments pouvant s'opposer à la thèse du pouvoir intercommunal inachevé. Des processus de routinisation de l'appareil administratif proprement intercommunal, notamment depuis l'embauche de deux permanentes en 2001, ont ainsi été observés. En outre, le SIGAL constitue une marque quelque peu différenciée des communes, ce qui peut-être appréhendé par l'entreprise de communication effectuée à ce niveau. Pour autant, nous estimons que les dispositifs de verrouillage mayoral de l'intercommunalité montrent bien que l'intercommunalité est bel est bien la chose des communes génitrices, plus précisément des exécutifs municipaux. Même si ce territoire se trouve être un espace imbriqué dans d'autres échelons (LMCU) et systèmes administratifs (tutelle de la DGAC), les arbitrages décisifs relatifs aux destinées de l'aérodrome de Lille-Marcq-en-Baroeul se tiennent au niveau des communes, pour preuve les potentialités de blocages observés au sujet des questions financières.

Cette intercommunalité communale, est un outil contribuant à emballer dans une perspective loisirs naturels des projets assez différents pour peu que nous délions les attaches constituées par les discours. L'aviation, activité restreinte et polluante, est pérennisée par les quatre communes, prises dans « l'illusio »160 de l'aviation-spectacle et de l'aviation comme thème rentable au plan économique. La prise de l'aérodrome par les élus et les divers aménagements de loisirs prévus dans son emprise peut ainsi être observés comme un exemple localisé voire bourgeois de ré-

160 « le fait d'être pris au jeu, pris par le jeu, de croire que le jeu en vaut la chandelle, ou pour dire les choses simplement, que ça vaut la peine de jouer », BOURDIEU Pierre, Intérêt et désintéressement, Cahiers du GRS, n° 7, 1988, p. 11.

appropriation des thématiques de défense de l'environnement et de développement durable. Enfin, ce « territoire-ressource » a offert aux communes une opportunité de distanciation de communautés nomades perçues comme inhospitalières et non-intégrables à la communauté municipale.

Quoiqu'il en soit, notre travail montre que s'intéresser à des petits terrains de recherche jusqu'alors délaissés peut mettre en exergue des éléments à la fois confirmatifs et complémentaires de contributions scientifiques précédentes. La décentralisation de plus d'une centaine d'infrastructures aéronautiques offrent de nouvelles possibilités d'interroger ce qu'est l'action publique locale et les systèmes d'interactions entre acteurs multiples mus par des statuts, intérêts et représentations divers. Par exemple la sociologie des mobilisation pourra être alimentée par de futures études portant sur des équipements aéroportuaires dont on a pu entrevoir de façon très limitée les effets potentiels sur l'action collective de riverains. La sociologie de l'environnement pourra quant à elle offrir des outils susceptibles de comprendre comment les gestionnaires d'aéroports tendent à concilier défense du transport aérien et développement durable. Bref, nous plaidons pour la multiplication d'études portant sur des équipements qui n'ont pour l'instant suscité que peu de « survols ».

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry