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La prise de l'aérodrome de Lille-Marcq par les élus municipaux : des usages et stratégies de légitimation d'un équipement restreint devenu territoire-ressource

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par Vincent PAREIN
Université de Lille 2 - Master 1 de science politique-action publique locale et nationale 2009
  

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2) L'aérodrome aux prises avec les choix communaux

Avant que le SIGAL devienne le plein propriétaire de l'aérodrome68, il n'a été légalement que gestionnaire d'un site propriété d'État (1999-2006). Historiquement, il apparaît que c'est l'État, par l'intermédiaire de la DGAC (sous la tutelle du ministère des transports), qui a manifesté sa volonté de se désengager de cette plateforme au profit de la chambre de commerce et d'industrie de Lille, disposant d'un droit de préférence en cas de transfert effectif. Nous avons abordé en propos introductif le fait que l'association des communes de Bondues, Marcq, Marquette et Wambrechies a été une réaction des élus locaux face à cette perspective.

Par la création de l'intercommunalité, il s'agissait de négocier avec les représentants de l'État la prise de ce territoire via une contractualisation des relations entre « centre » et collectivités locales. Partant de cela, nous rompons déjà avec une idée fortement présente en France : la décentralisation serait un processus largement appréhendable par une lecture de type « top-down », c'est-à-dire venant du haut et imposé en bas, ici, au niveau des collectivités territoriales. En rupture avec cette idée, des travaux analysant cette question de la décentralisation ont montré qu'il s'agit en fait d'un jeu de négociations mutuelles « top-down » et « bottom-up », ou un « jeu du compromis » comme le soutien69 Patrick Le Lidec. Le retour sur cette convention de mutation domaniale, contrat de droit public régissant les droits et devoirs respectifs du délégant (ici l'État) et délégataire (le SIGAL), offre un cas plutôt en faveur de « l'école des compromis centre-périphérie ».

Dès 1996, les deux partenaires discutent d'une convention de transfert de gestion en cours de rédaction par les services de l'État. Ce projet aurait bien pu être le seul puisque dès 199770, les membres du syndicat, à l'unanimité, sont d'accord pour que le président du SIGAL ratifie ce document. Pourtant, quelques mois après71, à l'unanimité, les élus intercommunaux demandent solennellement une re-négociation dudit texte. Comment expliquer ce volte-face des quatre municipalités ? Le SIGAL s'est entre-temps attaché les services d'un avocat de droit public qui leur a notifié que la convention lui paraissait nettement favorable à l'État, ne conférant point de « droits réels de propriété »72au syndicat intercommunal et, par incidence, aux communes. Les élus ont donc demandé aux représentants de l'État un nouveau texte, fruit d'un compromis négocié semble-t-il

68 Au 1/01/07.

69 LE LIDEC Patrick, Le jeu du compromis : l'État et les collectivités territoriales dans la décentralisation en France , in Revue française d'administration publique, 2007/1, n° 121-122, pp 111-130.

70 Comité syndical du 3/04/97.

71 CS du 19/09/97.

72 Ibid.

âprement puisque la signature de ce second opus interviendra en octobre 1999, près de deux ans après le véto de la « périphérie » au « centre ».

L'impossible dépassement des communes se rencontre également à propos des questions budgétaires et financières débattues au niveau de l'intercommunalité. Si cette aventure intercommunale peut être un exemple typique d'action publique territorialisée (une association de villes pour la gestion globale d'un territoire supra-communal), elle permet de souligner des « logiques de guichet »73ou logiques de repli des élus municipaux (des maires surtout) dans l'optique d'une défense des ressources et positions au sein du champ politique municipal. Il nous est apparu que les débats consacrés au financement de l'intercommunalité contrastent quelque peu avec l'apparent « consensus intercommunal » mis en avant par la forte occurence des décisions à l'unanimité. Le SIGAL étant un SIVOM, ses membres peuvent choisir entre deux grands modes de financement74 du budget intercommunal : la contribution forfaitaire prise sur les quatre budgets municipaux ou la fiscalisation, consistant à créer une nouvelle ligne d'impôt pour les habitants.

Par cette explication synthétique, nous voyons que la contribution forfaitaire doit être privilégiée si la volonté politique des majorités municipales est de limiter la fiscalité locale. Il s'avère que lors des campagnes électorales, cette rhétorique de la fiscalité maitrisée est un sujet à fort enjeu pour les listes municipales. A la création du SIGAL, ce sera bien le choix d'une contribution forfaitaire qui sera fait par les conseils municipaux respectifs, compétents pour la sélection d'un mode de financement intercommunal. La question de l'affectation et du retour des dépenses réalisées, soulevée entre autres par le maire de Wambrechies75, illustre bien selon nous ce repli sur un calcul couts-avantages municipaux de la part des maires. Nous proposons l'hypothèse que ceux-ci tiennent à ce que les investissements opérés au niveau intercommunal leur octroient des ressources et retombées pleinement exploitables au sein du champ politique communal, aussi bien vis-à-vis des opposants que des habitants-électeurs.

En février 200376, le président du SIGAL évoque une fiscalisation des contributions en soulignant
alors que ce procédé permettrait d'augmenter les capacités budgétaires du SIVOM77. Dès mars
2003, ce sujet est à nouveau à l'ordre du jour. Il suscite alors de vrais désaccords puisqu'il est

73 DOUILLET A-C., Les élus ruraux face à la territorialisation de l'action publique locale, RFSP, n°53, 2003, pp. 583-593.

74 http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/finances-publiques/approfondissements/financementintercommunalite.html

75 CS du 16/03/00

76 CS du 8/02/2003.

77 A l'instar de ce que démontre D. Gaxie, nous pouvons voir que le président du SIGAL, dans l'arène intercommunale, semble être, toutes choses égales par ailleurs, l'acteur qui porte le plus la « conscience et l'identité intercommunale ». Cf : GAXIE D, op. Cit, p 36.

annoncé que si la méthode des versements forfaitaires78 (24000 euros par communes en part fixe) est maintenue79, les conseils municipaux de Bondues, Marquette et Wambrechies ont délibéré pour fiscaliser en partie cette participation, via un système de reversement de un tiers des recettes issues des impôts fonciers. Il nous paraît notable, en écho avec ce que nous avons précédemment dit sur le repli communal, de mettre en relief le fait que ce sont les trois communes qui ont la quasi-totalité du territoire de l'aérodrome sur leurs communes qui acceptent de fiscaliser en partie leur apport financier à l'intercommunalité, ces mêmes communes qui devraient le plus profiter des retombées économiques des aménagements projetés. Cette fiscalisation se fera d'ailleurs sur fond de débats récurrents sur les « services offerts aux habitants »80 en contrepartie de cet engagement. Jusqu'en 2008, le maire de Marcq-en-Baroeul et sa majorité ont refusé de fiscaliser la contribution de leur ville au motif explicite que cela « ajouterait une nouvelle ligne sur la feuille d'impôts des habitants ». La perspective de développement d'une zone économique à l'entrée de l'aérodrome, près de Marcq, nous autorise à penser que ce changement de position pourrait être en partie motivé par cette proposition.

Le dernier épisode illustratif du repli communal mis au jour par le prisme des questions pécuniaires date de février 2009. Le maire de Wambrechies a ainsi menacé de mettre son veto lors du vote du budget intercommunal si un accord n'était pas trouvé pour de nouveaux critères de calcul de la participation des quatre villes, soulignant que l'ancien système était inégalitaire au regard des critères précédemment fixés :

« Nous sommes la ville qui paie le plus. Ce n'est pas normal, d'autant que les investissements sur la zone d'entrée de l'aérodrome bénéficieront à Marcq et Bondues »81.

Cette menace de blocage de fait de l'intercommunalité incitera les partenaires à définir, un mois plus tard de nouveaux82 critères de calcul des contributions, fondateurs d'une « participation à la carte »83.

78 Calculée sur la base de critères définis : nombre d'habitants, potentiel fiscal et territoire d'investissement.

79 Au motif qu'il y a un « risque d'augmentation des impôts locaux », CS du 21/03/03.

80 Interrogation des élus marquois à ce sujet lors du CS du 21/02/08.

81 Le Maire de Wambrechies cité par La Voix du Nord, « Finances : quelles contributions pour les communes du SIGAL ? », 25/02/09.

Voir également, Nord Eclair, « Finances du SIGAL : l'ultimatum de Daniel Janssens », 25/02/09.

82 Ibid.

83 Nord Eclair, « Sigal : quel prix à payer ? », 26/02/09.

Cette première partie de notre travail nous autorise à adopter la thèse majoritaire au sujet de l'intercommunalité : elle parait bien être un « pouvoir inachevé »84 voire une créature municipale en ce qu'elle semble solidement encadrée par les élus municipaux qui déploient diverses stratégies et outils de neutralisation de cet échelon : présidences et vice-présidences distribuées entre maires; logique d'encadrement des permanents par des conseillers envoyés communaux; arbitrages ultimes des élus municipaux en coopération (PLU) ou éventuellement en discordance (tensions sur les questions budgétaires). Cette position pourrait à priori paraître pour le moins tranchée et définitive si nous n'avions pas entrevu les éléments tempérant cela : autonomisation progressive de la machinerie administrative, identité et communication différenciée (logos, promotion spécifique du SIGAL).

Nous allons maintenant entreprendre à analyser plus finement les usages effectifs du territoire géré par le SIGAL. La focale sur la seule ingénierie politico-institutionnelle ne suffit pas à appréhender les apports que peut fournir ce type d'étude sur un territoire original ayant peu fait l'objet de travaux en sciences sociales et politiques. Nous envisageons que le SIGAL est une institution chargée de définir et de mettre en oeuvre un projet territorial cohérent alors même qu'il est possible de ne voir qu'une utilisation « à la carte » d'un vaste « territoire-ressource »85. Selon nous, les membres de cette aventure intercommunale tiendraient un discours de mise en sens dans le sens où il s'agit de diffuser l'idée que la prise de l'aérodrome permet de proposer aux habitants locaux un espace de loisirs naturels, un « poumon vert »86.

Sans dénier ici l'influence des discours et représentations des acteurs dans l'action publique, nous nous attacherons à mettre en lumière que ce discours, que l'on pourrait synthétiser par la formule « un territoire, un projet »87, paraît être un « voile de la réalité ». Un territoire, des projets pourrait être plus approprié pour résumer les usages de cet espace. Ainsi, un projet « aviation » existe et tend à être mis en valeur en tant que thématique maitresse, aux côtés d'un projet de poumon vert de loisirs « nature ». Enfin, ce territoire a offert une opportunité aux quatre communes partenaires de remplir leurs obligations légales en matière de mise à disposition d'aires pour les gens du voyage.

84 En référence explicite aux travaux de R. Le Saout.

85 MABILEAU A., Les génies invisibles du local. Faux-semblants et dynamiques de la décentralisation., RFSP, n°3- 4, vol 47, 1997, pp. 340-376.

86 http://www.ville-bondues.fr/alentours.htm

87 BEHAR Daniel, « Les nouveaux territoires de l'action publique », in D. PAGES, N. Pelissier (dir.), Territoires sous influence, L'Harmattan, 2000.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway