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Problématique environnementale de l'exploitation des sables bitumineux en Alberta (Canada)

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par Claude Bandelier
Université Libre de Bruxelles - Master en Gestion de l'Environnement et Master en Biologie 2010
  

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4. IMPACTS SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX 4.1. Généralités

Si le potentiel économique des sables bitumineux du Canada est incontestable, le rythme effréné et la dimension de leur exploitation, s'accompagnent de conséquences sociales et environnementales inquiétantes. Le gouvernement provincial alloue des terrains sans préoccupation réelle des enjeux environnementaux et la faiblesse des garanties offertes par l'industrie sur le sujet semblent mener droit à la catastrophe écologique. Les études d'impacts sont encore peu nombreuses, mais s'accordent pour dire que le risque est réel et devrait être pris en considération. Les préoccupations à l'égard de la gestion des effets de l'exploitation des sables bitumineux sur l'environnement ont atteint de nouveaux sommets et la conscience publique sur les conséquences environnementales du développement de ce secteur se réveille incontestablement.

4.2. Impacts environnementaux locaux

4.2.1. Atteintes lade forêt e

boréalet des tourbières et remise en état

L'extraction minière (extraction de surface) des sables bitumineux dans le Nord de l'Alberta est responsable d'une transformation radicale de la forêt boréale de l'Athabasca. La procédure d'allocation des terrains est basée sur la supposition que les régions forées seront restaurées en un écosystème proche de l'état initial avant la perturbation. La remise en état est la dernière étape que les sociétés pétrolières doivent accomplir avant la fermeture complète du terrain minier (Grant et al., 2008). Or la réglementation n'a aucune exigence spécifique et il n'existe pas de critères de remise en état. De plus, il semble que la restauration des zones humides 1 comme les marais et les tourbières 1 soit extrêmement difficile à réaliser et que les types d'habitats définitivement dégradés ne soient pas clairement identifiés. Les données historiques ne sont pas suffisantes pour déterminer l'efficacité de la remise en état sur le long terme. Devant tant d'incertitudes et de risques environnementaux, une lourde dette environnementale et fiscale peut être à craindre pour les Canadiens. D'autant que le programme de sécurité de restauration est un programme fermé qui manque de transparence. Les informations concernant les coûts, les responsabilités, ainsi que la fréquence de validation par le gouvernement de plan de remise en état ne sont pas disponibles publiquement ou difficilement accessibles (Grant et al., 2008).

(a) La forêt boréale et les opérations minières des sables bitumineux

Constituée d'une mosaïque de zones humides (tourbières, marais), de forêts, de lacs et de rivières, la forêt boréale s'étend sur 310 million d'hectares à travers la Canada, couvrant environ 30% de la superficie du pays. 40% de la forêt est constitué de zones humides et la couverture de tourbière est la plus grande au monde (Woynillowicz et al., 2005). Cette forêt abrite une riche diversité d'espèces végétales : 600 plantes vasculaires, 17 fougères, 104 mousses, 13 hépatiques, 188 lichens; et de nombreuses espèces animales : 45 mammifères, 236 oiseaux, 1 reptile, 5 amphibiens et 40 poissons (Stelfox, 1995). Certaines des espèces présentes sont menacées, tel le caribou des bois, classé comme espèce menacée tant au niveau provincial qu'au niveau national. Le paysage de la forêt est topographiquement, climatiquement et biologiquement très varié et constitue, en plus d'une intéressante source de biodiversité, un lieu de vie et d'usage traditionnel pour certains peuples indigènes (Grant et al., 2008).

La fraction des sables bitumineux du dépôt de l'Athabasca qui se situe suffisamment près de la surface pour être exploitée par la technique d'extraction à ciel ouvert s'étend sous le sol de la forêt boréale, sur une surface de 3'400 kilomètres carrés (Government of Alberta, 2008a). Avant l'extraction minière proprement dite, la forêt, les zones humides et le sol doivent être nettoyés, drainés et retirés. Les rivières et les ruisseaux sont détournés, le couvert boisé et la végétation sont coupés. Le bois qui peut être vendu est récupéré et le reste est brûlé41. La couche supérieure, généralement constituée de marécages, de tourbières ou de muskegs, est ensuite retirée, après avoir été drainée. Ce processus de déshydratation peut parfois durer jusqu'à trois ans. Le mortterrain est alors retiré à l'aide de gigantesques pelles mécaniques et de tombereau pour être placé dans de grandes décharges ou stocké dans des fosses. Il est parfois compacté en digue afin de créer des barrages servant à contenir la gangue des minerais, les déchets et les bassins de résidus (Grant et al., 2008). Les dépôts de sables bitumineux sont alors exposés et peuvent être extraits ( Figure 14). Ils constituent une couche de 40-60 mètres d'épaisseur qui repose sur une plaque de calcaire. La composition moyenne des sables bitumineux de l'Athabasca se répartit en 83% de sable, 3% d'argile, 4% d'eau et 10% de bitume. Ceci qui implique que d'énormes quantités de sables bitumineux doivent être extraits pour produire un seul baril de bitume42. On estime qu'environ 2'000 kilogrammes (kg) sont nécessaires pour la production d'un baril. Ce chiffre doit être additionné aux 2'000 kg de mort-terrain par baril ayant été préalablement retirés pour permettre l'accès aux sables bitumineux (Grant et al., 2008 ; Woynillowicz et al., 2005).

En plus de l'exploitation minière et de l'extraction in situ, la région est également exploitée pour du pétrole et du gaz conventionnels, ainsi que pour l'industrie forestière. Cependant les opérations minières de surface, qui représentent la méthode d'extraction la plus intensive et dommageable pour l'environnement, ont drastiquement altéré le paysage et le sol et modifié l'hydrologie. En plus de l'élimination directe de grandes aires de vie sauvage et d'habitats, le bruit et la présence humaine gênent les espèces dans un large périmètre autour des aires d'exploitation (Woynillowicz et al., 2005).

Figure 14. Opération minière dans la région de l'Athabasca. Source: Pica, 2010.

41 Environnement Canada a mis en évidence que la quantité de forêt boréale déboisée par l'industrie gazière et pétrolière, y compris l'industrie des sables bitumineux, égalait ou même dépassait la quantité prélevée chaque année par l'industrie forestière (Collister et al., 2003).

42 cf. chapitre 2.3.1. Exploitation et extraction à ciel ouvert, p.14.

(b) Disparition des zones humides

Les perturbations cumulées, entre 1967 et 2006, par le développement de l'exploitation des sables bitumineux s'étendent sur une surface de 47'832 hectares (ha). En 2008, seul 13.6% de ces aires perturbées étaient considérées comme remises en état selon les critères des exploitants des sables bitumineux, mais à cause d'un manque de transparence et de critères réglementés, cette déclaration n'a pas été officiellement certifiée (Grant et al., 2008). Actuellement, seuls 0.2% (104 ha) des terres affectées par les opérations minières ont été formellement certifiées comme remise en état par le gouvernement de l'Alberta et conséquemment rendues au public. Toutefois, la parcelle concernée, connue sous le nom de Gateway Hill, présentait à l'origine les caractéristiques de zones humides de basse altitude. Pendant l'utilisation du site par la société Syncrude, du matériel issu de l'excavation de mort terrain y a été stocké. Lorsque la parcelle a été remise en état, elle était transformée en forêt de hautes terres vallonnée (Grant et al., 2008).

La remise en état des paysages, comme elle est actuellement proposée par les industries, laisse présager la reconstruction d'écosystèmes radicalement différents de leur état initial. Les plans actuels prévoient la création de forêts vallonnées sèches à la place des zones humides, comprenant un grand pourcentage de lacs (issus des bassins de rétention des déchets), mais n'envisagent pas la reconstruction de tourbières. Ces dernières nécessitent une période de plusieurs milliers d'années de conditions anaérobiques pour se former et se stabiliser en un stade mature stable et ne semblent donc pas pouvoir être reconstituées (Harris et al., 2007). On estime que, dans les décennies à venir, les opérations d'extraction des sables bitumineux auront converti et donc supprimé de manière irréversible presque 10% des régions humides (Grant et al., 2008 ; Woynillowicz et al., 2005).

Ces régions couvrent approximativement 40% de la forêt boréale de l'Alberta et remplissent d'importantes fonctions écologiques. En plus d'héberger une faune et une flore très spécifiques, les zones humides et les tourbières jouent le rôle d'éponges et de filtres. Elles régulent les flux hydriques de surface et des eaux souterraines en absorbant l'eau de la fonte des neiges au printemps et des orages en été ce qui permet de recharger les aquifères souterrains en périodes de sécheresse et de prévenir l'érosion du sol (Woynillowicz et al., 2005). Les zones humides constituent des écosystèmes complexes nécessitant d'être saturées en eau une partie de l'année. Les propriétés chimiques, les caractéristiques des connections hydrologiques, de stockage d'eau et de perméabilité du sol pour maintenir l'équilibre de l'écosystème sont fragiles et la reconstitution semble incertaine. Il n'existe actuellement pas de succès permettant de démontrer la possibilité de remettre en état ce type d'écosystème.

(c) La remise en état des sols

Pour que les terrains affectés par l'exploitation des sables bitumineux puissent être rendus à la province de l'Alberta, la compagnie doit démontrer que le terrain présente « une capacité de sol équivalente » (« equivalent land capability ») ce qui signifie que : « la capacité du terrain à résister à diverses utilisations après la conservation et la remise en état est similaire à celle qui existait avant qu'une activité y ait été menée, mais que les utilisations individuelles des terres ne seront pas nécessairement identiques43 » La définition est étrangement sibylline et ne stipule pas de recréer l'écosystème d'avant la perturbation.

L' « equivalent land capability» est actuellement mesurée à l'aide d'un document guide, le Land Capability Classification for Forest Ecosystems in the Oil Sands (LCCS). Le LCCS a été crée pour faciliter l'évaluation des capacités du sol des écosystèmes sylvestres de la région de la forêt boréale

43 Traduction libre à partir de l'anglais de la définition suivante : «the ability of the land to support various land uses after conservation and reclamation is similar to the ability that existed prior to an activity being conducted on the land, but that the individual land uses will not necessarily be identical» (Grant et al., 2008).

de l'Athabasca et des terrains remis en état (Grant et al., 2008). Ce document utilise indirectement des facteurs économiques et de production pour établir la classification des écosystèmes, et par là favorise la remise en état vers un écosystème propice à l'exploitation forestière (Cumulative Environmental Management Association, 2006). Ainsi les catégories de sol des zones humides et des tourbières sont faiblement classées, ce qui peut donner lieu à des situations perverses : en utilisant l'échelle de la LCCS, une société d'exploitation des sables bitumineux, ayant remplacé un terrain constitué de tourbière par une forêt sèche exploitable, pourrait prétendre avoir amélioré le terrain par rapport à son état antérieur à la perturbation (Hildebrand, 2008 ; Grant et al., 2008).

Les étapes générales de la remise en état des terrains sont : le nivellement des morts-terrains, le remplacement des sols, la revégétalisation et la gestion du paysage. La reconstruction des sols est une étape critique pour le succès du processus.

La qualité du sol reconstruit est déterminante pour la stabilité et la biodiversité de la flore et de la faune et nécessite que le climat, la topographie, les matériaux et les caractéristiques de drainage soient pris en compte (Cumulative Environmental Management Association, 2008). La surface des terrains à reconstruire est recouverte d'une couche de terre constituée d'un mélange tourbe-sol minéral récupérée d'aires dédiées à l'exploitation minière ou à partir de stocks. Si aucun mélange de tourbe-minéraux n'est disponible, 50-70 centimètres (cm) de matériau de sol sablonneux ou argileux peut être placé au-dessus des résidus de sables ou des morts-terrains appropriés. Depuis peu, de l'humus de forêt est utilisé comme source alternative de matière organique (McMillan et al., 2007). Les sols doivent respecter certains paramètres, tels l'humidité et les propriétés physiques et chimiques, identifiés par le manuel LCCS44 (Grant et al., 2008). Cependant, plusieurs études ont montré que les caractéristiques des sols remis en état et des sols naturels étaient significativement différentes. La compaction des sols par l'utilisation de grands véhicules pendant la remise en état provoque une augmentation de leur densité, alors que l'utilisation de matériaux minéraux alcalins mélangés à la matière organique élève leur pH. Enfin les sols remis en état sont plus humide et ont une température plus basse (McMillan et al., 2007).

En plus de la structure du sol, la vitesse de décomposition de la matière organique et la composition en microorganisme sont modifiées dans les sols remis en état. La biomasse et l'activité microbienne, responsables des cycles de l'azote et du carbone, se retrouvent diminuées même 20 ans après les opérations de restaurations. Il en va de même pour les champignons mycorhiziens (impliqués dans l'association symbiotique entre les hyphes des champignons et les racines de certaines plantes), dont l'absence pourrait se révéler un réel problème pour la forêt boréale, puisque ils sont nécessaires aux arbres de cet écosystème pour absorber les nutriments dont ils ont besoin (McMillan et al., 2007 ; Rowland et al., 2009).

Certains opérateurs des sables bitumineux (Imperial Oil Resources Ventured Limited, 2006) concluent que des profils physico-chimiques grossièrement similaires des sols naturels et des sols de terrains remis en état démontrent que l' « equivalent land capability» a bien été atteinte. Or, la comparaison de la composition et de l'abondance des espèces végétales entre sites naturels et sites remis en état montre une très faible similarité. Même deux ans après la restauration, les sites reconstruits présentent moins d'arbustes et un nombre beaucoup plus élevé de graminées que dans les aires naturelles ayant des conditions d'humidité et de nutriments équivalentes (Grant et al., 2008). Ainsi des propriétés physiques et chimiques similaires ne confèrent pas la même capacité de propagation à la végétation native et ne permet pas d'obtenir un paysage dont la couverture et la composition végétales s'apparentent à celles d'avant la perturbation.

44 Il est important de noter que le LCCS encourage la reconstruction d'écosystèmes favorable à la production forestière.

Afin d'établir le stade climax (stade où les communautés de plantes sont stables et capables de se reproduire elle-même), les opérateurs comptent sur le modèle de succession de plantes (des groupes d'espèces sont naturellement remplacés par de nouvelles espèces). Or, la prédominance des espèces herbacées et la difficulté d'invasion naturelle par les arbres et arbustes, même 30 ans après la remise en état, semblent contredire le modèle et confirmer que la revégétalisation ne se déroule pas comme prévu (Grant et al., 2008).

En outre, l'établissement permanent d'espèces non-natives et d'espèces invasives constitue un grave problème dans ce procédé. Que l'introduction soit volontaire 1 comme c'est le cas pour l'orge, qui joue un rôle dans le contrôle de l'érosion 1 ou accidentelle 1 comme pour le laiteron des champs, l'épilobe à feuille étroite, le mélilot ou les crépides (Cumulative Environmental Management Association, 2008) 1 ces espèces entrent en compétition avec les espèces indigènes et inhibent l'établissement des arbres et arbustes. Dans certains cas, ces plantes dominent sur les autres et peuvent couvrir presque 100% de la surface d'un site récemment remis en état (Grant et al., 2008).

(d) La remise en état des bassins de résidus et la gestion des résidus toxiques

Le processus selon lequel les résidus toxiques et les bassins de rétention sont gérés semble également incertain à long terme. Actuellement, deux méthodes pour assainir les résidus fins, principalement générés par l'exploitation minière45, ont été approuvées et seront utilisées.

La première méthode consiste à solidifier les résidus aqueux. Cette étape permet de réduire le volume des résidus, de recycler une partie de l'eau emprisonnée, de traiter plus facilement les résidus consolidés et de remettre en état rapidement les bassins ayant servi à les stocker (CAPP, 2009). Différentes techniques sont possibles pour réaliser la déshydratation des résidus aqueux : l'ajout de différents agents chimiques (gypse, chaux ou polymères) qui favorisent l'agglomération des particules solides entre elles, la centrifugation, le séchage à l'air ou la dessiccation par cycles de gel/dégel en hiver (CAPP, 2009). Il est ensuite prévu qu'une partie des dépôts de résidus consolidés soient inclus dans le sol du terrain à restaurer. Les résidus consolidés posent effectivement moins de problèmes que les résidus liquides, même s'il existe de grandes incertitudes sur le comportement des composants toxiques associés (concentrations en sels élevés, présence d'acide naphténique, traces de métaux46) en présence d'eau (risque de déplacement par ruissellement et infiltration) et sur la façon dont ils affecteront la végétation (Grant et al., 2008).

La transformation de la mine en lac terminal (« end pit lake» ou EPL), lorsque tout le bitume économiquement récupérable a été extrait, constitue la deuxième méthode. Ces lacs servent aux opérateurs pour y entreposer des déchets, avant que les critères de qualité des eaux ne soient atteints. Lorsque les opérations minières prennent fin, les déchets produits par l'exploitation (résidus fins, résidus consolidés, sables pauvres en bitume et eaux utilisés dans les diverses opérations) sont entreposés au fond du lac. Bien qu'il soit encore impossible de dire si ces EPLs pourront accueillir un écosystème aquatique durable, ils constitueront néanmoins une caractéristique permanente du paysage remis en état. On estime que, d'ici soixante ans, au moins 25 EPLs verront le jour dans la région de la forêt boréale de l'Athabasca ( Figure 5).

1 Ce chiffre

45 cf. chapitre 4.2.2. Consommation d'eau et impacts sur les systèmes aquatiques, p.40.

46 Les métaux suivants ont été détectés au moins dans un échantillon d'eau en contact avec de résidus consolidés : aluminium, arsenic, antimoine, barium, bore, chrome, cobalt, cuivre, fer, lithium, manganèse, molybdène, nickel, plomb, sélénium, strontium, titane, uranium, vanadium, et zinc (Collister et al., 2003).

risque d'augmenter si le taux de croissance du développement des sables bitumineux reste élevé (Grant et al., 2008).

Figure 15. Localisation des « end pit lakes » planifiés dans la région de la forêt boréale de l'Athabasca. Source: Westcott, 2006.

En théorie, ces lacs sont censés pouvoir abriter un écosystème aquatique fonctionnel et capable de fournir une activité biologique nécessaire à la biodégradation des composés organiques accumulés sur le fond, à une profondeur de 651100 mètres (Grant et al., 2008). L'aménagement de ces EPL's a toutefois été approuvé sans qu'on ait démontré leur efficacité.

La source d'eau primaire pour remplir les multiples EPLs sera issue de la rivière Athabasca, ce qui risque d'en augmenter encore d'avantage les prélèvements et d'en influencer négativement le débit47.

Le terrain sur lequel les EPLs seront aménagés sera drainé, de manière à ce que les eaux de ruissellement, chargées de molécules organiques et de sels, s'écoulent dans le lac après avoir passé à travers les matériaux issus des résidus miniers. Ces composés toxiques seraient alors dilués et dégradés biologiquement avant d'être déchargés dans le bassin versant de la rivière Athabasca.

Une incertitude de taille concerne l'état de méromicticité dans lequel le lac doit être maintenu. Un lac méromictique est un lac dont les couches d'eau supérieures ne se mélangent pas aux couches inférieures. Dans le cadre des EPLs, cet état est destiné à empêcher le mélange des couches contaminées du fond avec les couches supérieures. Des recherches supplémentaires sont nécessaires, mais il semble que cet état puisse être obtenu en augmentant la salinité et donc la densité de l'eau. Des études ont cependant révélé que cet état ne serait que temporaire en raison de l'absence d'un apport de sel continu (Grant et al., 2008).

47 cf. infra.

Etant donné que les résidus seront intégrés dans le terrain, dans le cas de résidus consolidés ou disposé dans les EPLs, ils seront en contact avec les eaux de surfaces et les eaux souterraines. Il est donc raisonnable de s'interroger sur l'éventualité d'une contamination des eaux et un risque d'impacts sur l'écosystème régional et les espèces qui en dépendent (Grant et al., 2008).

(e) Succès à long terme des opérations de remise en état

Même si certaines compagnies assurent que la remise en état est viable et compatible avec les écosystèmes antérieurs, 35 ans d'efforts indiquent le contraire. Beaucoup d'incertitudes règnent quant à la stabilité à long terme des terrains remis en état, à les performances et à la survie des espèces indigènes et à la possibilité de restaurer la biodiversité propre à ces écosystèmes (Woynillowicz et al., 2005). La diversité écologique et les interrelations de l'écosystème boréal sont complexes. Beaucoup d'environnementalistes sont sceptiques et pensent qu'il est improbable que l'expérience à grande échelle qui se déroule actuellement dans la région des sables bitumineux ne parvienne à restaurer l'écosystème de la forêt boréale dans le siècle à venir.

4.2.2. Consommation d'eau et impacts sur les systèmes aquatiques

Les récentes inquiétudes quant à la pérennité des eaux de surface et des ressources en eaux souterraines ont poussé la province de l'Alberta à améliorer et renouveler son plan d'action provincial sur la gestion de l'eau48. Cette nouvelle stratégie a été élaborée en tenant compte des changements climatiques et des pressions croissantes sur les ressources aquatiques albertaines et en intégrant certaines recommandations destinées à accélérer les actions de préservation des ressources. L'utilisation de l'eau douce représente le deuxième plus grand défi de gestion environnemental du secteur pétrolier et gazier, après les gaz à effet de serre et les émissions associées. La nouvelle version de la stratégie provinciale encourage tous les secteurs à développer des plans d'amélioration de la conservation de l'eau et à renforcer les programmes d'évaluation et de surveillance des systèmes aquatiques, notamment les zones humides et les aquifères (Government of Canada, 2008c ; Government of Canada, 2009c).

L'ampleur et la forte croissance des opérations minières et du développement in situ posent actuellement de graves problèmes d'utilisation et de gestion de l'eau. La demande en eau du secteur des sables bitumineux est énorme. Les volumes d'eau nécessaires sont puisés dans les nappes souterraines ou prélevés à partir des eaux de surface (cours d'eau, rivières, lacs). Avec 65% des prélèvements, les opérations minières sont les plus grands utilisateurs d'eau de la rivière Athabasca (Woynillowicz and Severson-Baker, 2006). La quantité d'eau réellement utilisée pour la récupération du pétrole est souvent moindre par rapport au volume alloué, mais les proportions varient entre les entreprises, leur âge ou le type de projet. Toutefois, 7% des allocations totales d'eau en Alberta pendant l'année 2004 étaient destinés à la production de pétrole et de gaz (Griffiths, 2006).

48 Water for Life Renewal Strategy, 2008 et Water for Life Action Plan, 2009.

(a) Consommation d'eau par les exploitations minières

Les prélèvements par l'exploitation minière intégrée extraction et valorisation nécessaires pour couvrir ses besoins en eau sont importants. Ce procédé d'exploitation utilise de grandes quantités d'eau lors des multiples étapes de la chaine de production et affecte les ressources aquatiques à différents niveaux :

1 L'assèchement et le drainage de la couche superficielle du sol (zones humides, tourbières, marais). Cette étape, qui nécessite parfois plus de trois ans, est réalisée en creusant dans le sol de profonds fossés de drainage.

1 Le drainage de l'eau piégée dans le mort-terrain à l'aide de pompes. Tout comme lors de l'étape précédente, l'eau retirée n'ayant pas été en contact avec les sables bitumineux, elle est généralement rejetée dans la rivière Athabasca après avoir séjourné dans des bassins de décantation. Certains opérateurs l'utilisent néanmoins dans les procédés miniers ou la vaporisent sur la surface des sols exposés afin de réduire la formation de poussières.

1 La dépressurisation de l'aquifère basal et le drainage actif de l'aire minière des ruissellements et des infiltrations d'eau afin de prévenir les inondations de la mine. La qualité de l'eau de l'aquifère basal varie, mais comme elle est souvent saumâtre et est entré en contact avec les sables bitumineux, elle ne peut être directement remise dans l'environnement (Griffiths, 2006).

1 Le transport du sable bitumineux excavé de l'exploitation minière à l'unité d'extraction par hydrotransport. Bien que, cette nouvelle technique s'accompagne d'une réduction de l'énergie nécessaire à l'extraction du bitume. elle augmente significativement la demande en eau.

1 L'extraction du bitume à l'eau chaude.

1 L'utilisation de l'eau comme source d'hydrogène dans les installations de valorisation.

Les principales sources d'eau pour les opérations minières des sables bitumineux sont la rivière Athabasca et ses affluents et les eaux souterraines à partir de puits. Pour produire un mètre cube (m3) de pétrole synthétique brut, les opérations minières à ciel ouvert (extraction et valorisation) utilisent entre 2 et 4.5 m3 d'eau. En réalité, le volume nécessaire est de 10 m3 par mètre cube de PBS, mais le volume d'eau net utilisé est moindre, en raison de l'utilisation d'eau recyclée.

La plus grande partie de l'eau consommée est contaminée par des polluants pendant les divers traitements. Elle n'est donc pas restituée dans le bassin versant de la rivière Athabasca, mais déversée dans de grands bassins de rétention.

(b) Consommation d'eau par les opérations in situ

L'extraction in situ est pratiquée lorsque les gisements de sables bitumineux se situent à une profondeur trop importante pour être récupérés par exploitation minière. De la chaleur sous forme de vapeur est injectée pour réduire la viscosité du bitume pour qu'il puisse être pompé à la surface par un puits de production.

Deux procédés sont particulièrement utilisés : la stimulation cyclique par la vapeur d'eau (SCV) et la séparation gravitaire stimulée par injection de vapeur (SGSIV).49 Le rapport actuel vapeur/pétrole est de 5 : 1 pour les réservoirs exploité par SGISV et se situe entre 3 : 1 et 4 : 1 pour l'extraction par SCV, mais une grande partie de l'eau peut être recyclée. Les besoins en eau pour la production in situ sont généralement beaucoup plus faibles que pour les opérations minières et les

49 cf. chapitre 2.3.2. Récupération in situ, p.18.

compagnies qui recyclent l'eau utilisent en principe moins de 0.5 m3 d'eau par mètre cube de bitume produit. Il faut cependant noter que, compte tenu de l'infiltration d'eau à partir des formations adjacentes et de son évaporation, ce rapport serait plutôt de 1 :1 (Griffiths, 2006).

Une fois pompé à la surface, le bitume est retiré de l'eau qui peut être recyclée et réutilisée. Un volume additionnel doit toutefois être ajouté pour remplacer l'eau perdue dans la formation ou lors des divers traitements. Habituellement 2 à 3 m3 d'eau par mètre cube de bitume peuvent être recyclés. L'eau utilisée pour générer la vapeur nécessaire à l'extraction par SCV ou SGSIV est généralement prélevée à partir d'aquifères souterrains et peut être douce ou saline. Cependant, comme cette dernière doit être préalablement traitée pour éviter un taux de salinité trop élevée, un mélange d'eau douce et d'eau saline est généralement utilisé (Griffiths, 2006).

(c) La rivière Athabasca

Au total, les exploitations minières approuvées sont autorisées à dévier 359 millions de m3 par an de la rivière Athabasca, ce qui correspond à presque deux fois le volume d'eau nécessaire pour couvrir les besoins annuels de la ville de Calgary. En dépit du recyclage, et contrairement à l'utilisation urbaine, moins de 10% de l'eau utilisée par le secteur des sables bitumineux est restituée à la rivière, la plus grande partie étant retenue dans les bassins de résidus jusqu'à la fin du projet d'exploitation (Griffiths, 2006). Les sites d'extraction à ciel ouvert planifiés et approuvés entraîneront une augmentation des prélèvements cumulatifs de la rivière Athabasca à hauteur de 529 millions de m3 par an (Woynillowicz and Severson-Baker, 2006).

Le débit de la rivière Athabasca est sujet à des variations saisonnières naturelles. Pendant les mois de novembre à mars quand le ruissellement des eaux est limité et que la rivière est en partie recouverte par la glace, le débit atteint son niveau le plus bas, bien en-dessous de la moyenne annuelle (Griffiths, 2006). On comprend maintenant mieux que les importants prélèvements d'eau de la rivière Athabasca dans le contexte des activités d'extraction à ciel ouvert pendant les mois d'hiver peuvent avoir des conséquences sur la pérennité de l'environnement aquatique. L'intégrité écologique des écosystèmes aquatiques de l'Alberta dépend d'un débit adéquat et des variations naturelles de ce débit au fil des saisons.

La rivière Athabasca héberge 31 espèces de poissons adaptés à l'écosystème aquatique boréal. Les températures froides de l'eau ralentissent le développement et la plupart des espèces nécessitent entre 6 et 10 ans, pour atteindre le stade reproductif (Woynillowicz and Severson-Baker, 2006). L'écosystème fluvial et les populations de poissons sont particulièrement sensibles aux prélèvements d'eau en hiver, période à laquelle les précipitations faibles conduisent à un débit exceptionnellement faible, car le nombre d'habitats disponibles est réduit et des prélèvements d'eau effectués à ce moment pourraient d'avantage en limiter le nombre (Woynillowicz and Severson-Baker, 2006).

Pour maintenir la prospérité de l'écosystème fluvial, une valeur seuil, appelée « instream flow need» (IFN), représentant la quantité d'eau minimale pour permettre un débit adéquat de la rivière, est en cours de définition pour chaque cours d'eau de la province. Le gouvernement de l'Alberta a fait du développement et de la réalisation d'une gestion basée sur cet IFN une priorité pour les rivières de son territoire. Mais dans l'intervalle les licences de prélèvement d'eau continue d'être délivrées (Griffiths, 2006).

(d) Les bassins de résidus

La proportion de bitume contenue dans les sables bitumineux varie entre 10% et 18%. Cette fraction est séparée des sables et de l'argile par un procédé nécessitant de grandes quantités d'eau chaude et l'ajout de soude caustique. Le bitume extrait est expédié pour traitement supplémentaire et le mélange d'eau (l'eau provenant des sables bitumineux et l'eau ajoutée pendant les processus d'extraction), de sable, d'argile et de bitume résiduel est entreposé sous forme de résidus aqueux dans de grands bassins. Selon la qualité des sables bitumineux, entre 3 et 5 m3 d'eau chargée en résidus part mètre cube de bitume sont déversés (Griffiths, 2006).

Les bassins de résidus sont des installations typiques de l'exploitation à ciel ouvert et par leurs dimensions figurent parmi les constructions humaines les plus imposantes de la planète. Ils recouvrent actuellement une surface de 50 km2 et génèrent une aire de perturbation de 150 km2 (Peachey, 2005). Ils sont installés dès le début des opérations minières par la construction de grandes digues. Au fur et à mesure de l'exploitation, les mines abandonnées sont également transformées en bassins de rétention.

Les résidus de déchets sont produits à un taux de 1.8 milliards de litres par jours (Grant et al., 2008). Constitué d'eau, de sable, de limon argileux, d'hydrocarbures non récupérés et de composés dissous (MacKinnon et al., 2001), ils contiennent une série de composés potentiellement toxiques : acide naphténique, hydrocarbures aromatiques polycycliques, composés phénoliques, ammoniaque, mercure et traces d'autres métaux (Nix and Martin 1992), ainsi qu'un niveau élevé de sodium, de chlore, de sulfate, de matières en suspension et un faible taux d'oxygène dissous.

Les résidus pompés de l'unité d'extraction sont entreposés dans les bassins et laissés sédimenter afin de séparer les particules de la couche d'eau supérieure qui peut être recyclée. Le sable se sépare rapidement et se dépose au fond (CAPP, 2009), les autres particules, plus fines, nécessitent plusieurs décennies pour décanter et se solidifier, parfois jusqu'à 150 ans (Fedorak et al., 2002). Les dépôts, appelés résidus fins terminaux (RFT), forment une sorte de boue constituée de 30% de particules fines, de sables et d'argile, et de 70% d'eau qui ne peut être recyclée (Griffiths, 2006). Pour faciliter le traitement des RFT, les compagnies pétrolières utilisent, de plus en plus fréquemment, des procédés de solidification pour les transformer en résidus consolidés qui seront intégrés dans les terrains remis en état.

Pour éviter que la faune n'entre en contact direct avec les polluants contenus dans les bassins, les sociétés exploitantes utilisent des canons au propane, qui produisent une nuisance sonore et empêchent les espèces animales de s'approcher des bassins. Cette mesure est principalement prévue contre les oiseaux migrateurs qui viennent dans la région pour se reproduire et nidifier (Héritier, 2007 ; Timblin et al., 2009). Cependant des incidents sont déjà survenus et Syncrude a été fortement critiquée, en 2008, lorsque plusieurs centaines de canards ont trouvé la mort après avoir atterri sur un bassin de la société pétrolière (Austen, 2008).

Les principales menaces des bassins de résidus sur l'environnement résident cependant dans la migration des polluants à travers le système des eaux souterraines et dans le risque de fuites dans le sol environnant ou dans les eaux de surface. Ces bassins requièrent ainsi une surveillance à long terme et risquent de devenir un problème redoutable si les compagnies ne peuvent pas couvrir elles-mêmes le nettoyage.

En outre il a récemment été montré que ces bassins étaient favorables au développement de bactéries productrices de méthane. En plus d'être un gaz à effet de serre, le méthane interfère avec la formation des RFT. Les bulles de méthanes influencent la densité des RFT et le dégagement des gaz déstabilise l'interface des résidus fins en favorisant la resuspension des particules.

On estime que si les opérations continuent au rythme actuel, le milliard de mètres cubes contenus dans les bassins de résidus sera atteint en 2020. Actuellement, aucune proposition de restauration capable de traiter les volumes prévus de résidus fins d'une manière qui soit techniquement, écologiquement et économiquement viables n'a été développé. Alors que les étangs de résidus sont activement surveillés et entretenus, et que la possibilité d'une catastrophique écologique suite à la rupture accidentelle d'une digue est considérée comme faible, la viabilité à long terme de ces digues restera une préoccupation constante longtemps après la fin des opérations, car toutes défaillances pourraient être à l'origine d'un rejet de résidus toxiques dans la rivière Athabasca qui serait extrêmement difficile de traiter et de réparer (Griffiths, 2006).

(e) La qualité de l'eau

Les opérations d'exploitations des sables bitumineux regroupent de nombreux procédés consommateurs d'eau, qui la transforment en un produit altéré ne pouvant pas être déchargé dans l'environnement en raison de sa piètre qualité. Les eaux ayant été en contact avec les sables bitumineux, le coke, des asphaltènes, ainsi que des métaux lourds doivent être stockées, traitées et disposées de manière à prévenir une contamination des écosystèmes aquatiques (Griffiths, 2006). Bien que le recyclage des eaux utilisées permette de réduire la demande en eau douce, le procédé affecte la qualité des ses eaux en y concentrant les constituants organiques et inorganiques (Giesya et al., 2010). Les eaux contaminées comprennent :

1 les eaux de résidus (bassins de résidus et RFT, l'eau extraite lors de la formation de résidus consolidés, l'eau des EPLs)

1 les eaux drainées (tourbières, morts terrains, ruissellement et infiltration des mines) 1 l'eau souterraine provenant de la dépressurisation des aquifères

1 les eaux usées

1 les effluents de raffineries

1 les eaux de refroidissement

Les résidus des sables bitumineux et les eaux associées sont chargés de bitume et de diluant (par ex. le naphta) résiduels. Etant donné que les matériaux issus des résidus seront intégrés dans la remise en état du terrain (dans le cas de résidus consolidés) ou disposés dans les EPLs (dans le cas de RFT), et seront par conséquent en contact avec les eaux souterraines et les eaux de surface, il y a lieu de s'inquiéter à propos d'un impact potentiel sur la qualité des eaux (Griffiths, 2006).

Les contaminants environnementaux et les composés toxiques les plus importants dans les dépôts de sables bitumineux et les bassins de résidus sont les acides naphténiques de faible poids moléculaire. Malgré l'inquiétude et les préoccupations engendrées par la persistance et la toxicité aquatique des acides naphténiques, l'Alberta Environment n'a pas encore émis de régulation stricte pour cette classe de molécule (Woynillowicz et al., 2005). Les acides naphténiques sont des molécules organiques constituées d'acide carboxylique acyclique, monocyclique et polycyclique naturellement présentes dans certains dépôts d'hydrocarbures (pétrole, sables bitumineux) dans une proportion proche de 4% (Headley and McMartin, 2004). Ces composés organiques sont solubilisés dans l'eau et se retrouvent concentrés dans les eaux issues des opérations d'exploitation des sables bitumineux. Les concentrations ambiantes des acides naphténiques varient selon le caractère du sous-sol, mais les concentrations moyennes normales dans les cours d'eau de la région de l'Athabasca sont généralement inférieures à 1 milligramme par litre (mg/L). En comparaison, les concentrations mesurées dans les eaux des bassins de résidus des exploitations de sables

bitumineux sont beaucoup plus élevées et atteignent 1101120 mg/L (Headley and McMartin, 2004). Les acides naphténiques sont toxiques pour toute une gamme d'organismes aquatiques (par exemple, certains poissons comme Oncorhynchus mykiss et invertébrés, tel Dapnia magna (Clemente and Fedorak, 2005)) et semblent être persistants (Giesya et al., 2010). Ils s'accumulent dans les sédiments et bien que certaines bactéries soient en mesure de les dégrader, ils paraissent résistants à la dégradation par la biomasse microbienne dans les environnements aquatiques (Del Rio et al., 2006). La remise en état de paysages terrestres et aquatiques intégrant les résidus dans le terrain devrait tenir compte des concentrations des acides naphténiques, de leur devenir et de leur transport dans l'environnement (Headley and McMartin, 2004).

Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (dibenzothiophènes, phénanthrène/anthracènes, fluoranthènes/pyrènes et benzo(a)anthracènes/chrysènes et leurs dérivés alkylés) ou HAP constituent d'autres molécules présentes en quantités non négligeables dans les bassins de résidus (Giesya et al., 2010). Ces molécules existent à l'état naturel dans les sédiments de sables bitumineux, par exemple, et peuvent provenir d'évènements pyrolytiques naturels tels les feux de forêts et de prairies ou les éruptions volcaniques, cependant certaines activités de combustion anthropiques sont également responsables de leur production et dissémination. La toxicité des ces HAP est démontrée, tous sont mutagènes, certains sont cancérigènes et plusieurs de ces substances ont été classé comme polluants prioritaires par l'OMS.

Une étude récente a montré qu'en plus des HAP libérés par les sédiments de sables bitumineux, la rivière Athabasca et ses affluents sont exposés à une concentration additionnelle de HAP provenant des opérations minières et des unités de valorisations. Alors que les concentrations de HAP à la surface de l'eau d'un site non affecté par l'exploitation des sables bitumineux se situent à environ 0.015 microgrammes par litre (ìg/L), elles sont 10 à 50 fois plus élevées (0.682 ìg/L) dans les sites les plus touchés par la contamination et correspondent aux doses présentant une toxicité pour les embryons de poissons (Kelly et al., 2009). Les embryons de certains poissons natifs50 du bassin versant de l'Athabasca montrent des hauts taux de mortalité, une diminution de la croissance et des signes pathologiques caractéristiques lorsqu'ils sont exposés aux HAP. L'exposition aux hydrocarbures aromatiques polycycliques interfère également avec la reproduction des poissons en inhibant les fonctions endocrines. Les transports atmosphériques et fluviaux semblent être à l'origine de la dissémination des HAP dans la région (Kelly et al., 2009). Le point fort de cette étude, est que les concentrations révélées par l'équipe de chercheurs de l'université de l'Alberta sont nettement supérieures à celles enregistrées par le service de surveillance des milieux aquatiques de l'Alberta, le RAMP51 (Regional Aquatics Monitoring Program) (Miserey, 2010). Depuis 1997, le programme RAMP, un programme financé par l'industrie et dirigé par un comité multipartite, dont les membres sont représentés par des organismes gouvernementaux et des sociétés pétrolières, surveille la qualité de l'eau et des sédiments du bassin de la rivière Athabasca dans la région des sables bitumineux. Depuis dix ans, ce programme affirme que la pollution mesurée correspond à des niveaux naturels et provient de sources naturelles (Kelly et al., 2009). La révélation de l'équipe scientifique albertaine a démontré l'incompétence du programme et la nécessité d'une approche scientifique sérieuse et transparente dans l'étude des impacts potentiels que l'exploitation des sables bitumineux pourrait générer.

50 Pimephales promelas et Catostomus commersonii (Colavacchia et al., 2004 ; Colavacchia et al., 2006)

51 cf. site internet de RAMP : http://www.ramp-alberta.org/ramp.aspx, consulté le 12 juillet 2010

(f) Le prélèvement des eaux souterraines

Le prélèvement d'eau à partir des réserves souterraines et la dépressurisation des aquifères pourraient occasionner des impacts non seulement sur les systèmes aquatiques locaux, mais aussi sur ceux de la région entière. Des connexions existent entre eaux souterraines et de surface et selon la situation, une rivière peut soit voir son débit augmenter par l'afflux d'eaux souterraines ou inversement constituer une source pour leurs recharges.

Les opérations influent sur les interactions entre les réserves souterraines et la rivière Athabasca, notamment les flux et débit hydriques entre les différents réservoirs et l'alimentation et la recharge de zones humides et de tourbières. La compagnie CNRL a montré que la dépressurisation de l'aquifère basal dans la région de la mine Horizon pouvait potentiellement affecter une zone de 9'820 ha.

Actuellement les impacts régionaux sont peu compris et nécessitent la mise en place de programme de surveillance et d'étude de risques. Mais dans l'hypothèse que ces programmes réussissent à identifier des risques, il serait alors difficile d'arrêter les prélèvements déjà commencés, au risque d'inonder les mines en cours d'exploitation (Griffiths, 2006).

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