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Les anciennes puissances coloniales et la résolution des conflits en Afrique

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par Netton Prince TAWA
Université de Cocody - DEA Droit Public 2006
  

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CHAPITRE II : L'ISSUE DE LA RESOLUTION DES CONFLITS, UNE

INITIATIVE PLURIELLE ?

On dira que l'issue d'un phénomène résulte d'une initiative plurielle quand ce phénomène a pu prendre fin ou a pu être vaincu part le concourt de plusieurs initiatives, de plusieurs interventions. En d'autres termes, un fléau qui a pu être maîtrisé, vaincu parce que différentes solutions ont dû être apportées, l'a été par une initiative plurielle.

Appliquée à la conflictualité en Afrique, on affirmera que la résolution des conflits africains résulte d'une initiative plurielle si ces conflits qui éclatent ici et là sur le continent africain ont pu être résolus par le concourt de diverses médiations. Au regard donc de ce qui précède, les nouveaux acteurs163(*) (SECTION II) qui interviennent dans la résolution des conflits africains sont à prendre en considération, sans ignorer les initiatives africaines (SECTION I) qui sont de plus en plus nombreuses.

SECTION I : L'EMERGENCE DE L'INITIATIVE AFRICAINE

Plus qu'un postulat ou une doctrine164(*), les initiatives africaines dans la résolution des conflits africains apparaissent comme une réalité ; tant le cadre juridique et institutionnel en témoigne. Aussi, avant d'exposer l'action africaine dans la résolution des conflits africains (Paragraphe1), convient-il d'aller aux origines de cette "prise de conscience"(Paragraphe 2), de cette audace salvatrice.

Paragraphe 1 : Aux origines de l'initiative africaine

L'analyse de la conflictualité et le déroulement des conflits militent pour affirmer qu'à l'origine de cette initiative africaine, il ya la régionalisation des conflits internes (B). Toute chose qui menace les intérêts régionaux, voire continentaux. Mais à y voir à fond, le déclassement stratégique de l'Afrique n'est-il pas à l'origine de cet activisme (A) ?

A : Le déclassement stratégique du continent ?

Dans la pratique et le langage juridiques courants, le déclassement est une notion de droit public utilisé en matière domaniale. Selon le Lexique des termes juridiques, c'est "un acte juridique, ou parfois survenance d'un évènement, ayant comme but ou comme résultat de transférer juridiquement une dépendance du domaine public dans le domaine privé d'une collectivité, avec toutes les conséquences de droit qui en résultent"165(*). Le Professeur Philippe GODFRIN en donne la définition suivante : "Le déclassement est l'acte juridique par lequel l'autorité compétente fait sortir le bien du domaine public166(*)." Le déclassement d'un bien public le désincorpore donc du domaine public et celui-ci cesse de bénéficier du "régime protecteur de la domanialité publique"167(*).

L'observation de la pratique des "relations internationales africaines"168(*) permet d'y transposer cette notion, eu égard à l'évolution de ses relations avec ses anciennes puissances coloniales, autrefois partenaires privilégiés de ces relations. En effet, le début de la décennie 1990 qui a marqué la fin de la bipolarité a amorcé un changement dans la pratique des relations bilatérales entre l'Afrique et ses partenaires traditionnels que sont la France, le Royaume Uni, la Belgique, les Etats-Unis d'Amérique...et le Portugal. C'est ce changement dans le traitement de l'Afrique par ses partenaires que LAIDI Zaki

appelle le "déclassement international"169(*) de l'Afrique.

Bien plus que la notion, le déclassement de l'Afrique se comprend et se saisit mieux dans la pratique des relations internationales. Il consiste en un désintérêt manifeste vis-à-vis des problèmes africains. Pourtant, il n'est pas rare de voir ces partenaires se défendre d'avoir laissé le continent à l'abandon. Mais ces prises de position, à l'exemple de la déclaration Franco-britannique de Saint-Malo170(*), sont des professions de foi, qui n'entrainent plus un engagement sur le terrain malgré la volonté affirmée d'y rester pleinement engagés. Au contraire, affirme SESSANGA Hipungu Dja Kaseng Kapitu, "la réalité témoigne du désintérêt manifeste, à peine voilé derrière le principe suivant lequel la sécurité subsaharienne est essentiellement un devoir de ces pays"171(*). Des déclarations et des faits foisonnent, qui témoignent de ce désintérêt. Finalement, de ce déclassement. L'autopsie du génocide rwandais faite par des auteurs, notamment Colette BRAECKMAN, sera la première escale pour étayer nos propos. Cette autopsie révèle que la Belgique, puissance occidentale à qui la Société des Nations donna mandat à l'issue du traité de Versailles en 1919 d'administrer le territoire rwandais-et qui resta la puissance coloniale jusqu'à l'indépendance du pays-, a pris la décision unilatérale de retirer ses soldats de la MINUAR, prétextant de l'assassinat de dix des siens détachés à la protection du Premier ministre d'alors, Agathe Uwilingiyimana. Quant à la France, elle ne semblait pas avoir pris conscience de l'ampleur du drame et de sa responsabilité ; elle qui était liée au Rwanda par un accord spécial de défense militaire depuis 1975. En effet, au sommet franco-africain de Biarritz des 8 et 9 novembre 1994, le Président MITTERAND, s'exprimant sur le drame rwandais le faisait d'une manière on ne plus choquante en ces termes : "On ne peut pas demander l'impossible à la communauté internationale, et encore moins à la France tant elle est seule, lorsque les chefs locaux décident délibérément de conduire une aventure à la pointe de baïonnette ou de régler des comptes à coup de machette. Après tout, c'est de leur propre pays qu'il s'agit"172(*). Le "Gendarme" est-il à bout de souffle seulement quand commence le danger pour lequel il s'est autoproclamé ? Les Etats-Unis d'Amérique ne sont pas exempts dans cette critique relative au déclassement de l'Afrique. Qui l'eut cru ? Le Liberia a dû espérer son salut de l'engagement de ses voisins de la sous région ouest africaine173(*), tant "la puissance tutélaire" faisait la soude oreille. Quant au Royaume-Uni, le "sursaut"174(*) du Gouvernement Blair qui a conduit à l'arrestation de Foday SANKOH, s'il est applaudi, ne manque pas de critique surtout relativement au moment. Car, en effet, ne réagir à la situation sierra léonaise que pratiquement une décennie175(*) après le déclanchement des hostilités témoignage d'un désintérêt manifeste.

De l'analyse qui précède, nous pouvons conclure que la fin de la guerre froide qui a coïncidé avec l'avènement de la décennie 1990, a marqué une rupture dans le traitement dont bénéficiait l'Afrique de la part de ses partenaires traditionnels. D'une situation de privilégiée, elle est devenue un sujet secondaire des relations bilatérales de ses anciennes puissances tutélaires. Toute chose que pouvait prévoir certains auteurs quand ils invitaient les Africains à un "nouveau réalisme".

On le voit, le déclassement du continent peut avoir été à l'origine des initiatives africaines dans la résolution des conflits sur le continent. Mais cette initiative peut davantage avoir été suscitée par la régionalisation des conflits internes.

B : La régionalisation des conflits internes

L'une des particularités de la conflictualité interne en Afrique, c'est sa forte propension à se propager au-delà des frontières de l'Etat dans lequel elle a lieu. C'est une conflictualité difficilement qualifiable. S'agit-il d'un conflit interne, d'un conflit régional ou d'un conflit interne à relent régional ? Ce sont des conflits que d'aucuns qualifient d'un "type nouveau"176(*). Avec ces conflits, affirme Béatrice POULIGNY "les césures traditionnelles guerre civile/internationale, intra/inter étatique apparaissent peu utiles"177(*). Pour Niagalé BAGAYOKO-PENONE, cette "conflictualité africaine démontre (...) l'existence d'un continuum entre trouble à la sécurité intérieure et sécurité régionale178(*) . Ces conflits se propagent d'un Etat à un autre, pour finalement atteindre toute la région, tel l'effet domino. Cette situation a pu être qualifiée de "guerre tournante" par certains africanistes, notamment Michel GALY179(*). Une "guerre sans frontière180(*)" ? S'est interrogé Comfort ERO pour finalement admettre qu'il s'agit d'un "conflit régionalisé". C'est enfin de compte une guerre nomade.

Depuis 1990, aucune sous-région subsaharienne n'a échappé à ce fléau. En Afrique de l'ouest, les conflits du Liberia (1989-2003) et de la Sierra Leone (1991-2000) se sont entremêlés et ont établi une forte insécurité. Ainsi du Sénégal à la Côte d'Ivoire, en passant du nord au sud et d'est en ouest par la Guinée Bissau, la Guinée Conakry, la Sierra Leone et le Liberia, sur cette bande côtière atlantique, aucun pays n'a été épargné par une conflictualité diffuse. L'Afrique centrale est à ce point noyée dans la violence qu'elle a perdu son identité en tant qu'entité régionale. L'implosion de l'Etat congolais (ex-Zaïre) au centre a créé une zone de non-droit sur plus de 2 345 409 Km2. Le Congo Brazzaville et la République centrafricaine vivent depuis 1992 et 1993 dans une instabilité politique récurrente liée aux soubresauts de leur démocratisation. Les conflits des Grands Lacs partis de l'Ouganda (1986), du Rwanda (1990) et du Burundi (1993) ont embrasé l'ensemble de la sous-région, voire au-delà avec la guerre en RDC depuis 1996. L'Afrique australe n'est pas en reste. Si le conflit angolais y a pris fin, l'instabilité politique au Zimbabwe nourrie sur fond de crise économique relance les antagonismes entre communautés raciales autour de la radicalisation de la distribution des terres. Un conflit entre les minorités blanches et les populations noires pourrait compromettre durablement, par un cycle de violence, la concorde dans toute l'Afrique australe. En Afrique orientale, le conflit soudanais perdure depuis 1983, faisant de ce pays un foyer de déstabilisation des pays voisins (Tchad, RCA, RDC, Ouganda) et un refuge pour les fondamentalistes musulmans. La guerre civile de la Somalie a détruit l'Etat somalien, enlevant ainsi à la région un interlocuteur traditionnel clé pour ses affaires de sécurité. La guerre entre l'Ethiopie et l'Erythrée (1998-2000) a compromis les chances de rebâtir la stabilité politique et de reconstruire l'économie de la Corne de l'Afrique181(*).

On le voit, la multiplicité des conflits internes à caractère régional constitue une inquiétude légitime pour les Africains, qui de plus est, sont relâchés par leurs partenaires traditionnels. De là, la mise en oeuvre d'actions pour la résolution de ces conflits.

* 163 Nous entendons par nouveaux acteurs, toutes les entités étatiques ou non - qui ne font pas partie des anciennes puissances coloniales - et dont l'action concourent à ramener la stabilité et la quiétude perdues du fait du conflit en court.

* 164 On pourrait même dire un voeu pieux.

* 165 Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 8è édition, P.163.

* 166 Philippe GODFRIN, Droit administratif des biens, Paris, Masson, 1977, p.49.

* 167 Sur la notion de déclassement et le régime protecteur du domaine public, voir René CHAPUS, Droit administratif général, Paris, Montchrestien, 1999, tome 2, PP.396 et suiv.

* 168 L'expression est de Luc SINDJOUN.

* 169 LAIDI, Zaki, « Le déclassement international de l'Afrique », Politique étrangère, automne 1988, n°3, pp.667-675.

* 170 Le 04 décembre 1998, la France et la Grande-Bretagne soulignent la volonté de travailler ensemble sur le continent africain, particulièrement en matière de prévention et de règlement des conflits. C'est la déclaration de Saint-Malo.

* 171 SESSANGA Hipungu Dja Kaseng Kapitu, « La politique publique de sécurité en Afrique subsaharienne », Arès n°49, volume XIX, Fascicule 3, mai 2002, p.22

* 172 Extrait du discours de François MITTERAND prononcé au XVIIIème sommet franco-africain à Biarritz.

Voir François GAULME, « XVIIIème sommet franco-africain : un testament politique reçu avec émotion », Marchés Tropicaux, n.2558, 18 novembre 1994, pp.2392-2393.

* 173 Par la création de l'ECOMOG. Voir supra, pp.34-35.

* 174 L'expression est de François GAULME.

* 175 Le conflit sierra léonais débute en 1991. C'est seulement en mai 2000 que la Grande Bretagne, l'ancienne puissance tutélaire intervient vigoureusement par l'arrestation de Foday SANKOH. C'est donc à juste titre que François GAULME pose le problème du "dilemme franco-britannique" quant à savoir s'il faut intervenir en Afrique. Lire son article « Intervenir en Afrique ? Le dilemme franco-britannique », les notes de l'Ifri, n°34, octobre 2001.

* 176 Kpri Kobénan, Kra, Les opérations de maintien de la paix de l'ONU à l'épreuve des conflits actuels : Le cas des conflits de la région des Grands Lacs africains, Mémoire de DEA, Université de Cocody, Chaire Unesco pour la Culture de la Paix, janvier 2006.

* 177 Béatrice POULIGNY, « Interventions militaires et régulation des conflits », projet, n°262, juin 2000, p.71

* 178 Niagalé BAGAYOKO-PENONE, «  La France et la gestion militaire des crises africaines », Géopolitique africaine, automne, n°12 p. 226.

* 179 Michel GALY cité par François GAULME, « La Côte d'Ivoire entre guerre et paix », Etudes, vol.407, n°1-2, juillet- août 2007, P.11

* 180 Comfort ERO, «  Liberia, Sierra Leone : une guerre sans frontière ? », Politique africaine, n°88, 2002.

* 181 Pour une large compréhension de la propagation de ces conflits internes, lire les articles de Tom PORTEOUS, « l'évolution des conflits en Afrique subsaharienne », Politique étrangère, n°2, pp. 307 et suiv. et Sessanga Hipungu Dja Kaseng Kapitu, op. cit., P.21.

Lire également Georges BERGHEZAN (sous la dir. de), Trafics d'armes vers l'Afrique, pleins feux sur les réseaux français et le "savoir-faire" belge, Bruxelles, Grip, 2002, p. 5-6.

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