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Les anciennes puissances coloniales et la résolution des conflits en Afrique

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par Netton Prince TAWA
Université de Cocody - DEA Droit Public 2006
  

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SECTION II : LE CONSENTEMENT DES ACTEURS AFRICAINS A

L'INTERVENTION DES ANCIENNES PUISSANCES COLONIALES

Sans faire ici une sociologie de l'intervention, il convient de connaître l'étymologie du terme pour mieux appréhender les problèmes qu'il sous-tend. Des travaux entrepris par les auteurs, on retiendra que "intervention" vient du latin interventio, lui-même issu du verbe intervenere ; C'est une action qui consiste à « survenir pendant une action, pendant un processus afin de l'interrompre58(*)», selon Mario BETTATI.

Lorsque le phénomène s'opère en rapport avec la situation d'un Etat, ou dans un Etat, le juriste est interpellé- à tout le moins par principe; car la consécration du principe de l'égalité souveraine des Etats a eu pour conséquence directe « l'énoncé de son corollaire, le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats59(*)», selon le Professeur Mario BETTATI. Ainsi, on constatera que dans tous les cas, l'intervention pose essentiellement un problème : celui de sa légitimité. Et pour être légitime, l'intervention nécessite le consentement de l'intéressé. Bien plus, dans le cadre d'un conflit armé, « il est établi que (...) le consentement des parties conditionne la participation de tiers au règlement60(*) ». 

Le consentement, on le voit, se présente comme la condition sine qua none - et même exclusive- pour légitimer l'intervention, toute intervention.

Cette exigence capitale semble généralement satisfaite en ce qui concerne les anciennes puissances coloniales dans leur tentative de résolution des conflits en Afrique ; ceci d'autant que le consentement des acteurs africains s'exprime à plusieurs niveaux- peut-être est-il loisir de dire degrés-, dans un ordre croissant, allant des parties en conflit (Paragraphe 1) soutenu par les organisations continentales (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : Les demandes d'intervention des parties en conflit

Qu'il s'agisse de conflit purement politique ou de conflit armé, la pratique donne de constater que les parties en conflit ont tendance, à des moments différents de l'évolution, à consentir à l'ingérence des anciennes puissances coloniales. Il conviendra donc de le prouver à travers le consentement exprimé par l'Etat (A) et celui émanant des factions rebelles ou des parties politiques de l'opposition (B).

A- Le consentement de l'Etat

Le consentement de l'Etat à l'ingérence s'analyse en une volonté explicite ou même tacite de cet Etat, de tout Etat de voir ces anciennes puissances coloniales intervenir, interférer à l'occasion du conflit soit pour venir à bout de ses agresseurs, soit pour trouver une solution négociée au conflit en vue de ramener la paix et la stabilité perdues.

Pour les Etats africains de passé colonial français, ce consentement est donné a priori en vertu des accords de coopération ou de défense signés entre la France et ces anciennes colonies61(*). Le principe fondamental de ces accords consiste " à offrir aux Etats la possibilité de faire appel à la France, en cas d'agression (...), pour assurer leur défense62(*)" selon Mamadou Aliou BARRY. C'est donc en vertu de ces accords que la France est intervenue à maintes reprises dans les différents conflits tchadiens pour aider les différents gouvernements à se maintenir au pouvoir63(*). A ce propos, Ibrahim GAMBARI a écrit : « L'intervention française contribua à empêcher le Tchad de connaître (...) un effondrement total64(*) ».

Le Congo belge- l'actuelle République Démocratique du Congo- est à retenir au titre des Etats dont survie ( ?) a en partie été possible grâce aux accords de coopération qui les lient à la France. En effet, depuis la deuxième révolution de la Province de Katanga- plus communément appelée la province de Shaba- en 1978 jusqu'à la chute du Maréchal MOBUTU en 1997, la France- au nom des accords d'assistance militaire- et la Belgique ont apporté leur soutien au régime de Kinshasa.

Comme on le constate, les interventions de la France dans les conflits en Afrique trouvent leur fondement juridique dans les accords de défense qui expriment le consentement des Etats à l'ingérence extérieure. Cependant, cette invitation n'entraîne jamais une intervention automatique. Elle procède d'une analyse de la situation car "pour l'intervenant, certaines actions visent uniquement à satisfaire ses intérêts nationaux65(*)", selon Ibrahim GAMBARI. Ainsi, bien que sous embargo des Nations unies, le régime de Kigali recevait des équipements militaires de la part de la France, pendant qu'en Côte d'Ivoire, l'ancienne puissance tutélaire qualifiait le conflit d'« une affaire ivoiro-ivoirienne », évoquant ainsi une attaque interne pour se soustraire des obligations qui lui incombent dans le cadre des accords de défense qui la lient à la Côte d'Ivoire.

Relativement au conflit libérien, le consentement du gouvernement à voir les Etats-Unis d'Amérique intervenir était sans équivoque. C'est que, plutôt que

de s'offusquer de la présence de "bâtiments de guerre (américains) 66(*) aux larges des côtes libériennes", le Chef d'Etat-major de l'armée libérienne d'alors se félicitait en ces termes : « Les marines sont venues pour effrayer les rebelles67(*).» Toute chose qui a fait croire au Professeur MELEDJE à " une entrave au principe de l'autodétermination des peuples...68(*)" ; puisque manifestement, l'intervention des Etats-Unis d'Amérique visait à stopper l'avancée des forces du NPFL de Charles TAYLOR.

Au regard du développement qui précède, nous constatons que le consentement de l'Etat, malgré les soubresauts subis depuis « la Renaissance des Nations unies69(*) » et la consécration de la notion de droit d'ingérence, reste en vigueur et garde dans une certaine mesure, ses lettres de noblesse70(*). Il conditionne et légitime l'intervention d'un tiers dans le "domaine réservé" de l'Etat. Pourtant, dans le cadre d'un conflit interne, la partie adverse doit accepter l'ingérence pour que celle-ci ait des chances d'aboutir. Dans le cadre des conflits africains, les factions rebelles expriment cette condition. C'est ce qu'il convient à présent d'étudier.

B-Des demandes d'intervention des factions rebelles

Si le consentement de l'Etat comme condition à l'ingérence se fonde sur le principe de la souveraineté, celui des factions rebelles doit être expliqué. En effet, le droit international admet le principe de l'autodétermination des peuples, particulièrement dans son expression droit pour chaque peuple de déterminer son mode de gouvernement, y compris par la force armée. De la sorte, à occasion d'un conflit interne, il est admis que le seul consentement de l'Etat ne saurait suffire pour légitimer l'intervention ou l'ingérence d'un tiers71(*). C'est d'ailleurs le défaut de ce consentement qui a conduit certains auteurs72(*) à qualifier l'intervention des Etats-Unis d'Amérique et de la CEDEAO au Libéria d'une intervention subversive.

Le défaut de consentement des factions rebelles- cette autre partie au conflit- compromet durablement toute intervention des anciennes puissances coloniales. Fort heureusement, la pratique des conflits sur le continent autorise à affirmer que ces factions sont elles aussi portées à solliciter l'intervention de ces mêmes puissances, dans leur désir de provoquer un changement de régime. Ce consentement se manifeste sous plusieurs formes et vise à atteindre des objectifs évolutifs.

Le premier objectif que recherchent ces factions rebelles à travers l'ingérence qu'elles sollicitent est leur légitimation. La légitimité, on le sait, apparaît comme un aspect important dans toute action politique. A cet effet, Claude INIS a pu écrire : « Puissance et légitimité ne sont pas antithétiques mais complémentaires (...) Les dirigeants cherchent la légitimation pas seulement pour satisfaire leur propre conscience mais pour renforcer leur position. La légitimité, en bref, ne fait pas que flatter les dirigeants : elle les rend plus efficaces, plus à l'aise et plus en sécurité73(*)... ». Aussi, à la quête de cette légitimité, les factions rebelles acceptent-elles que les anciennes puissances coloniales parrainent les accords de paix avec le pouvoir central ; toute chose qui leur permettra d'être propulsés du « maquis » au sommet des grandes capitales74(*)-européennes la plus part des temps-afin de s'entretenir non seulement avec les dirigeants de leurs propres pays mais aussi avec des chefs d'Etats étrangers et même parfois avec le Secrétaire général des Nations Unies75(*).

L'ingérence que sollicitent les factions rebelles engagées dans des conflits avec le pouvoir central peut parfois se présenter comme une porte de sortie qu'elles tentent de s'offrir vu l'évolution de la situation militaire sur le terrain.

Dans cette hypothèse, vu la réticence des anciennes puissances coloniales à intervenir dans le conflit, on assistera à des violences perpétrées contre les ressortissants des pays occidentaux qui n'auront de choix que d'intervenir pour agir sur l'intensité du conflit.76(*)

Le troisième objectif à l'ingérence souhaitée ou consentie par les factions rebelles réside dans la volonté de se réarmer et de reprendre les hostilités avec l'assurance cette fois-ci d'en découdre avec le gouvernement central. En acceptant en octobre 2002- après la signature du cessez-le-feu avec la CEDEAO- que la France surveille la ligne de front, le MPCI s'est armé et a ouvert un autre front à l'ouest de la Côte d'Ivoire, convaincu que la France jouerait le rôle de gendarme qui consistait à empêcher toute reprise des combats sur le front de BOUAKE.

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de noter que le consentement des parties comme condition à l'intervention des anciennes puissances coloniales dans les conflits internes en Afrique est une réalité au quotidien. A cela, il faut ajouter l'appel des organisations continentales.

* 58 Mario BETTATI, « Le mot et la chose », in François BARRET-DUCROCQ (sous la dir. de), op. cit., p. 31.

* 59 Mario BETTATI, Le droit d'ingérence. Mutation dans l'ordre international, Paris, Odile Jacob, 1996, P.9

* 60 MELEDJE Djedjro, « L'OUA et le règlement des conflits en Afrique », op. cit., P. 211

* 61 Voir supra pp. 13-16

* 62Mamadou Aliou BARRY, op. cit., P. 74

* 63 La première intervention française au Tchad date de 1969 et s'est manifestée à plusieurs reprises jusqu'en 1989... pour reprendre en 2007 avec Nicolas SARKOZY

* 64 Ibrahim GAMBARI, op. cit. P. 245

* 65 Ibrahim GAMBARI, Ibidem

* 66 Ajouté par nous.

* 67 Libération, 6 Juin 1990.

* 68 MELEDJE Djedjro, op. cit., P. 408

* 69 Dès 1992, avec Boutros BOUTROS-GHALI, l'agenda libéral et solidariste semblait s'imposer face à la conception traditionnelle de la souveraineté. En effet, bien avant la publication des travaux de la Commission internationale sur l'intervention et la souveraineté de l'Etat, présidée par Gareth EVANS et Mohamed SAHNOUN, le Secrétaire général de L'ONU notait dans son « Agenda pour la paix » que " le temps d'une souveraineté absolue et exclusive est passé ; sa théorie n'est jamais allée de pair avec la réalité".

* 70 La preuve est fournie par le fait que les soldats des Nations Unies n'ont eu droit de cité au Darfour que quand Khartoum y a consenti.

* 71 Sur cette question, lire Mohamed BENNOUNA, « Le consentement à l'ingérence militaire dans les conflits internes », L.G.D.J., Paris, 1974, p.145.

* 72 Notamment MELEDJE Djedjro et Mamadou Aliou BARRY.

* 73 Claude INIS, « Collective legitimation as a political function of the UN », International Organisation, été 1996, n°3, vol.XX pp.367-379. Traduction réalisée par Isaline BERGAMASCHI et Sara DEZALAY, « Dilemmes et ambiguïtés de la sortie de crise par la voie multilatérale en Afrique : le cas de l'Organisation des Nations unies en Côte d'Ivoire », Les champs de Mars, n°17, 2005, pp. 53-73

* 74 En acceptant de signer les accords de Lomé du 7 juillet 1999, le RUF de Foday SANKOH en Sierra Leone acquérait ainsi cette légitimité si indispensable à toute lutte armée ; surtout que les négociations de Lomé sont provoquées par l'ancienne puissance coloniale, la Grande-Bretagne. A ce propos, voir Paul WILLIAMS, op. cit.

C'est le même souci qui anima le MPCI de Guillaume SORO en Côte d'Ivoire en allant aux pourparlers de Linas Marcoussis en janvier 2003. D'ailleurs, c'est suite à ces négociations que le MPCI et les autres mouvements rebelles seront baptisés "Forces Nouvelles."

Le troisième exemple non moins important que les deux premiers est le cas angolais. Les accords signés entre l'UNITA de Jonas SAVIMBI et le gouvernement central de Luanda à Bicesse, au Portugal le 31 mai 1991 témoignent de la quête permanente de la légitimité par les factions rebelles. En effet, en acceptant le parrainage des accords de 1991 par le Portugal, l'ancienne puissance coloniale, l'UNITA consolidait ainsi sa légitimité écorchée par la fin de la guerre froide.

* 75 Ce fut le cas de la rébellion ivoirienne lors de la rencontre de Kléber chargée d'entériner les accords de Linas Marcoussis.

* 76 L'exemple nous en est fourni par le conflit libérien. Face au refus des Etats-Unis d'Amérique d'intervenir malgré les supplices locaux et les organisations africaines, le FNPIL de Prince Y. JOHNSON procéda à des prises d'otage des ressortissants américains. La suite des évènements est connue. Les marines américains intervinrent effectivement dans le conflit, libérant les otages et par la suite, les Etats-Unis imposèrent par le biais du Conseil de sécurité, un embargo sur les armes en direction du Libéria.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld