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La complémentarité de la justice pénale internationale à  la justice nationale des états dans le cas de la cour pénale internationale

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par Emery NUKURI
Université du Burundi - Licence en Droit 2010
  

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§2 : La saisine de la CPI par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Comme indiqué dans les développements précédents, la CPI a pour objectif la promotion de la justice pénale internationale. Le Conseil de sécurité, quant à lui, est un organe des Nations Unies chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationale140(*).

Supposons dans un premier cas de figure que les objectifs de la CPI et du Conseil de sécurité se rejoignent, c'est-à-dire que le maintien de la paix et de la sécurité internationale et la promotion de la justice pénale internationale soient complémentaires ! Ce climat d'entente est favorable pour le fonctionnement de la CPI puisque tous les Etats membres des Nations Unies seront tenus de coopérer pleinement avec la CPI141(*). Cependant, au cours des débats, un grand nombre d'Etats, redoutant une interférence trop prononcée d'un organe éminemment politique dans une procédure judiciaire, ont tenté d'encadrer l'action du Conseil de sécurité par les dispositions du Statut afin, de garantir l'indépendance de la CPI.

Tout compte fait, le rôle du Conseil de sécurité dans la procédure revêt un visage négatif quant au fonctionnement de la CPI, puisque le Statut de la CPI lui reconnaît la faculté d'entraver l'action de cette dernière, voire la paralyser142(*). En effet, lorsque la conciliation entre l'objectif de la promotion de la justice pénale internationale et celui du maintien de la paix et de la sécurité internationale s'avère problématique, le Conseil de sécurité a la faculté de demander un sursis à enquêter ou à poursuivre pendant un délai de 12 mois renouvelable143(*).

I. La faculté reconnue au Conseil de sécurité de saisir la CPI.

L'article 13 al.b du Statut stipule que la Cour peut exercer sa compétence à l'égard des crimes visés à l'article 5, conformément au présent Statut :

«  b) Si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ;(...)»144(*).

Nous analyserons les gages d'efficacité qu'offre la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité, par rapport aux deux autres modes de saisine, à savoir la saisine par un Etat partie et par le Procureur de la CPI agissant « proprio motu »que nous analyserons après celle-ci. L'accent sera mis sur la phase préalable de la saisine et sur les avantages indéniables qu'offre la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité par rapport aux deux autres modes de saisine.

A. La non applicabilité du régime de consentement préalable à

l'exercice par la CPI de sa compétence.

La saisine de la CPI par le Conseil de sécurité permet de dispenser la CPI des conditions posées par l'article 12 du Statut portant régime de consentement préalable des Etats à la compétence de la CPI. Nous n'allons pas revenir sur ce qui a été dit à propos du régime de consentement préalable applicable en cas de saisine par un Etat partie ou par le Procureur agissant « proprio motu »145(*).

Le consentement préalable des Etats à la compétence de la CPI est ainsi une condition inexistante lorsque la saisine émane du Conseil de sécurité. Il ressort d'une lecture parallèle des articles 13 alinéa b et 12 §2 du Statut de la CPI que la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité permet de s'affranchir de la satisfaction des conditions posées à l'article 12, portant consentement des Etats à la compétence de la CPI. En effet, le §2 de l'article 12 renvoie seulement aux alinéas a et c de l'article 13 visant la saisine de la CPI par les Etats et par le Procureur de la CPI agissant proprio motu, écartant ainsi implicitement de son champ d'application l'alinéa b de cet article visant la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité.

En effet, lorsque le Conseil de sécurité adopte une décision portant saisine de la CPI, au titre du Chapitre VII, le consentement des Etats à la compétence de la CPI est toujours présumé pour tout membre des Nations Unies parce que l'article 25 de la Charte des Nations Unies dispose que :

« Les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte »146(*).

Il est tout à fait clair qu'un article du statut exigeant le consentement étatique aurait été superflu.

Ce régime favorable reconnu à la saisine par le Conseil de sécurité a été envisagé, dès les phases initiales de l'élaboration du statut147(*), il n'a pas été remis en cause par la suite. Logiquement, Il n'y avait guère lieu à contestation. A partir du moment où la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité et ce sur le fondement du Chapitre VII, était admise, nous nous imaginons mal à quel titre le Statut de la CPI aurait pu contester ou encadrer l'effet obligatoire d'une décision de ce type148(*). Il est sans doute impossible pour un simple traité de prétendre modifier les pouvoirs que le Conseil de sécurité tient de la Charte des Nations Unies qui, en son article 103, dispose que : 

«En cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront.»149(*) .

Par conséquent, le Conseil de sécurité a les moyens d'imposer la compétence de la Cour à des Etats non parties au Statut parce que ces derniers accepteront la compétence de la CPI , non pas sur base de son Statut, mais sur base de la Charte des Nations Unies, en particulier en son article 103.

Comme nous l'avons déjà souligné, l'article 12 permet de poursuivre le national d'un Etat non partie au Statut de la CPI, à partir du moment où l'Etat du territoire où le crime est commis est partie au Statut ou a accepté la compétence de la CPI envisagée à l'article 12 §3 du Statut de la CPI. En revanche, lorsque le Conseil de sécurité, agissant sur base du Chapitre VII a saisi la CPI, tout Etat membre des Nations Unies et au premier chef les Etats particulièrement intéressés au litige vont être dans l'obligation de coopérer pleinement avec la CPI. La saisine de la CPI en vertu du Chapitre VII prend ici la forme d'une décision contraignante150(*).

Notons avant de terminer ce point que le régime applicable spécifiquement à la saisine par le Conseil de sécurité est très avantageux pour l'efficacité de la Cour. Il lui permettra d'atteindre l'universalité qui lui a fait défaut, dès ses premiers pas, en raison de son mode de création.

B. Les raisons de la prévision de cette saisine contraignante.

Bien que la CPI n'ait pas été conçue spécifiquement comme un instrument à la disposition du Conseil de sécurité, la possibilité de ce dernier de saisir la CPI a été envisagée. Elle a fait l'objet d'une quasi-unanimité dès le début des négociations au sein de la CDI151(*) et n'a pas par la suite été sérieusement remise en cause152(*).

Cela s'explique en partie par le fait qu'à partir du moment où il ne faisait aucun doute que les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire dont connaîtra la CPI sont susceptibles d'être qualifiées de « menace contre la paix » par le Conseil de sécurité et qu'il pourra, en réponse, décider que l'engagement des poursuites pénales contre les auteurs de ces crimes contribuera au maintien de la paix et de la sécurité ; quelles que soient les critiques émises à l'encontre de ce pouvoir de saisine, celui-ci était plus qu'une nécessité153(*).

En l'absence de dispositions reconnaissant en matière de saisine de la CPI un rôle du Conseil de sécurité, celui-ci aurait donc continué à procéder par la création des tribunaux ad hoc; ce qui, à bien des égards, n'est pas apparu comme souhaitable154(*). A partir du moment où le Conseil de sécurité se reconnaît compétent pour établir des tribunaux ad hoc155(*) à sa discrétion et que cette démarche a suscité la méfiance et la contestation de certains Etats, la possibilité d'encadrer l'action du Conseil de sécurité dans un schéma préétabli à savoir le statut de la Cour était acceptable, voire souhaitable156(*).

La faculté pour le Conseil de sécurité de saisir la CPI a été prévue par le Statut « afin de lui offrir un substitut, une alternative à la création des tribunaux ad hoc »157(*) parce que la CPI serait immédiatement disponible par rapport aux TPI qui sont circonstanciels.

Signalons en terminant cette analyse que la CPI ne pourrait pas porter atteinte aux prérogatives que le Conseil de sécurité tient de la Charte des Nations Unies et ne saurait être regardée comme interdisant la création de nouveaux tribunaux ad hoc (TPI) pour l'avenir. Mais, comme l'affirme Elodie DULAC,

« il est peu probable et il sera politiquement délicat que les cinq membres permanents du Conseil, dont trois sont signataires du statut de la Cour158(*), s'accordent sur sa création »159(*).

C. La forme de la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité.

Contrairement aux articles 14 et 15 du Statut de Rome qui fixent les modalités de la saisine de la CPI par un Etat et par le Procureur, aucun article du Statut ne vient préciser les modalités de la saisine par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

L'article 13 al.b du Statut se limite à dire que la CPI peut exercer sa compétence à l'égard des crimes visés à l'article 5 si une situation est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Cette formulation ambiguë de l'article 13 al.b montre que la saisine par le Conseil de sécurité a été un sujet moins problématique, délaissée lors des débats au profit des questions litigieuses.

Une piste peut être trouvée dans l'article 16 du Statut de la CPI consacrant la faculté du Conseil de sécurité de suspendre les poursuites et enquêtes menées par la Cour qui spécifie que la demande de suspension doit être faite dans une résolution adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Une résolution est-elle, en vertu du Chapitre VII, donc nécessaire pour la saisine de la CPI ou peut-on envisager une saisine moins formaliste où la CPI se satisferait d'une simple recommandation qui comme nous le savons n'est pas contraignante?

Sur la question de savoir si une résolution est nécessaire, nous ne pouvons que répondre par l'affirmative parce qu'un certain nombre d'indices incitent à retenir cette interprétation de l'expression « agissant en vertu du chapitre VII ».

Le premier indice réside dans le fait que le pouvoir de saisine de la CPI a été, durant les travaux préparatoires, refusé à l'Assemblée Générale des Nations Unies au motif que les décisions de cet organe ont un caractère non contraignant160(*). A contrario, la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité a été prévue parce que justement elle revêt un caractère obligatoire à l'égard de tous les Etats membres des Nations Unies. C'est pour cela que nous disons qu'il s'agit d'«une décision » contraignante telle que visée à l'article 25 de la Charte des Nations Unies.

 

Le deuxième argument peut être trouvé dans la logique même du Statut en particulier dans l'intérêt de la saisine par le Conseil de sécurité qui, comme nous le verrons, permet de surmonter les obstacles statutaires au fonctionnement de la CPI (notamment en ce qui concerne l'application du principe de complémentarité et la coopération des Etats) ; ce qui n'est possible que si l'article 25 de la Charte des Nations Unies portant les caractères obligatoire et exécutoire des décisions du Conseil de sécurité entrent en jeu. La logique même du Statut nous incite à penser qu'une décision du Conseil de sécurité est donc nécessaire.

Par ailleurs, en nous référant à la pratique du Conseil de sécurité, il apparaît qu'une résolution adoptée en vertu du Chapitre VII est nécessaire. C'est ainsi que le 30 mai 2005, le Conseil de sécurité, se basant sur les conclusions d'une Commission Internationale d'enquête conduite par le Juriste Italien Antonio CASSESE161(*) à propos des crimes commis au Darfour (Soudan), a déféré la situation du Darfour au Procureur de la CPI par la Résolution 1593162(*) adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et conformément à l'article 13 alinéa b du Statut de la CPI.

En pratique et selon cette interprétation, le Conseil suit la procédure suivante :

Le Conseil, dans un premier temps, constate au titre de l'article 39 de la Charte des Nations Unies, que la situation, dans le cadre de laquelle les crimes relevant de la compétence de la Cour ont été commis, constitue « Une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression. » Notons que dans une période récente, le Conseil de sécurité a qualifié les violations massives des droits de l'homme de « menace contre la paix ». Ce fut notamment le cas de la Somalie163(*), de l'ex-Yougoslavie164(*), du Rwanda165(*).

Le conseil décide ensuite, dans un deuxième temps, de saisir la CPI, à titre de mesure nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationale au titre de l'article 41 de la Charte des Nations Unies.

D. Une applicabilité atténuée du principe de complémentarité

La primauté de la CPI semble également exclue quand la saisine émane du Conseil de sécurité, bien qu'il n'y ait pas de dispositions expresses à ce sujet dans le statut de Rome. L'article 17, consacrant le principe de complémentarité, ne distingue pas comme le fait l'article 18 §1166(*) entre les différents modes de saisine. Nous pouvons donc raisonnablement en déduire que le principe de complémentarité de la CPI aux juridictions nationales s'applique également dans l'hypothèse de la saisine par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

De plus selon les articles 53 §1 al.b167(*) et 53§2 al.b168(*), avant d'ouvrir une enquête ou de poursuivre, le Procureur examine si l'affaire est recevable au titre de l'article 17. Et l'article 53 §3 al.a169(*) autorise le Conseil de sécurité lorsqu'il a saisi la Cour à demander à la Chambre préliminaire de la CPI  d'examiner la décision de ne pas poursuivre prise par le Procureur en vertu des paragraphes 1 ou 2 et demander au Procureur de la reconsidérer.  L'article 53 ne fait que conforter l'interprétation selon laquelle l'article 17 et par la même le principe de complémentarité, est applicable lorsque le Conseil de sécurité saisit la CPI. Ainsi le Conseil de sécurité va agir dans les limites fixées par le statut.

Néanmoins, le statut lui-même porte atteinte au principe de complémentarité lorsque la saisine émane du Conseil de sécurité. L'article 18 §1 prévoit la notification, par le Procureur, de l'ouverture d'une enquête  à tous les Etats parties et aux Etats qui, selon les renseignements disponibles, auraient normalement compétence à l'égard des crimes dont il s'agit. L'un quelconque de ces Etats peut alors demander au Procureur de se dessaisir et il devra le faire sauf exception170(*). Par ce mécanisme, la CPI invite les Etats à exercer leur primauté dans la répression des crimes internationaux en question.

Comme nous le constatons, l'article 18 ne vise expressément que l'article 13 §a et §b consacrés respectivement à la saisine par un Etat partie et par le Procureur agissant « proprio motu ». Il ne fait aucune mention de l'article 13 §c consacré à la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité, à laquelle cette disposition n'est pas applicable.

Le résultat est emprunt d'une certaine hypocrisie : en effet, le principe de complémentarité est applicable par la CPI en cas de saisine par le Conseil de sécurité, mais pas dans sa pleine rigueur étant donné que les Etats ne se verront pas notifiés l'ouverture d'une enquête relativement à la situation déférée.

En outre, bien que le statut n'ait pas retenu la primauté de la CPI lorsqu'elle est saisie par le Conseil de sécurité, ce dernier va pouvoir, par ricochet, parvenir à ce résultat et remédier aux limites posées à l'action de la CPI du fait de l'application du principe de complémentarité. Pour ce faire, il va agir en dehors du cadre du statut, en utilisant les pouvoirs que lui confère la Charte des Nations Unies et elle seule. L'article 103 en particulier, en vertu duquel les obligations des Etats membres des Nations Unies au titre de la Charte prévalent sur leurs obligations découlant de toutes les autres conventions internationales, au nombre desquels le statut de la Cour figure, le permet171(*).

Un Etat qui a la compétence en l'espèce va, à la demande du Conseil qui va prendre la forme d'une décision contraignante en vertu du Chapitre VII, renoncer à exercer cette compétence. Il n'y aura donc plus d'obstacles à la recevabilité d'une affaire.

Donc, en utilisant les pouvoirs que lui confère la Charte des Nations Unies et auxquelles le Statut ne saurait porter atteinte, le Conseil de sécurité va pallier aux insuffisances du statut surtout en matière de coopération des Etats non parties en conférant de facto à la CPI la primauté que ce dernier lui refuse.

E. Le souci de garantir l'indépendance de la CPI.

« Les rapports entre le Conseil et la Cour ne doivent pas être des rapports de subordination mais de respect mutuel »172(*).

Le statut de la CPI a été élaboré de telle manière que la CPI, organe judiciaire, ne soit pas un instrument « à la merci » d'un organe politique en l'occurrence le Conseil de sécurité des Nations Unies. La répartition des rôles entre le Procureur de la CPI et le Conseil de sécurité en particulier, illustre cette volonté de préserver l'indépendance de la CPI.

Tout d'abord, la préservation de l'indépendance de la CPI s'est matérialisée par l'intégration de l'action du Conseil de sécurité dans un système préétabli, c'est-à-dire que la saisine par le Conseil doit se faire dans le respect des dispositions du Statut. Les articles 13, 17, 19 et 53 ne laissent aucun doute quant au fait que le Conseil doit respecter les dispositions du Statut lorsqu'il saisit la CPI173(*).

Il ressort par exemple de l'article 13 du Statut que la Cour peut exercer sa compétence « conformément au présent Statut » et ce dans les trois hypothèses de saisine prévues. Aucun régime particulier n'est réservé au Conseil de sécurité et cela implique que le Conseil devra respecter les limites à la compétence ratione materiae, personae et temporis de la CPI.

Notons que la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité des Nations Unies permettra néanmoins à la CPI d'exercer sa compétence à l'égard des crimes de guerre dans l'hypothèse où serait en cause un Etat ayant utilisé la possibilité d'opting out prévue à l'article 124 du Statut174(*). La CPI peut, au titre de l'article 19, contrôler, sur demande ou d'office, le respect par le Conseil de sécurité des dispositions statutaires lorsqu'il saisit la CPI.

Ensuite et dans le même souci, le Conseil devrait pouvoir saisir la CPI de situations et non de cas particuliers. Il ressort clairement de l'article 13 littéra b que le Conseil défère à la Cour  une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis. Le terme « situation » n'était pas celui initialement retenu dans le projet de la CDI de 1993175(*), mais s'est peu à peu imposé. Comme le statut ne le définit à aucun moment, il ressort des négociations de la Conférence de Rome que ce terme s'entend par opposition à « cas particuliers »176(*).

Ainsi, le Conseil de sécurité ne peut pas saisir la CPI « des cas particuliers » c'est à dire désigner nommément les personnes à poursuivre mais uniquement et de façon plus large « de situations » qui seront, à l'instar de la saisine des TPI, limitées dans le temps et dans l'espace. La pratique du Conseil de sécurité suit cette interprétation177(*).

Les raisons du choix du terme «situation » sont multiples :

La première a été motivée par le souci d'une bonne administration de la justice. Si le Conseil de sécurité saisissait la CPI de cas particuliers, seules les personnes visées par le Conseil de sécurité dans sa décision de saisine feraient l'objet d'enquêtes et de poursuites et le Procureur de la CPI, privé de son pouvoir d'appréciation dans la conduite des enquêtes, ne pourrait, selon ce régime, élargir ses enquêtes et par conséquent les poursuites à d'autres individus. Il serait limité aux affaires déférées. C'est pour cette raison qu'il est apparu plus conforme au souci d'indépendance et d'impartialité de la CPI de confier la détermination des personnes à poursuivre à un Procureur indépendant et guidé, espérons-le, par des considérations juridiques178(*).

La deuxième raison est que le Conseil de sécurité, n'étant pas un organe judiciaire mais plutôt politique, n'a pas de moyens de mener une enquête aux fins de dégager les responsabilités pénales individuelles.

Enfin, la préservation de l'indépendance de la CPI s'est opérée par la prévision, par le Statut, des mécanismes permettant au Procureur d'exercer ses fonctions en toute indépendance. Le Procureur va ainsi pouvoir, si une situation lui est déférée par le Conseil de sécurité, enquêter et décider en toute indépendance quels individus il lui paraît opportun et nécessaire de poursuivre et pour quels crimes 179(*). Dans le cas où le Procureur décide de ne pas enquêter sur la situation à lui déférée ou de ne pas engager des poursuites, le Conseil de sécurité ne peut que demander un réexamen par la Chambre préliminaire (et cela uniquement quant il est l'origine de la saisine) afin que celle-ci demande au Procureur de la reconsidérer.180(*)

Le Conseil de sécurité est donc dans la même position que tout Etat partie ayant saisi la CPI et ne se voit reconnaître aucun régime spécial181(*). Par conséquent le Procureur n'est pas dans l'obligation de donner suite à la saisine émanant du Conseil de sécurité. Il n'est même pas lié par la détermination du Conseil de sécurité relativement à la compétence de la CPI ou à la recevabilité d'une affaire.182(*)

* 140 Article 24§1 de la Charte des Nations Unies :

«  1. Afin d'assurer l'action rapide et efficace de l'Organisation, ses Membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu'en s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité, le Conseil de sécurité agit en leur nom. »

* 141 En vertu de l'article 25 de la Charte des Nations Unies :

« Les Membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente Charte. »

* 142 E. DULAC, op. cit. , p.12.

* 143 Article 16 du Statut de la CPI.

* 144 Article 13 al.b du Statut de la CPI

* 145 Voir supra Chap II section 2, §2 p.65.

* 146 Article 25 de la Charte des Nations Unies.

* 147 Articles 23 §1 et 25 du Projet de Statut d'une Cour criminelle internationale, Rapport de la Commission du Droit International sur les travaux de la quarante-sixième session, 2 mai-22 juillet 1994, 1/49/10.

* 148 Cf. l'article 25 de la Charte des Nations Unies.

* 149 Article 103 de la Charte des Nations Unies

* 150 Article 25 de la Charte des Nations Unies.

* 151 Article 23 (1) du Projet de Statut d'une Cour criminelle internationale, Rapport de la Commission du Droit International sur les travaux de sa quarante-sixième session 2 Mai-22 juillet 1999 A/49/10 :

« Nonobstant les dispositions de l'article 21, la Cour est compétente conformément au présent statut pour connaître des crimes visés à l'article 20 comme suite au renvoi d'une question devant elle par le Conseil de sécurité agissant dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

* 152 Seuls quelques rares Etats se sont opposés à la faculté du Conseil de sécurité de saisir la CPI. Voir notamment les Déclarations en séance plénière au cours de la Conférence de Rome des représentants de l'Inde (A/CONF.183/SR.9 pp.2-3.), du Pakistan (A/CONF.183/SR.3, p.11.), de la Libye (A/CONF.183/SR.6, p.9.), du Mexique (A/CONF.183/SR.7, p.4.).

* 153 E. DULAC, op.cit., p.14.

* 154 Ibidem

* 155 Au titre de l'article 41 de la Charte des Nations Unies.

* 156 E. DULAC, op.cit., p.15.

* 157 Ibidem

* 158 La France, le Royaume Unie et la Russie

* 159E.DULAC, op.cit., p.15.

* 160 Article 14 de la Charte des Nations Unies :« Sous réserve des dispositions de l'Article12, l'Assemblée générale peut recommander les mesures propres à assurer l'ajustement pacifique de toute situation, quelle qu'en soit l'origine, qui lui semble de nature à nuire au bien général ou à compromettre les relations amicales entre nations, y compris les situations résultant d'une infraction aux dispositions de la présente Charte où sont énoncés les buts et les principes des Nations Unies. »

* 161 Antonio CASSESE est l'Ancien Président du TPIY et l'actuel président du Tribunal Spécial pour le Liban

* 162 S/RES/1593 (2005)

* 163 S/RES/1746 (1992)

* 164 S/RES/1827 (1993)

* 165 S/RES/1929 (1994)

* 166 Article 18§: « Lorsqu'une situation est déféré à la Cour comme le prévoit l'article 13 alinéa a) et que le Procureur a déterminé qu'il déterminé qu'il y a de bonnes raisons d'ouvrir une enquête, ou lorsque le Procureur le notifie à tous les Etats parties et aux Etats qui selon les renseignements disponibles, auraient normalement compétence à l'égard des crimes dont il s'agit. ... »

* 167 Article 53 §1 du statut de Rome : « Le Procureur, après avoir évalué les renseignements portés à la sa connaissance, ouvre une enquête, à moins qu'il ne conclut qu'il n'y a pas de base raisonnable pour poursuivre en vertu du présent statut. Pour prendre sa décision, le procureur examine : ... b) si l'affaire est ou recevable au titre de l'article 17, ... »

* 168 Article 53 §2 du statut de Rome : « Si après une enquête, le Procureur conclut qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour engager des poursuites : ... b) parce qu'il n'y a irrecevable au titre de l'article 17 ... »

* 169 Article 53 §3 al.a) : « A la demande de l'Etat qui a déféré la situation conformément à l'article 14 ou du Conseil de sécurité s'il s'agit d'une situation visée à l'article 13, paragraphe b) la Chambre préliminaire peut examiner la décision de ne pas poursuivre prise par le Procureur en vertu des paragraphes 1 ou 2 et demander au Procureur de la reconsidérer ».

* 170 Article 18§: « ... Si l'Etat lui demande, le Procureur lui défère le soin de l'enquête, à moins que la chambre préliminaire ne l'autorise, sur sa demande, à faire l'enquête lui-même. »

* 171 M.H.ARSANJANI, The Rome Statute of International Criminal Court, American Journal of Law, Vol. 93, 1999, pp.22-43.

* 172 Déclaration du représentant de l'Uruguay lors de la Conférence de Rome, au cour de la huitième séance Plénière, 18 juin 1998, A/CONF. 183/SR8, p.5.

* 173R.B. PHILIPS, op. cit., pp.81-83.

* 174 Art 124 du Statut : « Nonobstant les dispositions de l'article 12, paragraphe 1, un Etat devient partie au présent Statut peut déclarer que, pour une période de sept ans à partir de l'entrée en vigueur du Statut à son égard, il n'accepte pas la compétence de la Cour en ce concerne la catégorie des crimes visés à l'article 8 l lorsqu'il est allégué qu'un crime a été commis sur son territoire ou par ses ressortissants. Il peut à tout moment retirer cette déclaration. ....

* 175 L'article 25 (Affaires soumises à la Cour par le Conseil de sécurité) employait le terme « affaire » au sens « cas particulier », Rapport du groupe de travail sur un projet de Statut pur une Cour Criminelle Internationale, quarantième session,3mai-23juillet1993,A48/10

* 176 E. DULAC, op.cit. , p.34.

* 177 En effet, le Conseil de sécurité a déféré à la Cour la situation dans la région du Darfour au Soudan, qui est un État non partie au Statut de Rome par la Résolution 1593.. La Chambre préliminaire I est actuellement saisie de trois affaires :  Le Procureur c/Ahmad Muhammad Harun (« Ahmad Harun ») et Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman (« Ali Kushayb »), Le Procureur c/ Omar Hassan Ahmad Al Bashir et Le Procureur c/ Bahr Idriss Abu Garda.
Le suspect Bahr Idriss Abu Garda a comparu volontairement pour la première devant la chambre préliminaire I le 18 mai 2009. Il n'est pas en détention. Les trois autres suspects sont actuellement en liberté.

http://www.icc-cpi.int/Menus/Go?id=ff9939c2-8e97-4463-934c-bc8f351ba013&lan=fr-FR (visité le 5 juillet2009)

* 178 E. DULAC, op.cit., p.40.

* 179 Article 42 §1 in fine du Statut de la CPI

* 180 Article 53 §3 al. a, op. cit., p.43.

* 181 E. DULAC, op. cit., p.40.

* 182 F. LATTANZI, Compétence de la Cour Pénale Internationale et consentement des Etats, in R.G.D.I.P., 1999, n°2, p.41.

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