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Le système judiciaire en Haiti et les obstacles qui paralysent son développement

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par Gina BOURGEOT
Universite d'Etat Haiti (Faculte de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince) - Licence en Droit 2001
  

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Section II

Dysfonctionnement du système judiciaire

Les conditions générales de travail engendrées par l'état des ressources physiques, matérielles et financières décrites précédemment préfigurent le niveau de performance du système judiciaire haïtien. En termes concrets, cette performance se mesure par le nombre de cas traités par les juges et la rapidité des décisions rendues par les tribunaux de tous ordres, en fonction bien sur du nombre de cas qui leur sont soumis au cours d'une période déterminée. Par exemple, il existe à présent quarante deux (42) juges d'instruction environ répartis dans les dix-huit (18) juridictions du pays. Sur ce total, une vingtaine de juges d'instruction desservent toute la juridiction de Port-au-Prince qui comprend quatre (4) arrondissements et dix-huit communes, soit un total de plus de trois millions de justiciables.

Quand on parle de dysfonctionnement du système judiciaire haïtien, tout le monde pointe du doigt les Magistrats. La justice est un tout cohérent composée de divers éléments entre autres : Juges, officiers du Parquet, avocats, greffiers, huissiers, policiers, experts et personnel de soutien. La magistrature en est l'une de ses composantes, c'est même la plus importante. Ailleurs, dans les grands pays, elle est administrée par le ministre de la Justice et le Président de la Cour Suprême. Mais, chez nous, elle est vouée à elle-même

Traitement des Juges

A l'opposé de ce qui se fait dans les sociétés démocratiques, aux Etats-Unis par exemple, où la Cour Suprême, depuis 1922, contrôle l'ensemble du système judiciaire fédéral et tous les ans, réunit les plus anciens Juges de districts pour examiner les principaux problèmes judiciaires, nous constatons, en effet, l'analyse des dispositions du décret du 30 mars 1984, que c'est le ministre de le justice qui formule la politique du gouvernement près le pouvoir judiciaire dont il est, en quelque sorte, le chef plutôt que la Cour de Cassation, mise dans la réalité des faits, à l'écart, quant à la gestion de ce pouvoir.

A titre d'illustration, aux termes de l'article 4 de ce décret, nous lisons :

« En tant qu'organe administratif, le ministre de la justice est investi d'un pouvoir disciplinaire, du pouvoir de gestion, du pouvoir d'instruction, du pouvoir de réformation et du pouvoir réglementaire ».1

Au regard de ce qui précède, la Charte de 1987 abonde dans le même sens lorsqu'elle stipule aux termes de l'article 175 :

«  Les Juges de la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la République sur une liste de trois (3) personnes par siège, soumise par le Sénat. Ceux des Cours d'Appel et Tribunaux de Première Instance le sont sur une liste soumise par l'Assemblée Départementale concernée ; les Juges de Paix sur une liste préparée par les Assemblées Communales »2

De cet état de fait, nous constatons comment la question de nomination compromet la carrière des Juges, l'avenir du corps judiciaire ; un système qui ne fait que réduire les Juges à un état de subordination.

On demande aux Magistrats de garantir les droits des justiciables pendant que eux-mêmes n'ont pas de garantie. Ils ne disposent pas de moyen pour remplir à bien leur mission. Ils sont mal rémunérés et n'ont aucune sécurité que ce soit sociale ou environnementale.

Quand les organisations des droits humains disent dans leurs rapports que les Magistrats sont responsables de la surpopulation carcérale et en général du cancer qui ronge le système, cela nous fait rire. En quoi les Magistrats peuvent-ils être responsables de la mauvaise administration d'une

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1- « Le Moniteur » , Décret du mars 1984

2- Consstitution du 29 mars 1987, Article 175

institution ? L'article 136 de la Constitution stipule clairement que « le Président de la république veille à la stabilité des institutions et assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics »

Les Magistrats sont traités en parents pauvres par rapport aux parlementaires et aux membres de l'exécutif. On n'a qu'à jeter un coup d'oeil sur le budget qui est alloué à la justice. Du côté des sénateurs, des députés et du gouvernement, c'est l'accalmie... on ne les entend pas se plaindre. Les temps sont durs mais pas pour tout le monde.

Les Juges de paix qui n'ont pas le niveau requis, les commissaires du gouvernement incompétents et corrompus sont nommés par qui ? La refonte des codes devrait être la charge de qui ? La restauration des tribunaux, la formation continue, la spécialisation dans des domaines spécifiques, les moyens matériels et techniques, l'école de la magistrature sont sous la responsabilité de qui ? Les postes vacants doivent être comblés par qui ? Un Magistrat qui entre chez lui en tap-tap après une audience criminelle, la faute incombe à qui ? Les maisons de justice où sont entassés les Magistrats ne sont pas informatisées ni électrifiées ni même sécurisées, qui est responsable de ces irrégularités ? Et pour finir, le budget de la République, impliquant par ricochet celui de la magistrature, est élaboré, proposé, discuté et voté par qui ?

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Les Magistrats ne sont pas les seuls responsables du mauvais fonctionnement du système judiciaire mais étant donné qu'ils représentent la partie la plus importante du système c'est pourquoi nous faisons un plaidoyer pour changer leur condition de vie. Le traitement qu'on leur inflige ne fait pas honneur au pays. Les séminaires organisés, de temps à autre, par le ministère de la Justice, parrainés dans la majorité des cas par la communauté internationale ne résoudront pas les problèmes.


La magistrature suppose une infrastructure considérable et des stratégies bien définies. La question de salaire raisonnable est d'ordre primordial. Les diatribes lancées, à tout bout de champ, contre les Magistrats ne changeront pas la situation tant qu'on ne les aura pas mis dans une situation confortable de bien-être et d'indépendance et une atmosphère de confiance et de non-ingérence où ils seront à l'abri de toute tentation et de toute corruption. On est toujours prêt à condamner la magistrature mais on ferme les yeux sur les causes de son dysfonctionnement. Le gouvernement, les organisations des droits humains, la communauté internationale ne perdent pas leur temps à réfléchir sur les problèmes que confrontent les Magistrats dans leur vécu quotidien. Le cri pressant que nous lançons est:
Aidez-les, ils aideront Haïti. On doit savoir qu'une société qui ne respecte pas ses Juges et ne fait pas foi en son système judiciaire travaille à son autodestruction. Si la magistrature est un commerce rentable pour certains, pour d'autres, elle reste une profession noble, respectable, honorable.

Pour exister et être respectée la magistrature doit être prise en charge.

Le délai du traitement des dossiers

Quand on considère que chaque juge d'instruction de la juridiction de Port-au-Prince, par exemple, reçoit 50 à 60 cas, en moyenne, par semaine, leur performance en termes de cas traités et de décisions rendues est jugée très faible par de nombreux avocats consultés à ce sujet. De plus, la loi fixe à deux mois le délai imparti à un juge d'instruction pour rendre sa décision (article 7 de la loi du 26 juillet 1979 sur l'appel pénal).

Rares sont, suivant certains avocats du Barreau de Port-au-Prince, les juges d'instruction qui arrivent à rendre leurs décisions dans le délai imparti par la loi. Il suffit, disent-ils, pour s'en convaincre, de consulter les registres du greffe du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince.

D'ailleurs, la contre performance de la justice s'est traduite par l'augmentation démesurée de la population carcérale du pays. Par exemple, le Pénitencier National, construit initialement pour trois cent détenus, regorge de prisonniers. Aujourd'hui, sur un total de six milles détenus environ, 23 % seulement sont condamnés suivant un jugement rendu par les tribunaux. Dans la majorité des cas, un fort pourcentage de ces détenus n'ont pas comparu devant leurs juges naturels dans le délai légal, suivant le voeu de l'article 26 de la Constitution de 1987.

La lenteur dans le traitement des cas qui leur sont soumis réduit considérablement le nombre d'assisses criminelles tenues dans les dix-huit juridictions judiciaires de la République au cours d'une année judiciaire.

Cette mauvaise performance des tribunaux, résultent aussi bien de l'application de procédures souvent lentes et compliquées que du retard mis à l'examen des dossiers et à la proclamation des jugements, a eu pour conséquence d'accroître le niveau d'insatisfaction du public, érodant ainsi le peu de confiance placée dans le système judiciaire. Dans la perception du public haïtien, le système judiciaire est au service des intérêts des classes possédantes et travaille au détriment des intérêts des couches de la population les plus défavorisées socialement et économiquement.

La perception du public

Dans l'esprit de la majorité des haïtiens, l'idée d'une justice indépendante, impartiale, saine et équitable n'a jamais existé. Souvent, le public assimile les Cours et Tribunaux à autant de boutiques dans lesquels la justice est vendue au plus offrant. Les Cours et Tribunaux sont perçus comme étant au service permanent des factions de pouvoir. Les modes de sélection et de révocation des juges confirment, en quelque sorte cette perception, de plus, les confusions entretenues autour de la définition du terme justice accentuent davantage la mauvaise perception du public à l'égard du système judiciaire.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote