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Le système judiciaire en Haiti et les obstacles qui paralysent son développement

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par Gina BOURGEOT
Universite d'Etat Haiti (Faculte de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince) - Licence en Droit 2001
  

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Chapitre IV

Pour la Réforme du Système Judiciaire Haïtien

Eu égard aux dérives des systèmes politiques et judiciaire d'Haïti, la lutte pour l'établissement d'un Etat de droit se révèle très difficile de réussir sans la réforme du système judiciaire haïtien. La démarche première vers la création d'un Etat de droit passe par la mise en oeuvre des stratégies pour la réforme du droit et de la justice.

Section I

Indépendance effective du système judiciaire haïtien

L'indépendance dans la carrière du juge

L'article 59 de la constitution de 1987 consacre le principe de la séparation des pouvoirs. « Article 59 : Les Citoyens délèguent l'exercice de la souveraineté à trois (3) pouvoirs :

Le pouvoir Législatif

Le pouvoir Exécutif

Le pouvoir Judiciaire »

L'ensemble de ces pouvoirs constitue le fondement essentiel de l'organisation de l'Etat qui est civil « rapporte l'article 59.1 ». Chaque pouvoir est indépendant des deux autres dans ses attributions qu'il exerce séparément stipule l'article 60 de notre Charte fondamentale. Aucun de ces pouvoirs ne peut, sans aucun motif déléguer ses attributions en tout ou en partie, ni sortir des limites qui lui sont fixées par la loi et la constitution nous dit l'article 60-1. La responsabilité entière est attachée aux actes de chacun des trois, ajoute l'article 60 - 2. 

Nous constatons théoriquement que la constitution a établi clairement l'indépendance des pouvoirs. En ce qui concerne le pouvoir judiciaire il ne revient aux deux autres de consacrer son indépendance.

Une fois que la constitution établisse les conditions d'indépendance, il est impératif à ce que les responsables se réfèrent à la loi et font respecter les principes y afférents. Puisque les lois existent il nous faut d'ores et déjà des hommes et des femmes courageux qui soient capables de les faire appliquer.

L'accession à la fonction du juge

Pour que le pouvoir judiciaire soit absolument indépendant, il faut, que le magistrat de l'ordre judiciaire n'obtienne sa juridiction ni du législatif, ni de l'exécutif. Le pouvoir doit être dévolu au pouvoir judiciaire au même titre que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Les juges doivent être issus d'un concours aux fins d'exercer leurs fonctions en dehors de toute influence émanant du pouvoir politique. Et pourquoi ne pas penser a élire une partie des juges suffrage universel, de la même façon que les Sénateurs et les Députés, le Président de la République ou les conseillers municipaux, ce qui serait d'ailleurs en conformité avec la Constitution de 1987 qui dispose que les citoyens délèguent l'exercice de la Souveraineté Nationale à trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire). C'est l'ensemble de ces pouvoirs qui constituent le fondement essentiel de l'organisation de l'Etat d'Haïti (art. 59 et 59-1 de la Constitution).

Ce ne serait pas un acte anticonstitutionnel que d'élire les juges, comme cela se fait aux Etats-Unis où le système de juges élus est appliqué et très développé, non sur le plan fédéral mais au niveau des Etats. Depuis l'élection de Jackson à la présidence en 1826, quarante États des Etats-Unis ont adopté le système de l'élection des juges au suffrage universel.

Il est évident que ce système n'a pas toujours donné de bon résultat. D'abord, il ne donne aucune garantie de compétence juridique. Ensuite, les candidats aux fonctions juridictionnelles ont dû faire des alliances avec les partis politiques. Donc, outre la garantie de compétence, la garantie d'impartialité n'est pas forcément assurée par ce système.

Par contre, en Haïti, on pourrait partir sous un angle avec bien sûr certaines corrections qui permettraient aux juges élus d'exercer librement leurs fonctions sans aucune forme de redevance politique. Les critères à retenir seront : la non appartenance à un parti politique, être membre d'une association de juristes reconnue par l'Etat, l'approbation préliminaire de cette association. Alors le candidat pourra se présenter auprès de l'électorat qui aura seul le dernier mot.

Ces élections, toutefois, se réaliseront au niveau de certains juges mais, à l'instar de celles des autres pouvoirs, au suffrage universel. Les juges élus seront ceux de la Cour de Cassation et ceux des Cours d'Appel. Ils formeront alors entre eux une commission qui aurait pour mission de choisir les juges des tribunaux intermédiaires selon la pyramide judiciaire haïtienne, à partir d'un système de recrutement par concours qui permettra de les classer d'après le résultat des épreuves. Il serait indiqué alors que les dites épreuves soient assurées par des examinateurs indépendants (universitaires, anciens magistrats etc....)

Ainsi, non seulement les critères de compétence seront garantis mais l'impartialité et l'indépendance des magistrats seront assurées.

La promotion et le transfert dans la carrière du juge

L'indépendance de la Magistrature est garantie par l'Etat et trouve son fondement dans la constitution et les lois existantes. De ce fait, il  est impératif que cette indépendance soit respectée par toutes les institutions de l'Etat.

Le législateur-constituant a pris soin de protéger les Magistrats contre les éventuels abus du pouvoir Exécutif, et de définir leur statut pour leur permettre de bien remplir leur mission. C'est ainsi que l'article 177 de la constitution de 1987 stipule : les juges une fois nommés ne peuvent être l'objet d'aucune affectation nouvelle sans leur consentement même en cas de Promotion. Ces mêmes dispositions sont reprises par l'article 9 alinéa 2 du décret du 22 août 1995 tout en précisant que les Magistrats de siège sont inamovibles. Ce qui nous permettra d'étudier dans les lignes qui suivent le principe de l'inamovibilité des juges.

Le principe de l'inamovibilité des juges

Le principe de l'inamovibilité n'est autre qu'une garantie solennelle. Elle constitue de surcroît la particularité fondamentale qui distingue le Magistrat du fonctionnaire.

Or, l'histoire de l'inamovibilité est celle des atteintes successives qui lui furent portées : éclipses et vicissitudes qui permirent des « épurations » successives.

Le principe de l'inamovibilité est actuellement édicté par l'article 177 de la constitution de mars 1987 déclarant : Les juges de la Cour de Cassation sont inamovibles. Ils ne peuvent être destitués que pour forfaiture légalement prononcée ou suspendus qu'à la suite d'une inculpation. Il ne peut être mis fin à leur service durant leur mandat qu'en cas d'incapacité physique ou mentale permanente dûment constatée tout en écartant les juges de paix. Ces mêmes dispositions sont reprises par l'article 9 du décret du 22 août 1995, modifiant la loi relative à l'organisation judiciaire de 1985.

L'article 20 de ce même décret précisant que les juges des cours et des tribunaux pourront être mis à la retraite à l'âge de 60 ans, paraît s'opposer aux dispositions de l'article 177 de la constitution.

L'article 177 de la constitution confirme qu'en conséquence les Magistrats du siège ne peuvent recevoir sans son consentement aucune affectation nouvelle, même en cas de promotion. Cela implique que le Magistrat du siège sauf les juges de paix, ne peut être révoqué, ni suspendu, ni mis à la retraite, ni déplacé par la volonté arbitraire du gouvernement. Il n'en demeure pas moins que l'inamovibilité est nécessaire à l'indépendance des Magistrats. Celle-ci, tant à l'égard des citoyens qu'à celui des autres juges et la puissance publique n'est destinée à assurer le confort des Magistrats mais à garantir aux justiciables une justice impartiale.

L'indépendance dans l'exercice de la fonction du juge

La justice ne peut être qualifiée telle, dans un état démocratique, que si elle est rendue d'une manière indépendante par ceux qui sont investis de la charge de la rendre. Le principe est proclamé par tous mais se présente d'une façon infiniment complexe qu'on ne l'imagine parfois. On pense immédiatement lorsqu'on évoque l'indépendance de la justice aux moyens qui permettent de garantir la Magistrature contre l'ingérence du pouvoir politique. Mais il faut avoir bien présent à l'esprit qu'il importe aussi de protéger chaque juridiction contre l'empiètement des autres, les Magistrats contre les justiciables, enfin l'institution contre les pressions et critiques abusives des autres institutions de l'Etat.

L'indépendance dans le travail du juge

Dans un régime démocratique, le Magistrat n'est autre qu'un serviteur de la loi. Il revient au juge de rechercher dans un cadre légal les aspirations de son époque pour harmoniser ses décisions avec les réalités de son temps. L'indépendance de la Magistrature est une condition de l'exercice de cette fonction.

L'indépendance du Magistrat se manifeste par le principe qui veut que ni le gouvernement, ni à plus forte raison les autorités administratives qui lui sont subordonnées, ne puissent lui intimer un ordre pour l'inciter à statuer dans un sens déterminé : le juge statue selon sa conscience et dans le respect de la loi. Tel est le principe fondamental sans lequel la justice ne serait plus qu'un vain mot. L'idée de justice est liée à l'indépendance du juge. Elle seule est de nature à assurer l'égalité des citoyens devant la loi, à garantir que la décision de justice rendue ne soit dictée ni par le pouvoir, ni par la hiérarchie judiciaire, ni inspirée par les sentiments personnels.

Les Cours et tribunaux sont indépendants les uns des autres lit-on à l'article 59 du décret du 22 août 1995. Donc, les juges n'ont pas à recevoir des injonctions de la hiérarchie judiciaire de quelque nature que ce soit. Autrement dit, l'indépendance de la Magistrature est garantie d'un tribunal à l'autre. Quand un magistrat statue sur un cas d'espèce à lui soumis, il ne dépend que de sa conscience et de la loi. Sa décision est susceptible d'appel ou de pourvoi en Cassation.

L'indépendance des Magistrats à l'égard des autorités politiques

Elle est affirmée dans les textes tant nationaux qu'internationaux. La convention européenne des droits de l'homme dispose en effet dans son article 6-1 que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial ». Le gouvernement ne peut donc pas juridiquement donner des ordres aux Magistrats ni quant à leur attitude générale ni quant à la façon de conduire une affaire précise. Sur le terrain des principes, l'indépendance des juges est, en permanence, douteuse dans l'esprit du public qui pense toujours plus ou moins qu'à défaut de pouvoir en droit donner des ordres aux Magistrats, le pouvoir politique peut, en fait, exercer sur eux des pressions vu que les juges sont nommés par le pouvoir Exécutif soit par arrêté soit par commission du Président de la République. Cette situation est de nature à favoriser la main mise du pouvoir Exécutif sur le judiciaire. L'indépendance de la Magistrature paraît donc hypothéquée vu que les juges sont nommés par le pouvoir politique.

L'indépendance des Magistrats à l'égard des justiciables et des avocats.

L'office du juge, est de par nature même, susceptible de valoir à celui qui l'exerce le mécontentement d'au moins une personne chaque fois qu'il se livre à un acte de sa fonction. Il est donc nécessaire de le protéger contre le ressentiment exprimé par le plaideur. Mais à l'inverse, et comme en matière statutaire, il est bien évident que l'office du juge ne doit pas être une licence pour faire n'importe quoi. Il est donc nécessaire d'accorder aux justiciables certains moyens pour le cas où les Magistrats pourraient être suspectés de ne pas être impartiaux ou même auraient fait preuve manifeste de partialité.

Le premier moyen de protection des juges est une protection sur le plan civil s'exerçant dans le cas d'accomplissement normal de ses fonctions. Elle consiste à assurer les Magistrats que leur responsabilité ne pourra être engagée au résultat des décisions prises dans le cadre de l'exercice correct de leur fonction. Hors le cas de faits particuliers, les Magistrats ne sont pas, en effet, responsables de leurs actes régulièrement accomplis, même dans l'hypothèse où ceux-ci porteraient préjudice à quelqu'un.

La deuxième sorte de protection normale des Magistrats se situe sur le plan pénal. Il existe en effet, toute une série de dispositions de la loi pénale qui punissent ceux qui adressent à des Magistrats des outrages et des menaces, ou qui exercent des violences sur leurs personnes.

Face au corps des avocats, la Magistrature est tout à fait indépendante parce que le juge ne dépend que de la loi et de sa conscience.

Somme toute, le problème de l'indépendance de la Magistrature dans notre droit et dans les traditions haïtiennes est bien réel.

Dans cette étude, nous avons essayé de faire une esquisse du problème, il s'agira d'arriver à un mécanisme qui permettra de résoudre des conflits inhérents au système monté par la constitution. Point n'est besoin de poser le principe d'égalité entre les différents pouvoirs de l'Etat : Exécutif-Judiciaire. Car, ils sont indépendants l'un de l'autre (art. 59), mais ils ont également des attributions différentes et la solution réside dans la délimitation simple et claire des compétences de chacun de ces Pouvoirs.

Ce qui nous permettra d'aborder à la deuxième section : Les stratégies à mettre en oeuvre pour la réforme du système judiciaire haïtien.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry