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Les relations entre la France et les Seychelles d'après la presse française (1977-2004)

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par Guillaume BURDEAU
Université Paris Ouest - Nanterre - La Défense - Master 2 Histoire 2010
  

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Chapitre VIII : L'imbrication de la France et des

Seychelles

Nous parlons ici d'« imbrication » en désignant en même temps l'ingérence, la participation ou la réaction de la France et des Seychelles à un événement de la politique intérieure de l'un et de l'autre, ou encore le suivi de l'évolution du pays par les diplomates. La politique intérieure des États fait partie de la vie diplomatique. Lors de rencontres diplomatiques ou politiques, les hommes politiques ou les diplomates parlent souvent de la situation intérieure de leur pays. Les diplomates, en particulier les ambassadeurs ou les consuls, ont pour mission de rapporter la situation intérieure des pays où ils sont accrédités. C'est parce que les instances dirigeantes d'un État sont tenues au courant de la situation des pays dans le monde par le biais des diplomates, mais aussi de la presse, qu'elles peuvent réagir à tel ou tel événement, comme un coup d'État, des élections ou à la politique extérieure entreprise par le pays. Ainsi, dans notre étude, la France suit les affaires seychelloises et inversement. Quels éléments sont rapportés par la presse française ?

A) La France dans les affaires seychelloises

Le premier aspect que nous pouvons évoquer est la réaction du gouvernement français face au nouveau régime seychellois issu du coup d'État du 5 juin 1977. Nous pouvons inclure quatre articles de notre corpus. Tout d'abord, nous avons la reconnaissance officielle du régime par l'annonce de la venue du ministre de la Coopération pour assister aux cérémonies du premier anniversaire de l'indépendance des Seychelles256. Pour La Croix, les capitales occidentales ont entériné officiellement le changement de régime. Parmi ces capitales, nous pourrions y inclure Paris257. Si les préoccupations d'indépendance des Seychelles du nouveau régime ont été entendues par Paris d'après Le Figaro258, nous pouvons supposer que le gouvernement français s'est montré inquiet des liens « apparemment » étroits entre les Seychelles et la Tanzanie progressiste de Julius NYERERE, puisque Philippe DECRAENE évoque devant le président RENÉ lui-même « l'inquiétude de certaines chancelleries » sur ce sujet259.

256 ANONYME, Le Monde, 24 juin 1977.

257 ANONYME, « La révolution du sourire », La Croix, 22 août 1977.

258 ANONYME, « Les Seychelles : clés de l'océan Indien », Le Figaro, 12 septembre 1978.

259 DECRAENE Philippe, « Nous n'accepterions en aucun cas une base militaire dans l'archipel », Le Monde, 13 septembre 1978.

États riverains » (nous pouvons penser à Madagascar ou au Sri Lanka). C'est pour cela que RENÉ, en visite à Paris du 11 au 13 septembre, a tenté d'obtenir l'appui de la France « pour que son pays vive dans [cette] « zone de paix » », d'où le titre de l'article : « France-Albert René : Une zone de paix pour les Seychelles ». Cet article met en lumière l'une des principales lignes de politique extérieure du président RENÉ : la démilitarisation de la région, le démantèlement des bases étrangères implantées dans l'océan Indien et la création d'une « zone de paix ». On la retrouve dans la Libération du 13 septembre 1978 avec la conférence des partis progressistes, dont celui de RENÉ, du 27 au 29 avril 1978, réclamant la démilitarisation de l'océan Indien et visant particulièrement les forces françaises. La volonté de neutraliser l'océan Indien et de créer cette « zone de paix » remonte au début des années 70. L'océan Indien est marqué par la guerre froide et la rivalité entre les États-Unis et l'URSS dans cette région260. De ce fait, les États riverains réagissent : le 16 décembre 1971, la proposition du Sri Lanka de créer une « zone de paix » est adoptée à l'ONU par 61 voix pour et 55 abstentions dont celle de la France261. La France est l'État le plus concerné par le projet de démilitarisation et de création d'une zone de paix dans l'océan Indien. Sa présence militaire dans la région est la plus importante, bien qu'elle soit modeste, grâce à sa flotte, mais aussi à ses bases (cf. annexe n°13). Elle s'était donc montrée défavorable en premier lieu. Mais sa position particulière la contraint à devenir favorable au projet262. L'article de La Croix correspond à ce contexte d'acceptation de la France de l'idée de créer cette « zone de paix ». Pourtant, la présence militaire française est maintenue « au nom de la paix »263. En effet, son retrait aurait été profitable pour les superpuissances, en particulier l'URSS264. La France rappelle aussi son rôle de stabilisatrice265.

260 MAZERAN Hélène, Géopolitique de l'Océan Indien, Paris, PUF, 1987.

261 LA GRANGE Arnaud de, La France dans la géopolitique du Sud-Ouest de l'océan Indien, Paris, Paris4-Sorbonne, 1988.

262 Op. cit. LA GRANGE Arnaud de, La France dans la géopolitique du Sud-Ouest de l'océan Indien, Paris, Paris4-Sorbonne, 1988.

263 MAURICE Pierre et GOHIN Olivier (dir.), Les relations internationales dans l'Océan Indien, Saint-Denis, Université de La Réunion, Faculté de droit et des sciences économiques et politiques, 1993.

264 Op. cit. LA GRANGE Arnaud de, La France dans la géopolitique du Sud-Ouest de l'océan Indien, Paris, Paris4-Sorbonne, 1988.

265 Op. cit. MAZERAN Hélène, Géopolitique de l'Océan Indien, Paris, PUF, 1987.

Cela est vérifié avec le coup d'État manqué des mercenaires du 25 novembre 1981 et de la rébellion militaire du 17 août 1982 (cf. chapitre VI « L'état et la qualité des relations francoseychelloises ». Ce sont les événements les plus marquants de l'histoire des Seychelles sous France-Albert RENÉ. Et c'est à travers ces événements que nous remarquons le plus l'imbrication de la France dans les affaires seychelloises.

Plusieurs articles de journaux français traitent du coup d'État manqué des mercenaires et ses conséquences. Les titres du Monde, du Figaro, de La Croix, de Libération et du Matin des 27 et 28 novembre 1981 évoquent un coup d'État manqué, l'échec d'un débarquement de mercenaires sud-africains ayant fait vaciller le pouvoir, une « bataille pour l'océan Indien ». Presque tous ces articles ont une taille non négligeable. Le putsch manqué a fait la une de la LOI du 28 novembre 1981 sous la forme d'un article de grande taille (une page entière). On y décrit le

déplacement d'une centaine de mercenaires majoritairement sud-africains à bord neuf morts dont deux civils, quatre-vingt-onze mutins arrêtés dont deux des chefs de la mutinerie.

Dans son roman, La Poudrière des Seychelles, Pierre SOUBIRON présente l'ambassadeur Georges VINSON en train de suivre attentivement et discrètement la situation depuis l'ambassade de France, jumelles à la main273. Pendant la mutinerie militaire, les journaux français ont réussi à obtenir le témoignage de l'ambassadeur de France - son nom n'est pas cité - et d'un diplomate, de nationalité française également, d'où notre choix d'étudier les articles sur la mutinerie militaire dans notre sujet. L'ambassadeur et le diplomate sont des témoins oculaires puisqu'ils étaient présents à Victoria au moment des faits : ainsi donc, en prenant en compte leur statut, leurs témoignages peuvent être jugés crédibles. Malheureusement, ces témoignages ne sont présentés qu'en quelques lignes seulement : ce sont donc des brides d'informations. Le Monde du 20 août 1982 rapporte le témoignage de l'ambassadeur depuis son interview par Radio-Monte-Carlo le soir du 18 août. On apprend que George VINSON a présenté la rébellion comme étant « un règlement de compte entre militaires » et non une tentative de coup d'État. Libération rajoute d'autres éléments que ne cite pas Le Monde. Ainsi, selon l'ambassadeur, « les otages ne semblaient pas avoir été libérés » l'après-midi du 18 août et a confirmé la reprise de la radio, ainsi que le port de Victoria, après « des combats assez violents ». Le Matin a publié le 19 août 1982 le résumé de son interview, réalisé par appel téléphonique, faite à un diplomate français en poste à Mahé. D'après ce diplomate, « il s'agissait seulement d'une rébellion de la base, au niveau local, sans manipulation de l'étranger ». En effet, le régime pouvait facilement imaginer un complot étranger, en particulier celui de l'Afrique du Sud comme semblait prouver l'appel à l'aide des mutins au gouvernement de l'apartheid. Le diplomate décrit la situation aux Seychelles : « la plupart des rebelles, un groupe fort d'une cinquantaine d'hommes environ, ont été arrêtés, mais certains sont parvenus à s'enfuir et à se disperser dans la nature ». Donc, d'après lui, « tout est terminé ». Enfin, nous avons l'envoi de navires de guerre français à l'appel du président RENÉ (cf. chapitre VI « L'état et la qualité des relations franco-seychelloises »).

273 SOUBIRON Pierre, La Poudrière des Seychelles, Paris, Denoël, 1992, p.181-183.

274 « Visite du ministre des Affaires étrangères de la République des Seychelles », News Press, 1er octobre 2002 ; « Visite du ministre des Affaires étrangères de la République des Seychelles », News Press, 4 octobre 2002.

Il ne faut pas oublier d'inclure dans notre étude les articles relatant la crise diplomatique entre la France et les Seychelles après l'arrestation de CHEVALLEREAU et du débarquement forcé des marins du Topaze puisque la France est mêlée à la répression organisée par le régime seychellois (cf. chapitre VI « L'état et la qualité des relations franco-seychelloises »). Ou encore la pression exercée sur le régime de RENÉ afin de démocratiser son régime ou pour améliorer la situation des droits de l'Homme dans l'archipel (cf. chapitre IX « La diplomatie française des droits de l'Homme et de la démocratie aux Seychelles »).

Enfin, grâce à deux dépêches de News Press274, le ministre seychellois des Affaires étrangères et président en exercice de la COI, Jérémie BONNELAME, et le ministre délégué français à la Coopération et à la Francophonie, WILTZER, ont discuté de la situation intérieure des Seychelles, en particulier des élections législatives prévues prochainement et la politique économique du régime. Ainsi, ils ont discuté de la possibilité de la venue d'une mission

d'observation internationale et l'état des discussions des Seychelles avec le FMI dont dépend l'examen de la dette seychelloise au Club de Paris.

B) Les Seychelles dans les affaires françaises

Nous constatons que la presse française évoque également les Seychelles dans les affaires françaises. Mais les articles traitant ce sujet sont moins nombreux que sur la France dans les affaires seychelloises : huit articles de notre corpus. Comme quatre d'entre eux proviennent de la LOI, nous pouvons en déduire que sans cet hebdomadaire, nous avons une vision extrêmement fermée des Seychelles dans les affaires françaises. Pourtant, malgré ces articles, notre vision demeure toujours extrêmement étroite en raison des types d'informations qu'ils nous fournissent. Parmi les quatre articles de la LOI, trois évoquent la mise en garde de RENÉ au président MITTERRAND contre l'activité des opposants seychellois installés en France et le « complot » de la France contre son régime dont nous pouvons inclure Le Point du 1er juin 1987275. Nous allons donc voir quels sont les sujets traités par la presse française sur les Seychelles dans les affaires françaises.

275 « Un entretien exclusif avec le président France-Albert René (suite) », La Lettre de l'Océan Indien, 13 septembre 1986 ; « Les dix du régime », La Lettre de l'Océan Indien, 6 juin 1987 ; BIANCHINI Roger, « Nous ne sommes la colonie de personne... », Le Point, 7 juin 1987 ; « Satisfecit américain », La Lettre de l'Océan Indien, 18 juillet 1987.

276 BALENCIE Jean-Marc, La Diplomatie navale française en Océan Indien (1967-1992), Lille, Atelier national de reproduction de thèses, 1992, p. 285.

277 DOMERGUE-CLOAREC Danielle, La France et l'Afrique après les indépendances, Paris, Sedès, collection Regards Sur L'histoire, 1995, p.300-304.

278 HASKI Pierre, « Échec à un débarquement de mercenaires sud-africains », Libération, 27 novembre 1981.

L'élection de François MITTERRAND à la présidence de la République française le 10 mai 1981 est sans nul doute l'un des événements politiques français qui a le plus marqué les Seychelles sous France-Albert RENÉ. Nous savons qu'il y a eu une certaine euphorie dans l'Étatarchipel et que l'élection a été longuement saluée par le quotidien gouvernemental Nation. En effet, il y a la mise en place d'un régime socialiste en France - donc un gouvernement proche de celui des Seychelles - reposant sur une idéologie tiers-mondiste et généreuse276, et MITTERRAND a déclaré être pour le changement dans la logique de la coopération et du dialogue277. Dans Libération, Pierre HASKI cite un extrait d'une interview publiée par AfriqueAsie sur la réaction du gouvernement seychellois à l'élection de MITTERRAND278. On apprend que le régime socialiste a été soulagé. RENÉ justifie ce soulagement aux attentes de changement de son gouvernement envers le nouveau régime français. En effet, en cette période de crise diplomatique (1979-1981), RENÉ présentait la France comme l'une des trois principales sources de déstabilisation des Seychelles, avec les États-Unis et l'Afrique du Sud. Le régime de RENÉ espère donc ne pas être déçu.

Le 29 mars 1986, la LOI publie un article en reprenant un autre paru dans le Canard enchaîné du 19 mars 1986 et intitulé « Baby Doc chez Papy Médecin ». Les deux articles se portent sur la négociation entre la France et les Seychelles sur la possibilité que l'État-archipel accueille comme terre d'exil le dictateur haïtien Jean-Claude DUVALIER dit Baby Doc, renversé par la rue le mois précédent et se trouvant alors en France, d'où le titre de la LOI : « Négociation sur Baby Doc ». Pierre SOUBIRON évoque ces négociations dans son roman. D'après le Canard enchaîné, RENÉ aurait accepté d'accueillir sur le sol seychellois DUVALIER sous deux conditions. La première condition aurait été acceptée par la France : il a exigé le renforcement de la coopération franco-seychelloise. La deuxième, par contre, aurait été refusée, ce qui explique pourquoi le dictateur déchu d'Haïti soit encore présent en France. Cette condition portait sur le financement des États-Unis au gouvernement seychellois « pour remercier les Seychelles de leur hospitalité ». D'après le Canard enchaîné, les Américains ont en fait manoeuvré pour que l'ancien dictateur haïtien reste en France pour écorcher l'image de la France aux yeux d'Haïti et réduire ainsi son influence dans ce pays.

Le 12 janvier 1996, Le Monde publie une liste de cent-soixante-et-onze pays représentés aux obsèques de MITTERRAND célébrées à Notre-Dame. Parmi ces pays et chez les États africains, il y a les Seychelles. En revanche, aucun nom n'est cité. Étant donné que la majorité des personnes présentes sont des dirigeants, on peut supposer que c'est RENÉ en personne qui a assisté à la cérémonie.

La presse nous permet de voir la diplomatie dans la politique seychelloise principalement à travers le coup de force manqué des mercenaires et la rébellion militaire. On peut voir que la France est impliquée dans la politique de RENÉ de démilitarisation et de création d'une « zone de paix » dans l'océan Indien. En revanche, la presse, y compris la LOI, ne nous fournit pas assez d'informations sur la France dans les affaires seychelloises telles les élections, la politique étrangère des Seychelles ou l'évolution politique de l'archipel. La presse française nous donne encore moins d'informations sur les Seychelles du président France-Albert RENÉ dans les affaires françaises. Parmi les éléments qui ne sont pas couverts, il y a la réaction des Seychelles face à la politique étrangère de la France vis-à-vis de l'Afrique, en particulier au Tchad dans les années 70 ou encore après l'élection de Jacques CHIRAC le 7 mai 1995. La réaction seychelloise de l'élection de François MITTERRAND n'est pas assez évoquée, et nous savons pourtant que les Seychelles, son gouvernement et ses habitants étaient très enthousiasmés, voir euphoriques. Et nous savons également que la France faisait souvent la une de Nation, le seul journal autorisé par le régime entre 1979 et 1991. Donc, la presse métropolitaine ne constitue pas une excellente source sur l'imbrication de la France et des Seychelles. Néanmoins, elle nous donne des indications pouvant nous orienter, et il y a la possibilité de renforcer l'étude sur l'imbrication de la France et des Seychelles avec les journaux d'outre-mer, la presse seychelloise279, des témoignages des acteurs des relations franco-seychelloises et enfin les documents d'archives diplomatiques françaises et seychelloises.

279 Il faudra faire preuve de prudence vis-à-vis des articles de presse seychelloise. S'il existe quelques rares journaux libres entre 1977 et 1979 avant d'être remplacés par un quotidien unique jusqu'en 1992, l'information n'était pas libre : elle était même contrôlée par le gouvernement socialiste.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon